Les anémies en général Flashcards
Qu’est-ce que l’érythron?
Le terme érythron désigne l’ensemble anatomique et fonctionnel qui sert à maintenir constante la masse des globules rouges circulants durant la vie humaine. Chez l’adulte, 200 milliards d’érythrocytes doivent être remplacés chaque jour afin de compenser pour la destruction physiologique d’un nombre équivalent de cellules.
Du point de vue anatomique, l’érythron comprend deux compartiments qui sont :
- la moelle osseuse, siège de l’érythropoïèse,
- la circulation sanguine, lieu de déversement des érythrocytes transporteurs d’oxygène.
Du point de vue de sa cinétique, le système comporte également trois compartiments (prolifération, maturation, survie) dont l’équilibre est maintenu ou modifié, selon le besoin, par un système de régulation spécifique impliquant un facteur de croissance, l’érythropoïétine.
En quoi consiste la prolifération?
Dans la moelle osseuse, la cellule progénitrice de l’érythropoïèse ou CFU-E, stimulée par l’érythropoïétine, donne naissance, après 4 ou 5 mitoses successives, à une génération de 16 ou 32 cellules-filles appelées érythroblastes ou normoblastes.
Cette phase de l’érythropoïèse dure normalement entre trois et quatre jours, mais elle peut être accélérée selon le besoin, en fonction du degré de stimulation.
En quoi consiste la maturation?
Ce compartiment fonctionnel est caractérisé par l’acquisition progressive des attributs morphologiques et fonctionnels du globule rouge normal: synthèse progressive de l’hémoglobine dans le cytoplasme et perte éventuelle du noyau et du pouvoir de division cellulaire.
Lorsqu’on examine au microscope un frottis de moelle osseuse, on peut distinguer, selon la quantité d’hémoglobine qu’ils contiennent, des érythroblastes basophiles, polychromatophiles et acidophiles (orthochromatiques). Une fois le noyau expulsé, la cellule devient un réticulocyte prêt à passer dans la circulation. Le tout dure environ 5 jours dans la moelle et une journée de plus dans le sang périphérique, journée pendant laquelle les réticulocytes se transforment en globules rouges mûrs.
En quoi consiste la survie érythrocytaire?
Le globule rouge mature survit pendant environ quatre mois (110-120 jours) dans la circulation grâce à son étonnante déformabilité, assurée par le maintien d’un métabolisme énergétique normal (glycolyse anaérobie).
Le principal site de destruction physiologique des érythrocytes est la pulpe rouge de la rate, chargée de macrophages. L’hémoglobine libérée y est principalement convertie en bilirubine laquelle, après conjugaison au foie avec l’acide glycuronique, est excrétée dans la bile. Le fer, lui, est réutilisé pour l’érythropoïèse.
En quoi consiste le système de régulation de l’érythropoïèse?
La régulation fonctionnelle de l’érythron est assurée par une boucle de rétroaction classique dont l’intermédiaire est l’érythropoïétine ou EPO. Cette glycoprotéine est élaborée et sécrétée principalement par les cellules péritubulaires du rein sous l’influence de la pression partielle en oxygène (PO2) qui prévaut dans la circulation avoisinante.
Les principaux effets de l’érythropoïétine sont :
- de stimuler la prolifération des progéniteurs érythropoïétiques (BFU-E et CFU-E),
- d’accélérer la maturation des érythroblastes,
- d’accélérer le passage des réticulocytes au sang circulant.
La résultante normale d’une stimulation par l’érythropoïétine est donc de rétablir la masse érythrocytaire devenue incapable d’assurer l’oxygénation adéquate des tissus.
La moelle osseuse ainsi stimulée peut augmenter sa production érythrocytaire jusqu’à un maximum d’environ huit fois son taux de base.
Qu’est-ce que l’anémie?
L’anémie est définie par une diminution de la concentration circulante de l’hémoglobine (exprimée en g/l sur la formule sanguine) en deçà des valeurs généralement considérées comme normales. Il faut noter que la limite inférieure de la concentration normale d’hémoglobine, définie par deux écarts-types sous la moyenne, varie selon l’âge et les circonstances de la vie :
- Nouveau-né < 135 g/L
- 1 à 6 mois < 95 g/L
- 6 mois à 5 ans < 110 g/L
- 6 à 10 ans < 115 g/l
- 11 à 15 ans < 120 g/l
- Femme adulte < 125 g/L
- Grossesse (3ième trimestre) < 110 g/L
- Homme adulte < 135 g/L
- Homme ou femme de >75 ans < 125 g/L
Quels sont les principaux signes et sx de l’anémie?
