Qu'est-ce qu'être français ? Flashcards
L’appartenance à la nation française résulte d’une adhésion volontaire à un projet commun.
Les historiens opposent traditionnellement deux définitions antagonistes de la nation. Premièrement, la conception dite « objective » ou « allemande » de Fichte. L’idée centrale est que la nation repose sur des faits objectifs : la langue, la race (dite aujourd’hui ethnie), le milieu culturel, une histoire commune, une géographie cohérente, marquée par des frontière naturelles ». Deuxièmement, la conception « française » ou « subjective », pour laquelle la nation se construit d’abord au présent, à travers le consentement des peuples. La conception subjective est présente dès la Révolution car elle proclame le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En 1790, la noblesse allemande proteste contre la suppression des droits féodaux qui lui appartenait en Alsace, et réclame une indemnisation. L’AN lui refuse, suivant l’argumentation développée par le député Merlin de Douai « Le peuple alsacien s’est uni au peuple français parce qu’il l’a voulu ». En 1871, l’historien allemand de l’Antiquité, Théodore Mommsen, justifie le rattachement de l’Alsace et de la Moselle au Reich par des arguments tirés de l’histoire, de la linguistique et du droit médiéval. L’historien français de l’Antiquité, Fustel de Coulanges, lui donne la réplique : « Tous les raisonnements du monde n’y changeront rien. Vous avez beau invoquer l’ethnographie et la philologie. Nous ne sommes pas ici dans un cours d’université. Nous sommes au milieu des faits et en plein cœur humain. (…) La patrie, c’est ce qu’on aime » (L’Alsace est-elle allemande ou française ?, 1872).
Les thèses défendues par Ernest Renan dans sa conférence « Qu’est-ce qu’une nation ? » de 1882 reflètent la conception française de la nation.
Selon lui, l’idée nationale est « une idée, claire en apparence, mais qui prête aux plus dangereux malentendus ». Dans la première partie de la conférence, les nations, entendues comme des individualités historiques, constituent un phénomène nouveau dans l’histoire. De ce fait, la question de l’appartenance est un baril de poudre qu’il faut manier avec les plus grandes précautions. De la Serbie à la Côte d’Ivoire en passant par l’Ukraine ou le Pays basque, les passions nationales font l’objet de bien des manipulations. Dans la deuxième partie de la conférence, Renan dispose qu’ « Une nation n’est pas un Zollverein » (au XIXe, union douanière qui a précédé l’unification politique de l’Allemagne). Pour lui, une nation est « un plébiscite de tous les jours ».
En France, l’État a précédé la Nation
contrairement à ce qu’il s’est passé en Allemagne ou en Italie. La construction politique, le royaume de France, a fini par susciter un fort sentiment d’appartenance parmi les populations. La France est l’œuvre des rois capétiens qui ont agrandi leur domaine et imposé leur autorité, contre les féodaux, l’empereur et le roi d’Angleterre. Ce travail d’unification du pays a été repris par la révolution, avec tout autant d’autorité. Mirabeau écrit, en 1790, que c’est « par l’Assemblée nationale que les Français, jusqu’alors agrégation inconstituée de peuple désunis, sont véritablement devenus une nation ». Or, c’est sous-estimé le travail accompli par la monarchie. En réalité, 1789 ne constitue pas une rupture, la révolution, puis la république, ont continué à saper les identités locales et régionales. La France est une construction, pensée et exécutée par le pouvoir central. Aucune unité ethnique, culturel ou linguistique ne prédisposait les français à vivre ensemble, « car, qu’y a-t-il de commun, je vous prie, entre un Flamand et un Basque, un Corse, un Alsacien, pour ne pas dire un Kabyle et un Breton ? » (Conversations dans le Loir-et-Cher, Paul Claudel). Il n’existe pas non plus de « frontière naturelle », ni d’unité géographique, géologique, climatique ou dans la faune et la flore. « Ce sont cependant les Français (…) qui ont fait d’eux-mêmes ce que le monde voyait pour la première fois : une nation, un corps où l’esprit et la volonté pénétraient et dominaient en la matière, quelque chose de si incorporé et de si fondu que notre République a pu prendre comme synonyme le magnifique titre de Une et Indivisible » (Conversations dans le Loir-et-Cher, Paul Claudel).
