Pédiatrie Flashcards
Pour bien comprendre
A Croissance normale de l’enfant
1 Points de repère à mémoriser
Les paramètres à connaître sont mentionnés dans le tableau 1.1.
Tableau 1.1
Repères de croissance.
Âge Taille (cm) Poids (kg) PC (cm)
Naissance à terme* TN = 50 PN = 3,5 PCN = 35
4 mois 7 (= PN × 2) PC = (Taille/2) + 10
9 mois 9
1 an 75 10 (= PN × 3)
4 ans 100 (= TN × 2) 16 50
TN : taille de naissance: PN : poids de naissance: PC : périmètre crânien; PCN : périmètre crânien de naissance.
*Pour les enfants nés prématurés, les mensurations de naissance doivent être interprétées en fonction de l’âge gestationnel selon des courbes de référence (courbes AUDIPOG, https://www.audipog.net/).
Au cours du premier trimestre, les nourrissons doivent prendre 25 g par jour (hors première semaine de vie); le poids de naissance est doublé à 4 mois et triplé à 1 an. Le gain de taille est d’environ 25 cm la première année puis d’environ 10 cm par an les deux années suivantes; la taille de naissance est doublée à 4 ans (soit environ 1 mètre).
2 Physiologie de la croissance staturale
Chez l’enfant, la croissance staturale se fait au niveau de la plaque de croissance. Cette croissance est contrôlée par de nombreux facteurs : nutritionnels et énergétiques, psychoaffectifs, hormonaux (hormone de croissance et IGF-1, hormones thyroïdiennes, hormones sexuelles), osseux et génétiques (reflétés par la taille cible calculée à partir des tailles des parents).
La croissance staturale est schématiquement séparée en quatre phases interdépendantes (fig. 1.1) :*croissance fœtale reflétée par les paramètres de naissance : phase de croissance la plus rapide (50 cm en 9 mois);
*de la naissance à l’âge de 4 ans : vitesse de croissance élevée qui décroît progressivement (25 cm la première année, environ 10 cm par an les deux années suivantes) avec mise sur le couloir de croissance génétique (reflétée par la taille cible);
*de 4 ans au début de la puberté : phase de croissance linéaire (environ 5 à 6 cm par an; pathologique si < 4 cm par an après 4 ans);
*au cours de la puberté : accélération de la vitesse de croissance (8 à 10 cm par an) avec un gain moyen au cours de la puberté (pic de croissance pubertaire) de 20 à 25 cm chez la fille et 25 à 30 cm chez le garçon. La taille adulte moyenne est de 177 cm chez les hommes et de 165 cm chez les femmes (selon les courbes françaises actualisées en 2018).
Évaluation pratique de la croissance
L’évaluation de la croissance repose en premier lieu sur les mesures du poids et de la taille. Dans le cadre du suivi pédiatrique, il est recommandé de mesurer ces paramètres au minimum tous les 3 mois jusqu’à l’âge de 2 ans puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de la croissance, et de les noter sur le carnet de santé.
Jusqu’à l’âge de 3 ans, la mesure du périmètre crânien est associée à ces paramètres.
Ces paramètres doivent être interprétés en fonction de l’âge et du genre en utilisant des courbes adaptées à la population. En France, les courbes actualisées dans le carnet de santé en 2018 sont la référence: elles sont assez proches des courbes de l’OMS. Ces courbes de croissance permettent de définir les valeurs « normales » (au sens de répartition normale ou gaussienne) et pathologiques de la croissance de manière purement statistique. Par définition, les paramètres de croissance de 95 % de la population se situent entre les intervalles – 2 DS (déviations standards) (2,5e percentile) et + 2 DS (97,5e percentile).
Concernant la croissance staturale d’un enfant, il est également très important de l’interpréter en fonction de son potentiel génétique reflété par la taille cible (égale à la moyenne des tailles du père et de la mère + 6,5 cm chez le garçon ou – 6,5 cm chez la fille). Les études de populations indiquent que la taille adulte de 95 % des enfants se situe à ± 1,5 DS de leur taille cible. Ceci signifie qu’une taille inférieure à – 1,5 DS de la taille cible doit être considérée comme pathologique (fig. 1.2).L’aspect de la courbe de croissance reflète la vitesse de croissance: la vitesse de croissance peut être régulière ou ralentie (fig. 1.3).Enfin, le rapport entre les courbes de croissances staturale et pondérale doit être analysé (fig. 1.4). Ce rapport peut être appréhendé par l’indice de masse corporelle qui est égal au poids (en kg) rapporté au carré de la taille (en mètre) (voir chapitres 15 et 16).
Retard de croissance staturo-pondérale : définitions
Définition d’une insuffisance pondérale : voir chapitre 15.
Définition d’une anomalie de la croissance staturale :
*taille < – 2 DS selon les courbes de la population générale;
*et/ou taille < – 1,5 DS par rapport à la taille cible génétique;
*et/ou ralentissement (ou cassure) de la vitesse de croissance (< 4 cm par an après 4 ans).
Le retard de croissance staturo-pondérale doit être considéré comme un signe d’appel justifiant toujours une évaluation.
L’analyse des courbes doit être systématique et comporter ces cinq informations : mensurations à la naissance (à interpréter selon l’âge gestationnel), aspect de la courbe de croissance (courbe régulière ou ralentissement de la vitesse de croissance), taille de l’enfant par rapport à la population générale (taille exprimée en DS en fonction de l’âge et du genre en utilisant des courbes adaptées à la population), taille de l’enfant par rapport aux tailles parentales (distance à la taille cible), rapport entre la croissance staturale et la croissance pondérale (reflété par l’indice de masse corporelle).
Orientation diagnostique devant un retard de croissance
A Enquête clinique
L’analyse de la courbe de croissance staturo-pondérale est un élément clé de la démarche diagnostique (fig. 1.5); on distingue deux situations :le retard pondéral est isolé ou antérieur au retard statural : il est indicatif d’un déséquilibre de la balance énergétique : carence d’apport ou malabsorption, augmentation de la dépense énergétique, pertes excessives (voir infra tableau 1.2); Principales causes d’insuffisance pondérale.
Mécanismes Principales causes
Carence d’apports
–Négligence, régimes carencés (végétalisme)
–Anorexie psychogène ou organique
–Vomissements, troubles de l’oralité
Malabsorption
–Maladie cœliaque, allergie aux protéines du lait de vache (APLV)
–Maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI)
Augmentation de la dépense énergétique
–Respiratoire : dyspnée obstructive, syndrome d’apnée du sommeil, insuffisance respiratoire
–Cardiaque : cardiopathie congénitale, cardiomyopathie
–Immunitaire : infections répétées, déficit immunitaire
–Inflammatoire : maladies de système
–Maladies héréditaires du métabolisme
–Hyperthyroïdie
Dans le cadre de l’hyperthyroïdie, l’insuffisance pondérale est associée à une avance staturale du fait de l’effet direct des hormones thyroïdiennes sur la plaque de croissance
Pertes excessives
–Digestives : diarrhées chroniques, pertes par stomies ou aspirations
–Urinaires : diabète sucré, diabète insipide, néphropathie
–Cutanées : brûlé, eczéma sévère, épidermolyse bulleuse
2.le retard statural est prédominant, associé à un poids en rapport avec la taille ou au contraire excessif en regard de la taille : les causes principales sont d’origine endocrinienne (hypothyroïdie, hypercorticisme, déficit en hormone de croissance), osseuse ou génétique (syndrome de Turner, par exemple, à toujours évoquer chez la fille); une cause énergétique (maladie cœliaque par exemple) doit tout de même être éliminée dans ce cadre (voir infra tableau 1.3).
Tableau 1.3
Principales causes de retard de croissance staturale.
