Médias et démocratie Flashcards
Lettre de Napoléon Bonaparte à Fouché, ministre de l’Intérieur, 1804
« Réprimez un peu les journaux, faites-y mettre de bons articles (…) Le temps de la Révolution est fini et qu’il n’y a plus en France qu’un seul parti. Je ne souffrirai jamais que les journaux disent ni fassent rien contre mes intérêts ». Le principal journal, Le Moniteur universel, épousait étroitement la pensée gouvernementale, quitte à s’adapter au plus vite aux changements de régime, si fréquents. En témoigne le traitement de l’actualité politique en mars 1815, entre le moment où Napoléon s’évada de l’île d’Elbe et celui où il arriva à Paris. Le 1er jour, il titra « L’anthropophage est sorti de son repaire » ; au 6ème jour « L’usurpateur a été vu à 60 lieues de la capitale » ; au 10ème jour « Sa Majesté Impériale a fait hier son entrée au château des Tuileries, acclamée par tous sujets ». C’est ce qui s’appelle savoir s’adapter au changement.
Psychologie des foules, médecin Gustave Le Bon, 1895 / Le Viol des foules par la propagande politique, Serge Tchakhotine, 1939
Dans ce dernier ouvrage, l’auteur explique qu’il est possible de conditionner les masses par le slogan et par l’image. Sa théorie repose sur des systèmes d’association. Les individus sont mus par 4 pulsions fondamentales : combative, alimentaire, sexuelle, parentale, d’où découlent toutes les réactions humaines. La propagande consiste alors à créer un équivalent du réflexe conditionné à travers des symboles. Au bout d’un certain temps, ce n’est plus l’objet réel qui est désiré, mais l’objet imaginaire qui lui est subsisté.
La propagande nazie dirigée avec efficacité par Joseph Goebbels
il cherchait davantage à imprégner l’opinion publique en créant un climat et en politisant toutes les émissions. D’où l’importance accordée au cinéma : Le Juif Süss de Veit Harlan, 1940, film antisémite et misogyne, fut diffusé dans toute l’Europe et rencontra un grand succès.
Aeropagitia, ou Discours en faveur de la liberté de l’imprimerie sans autorisation, John Milton, 1644
Selon lui, pour être acceptable, la censure doit être pratiquée par des hommes infaillibles. Or, comme personne n’est capable de discerner le bien et le mal d’un premier coup d’œil, mieux vaut s’abstenir, plutôt que de prendre le risque de se tromper et d’étouffer le génie.
De la Démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville, 1835
(1) Il avait parfaitement saisi le lien entre démocratie et liberté de la presse. Certes, il était conscient des inconvénients qu’une telle liberté pouvait susciter (ex : diffamation, fausses nouvelles), mais il les jugeait inévitables, et de peu d’importance face à ses avantages. (2) Par ailleurs, pour lui, les médias permettent de relier l’individu à la communauté qui le dépasse. Ils sont un contrepoids à l’individualisme démocratique, car ils permettent l’avènement d’un monde commun et rendent possible l’action collective. (3) Enfin, il souligne le lien qui unit les journaux et les partis politiques en démocratie. La presse d’opinion est peut-être la partie la plus précieuse de la presse, celle qu’il faut chérir et protéger avec le plus grand soin. Certes, ces périodiques sont orientés, mais on connaît à l’avance leur ligne politique et ils participent utilement au débat. (4) Les médias assurent la protection de l’individu et protection contre la tyrannie de la majorité.
Internet semble intrinsèquement lié à la démocratie
égal accès des sites aux internautes. 1) renouvelle le militantisme politique (émergence de journalistes citoyens). 2) permet un plus grand pluralisme et facilite le droit de réponse. 3) outil idéal pour une démocratie participative d’un nouveau genre (ressusciterait l’agora athénienne ?).