Deux facteurs objectifs ont invité les Français à former une Nation. D’une part, le christianisme.
Les francs ont été le premier peuple barbare en Occident à s’être converti au catholicisme, lors du baptême de Clovis et de ses guerriers, à Reims, autour de l’an 500. Sous la monarchie, le roi de France était dit « très chrétien ». Ce titre est reconnu comme spécifique au roi de France dès le XIIIe siècle. Certes la république et la démocratie se sont construites en partie contre l’église catholique. Pourtant l’héritage chrétien les a beaucoup influencés. Les concepts à l’origine des droits de l’homme (dignité, fraternité) ont été forgé ou retravaillé par des auteurs chrétiens. Par ailleurs, au XXe siècle, le patriotisme et le nationalisme ont souvent emprunté des accents religieux. D’autre part, la langue française. Elle joue dans notre identité un rôle particulièrement important. Nombre d’étrangers affirment que l’on est vraiment intégré dans la communauté française quand on parle bien sa langue. Autrement dit, « La France, c’est la langue française » (dans un entretien au Monde, 1985, Fernand Braudel, historien). L’intervention du pouvoir central, le roi, puis le président, fut essentielle dans le triomphe du français. En effet, « Si la langue put finir par s’imposer, ce fut notamment parce qu’elle bénéficia (…) de l’appui constant du pouvoir royal » (Le français, histoire d’un combat, 1997, Claude Hagège, Linguiste). L’ordonnance de Villers-Côtterêts (1539) rend obligatoire l’usage du français dans les documents officiels. En 1635, Richelieu crée l’Académie française afin de donner à l’unité du royaume une langue qui la symbolise. Au 18e siècle, le français atteint son apogée, puisqu’il est devenu la langue des cours princières et de toute l’Europe cultivée. Sous la Révolution, dans son célèbre discours La langue française et la défense de la révolution (1794), Bertrand Barrère soutient que « Chez un peuple libre, la langue doit être la même pour tous », et que « Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton ; l’émigration et la haine de la République parlent allemand ; la contre-révolution parle italien et le fanatisme parle basque ». La IIIe Rép. bannira ensuite les « patois » des cours et des préaux d’école. Ainsi, la reconnaissance au XXe siècle des langues régionales ou minoritaire fut donc tardive, peut-être trop tard pour les sauver toutes.
L’État est le symbole même de l’existence du pays
L’État occupe une place essentielle dans la vie quotidienne des Français. À la moindre difficulté, qu’elle soit climatique, économique ou sociale, on n’en appelle à « l’État » et à ses « subventions ». Par exemple, un candidat à la présidentielle qui déclare que « l’État ne peut pas tout », perd aussitôt plusieurs points dans les sondages (Lionel Jospin, 2002).
L’égalitarisme français ne date pas de la Révolution.
Sous l’ancien régime, déjà, l’Église y affirmait que tous les hommes étaient égaux devant Dieu (sans toujours mettre ses actes en accord avec ses paroles). Cependant, c’est la révolution a fait de l’égalité une valeur fondamentale. Dans la nuit du 4 août 1789, il y a l’abolition des privilèges, bénéficiant à certaines catégories de la population, souvent depuis des générations. A partir de 1848, l’égalité devient l’un des trois termes de la devise (Liberté, Égalité, Fraternité). Cependant, l’égalitarisme français est entaché pour deux raisons. D’une part, l’attachement des français à la propriété, qu’ils assimilent à la liberté. Dès le Moyen Âge, la France est un pays de petits propriétaires ruraux. Aujourd’hui, l’attachement ancestrale des Français à la terre semble s’être mué en un amour de la pierre, l’immobilier faisant figure de valeur refuge. D’autre part, le souci du rang et le goût de la distinction, que leur a légué l’aristocratie.
L’universalisme français est un héritage de l’universalisme chrétien ou catholique.