Mécanismes Principales causes
Carence énergétique Le retard statural est le plus souvent secondaire à une insuffisance pondérale (voir tableau 1.2); cependant, certaines pathologies notamment digestives (maladie cœliaque, par exemple) peuvent se manifester initialement par une anomalie de taille isolée (sans insuffisance pondérale)
Carence de soins
–Nanisme psychosocial
La carence de soins, la négligence peuvent être responsables d’un retard staturo-pondéral
Causes hormonales
–Causes endocriniennes :
*Déficit en hormone de croissance congénital ou acquis, isolé ou associé à d’autres déficits hypophysaires (toujours évoquer une tumeur hypophysaire de type craniopharyngiome)
*Hypothyroïdie congénitale ou acquise (thyroïdite de Hashimoto)
*Excès de glucocorticoïdes (le plus souvent hypercorticisme iatrogène, plus rarement syndrome de Cushing)
–Retards pubertaires (quelle qu’en soit la cause)
Ils sont associés à une absence d’accélération pubertaire de la vitesse de croissance
Causes osseuses
–Pathologie du métabolisme phosphocalcique (rachitisme, par exemple)
–Maladies osseuses constitutionnelles
Causes génétiques
–Syndrome de Turner (fille)
–Syndrome de Noonan (garçons et filles)
–Autres anomalies chromosomiques ou génétiques
Retard de croissance intra-utérin
–RCIU sans rattrapage statural postnatal
Une démarche étiologique, à la recherche d’une pathologie affectant la croissance et de début anténatal, est importante
Idiopathique Petite taille idiopathique, le plus souvent familiale (diagnostic d’élimination)
Comme lors de toute démarche diagnostique, l’examen de la courbe de croissance est associé à un interrogatoire précis et un examen clinique complet. L’interrogatoire recueille les antécédents familiaux (consanguinité, arbre généalogique précisant les poids, tailles et âges pubertaires des parents et de la fratrie) et personnels (déroulement et terme de la grossesse, mensurations à la naissance, pathologie néonatale, acquisitions psychomotrices et apprentissages, alimentation, antécédents médico-chirurgicaux, traitements…), ainsi que le contexte psychosocial et le retentissement psychologique du retard statural. Un examen clinique de tous les systèmes est réalisé à la recherche des signes associés aux différentes causes de retard statural. En période pubertaire, le développement des caractères sexuels secondaires est coté selon la classifcation de Tanner (voir chapitre 2).
Évaluation paraclinique
L’exploration d’une insuffsance pondérale isolée ou antérieure au retard statural est décrite dans le chapitre 15.
La détermination de l’âge osseux fait habituellement partie de la consultation d’un enfant de petite taille. Il se mesure sur une radiographie de la main et du poignet gauche de face qui est comparée à des radiographies standards disponibles pour les garçons et les filles (atlas de Greulich et Pyle). L’âge osseux est peu informatif pour déterminer l’étiologie d’un retard statural (il est souvent retardé dans les pathologies hormonales mais également dans les retards simples de croissance et de puberté); il renseigne sur le potentiel de croissance de l’enfant.
En cas de cassure de la vitesse de croissance staturale et/ou de signes d’hypertension intracrânienne, une imagerie cérébrale et hypophysaire (scanner ou IRM) et un fond d’œil (recherche d’œdème papillaire) doivent être réalisés en urgence avant toute exploration hormonale, afin d’éliminer une tumeur hypothalamo-hypophysaire.
En l’absence d’éléments d’orientation, un bilan général est discuté, comprenant en première intention :
*NFS, ionogramme sanguin, réserve alcaline, créatinine, calcémie, phosphatémie, phospha-tases alcalines, transaminases, ferritine, CRP, IgA anti-transglutaminase et IgA totales;
*bandelette urinaire (protéinurie, glycosurie, densité urinaire);
*TSH, T4L, IGF-1;
*caryotype sanguin chez la fille.
Des taux bas d’IGF-1, en l’absence de dénutrition ou de pathologie hépatique, conduiront à réaliser des explorations approfondies de l’axe somatotrope (tests de stimulation de la GH) et des autres fonctions hypophysaires en milieu spécialisé.
II Points clés à propos de certaines causes
A Retard pondéral isolé ou antérieur au retard statural
Le tableau 1.2 synthétise l’ensemble des diagnostics à évoquer.
Les principales causes de retard pondéral prédominant d’origine gastro-entérologique et/ou nutritionnelle sont traitées dans d’autres chapitres (voir partie IV).
B Retard statural prédominant
Le poids est en rapport avec la taille, voire est excessif en regard de la taille.
1 Nanisme psychosocial
Une carence de soins ou une négligence parentale peuvent être responsables d’un retard staturo-pondéral. L’amélioration de la croissance staturo-pondérale après éloignement de l’enfant de son milieu familial permet de porter le diagnostic a posteriori.
2 Causes endocriniennes
Les causes endocriniennes sont responsables d’un ralentissement de la croissance staturale le plus souvent associé à un poids excessif en regard de la taille; l’âge osseux est retardé.
Hypothyroïdies
Les hypothyroïdies congénitales sont dépistées lors du dépistage néonatal systématique réalisé à 3 jours de vie (voir chapitre 44). À la naissance, les enfants atteints d’hypothyroïdie congénitale ont une taille et un poids normaux pour leur âge gestationnel. En l’absence de traitement précoce, le retard statural et le retard des acquisitions psychomotrices vont apparaître dans la première année de vie. Grâce au dépistage, le diagnostic est précoce (fin de la première semaine de vie), ce qui permet une évolution favorable sous traitement substitutif.
Les hypothyroïdies acquises peuvent survenir à des âges variables (pic de survenue à l’adolescence, notamment chez la fille). Elles entraînent un ralentissement de la vitesse de croissance pouvant parfois aller jusqu’à l’arrêt complet de la croissance. Hormis le retard statural, les spécificités pédiatriques de l’hypothyroïdie sont les difficultés scolaires et la présence fréquente d’un goitre. Les autres signes cliniques (asthénie physique et psychique, frilosité, constipation) sont semblables aux signes observés chez l’adulte, souvent discrets, aboutissant fréquemment à un retard diagnostique.
La cause la plus fréquente d’hypothyroïdie acquise de l’enfant est la thyroïdite de Hashimoto : la TSH est élevée associée à une T4L basse; les anticorps anti-thyroperoxydase (TPO) sont positifs; le tissu thyroïdien est hétérogène à l’échographie.
Hypercorticisme
Chez l’enfant, il est le plus souvent iatrogène (corticothérapie orale prolongée). Il peut être d’origine endogène : maladie de Cushing secondaire à un adénome hypophysaire sécrétant de l’ACTH ou syndrome de Cushing secondaire à une production autonome de cortisol par les surrénales.
La courbe de croissance est très évocatrice et associe un ralentissement de la vitesse de croissance staturale à une prise de poids excessive.
Le diagnostic de syndrome de Cushing est évoqué devant un dosage élevé du cortisol libre urinaire sur 24 heures et confirmé par la perte du cycle nycthéméral du cortisol et l’absence de freinage au cours du test de freinage à la dexaméthasone.
Déficit en hormone de croissance (Growth Hormone Deficiency, GHD)
En dehors de la période néonatale, le retard statural est la principale manifestation du GHD. On distingue les causes congénitales et acquises de GHD.
Concernant les causes congénitales, les mensurations à la naissance sont le plus souvent normales et le retard de croissance ne se manifestera que secondairement dans les premières années de vie. Le diagnostic est souvent évoqué en période néonatale devant des hypoglycémies prolongées (au-delà de la première semaine de vie). L’examen clinique recherche des signes évocateurs d’autres déficits hypophysaires : ictère (déficit thyréotrope ou corticotrope), verge de petite taille et/ou cryptorchidie (déficit gonadotrope). Des anomalies de la ligne médiane sont parfois associées (colobome, sténose des sinus piriformes, anomalies du palais ou de la luette). L’IRM hypophysaire recherche une malformation hypothalamo-hypophysaire (syndrome d’interruption de tige pituitaire, par exemple).
Concernant les causes acquises, le diagnostic peut être porté chez des enfants présentant une pathologie connue à risque : traumatisme crânien sévère, infections neuroméningées et causes iatrogènes, notamment radiothérapie cérébrale.
Parfois, l’apparition d’une cassure de la vitesse de croissance va permettre de révéler une tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire qui doit toujours être évoquée (notamment un craniopharyngiome). Lorsque ce diagnostic est évoqué, il convient de rechercher des
3 Causes syndromiques, génétiques
Le syndrome de Turner est une affection génétique rare (1 cas pour 2 500 filles) lié à l’absence totale ou partielle d’un chromosome X chez la fille : monosomie du chromosome X (45, X) ou mosaïque.
Il associe :
*petite taille ou petit poids de naissance (50 % des cas);
*retard statural (taille adulte sans traitement : 142 cm);
*signes morphologiques (hypertélorisme avec orientation en bas et dehors des fentes palpé-brales, cou court et large avec implantation basse des cheveux, écartement mamelonnaire, cubitus valgus);
*insuffisance ovarienne responsable d’une absence de développement pubertaire et d’une infertilité;
*cardiopathie (coarctation de l’aorte, bicuspidie aortique) et uropathie (rein en « fer à cheval ») parfois;
*infections ORL à répétition;
*pas de déficience intellectuelle habituellement.
L’existence de formes paucisymptomatiques (liées à des mosaïques) justifie la réalisation systématique d’un caryotype chez les filles de petite taille même en l’absence de signes cliniques.
