Les gammapathies monoclonales Flashcards
Que sont les gammapathies monoclonales?
Cette section s’adresse spécifiquement à un groupe de maladies lymphoprolifératives issues des lymphocytes B matures engagés dans la transformation plasmocytaire et dont la fonction principale est de secréter des immunoglobulines (ou gammaglobulines).
Normalement, les immunoglobulines du sérum sont polyclonales puisqu’elles originent simultanément d’une multiplicité de clones ou de familles de plasmocytes secrétant chacune un anticorps d’un type immunochimique particulier, dirigé contre un antigène particulier.
Chez certains patients, lors d’une électrophorèse des protéines, on peut observer dans le sérum et/ou dans l’urine la présence, en concentration nettement anormale, d’une gamma-globuline prédominante dont toutes les molécules, à l’immunofixation, appartiennent à une même classe (IgG, IgA ou IgM) et possèdent une même chaîne légère. La détection d’une telle immunoglobuline (ou paraprotéine) dite monoclonale évoque toujours l’existence sous-jacente d’un clone plasmocytaire ou lymphoplasmocytaire néoplasique, capable d’entraîner tôt ou tard diverses manifestations pathologiques.
Que sont les immunoglobulines?
Chaque molécule d’immunoglobuline est composée de deux chaînes légères identiques et deux chaînes lourdes identiques. Elles sont reliées entre elles par des ponts disulfures. Chaque chaîne porte des motifs antigéniques qui la caractérisent immunologiquement.
Les chaînes légères peuvent être soit de type kappa, soit de type lambda, mais elles sont identiques dans toutes les classes d’immunoglobulines. Au contraire, les chaînes lourdes sont différentes dans chaque classe : gamma pour les IgG, alpha pour les IgA, mu pour les IgM, delta pour les IgD, etc.
La partie C-terminale des chaînes légères et lourdes est constante alors que la partie N-terminale est variable à l’intérieur d’un même type immunochimique. C’est cette dernière partie de la molécule de l’anticorps qui se combine à l’antigène correspondant.
Chez l’adulte normal, la concentration moyenne des IgG sériques est de 11,7 g/L tandis qu’elle est de 2,2 g/L pour les IgA et de 1,2 g/L pour les IgM. Le poids moléculaire des IgG et des IgA est de 160,000, tandis qu’il est d’environ 1,000,000 pour les IgM.
Les chaînes légères ont un poids moléculaire de 22,000, ce qui explique que lorsqu’elles circulent à l’état libre dans le sérum, elles traversent facilement le filtre glomérulaire pour être éliminées dans l’urine. Les IgG constituent le support principal des anticorps, tandis que les IgM apportent le support des immunisations initiales. Les IgA se retrouvent en particulier dans les liquides de sécrétion. Seules les IgG sont capables de traverser la barrière placentaire.
Les immunoglobulines sont sécrétées principalement par les plasmocytes, mais aussi par certains lymphocytes B partiellement différentiés appelés lymphoplasmocytes (sécrétion d’IgM surtout). Les immunoglobulines normales du sérum représentent donc une population très variée de molécules (anticorps) différentes, appartenant à des sous-classes multiples, avec déterminants antigéniques différents et activité anticorps différente; ces immunoglobulines sont sécrétées par de nombreux clones plasmocytaires différents.
De telle sorte que l’hétérogénéité biochimique de la population des immunoglobulines du sérum se traduit normalement par une hétérogénéité correspondante de leurs propriétés physiques : en conséquence, la vitesse de migration électrophorétique est très variable, ce qui se traduit par un étalement considérable de l’une ou l’autre classe des immunoglobulines normales.
Comment analyse-t-on les immunoglobulines?
L’analyse qualitative des immunoglobulines du sérum ou de l’urine s’effectue par les techniques courantes d’électrophorèse et d’immunofixation; cette dernière fait appel à des antisérums spécifiques anti-chaînes lourdes et anti-chaînes légères, permettant d’identifier avec exactitude la classe d’appartenance et la monoclonalité (kappa ou lambda) d’une immunoglobuline en excès. Dans l’urine, les mêmes techniques peuvent être appliquées sur un échantillon concentré à partir d’une collecte de 24 heures afin de démontrer, s’il y a lieu, la présence anormale de chaînes légères libres kappa ou lambda (ou protéinurie de Bence-Jones).
