L'école républicaine aujourd'hui Flashcards
Rapport sur l’organisation de l’instruction publique, Nicolas de Condorcet, 1792
développe des projets éducatifs autour de deux idées-forces. D’une part, la croyance au progrès. D’autre part, « rendre la raison populaire ». Il a deux objectifs. Premièrement, l’émancipation politique des français. Pour éviter la captation du pouvoir, un minimum de connaissances générales est indispensable. Deuxièmement, il désire rendre effectif le principe d’égalité devant la loi et les charges sociales proclamé par l’article 6 de la DDHC. L’éducation doit être chargée de combler, sur la durée, le fossé entre les principes égalitaires de la Révolution et la réalité des inégalités concrètes. Visionnaire, il souligne l’importance de l’éducation tout au long de la vie. Ses projets ne trouvent pas d’application immédiate, mais ses idées fermentent tout au long du 19e siècle chez les libéraux et républicains, qui considèrent que la diffusion de connaissances entraînera mécaniquement la libération des consciences et la résolution des problèmes sociaux. Paradoxalement, l’école républicaine commence avant l’arrivée des républicains. Cependant, ce sont bien les républicains qui feront de l’école une grande cause nationale.
L’Année terrible, recueil de poèmes, Victor Hugo, 1872
Il imagine un dialogue entre un juge d’instruction et un jeune homme qui vient d’incendier une bibliothèque. Le juge fait honte au coupable et souligne combien son acte dessert ses intérêts véritables : « Mais c’est un crime inouï̈ ! / Crime commis par toi contre toi-même, infâme ! /, Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme ! » Surtout, le magistrat fait l’éloge du livre et de ses pouvoirs libérateurs en des termes qui gagneraient sans doute à être médités encore aujourd’hui. Et le jeune coupable de répondre seulement, en une chute inattendue : « Je ne sais pas lire. » Le message de ce poème éminemment humaniste est clair : il faut commencer par alphabétiser les masses pour diffuser les Lumières et, à terme, rendre la société tout entière plus pacifique.
L’école républicaine remporte quatre grands succès
1) Elle élève le niveau des élèves dans tous les domaines, 2) diffuse les valeurs des Lumières et contribue à enraciner le régime, 3) permet une certaine mobilité sociale, 4) et prépare l’émancipation des femmes en leur ouvrant les portes du savoir.
René Rémond : Selon, lui l’école républicaine aurait préservé les français du fascisme dans les années 1930 en les vaccinant contre les tentations totalitaires dès l’enfance.
Albert Camus : fils d’ouvrier agricole tué au front, est élevé par sa mère illettrée, avec ses deux frères, dans des conditions très précaires. En 1957, il dédie son Prix Nobel à son ancien instituteur Louis Germain.
Traditionnellement, les historiens adressent quatre reproches à l’école de la IIIe République.
1) Elle est nationaliste, du moins ardemment patriote. 2) Elle est peu ouverte à la différence, au regard de nos critères actuels. 3) Elle donne la portion congrue aux sciences. 4) Elle est socialement élitiste.
Antoine Prost
Le phénomène de massification débute en 1960 pour l’enseignement scolaire et en 1980 pour l’enseignement universitaire. Toutes ces décisions ont entraîné ce que l’histoire de l’éducation a qualifié d’explosion scolaire. Aujourd’hui, presque 100% des membres d’une classe d’âge se retrouvent au collège. Depuis 1968, le nombre d’étudiants a été multiplié par 5.
Le niveau monte, Christian Baudelot et Roger Establet, 1989
leur argument principal est qu’il faut comparer ce qui est comparable. Une classe de 6ème d’aujourd’hui, par exemple, ne peut être comparée à une classe du même niveau de 1930, car, entre-temps, une bien plus grande partie de la génération a été scolarisée. La même classe accueille donc une population socialement beaucoup plus diverse. Ils insistent sur les difficultés méthodologiques qui se posent, lorsqu’on envisage de mesurer l’évolution du niveau scolaire : comme l’a démontré Durkheim, ni les contenus, ni les formes pédagogiques ne se maintiennent à travers le temps.
Toutefois, ces explications ne convainquent plus grand monde aujourd’hui
Les tests dit « PISA » menés par l’OCDE, qui comparent tous les 3 ans les systèmes éducatifs en analysant les performances d’un échantillon d’élèves de 15 ans entretiennent l’idée bien ancrée d’une baisse du niveau de l’école (2016 : 19ème pour la compréhension de l’écrit / 26ème en mathématiques / 26ème pour la culture scientifique). Le constat est celui d’une baisse de niveau dans toutes les disciplines, mais le débat public se porte en particulier sur l’illettrisme. Surtout, il y a une déculturation générale de la jeunesse. Le baisse du niveau n’est pas propre à la France, aux Etats-Unis, la dégradation des compétences scolaires a débuté dans les années 1960, soit au moment de la généralisation de la télévision.
