Pédiatrie Flashcards
Pour bien comprendre
A Croissance normale de l’enfant
1 Points de repère à mémoriser
Les paramètres à connaître sont mentionnés dans le tableau 1.1.
Tableau 1.1
Repères de croissance.
Âge Taille (cm) Poids (kg) PC (cm)
Naissance à terme* TN = 50 PN = 3,5 PCN = 35
4 mois 7 (= PN × 2) PC = (Taille/2) + 10
9 mois 9
1 an 75 10 (= PN × 3)
4 ans 100 (= TN × 2) 16 50
TN : taille de naissance: PN : poids de naissance: PC : périmètre crânien; PCN : périmètre crânien de naissance.
*Pour les enfants nés prématurés, les mensurations de naissance doivent être interprétées en fonction de l’âge gestationnel selon des courbes de référence (courbes AUDIPOG, https://www.audipog.net/).
Au cours du premier trimestre, les nourrissons doivent prendre 25 g par jour (hors première semaine de vie); le poids de naissance est doublé à 4 mois et triplé à 1 an. Le gain de taille est d’environ 25 cm la première année puis d’environ 10 cm par an les deux années suivantes; la taille de naissance est doublée à 4 ans (soit environ 1 mètre).
2 Physiologie de la croissance staturale
Chez l’enfant, la croissance staturale se fait au niveau de la plaque de croissance. Cette croissance est contrôlée par de nombreux facteurs : nutritionnels et énergétiques, psychoaffectifs, hormonaux (hormone de croissance et IGF-1, hormones thyroïdiennes, hormones sexuelles), osseux et génétiques (reflétés par la taille cible calculée à partir des tailles des parents).
La croissance staturale est schématiquement séparée en quatre phases interdépendantes (fig. 1.1) :*croissance fœtale reflétée par les paramètres de naissance : phase de croissance la plus rapide (50 cm en 9 mois);
*de la naissance à l’âge de 4 ans : vitesse de croissance élevée qui décroît progressivement (25 cm la première année, environ 10 cm par an les deux années suivantes) avec mise sur le couloir de croissance génétique (reflétée par la taille cible);
*de 4 ans au début de la puberté : phase de croissance linéaire (environ 5 à 6 cm par an; pathologique si < 4 cm par an après 4 ans);
*au cours de la puberté : accélération de la vitesse de croissance (8 à 10 cm par an) avec un gain moyen au cours de la puberté (pic de croissance pubertaire) de 20 à 25 cm chez la fille et 25 à 30 cm chez le garçon. La taille adulte moyenne est de 177 cm chez les hommes et de 165 cm chez les femmes (selon les courbes françaises actualisées en 2018).
Évaluation pratique de la croissance
L’évaluation de la croissance repose en premier lieu sur les mesures du poids et de la taille. Dans le cadre du suivi pédiatrique, il est recommandé de mesurer ces paramètres au minimum tous les 3 mois jusqu’à l’âge de 2 ans puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de la croissance, et de les noter sur le carnet de santé.
Jusqu’à l’âge de 3 ans, la mesure du périmètre crânien est associée à ces paramètres.
Ces paramètres doivent être interprétés en fonction de l’âge et du genre en utilisant des courbes adaptées à la population. En France, les courbes actualisées dans le carnet de santé en 2018 sont la référence: elles sont assez proches des courbes de l’OMS. Ces courbes de croissance permettent de définir les valeurs « normales » (au sens de répartition normale ou gaussienne) et pathologiques de la croissance de manière purement statistique. Par définition, les paramètres de croissance de 95 % de la population se situent entre les intervalles – 2 DS (déviations standards) (2,5e percentile) et + 2 DS (97,5e percentile).
Concernant la croissance staturale d’un enfant, il est également très important de l’interpréter en fonction de son potentiel génétique reflété par la taille cible (égale à la moyenne des tailles du père et de la mère + 6,5 cm chez le garçon ou – 6,5 cm chez la fille). Les études de populations indiquent que la taille adulte de 95 % des enfants se situe à ± 1,5 DS de leur taille cible. Ceci signifie qu’une taille inférieure à – 1,5 DS de la taille cible doit être considérée comme pathologique (fig. 1.2).L’aspect de la courbe de croissance reflète la vitesse de croissance: la vitesse de croissance peut être régulière ou ralentie (fig. 1.3).Enfin, le rapport entre les courbes de croissances staturale et pondérale doit être analysé (fig. 1.4). Ce rapport peut être appréhendé par l’indice de masse corporelle qui est égal au poids (en kg) rapporté au carré de la taille (en mètre) (voir chapitres 15 et 16).