Au Moyen-Âge, la France se veut être un nouvel Israël. C’est la raison pour laquelle les rois de Judas sont sculptés sur la façade de Notre-Dame de Paris. À la révolution, les statues, prise à tort pour celle des rois de France à la révolution, sont décapitée. En 1789, apparaît une dimension nouvelle de cet universalisme : la France devient le pays de la liberté et des droits de l’homme. La DDHC traduit cet idéal. Mirabeau déclare : « c’est pour le monde entier que vous allez travailler et l’espèce humaine vous contrat au nombre de ses bienfaiteurs » (AN, 17 août 1789). Au 19e et 20e siècles, il y a de multiples affirmations de l’universalisme français, parfois bien immodestes. Par exemple, le général de Gaulle aurait affirmé que « La France est la lumière du monde, son génie est d’éclairer l’univers » (C’était De Gaulle, Alain Peyrefitte). Jean-François Revel, répondant ironiquement, « depuis le temps que la France « rayonne », je me demande comment le monde entier n’est pas encore mort d’insolation ». Cependant, l’universalisme français peut prendre une tournure plus humble et plus ouverte. Par exemple, lors du bicentenaire de la révolution, en 1989, la France fait appel à des architectes étrangers pour l’arche de la défense et la pyramide du Louvre. La république entend marquer le caractère universel de cette célébration. Surtout, la France est en concurrence avec d’autres nations dépositaires d’une tradition universaliste, particulièrement les Etats-Unis. Il y a un choc des deux universalismes lors de l’intervention en Irak en 2003. Dominique de Villepin, dans son célèbre discours au conseil de sécurité des Nations unies, n’a pas manqué de souligner de quel côté se tenait, cette fois, les valeurs de l’humanité et de la liberté.
La France est le « pays de la littérature » (Pierre Lepape).
« Aucune autre nation ne lui accorde une place comparable. Il n’y a qu’en France où la nation entière considère la littérature comme l’expression représentative de ses destinés (…). Victor Hugo : « La littérature, c’est la civilisation ». Pour la France en tout cas ces mots sont l’image exacte de la réalité. » (Essai sur la France, 1930, Ernst Robert Curtius). Cette vocation née vraiment que XVIe siècle. Auparavant, la France était surtout réputée pour la valeur de ses armées, son droit et ses facultés de médecine et de théologie. Le projet culturel s’affirme avec Louis XII et François Ier. Tout au long des derniers siècles, les écrivains et les intellectuels ont jouit d’un prestige inégalé en France. À son ministre de la justice lui conseillant de faire arrêter Sartre, qui était l’un des porteurs de valise du Front National de libération (FNL) algérien, le général de Gaulle aurait répondu « On n’arrête pas Voltaire ». Notre pays possède ainsi une tradition de haut fonctionnaire écrivain, et de diplomate écrivain. Cependant, cette tradition s’effondre, rare sont ceux qui sont encore capables d’écrire leurs livres seuls. On peut citer : François Bayrou, Dominique de Villepin, Bruno Le Maire.
La culture française est mal adaptée au capitalisme.
Selon un sondage de 2006, seulement 37% des français considèrent que le capitalisme est une bonne chose (c/ 80% des russes et 72% des chinois). La France serait mal adaptée à l’économie de marché, allergique au capitalisme, et peu douée pour l’innovation. Ce qui s’expliquerait par le poids du catholicisme, ainsi que certaines expériences historiques malheureuses (Banqueroute de Law ; échec des assignats). Ce qui a empêché la naissance d’une société ouverte et concurrentielle (a contrario du RU ou des Pays-Bas).
La France s’est peu tournée vers la mer et les aventures.
Tout se passe comme si la civilisation française était restée agraire et paysanne. Selon une anecdote de Paul Morand : « Le tour du monde n’est pas un exercice français ; treize périples avaient déjà été accomplis par les grandes nations de l’Europe, que pas un Français ne s’y était encore risqué. Il faut attendre 1714 pour qu’un contrebandier nommé La Barbinais le Gentil, poussé par un besoin tout national de frauder le fisc, tente l’aventure. Il fit le tour du monde bien à contrecœur. Sa frégate s’appelait La Boudeuse ». En effet, les Français ont un attachement fort et durable pour la terre. Contrairement aux anglais, les Français ont su résister à l’exode rural du XIXe siècle. Ce n’est qu’au recensement de 1931 que le nombre d’urbains (vivant dans une commune de plus de 2000 habitants) avait dépassé celui des ruraux. Selon François Mauriac « Cybèle a plus d’adorateurs en France que le Christ ». Certes, aujourd’hui, la France est une population urbaine. Pour autant, les Français continuent à avoir la nostalgie des campagnes (ex : mouvement de rurbanisation).
