La moelle osseuse et l'hématopoïèse normales Flashcards
Qu’est-ce que l’hématopoïèse?
L’hématopoïèse est constituée par l’ensemble des mécanismes qui aboutissent à la formation des cellules du sang. C’est la moelle osseuse, par son tissu hématopoïétique, qui produit les érythrocytes (érythropoïèse), les polynucléaires neutrophiles, éosinophiles et basophiles (granulopoïèse), les monocytes (monocytopoïèse), et les plaquettes (thrombocytopoïèse). La moelle produit aussi des précurseurs lymphoïdes destinés à peupler les organes lymphatiques périphériques (ganglions, rate, thymus) qui eux-mêmes produisent par la suite la majorité des lymphocytes circulants.
L’organisme doit chaque jour remplacer les cellules sanguines qui disparaissent, soit par vieillissement (c’est le cas des globules rouges à l’état normal) soit par utilisation (c’est probablement le cas pour la plupart des monocytes et des granulocytes), soit par ces deux mécanismes (c’est le cas des plaquettes).
Afin de maintenir l’équilibre, la quantité de cellules de chaque catégorie qui doit être produite à chaque jour est fonction du nombre de cellules circulantes et de leur durée de vie respective. La durée de vie :
- des érythrocytes est de 120 jours,
- des plaquettes de 10 jours,
- des monocytes de 2 à 3 jours,
- des polynucléaires neutrophiles de 6 à 15 heures environ.
De telle sorte que, chez l’adulte normal, la production quotidienne de globules rouges est d’environ 200 milliards, celle des polynucléaires neutrophiles est de l’ordre de 25 à 100 milliards, et celle des plaquettes d’approximativement 100 à 150 milliards. Ces chiffres démontrent que le renouvellement cellulaire du tissu sanguin est considérable.
L’hématopoïèse et ses diverses composantes possèdent également la faculté de s’adapter à des variations importantes des besoins de production. En cas de besoins accrus, des mécanismes efficaces de régulation peuvent multiplier la production des cellules sanguines par un facteur de 7 ou 8 fois la normale.
Quelle est l’anatomie de la moelle osseuse?
Sous l’os cortical qui le recouvre, l’os spongieux est formé d’un réseau tridimensionnel de lamelles osseuses qui constituent des logettes à l’intérieur desquelles se retrouve la moelle osseuse. L’aspect macroscopique de la moelle osseuse est rouge lorsqu’elle est le siège d’une hématopoïèse normale, et jaune (adipeux) lorsqu’il s’agit essentiellement d’une moelle aplasique ou au repos.
Chez l’adulte, la moelle hématopoïétique rouge se retrouve uniquement dans les os plats du squelette axial tandis les os longs des membres ne renferment que de la moelle adipeuse. Chez le jeune enfant, les os longs contiennent également du tissu hématopoïétique (moelle rouge).
Quelle est la structure histologique de la moelle osseuse hématopoïétique?
La structure histologique de la moelle osseuse hématopoïétique peut se résumer comme suit :
- le tissu noble est constitué par l’ensemble des cellules hématopoïétiques : celles-ci sont disposées en cordons cellulaires et occupent entre 50 et 70 % de l’espace médullaire total chez l’adulte; ce pourcentage diminue progressivement avec l’âge;
- des adipocytes occupent la majeure partie de l’espace médullaire restant (30 à 50% chez l’adulte normal);
- on y trouve en outre quelques follicules lymphoïdes;
- les cordons de cellules hématopoïétiques sont délimités par les mailles d’un réseau de capillaires sinusoïdes à parois très minces qui permettent aisément le passage éventuel des cellules hématopoïétiques matures vers la circulation veineuse générale;
- le tout est supporté par une trame conjonctive faite de cellules nourricières et de soutien (micro-environnement), de collagène et de fibres de réticuline. On retrouve également dans la moelle quelques fibres nerveuses sensitives; il n’y a pas de circulation lymphatique dans la moelle osseuse.
La moelle jaune, inactive, est constituée uniquement d’adipocytes, de vaisseaux et d’une trame conjonctive. En cas de besoins particuliers, même chez l’adulte, elle conserve la capacité de se transformer en moelle hématopoïétique active.
L’hématopoïèse met en jeu
- des cellules,
- des processus cellulaires et médullaires
- une dynamique assujettie à des mécanismes de régulation.
Quelles cellules entrent en jeu dans l’hématopoïèse?