Retard de croissance staturo-pondérale : définitions
Définition d’une insuffisance pondérale : voir chapitre 15.
Définition d’une anomalie de la croissance staturale :
*taille < – 2 DS selon les courbes de la population générale;
*et/ou taille < – 1,5 DS par rapport à la taille cible génétique;
*et/ou ralentissement (ou cassure) de la vitesse de croissance (< 4 cm par an après 4 ans).
Le retard de croissance staturo-pondérale doit être considéré comme un signe d’appel justifiant toujours une évaluation.
L’analyse des courbes doit être systématique et comporter ces cinq informations : mensurations à la naissance (à interpréter selon l’âge gestationnel), aspect de la courbe de croissance (courbe régulière ou ralentissement de la vitesse de croissance), taille de l’enfant par rapport à la population générale (taille exprimée en DS en fonction de l’âge et du genre en utilisant des courbes adaptées à la population), taille de l’enfant par rapport aux tailles parentales (distance à la taille cible), rapport entre la croissance staturale et la croissance pondérale (reflété par l’indice de masse corporelle).
Orientation diagnostique devant un retard de croissance
A Enquête clinique
L’analyse de la courbe de croissance staturo-pondérale est un élément clé de la démarche diagnostique (fig. 1.5); on distingue deux situations :le retard pondéral est isolé ou antérieur au retard statural : il est indicatif d’un déséquilibre de la balance énergétique : carence d’apport ou malabsorption, augmentation de la dépense énergétique, pertes excessives (voir infra tableau 1.2); Principales causes d’insuffisance pondérale.
Mécanismes Principales causes
Carence d’apports
–Négligence, régimes carencés (végétalisme)
–Anorexie psychogène ou organique
–Vomissements, troubles de l’oralité
Malabsorption
–Maladie cœliaque, allergie aux protéines du lait de vache (APLV)
–Maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI)
Augmentation de la dépense énergétique
–Respiratoire : dyspnée obstructive, syndrome d’apnée du sommeil, insuffisance respiratoire
–Cardiaque : cardiopathie congénitale, cardiomyopathie
–Immunitaire : infections répétées, déficit immunitaire
–Inflammatoire : maladies de système
–Maladies héréditaires du métabolisme
–Hyperthyroïdie
Dans le cadre de l’hyperthyroïdie, l’insuffisance pondérale est associée à une avance staturale du fait de l’effet direct des hormones thyroïdiennes sur la plaque de croissance
Pertes excessives
–Digestives : diarrhées chroniques, pertes par stomies ou aspirations
–Urinaires : diabète sucré, diabète insipide, néphropathie
–Cutanées : brûlé, eczéma sévère, épidermolyse bulleuse
2.le retard statural est prédominant, associé à un poids en rapport avec la taille ou au contraire excessif en regard de la taille : les causes principales sont d’origine endocrinienne (hypothyroïdie, hypercorticisme, déficit en hormone de croissance), osseuse ou génétique (syndrome de Turner, par exemple, à toujours évoquer chez la fille); une cause énergétique (maladie cœliaque par exemple) doit tout de même être éliminée dans ce cadre (voir infra tableau 1.3).
Tableau 1.3
Principales causes de retard de croissance staturale.