Ces derniers ne sont pas nécessairement en relation étroite avec la concentration mesurée de l’hémoglobine. Sur le plan clinique, la tolérance à l’anémie varie de façon importante selon l’âge et l’état général du malade ainsi que selon la rapidité d’installation de l’anémie (les anémies chroniques sont beaucoup mieux tolérées).
L’anémie elle-même comporte peu de manifestations cliniques spécifiques si ce n’est :
- la pâleur : peau, plis de la main, muqueuses (bouche et conjonctives)
- l’asthénie (fatigue), plus ou moins importante selon le cas
- l’ictère, lorsqu’il y a hémolyse.
Par contre, plusieurs symptômes et signes physiques associés à l’apparition d’une anémie reflètent surtout :
-
l’activation de mécanismes compensatoires :
- tachycardie, palpitations, plus marqués à l’effort
- céphalée pulsatile, acouphènes
- dyspnée d’effort, orthopnée, oedème malléolaire.
-
l’état de la circulation : (perméabilité vasculaire)
- angine de poitrine
- claudication intermittente
- ischémie cérébrale transitoire.
-
l’expression de la maladie causale :
- fièvre (maladie inflammatoire)
- paresthésies, perte d’équilibre (Maladie de Biermer)
- douleurs épigastriques, méléna, etc. (ulcère gastroduodénal)
- ménorragies et/ou métrorragies.
Quels sont les principaux mécanismes producteurs d’anémie?
- Défaut de prolifération
- Défaut de maturation
- Survie raccourcie des érythrocytes
En quoi consiste une anémie causée par un défaut de prolifération?
Les anémies sont causées ici
- par une insuffisance numérique ou fonctionnelle des progéniteurs érythropoïétiques (BFU-E ou CFU-E),
- par une altération quelconque du microenvironnement médullaire ou,
- par une production ou une efficacité insuffisantes de l’érythropoïétine.
En quoi consiste une anémie causée par un défaut de maturation?
Une prolifération normale ou accrue est parfois rendue inefficace par l’incapacité des érythroblastes à acquérir leurs caractères morphologiques et fonctionnels normaux, ce qui entraîne parfois leur destruction précoce au sein même de la moelle (érythropoïèse inefficace).
Ces anémies sont causées le plus souvent par une carence des cofacteurs essentiels de l’érythropoïèse comme le fer, l’acide folique ou la vitamine B12.
En quoi consiste une anémie causée par une survie raccourcie des érythrocytes?
Ces anémies résultent, soit d’une hémorragie, soit d’une destruction prématurée des globules rouges in vivo (hémolyse) pouvant survenir dans la circulation elle-même (hémolyse intravasculaire), ou dans certains organes comme la rate et le foie (hémolyse extravasculaire).
Que sont les indicateurs biologiques de l’anémie?
Il s’agit d’épreuves de laboratoire disponibles au clinicien et lui permettant, dans la majorité des cas, d’identifier rapidement le mécanisme physiopathologique sous-jacent à une anémie.
À quoi sert la réticulocytose (numération des réticulocytes)?
Les réticulocytes sanguins peuvent être identifiés et énumérés par les automates de laboratoire à l’aide de fluorochromes se liant spécifiquement à l’ARN des ribosomes encore présents dans le cytoplasme cellulaire à ce stade de la maturation.
Normalement, la moelle osseuse doit remplacer chaque jour environ 1/100ième de la masse des érythrocytes circulants; la maturation finale des réticulocytes, qui a lieu dans le sang périphérique, dure environ 24 heures. Dans ces circonstances, on devrait s’attendre, chez un individu en bonne santé, à ce que les réticulocytes représentent environ 1% du nombre total des globules rouges circulants. Afin de tenir compte d’une certaine imprécision liée à la technique, on admet généralement que la réticulocytose normale varie entre 0.5% et 2% du nombre d’érythrocytes circulants.
La réticulocytose est une donnée essentielle à obtenir dans l’investigation initiale de tout cas d’anémie car elle permet au clinicien d’évaluer l’état de la production érythrocytaire et de savoir si une anémie possède un caractère REGÉNÉRATIF (production augmentée) ou NON-REGÉNÉRATIF (production normale ou diminuée).