Bien que dispersées dans la moelle osseuse, les cellules hématopoïétiques se répartissent en plusieurs compartiments fonctionnels. Un premier compartiment, fondamental, est celui qui abrite les cellules souches pluripotentes qui sont à l’origine de toutes les autres cellules de l’hématopoïèse et de la lymphopoïèse.
Vient ensuite le compartiment des progéniteurs multipotents et unipotents, et enfin le compartiment des précurseurs morphologiquement identifiables de chacune des lignées hématopoïétiques.
Les cellules souches donnent naissance aux cellules plus différenciées, et démarrent tous les processus cellulaires et médullaires de l’hématopoïèse. Elles constituent donc le capital cellulaire indispensable qui maintient constamment l’hématopoïèse et la capacité hématopoïétique de l’organisme durant toute la vie.
Filiation :
- Cellule souche
- Progéniteurs multipotents
- Progéniteurs unipotents
- Précurseurs de chaque lignée
- Cellules sanguines mûres
Quelles sont les caractéristiques des cellules souches et des cellules progénitrices?
Les cellules souches et les cellules progénitrices ne possèdent pas de caractère morphologique distinctif. Elles ressemblent aux petits lymphocytes à noyau condensé; on ne peut donc pas les identifier au microscope.
Du point de vue fonctionnel, ces cellules se définissent par deux propriétés :
- celle de pouvoir se différencier lorsqu’elles subissent une activation appropriée,
- celle de pouvoir repeupler leur propre compartiment en se multipliant, les cellules-filles générées étant des cellules identiques à la cellule-mère. Cette capacité d’auto-renouvellement est principalement l’apanage (privilège) des cellules souches pluripotentes et multipotentes..
Quelles sont les caractéristiques des précurseurs?
Les précurseurs sont reconnaissables au microscope, ayant acquis des caractères morphologiques distinctifs. Ces cellules se regroupent en trois compartiments principaux, où elles constituent des lignées cellulaires. On entend par lignée cellulaire l’ensemble des cellules morphologiquement reconnaissables qui se succèdent à partir du premier précurseur identifiable jusqu’à la cellule sanguine finale d’un type donné. On parlera donc des lignées:
- érythropoïétique,
- granulopoïétique et monocytopoïétique,
- thrombocytopoïétique.
Quels sont les principaux processus cellulaires?
Les principaux sont
- la différenciation,
- la prolifération,
- la maturation.
En quoi consiste la différenciation?
Seules les cellules souches et les progéniteurs peuvent se différencier. On entend par différenciation le processus au cours duquel une cellule devient différente par l’acquisition de propriétés fonctionnelles ou morphologiques qu’elle ne possédait qu’en puissance jusque-là. Une cellule capable de se différencier a une potentialité plus grande que la cellule différenciée (ou semi-différenciée) à laquelle elle donne naissance. Cette perte de potentialité est due à la répression de gènes au cours de la différenciation. Ce processus se fait à sens unique, une cellule différenciée ne pouvant pas se dédifférencier.
Les progéniteurs multipotents se différencient en progéniteurs unipotents, ne retenant désormais qu’une seule possibilité de différenciation ultérieure. La différenciation des progéniteurs multipotents n’a donc pas de traduction morphologique, mais seulement fonctionnelle.
Lorsqu’un progéniteur unipotent se différencie, il acquiert les caractères morphologiques de la première cellule reconnaissable dans la lignée cellulaire à laquelle il donne naissance (exemple un myéloblaste ou un pro-érythroblaste).
En quoi consiste la prolifération?
C’est la multiplication cellulaire par mitose répétée ou endomitose. Elle se produit dans le compartiment des cellules souches, des progéniteurs et aussi dans celui de cellules différenciées, mais seulement jusqu’à des stades intermédiaires de leur maturation. Au-delà de ces stades, le noyau n’est plus capable d’accomplir le cycle de la division cellulaire.
Du point de vue quantitatif cependant, la multiplication cellulaire se fait principalement dans les compartiments de cellules différenciées.
En quoi consiste la maturation?
C’est le processus par lequel le noyau et le cytoplasme des cellules différenciées se transforment progressivement pour aboutir aux propriétés morphologiques et fonctionnelles de la cellule à terme.
Par exemple, la maturation dans la lignée érythropoïétique comporte la synthèse progressive d’hémoglobine dans le cytoplasme, et la condensation de la chromatine nucléaire suivie de l’expulsion du noyau.