Mécanismes Principales causes
Carence énergétique Le retard statural est le plus souvent secondaire à une insuffisance pondérale (voir tableau 1.2); cependant, certaines pathologies notamment digestives (maladie cœliaque, par exemple) peuvent se manifester initialement par une anomalie de taille isolée (sans insuffisance pondérale)
Carence de soins
–Nanisme psychosocial
La carence de soins, la négligence peuvent être responsables d’un retard staturo-pondéral
Causes hormonales
–Causes endocriniennes :
*Déficit en hormone de croissance congénital ou acquis, isolé ou associé à d’autres déficits hypophysaires (toujours évoquer une tumeur hypophysaire de type craniopharyngiome)
*Hypothyroïdie congénitale ou acquise (thyroïdite de Hashimoto)
*Excès de glucocorticoïdes (le plus souvent hypercorticisme iatrogène, plus rarement syndrome de Cushing)
–Retards pubertaires (quelle qu’en soit la cause)
Ils sont associés à une absence d’accélération pubertaire de la vitesse de croissance
Causes osseuses
–Pathologie du métabolisme phosphocalcique (rachitisme, par exemple)
–Maladies osseuses constitutionnelles
Causes génétiques
–Syndrome de Turner (fille)
–Syndrome de Noonan (garçons et filles)
–Autres anomalies chromosomiques ou génétiques
Retard de croissance intra-utérin
–RCIU sans rattrapage statural postnatal
Une démarche étiologique, à la recherche d’une pathologie affectant la croissance et de début anténatal, est importante
Idiopathique Petite taille idiopathique, le plus souvent familiale (diagnostic d’élimination)
Comme lors de toute démarche diagnostique, l’examen de la courbe de croissance est associé à un interrogatoire précis et un examen clinique complet. L’interrogatoire recueille les antécédents familiaux (consanguinité, arbre généalogique précisant les poids, tailles et âges pubertaires des parents et de la fratrie) et personnels (déroulement et terme de la grossesse, mensurations à la naissance, pathologie néonatale, acquisitions psychomotrices et apprentissages, alimentation, antécédents médico-chirurgicaux, traitements…), ainsi que le contexte psychosocial et le retentissement psychologique du retard statural. Un examen clinique de tous les systèmes est réalisé à la recherche des signes associés aux différentes causes de retard statural. En période pubertaire, le développement des caractères sexuels secondaires est coté selon la classifcation de Tanner (voir chapitre 2).
Évaluation paraclinique
L’exploration d’une insuffsance pondérale isolée ou antérieure au retard statural est décrite dans le chapitre 15.
La détermination de l’âge osseux fait habituellement partie de la consultation d’un enfant de petite taille. Il se mesure sur une radiographie de la main et du poignet gauche de face qui est comparée à des radiographies standards disponibles pour les garçons et les filles (atlas de Greulich et Pyle). L’âge osseux est peu informatif pour déterminer l’étiologie d’un retard statural (il est souvent retardé dans les pathologies hormonales mais également dans les retards simples de croissance et de puberté); il renseigne sur le potentiel de croissance de l’enfant.
En cas de cassure de la vitesse de croissance staturale et/ou de signes d’hypertension intracrânienne, une imagerie cérébrale et hypophysaire (scanner ou IRM) et un fond d’œil (recherche d’œdème papillaire) doivent être réalisés en urgence avant toute exploration hormonale, afin d’éliminer une tumeur hypothalamo-hypophysaire.
En l’absence d’éléments d’orientation, un bilan général est discuté, comprenant en première intention :
*NFS, ionogramme sanguin, réserve alcaline, créatinine, calcémie, phosphatémie, phospha-tases alcalines, transaminases, ferritine, CRP, IgA anti-transglutaminase et IgA totales;
*bandelette urinaire (protéinurie, glycosurie, densité urinaire);
*TSH, T4L, IGF-1;
*caryotype sanguin chez la fille.
Des taux bas d’IGF-1, en l’absence de dénutrition ou de pathologie hépatique, conduiront à réaliser des explorations approfondies de l’axe somatotrope (tests de stimulation de la GH) et des autres fonctions hypophysaires en milieu spécialisé.
II Points clés à propos de certaines causes
A Retard pondéral isolé ou antérieur au retard statural
Le tableau 1.2 synthétise l’ensemble des diagnostics à évoquer.
Les principales causes de retard pondéral prédominant d’origine gastro-entérologique et/ou nutritionnelle sont traitées dans d’autres chapitres (voir partie IV).
B Retard statural prédominant
Le poids est en rapport avec la taille, voire est excessif en regard de la taille.
1 Nanisme psychosocial
Une carence de soins ou une négligence parentale peuvent être responsables d’un retard staturo-pondéral. L’amélioration de la croissance staturo-pondérale après éloignement de l’enfant de son milieu familial permet de porter le diagnostic a posteriori.