4 Maladies osseuses constitutionnelles
Les maladies osseuses constitutionnelles doivent être évoquées devant un retard de taille avec disproportion corporelle (prédominant sur les membres ou le tronc). Le caractère proportionné ou non du retard statural peut être objectivé par la mesure des segments corporels : envergure (environ égale à la taille) et taille assise (environ égale à la moitié de la taille debout). Ces maladies osseuses peuvent être d’origine familiale, les tailles parentales et par conséquent la taille génétique peuvent donc également être basses.
Le diagnostic repose sur les radiographies de squelette et des analyses génétiques ciblées.
5 Autres causes de retard statural
Retard statural secondaire à une petite taille de naissance
Le terme de retard de croissance intra-utérin (RCIU) est habituellement réservé aux enfants pour lesquels la preuve du début fœtal du retard de croissance a été faite (échographie anténatale, par exemple).
Il est préférable d’utiliser, pour les enfants ayant un petit poids et/ou une petite taille de naissance, le terme de « petit pour l’âge gestationnel » (PAG; Small for Gestational Age des Anglo-Saxons, SGA). Le PAG est habituellement défini par un poids inférieur au 10e percentile pour l’âge gestationnel; le PAG sévère correspond à un poids inférieur au 3e percentile (voir partie VIII, Néonatologie).
Hormis les morbidités périnatales associées au PAG (asphyxie périnatale, hypothermie et troubles métaboliques, polyglobulie, surmortalité), il existe également des complications à long terme notamment endocriniennes et métaboliques. Ainsi, même si dans la majorité des cas la taille se normalise dans les deux premières années de vie, 10 à 15 % d’enfants nés PAG ne rattrapent pas leur retard statural et sont à risque de petite taille adulte. L’association PAG et absence de rattrapage statural nécessite la recherche d’une étiologie (syndrome génétique ou maladie osseuse, en particulier). Hormis le retard statural, les enfants PAG sont également à risque de puberté précoce et de syndrome métabolique à l’âge adulte.
Retard simple de croissance et de puberté
C’est la cause la plus fréquente de retard statural à l’adolescence chez les garçons. Il est plus rare chez les filles (diagnostic d’élimination).
Classiquement, on observe un ralentissement progressif de la croissance qui peut s’infléchir dès la préadolescence. Ce retard s’aggrave habituellement à la période pubertaire du fait du retard de la puberté et de l’absence du pic de croissance normalement associé. Des antécédents familiaux de retard simple de puberté sont souvent retrouvés. L’âge osseux est habituellement très retardé et inférieur à l’âge de début normal de puberté (11 ans chez la fille, 13 ans chez le garçon), d’où un pronostic statural satisfaisant.
Il s’agit cependant d’un diagnostic d’élimination car certaines pathologies organiques (notamment tumorales, inflammatoires) peuvent se présenter comme un retard « simple ». S’il existe des antécédents familiaux, un infléchissement statural modéré (perte staturale < 1 DS), une taille dans les limites de la normale (> – 2 DS), un âge osseux retardé par rapport à l’âge civil, aucun signe fonctionnel et un examen physique normal, les examens complémentaires sont inutiles et une surveillance clinique simple est suffisante. Dans les autres cas, des explorations peuvent être discutées.
Petite taille constitutionnelle, ou petite taille idiopathique
Il s’agit de la situation la plus fréquente (environ 85 % des cas) quand on explore un enfant de petite taille. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination. Dans la plupart des cas, les tailles parentales sont petites, la vitesse de croissance est régulière (après mise sur le couloir génétique dans les premières années de vie) et l’âge osseux correspond à l’âge chronologique. Il est probable que cette proportion de petite taille idiopathique diminue dans les années à venir grâce aux nouvelles techniques génétiques (séquençage de l’exome ou du génome).
Une cassure de la vitesse de croissance, d’autant plus si associée à des signes d’hypertension intracrânienne, doit faire éliminer en premier lieu une pathologie tumorale hypophysaire (dont craniopharyngiome).
L’association d’une prise de poids et d’un ralentissement statural doit toujours alerter et conduire à évoquer des pathologies hormonales (GHD par pathologie hypothalamo-hypophysaire notamment tumorale, hypothyroïdie, hypercorticisme) ou génétiques (obésité syndromique, maladie osseuse constitutionnelle). Une pathologie hormonale ne doit pas être évoquée devant une prise de poids sans ralentissement statural.
Une petite taille disproportionnée évoque une maladie osseuse constitutionnelle et doit conduire à la réalisation de radiographies squelettiques.
Chez une fille présentant un retard statural, le syndrome de Turner doit toujours être évoqué et un caryotype sanguin réalisé.
Pour bien comprendre
A Développement pubertaire normal
1 Préambule
La puberté se définit comme l’ensemble des phénomènes physiques, psychiques, mentaux et affectifs, caractérisant la transition entre l’enfance et l’âge adulte.
Sur le plan physique, elle est essentiellement marquée par l’acquisition des caractères sexuels secondaires, l’accélération de la croissance staturale, ainsi que par la maturation des fonctions sécrétoires gonadiques et l’acquisition des fonctions de reproduction.
2 Mécanismes hormonaux
Le déclenchement de la puberté est caractérisé par la réactivation de la sécrétion pulsatile hypothalamique de GnRH (Gonadotropin Releasing Hormone) stimulant les sécrétions antéhypophysaires des gonadotrophines FSH (Follicle Stimulating Hormone) et LH (Luteinising Hormone).
L’apparition de la pulsatilité hypothalamo-hypophysaire est modulée par l’action de facteurs neuroendocriniens et périphériques. D’autres facteurs influencent l’âge de début de la puberté : des facteurs génétiques (il existe une corrélation forte entre l’âge de la puberté des parents et des enfants); des facteurs ethniques (la puberté se produit un peu plus tôt chez les filles d’origine africaine); l’état nutritionnel (via la leptine, hormone produite par le tissu adipeux en proportion de la masse adipeuse, il contribue à l’activation de l’axe gondatrope); des pathologies intercurrentes.
Chez le garçon, la FSH entraîne le développement du volume testiculaire, la LH stimule la production de testostérone à l’origine du développement des caractères sexuels secondaires (verge, pilosité) ainsi que les modifications musculo-squelettiques.
Chez la fille, la LH et la FSH entraînent l’activation ovarienne et la production d’œstrogènes à l’origine du développement mammaire, utérovaginal et des OGE, puis l’apparition des premières règles (ménarche).
Le développement pileux est secondaire à la production d’androgènes gonadiques et surrénaliens.
L’augmentation des hormones sexuelles induit une augmentation de la fréquence et de l’amplitude des pics de sécrétion de l’hormone de croissance (GH); la vitesse de croissance staturale s’accélère, permettant le pic de croissance pubertaire. La fusion progressive des cartilages de croissance va secondairement ralentir puis stopper la croissance osseuse, indépendamment de la production de GH.
Acquisition des caractères sexuels secondaires
Chez la fille
Le début de la puberté est défini par l’apparition des seins (thélarche) qui survient physio-logiquement entre les âges de 8 et 13 ans. Parallèlement au développement mammaire, les pilosités pubienne (pubarche) puis axillaire apparaissent; la position de la vulve va devenir horizontale et le volume des lèvres va augmenter.
L’âge physiologique de ménarche (premières règles) survient en moyenne 2 à 3 ans après le début de la puberté (12,5 ans en moyenne). Le délai entre l’apparition du bourgeron mammaire et celle des règles est d’autant plus long que le développement mammaire est précoce.
Chez le garçon
Le début de la puberté est défini par l’augmentation de volume testiculaire (volume ≥ 4 ml ou longueur ≥ 2,5 cm) observé entre les âges de 9 et 14 ans.
La pubarche et la pilosité axillaire se développent progressivement, avec un décalage moyen de 1 an par rapport au début du développement volume testiculaire; les OGE se modifient avec une augmentation de la taille de la verge (≥ 6 cm). Une gynécomastie transitoire modérée est fréquemment observée en début de puberté. Plus tardivement apparaissent la pilosité faciale et la mue de la voix (14–15 ans).
Classification de Tanner
Les paramètres de cette classification sont : développement mammaire chez la fille (S), développement testiculaire chez le garçon (G), pilosité pubienne (P).
Les différents stades du développement pubertaire sont cotés de 1 (stade prépubère) à 5 (stade adulte), permettant d’évaluer le niveau pubertaire lors de l’examen physique (tableau 2.1 et fig. 2.1) – le stade 0 n’existe pas.
Tableau 2.1
Classification de Tanner.
