Nations, patries : des appartenances à dépasser ? Flashcards
La fin des terroirs, Eugen Weber, 1976
soutient que le pays n’a vraiment été unifié que par les chemins de fer, qui ont désenclavé les différentes provinces, et surtout par l’école de la IIIe Rép., qui a fait disparaître les parois et imposé une culture commune. D’autres auteurs, comme Julien Benda, que c’est seulement le jour de la déclaration de guerre du 2 août 1914 que les Français auraient enfin eu le sentiment de faire une seule nation. Aujourd’hui, les spécialistes s’accordent pour estimer que, vers le milieu du XVe siècle, « le sentiment national est désormais bien conscient ». La guerre de Cent Ans aurait, sinon produit, du moins accéléré la maturation des consciences.
Criton, Platon
montre Socrate restant fidèle à Athènes et préférant mourir plutôt que de fuir la citée qui l’a pourtant injustement condamné. Le lien familial permet en effet d’exprimer tout ce qu’un individu doit à la société qui l’a éduqué et protégé.
Pendant la guerre de succession d’Espagne
La situation du royaume est particulièrement difficile (famine, désastres militaire, pays envahi par les armées étrangères). Dans une lettre lue dans toutes les Églises, puis imprimée, Louis XIV détaille les ouvertures diplomatiques faites par la France pour obtenir la fin du conflit, mettant l’accent sur l’intransigeance des puissances coalisées contre la France. Il en appelle au patriotisme des français pour refuser la paix à tout prix.
A la fin du 18e siècle, les concepts de nation et de patriotisme sont invoqués pour penser l’affranchissement des individus face à la monarchie de droit divin
Le 17 juin 1789, les États généraux, rejetant l’appellation qui les désignait depuis des siècles, se qualifient d’ « Assemblée nationale ». Alors que le roi ordonne la dissolution de cette nouvelle instance. Jean-Sylvain Bailly répond à son envoyé : « Monsieur, je crois que la nation assemblée ne peut recevoir d’ordres ». C’est alors que, selon une légende forgée après coup, Mirabeau se serait exclamé : « Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple, et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes ».
Les marxistes se veulent internationalistes
Pour eux, « les ouvriers n’ont pas de patrie ». Seuls les possédants en ont une, car ils possèdent des biens, alors que les prolétaires « n’ont à perdre que leurs chaînes ». Les hommes doivent agir et unir leurs efforts en fonction de leurs classes sociales. Cependant, malgré ces discours, l’histoire montre que les solidarités de classe ne parviennent pas à dépasser le cadre national. Par ailleurs, les marxistes accréditent l’idée selon laquelle les sacrifices patriotiques des soldats de la Grande guerre ont été accomplis à l’instigation et pour le seul profit des capitalistes impérialistes.
Film de Jean Renoir, La Grande Illusion, 1937
Il se déroule dans les camps de prisonniers allemands de la PGM, où vivent ensemble des soldats de tous grades et milieux sociaux. Renoir montre que, malgré la guerre et les barbelés, les sympathies s’établissent avant tout en fonction des classes sociales. Ainsi, un amour naît entre l’ouvrier Maréchal et la fermière allemande Elsa, tandis que le capitaine français Boëldieu et le commandant allemand von Rauffenstein, deux aristocrates qui partagent le même code de l’honneur et sont parfaitement conscients que la fin de leur monde est proche, deviennent presque amis.
En 1871, de nombreux ouvriers français quittent l’Alsace et la Moselle devenues allemandes par fidélité à leur ancienne patrie, ce qui apporte un premier démenti à la théorie marxiste.
L’enracinement, Simon Weil, 1943
Quand quelqu’un va dans le dévouement beaucoup plus loin que son cœur ne le pousse, il se produit inévitablement par la suite une réaction violente, une sorte de révulsion dans les sentiments. Cela se voit souvent dans les familles, quand un malade a besoin de soins qui dépassent l’affection qu’il inspire. Il est l’objet d’une rancune refoulée parce qu’inavouable, mais toujours présente comme un poison secret. La même chose s’est produite entre l France et les Français, après 1918. Ils lui avaient trop donné.
En 2022 : L’invasion russe de l’Ukraine, en galvanisant les populations attaquées, contribue paradoxalement à renforcer l’identité du pays et à en faire une nation à part entière. L‘opinion publique mondiale assiste en quelque sorte en direct à la naissance d’une nation.
Facteurs du rejet du nationalisme
ouverture des sociétés européennes, étroitesse d’esprit des mouvements nationalistes, expériences des deux guerres mondiales, faillite du roman national, sociétés individualistes, interdépendances des peuples.