2 Causes endocriniennes
Les causes endocriniennes sont responsables d’un ralentissement de la croissance staturale le plus souvent associé à un poids excessif en regard de la taille; l’âge osseux est retardé.
Hypothyroïdies
Les hypothyroïdies congénitales sont dépistées lors du dépistage néonatal systématique réalisé à 3 jours de vie (voir chapitre 44). À la naissance, les enfants atteints d’hypothyroïdie congénitale ont une taille et un poids normaux pour leur âge gestationnel. En l’absence de traitement précoce, le retard statural et le retard des acquisitions psychomotrices vont apparaître dans la première année de vie. Grâce au dépistage, le diagnostic est précoce (fin de la première semaine de vie), ce qui permet une évolution favorable sous traitement substitutif.
Les hypothyroïdies acquises peuvent survenir à des âges variables (pic de survenue à l’adolescence, notamment chez la fille). Elles entraînent un ralentissement de la vitesse de croissance pouvant parfois aller jusqu’à l’arrêt complet de la croissance. Hormis le retard statural, les spécificités pédiatriques de l’hypothyroïdie sont les difficultés scolaires et la présence fréquente d’un goitre. Les autres signes cliniques (asthénie physique et psychique, frilosité, constipation) sont semblables aux signes observés chez l’adulte, souvent discrets, aboutissant fréquemment à un retard diagnostique.
La cause la plus fréquente d’hypothyroïdie acquise de l’enfant est la thyroïdite de Hashimoto : la TSH est élevée associée à une T4L basse; les anticorps anti-thyroperoxydase (TPO) sont positifs; le tissu thyroïdien est hétérogène à l’échographie.
Hypercorticisme
Chez l’enfant, il est le plus souvent iatrogène (corticothérapie orale prolongée). Il peut être d’origine endogène : maladie de Cushing secondaire à un adénome hypophysaire sécrétant de l’ACTH ou syndrome de Cushing secondaire à une production autonome de cortisol par les surrénales.
La courbe de croissance est très évocatrice et associe un ralentissement de la vitesse de croissance staturale à une prise de poids excessive.
Le diagnostic de syndrome de Cushing est évoqué devant un dosage élevé du cortisol libre urinaire sur 24 heures et confirmé par la perte du cycle nycthéméral du cortisol et l’absence de freinage au cours du test de freinage à la dexaméthasone.
Déficit en hormone de croissance (Growth Hormone Deficiency, GHD)
En dehors de la période néonatale, le retard statural est la principale manifestation du GHD. On distingue les causes congénitales et acquises de GHD.
Concernant les causes congénitales, les mensurations à la naissance sont le plus souvent normales et le retard de croissance ne se manifestera que secondairement dans les premières années de vie. Le diagnostic est souvent évoqué en période néonatale devant des hypoglycémies prolongées (au-delà de la première semaine de vie). L’examen clinique recherche des signes évocateurs d’autres déficits hypophysaires : ictère (déficit thyréotrope ou corticotrope), verge de petite taille et/ou cryptorchidie (déficit gonadotrope). Des anomalies de la ligne médiane sont parfois associées (colobome, sténose des sinus piriformes, anomalies du palais ou de la luette). L’IRM hypophysaire recherche une malformation hypothalamo-hypophysaire (syndrome d’interruption de tige pituitaire, par exemple).
Concernant les causes acquises, le diagnostic peut être porté chez des enfants présentant une pathologie connue à risque : traumatisme crânien sévère, infections neuroméningées et causes iatrogènes, notamment radiothérapie cérébrale.
Parfois, l’apparition d’une cassure de la vitesse de croissance va permettre de révéler une tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire qui doit toujours être évoquée (notamment un craniopharyngiome). Lorsque ce diagnostic est évoqué, il convient de rechercher des
3 Causes syndromiques, génétiques
Le syndrome de Turner est une affection génétique rare (1 cas pour 2 500 filles) lié à l’absence totale ou partielle d’un chromosome X chez la fille : monosomie du chromosome X (45, X) ou mosaïque.