Développement mammaire chez la fille (S)
S1 Absence de développement mammaire
S2 Petit bourgeon mammaire avec élargissement de l’aréole
S3 Glande mammaire dépassant la surface de l’aréole
S4 Saillie de l’aréole et du mamelon sur la glande, sillon sous-mammaire
S5 Aspect adulte
Développement des OGE chez le garçon (G)
G1 Testicules et verge de taille infantile : volume testiculaire < 4 ml (longueur testiculaire < 2,5 cm)
G2 Volume testiculaire : 4–6 ml (longueur testiculaire : 2,5–3,0 cm)
G3 Volume testiculaire : 8–10 ml (longueur testiculaire : 3,1–4,0 cm)
G4 Volume testiculaire : 12–15 ml (longueur testiculaire : 4,1–4,5 cm)
G5 Aspect adulte, volume testiculaire : 20–25 ml (longueur testiculaire > 4,5 cm)
Pilosité pubienne (P)
P1 Absence de pilosité
P2 Quelques poils sur le pubis
P3 Pilosité pubienne au-dessus de la symphyse
P4 Pilosité pubienne triangulaire n’atteignant pas la racine des cuisses
P5 Aspect adulte (triangulaire chez la femme, losangique chez l’homme s’étendant à la racine des cuisses)
Le volume testiculaire est estimé par l’orchidomètre parmi les volumes suivants : 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 8 - 10 - 12 - 15 - 20 - 25 ml. OGE : organes génitaux externes.
Croissance staturale et maturation osseuse
Croissance staturale
L’accélération de la vitesse de croissance staturale débute dès les premiers signes pubertaires chez la fille (S2), de façon décalée chez le garçon (G3), et s’élève jusqu’à 8 à 10 cm par an. La taille adulte moyenne est en France de 165 cm pour les filles et 177 cm pour les garçons (selon les courbes françaises actualisées en 2018).
Maturation osseuse
Elle peut être évaluée par l’âge osseux (radiographie de la main gauche et du poignet de face : méthode de Greulich et Pyle).
L’apparition du sésamoïde du pouce est contemporaine du démarrage pubertaire, à un âge osseux de 11 ans chez la fille et de 13 ans chez le garçon.
La masse osseuse se constitue particulièrement pendant la puberté et est acquise à 20 ans.
Puberté : accélération de la vitesse de croissance staturale et maturation osseuse.
Classification de Tanner : évaluation de l’aspect des caractères sexuels secondaires pour le suivi de l’évolution pubertaire des filles et des garçons.
Développement pubertaire pathologique
Les âges limites de la puberté sont définis statistiquement (de – 2 DS à + 2 DS de l’âge), correspondant à 95 % de la population.
Lorsque la puberté se produit en dehors de ces limites, la probabilité d’une pathologie est plus grande.
À noter : certaines différences, en particulier ethniques, ne sont pas prises en compte dans ces définitions.
Puberté précoce :
*développement mammaire avant l’âge de 8 ans chez la fille ou développement testiculaire avant l’âge de 9 ans chez le garçon;
*avec accélération de la vitesse de croissance et avance de l’âge osseux. Cette situation nécessite toujours une évaluation médicale.
Retard pubertaire :
*absence de développement mammaire chez la fille après l’âge de 13 ans ou absence d’augmentation du volume testiculaire chez le garçon après l’âge de 14 ans;
*absence d’achèvement de la puberté 4 ans après son début, absence de règle (aménorrhée primaire) à l’âge de 15,5 ans chez la fille;
*la vitesse de croissance reste celle de l’enfance (d’où une différence de taille importante avec les pairs en cours de puberté).
Cela souligne l’importance d’effectuer une cotation de Tanner en période pubertaire.
Distinguer les situations « pathologiques » des « extrêmes de la normale ».
Puberté précoce = puberté avant 8 ans chez la fille, avant 9 ans chez le garçon.
I Puberté précoce
A Causes
Deux groupes de causes de puberté précoce :
*pubertés précoces centrales (les plus fréquentes);
*pubertés précoces périphériques.
1 Pubertés précoces centrales
Les pubertés précoces centrales (tableau 2.2) sont dues à la réactivation prématurée (lésion-nelle ou non) de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique.
Tableau 2.2
Causes de puberté précoce centrale.
Processus expansif intracrânien
–Tumoral : gliome du chiasma (dans le cadre d’une NF1 ou non), hamartome
–Non tumoral : hydrocéphalie, kyste arachnoïdien
Origine séquellaire
–Méningite ou encéphalite
–Irradiation crânienne
Idiopathique (Diagnostic d’élimination)
Chez la fille, elles sont bien plus fréquentes. Elles sont alors idiopathiques (IRM hypothalamo-hypophysaire normale) dans la majorité des cas (fig. 2.2).Puberté précoce centrale : fréquente chez la fille et souvent idiopathique.
Redouter toujours une tumeur intracrânienne, notamment chez le garçon.
Pubertés précoces périphériques
Les pubertés précoces périphériques sont très rares.
Elles sont indépendantes de l’axe hypothalamo-hypophysaire et donc de la sécrétion des gonadotrophines. La sécrétion de stéroïdes sexuels est d’origine gonadique.
On peut citer : tumeurs ovariennes et testiculaires, syndrome de McCune-Albright, testo-toxicose, maladies surrénaliennes.
B Démarche diagnostique
1 Enquête clinique
Antécédents familiaux :
*âges de début pubertaire des parents et de la fratrie, âge de ménarche chez la mère;
*tailles des parents et calcul de la taille cible génétique;
*antécédent familial de neurofibromatose de type 1 (NF1).
Antécédents personnels :
*NF1;
*méningite.
Symptômes éventuellement associés :
*signes visuels ou signes d’HTIC;
*signes d’autres atteintes hypothalamo-hypophysaires.
Examen physique :
*cotation du stade pubertaire (classification de Tanner);
*taches cutanées (NF1, McCune-Albright);
*accélération de croissance staturale;
*signes d’hyperandrogénie : acné, hirsutisme, hypertrophie clitoridienne chez la fille;
*masse abdominale ou testiculaire (asymétrie) en faveur d’une tumeur.
2 Enquête paraclinique
Dosages hormonaux
Dosage des stéroïdes sexuels (importance des techniques des dosages) :
*testostérone chez le garçon;
*œstradiol peu utile chez la fille (variations fortes); la présence du développement mammaire signe la sécrétion d’œstradiol.
Dosage de l’inhibine B : augmentation au cours de la puberté.
Dosage des gonadotrophines :
*après stimulation (test au LH-RH);
*diagnostic et distinction entre pubertés précoces centrale et périphérique :
–en faveur d’une cause centrale : valeurs élevées du pic de LH (> pic de FSH);
–en faveur d’une cause périphérique : valeurs indétectables.
Imagerie
Âge osseux : appréciation de la maturation osseuse.
Échographie pelvienne et surrénalienne chez la fille :
*élimination d’un processus tumoral;
*appréciation de l’imprégnation œstrogénique : augmentation de la longueur du corps utérin (L > 35 mm).
Imagerie spécifique selon l’orientation :
*en cas de puberté précoce centrale : IRM de la région hypothalamo-hypophysaire;
*en cas de puberté précoce périphérique : imagerie des gonades.
Données cliniques essentielles : antécédents familiaux, stade de Tanner, taches cutanées, signes d’hyperandrogénie, signes de processus tumoral cérébral évolutif.
Puberté précoce centrale → IRM cérébrale systématique.
3 Ce qui n’est pas une puberté précoce
Une pilosité pubienne précoce isolée (prémature pubarche ou adrénarche) n’est pas synonyme de puberté précoce. Elle correspond le plus souvent à l’augmentation physiologique de la production des androgènes par la surrénale vers l’âge de 8 ans. C’est un diagnostic d’élimination, retenu après avoir écarté une production pathologique d’androgènes d’origine surrénalienne ou gonadique : hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive, tumeur surrénalienne, tumeur gonadique.
Un développement précoce et isolé des seins (prémature thélarche) est physiologique chez la fille avant l’âge de 2 ans : il ne s’accompagne pas d’accélération de la croissance et n’évolue pas; il ne nécessite habituellement pas d’exploration. En dehors de la tranche d’âge 0–2 ans, des signes de développement pubertaire précoce peuvent survenir sans qu’il s’agisse à proprement parler d’une puberté précoce évolutive : premiers signes de puberté mais pas d’évolution clinique, explorations biologiques et échographiques négatives.
Retard pubertaire
A Causes
Trois groupes de causes de retard pubertaire :
*retard pubertaire d’origine centrale → hypogonadisme hypogonadotrope;
*retard pubertaire d’origine périphérique → hypogonadisme hypergonadotrope;
*retard pubertaire simple (diagnostic d’élimination).