Sur le rapport d’une formule sanguine, la réticulocytose peut être exprimée de deux façons:
- soit en pourcentage (ex : 0,015 ou 1,5%),
- soit en valeur absolue (ex : 65 x 109/l).
Les valeurs considérées comme normales sont respectivement de 0.5% à 2% en pourcentage et de 20 à 100 x 109/l en absolu.
Il faut parfois apporter des corrections à la valeur de la réticulocytose. Par exemple, on doit corriger la réticulocytose lorsqu’elle est exprimée en pourcentage. En quoi consiste cette première correction?
Lorsque la réticulocytose est exprimée en pourcentage, on doit effectuer une PREMIERE CORRECTION pour la diminution du nombre de globules rouges circulants observée chez un patient anémique. Si, par exemple, on rapporte chez un patient une réticulocytose de 8% associée à une numération érythrocytaire de à 2,5 x 1012 /l (au lieu d’une valeur présumée normale de 5 x1012/l), on devra corriger la réticulocytose comme suit :
8%* (2.5/5.0) x1012/l = 4%
Cette correction peut aussi s’effectuer en se servant de la valeur d’hémoglobine du patient comparée à la valeur présumée normale d’hémoglobine pour ce même patient :
8% * (75 g/l / 150 g/l) = 4%
Lorsque la réticulocytose est exprimée en valeur absolue, il n’est pas nécessaire d’effectuer cette première correction.
On doit aussi corriger la réticulocytose pour tenir compte d’une possible augmentation de la durée de maturation des réticulocytes circulants en cas d’anémie. En quoi consiste cette correction?
Une deuxième correction doit être aussi apportée à toute réticulocytose pour tenir compte d’une possible augmentation de la durée de maturation des réticulocytes circulants dans les cas d’anémie. Le temps de maturation des réticulocytes dans le sang circulant (n = 1 jour) augmente à 2 jours environ lorsque l’érythropoïèse est fortement stimulée.
Ceci provient du fait que les cellules, poussées prématurément hors de la moelle sous l’action de l’érythropoïétine, sont relativement immatures.
Ce phénomène se traduit sur le frottis sanguin par la présence de polychromatophilie, c’est-à-dire d’érythrocytes d’apparence violacée. Dans ce cas, si chaque réticulocyte demeure dans la circulation pendant le double du temps normal avant de se transformer en érythrocyte mature, il en résultera que le nombre observé de réticulocytes à n’importe quel instant sera lui aussi doublé. Mais ce nombre ne reflète plus seulement la production réticulocytaire, mais aussi son accumulation suite au passage prématuré dans le sang.
C’est pourquoi, en présence de polychromatophilie sur le frottis, le % ou le nombre absolu de réticulocytes du malade doivent être corrigés en le divisant par un facteur approximatif de 2. Donc dans l’exemple d’une réticulocytose à 8%, on la diviserait par 2 pour avoir une réticulocytose à 4%.
La réticulocytose ainsi corrigée correspond donc à un indice de production érythrocytaire.
- Lorsque la réticulocytose corrigée est supérieure à 2% ou à 100 x 109/l, on conclut à une anémie régénérative.
- Lorsque la valeur corrigée est inférieure ou égale (≤) à 2% ou à 100x109/l, on conclut alors à une anémie non régénérative.
Pourquoi et quand effectuer ces corrections concernant la réticulocytose?
Lorsque la réticulocytose brut , telle qu’exprimée sur la formule sanguine, paraît supérieure à la normale (>2% ou >100 x 109/l), elle peut être surestimée et ainsi faire croire à l’existence d’une anémie régénérative alors qu’il n’en pas le cas.
C’est pourquoi il est toujours important dans un tel cas d’effectuer la ou les corrections appropriées afin de connaître l’état réel de la production érythrocytaire. À l’inverse, lorsque la réticulocytose brut est normale ou inférieure, (≤ 2% o u à ≤100 x 109/l) il est inutile d’effectuer la correction et on peut donc conclure d’emblée à une anémie non régénérative.
En résumé à quoi doit-on penser lorsqu’on regarde la réticulocytose?