Les chaines légères kappa et lambda peuvent être quantifiées directement dans le sang par méthode de turbidimétrie à l’aide d’anticorps spécifiques dirigés contre chaque chaine légère couplés è une bille de latex. Si le ratio K/L est anormal, il faut suspecter une gammapathie monoclonale.
À quoi ressemble l’immunofixation?
Quelles sont les principales maladies associées à une immunoglobuline monoclonale?
Les principales maladies décrites plus loin sont le myélome multiple (incluant le myélome indolent)(parfois appelé myélome plasmocytaire) et la macroglobulinémie de Waldenström, décrite au début des années 1940 par un médecin suédois du même nom. Il faut aussi inclure à ce chapitre une condition appelée gammapathie monoclonale de signification indéterminée (en anglais MGUS) et mentionner les gammapathies monoclonales secondaires, parfois rencontrées à titre d’épiphénomène en association avec d’autres syndromes lymphoprolifératifs, comme la leucémie lymphoïde chronique B ou certains lymphomes d’origine lymphocytaire B.
À part la gammapathie monoclonale de signification indéterminée, souvent rencontrée chez les gens âgés, ces maladies sont toutes des néoplasies malignes originant des cellules lymphocytaires B et/ou plasmocytaires. Elles envahissent habituellement la moelle osseuse et produisent dans le sérum une immunoglobuline monoclonale. Cette dernière a la particularité de pouvoir causer une accélération importante de la vitesse de sédimentation des érythrocytes (souvent ≥ 100 mm/hre), de même que la présence frappante de rouleaux érythrocytaires à l’examen du frottis sanguin.
Que font donc en gros les immunoglobulines monoclonales?
Qu’est-ce que le myélome multiple?
Il s’agit d’une prolifération néoplasique de plasmocytes, envahissant la moelle osseuse en foyers (d’où le terme de myélome multiple) et synthétisant généralement une immunoglobuline monoclonale complète ou des fragments d’immunoglobulines (dans ce dernier cas, on parle de myélome à chaîne légère).
Il existe de rares cas de myélome non sécrétoire. Son incidence annuelle rapportée aux USA est de 5,5/100,000 habitants avec un âge médian de 71 ans. Le myélome survient rarement avant l’âge de 40 ans.
La principale cytokine impliquée dans la croissance des plasmocytes néoplasiques est l’interleukine-6. Cette dernière induit aussi la production d’interleukine-1 bêta, un puissant activateur des ostéoclastes, expliquant la déminéralisation osseuse typiquement observée au voisinage des cellules tumorales.
Quelles sont les principales manifestations cliniques du myélome multiple?
Elles peuvent être très variables et inclure l’une ou plusieurs des suivantes:
- tableau d’atteinte de l’état général : asthénie et amaigrissement;
- douleurs osseuses, évoquant souvent un tableau “d’arthrite” ou de lombalgie chronique (fractures, ostéolyse);
- fractures spontanées ou pathologiques des os du squelette axial;
- anémie ou pancytopénie par insuffisance médullaire;
- vitesse de sédimentation érythrocytaire fortement accélérée;
- insuffisance rénale (avec protéinurie de Bence-Jones);
- infections bactériennes fréquentes ou rebelles par déficit immunitaire acquis;
- hypercalcémie.
Quels sont les critères diagnostiques du myélome multiple?
Pour affirmer le diagnostic d’un myélome, on doit pouvoir documenter :
- 10% de plasmocytes dans la moelle osseuse ou plus* (la moelle contient normalement moins de 3% de plasmocytes) OU
l’existence d’un plasmocytome isolé (tumeur solide plasmocytaire). - PLUS: l’un des symptômes CRAB:
- HyperCalcémie (> 2.75 mmol/L)
- Insuffisance Rénale (créatinine > 177μmol/L ou Clcr < 40ml/min)
- Anémie (<100g/L ou > 20g/L sous la normale du patient)
- Lésion osseuse (Bone) (au moins 1 lésion de 5mm ou plus à l’IRM, au TDM ou au TEP.