L’attachement des français à l’Etat peut facilement se muer en acceptation du despotisme.
En raison du rôle central joué par l’Etat, les Français auraient développé une approche autoritaire et verticale des problèmes. Ils n’auraient pas été habitués à se prendre en charge eux-mêmes. Selon les auteurs libéraux, ils n’auraient pas véritablement de goût pour la liberté. Dans son ouvrage Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand soutient que « Les Français vont instinctivement au pouvoir ; ils n’aiment point la liberté ; l’égalité seule est leur idole. Or, l’égalité et le despotisme ont des liaisons secrètes » (Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand). Il s’agit d’un héritage de l’Ancien Régime et de sa culture de la cour. Sous la monarchie, il y avait un processus vertical : il fallait se faire bien voir du principe et de ses proches, le ton était donné à la bourgeoisie parisienne qui diffusait ses modèles dans les provinces. Après 1789, l’absolutisme royal a été repris par le jacobinisme et le bonapartisme. Tous trois partagent la même conception de la souveraineté : Le monarque étant remplacé par la Nation. La continuité est frappante, même avec la Révolution. La République fait également preuve d’autoritarisme (ex : unification linguistique). Cependant, le goût des français pour les solutions venues d’en haut a plusieurs conséquences. D’abord, la politique fait l’objet d’un véritable culte dans notre pays, au détriment de l’économie et du social. Ensuite, les Français ont tendance à privilégier des solutions radicales : Depuis 1791, adoption d’une bonne quinzaine de Constitutions, quand les Etats-Unis ont conservé la leur. Enfin, les Français ont du mal à concevoir une vie politique sans un chef fort et admiré. Ils désirent qu’une personnalité extraordinaire se place à leur tête, surtout en période de déclin ou de crise. Un chef d’Etat « normal » peut très vite décevoir (ex : François Hollande).
Les Français ont une trop grande confiance en eux-mêmes.
Pendant longtemps, le « roman national » a affirmé le caractère exceptionnel de la France. La très grande confiance des Français en eux-mêmes a nourri le reproche d’arrogance. Le Moyen-Âge avait pensé la France comme un nouvel Israël. C’est la raison pour laquelle les rois de Judas sont sculptés sur la façade de Notre-Dame de Paris. Les rois capétiens prenant naturellement la suite de ceux de Juda. À la révolution, les statues, prise à tort pour celle des rois de France à la révolution, sont décapitée. A l’époque moderne, un mythe des origines troyennes de la France permet de mettre les Français au même niveau que les Romains, peut-être même au-dessus. D’après la légende, Francus ou francion aurait fui Troie en flammes pour venir fonder Paris. Le pouvoir royal ne plaisantait pas avec ce sujet. En 1714, Nicolas Fréret, qui avait montré l’inanité de cette légende, fut dénoncé par ses ennemis comme diffamateur de la monarchie et embastillé. Sous la Révolution et l’Empire, la France se voulait l’incarnation même de la civilisation et de la justice. Enfin, sous la IIIe République, les géographes aimaient représenter la France comme un pays favorisé, dont ils vantaient la beauté des cours d’eau et des paysages, et comme « une terre du milieu » où tout s’équilibre, voire comme le centre du monde. La France est l’un des rares pays d’Europe qui se soit soucié de chercher le centre géométrique. Il se situe à Saint-Palais, dans le département du Cher. Il y est matérialisé par une borne rappelant l’omphalos ou nombril du monde que les anciens grecs situaient à Delphes. « Tu dois aimer la France, parce que la Nature l’a faite belle, et parce que l’Histoire l’a faite grande » (Manuel d’histoire, Ernest Lavisse).
La nation française doute d’elle-même (Les failles du roman nationale).