1 Retards pubertaires d’origine centrale
Les retards pubertaires d’origine centrale (ou hypogonadisme hypogonadotrope) sont :
*constitutionnels : isolés, sans ou avec anosmie (syndrome de Kallman), ou associés à d’autres déficits antéhypophysaires; ils peuvent avoir une expression congénitale avec une cryptorchidie bilatérale et/ou un micropénis;
*acquis : tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire, cause fonctionnelle (toutes les situations de carence énergétique, en particulier dénutrition, maladies chroniques, anorexie mentale).
2 Retards pubertaires d’origine périphérique
Les retards pubertaires d’origine périphérique (ou hypogonadisme hypergonadotrope) sont liés à une anomalie primitive des gonades.
Le syndrome de Klinefelter concerne 1,6 garçon pour 1 000.
Il n’entraîne en général pas de retard pubertaire mais plutôt l’apparition de signes pubertaires sans augmentation du volume testiculaire.
La morphologie est eunuchoïde avec une gynécomastie fréquente. Les pilosités pubienne et axillaire se développent, la verge s’allonge, mais les testicules ne dépassent pas 35 mm de longueur. Le QI global est proche de la normale avec souvent un déficit dans le domaine verbal. Le déficit gonadique s’accentue avec le temps et les hommes atteints sont infertiles. Le caryotype le plus fréquent est 47,XXY.
Le syndrome de Turner est traité au chapitre 1 (voir § III.B).
3 Retard pubertaire simple
C’est le diagnostic le plus fréquent, notamment chez le garçon. Il reste en revanche un diagnostic d’élimination, difficile à distinguer des hypogonadismes hypogonadotropes constitutionnels ou acquis.
Dans le retard pubertaire simple, l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique n’est pas sorti de la quiescence de l’enfance (l’activation gonadotrope sera observée avec retard).
Si ce diagnostic est retenu, il est important de suivre l’enfant jusqu’au démarrage de la puberté. Le pronostic est bon sur le plan des développements pubertaire et statural. Un traitement par androgènes est parfois proposé après avis spécialisé.
Causes de retard pubertaire d’origine centrale à retenir : tumeur hypothalamo-hypophysaire et maladies chroniques.
Causes de retard pubertaire d’origine périphérique les plus fréquentes : syndrome de Turner chez la fille et syndrome de Klinefelter chez le garçon.
Retard pubertaire simple : fréquent chez le garçon, mais diagnostic d’élimination; l’association retard pubertaire et cryptorchidie bilatérale exclut ce diagnostic.
Démarche diagnostique
1 Enquête clinique
Antécédents familiaux :
*âges de début pubertaire des parents et de la fratrie, âge de ménarche chez la mère;
*tailles des parents et calcul de la taille cible génétique;
*infertilité;
*troubles de l’odorat associés ou non à un trouble pubertaire.
Antécédents personnels :
*ralentissement de la croissance;
*maladies chroniques;
*cryptorchidie chez le garçon.
Symptômes éventuellement associés :
*signes visuels ou signes d’HTIC;
*signes d’autres atteintes hypothalamo-hypophysaires;
*anosmie ou hyposmie (syndrome de Kallmann);
*signes digestifs (anorexie, douleurs abdominales).
Examen physique :
*cotation du stade pubertaire (classification de Tanner);
*syndrome dysmorphique;
*examen des organes génitaux externes : cryptorchidie, micropénis;
*état nutritionnel;
*examen complet, en particulier neurologique.
2 Enquête paraclinique
Dosages hormonaux
Dosage des stéroïdes sexuels (importance des techniques et des horaires des dosages) :
*testostérone chez le garçon;
*œstradiol peu utile chez la fille (variations fortes);
*valeurs basses traduisant la constatation clinique de l’absence de puberté.
Dosage des gonadotrophines :
*FSH et LH à l’état basal;
*distinction entre retards pubertaires central et périphérique :
–en faveur d’une cause centrale : FSH et LH basses (mais ces valeurs basses se voient aussi dans le retard pubertaire simple);
–en faveur d’une cause périphérique : FSH et LH élevées.
Dosages des autres hormones antéhypophysaires :
*TSH, T4L, IGF-1, cortisol, prolactine;
*mise en évidence d’une insuffisance antéhypophysaire multiple;
*en cas de situations évocatrices (cassure staturale, signes d’atteinte des autres axes).
Autres examens (dont imagerie)
Biologie :
*IgA anti-transglutaminase et IgA totales;
*ionogramme sanguin, créatinine.
Âge osseux :
*la puberté se produit autour de AO = 13 ans chez le garçon et AO = 11 ans chez la fille;
*un impubérisme est anormal si l’âge osseux est supérieur à ces âges.
Examens spécifiques selon l’orientation :
*en cas d’hypogonadisme hypogonadotrope : IRM de la région hypothalamo-hypophysaire;
*en cas d’hypogonadisme hypergonadotrope : caryotype ou FISH gonosomes.
Traquer les signes de tumeur crânienne : HTIC, atteintes des autres axes hypophysaires.
Hypogonadisme hypogonadotrope → IRM cérébrale systématique.
Hypogonadisme hypergonadotrope → caryotype systématique.
Développement psychomoteur du nourrisson et de l’enfant : aspects normaux
IIAspects pathologiques du développement psychomoteur
Objectifs pédagogiques1
Diagnostiquer une anomalie du développement somatique, psychomoteur, intellectuel et affectif.
Repérer précocement les dysfonctionnements relationnels et les troubles de l’apprentissage.
Avant de commencer…
Le développement psychomoteur du nourrisson et de l’enfant est le reflet de l’interaction entre des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux, qui débute dès la vie intra-utérine.
La maturation cérébrale et le développement du système nerveux central suivent étape par étape un programme déterminé.
Les facteurs environnementaux peuvent quant à eux moduler le développement cérébral, certaines stimulations étant cruciales aux phases précoces de développement et dans une fenêtre temporelle donnée (périodes critiques).
L’importance du processus d’apprentissage dans la mise en place des différentes acquisitions psychomotrices est actuellement soulignée.
L’évaluation du développement psychomoteur est capitale. Il s’agit d’évaluer le développement d’un enfant d’un âge donné par rapport à une norme de population. Il faudra donc savoir tenir compte des variations individuelles au fil d’un calendrier qui sera toujours le même pour chaque enfant.
Au cours de l’examen d’un enfant, plusieurs domaines du développement seront évalués : développement moteur, capacités de communication et compétences sociales, développement cognitif (voir le tableau 3.2 récapitulatif plus bas).
Développement psychomoteur entre les âges de 1 mois et 3 ans.
Acquisitions motrices et posturales Acquisitions manuelles Acquisitions du langage Acquisitions sensorielles et relationnelles 2 mois Soulève tête et épaules (sur le ventre) Bouge vigoureusement les quatre membres Serre le doigt Réponse vocale à la sollicitation Sourire-réponse Suit des yeux 4 mois Tenue de tête déjà acquise S’appuie sur les avant-bras (sur le ventre) (fig. 3.1B) Joue avec les mains Vocalise Rit aux éclats Interagit avec ses parents de façon adaptée 6 mois Tient assis avec appui (fig. 3.1C) Passe un objet d’une main à l’autre Babillage (« ma-ma ») Attention partagée 9 mois Tient assis sans appui Tient debout avec appui Saisit un objet avec la pince pouce-index (fig. 3.1B) Réactions posturales aux pulsions Répète une syllabe Réagit à son prénom Joue à « coucou, le voilà » (fig. 3.3A) Peur de l’étranger Attention conjointe 12–18 mois Marche seul Autonomie pour le verre et la cuillère Empile deux cubes Deux mots combinés Apparition du « non » Joue avec d’autres enfants Pointage vers un objet puis pour avoir un objet (fig. 3.3B) Fait semblant 24 mois Court Imite un trait Trois mots en phrase Comprend une consigne simple Jeux symboliques (fig. 3.3C) 3 ans Monte les escaliers en alternant les pieds Fait du tricycle Imite un rond Dit une petite histoire S’habille seul
Deux circonstances différentes peuvent amener à évaluer le développement psychomoteur :
*examen systématique;
*inquiétude des parents ou à l’occasion d’une pathologie.
L’étude du développement psychomoteur repose sur l’interrogatoire, qui est fondamental et ne doit jamais être suggestif, et sur l’examen clinique. Deux notions sont importantes : le niveau des performances de l’enfant par rapport à son âge chronologique et sa dynamique de développement appréciée lors de consultations successives.
L’enfant doit être mis en confiance, en présence de ses parents, examiné dans une salle adaptée, au calme, avec de nombreux jeux permettant sa participation active.
