Qu'est ce qu'être français ? Flashcards
Les thèses défendues par Ernest Renan dans sa conférence « Qu’est-ce qu’une nation ? » de 1882 reflètent la conception française de la nation.
Selon lui, l’idée nationale est « une idée, claire en apparence, mais qui prête aux plus dangereux malentendus ». Dans la première partie de la conférence, les nations, entendues comme des individualités historiques, constituent un phénomène nouveau dans l’histoire. De ce fait, la question de l’appartenance est un baril de poudre qu’il faut manier avec les plus grandes précautions. De la Serbie à la Côte d’Ivoire en passant par l’Ukraine ou le Pays basque, les passions nationales font l’objet de bien des manipulations. Dans la deuxième partie de la conférence, Renan dispose qu’ « Une nation n’est pas un Zollverein » (au XIXe, union douanière qui a précédé l’unification politique de l’Allemagne). Pour lui, une nation est « un plébiscite de tous les jours ».
L’Etat providence, expression de Jospin qui lui a fait perdre plusieurs points dans les sondages pour l’élection présidentielle
L’État occupe une place essentielle dans la vie quotidienne des Français. À la moindre difficulté, qu’elle soit climatique, économique ou sociale, on n’en appelle à « l’État » et à ses « subventions ». Par exemple, un candidat à la présidentielle qui déclare que « l’État ne peut pas tout », perd aussitôt plusieurs points dans les sondages (Lionel Jospin, 2002).
L’égalitarisme français ne date pas de la Révolution.
Sous l’ancien régime, déjà, l’Église y affirmait que tous les hommes étaient égaux devant Dieu (sans toujours mettre ses actes en accord avec ses paroles). Cependant, c’est la révolution a fait de l’égalité une valeur fondamentale. Dans la nuit du 4 août 1789, il y a l’abolition des privilèges, bénéficiant à certaines catégories de la population, souvent depuis des générations. A partir de 1848, l’égalité devient l’un des trois termes de la devise (Liberté, Égalité, Fraternité). Cependant, l’égalitarisme français est entaché pour deux raisons. D’une part, l’attachement des français à la propriété, qu’ils assimilent à la liberté. Dès le Moyen Âge, la France est un pays de petits propriétaires ruraux. Aujourd’hui, l’attachement ancestrale des Français à la terre semble s’être mué en un amour de la pierre, l’immobilier faisant figure de valeur refuge. D’autre part, le souci du rang et le goût de la distinction, que leur a légué l’aristocratie.
La France est le « pays de la littérature » (Pierre Lepape).
« Aucune autre nation ne lui accorde une place comparable. Il n’y a qu’en France où la nation entière considère la littérature comme l’expression représentative de ses destinés (…). Victor Hugo : « La littérature, c’est la civilisation ». Pour la France en tout cas ces mots sont l’image exacte de la réalité. » (Essai sur la France, 1930, Ernst Robert Curtius). Cette vocation née vraiment que XVIe siècle. Auparavant, la France était surtout réputée pour la valeur de ses armées, son droit et ses facultés de médecine et de théologie. Le projet culturel s’affirme avec Louis XII et François Ier. Tout au long des derniers siècles, les écrivains et les intellectuels ont jouit d’un prestige inégalé en France. À son ministre de la justice lui conseillant de faire arrêter Sartre, qui était l’un des porteurs de valise du Front National de libération (FNL) algérien, le général de Gaulle aurait répondu « On n’arrête pas Voltaire ». Notre pays possède ainsi une tradition de haut fonctionnaire écrivain, et de diplomate écrivain. Cependant, cette tradition s’effondre, rare sont ceux qui sont encore capables d’écrire leurs livres seuls. On peut citer : François Bayrou, Dominique de Villepin, Bruno Le Maire.
La nation française doute d’elle-même (Les failles du roman national).