Menaces de la nation
par le bas « le régionalisme », par le haut « l’union européenne ». Les régions ont profité de l’essor de l’UE, qui a affaibli les États, au point que l’on observe aujourd’hui des tentations indépendantistes partout en Europe. La fragmentation des veilles nations risque de marquer le triomphe des égoïsmes locaux. Dans un monde sans nation, il n’existerait plus que des communautés ou, à l’extrême, des individus en situation de concurrence. Les nouvelles régions indépendantes risqueraient d’être tout aussi chauvines que les États qui les ont précédés.
L’intégration républicaine. Essais de théorie politique, Jürgen Habermas, 1996
Selon lui, nulle identité préexistante, provenance historique ou culturelle homogène n’est requise pour relier entre eux les membres d’une communauté politique. Il suffit que qu’ils aient la conviction, donnée ou acquise, que les valeurs démocratiques qu’ils partagent sont susceptibles de fonder un ordre pacifique juste. Les identités collectives peuvent être construites en s’appuyant sur un document fondateur spécifiant les droits et obligations des individus (Constitution). Il songe à la naissance des EU (« Nous, Peuple des Etats-Unis » C° 1787), et à la création de la République fédérale allemande (Loi fondamentale de 1949 fondée sur les droits individuels). Cependant, il n’est pas certain que les droits de l’homme et la liberté individuelle suffisent à fonder une collectivité politique. De fait, aucune « nation européenne’ n’a pour l’heure émergée.
Le Vertige de Babel, Pascal Bruckner, 1994
L’amour du pays peut servir d’antidote au « vertige de Babel ». La mondialisation fait planer le risque d’une uniformisation appauvrissante des cultures. Elle risque d’aboutir à une « bouillie babélienne ». En résulterait un irréversible amoindrissement des singularités humaines. Il dénonce l’avènement d’une « sous-culture universelle chargée de remplacer les autres, ce pot-pourri à base de fast-food, d’uniformité vestimentaire, de séries télévisées, etc. Le recul de la diversité linguistique constitue un premier signe de cette uniformisation appauvrissante. Selon le linguiste Claude Hagège, le monde comptait encore 5 000 langues parlées au début du 21e siècle. Au rythme actuel, en 2100, il n’en comptera sans doute plus que 2 500.
Éloge des frontières, Régis Debray, 2010
dénonce le lieu commun selon lequel l’humanité irait mieux sans frontières, dans un monde « sans dehors ni dedans ». Internet, les paradis fiscaux, les cyberattaques, les nuages volcaniques et l’effet de serre nous conduisent tout droit à ce monde sans frontières. Pourtant, les frontières sont inhérentes à l’histoire de l’humanité, comme en atteste l’Ancien Testament, où Dieu sépare la terre et le ciel, mettant ainsi de l’ordre dans les éléments. Les frontières jouent un rôle de filtre, permettant leur franchissement mais à certaines conditions fixées par les groupes politiques. Elles contribuent à transformer une population en demos, c’est-à-dire en peuple au plein sens du terme. La frontière est une marque de modestie et de respect : non, je ne suis pas partout chez moi. Contrairement à une idée répandue, il ne s’est jamais créé autant de frontières au sol au cours de ces cinquante dernières années. Pour lui, « si l’économie se mondialise, le politique se providentialise ».
L’expression « patriotisme économique »
apparue chez certains économistes français dans les années 1990, et popularisé par le premier ministre Dominique de Villepin en 2005, elle sert le plus souvent à plaider, de façon plus ou moins discrète, en faveur du protectionnisme. Trois types de politiques : 1) La protection des entreprises jugées stratégiques ou situées sur des marchés sensibles. 2) Volonté de privilégier la nationalité et l’identité du capital pour faire émerger des champions nationaux (tradition gaulliste, douteux aujourd’hui). 3) Défendre l’attractivité du territoire en menant une politique de soutien aux entreprises nationales (conforme aux principes de l’économie libérale.
Citations :
Montesquieu, L’Esprit des Lois, 1748 : « Or le gouvernement est comme toutes les choses du monde : pour le conserver, il faut l’aimer »
Lettre à un ami allemand, Albert Camus, 1945 : « J’aime trop mon pays pour être nationaliste ». Il n’y a pas d’alternative absurde entre négliger les autres pays pour aimer le sien et négliger sa patrie pour aimer le reste du monde.
Pascal Ory, 2020, Qu’est-ce qu’une nation ? Une histoire mondiale : « de la révolution d’octobre en Russie à la pandémie de 2020, la nation qu’on disait moribonde ou pire dépassée est plus vivante que jamais. On ne compte plus à la surface de la terre les mouvements de libération national, de l’Écosse à la Catalogne, de la Palestine au Kurdistan ».