Développement psychomoteur du nourrisson et de l’enfant : aspects normaux
A Chez le nourrisson (jusqu’à 2 ans)
1 Motricité
Au cours de la première année de vie, une modification du tonus va s’observer avec disparition progressive de l’hypotonie axiale et de l’hypertonie des membres. À la motricité initialement réflexe du jeune nourrisson (réflexes archaïques, voir chapitre 44) succède l’apparition progressive de la motricité volontaire (fig. 3.1), puis une coordination de plus en plus fine et la marche. La progression du tonus se fait dans le sens céphalocaudal.
Tenue de tête
À la naissance, elle est inexistante; la manœuvre du tiré-assis permet d’apprécier un maintien de la tête dans l’axe pendant quelques secondes. (voir fig. 44.13 au chapitre 44). À 2 mois, on note un contrôle de la tête en position verticale, à 3 mois un contrôle dans toutes les positions. En décubitus ventral, l’enfant arrive à soulever sa tête du plan du lit très précocement (fig. 3.1A), et peut la changer de côté à 1 mois. À 4 mois, la tenue de la tête doit être acquise; l’enfant s’appuie sur les avant-bras en décubitus ventral (fig. 3.1B).
Station assise
L’acquisition de la station assise est progressive. À 1 mois, tenu, le nourrisson a le dos rond. On note un début de tenue assise vers 4 mois avec support; à 5 mois, la station assise est présente avec appui des mains vers l’avant (fig. 3.1C). À 8–9 mois, la station assise autonome, sans support, est parfaite. L’enfant est capable de s’asseoir seul à partir de 8 mois.
Station debout
Chez le nouveau-né, elle est réflexe. À 6 mois, le nourrisson supporte le poids de son corps; à 10 mois, il se met debout en tirant avec les membres supérieurs (fig. 3.1D). Il marche tenu vers 11 mois et seul entre 9 et 18 mois. À partir de 9 mois sont présents les parachutes antérieurs (l’enfant est poussé vers l’avant et étend rapidement ses bras pour se protéger de la chute).
Acquisition de la marche
Elle se fait entre 9 et 18 mois. La plupart des enfants marchent à quatre pattes ou rampent avant de se mettre debout. Beaucoup d’enfants ont un mode de locomotion très particulier : ils se déplacent sur les fesses avec fréquemment une jambe repliée. Un petit nombre d’enfants n’ont aucune activité de propulsion avant de se mettre debout.
Préhension
Elle est réflexe à la naissance (grasping, voir fig. 44.14 au chapitre 44). Vers 4–5 mois, le nourrisson tend la main vers l’objet (préhension volontaire). Il existe un empaumement cubital vers l’objet. À 6 mois, il porte à la bouche, on note un empaumement médian. À 6 mois, il passe d’une main à l’autre (fig. 3.2A) et, à 9 mois, il manipule avec ses deux mains. Il existe une pince fine avec opposition pouce-index à partir de 9 mois (fig. 3.2B).Expériences sensorimotrices
Elles ont un rôle clé en apportant de nouvelles influences sur les processus cognitifs utilisés dans la résolution de tâches précises. Ainsi, chez le nourrisson, il existe une corrélation très nette entre l’accès au déplacement autonome et la résolution d’épreuves de recherche manuelle d’objets cachés.
2 Aptitudes cognitives et de communication
Vision
Le nouveau-né reconnaît le visage de sa mère et peut suivre horizontalement. À 1 mois, il existe une poursuite horizontale parfaite, à 3 mois une poursuite horizontale et verticale. À 9 mois, le nourrisson cherche du regard un objet tombé et disparu. Au fil de la première année, l’acuité visuelle s’affine.
Audition
L’enfant entend d’emblée – le système auditif est fonctionnel dès la vie intra-utérine. Il existe une orientation parfaite au bruit à l’âge de 6 mois.
Communication
Un sourire-réponse est présent dès 2 mois.
Les premières vocalises apparaissent vers 2 mois (gazouillis); le nourrisson rit aux éclats vers 4 mois (fig. 3.1B).
La qualité du contact et l’intérêt du regard sont les premiers indices de capacités de communication. L’attention partagée est la capacité de l’enfant à regarder un objet que tient son parent et doit être acquise à 6 mois. L’attention conjointe est très importante à évaluer et doit être acquise à 9 mois : l’enfant regarde un objet que lui montre son parent. À 9 mois, le nourrisson réagit à son prénom. Il apprécie jouer à « coucou le voilà » (fig. 3.3A). Le pointage du doigt pour montrer un objet ou pour le réclamer apparaît dès 9 mois et doit être acquis à 16 mois (fig. 3.3B).À 1 an, l’enfant utilise les gestes sociaux comme « au revoir », « coucou ». À 16 mois, il commence à jouer à « faire semblant » : il manipule les jouets selon des scénarios de plus en plus complexes. À 2 ans, il a des jeux symboliques comme jouer à la poupée et aux voitures en se racontant des histoires (fig. 3.3C).
Le développement du langage repose sur des interactions entre les aptitudes innées et leur « programme » de développement (déterminés génétiquement) et les informations linguistiques de l’entourage, dans une relation faite d’interactions et d’échanges affectifs.
Le développement des deux versants du langage doit être précisé, en sachant que le développement du versant réceptif (compréhension) précède celui du versant expressif (expression).
Les parents peuvent surestimer le niveau de compréhension de leur enfant. La compréhension des premiers mots survient entre 8 et 10 mois. L’enfant comprend un ordre simple en contexte vers 15 mois et hors contexte vers 30 mois.
Sur le versant expressif, le babillage notamment canonique (redoublement des syllabes qui apparaît entre 6 et 7 mois) a valeur de langage et précède l’apparition des premiers mots entre 10 et 12 mois. L’augmentation du nombre de mots est variable d’un enfant à l’autre. En moyenne, l’enfant à 15 mois possède dix mots; entre 18 à 24 mois, l’enfant arrive à une masse critique de cinquante mots, il est alors capable d’apprendre entre quatre et dix mots nouveaux par jour. Cette phase est qualifiée d’« explosion lexicale », qui favorise l’émergence de la syntaxe avec l’apparition des premières associations de mots vers 2 ans.
Chez le petit enfant (à partir de 2 ans jusqu’à 6 ans)
Au cours de l’examen, l’étude du comportement de l’enfant est fondamentale, permettant d’apprécier la sociabilité, le langage, la capacité d’attention. Faire appel à des jeux simples s’avère souvent d’une excellente contribution; le faire dessiner et le faire utiliser des cubes (capacités praxiques) font partie de l’examen de tout enfant à cet âge (tableau 3.1). Plus encore que chez le jeune nourrisson, il existe d’importantes variations dans l’acquisition des divers comportements.
Tableau 3.1
Compétences graphiques et visuo-praxiques évaluées à la consultation.
12 mois 24 mois 36 mois 4 ans 5 ans 6 ans Graphisme Trait Rond Carré Triangle Losange Construction Empile deux cubes Tour avec six cubes Pont avec trois cubes Pyramide avec six cubes
1 Motricité (globale et fine)
À 2 ans
L’enfant est capable de marcher à reculons, lancer une balle, monter et descendre les escaliers marche par marche, donner un coup de pied dans un ballon. Il ouvre une porte, grimpe sur des meubles. Il commence à courir. Il gribouille des figures circulaires, encastre des formes (fig. 3.2C), fait des tours avec six cubes (fig. 3.2D), copie un trait vertical. Il peut laver et sécher ses mains, mettre ses chaussures, enlever ses vêtements, se servir d’une cuillère.
À 3 ans
Il est capable de tenir une attitude, de résister à une poussée douce. Il saute à pieds joints vers l’avant, fait du tricycle.
Il se lave les mains seul. Il copie un cercle et avec trois cubes reproduit le pont.
À 4 ans
Il maintient un appui monopodal et peut commencer à sauter à cloche-pied, lance une balle en l’air.
Il copie un carré, dessine un bonhomme avec une tête et deux à quatre parties.
À 5–6 ans
Il sait sauter à la corde, rattraper une balle qui rebondit. Il sait faire du vélo sans les petites roues. Il s’habille et se déshabille. À 5 ans, il copie le triangle et écrit son prénom en lettres bâton. Il reproduit une pyramide avec six cubes. À 6 ans, il copie le losange et écrit son prénom en lettres attachées.
Langage, comportement social et adaptatif
À 2 ans
L’enfant montre les parties de son corps, associe deux mots, suit deux ou trois directions : devant, derrière en haut ou en bas. Il nomme une ou plusieurs images, utilise le pluriel. Il écoute une histoire en suivant les images. Vers 2 ans et demi, il fait semblant lors des jeux (dînettes, poupées, files de petites voitures…). Il reconnaît son image dans le miroir.
À 3 ans
Il fait des phrases, emploie le « je », prononce son nom. Il compte jusqu’à trois.
