La culture et l'Etat en France Flashcards
L’existence d’une politique culturelle pilotée par l’Etat constitue l’un des aspects les plus marquants de l’exception française
Alors que dans les pays anglo-saxons, l’art et la culture relèvent d’abord de la vie privée et des choix individuels, en France ils font l’objet d’une politique publique spécifique, appuyée sur des administrations bien identifiées. L’intervention de l’Etat dans ce domaine n’a rien d’évident en régime démocratique et libéral.
Les bases de l’État culturel sont posées dès l’Ancien régime
Au Moyen-Âge, l’Église commence à perdre son monopole culturel. A la Renaissance, la vocation culturelle du pouvoir français s’affirme. Si jusque-là la France était la fille aînée de l’Église, elle est désormais « mère des arts, des armes et des lois ». François 1er mène une politique d’encouragement aux arts (ex : construction du château de Chambord). Ses successeurs, une fois passé les guerres de religion, ont à cœur de reprendre cette politique. Richelieu fonde l’Académie française. Surtout, Louis 14 dirige personnellement la politique artistique du royaume. A sa mort, il regrette d’avoir « trop aimé les bâtiments », mais il a porté à son apogée le rayonnement de l’architecture française en Europe.
La Révolution consacre le monopole de l’État sur l’action culturelle et éducative
Soucieuse de faire table rase du passé, elle se montre hostile au mécénat et aux institutions culturelles de l’Ancien régime. Cependant, cette attitude d’hostilité dure peu. En édictant qu’il n’y aurait plus désormais que « l’intérêt particulier de chaque individu et l’intérêt général », la rupture avec le libéralisme des pays-anglosaxons est consommé. L’Etat peut devenir selon la formule de Pierre Rosanvallon « un instituteur du social », revendiquant le monopole de la culture et de l’éducation.
La politique culturelle se dote d’instruments puissants avec André Malraux
Ministre d’État, chargé des Affaires culturelles de 1959 à 1969. 1) Le bilan de sa politique est impressionnant : Une administration cohérente est créée. Ex : 1960, les décrets consacrés à la culture doublent / 1962, procédure de protection et de restauration des centres urbains anciens (vieux Lyon, Marais) / fin années 1960, procédure de dation. 2) Rayonnement internationale de la culture française. Ex : Musée du Louvre expose ses réserves à la Défense / La Joconde voyage aux EU, et la Vénus de Milo au Japon / Il négocie directement avec les chefs d’États étrangers / Expositions qui sont des grands-messes de l’art universel (le shah d’Iran pour sept mille ans d’art iranien (1961), l’Égypte avec Nasser, en pleine guerre des Six jours, pour le trésor de Toutankhamon (1967).
L’avènement du « tout culturel » (Marc Fumaroli) avec Jack Lang
en 1981. Dès le milieu des années 1980, le 1% culturel atteint. « Grands travaux » : Louvre, Arche de la Défense, Opéra Bastille, Bibliothèque national. Loi sur le prix unique du libre, interdisant les rabais supérieurs à 5%. Les biens artistiques exonérés de l’impôt sur les grandes fortunes. Surtout, le champ d’action du ministère s’élargit à d’autres formes d’art, réalisant presque le vœu utopique de mai 1968 « que l’art descende dans la rue » (jazz, musique techno, multiplication des commémorations, fêtes et célébrations > « Fête de la musique », « Journées européennes du patrimoine ».
La République, Platon
penseur hostile au soutient public à l’art et aux artistes (rare). Il n’accorde aucune place aux poètes dans l’organisation politique et sociale. Il affirme même que si Homère en personne se présentait dans sa cité idéale, il devrait être raccompagné à l’extérieur - poliment, mais fermement. C’est d’autant plus surprenant qu’Homère était « l’éducateur de la Grèce », selon la formule de Platon lui-même. Platon reproche aux poètes de chercher à plaire plus qu’à instruire, à divertir plus qu’à dire le vrai, à flatter plus qu’à former des caractères bien trempés. Il cherche aussi à délégitimer le mythos, le récit élégant des poètes, au profit du logos, le discours rationnel des philosophes.
Au moment de la Révolution, l’utilité sociale de l’art fait de nouveau débats
L’abbé Grégoire estime que les beaux-arts ont acquis une importance excessive par rapport à la leur valeur réelle. Il affirme qu’une idée vraiment utile vaut mieux que des milliers d’œuvres artistiques. Il suggère que l’argent investi dans les arts par Louis 16 aurait pu être utilisé pour stimuler l’industrie et l’agriculture. En opposition, le député Boissy d’Anglas soutient que la culture est essentielle à l’émancipation des individus, indispensable à l’éducation et contribuent à adoucir les mœurs et rendre les gens heureux. « Les arts sont à la vie ce que les fleurs sont à la nature ».