De plus, un diagnostic de MM peut être porté chez un patient si un seul de ces critères est présent :
- 60% ou plus de plasmocytes clonaux dans la moelle
- Un niveau de chaîne légère de 100mg/L ou plus en présence d’un ratio de chaînes légères de 100 ou plus
- Plus d’une lésion focale osseuse ou de la moelle à l’IRM
Certains myélomes sont également dit « indolents ». Pour avoir ce diagnostic, le patient doit avoir de 10-60% de plasmocytes dans la moelle OU une paraprotéine sérique monoclonale de 30g/L ou plus SANS symptôme CRAB associé. Cette entité est importante à différencier puisque qu’elle ne nécessitera qu’un suivi rapproché sans traitement tant qu’elle n’aura pas évolué en un myélome multiple actif.
* une simple aspiration négative ou normale de la moelle doit toujours être complétée par une biopsie ostéomédullaire, car l’infiltration plasmocytaire est souvent focale et peut facilement passer inaperçue lors de l’aspiration. Une analyse cytogénétique conventionnelle et avec FISH est également faite sur la moelle aspirée.
En quoi consiste le bilan d’investigation du myélome multiple?
En plus de la ponction et de la biopsie de moelle, doit normalement comprendre :
- une formule sanguine complète;
- une vitesse de sédimentation;
- une étude par immunofixation des protéines sériques et un dosage quantitatif des immunoglobulines du sérum (IgG, IgA, IgM);
- dosage des chaînes légères libres dans le sang;
- une collecte urinaire de 24 heures pour dosage des protéines et recherche de chaînes légères libres par immunofixation;
- des mesures de l’azote uréique et de la créatinine (fonction rénale);
- des mesures de la calcémie et de l’albuminémie;
- une mesure de LDH;
- un dosage de la β2-microglobuline sérique (facteur pronostique);
- des radiographies osseuses du squelette axial complet, incluant le crâne, les humérus et les fémurs.
Le myélome pourra par la suite être évalué selon trois stades d’évolution.
Quels sont les trois stades d’évolution du myélome multiple?
Les trois stades d’évolution (stades Durie-Salmon), correspondent respectivement à une masse tumorale faible, modérée ou élevée.
Stade 1 (masse tumorale faible) :
tous les critères suivants doivent être présents :
- Hémoglobine > 100 g/L;
- Calcémie normale (corrigée pour l’albuminémie);
- 0 ou 1 seule lésion osseuse lytique sur les radios;
- IgG sérique monoclonale < 50 g/L ou IgA < 30 g/L;
- Chaînes légères urinaires <4g/jour.
Stade 2 (masse tumorale moyenne) :
myélome ne correspondant aux critères ni de stade 1 ni de stade 3.
Stade 3 (masse tumorale élevée) :
UN seul des critères suivants suffit :
- Hémoglobine < 85 g/L;
- Calcémie > 3 mmol/L (corrigée pour albuminémie)
- > 3 lésions osseuses lytiques sur les radios;
- IgG sérique monoclonale > 70 g/L ou IgA > 50 g/L;
- Chaînes légères urinaires > 12 g/jour.
Les suffixes a et b désignent l’absence (a) ou présence (b) d’insuffisance rénale, selon que le taux de la créatinine sérique est inférieur à 177 μmol/L dans le premier cas, de 177 μmol/L et plus dans le second.
Un autre score plus simple d’usage nommé le R-ISS (Revised International staging system) ne nécessite que quatre valeurs pour donner une idée du pronostic de la maladie :
- l’albumine sérique
- le LDH
- la cytogénétique de la maladie
- la β2-microglobuline sérique
Les différents stades sont définis come suit :
- B2M < 3.5mg/L et albumine > 35g/L avec LDH normaux sans cytogénétique à haut risque.
- Ne correspond pas au stade 1 ni au stade 3.
- B2M > 5.5mg/L ET LDH augmentés ET/OU cytogénétique à haut risque.
Quelle est l’évolution du myélome multiple?
Le myélome est une maladie encore incurable dont la progression tumorale est souvent lente mais inexorable. La survie des patients dépend essentiellement du stade de la maladie observé au moment du diagnostic. Dans les stades R-ISS I, 82% des patients seront encore vivants à 5 ans contre 62% pour les stade II et 40% pour les stade III.