Il commence à jouer avec les autres enfants en parallèle. Il connaît son âge, son sexe.
À 4 ans
Il raconte des histoires, joue avec d’autres enfants avec des interactions sociales (joue au papa et à la maman). Il compare la longueur de deux lignes, désigne la plus longue. Il nomme les couleurs. Il commence à faire des additions simples avec l’utilisation des doigts.
À 5–6 ans
Il décrit parfaitement une image avec des phrases élaborées; il répète une phrase de douze syllabes. Il pose des questions sur la signification des mots. Il connaît la comptine numérique jusqu’à 30. Il dénombre une collection de dix pièces et a acquis le principe de cardinalité (le dernier chiffre correspond au total de la collection). Au niveau de l’organisation spatiotemporelle, l’enfant montre le dessus, le dessous, devant, derrière. Le repérage dans le temps est parfois plus difficile à évaluer : il doit connaître l’après-midi, le soir. La dominance latérale à l’usage préférentiel d’une main étant établie vers 4 ans, la discrimination droite-gauche est possible à 6 ans.
Les grandes étapes du développement psychomoteur entre les âges de 1 mois et 3 ans sont synthétisées dans le tableau 3.2.
Développement de l’alimentation, du sommeil et du contrôle sphinctérien
1 Alimentation
Dès l’âge de 4 à 5 mois
Il peut boire à une tasse lorsque celle-ci est portée à ses lèvres; il mange à la cuillère.
À 6 mois
Il mastique et peut commencer à manger un biscuit seul, ce qui coïncide avec la possibilité de tenir les objets.
À 15 mois
Il prend une tasse seul et boit seul.
À 18–24 mois
Il tient une cuillère et mange seul.
2 Sommeil
De la vie fœtale à l’adolescence, le sommeil se construit et s’organise. Chez l’enfant comme chez l’adulte, il existe des variations interindividuelles.
Chez le nouveau-né
Il dort beaucoup, environ 16 heures par jour. Les périodes d’éveil s’effectuent sous forme d’état de veille agitée. Il n’y a pas de différence jour-nuit. Il s’endort en sommeil agité, qui représente 50 à 60 % du sommeil total.
Entre 1 et 6 mois
C’est la période où le sommeil évolue le plus rapidement avec apparition d’une périodicité jour-nuit, d’une maturation EEG des ondes de sommeil et apparition de rythmes circadiens de la température, du pouls, de la respiration et des sécrétions hormonales.
À 3 mois, la durée moyenne de sommeil est de 15 heures dont 9 heures de sommeil nocturne. Entre 6 mois et 1 an, le sommeil nocturne est de 12 heures.
Entre 6 mois et 4 ans
On note une réduction progressive du sommeil diurne avec trois à quatre siestes journalières vers 6 mois, deux siestes à 12 mois puis une seule vers 18 mois.
Vers 4 ans
On note un sommeil le plus souvent uniquement nocturne de 13 ou 14 heures.
De 4 à 12 ans
On note une réduction du temps total de sommeil; le sommeil devient uniquement nocturne avec augmentation du sommeil lent profond en début de nuit. La durée du sommeil est inférieure à 12 heures avec coucher à 20 h vers 5–6 ans, coucher à 21 h vers 8 ans, coucher à 22 h au début de l’adolescence.
3 Contrôle sphinctérien
Chez le nouveau-né, la miction est un acte réflexe. Le contrôle volontaire ne débute pas avant 15 à 18 mois. L’acquisition de la propreté est dépendante de l’âge d’initiation de l’éducation à la propreté : il faut tenir compte de ce facteur clé pour juger de l’âge d’acquisition de la propreté. L’enfant peut prévenir et utiliser un pot à 18 mois. À 2 ans, il est propre le jour avec des accidents occasionnels et commence à être propre la nuit. Cependant, l’âge de la propreté nocturne est variable. Il va seul aux toilettes vers 4 ans.
Le contrôle anal est souvent obtenu avant le contrôle vésical.
La connaissance des étapes du développement psychomoteur est indispensable.
Elles seront évaluées lors de tout examen et notées dans le carnet de santé.
En cas d’écart de développement, les données recueillies, complétées par celle de l’examen neurologique, vont permettre une orientation diagnostique.
Aspects pathologiques du développement psychomoteur
A Préambule
En cas d’anomalie du développement psychomoteur, certaines acquisitions ne sont pas présentes à un âge moyen donné, qu’elles n’aient jamais existé ou qu’elles soient perdues (on parle alors de régression).
Le développement de l’enfant comprend plusieurs domaines, qui pourront être altérés de façon globale – on parle généralement de retard global du développement, qui peut être homogène ou hétérogène (parfois l’atteinte est nettement plus marquée dans un domaine du développement) – ou de façon isolée (retard de langage ou retard moteur isolé).
Il convient toutefois de préciser que le terme de « retard » est un terme trompeur qui laisse supposer un rattrapage; or, le plus souvent, les difficultés seront persistantes. Il faut retenir que le retard de développement n’est qu’un signe d’appel qui pourra conduire à un diagnostic de différents types de troubles du neurodéveloppement (comme la déficience intellectuelle, le trouble du spectre autistique ou le trouble spécifique du langage oral).
Les troubles développementaux liés à un déficit sensoriel ou par carence de stimulation, qui nécessitent un dépistage précoce afin de mettre en place une prise en charge adaptée, ne sont pas traités ici.
B Démarche diagnostique
1 Interrogatoire
L’interrogatoire est fondamental et s’attachera à préciser :
*les antécédents familiaux : notion de consanguinité, de cas familiaux, dans la fratrie, tous les antécédents médicaux quels qu’ils soient;
*les antécédents personnels :
–grossesse : spontanée ou provoquée (techniques de procréation médicalement assistée), suivi échographique, déroulement de la grossesse, pathologie maternelle, prise de médicaments ou de toxiques;
–obstétricaux : durée du travail, accouchement par voie basse, césarienne.;
–périnataux : existence ou non d’une asphyxie périnatale, score d’Apgar.;
–postnataux : étapes du développement psychomoteur, existence ou non d’une autre pathologie, digestive, rénale, cardiaque;
–exposition aux écrans : télévision, tablettes;
*le moment exact de la première inquiétude des parents est toujours capital à faire préciser; il existe très souvent un décalage par rapport à l’âge de la première consultation. Ne jamais banaliser les doutes d’un parent sur le développement de son enfant;
*l’évolution des troubles : progrès réguliers, stabilité des acquisitions ou régression.
Il existe une certaine variabilité dans les acquisitions, mais le praticien doit connaître les signes d’alerte qu’il ne devra pas laisser passer.
Signaux d’alerte précoces d’anomalie du développement moteur
*Ne tient pas sa tête à 3 mois.
*Ne tient pas assis à 9 mois.
*Ne marche pas à 18 mois.
*Ne pédale pas à 3 ans.
Signaux d’alerte précoces d’anomalie du développement linguistique
*Silencieux la première année sans babillage canonique.
*Ne dit aucun mot à 18 mois.
*Aucune association de mots à 24 mois.
*Absence d’intelligibilité de la production linguistique à 3 ans.
*Absence de phrases à 3 ans.
Signaux d’alerte précoces d’un trouble des interactions sociales
*Pas de réponse-sourire à 2 mois.
*Pas ou peu d’interactions adaptées à 4 mois.
*Pas d’attention partagée ni de vocalises à 6 mois.
*Pas de gestes sociaux à 1 an.
*Pas de pointage à 16 mois.
Examen clinique
L’examen clinique doit toujours être complet :
*mesure du périmètre crânien rapportée sur une courbe, de même que poids et taille;
*recherche d’une anomalie de l’examen neurologique;
*examens cutané (tache achromique, café-au-lait), cardiaque, abdominal (hépatomégalie, splénomégalie);
*vérification des différentes étapes du développement psychomoteur.
3 Analyse des données cliniques recueillies
L’interrogatoire et l’examen clinique permettent de préciser le niveau des performances et de les comparer à l’âge chronologique de l’enfant.
La sévérité de l’atteinte est appréciée par le quotient de développement (QD), qui est le rapport entre le niveau des performances de l’enfant et son âge.
L’interrogatoire et l’examen clinique permettent de préciser le niveau de l’atteinte neurologique (centrale ou périphérique) (fig. 3.4) et d’orienter vers une des nombreuses causes responsables d’une anomalie du développement :*les atteintes centrales (70 % des cas) sont regroupées sous le terme de troubles du neurodéveloppement et peuvent traduire :
–soit un trouble d’origine anténatale, périnatale ou postnatale (70 %) : notion de progrès ou de stabilité des signes;
–soit une pathologie neurodégénérative (30 %) : notion de régression.