Il associe :
*petite taille ou petit poids de naissance (50 % des cas);
*retard statural (taille adulte sans traitement : 142 cm);
*signes morphologiques (hypertélorisme avec orientation en bas et dehors des fentes palpé-brales, cou court et large avec implantation basse des cheveux, écartement mamelonnaire, cubitus valgus);
*insuffisance ovarienne responsable d’une absence de développement pubertaire et d’une infertilité;
*cardiopathie (coarctation de l’aorte, bicuspidie aortique) et uropathie (rein en « fer à cheval ») parfois;
*infections ORL à répétition;
*pas de déficience intellectuelle habituellement.
L’existence de formes paucisymptomatiques (liées à des mosaïques) justifie la réalisation systématique d’un caryotype chez les filles de petite taille même en l’absence de signes cliniques.
4 Maladies osseuses constitutionnelles
Les maladies osseuses constitutionnelles doivent être évoquées devant un retard de taille avec disproportion corporelle (prédominant sur les membres ou le tronc). Le caractère proportionné ou non du retard statural peut être objectivé par la mesure des segments corporels : envergure (environ égale à la taille) et taille assise (environ égale à la moitié de la taille debout). Ces maladies osseuses peuvent être d’origine familiale, les tailles parentales et par conséquent la taille génétique peuvent donc également être basses.
Le diagnostic repose sur les radiographies de squelette et des analyses génétiques ciblées.
5 Autres causes de retard statural
Retard statural secondaire à une petite taille de naissance
Le terme de retard de croissance intra-utérin (RCIU) est habituellement réservé aux enfants pour lesquels la preuve du début fœtal du retard de croissance a été faite (échographie anténatale, par exemple).
Il est préférable d’utiliser, pour les enfants ayant un petit poids et/ou une petite taille de naissance, le terme de « petit pour l’âge gestationnel » (PAG; Small for Gestational Age des Anglo-Saxons, SGA). Le PAG est habituellement défini par un poids inférieur au 10e percentile pour l’âge gestationnel; le PAG sévère correspond à un poids inférieur au 3e percentile (voir partie VIII, Néonatologie).
Hormis les morbidités périnatales associées au PAG (asphyxie périnatale, hypothermie et troubles métaboliques, polyglobulie, surmortalité), il existe également des complications à long terme notamment endocriniennes et métaboliques. Ainsi, même si dans la majorité des cas la taille se normalise dans les deux premières années de vie, 10 à 15 % d’enfants nés PAG ne rattrapent pas leur retard statural et sont à risque de petite taille adulte. L’association PAG et absence de rattrapage statural nécessite la recherche d’une étiologie (syndrome génétique ou maladie osseuse, en particulier). Hormis le retard statural, les enfants PAG sont également à risque de puberté précoce et de syndrome métabolique à l’âge adulte.
Retard simple de croissance et de puberté
C’est la cause la plus fréquente de retard statural à l’adolescence chez les garçons. Il est plus rare chez les filles (diagnostic d’élimination).
Classiquement, on observe un ralentissement progressif de la croissance qui peut s’infléchir dès la préadolescence. Ce retard s’aggrave habituellement à la période pubertaire du fait du retard de la puberté et de l’absence du pic de croissance normalement associé. Des antécédents familiaux de retard simple de puberté sont souvent retrouvés. L’âge osseux est habituellement très retardé et inférieur à l’âge de début normal de puberté (11 ans chez la fille, 13 ans chez le garçon), d’où un pronostic statural satisfaisant.
Il s’agit cependant d’un diagnostic d’élimination car certaines pathologies organiques (notamment tumorales, inflammatoires) peuvent se présenter comme un retard « simple ». S’il existe des antécédents familiaux, un infléchissement statural modéré (perte staturale < 1 DS), une taille dans les limites de la normale (> – 2 DS), un âge osseux retardé par rapport à l’âge civil, aucun signe fonctionnel et un examen physique normal, les examens complémentaires sont inutiles et une surveillance clinique simple est suffisante. Dans les autres cas, des explorations peuvent être discutées.
Petite taille constitutionnelle, ou petite taille idiopathique
Il s’agit de la situation la plus fréquente (environ 85 % des cas) quand on explore un enfant de petite taille. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination. Dans la plupart des cas, les tailles parentales sont petites, la vitesse de croissance est régulière (après mise sur le couloir génétique dans les premières années de vie) et l’âge osseux correspond à l’âge chronologique. Il est probable que cette proportion de petite taille idiopathique diminue dans les années à venir grâce aux nouvelles techniques génétiques (séquençage de l’exome ou du génome).
