La France et ses étrangers Flashcards
Sous l’Ancien régime
Les étrangers étaient assujettis à un régime juridique particulier caractérisé par le droit d’aubaine, où à leur décès, le souverain héritait de leurs biens, engendrant ainsi leur appauvrissement constant. L’arrêt du Parlement de Paris en 1515 introduit la notion de jus soli dans le droit français, accordant la nationalité aux enfants nés en France de parents étrangers. Avant 1789, les véritables étrangers étaient principalement les juifs et les protestants, tandis que les élites princières ignoraient souvent les frontières. La qualité de français a moins d’importance que la foi catholique. Cependant, la Révolution a fait de la citoyenneté un véritable enjeu, puisque la souveraineté appartient désormais au peuple, qui doit l’exercer par le biais de ses représentants. Ainsi, la Révolution a profondément transformé la conception de la citoyenneté, qui est dite « abstraite », en abolissant le droit d’aubaine en 1790 et en adoptant une politique libérale d’octroi de la nationalité. En 1792, un décret de l’Assemblée nationale législative attribue le « titre de Français » à ceux qui ont servi la cause de la liberté. La Constitution de 1793, bien que peu appliquée, stipule qu’une simple présence d’un an sur le territoire suffit pour exercer tous les droits de la citoyenneté, marquant ainsi une période exceptionnelle où devenir Français était plus accessible que jamais selon l’historien Patric Weil.
La France est un pays d’immigration depuis le 18e siècle.
Les chiffres révèlent qu’en 1851, 381 000 étrangers représentaient seulement 1% de la population, majoritairement composés de Belges et d’Allemands. Cependant, depuis 1900, la France a accueilli proportionnellement plus d’étrangers que les États-Unis, ces derniers adoptant une politique stricte de quotas depuis 1920. Par ailleurs, la grande vague migratoire de l’entre-deux-guerres a mené en France a mené en France de nombreux italiens et polonais. Ainsi, en 1931, les immigrés représentaient 6,1% de la population totale. Ces étrangers ont joué un rôle crucial dans le rayonnement national. D’une part, souvent relégués aux travaux que les Français ne voulaient pas accomplir, il est estimé que 90% des autoroutes et 1 logement sur 2 construits par les immigrés. D’autre part, certains étrangers ont eu de brillantes carrières politiques, scientifiques ou encore littéraires. Par exemple, Patrice Mac-Mahon, général et président de la République de 1873 à 1879, est issu d’une famille d’origine irlandaise. Il s’est réfugié en France avec Jacques II Stuart à la suite de la Glorieuse révolution de 1688. Par ailleurs, nombreux sont ceux qui ont combattu pendant pour la France pendant les deux conflits mondiaux. Les **résistants d’origine étrangère étaient qualifiés d’ « armée du crime » **par la propagande de Vichy. Le 21 février 1944, 23 furent fusillés par les Allemands au Mont-Valérien. La xénophobie du régime de Vichy prouve que la France n’a pas toujours été la terre d’asile qu’elle prétend être.
Le thème du parti des étrangers
En 1793, la Révolution inventa la figure du « parti de l’étranger », imputant aux étrangers tous les maux dont souffrait le pays.
Historiquement, la première vague de xénophobie cible les immigrés italiens, auxquels est reproché leur catholicisme exacerbé. Les années 1880 sont marquées par des tensions avec la Tunisie, entraînant des émeutes à Marseille où les Italiens sont pourchassés et contraints de crier “Vive la République !”. Suite à une violente crise économique, se développe un mouvement politique prenant les étrangers pour cible : Le boulangisme, qui connaît un certain succès chez les ouvriers. A la fin des années 1990, une nouvelle vague d’hostilité frappe les étrangers, qui sont désormais surtout des réfugiés (arméniens, russes blancs, républicains espagnols ou juifs allemands). Une loi de juillet 1934 impose à tous ceux qui veulent exercer une profession libérale d’être naturalisés depuis 10 ans. De 1938 à 1939, le mariage des étrangers est soumis à autorisation administrative. Surtout, sous Vichy, le régime du maréchal Pétain interne les étrangers dans des camps, retire la nationalité à tous ceux qui ont été naturalisés depuis 1927, et promulgue deux « statuts des juifs » successifs (devançant les allemands). A partir de 1945, il s’agit d’une immigration de masse, liée à la reconstruction et à l’industrialisation du pays. Les entreprises font venir du personnel en métropole, avec l’aide de l’Office national de l’immigration et la bénédiction des autorités. Cependant, les immigrés sont perçus comme une main-d’œuvre, jamais comme de futurs citoyens.
En 1973, un fait divers impliquant un ressortissant algérien va être l’occassion d’un véritable déchaînement de haine anti-arabe qui fera plus de 50 arabes tués, et conduira au déclenchement de la première grève générale massive des travailleurs maghrébins contre le racisme.
En 1977, il y a la création de,la prime Stoléru, appelée « aide au retour », qui échoue et sera abrogée en 1981.