La maturation se produit uniquement au sein des compartiments de cellules différenciées, et va de la cellule la plus jeune d’une lignée jusqu’à la cellule mûre.
Que sont les processus médullaires?
Les phénomènes cellulaires sont complétés par deux processus médullaires.
Premièrement, mise en réserve des cellules parvenues à maturité dans la moelle osseuse.
Cela vaut principalement pour la lignée granulocytaire, et dans une certaine mesure pour les plaquettes.
Deuxièmement, libération dans le sang des éléments médullaires mûrs.
Ce processus est influencé par des mécanismes de régulation.
Comment se fait la régulation de l’hématopoïèse?
En temps normal, ce sont les compartiments de progéniteurs unipotents qui approvisionnent constamment les compartiments de cellules différenciées qui leur correspondent. Ils fournissent à chacun les premiers précurseurs identifiables, et ceux-ci vont proliférer, accomplissant trois à cinq divisions cellulaires, de telle sorte que chaque «ancêtre», d’une lignée cellulaire donnera naissance à 8 à 32 cellules filles. Tandis que ces divisions cellulaires se succèdent, chacune des cellules mère ou fille poursuit le processus de maturation. La maturation se complétera pendant quelques jours une fois que les divisions cellulaires auront cessé.
Lorsqu’un progéniteur unipotent a donné naissance à un précurseur différencié, il crée un vide qui est comblé principalement par la multiplication d’autres progéniteurs unipotents du même compartiment. La différenciation et la prolifération des progéniteurs unipotents sont influencées par des facteurs de croîssance solubles, l’érythropoïétine, par exemple, étant le facteur affectant les progéniteurs de l’érythropoïèse.
Lorsque la différenciation cellulaire est très augmentée, le compartiment de progéniteurs unipotents concerné reçoit du renfort du compartiment des progéniteurs multipotents afin d’assurer le repeuplement complet du réservoir de cellules unipotentes. Il se produit alors une différenciation des progéniteurs multipotents en progéniteurs unipotents.
Les progéniteurs multipotents et, ultimement, le compartiment des cellules souches, constituent donc le réservoir ultime et vital qui permet le maintien constant de la capacité hématopoïétique de l’organisme. Cette arrière-garde cellulaire est protégée des influences externes qui pourraient conduire à l’épuisement du capital de progéniteurs. Ils réagissent essentiellement à des facteurs locaux qui influencent leur nombre, et dans les conditions normales, une petite fraction seulement est en prolifération active.
Les progéniteurs unipotents ont la capacité de répondre à des substances stimulatrices appelées «poïétines» par un rythme de prolifération accru. Une fraction beaucoup plus grande des progéniteurs unipotents est en prolifération active à l’état normal.
Quel est l’ordre de transformation des cellules dans l’hématopoïèse?
Quelles sont les grandes caractéristiques de la différenciation des cellules souches et du maintien du capital de ces cellules?
- Les cellules souches et progéniteurs connaissent un processus de spécialisation croissante en perdant graduellement des potentialités hématopoïétiques ou lymphopoïétiques.
- Seule la différenciation des progéniteurs unipotents a une traduction morphologique : naissance des stades les plus jeunes des cellules différenciées.
- Toutes ces étapes de différenciation sont unidirectionnelles; en conséquence, le compartiment de la cellule souche ou des progéniteurs qui vient de se différencier est automatiquement appauvri d’une cellule.
- Le repeuplement des divers compartiments de cellules souches et progéniteurs se fait :
- par division cellulaire dans le compartiment déficitaire (auto-renouvellement);
- par différenciation d’une cellule d’un compartiment antérieur vers ce compartiment (recrutement).
Quelles sont les grandes caractéristiques de la prolifération cellulaire?
Elle se produit :
- Dans les compartiments de cellules souches et de progéniteurs.
- Dans les stades relativement jeunes des cellules différenciées.
Dans quel type de cellule survient la maturation cellulaire?
Elle survient dans toutes les cellules différenciées, depuis la plus jeune jusqu’à la cellule ayant atteint la pleine maturité.
Comment les principales cellules sanguines parviennent-elles au sang?
Érythrocytes, leucocytes et plaquettes franchissent la paroi endothéliale des sinus médullaires et parviennent ainsi dans le sang.
Qui s’occupe de réguler l’hématopoïèse?
Modulation importante par plusieurs «hématopoïétines».
Quelle est l’origine de l’érythropoïèse?