- La réticulocytose exprimée en % doit être d’abord corrigée pour le degré d’anémie du malade en se servant préférablement du nombre d’érythrocytes. Lorsque la réticulocytose est exprimée en valeurs absolues (x.109/L), cette correction n’est PAS nécessaire. Plusieurs laboratoires fournissent maintenant les deux expressions;
- À condition qu’il y ait polychromatophilie au frottis, on corrige une seconde fois en divisant le premier résultat par 2 ;
- Lorsque l’indice de production érythrocytaire ainsi calculé est supérieur à 2% ou supérieur à =100 x 109/L, on conclut qu’il s’agit d’une anémie regénérative.
Comment devrait-on corriger cette réticulocytose?
HOMME DE 54 ANS
RÉTICULOCYTOSE = 0,03 (3 %)
HÉMOGLOBINE = 80 g/L
GLOBULES ROUGES = 2.5 x
On voit que l’anémie semble regénérative car la réticulocytose > 2%. Comme elle est exprimée en %, on doit effectuer la première correction.
3% * ( GR malade/ GR normaux)
= 3% * (2.5/5) = 1.5%
On voit donc déjà que la réticulocytose < 2%, donc on n’a plus besoin d’effectuer de correction, puisqu’on sait que l’anémie est non regénérative.
Comment devrait-on corriger cette réticulocytose?
FEMME DE 38 ANS
RÉTICULOCYTOSE = 150 x 109/l
HÉMOGLOBINE = 80 g/L
GLOBULES ROUGES = 2,5 X 1012/L
POLYCHROMATOPHILIE ++
La réticulocytose est élevée, soit > 100 x 109/l. L’anémie semble donc regénérative. Comme elle est donnée en nombre absolu, on n’a pas besoin de faire la première correction. Toutefois, on voit que la polychromatophilie est ++. Il faut donc faire la deuxième correction, soit de diviser la réticulocytose par 2.
(150 x 109 /l) / 2 = 75 x 109/l
Cette réticulocytose corrigée est donc en dessous du seuil limite. On peut donc conclure que l’anémie est non régénérative.
Un autre indicateur important sur les tests laboratoires contemple la morphologie des érythrocytes. Quels sont ces indicateurs?
Cet indicateur est extrêmement important en clinique puisqu’il sert de base à une classification opérationnelle des anémies.
Les renseignements relatifs aux constantes érythrocytaires et les particularités morphologiques observées lors de l’examen du frottis sanguin font partie intégrante du résultat de la formule sanguine et doivent être analysés soigneusement dans la démarche conduisant au diagnostic étiologique d’une anémie.
Que sont les constantes (ou indices) érythrocytaires?
Il s’agit de valeurs moyennes calculées à partir des données de base de la formule sanguine (Hb, Hcte, numération érythrocytaire) et qui permettent au clinicien de déterminer si, dans un cas donné, une anémie est de type :
- normocytaire
- microcytaire
- macrocytaire
d’une part et :
- normochrome
- hypochrome
d’autre part.
Les constantes érythrocytaires les plus utilisées sont:
- VGM ou volume globulaire moyen
- TGMH ou teneur globulaire moyenne en hémoglobine
- CGMH ou concentration globulaire moyenne en hémoglobine)
Quelles sont les valeurs à retenir pour le VGM (volume globulaire moyen)?
C’est de loin l’indice le plus sensible et le plus utile. La valeur normale = 82 à 98 fl (10-15l). Donc:
- Anémie microcytaire : VGM inférieur à 82 fl
- Anémie normocytaire : VGM entre 82 et 98 fl
- Anémie macrocytaire : VGM supérieur à 98 fl
Quelles sont les valeurs à retenir pour le TGMH (teneur globulaire moyenne en hémoglobine)?
En pratique, il est inutile, puisqu’il n’apporte rien de plus que le VGM. Sa valeur normale est entre 27 à 33 pg (10-12g). Donc
- Anémie microcytaire : TGMH inférieure à 27 pg
- Anémie normocytaire : TGMH entre 27 et 33 pg
- Anémie macrocytaire : TGMH supérieure à 33 pg
Quelles sont les valeurs à retenir pour le CGMH (concentration globulaire moyenne en hémoglobine)?
C’est un indice utile, mais relativement peu sensible. Sa valeur normale est entre 320 à 360 g/L. Donc
- Anémie hypochrome : CGMH inférieure à 320 g/L
- Anémie normochrome : CGMH entre 320 et 360 g/L
- Il n’existe PAS d’anémies hyperchromes