La politique peut-elle se passer du rêve ? Flashcards
Histoire de Rome, Tite-Live
Une fois la cité fondée, de « nobles mensonges » (expression utilisée par Platon au livre III de La République) sont proférés par les gouvernants, afin de surmonter les tensions internes et les crises sociales. Fonction du mythe : permettre à la société de tenir debout. La disparition de Romulus au cours d’une tempête est attribuée à la volonté des dieux. Certains insinuent qu’il a été assassiné. Pour les faire taire, on raconte qu’il est apparu et qu’il a relayé un message divin. Tite-Live rapporte l’épisode au livre Ier de son Histoire de Rome : « Va, m’a-t-il dit, et annonce aux Romains que la volonté du ciel est de faire de ma Rome la capitale du monde. Qu’ils pratiquent donc l’art militaire. Qu’ils sachent et qu’ils apprennent à leurs enfants que nulle puissance humaine ne peut résister aux armes romaines ». Tite-Live conclue : « Ce qui est extraordinaire, c’est qu’on ait cru à cette histoire et que la croyance à l’immortalité de Romulus ait consolé le peuple et l’armée ».
L’Onirocriticon ou Art d’interpréter les rêves d’Artémidore de Daldis
Traité le plus célèbre et le plus influent, II -ème siècle avant notre ère. Explication symbolique pour de multiples.
La Genèse
Le songe le plus célèbre est peut-être celui de Pharaon dans la Genèse. Il s’agit de deux rêves successifs. Pendant son sommeil, Pharaon voit monter depuis un fleuve sept vaches grasses, puis sept vaches maigres ; dans un second rêve, il voit s’élever d’une même tige sept épis de blé gras et beaux, puis sept épis brûlés et maigres. Sorti de la prison où il était enfermé, Joseph interprète le songe : L’Égypte connaîtra sept années de prospérité, puis sept années de famine. Les faits confirmant cette interprétation, Joseph est nommé vizir de Pharaon, c’est-à-dire Premier ministre, rare et bel exemple d’une ascension politique fondée sur de justes prévisions.
Le rêve est aussi l’attente active du royaume
Pendant tout le Moyen-Âge, les mouvements millénaristes ou messianiques reposent sur l’idée qu’il y aura un règne terrestre au Christ ressuscité, dès avant le jugement dernier. A l’époque moderne, cet espoir messianique s’incarne dans l’attente du retour d’un « roi caché », momentanément écarté du pouvoir, mais qui revenir bientôt pour établir un ordre social plus juste (ex : mythe du jeune roi Sébastien 1er, 1578, Ksa-el-Sébir). A partir de la renaissance, le désir de changement social s’exprime sous une forme littéraire, celle de l’utopie (Utopia, Thomas More, 1516 / Gargantua, Rabelais).
Utopia, Thomas More, 1516
L’utopie a trois fonctions (divertir, normative, critique sociale). Le récit de Thomas More (Utopia) est une satire, une dénonciation de la réalité de son temps. L’île imaginaire est divisée en 54 cités, comme l’Angleterre de l’époque est divisée en 54 comtés. La capitale s’appelle Amaurote, c’est-à-dire la ville brouillard, ce qui rappelle évidemment Londres, etc. More dénonce le mouvement contemporain des enclosures, caractéristiques des débuts du capitalisme. Il s’agit de l’appropriation des terrains collectifs ou « communs » par les propriétaires privés, notamment la noblesse et le clergé, au détriment des plus pauvres, qui n’ont pas d’autres moyens de ressources.
Économie et société, Max Weber, 1921
distingue trois types de dominations. Celle qui correspond le plus à notre régime politique démocratique est la « domination rationnelle-légale », qui repose sur la croyance en la légalité des règlements adoptés. Quatre caractéristiques lui sont attachées : 1) Les règles sont adoptées rationnellement, c’est-à-dire qu’elles sont approuvées par le peuple ou ses représentants selon une procédure fixe et déterminée. 2) Les lois sont formulées de façon abstraite et impersonnelle. 3) Le détenteur du pouvoir est lui aussi soumis au droit. 4) Les gouvernés obéissent aux règles qui organisent la fonction de détenteur du pouvoir et non à sa personne. C’est un régime solide et conforme à un certain idéal de la raison mais moins séduisant que l’imaginaire, le sacré, le merveilleux.
Le savant et le politique, Max Weber, 1919
oppose, dans la pratique du métier politique, l’éthique de la conviction à l’éthique de responsabilité. 1) L’éthique de conviction réclame la pureté absolue des moyens et ne s’accommodent pas des conséquences, se soucie de ne pas trahir une valeur (Le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l’action il s’en remet à Dieu). 2) L’éthique de responsabilité se caractérise par l’attention portée à la fois aux moyens et aux conséquences (Nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes). Aujourd’hui, l’éthique de responsabilité est la plus valorisée, pour des raisons qui tiennent à l’évidence aux circonstances historiques.
Le temps présent, Claude Lefort
« La démocratie, c’est l’avènement du pouvoir comme lieu vide ». Selon lui, la Révolution française a fait du pouvoir, auparavant occupé par une substance éternelle transcendant la simple existence physique des monarques, un « lieu vide », auquel peuvent se succéder, mais seulement pour un temps et au gré des élections, des groupes d’intérêts et opinions concurrents. Le pouvoir n’intègre plus aucun projet défini, aucun but, aucun plan. Il n’est qu’un ensemble d’instruments, mis temporairement à la disposition de ceux qui remportent la majorité.
L’Éthique protestante et l’esprit du capitaliste, Max Weber, 1905
Notre époque est celle du « désenchantement du monde ». Au sens strict : Formule désignant le recul des croyances religieuses ou magiques comme facteurs d’explication du monde. Au sens large : recouvre le sentiment diffus d’une perte de sens, voire d’un déclin des valeurs censées participer à l’unité harmonique du monde des hommes, comme la religion ou les idéaux politiques et moraux, entre autres.
Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques, 1986
montre que les mythes politiques apparaissent dans les périodes critiques, dans les moments de crise d’identité, de malaise lié aux mutations de la société et du mode de vie. La naissance du mythe peut donc être interprétée comme le signe d’un dérèglement de la société. En effet, en temps normal, les cérémonies et autres fêtes collectives suffisent à satisfaire l’imaginaire. C’est lorsque les tensions internes croissent que le mythe devient nécessaire.
Citations
Ernest Renan : On ne peut vivre dans le mensonge même si « la vérité est peut-être triste ».
Pensée, Pascal, 1670 : « Qui dispense la réputation, qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante.
(..) Nos magistrats ont bien connu ce mystère.
(…) . S’ils avaient la véritable justice, et si les médecins avaient le vrai art de guérir, ils n’auraient que faire de bonnets carrés.
(…) L’imagination dispose de tout ; elle fait la beauté, la justice et le bonheur qui est le tout du monde ».
Pensées, Marc-Aurèle : « N’espère pas la République de Platon, mais soit content si une petite chose progresse, et réfléchis au fait que ce qui en résulte n’est pas précisément pas une petite chose ».