Celle-ci débute par la différenciation d’une cellule souche unipotente « érythroïde », et se termine après 5 à 6 jours par la production des réticulocytes qui, après un temps de maturation médullaire, sont libérés dans le sang.
Comment se déroule la maturation de la lignée érythropoïétique?
Cette lignée comprend l’ensemble des cellules qui se succèdent depuis le premier élément reconnaissable jusqu’aux globules rouges, soit :
- le pro-érythroblaste,
- l’érythroblaste basophile,
- l’érythroblaste polychromatophile,
- l’érythroblaste acidophile,
- le réticulocyte,
- l’érythrocyte.
Les érythroblastes de morphologie normale sont aussi appelés normoblastes. La maturation comporte des modifications morphologiques du noyau et du cytoplasme. Le noyau voit la chromatine se condenser progressivement.
D’abord capable de mitoses, la cellule perd cette propriété lorsque l’érythroblaste est parvenu au stade acidophile. Ultérieurement, le noyau devient pycnotique et il est expulsé.
Le cytoplasme des érythroblastes est spécialisé, dès le pro-érythroblaste, dans la synthèse et l’accumulation de l’hémoglobine. La basophilie du cytoplasme du pro-érythroblaste est due à la grande quantité d’ARN et de polyribosomes qui constituent l’usine de synthèse d’hémoglobine. Très peu abondante au début, celle-ci remplit bientôt la plus grande partie de la cellule, qui conséquemment devient progressivement acidophile. Tous les organites disparaîtront éventuellement du cytoplasme.
Au stade du réticulocyte, il ne subsiste dans le cytoplasme que des vestiges qui constituent ce qu’on appelle la substance granulo-filamenteuse (ribosomes, mitochondries, et résidus d’ARN). La synthèse de l’hémoglobine est encore active au stade du réticulocyte : elle aura cessé dans l’érythrocyte.
Au terme de l’érythropoïèse, le réticulocyte séjournera 24 à 48 heures dans la moelle, pour y compléter sa maturation. Puis, il passe en circulation, et la rate se chargera d’effectuer son remodelage final. Après 24 heures dans le sang, le réticulocyte est devenu un érythrocyte «adulte».
Comment se fait la prolifération de la lignée érythropoïétique?
Le pro-érythroblaste, né de la différenciation d’un progéniteur unipotent nommé CFU-E, se divise, et les deux cellules filles feront de même, pour un total de trois à cinq «générations» soit 8 à 32 cellules filles issues d’un pro-érythroblaste. Cette phase de prolifération dure normalement de trois à quatre jours, (mais peut être raccourcie lors d’une stimulation érythropoïétique importante).
L’importance quantitative de la production quotidienne de globules rouges est largement attribuable à la prolifération des érythroblastes, plutôt qu’à celle des cellules souches qui leur donnent naissance.
Comment se fait la régulation de l’érythropoïèse?
La régulation de l’érythropoïèse est assurée par une boucle de rétroaction biologique dont la substance-pivot est un facteur de croissance appelé l’érythropoïétine (Epo). Cette glycoprotéine est élaborée principalement au rein par les cellules juxtaglomérulaires en réponse aux changements de la pression partielle tissulaire en oxygène. Une proportion minime d’Epo serait aussi produite par le foie, mais son rôle physiologique demeure douteux.
La figure 5 décrit la boucle de régulation de l’érythropoïèse. La synthèse de l’érythropoïétine est stimulée par la diminution de la pression partielle en oxygène dans les tissus (essentiellement dans les reins), et elle est déprimée par l’hyperoxygénation et l’augmentation du volume globulaire circulant, lors de transfusions par exemple.
Quels sont les effets de l’érythropoïétine?
L’érythropoïétine a pour effets :
- de stimuler la prolifération des progéniteurs unipotents aptes à donner naissance à un pro-érythroblaste : elle raccourcirait la durée de G1, réduisant ainsi le temps de génération cellulaire;
- de provoquer la différenciation des progéniteurs unipotents en pro-érythroblaste;
- d’accélérer la maturation des érythroblastes, en accroissant le taux de synthèse de l’hémoglobine;
- d’accélérer le passage des réticulocytes dans le sang circulant.
Par toutes ces actions, l’érythropoïétine travaille à rétablir une masse érythrocytaire plus importante et capable d’assurer une meilleure oxygénation des tissus. La moelle osseuse normale peut augmenter sa production érythropoïétique jusqu’à un maximum d’environ 7 ou 8 fois son taux de base.