Une cassure de la vitesse de croissance, d’autant plus si associée à des signes d’hypertension intracrânienne, doit faire éliminer en premier lieu une pathologie tumorale hypophysaire (dont craniopharyngiome).
L’association d’une prise de poids et d’un ralentissement statural doit toujours alerter et conduire à évoquer des pathologies hormonales (GHD par pathologie hypothalamo-hypophysaire notamment tumorale, hypothyroïdie, hypercorticisme) ou génétiques (obésité syndromique, maladie osseuse constitutionnelle). Une pathologie hormonale ne doit pas être évoquée devant une prise de poids sans ralentissement statural.
Une petite taille disproportionnée évoque une maladie osseuse constitutionnelle et doit conduire à la réalisation de radiographies squelettiques.
Chez une fille présentant un retard statural, le syndrome de Turner doit toujours être évoqué et un caryotype sanguin réalisé.
Pour bien comprendre
A Développement pubertaire normal
1 Préambule
La puberté se définit comme l’ensemble des phénomènes physiques, psychiques, mentaux et affectifs, caractérisant la transition entre l’enfance et l’âge adulte.
Sur le plan physique, elle est essentiellement marquée par l’acquisition des caractères sexuels secondaires, l’accélération de la croissance staturale, ainsi que par la maturation des fonctions sécrétoires gonadiques et l’acquisition des fonctions de reproduction.
2 Mécanismes hormonaux
Le déclenchement de la puberté est caractérisé par la réactivation de la sécrétion pulsatile hypothalamique de GnRH (Gonadotropin Releasing Hormone) stimulant les sécrétions antéhypophysaires des gonadotrophines FSH (Follicle Stimulating Hormone) et LH (Luteinising Hormone).
L’apparition de la pulsatilité hypothalamo-hypophysaire est modulée par l’action de facteurs neuroendocriniens et périphériques. D’autres facteurs influencent l’âge de début de la puberté : des facteurs génétiques (il existe une corrélation forte entre l’âge de la puberté des parents et des enfants); des facteurs ethniques (la puberté se produit un peu plus tôt chez les filles d’origine africaine); l’état nutritionnel (via la leptine, hormone produite par le tissu adipeux en proportion de la masse adipeuse, il contribue à l’activation de l’axe gondatrope); des pathologies intercurrentes.
Chez le garçon, la FSH entraîne le développement du volume testiculaire, la LH stimule la production de testostérone à l’origine du développement des caractères sexuels secondaires (verge, pilosité) ainsi que les modifications musculo-squelettiques.
Chez la fille, la LH et la FSH entraînent l’activation ovarienne et la production d’œstrogènes à l’origine du développement mammaire, utérovaginal et des OGE, puis l’apparition des premières règles (ménarche).
Le développement pileux est secondaire à la production d’androgènes gonadiques et surrénaliens.
L’augmentation des hormones sexuelles induit une augmentation de la fréquence et de l’amplitude des pics de sécrétion de l’hormone de croissance (GH); la vitesse de croissance staturale s’accélère, permettant le pic de croissance pubertaire. La fusion progressive des cartilages de croissance va secondairement ralentir puis stopper la croissance osseuse, indépendamment de la production de GH.
Acquisition des caractères sexuels secondaires
Chez la fille
Le début de la puberté est défini par l’apparition des seins (thélarche) qui survient physio-logiquement entre les âges de 8 et 13 ans. Parallèlement au développement mammaire, les pilosités pubienne (pubarche) puis axillaire apparaissent; la position de la vulve va devenir horizontale et le volume des lèvres va augmenter.
L’âge physiologique de ménarche (premières règles) survient en moyenne 2 à 3 ans après le début de la puberté (12,5 ans en moyenne). Le délai entre l’apparition du bourgeron mammaire et celle des règles est d’autant plus long que le développement mammaire est précoce.
Chez le garçon
Le début de la puberté est défini par l’augmentation de volume testiculaire (volume ≥ 4 ml ou longueur ≥ 2,5 cm) observé entre les âges de 9 et 14 ans.
