Les femmes et le pouvoir Flashcards
Figaro magazine, anthropologue Françoise Héritier, 2011
Certains auteurs ont avancé l’idée que les sociétés les plus anciennes auraient été matriarcales. Toutefois, les thèses de l’existence de sociétés matriarcales sont unanimement rejetées par la communauté scientifique. Françoise Héritier résume bien l’état des connaissances en la matière. Les seuls exemples de sociétés matriarcales sont mythiques. Des sociétés où le pouvoir serait entre les mains des femmes avec des hommes dominés n’existent pas et n’ont jamais existé. Le modèle archaïque dominant sur la planète est en place dès le départ. La société des Amazones relève du mythe grec. Les quelques exemples d’armées féminines ne sont pas anodins puisqu’il s’agit de femmes ménopausées ou prépubères, la période génitale est exclue.
L’héritage grec
Un fait historique est bien établi, l’exclusion des femmes de la citoyenneté dans les cités grecques antiques. La première démocratie, Athènes, s’est constituée en rejetant d’emblée les femmes du corps civique. Ce précédent a pesé lourd dans les réflexions sur le sort des femmes, à toute époque. Les femmes ont longtemps été privées du droit de s’exprimer en public. Pour les Grecs, il y a deux espèces distinctes au sein du genre humain. La femme est confinée au cœur du gynécée (contraire de l’agora) et doit se contenter des travaux domestiques.
L’Épître aux Corinthiens, Saint Paul
dérangé au cours de ses prêches par les bavardages des femmes, et a une formule promise à un bel avenir : « que la femme se taise dans les églises » ou « dans les assemblées », toujours l’interdit de la parole.
Traité de l’autorité politique, Baruch Spinoza, 1670
Pour lui, la faible participation historique des femmes à l’exercice du pouvoir relève de leur infériorité naturelle. Ce discours qui tend à justifier l’infériorité sociale des femmes en se fondant sur des caractéristiques physiologiques est appelé par certains sociologues, à commencer par Pierre Bourdieu, la « biologisation du social » (La Domination masculine, 1998, Pierre Bourdieu).
L’Emile, Rousseau
Pour lui, toute l’éducation des femmes doit être relative aux hommes, leur plaire, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, leur rendre la vie agréable et douce. Pour éviter l’adultère, fatal à la continuité de la lignée et à la pureté de la race, il faut donc imposer aux femmes des obligations supplémentaires. Il faut qu’elle reste chaste et suive un code de conduite particulièrement stricte. Rousseau est terrifié par l’adultère, il a d’ailleurs abandonné ses 5 enfants car il nourrissait des doutes sur la fidélité de sa femme. Idée > L’émancipation des femmes au XXe commence par la maîtrise de leur propre fonction reproductive.
Napoléon
disait de la duchesse d’Angoulême qu’elle était « le seul homme de la famille » des bourbons, car elle faisait preuve d’une énergie dont les autres membres de la dynastie finissante ne témoignaient guère.
L’enlèvement des sabines, tableaux de Nicolas et Poussin réunis dans la grande salle du Louvre
Le mythe de l’enlèvement des Sabines par les Romains. Pour créer et perpétuer une cité ou une société, des femmes sont indispensables. Peu après sa fondation par Romulus, la première génération des hommes de Rome se procure des femmes en les enlevant aux autres cités, notamment aux sabins (épisode relaté par Tite-Live). Les cités dont les filles avaient été enlevées entrèrent en guerre avec Rome mais furent défaites les unes après les autres.
La civilisation tend à enfermer les femmes dans une série de rôle ou de figures préconstruites, qui sont rapidement intériorisés par les intéressées
(1) La mère. (2) La madone ou sainte. (3) L’épouse ou ménagère aujourd’hui (repli forcé sur la maison), (4) la putain aimée mais pas respectée (favorites royales, qui auraient gouvernées la France). (5) La magicienne ou sorcière (emblème d’un nouveau féminisme). (6) L’égérie ou la muse.