La crainte du déclin hante les Français depuis deux siècles, en raison de plusieurs tâches sur le « roman national ». D’abord, le régime collaborationniste de Vichy a rompu avec les valeurs républicaines et participé à la déportation des juifs. Ensuite, la décolonisation a été particulièrement mal gérée par la France, avec un certain nombre d’épisodes répressifs, comme à Sétif le 8 mai 1945 ou à Madagascar en 1947, et avec le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie. Enfin, pendant des décennies, le monde intellectuel français a soutenu le totalitarisme communiste sous ses variantes successives (soviétique, castriste, titiste, maoïste…), et nombre d’écrivains et d’artistes ont préféré, selon l’expression consacrée « avoir tort avec Sartre plutôt que raison avec Aron ». Or, c’est contraire à la réalité historique, la France n’a pas à rougir, pour l’essentiel, de son long passé. En 2005, la France pourtant dirigée par un Premier ministre admirateur de Napoléon Bonaparte, n’a pas commémoré la victoire d’Austerlitz, mais a envoyé une escadre participer aux commémorations de sa défaite à Trafalgar. C’est tout aussi excessif que les discours chauvins de naguère. Conséquence peut-être de l’écart entre la grandeur du passé et les réalités présentes, un profond pessimiste s’est emparé de la France. Les Français semblent en proie à la « sinistrose ». Les sondages décrivent une population qui n’a plus confiance en son avenir. Selon un sondage de l’institut CSA de 2013, deux tiers des français considéreraient vivre une crise sans précédent. Les jeunes ne pensent plus qu’à l’expatriation, la France est le plus gros consommateur de psychotropes d’Europe. Le principal ennemi du français, c’est lui-même. Cette mélancolie nationale risque de s’autoalimenter, de devenir inguérissables et de dissuader deux qui voudraient rejoindre la communauté française.
Les Français cherchent des ennemis, traîtres, sur qui imputer leurs échecs ou difficultés.
D’abord, des ennemis extérieurs. En France, l’ennemi héréditaire fut longtemps l’Anglais. Ensuite, ou concomitamment, ce fut l’Allemand. Après la défaite de 1870, la France était littéralement obsédée. Les Etats-Unis ont aussi joué ce rôle d’adversaire. Pendant toute la guerre froide, le Parti communiste dénonçait l’impérialisme américain, fauteur de guerre, et la « coca-colonisation » censée abaisser la culture du pays. Ensuite, des ennemis intérieurs, ou traîtres, car comme soutenait Renan « Un peuple vaincu se dit toujours trahi ». La France cultive une ambiance de guerre civile depuis la révolution de 1789. Aucun des deux « camps » politiques ne veut avoir affaire à l’autre. L’adversaire politique est souvent accusé de servir l’intérêt des puissances étrangères. Il difficile d’imaginer une « grande coalition » réunissant la gauche et la droite comme il en existe en Allemagne. Enfin, les Français ont recours à la « causalité diabolique ». Autrement dit, à l’interprétation de l’histoire par le complot et à la dénonciation d’individus ou de groupes censés être à l’origine de tous les malheurs du temps. Aujourd’hui, persiste une certaine agressivité des Français face à ceux qui ne deviennent pas Français ou qui n’adoptent pas les valeurs du pays. Le projet assimilationniste rend les Français plus durs aux étrangers que les autres peuples.
La France subie un affaissement démographique.
Or, la démographie est bien souvent la condition de la puissance permettant de soutenir et d’exporter un modèle national. Dans son ouvrage Six Livres de la République (1577) Jean Bodin soutenait qu’ : « Il n’y a de richesse, ni force que d’hommes ». Jusqu’en 1795, la France demeure le pays le plus peuplé d’Europe. Ce dynamisme démographique permet à la France d’affronter à plusieurs reprises la coalition des autres peuples européens (ex sous François 1er, Louis XIV), et explique en partie les victoires de la Révolution et de l’Empire. Cependant, la France est le premier pays du monde à s’engager dans la « transition démographique » dès 1800. Sous la IIIème République, elle apparaît comme le pays de l’enfant rare. Les contemporains en sont bien conscients, même s’ils divergent sur les causes du phénomène : les uns incriminent les effets délétères du code civil, l’égalitarisme des successions incitant les masses rurales à restreindre les naissances pour éviter le morcellement des terres, d’autres dénoncent la trop longue durée du service militaire (2, puis 3 ans). Entre 1890 et 1914 : les décès sont plus nombreux que les naissances, alors que la population en Allemagne s’accroît de 500 000 habitants par an. Pendant des décennies, la population française stagne autour de 40 millions d’habitants. En 1945, le général de Gaulle invite les Françaises à donner à leur pays « 12 millions de beaux bébés », et ce vœu est presque entièrement exaucé.