La crainte du déclin hante les Français depuis deux siècles, en raison de plusieurs tâches sur le « roman national ». D’abord, le régime collaborationniste de Vichy a rompu avec les valeurs républicaines et participé à la déportation des juifs. Ensuite, la décolonisation a été particulièrement mal gérée par la France, avec un certain nombre d’épisodes répressifs, comme à Sétif le 8 mai 1945 ou à Madagascar en 1947, et avec le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie. Enfin, pendant des décennies, le monde intellectuel français a soutenu le totalitarisme communiste sous ses variantes successives (soviétique, castriste, titiste, maoïste…), et nombre d’écrivains et d’artistes ont préféré, selon l’expression consacrée « avoir tort avec Sartre plutôt que raison avec Aron ». Or, c’est contraire à la réalité historique, la France n’a pas à rougir, pour l’essentiel, de son long passé. En 2005, la France pourtant dirigée par un Premier ministre admirateur de Napoléon Bonaparte, n’a pas commémoré la victoire d’Austerlitz, mais a envoyé une escadre participer aux commémorations de sa défaite à Trafalgar. C’est tout aussi excessif que les discours chauvins de naguère. Conséquence peut-être de l’écart entre la grandeur du passé et les réalités présentes, un profond pessimiste s’est emparé de la France. Les Français semblent en proie à la « sinistrose ». Les sondages décrivent une population qui n’a plus confiance en son avenir. Selon un sondage de l’institut CSA de 2013, deux tiers des français considéreraient vivre une crise sans précédent. Les jeunes ne pensent plus qu’à l’expatriation, la France est le plus gros consommateur de psychotropes d’Europe. Le principal ennemi du français, c’est lui-même. Cette mélancolie nationale risque de s’autoalimenter, de devenir inguérissables et de dissuader deux qui voudraient rejoindre la communauté française.
Les Français cherchent des ennemis, traîtres, sur qui imputer leurs échecs ou difficultés.
D’abord, des ennemis extérieurs. En France, l’ennemi héréditaire fut longtemps l’Anglais. Ensuite, ou concomitamment, ce fut l’Allemand. Après la défaite de 1870, la France était littéralement obsédée. Les Etats-Unis ont aussi joué ce rôle d’adversaire. Pendant toute la guerre froide, le Parti communiste dénonçait l’impérialisme américain, fauteur de guerre, et la « coca-colonisation » censée abaisser la culture du pays. Ensuite, des ennemis intérieurs, ou traîtres, car comme soutenait Renan « Un peuple vaincu se dit toujours trahi ». La France cultive une ambiance de guerre civile depuis la révolution de 1789. Aucun des deux « camps » politiques ne veut avoir affaire à l’autre. L’adversaire politique est souvent accusé de servir l’intérêt des puissances étrangères. Il difficile d’imaginer une « grande coalition » réunissant la gauche et la droite comme il en existe en Allemagne. Enfin, les Français ont recours à la « causalité diabolique ». Autrement dit, à l’interprétation de l’histoire par le complot et à la dénonciation d’individus ou de groupes censés être à l’origine de tous les malheurs du temps. Aujourd’hui, persiste une certaine agressivité des Français face à ceux qui ne deviennent pas Français ou qui n’adoptent pas les valeurs du pays. Le projet assimilationniste rend les Français plus durs aux étrangers que les autres peuples.
La France est une puissance en déclin depuis 1815.
Pour Lucian Boia, c’est la défaite de Waterloo qui marque le début du déclin pour la France, dont la puissance s’effrite par la suite. Il identifie trois graves « occasions manquées » pour notre pays. Premièrement, le pays, tourné vers le continent, n’a pas consenti aux investissements nécessaires outre-mer. Par exemple, Louis XV accepte d’abandonner le Canada français en 1763, lors de la signature du traité de Paris. En 1803, Napoléon vend la Louisiane pour financer son sacre. Deuxièmement, la France, trop occupée à faire la Révolution, a pris du retard dans la révolution industrielle. En 1810, notre pays compte 200 machines à vapeur, alors que le Royaume-Uni en a 5 000, malgré que leur richesse soit pratiquement égales. En 1913, l’économie française ne représente plus que 65% de celle du Royaume-Uni. Troisièmement, malgré des efforts considérables, la France n’a pas su annexer la rive gauche du Rhin. Les dernières tentatives en ce sens, au lendemain de chacune des deux guerres mondiales, se sont soldés par des échecs (Hégémonie ou déclin de la France, La Fabrication d’un mythe national, 2009).