Étude, Le Recrutement social de l’élite scolaire en France – évolution des inégalités de 1950 à 1995, 1995
La proportion d’étudiants provenant de familles modestes (père agriculteur, ouvrier, employé́, artisan ou commerçant) dans les quatre « très grandes écoles » (ENS, ENA, X, HEC) – est passée de 29% en 1950 à 9% en 1990 et 8,6% en 1995.
Succès documentaire Être et avoir de Nicolas Philibert 2002
qui suivait pendant une année l’école à classe unique de Saint-Étienne-sur-Usson, dans le Puy-de-Dôme, soumise à l’autorité bienveillante d’un instituteur proche de la retraite, M. Lopez. Les médias se sont enthousiasmés pour ce maître ferme et rigoureux, amoureux de son métier et à la pédagogie bien peu moderniste. Toutefois, lorsque Gérard Lopez réclama une partie des bénéfices du film, ils le critiquèrent avec virulence, tant il est vrai que, pour l’opinion d’aujourd’hui, un instituteur se doit d’être pauvre.
A la fin du 20e siècle, les pédagogies « puérocentristes »
soucieuses de mettre « l’enfant au centre » du système éducatif deviennent dominantes. Elles remonteraient à Michel Montaigne qui préférait, pour son élève idéal, « une tête bien faite à une tête bien pleine », même s’il ajoutait : « encore que je préfèrerais qu’il eût les deux » (Essais, 1580). Selon Jean-Jacques Rousseau, la nature de l’homme est, sinon bonne, du moins neutre, mais se voit corrompue par la société. Une telle doctrine conduit logiquement à laisser l’enfant s’épanouir, à intervenir le moins possible dans son développement, à réduire la contrainte dans l’enseignement.
Pour une philosophie politique de l’éducation, Marcel Gauchet, 2002
« On ne sait pas vraiment enseigner ce « savoir apprendre ». On apprend à apprendre à partir de ce que l’on sait déjà. Un apprentissage par cœur, des exercices répétitifs sont nécessaires. Or, l’enseignement repose trop aujourd’hui sur des méthodes dites « actives » et fait la part trop belle aux « activités d’éveils ».
Cultures lycéennes, La Tyrannie de la majorité, essai, Dominique Pasquier, 2005
Schématiquement, les rapports verticaux, c’est-à‑dire entre enfants et parents, deviennent moins contraignants que les rapports horizontaux, c’est-à‑dire entre les membres de la classe d’âge. En un mot, la « tyrannie des pairs » aurait succédé à la « tyrannie des pères », et n’est pas forcément un progrès. Elle relève que les adultes ne se mêlent plus de la vie culturelle, amoureuse ou amicale des jeunes, qu’ils font preuve d’une grande tolérance à cet égard et que, dans l’ensemble, la cohabitation au sein de la famille est bien plus harmonieuse que dans les années 1950-1970, marquées par de durs conflits entre les pères et leurs fils. Le seul point de friction qui subsiste entre les parents et les enfants est le travail scolaire, tant il est vrai que le diplôme est devenu décisif dans le destin social des individus. En revanche, les lycéens subissent une pression plus forte de la part des autres jeunes.
L’écrivain Daniel Pennac a parlé de « tribalisation de l’échec »
Dans les banlieues dites « difficiles », qui ont connu ou connaissent une forte immigration, cette pression sociale alimente une véritable « culture du cancre », qui contribue à tirer le niveau vers le bas. Dans certaines classes difficiles, le refus du travail scolaire est perçu comme le signe d’une tribu. Il est vrai que l’échec collectif protège de l’insuccès individuel : quand tout le monde échoue, personne n’échoue, donc l’honneur est sauf. L’élève qui réussit renvoie aux autres une image qu’ils n’ont pas envie de voir.
Thèse de « l’école sanctuaire » illustrée par Jean Zay
ministre de l’éducation nationale et des Beaux-arts du Front Populaire : « Les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas ». L’école sera modeste et se tiendra dans la mesure du possible à l’écart du monde.
La Crise de l’éducation, Hannah Arendt, 1957
L’école est nécessairement conservatrice, puisqu’elle vise à introduire un jeune dans un monde nécessairement plus vieux que lui, elle est par essence tournée vers le passé. Nous sommes tous les héritiers d’un long passé culturel. Il n’est pas possible de transformer le monde sans un minimum de profondeur historique et culturelle. Elle ajoute aussi la nécessité de protéger les enfants, de leur offrir un abri, contre leur famille ou leurs pairs. L’école doit être une zone d’ombre, où la séparation entre ce qui est privé et ce qui relève du public est érigée en principe cardinal.