En réalité, la thématique du « parti de l’étranger » fait régulièrement surface. Le 6 décembre 1978, J. Chirac lance l’ « Appel de Cochin », un appel contre le « parti de l’étranger », et qui visait explicitement l’UDF, le parti du président Valéry Giscard d’Estaing, dont il était encore à peine deux ans plus tôt le premier ministre. Chirac y dénonce le fédéralisme européen et exprime son souverainisme**.
Cependant, l’immigration devient une question politique importante à partir de la percée du Front national à Dreux lors des municipales de 1983.
Dans la campagne présidentielle de 2022, les questions d’immigration et d’islam demeurent centrales. Pour la première fois, la thèse du « grand remplacement », popularisée par l’écrivain Renaud Camus, est reprise par le candidat Éric Zemmour. Elle est publiquement discutée, de même qu’une hypothétique « remigration ».
La fracture entre ceux d’ici” et “ceux d’en face”
D’autre part, il y a une véritable fracture entre « ceux d’ici » et « ceux d’en face », prenant parfois l’allure d’un véritable refus de l’autre. Les sondages révèlent qu’une part croissante des sociétés européennes se méfie des cultures et des religions étrangères. En 2022, pour 77% des français, l’islamisme est perçu comme un danger pour la République (IFOP, 2022, Le rapport des français à l’islam, à la laïcité et à la menace terroriste). Par ailleurs, en 2023, 65% des français considèrent que la France compte déjà beaucoup d’étrangers et qu’en accueillir davantage n’est pas souhaitable (IFOP, 2023, Le regard des français sur l’immigration). En revanche, si en 2022 une large majorité des Français (79%) s’est déclarée favorable à l’accueil de réfugiés ukrainiens, au maximum 49% des Français s’étaient prononcés en faveur de l’accueil des Afghans fuyant le régime des Talibans en 2021 (IFOP, 2022, Les français et l’accueil de réfugiés ukrainiens). Ces chiffres mettent inévitablement en exergue la différence de perception sur la nécessité d’accueillir des « réfugiés » en fonction de leur lieu d’origine.
Le malaise qui entoure l’immigration résulte d’une série de phénomène indépendants, dont les effets se cumulent. Comme l’écrit **Stéphane Perrier dans La France au miroir de l’immigration **(2017), le premier de ces phénomènes est la grande distance culturelle entre les immigrés et la population du pays d’accueil. En aucun cas il ne s’agit de soutenir de certaines origines empêcheraient de devenir français, mais l’intégration des immigrés extra-européens est plus difficile pour la simple raison que le fossé culturel à combler est plus large. Il explique que ces derniers viennent pour la plupart de régions du monde où le lien communautaire est plus resserré qu’en France. Or, « ces sociétés n’ont pas été comme la nôtre travaillées en profondeur depuis des siècles par l’individualisme et l’esprit critique ». D’où les difficultés croissantes, selon l’expression de Michèle Tribalat, à « faire France » (Faire France. Une enquête sur les immigrés et leurs enfants, 1995).
Maxime Tandonnet, Immigration, sortir du chaos, 2006
selon Maxime Tandonnet, conseillé de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur puis à l’Élysée, la pression migratoire va s’intensifier, du fait de ce qu’il appelle les « Trois D » (Immigration, sortir du chaos, 2006). C’est-à-dire les écarts en matière : de développement, de démocratie, de démographie. Le facteur démographique est selon lui le plus important. La population de l’Afrique va passer de 1,2 milliards en 2017 à 4,4 milliards en 2100. Tandis que le nombre de migrants dans le monde va doubler, passant de 200 millions en 2005 à 400 millions en 2025. La pression migratoire dépend directement de la situation internationale, elle pourrait être atténuée par la démocratisation du continent africain, ou augmentée par les effets prévisibles et potentiellement catastrophique du réchauffement climatique. Le problème étant qu’une bonne partie de la jeunesse des pays du Sud n’envisage comme solution à ces difficultés que les migrations.
L’identité malheureuse (2013), Alain Finkielkraut
écrit que « Le refus d’être français n’est peut être que le refus du refus français d’être ».
Les lacunes et faiblesses de la politique d’intégration viendraient en grande partie d’un certain « désamour de soi ».
En réaction, sans doute, au patriotisme ardent du passé, qui semble n’avoir eu comme conséquence que la guerre et l’intolérance, la France elle nourrit une vision exclusivement critique de son passé. Il conviendrait donc de présenter une appréciation plus positive de la gestion nationale, dans tous ses aspects, y compris ceux qui sont relatifs à l’immigration. Les Français gagneraient à être rassemblés autour d’un projet commun, fédérateur et mobilisateur.
Définitions de migrants, réfugiés et expatriés :
Personne née à l’étranger et installée depuis au moins 1 an dans un autre pays que le sien. Ils représentent en 2020 4% de la population mondiale, et en 2000 seulement 2,8% de la population mondiale.
Réfugiés : lorsqu’ils viennent, a priori, de pays en guerre.
Expatrié : lorsqu’ils sont riches.