Il y a un net recul de la langue et de la culture française. D’une part, s’agissant de la langue française
la première guerre mondiale porte un 1er coup à l’usage du français. En 1919, Clemenceau accepte que le traité de Versailles soit rédigé en deux langues, français et anglais, même si la version français seule fait foi en cas de contestation. Dans l’entre-deux-guerres, l’anglais s’impose comme langue diplomatique et scientifique mondiale. Aujourd’hui, si l’organisation internationale de la francophonie joue un rôle diplomatique important, il n’y a que 300 millions de locuteurs répartis sur 5 continents. Des foyers de francophonie très actifs (Viêt Nam, Roumanie) se sont éteins. En Europe, obligatoire dans l’enseignement secondaire jusqu’à la SGM, c’est désormais l’anglais qui s’impose. La langue de Shakespeare ou de Margaret Thatcher domine le fonctionnement quotidien de l’UE. La langue est attaquée de l’intérieur par la profusion des anglicismes, signe d’une perte d’identité. D’autre part, s’agissant de la culture française, la recherche française, qui se fait désormais exclusivement en anglais, est concurrencée par les laboratoires asiatiques. La généticienne Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de chimie en 2020 pour sa contribution à la mise au point des « ciseaux moléculaires » travaille à l’Institut max Planck de Berlin. Le système de l’enseignement supérieur délabré et de plus en plus coûteux peine à attirer. New York a succédé à Paris comme capitale des arts en 1945. Si les auteurs classiques se maintiennent (Jules Verne est au deuxième rang des auteurs les plus traduits dans le monde, après Agatha Christie), la littérature française est de moins en moins traduite.
Dans son ouvrage Que reste-t-il de la culture française ? (2008), Donald Morrison
Il explique que si la culture française demeure vivace, elle ne rayonne plus à l’étranger. La faute incomberait à un Etat trop protectionniste, qui dissuade les créateurs de se confronter à leurs rivaux étrangers, ainsi qu’aux réformes successives de l’école qui ont abaissé le niveau. Il insiste sur le déclin de la photographie qui est pourtant une invention nationale, et souligne combien en musique la France a raté le rock’n’roll. Seules échappent au déclin : la mode, cuisine, architecture, musique techno (Daft Punk, Air et Justice, DJ Laurent Garnier et David Guetta). Certains commentateurs français (Marc Fumaroli) ont reproché à Morrison de confondre haute et basse culture. En réalité, la France aurait perdu le combat de la culture de masse.
Les représentations de la Nation France
En pleine révolution française, Siéyès, députés aux États généraux de mai 1789, pose la question : “qu’est-ce que le tiers état ?”. il répond qu’il n’est rien, et pourtant il aspire à devenir tout, un peuple, par opposition à la société d’ordres d’Ancien régime dans laquelle politiquement. Il n’est que sujet. Cette interrogation se traduit près d’un siècle plus tard par la question suivante : “qu’est-ce qu’une nation ?” Posée par Ernest Renan dans sa leçon, inaugurale au collège De France.
C’est dans cette période ouverte par la révolution française, et sur un long XIXe siècle, que se construisent les représentations de la nation France. Elles accompagnent la formation d’un peuple dont le socle commence s’incarne dans des actes politiques, des valeurs philosophiques, des images, des symboles et une histoire commune.
Peinture Monet, RUE SAINT-DENIS, FÊTE DU 30 JUIN 1878
Lorsque Money représente la rue Saint-Denis en 1878, il figurent au milieu des bruissements populaire populaires et drapeau tricolore les slogans : “vive la république” sur fond blanc et “vive la France” sur fond noir. L’idée de nation France semble ici rejoindre celle de la république.
Les couleurs de la révolution deviennent celle de la France. Le rouge, couleur du pouvoir, devient le symbole du combat, le bleu et la couleur la plus aimée des Français et le blanc, celle de la paix. L’héritage révolutionnaire demeure un facteur de politisation pour une nation constituée d’un peuple citoyen en devenir.