La critique de l’opinion chez Platon
Pour lui, l’opinion (doxa) est inférieure à la science (epistémè), car elle porte sur les seules apparences sensibles et se révèle parfaitement instable. L’opinion est instable et ne repose pas sur la raison, mais sur l’émotion. Si on la suit, on se condamne à une agitation perpétuelle. La République, le « mythe de la caverne » contient une critique de l’opinion : Les prisonniers ne pouvant se retourner, les « montreurs de marionnettes » leur font croire aisément que les ombres dont ils jouent – et qui se reflètent sur l’écran constitué par la paroi de la caverne – sont les seules réalités consistantes. C’est seulement lorsqu’ils sont libérés qu’ils découvrent la manipulation et peuvent poursuivre leur ascension, puis quitter la caverne pour le monde des idées. Dans ce passage, Platon visait les sophistes et hommes politiques de son temps, mais nous pouvons songer quant à nous aux hommes de médias et autres « manipulateurs de symboles » (ils reflètent l’opinion, mais peuvent aussi la créer).
cas de « lynchages médiatiques »
comme ceux qui ont eu une part de responsabilité dans le suicide de l’ancien premier ministre Pierre Bérégovoy en 1993. Mitterrand dénonça alors « ceux qui avaient jeté aux chiens l’honneur d’un homme ».
je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu
veni, vidi, vici
L’Emprise, Régis Debray, 2000
Il soutient que les journalistes ont remplacé les intellectuels dans le débat public. Pour lui, ils seraient l’équivalent de ce qu’étaient le clergé dans la société d’ordres de l’Ancien Régime. Il distingue un « bas clergé (pigiste et presse régionale) et un « haut clergé (riche, puissant, parisien). Le problème n’est pas, selon lui, le clergé mais le cléricalisme, c’est-à-dire le corporatisme qui caractérise cette profession et qui la rendrait presque intouchable. Lorsqu’ils sont attaqués pour leurs erreurs, les journalistes n’ont en général qu’à se réfugier dans la sacro-sainte liberté d’expression.
Crise de la culture, Hannah Arendt, 1961
« Bien des grands auteurs du passé ont survécu à des siècles d’oubli et d’abandon, mais c’est encore une question pendante de savoir s’ils seront capables de survivre à une version divertissante de ce qu’ils ont à dire ».
La Télévision : un danger pour la démocratie, Karl Popper, 1995
La télévision pourrait être un formidable outil d’éducation, mais il est peu probable qu’elle le devienne un jour car la tâche est particulièrement ardue. Il plus difficile de trouver des personnes capables de produire chaque jour 20h d’émissions de valeur que des personnes capables de produire chaque jour 20h d’émissions médiocres et peut-être 1 ou 2 de qualités. Pour contrer ses effets indésirables, il propose la mise en place d’un ordre professionnel, comme les médecins. L’accès aux professions des médias serait conditionné à la possession d’une licence, qui pourrait être retirée. Il avertissait que la télévision tuera la démocratie.
Sur la Télévision, Pierre Bourdieu, 1996
Il montre que les médias sont soumis à la loi du marché et participe à une dépolitisation des masses. Si la télévision parle de choses futiles, c’est en réalité parce que celles-ci sont très importantes : du point de vue économique, elles font vendre, du point de vue politique, elles permettent que l’on ne parle pas d’autre chose. Selon lui, la télévision fait courir un danger très grand aux différentes sphères de la production culturelle (art, littérature, droit, philosophie, science), à la vie politique et à la démocratie. Il propose une mise sous tutelle publique de la télévision et que les programmes soient validés par le Conseil national des universités, ce qui serait beaucoup…
Une légende veut que le milliardaire John D. Rockefeller
mort presque centenaire, ne supportait pas les mauvaises nouvelles qu’il jugeait dangereuses pour santé physique et psychique. Il se faisait donc imprimer une édition spéciale où elles étaient supprimées.
Hubert Beuve-Méry
« La radio annonce l’évènement, la télévision le montre, la presse l’explique »