La pubarche et la pilosité axillaire se développent progressivement, avec un décalage moyen de 1 an par rapport au début du développement volume testiculaire; les OGE se modifient avec une augmentation de la taille de la verge (≥ 6 cm). Une gynécomastie transitoire modérée est fréquemment observée en début de puberté. Plus tardivement apparaissent la pilosité faciale et la mue de la voix (14–15 ans).
Classification de Tanner
Les paramètres de cette classification sont : développement mammaire chez la fille (S), développement testiculaire chez le garçon (G), pilosité pubienne (P).
Les différents stades du développement pubertaire sont cotés de 1 (stade prépubère) à 5 (stade adulte), permettant d’évaluer le niveau pubertaire lors de l’examen physique (tableau 2.1 et fig. 2.1) – le stade 0 n’existe pas.
Tableau 2.1
Classification de Tanner.
Développement mammaire chez la fille (S)
S1 Absence de développement mammaire
S2 Petit bourgeon mammaire avec élargissement de l’aréole
S3 Glande mammaire dépassant la surface de l’aréole
S4 Saillie de l’aréole et du mamelon sur la glande, sillon sous-mammaire
S5 Aspect adulte
Développement des OGE chez le garçon (G)
G1 Testicules et verge de taille infantile : volume testiculaire < 4 ml (longueur testiculaire < 2,5 cm)
G2 Volume testiculaire : 4–6 ml (longueur testiculaire : 2,5–3,0 cm)
G3 Volume testiculaire : 8–10 ml (longueur testiculaire : 3,1–4,0 cm)
G4 Volume testiculaire : 12–15 ml (longueur testiculaire : 4,1–4,5 cm)
G5 Aspect adulte, volume testiculaire : 20–25 ml (longueur testiculaire > 4,5 cm)
Pilosité pubienne (P)
P1 Absence de pilosité
P2 Quelques poils sur le pubis
P3 Pilosité pubienne au-dessus de la symphyse
P4 Pilosité pubienne triangulaire n’atteignant pas la racine des cuisses
P5 Aspect adulte (triangulaire chez la femme, losangique chez l’homme s’étendant à la racine des cuisses)
Le volume testiculaire est estimé par l’orchidomètre parmi les volumes suivants : 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 8 - 10 - 12 - 15 - 20 - 25 ml. OGE : organes génitaux externes.
Croissance staturale et maturation osseuse
Croissance staturale
L’accélération de la vitesse de croissance staturale débute dès les premiers signes pubertaires chez la fille (S2), de façon décalée chez le garçon (G3), et s’élève jusqu’à 8 à 10 cm par an. La taille adulte moyenne est en France de 165 cm pour les filles et 177 cm pour les garçons (selon les courbes françaises actualisées en 2018).
Maturation osseuse
Elle peut être évaluée par l’âge osseux (radiographie de la main gauche et du poignet de face : méthode de Greulich et Pyle).
L’apparition du sésamoïde du pouce est contemporaine du démarrage pubertaire, à un âge osseux de 11 ans chez la fille et de 13 ans chez le garçon.
La masse osseuse se constitue particulièrement pendant la puberté et est acquise à 20 ans.
Puberté : accélération de la vitesse de croissance staturale et maturation osseuse.
Classification de Tanner : évaluation de l’aspect des caractères sexuels secondaires pour le suivi de l’évolution pubertaire des filles et des garçons.
Développement pubertaire pathologique
Les âges limites de la puberté sont définis statistiquement (de – 2 DS à + 2 DS de l’âge), correspondant à 95 % de la population.
Lorsque la puberté se produit en dehors de ces limites, la probabilité d’une pathologie est plus grande.
À noter : certaines différences, en particulier ethniques, ne sont pas prises en compte dans ces définitions.
Puberté précoce :
*développement mammaire avant l’âge de 8 ans chez la fille ou développement testiculaire avant l’âge de 9 ans chez le garçon;
*avec accélération de la vitesse de croissance et avance de l’âge osseux. Cette situation nécessite toujours une évaluation médicale.