En ce qui concerne le myélome indolent, pendant les cinq premières années suivant le diagnostic, environ 10% des ces patients évolueront en myélome actif par année. Ce pourcentage diminue après 5 ans bien que la majorité auront progressé en myélome actif en un peu moins de 5 ans.
Que peuvent être les complications du myélome multiple?
L’hypercalcémie, les compressions neurologiques et l’insuffisance rénale sont les trois principales complications du myélome.
- L’hypercalcémie
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Elle est la conséquence directe de la déminéralisation osseuse massive qui peut se produire dans les myélomes de stade avancé. Elle se manifeste par:
- la somnolence,
- la confusion,
- la déshydratation,
- l’incapacité de s’alimenter en raison de nausées et vomissements.
- Lorsque présente, elle doit être traitée rapidement à l’aide de biphosphonates, de corticostéroïdes et d’une réhydratation vigoureuse par voie intraveineuse.
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Elle est la conséquence directe de la déminéralisation osseuse massive qui peut se produire dans les myélomes de stade avancé. Elle se manifeste par:
- Les compressions neurologiques
- Elles peuvent survenir lorsque les tumeurs plasmocytaires originant de la moelle vertébrale s’étendent dans les espaces avoisinants. Il n’est pas rare qu’un malade atteint de myélome se présente initialement avec une parésie ou une paralysie des membres inférieurs et soit dirigé en neurochirurgie pour laminectomie en raison d’une masse épidurale comprimant la moelle épinière.
- Une fois le diagnostic de myélome établi, une radiothérapie locale complémentaire sera généralement conseillée.
- Chez certains patients, l’excrétion urinaire massive de chaînes légères libres peut conduire à une insuffisance rénale irréversible.
- Il est important dans ces cas d’instituer le plus rapidement possible un traitement du myélome afin d’éviter, si possible, la nécessité d’une hémodialyse à long terme.
Quel est le tx du myélome multiple?
Le traitement du myélome multiple a grandement évolué dans les dernières années. Plusieurs types de chimiothérapies seules ou en combinaison sont disponibles. Il n’y a pas de consensus sur l’ordre idéal de traitements à offrir au patient. De plus, certains médicaments, de par leur coût exorbitant, ne sont pas accessibles ou ne le sont qu’en deuxième ligne de traitement au Québec.
La pratique populaire est d’utiliser un triplet d’agents actifs contre le myélome. Différentes combinaisons incluant les agents bortezomib, lenalidomide, dexamethasone, cyclophosphamide et thalidomide sont plus souvent utilisées en première ligne de traitement.
Le but sera, chez la grande majorité des patients, de diminuer le fardeau de la maladie à l’aide de cette chimiothérapie d’induction et de suivre ces traitements par une dose de chimiothérapie intensive de melphalan suivie d’une greffe autologue de cellules souches comme support. La greffe de cellules souches a comme unique but de raccourcir la période d’aplasie suivant inévitablement le traitement de chimiothérapie à haute dose.
D’autres agents tels le pomalidomide, le carfilzomib et le daratumumab sont parfois utilisés dans des lignes subséquentes de traitement lors d’une rechute ou lorsque le patient n’est pas éligible à une greffe de cellules souches en raison de ses comorbidités.
Les rémissions complètes (disparition de la paraprotéine) sont malheureusement de durée limitée avec ces traitements et une reprise de la progression tumorale survient inévitablement tôt ou tard.
La radiothérapie occupe aussi une place d’appoint très importante dans le traitement du myélome lorsqu’il y a compression de la moelle épinière, risque imminent de fracture vertébrale ou fémorale, ou simplement des douleurs osseuses incapacitantes, notamment au gril costal.
Les biphosphonates (alendronate, acide zolédronique, etc.), administrés par voie intraveineuse à chaque mois, jouent depuis quelques années un rôle adjuvant très efficace pour réduire la fréquence des douleurs osseuses et des fractures, deux manifestations reconnues parmi les plus morbides de cette maladie.
Comment gère-t-on en résumé le myélome multiple?