L’art a une triple utilité
éducative, car il forme des citoyens plus libres et plus vertueux ; sociale, car il console les malheureux et adoucit les violents ; économique, enfin, car il contribue à l’excédent de la balance commerciale.
La défense du patrimoine
aujourd’hui, les pouvoirs publics mettent l’accent sur le patrimoine industriel (usines), le « petit patrimoine » (moulin, four à pain, croix rurales, chapelles) et sur le patrimoine immatériel (danses, folklores, savoir-faire). Le succès des Journées européennes du patrimoine (1991) montre combien les français sont attachés à leur héritage.
La défense du spectacle vivant
Baumol et Bowen (1966) montrent que, à la différence d’autres domaines, le spectacle du vivant doit assumer des coûts en travail qu’il ne peut supprimer, aucun gain de productivité possible. « L’exécution d’un morceau de Purcell ou de Scarlatti ne nécessite ni plus ni moins de temps qu’en 1684 ». La seule solution réside dans une subvention versée par l’État, qui doit intervenir pour les empêcher de disparaître.
Mainstream, Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde, Frédéric Martel, 2010
s’efforce de comprendre pourquoi l’Amérique est devenue « l’usine à rêve » du monde. Il détaille les stratégies de fabrication des œuvres, qui conjuguent marketing de masse et études de marché préalables destinées à cerner les attentes des spectateurs. En effet, les films, chansons et séries américaines participent largement à l’influence des EU dans le monde.
Les accords Blum-Byrnes de 1946
avaient ouvert le marché français du cinéma aux films américains en échange d’une aide financière importante des EU. En 1948, pour atténuer leur effet, l’État a décidé de prélever 10% du prix des tickets d’entrée pour aider les producteurs de films et les salles de cinéma. C’est la base du système encore en vigueur aujourd’hui qui rapporte environ 230 millions d’euros par an. La moitié de cette somme est reversée aux producteurs français pour les films qu’ils ont sortis (moins le film a réalisé d’entrées, plus le pourcentage de réversion est fort), tandis que l’autre moitié finance de nouveaux films sur projet.
L’échec de la démocratisation culturelle
La « culture des écrans » et les pratiques amatrices triomphent.
Les français passent en moyenne 3h16 / jour devant la télévision.
70% des Français ne vont jamais voir un concert.
Seuls 2% des Français vont à l’opéra au moins 1 fois / an.
50% des Français ne sont jamais allés au théâtre de leur vie.
91% des Français possèdent au moins 1 livre, mais 10% seraient illettrés au sens qu’ils auraient des difficultés à se servir de la lecture comme d’un moyen de connaissance, 27% ne lisent pas un livre par an.
Le Gouvernement de la culture, Maryvonne de Saint Pulgent
a mis en lumière la « prolifération culturelle » qui caractérise la France de la seconde moitié du XXe siècle. Elle dénonce même la création d’une « bulle culturelle », qui n’aurait plus aucun rapport avec les besoins des populations. Elle note, par exemple, qu’en 1997 Paris offrait 6 000 soirées de musique classique, deux fois plus qu’en 1982, mais que le taux de remplissage moyen des salles était tombé à 60 % (il ne dépasse pas 30 % pour les salles de théâtre). La politique culturelle reviendrait-elle à financer, grâce à la dette publique et aux impôts des classes moyennes, des spectacles qui font le bonheur des classes les plus favorisées ?
Crise de l’art contemporain
Signe d’un effondrement culturel ? 1/ Depuis le milieu du 19e siècle, tous les mouvements artistiques se veulent des avant-gardes en rupture avec le passé. Or, il semble qu’il ne reste plus de tradition à rompre et qu’il ne soit plus guère possible de choquer. Ex : photographie Piss Christ d’Andres Serrano, 1987, d’un crucifix baignant dans du sang et de l’urine. 2/ Un autre courant de l’art contemporain vise la reproduction en série d’œuvres largement conceptuelles. Il domine le marché de l’art, établissant sans cesse de nouveaux records de vente. Ex : Jeff Koons notamment est à l’origine des Balloon Dogs. 3/ Parfois, mélange des deux courants. Ex : En 2015, la sculpture d’Anish Kapoor Dirty Corner, installée dans les jardins du château de Versailles et opportunément rebaptisée Vagin de la reine