La transparence Flashcards
Définition de la transparence
« Idéal de connaissance, de représentation ou d’organisation », définissent Charlotte Beaufort et Bertrand Rougé, la transparence inquiète pourtant aujourd’hui autant qu’elle rassure.
TJ de Paris et transparence
La transparence est un impératif saisi dans un clair-obscur que restitue le tribunal de Paris ouvert en 2020. « Nous avons choisi la transparence » pour rassurer sur l’exercice du pouvoir, admet l’architecte Renzo Piano. Le bâtiment arbore son armature de verre, métaphore d’une justice démocratique, qui n’a rien à cacher et invite le justiciable à scruter le travail de chaque rouage du ministère, exposé en pleine lumière. «La transparence assurée par la matière – le verre – sert de support à un discours qui ne l’opacifie pas mais au contraire l’éclaire », commente en 2016 Antoine Garapon dans le Rapport de l’IHEJ sur la symbolique du futur Tribunal de Paris. Mais la justice ne peut pas se fixer pour seul horizon la transparence. Antoine Garapon met d’ailleurs immédiatement en garde contre son dévoiement : « ce qui doit être transparent, c’est l’exercice du pouvoir et non les gens. Lorsqu’elle se polarise sur la vie des autres et leurs misérables secrets, la transparence se corrompt en voyeurisme ». Les parois vitrées du Palais doivent laisser filtrer l’activité de la justice sans rien révéler des visages. La transparence sans précaution présenterait un risque, tant pour le justiciable que pour le magistrat. La décision de justice ne peut qu’être rendue dans un climat serein. Depuis une ordonnance de Philippe VI de 1344, le secret des délibérations est imposé et l’ordonnance encore du 22 décembre 1958 dispose que dans son serment, le jeune magistrat s’engage encore à le respecter.
René Descartes, Principes de philosophie (1644) : sur la transparence
Seule une connaissance claire et distincte permet d’accéder à la vérité.
droit à l’anonymat des actionnaires aux EU quand ils dépassent 5% de détention :
Aux EU, lorsqu’un actionnaire dépasse 5% de détention, son droit à l’anonymat est annulé par le droit des autres actionnaires à être informés. La réforme mise en œuvre le 5février est minimale, puisque le seuil reste à 5% et le délai de cinq jours, plus long que presque partout ailleurs. L’objectif est d’accroître marginalement la transparence des transactions.
Michel Foucault dans Surveiller et punir, en 1975 :
Il débusque dans l’injonction à la transparence une aspiration à la surveillance. décrit le modèle de la prison panoptique imaginée à la fin du XVIIIe siècle par le philosophe Jeremy Bentham. « Voir sans être vu », résume Bentham dans son Panopticon de 1791. Les détenus se savant potentiellement espionnés, s’autocensurent et sont donc leurs propres gardiens. La peur et la paranoïa des personnages décuplent la menace que représente le pouvoir, nulle part et donc potentiellement partout.
Thèse de Socrate dans Le Gorgias de Platon
« Connais-toi toi-même ». La maxime socratique, gravée sur le fronton du temple de Delphes, invite chacun à prendre conscience de sa place dans le Cosmos pour mieux se conformer à sa nature. Être en accord avec soi-même est un préliminaire indispensable pour trouver sa place dans la communauté politique.
Jean-Jacques Rousseau dans Les Confessions , en 1782
Il réclame que l’attitude extérieure soit « toujours à l’image des dispositions du coeur », quitte à déchirer « de voile uniforme et perfide de politesse », cette sociabilité fausse des sociétés modernes qui empêche de saisir la sincérité du cœur. Toute l’oeuvre de Rousseau cherche « la restitution de la transparence compromise », par l’éducation (L’Emile, 1762), le politique (Du contrat social, 1762) et l’expérience initiale de l’injustice
Emmanuel Kant, Qu’est ce que les Lumières ?, 1784
La transparence acquise garantirait l’État de droit et l’autonomie de citoyens éclairés.
Il prônait déjà en 1784 la « publicité » contre la culture du secret, et l’accès identique de tous à l’information. La publication du droit notamment lui semble indispensable à l’usage public de la raison et à la formation d’une opinion publique. Vertu républicaine, la transparence protège les individus et leur autonomie.
Voltaire, Prix de la justice de l’humanité, 1777
L’aspiration à la transparence ne se cantonne pas à l’espace public, elle régit aussi la sphère professionnelle et la vie domestique. « Il en est du viol comme de l’impuissance ; il est certains cas dont les tribunaux ne doivent jamais connaître » Attentif à préserver l’intimité du sujet d’un État oppressif, Voltaire veut soustraire l’espace domestique aux velléités de contrôle des pouvoirs publics.
Carl Schmitt dans Catholicisme romain et forme politique, 1923
Activité stratégique, la politique a « le goût du secret ». Le secret d’État maintient une culture de l’opacité incompatible avec les démocraties contemporaines
Conseil constitutionnel et transformation de la justice en spectacle : (transparence)
Saisi par QPC, le Conseil constitutionnel avait pourtant opposé une fin de non-recevoir en 2019, estimant que la transformation de la justice en spectacle au nom d’une quête effrénée de transparence nuirait à la « sérénité des débats et à l’impartialité de la justice ».
Vers une démocratie administrative transparente ?
Le Médiateur de la République, en 1973, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), en 1978 et, la même année, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) orientent la transparence vers l’impératif de démocratie administrative qui permet aux administrés de demander des comptes aux services publics.
Affaire Cahuzac et transparence :
En 2013, dans le feu du scandale suscité par l’accusation de fraude fiscale portée contre le ministre du Budget Jérôme Cahuzac, le Parlement vote une loi relative à la transparence de la vie publique qui aboutit la même année à la création d’une nouvelle Autorité administrative indépendante, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.
La présence du mot “transparence” dans le discours public
Force est de constater que le mot « transparence » est aujourd’hui de plus en plus présent dans le discours de l’administration publique, de l’éthique des affaires et dans toutes formes de commerces de biens et de services. Pas un jour ne passe sans que cette notion soit employée afin de rappeler l’importance du lien de confiance qui doit primer dans la communication entre les divers partenaires publics ou privés. Souvent, l’obsession de la transparence apparaît comme une entrave à l’intimité, voire à la liberté. Elle correspond à un désir de contrôle alors qu’à l’origine elle était vue comme un besoin de clarté et d’émancipation dans nos relations sociales.
Sujet-plan : La transparence, garantie ou menace pour les libertés ?
I. La transparence, un impératif démocratique face à la politique du secret
A) L’exigence de transparence pour dissiper l’ombre du secret : la lumière, condition de la démocratie
B) Le secret, indispensable contrepoint à la transparence
II. Secret et transparence au service d’une société de surveillance
A) Récuser le secret, imposer la transparence, la logique oppressive de la société de contrôle
L’injonction à la transparence efface la frontière entre l’intime et le politique
B. Ni secret ni transparence : la visibilité comme gage d’une éthique démocratique
Au terme de l’impératif de transparence, et de son exigence de connaissance sans limite, il n’y a donc pas la confiance, mais la surveillance.