Femmes, le pouvoir impossible, Marie-Jospeh Bertini, 2002
En étudiant quelques médias représentatifs, elle relève que les femmes représentent 18% seulement des personnes citées, le plus souvent sans que le métier soit précisé. Lorsque l’on évoque leur action, elles sont systématiquement discréditées par le recours aux 6 figures précitées, auxquelles elle ajoute une 7ème : La pasionaria. La femme est du côté de la passion, quand elle se mêle de politique, elle en fait trop, elle exagère, elle privilégie le sentiment sur la raison. Elle relève dans la presse les appellations de « madone des sections socialistes » (pour Martine Aubry), « madone anti-pacs » (pour Christine Boutin), « pasionaria de l’archivage électronique » (pour Françoise Nanat-Berger, archiviste en chef du ministère de la justice, colonne du Monde 2001). Elle souligne la dimension réductrice de ce vocabulaire.
Le monde, 2018
L’association « ENA 50/50 » s’indignait que les femmes n’aient été que 37,5% à entrer à l’ENA en 2017. Or, les candidats reçus à l’ENM aujourd’hui sont aujourd’hui à 80% des femmes. Toutefois, si 50% des places sont réservées aux hommes, ne risque-t-on pas d’empêcher des femmes compétentes d’embrasser la carrière de leur choix ?
Les « gender studies » (« études de genre » ou « théorie du genre »)
distinguent le sexe et le genre pour s’interroger sur la construction des rôles sociaux attribués aux hommes et aux femmes. C’est un ensemble de méthodes auxquelles ont recours les militants de la cause des femmes, homosexuels, transsexuels pour critiquer les institutions traditionnelles de la société. Pour Judith Butler, l’une des figures du mouvement, la définition classique du genre, fondée sur le sexe biologique, ne serait qu’une pure construction sociale et culturelle, au service de la domination de l’homme sur la femme. Selon elle, il faudrait remplacer l’identité sexuelle, y compris sur les documents officiels, par les orientations sexuelles variées choisies librement par chaque personne. Chacun s’inventerait son genre, qui pourrait évoluer au cours de la vie. La notion de famille devrait être repensée, pour inclure toutes les combinaisons possibles voulues par les individus et variables au cours du temps. Elle propose d’utiliser toutes les ressources de la technique pour s’affranchir des obstacles posés par la nature, elle milite notamment pour la légalisation des mères porteuses.
La vaste mutation anthropologique que proposent les gender studies pose des problèmes considérables
qu’on le veuille ou non, la différence de sexe est un fait de nature, inscrite dans les chromosomes. La déconstruction des genres propre à ce courant trahit souvent le fantasme d’individus qui souhaitent s’affranchir de toutes les limites posées sur la nature ou la société. De surcroît, ils tendent à réduire les individus à leur détermination sexuelle, ce qui ne revient pas forcément à les libérer.
Le wokisme (éveillé, sous-entendu à toutes les discriminations) et la cancel culture (culture de l’effacement) surfent sur cette tendance
Par exemple, en 2018, le Canada a changé son hymne national pour le rendre plus neutre. La phrase « True patriot love in all thy sons command” (L’amour véritable de la patrie anime ses fils) est devenue « True patriot love in all of us command » (L’amour véritable de la patrie nous anime tous). Et même si elle se justifient par les meilleurs sentiments du monde, de telles initiatives, hautement idéologiques, ne sont pas sans rappeler la manipulation du langage à l’œuvre dans les régimes totalitaires, si bien décrite par George Orwell dans 1984, de 1949.
Académie française, 2017
a adopté à l’unanimité de ses membres une déclaration dénonçant l’écriture inclusive comme un « péril mortel » pour la langue. Elle a été interdite dans les textes officiels.
Citations
Elisabeth Badinter : qui refusait « l’aumône d’une parité octroyée par les hommes »
Le Monde, Françoise Giroud, 1983 : « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente ».