Retard pubertaire :
*absence de développement mammaire chez la fille après l’âge de 13 ans ou absence d’augmentation du volume testiculaire chez le garçon après l’âge de 14 ans;
*absence d’achèvement de la puberté 4 ans après son début, absence de règle (aménorrhée primaire) à l’âge de 15,5 ans chez la fille;
*la vitesse de croissance reste celle de l’enfance (d’où une différence de taille importante avec les pairs en cours de puberté).
Cela souligne l’importance d’effectuer une cotation de Tanner en période pubertaire.
Distinguer les situations « pathologiques » des « extrêmes de la normale ».
Puberté précoce = puberté avant 8 ans chez la fille, avant 9 ans chez le garçon.
I Puberté précoce
A Causes
Deux groupes de causes de puberté précoce :
*pubertés précoces centrales (les plus fréquentes);
*pubertés précoces périphériques.
1 Pubertés précoces centrales
Les pubertés précoces centrales (tableau 2.2) sont dues à la réactivation prématurée (lésion-nelle ou non) de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique.
Tableau 2.2
Causes de puberté précoce centrale.
Processus expansif intracrânien
–Tumoral : gliome du chiasma (dans le cadre d’une NF1 ou non), hamartome
–Non tumoral : hydrocéphalie, kyste arachnoïdien
Origine séquellaire
–Méningite ou encéphalite
–Irradiation crânienne
Idiopathique (Diagnostic d’élimination)
Chez la fille, elles sont bien plus fréquentes. Elles sont alors idiopathiques (IRM hypothalamo-hypophysaire normale) dans la majorité des cas (fig. 2.2).Puberté précoce centrale : fréquente chez la fille et souvent idiopathique.
Redouter toujours une tumeur intracrânienne, notamment chez le garçon.
Pubertés précoces périphériques
Les pubertés précoces périphériques sont très rares.
Elles sont indépendantes de l’axe hypothalamo-hypophysaire et donc de la sécrétion des gonadotrophines. La sécrétion de stéroïdes sexuels est d’origine gonadique.
On peut citer : tumeurs ovariennes et testiculaires, syndrome de McCune-Albright, testo-toxicose, maladies surrénaliennes.
B Démarche diagnostique
1 Enquête clinique
Antécédents familiaux :
*âges de début pubertaire des parents et de la fratrie, âge de ménarche chez la mère;
*tailles des parents et calcul de la taille cible génétique;
*antécédent familial de neurofibromatose de type 1 (NF1).
Antécédents personnels :
*NF1;
*méningite.
Symptômes éventuellement associés :
*signes visuels ou signes d’HTIC;
*signes d’autres atteintes hypothalamo-hypophysaires.
Examen physique :
*cotation du stade pubertaire (classification de Tanner);
*taches cutanées (NF1, McCune-Albright);
*accélération de croissance staturale;
*signes d’hyperandrogénie : acné, hirsutisme, hypertrophie clitoridienne chez la fille;
*masse abdominale ou testiculaire (asymétrie) en faveur d’une tumeur.
2 Enquête paraclinique
Dosages hormonaux
Dosage des stéroïdes sexuels (importance des techniques des dosages) :
*testostérone chez le garçon;
*œstradiol peu utile chez la fille (variations fortes); la présence du développement mammaire signe la sécrétion d’œstradiol.
Dosage de l’inhibine B : augmentation au cours de la puberté.
Dosage des gonadotrophines :
*après stimulation (test au LH-RH);
*diagnostic et distinction entre pubertés précoces centrale et périphérique :
–en faveur d’une cause centrale : valeurs élevées du pic de LH (> pic de FSH);
–en faveur d’une cause périphérique : valeurs indétectables.
Imagerie
Âge osseux : appréciation de la maturation osseuse.
Échographie pelvienne et surrénalienne chez la fille :
*élimination d’un processus tumoral;
*appréciation de l’imprégnation œstrogénique : augmentation de la longueur du corps utérin (L > 35 mm).
Imagerie spécifique selon l’orientation :
*en cas de puberté précoce centrale : IRM de la région hypothalamo-hypophysaire;
*en cas de puberté précoce périphérique : imagerie des gonades.
Données cliniques essentielles : antécédents familiaux, stade de Tanner, taches cutanées, signes d’hyperandrogénie, signes de processus tumoral cérébral évolutif.
Puberté précoce centrale → IRM cérébrale systématique.