*les atteintes périphériques (30 % des cas) sont le plus souvent progressives et correspondent aux maladies neuromusculaires observées chez l’enfant.
C Atteintes périphériques
Le signe d’appel est le plus souvent un trouble du développement moteur contrastant avec un éveil et des capacités cognitives souvent préservées.
Il s’agit de maladies neuromusculaires. Elles sont définies par l’atteinte primitive de l’un des composants de l’unité motrice :
*atteinte de la corne antérieure : amyotrophie spinale infantile;
*atteinte du nerf périphérique : neuropathies sensitivomotrices héréditaires;
*atteinte de la fibre musculaire : dystrophie musculaire progressive (type maladie de Duchenne).
Dans tous les cas, la connaissance d’un diagnostic précis est indispensable et permettra au mieux à l’enfant et à sa famille de trouver au sein d’une équipe pluridisciplinaire une écoute, un accompagnement et une prise en charge adaptée (voir chapitre 53).
Atteintes centrales
1 Orientation
On parle désormais de troubles du neurodéveloppement.
Le diagnostic repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique.
Lorsqu’il existe une anomalie à type de déficience intellectuelle avec ou sans signes dysmor-phiques évidents, et sans anomalies neurologiques franches, une consultation de neuropédiatrie et/ou de génétique seront demandées en première intention.
Lorsqu’il existe une anomalie neurologique et/ou une épilepsie au premier plan, une consultation de neuropédiatrie avec IRM cérébrale sera demandée en première intention.
Sur un plan cognitif, on distinguera les enfants présentant des difficultés globales du fonctionnement intellectuel (déficience intellectuelle) des enfants ayant des difficultés plus ciblées ou spécifiques d’un domaine (trouble du langage, par exemple).
Dans cette seconde situation, le trouble pourra être secondaire (par exemple, dans la neurofibromatose de type 1; les enfants développent des troubles de l’apprentissage le plus souvent sans déficit intellectuel) ou primitif (cela correspond aux troubles « dys »).
2 Déficience intellectuelle
La prévalence de la déficience intellectuelle est de 2 à 3 % dans la population générale.
Les principaux signes d’appel sont le retard de langage isolé, le retard global du développement, les difficultés d’apprentissage (notamment compréhension de textes et difficultés pour le raisonnement mathématique) et les troubles du comportement.
Le déficit des fonctions intellectuelles concerne plusieurs domaines comme le raisonnement, la résolution de problème, la planification, la pensée abstraite, le jugement.
L’évaluation du fonctionnement intellectuel fait appel le plus souvent aux échelles de Wechsler. On parle de déficit si le score du quotient intellectuel (QI) est inférieur à 70 (± 5). Le QI n’est évaluable qu’à partir de l’âge de 3 à 4 ans mais n’est vraiment stable qu’à partir de 7 à 8 ans.
Les causes sont nombreuses. Schématiquement, les causes de la déficience intellectuelle peuvent être regroupées en trois groupes principaux (tableau 3.3).
Tableau 3.3
Principales causes de déficience intellectuelle.
Atteinte cérébrale postnatale
–Méningite bactérienne (pneumocoque principalement)
–Traumatisme accidentel ou dans le cadre de sévices à enfant (syndrome de l’enfant secoué)
–Anoxie cérébrale (noyade, malaise grave du nourrisson)
Complications d’origine périnatale (anoxie) et de la prématurité
Causes anténatales
–Environnementales :
*Origine infectieuse : infections à CMV, rubéole, toxoplasmose, virus herpès, virus Zika…
*Origine toxique : alcool (syndrome d’alcoolisme fœtal) mais aussi héroïne, cocaïne, médicaments tels que certains antiépileptiques (valproate)
–Génétiques :
*Liées à des anomalies du nombre des chromosomes, telles que dans la trisomie 21 (voir chapitre 11).
*Liées à des anomalies de structure des chromosomes, comme dans les syndromes microdélétionnels : syndrome de Willi-Prader, syndrome d’Angelman, syndrome de Williams…
*Liées à l’X, telles que le syndrome de l’X fragile (voir chapitre 12)
*Liées à des mutations ponctuelles, comprenant les malformations cérébrales et les syndromes neurocutanés
Troubles du spectre autistique (TSA)
La prévalence en population générale serait de 1 %.
L’autisme au sens générique du terme est considéré aujourd’hui comme un trouble d’origine neurodéveloppementale dont les signes psychopathologiques principaux se manifestent par des perturbations dans l’interaction et la communication sociale accompagnées également de comportements répétitifs et stéréotypés (DSM-5). Une déficience intellectuelle de causes variées est associée chez la moitié des enfants avec un TSA.
Il faut éliminer une exposition du nourrisson aux écrans (télévision, tablette…) qui est susceptible d’entraîner des troubles du comportement (intolérance à la frustration) et une pauvreté des interactions sociales. L’arrêt des écrans et une stimulation importante de l’environnement sous forme de jeux et d’échanges verbaux (intérêt des lieux d’accueil petite enfance) permettent d’évoluer rapidement vers une normalisation. Dans certains cas, malgré une prise en charge adaptée, persiste un léger décalage dans l’adaptation sociale sans qu’il y ait la triade caractéristique du TSA.
Les critères diagnostiques sont :
*l’existence de déficits persistants de la communication et des interactions sociales observés dans des contextes variés :
–déficit de réciprocité sociale ou émotionnelle;
–anomalies du contact, déficit de communication non verbale;
–difficultés d’ajustement social, voire retrait total;
*le caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités :
–stéréotypies, écholalie, activité de rotation des objets;
–intolérance au changement, rituels;
–attachement à des objets insolites, intérêts persévérants;
–hypo- ou hyperréactivité aux stimulations sensorielles ou intérêt inhabituel pour certains aspects sensoriels (lumières, flairage…);
*survenant dès les étapes précoces du développement ou lors de la 2e année de vie avec régression dans le domaine des interactions sociales et avec un retentissement significatif.
Tout praticien doit savoir repérer les signes d’alerte d’autisme et prendre en compte les inquiétudes des parents autour du développement de leur enfant. Il doit mettre en place les rééducations nécessaires (psychomotricité, orthophonie) tout en orientant vers un centre ressources autisme (CRA) sans attendre qu’un diagnostic précis soit posé.
Les troubles spécifiques du développement et des apprentissages, communément appelés troubles « dys »
Ce sont des troubles neurodéveloppementaux qui entraînent des anomalies cognitives perturbant les acquisitions (langage, motricité, apprentissage de la lecture, des mathématiques ou de l’écriture) en l’absence de déficience intellectuelle (diagnostic différentiel), en l’absence de trouble sensoriel ou neurologique, chez un enfant normalement socialisé et scolarisé.
Leur étiologie est actuellement considérée comme complexe, plurifactorielle avec des facteurs génétiques et environnementaux.
Ils sont fréquents, avec une prévalence dans la population générale autour de 10 %.
L’enquête clinique devra absolument écarter un trouble sensoriel ou neurologique. Le patient avec un trouble du neurodéveloppement doit alors être adressé à un centre spécialisé.
Troubles spécifiques du développement du langage
Troubles spécifiques du langage oral, ou TSLO
Le retard de langage est un motif de consultation fréquent à l’âge préscolaire et est le signe d’appel le plus fréquent des TSLO. Il évolue favorablement avec une rééducation orthophonique bien conduite permettant l’acquisition d’un langage bien structuré et efficient. Il évolue très souvent en trouble du langage écrit lorsque l’enfant atteint l’âge de l’apprentissage de la lecture.
L’absence d’évolution de la qualité du langage verbal malgré une rééducation orthophonique bien conduite fait poser le diagnostic de dysphasie. La production orale reste simple avec l’absence de mise en place de phrases complexes. La production écrite peut être de meilleure qualité et permettre une scolarisation normale bien qu’adaptée.
Le diagnostic de TSLO est posé après avoir éliminé systématiquement un déficit sensoriel auditif, un trouble acquis du langage d’origine neurologique ou des négligences graves dans les situations de maltraitance.
La déficience intellectuelle et les troubles du spectre autistique sont les principaux diagnostics différentiels.
Troubles spécifiques du langage écrit, ou dyslexie
Les difficultés d’apprentissage de la lecture et/ou de l’orthographe sont un motif fréquent de consultation à l’âge scolaire.
En cas de difficultés de compréhension pour les textes lus, il faudra s’assurer de l’absence de déficience intellectuelle.
Trouble développemental de la coordination, ou dyspraxie
Les plaintes scolaires débutent dès l’école maternelle, avec des difficultés graphiques et une maladresse puis, au primaire, avec des difficultés en mathématiques notamment en géométrie.
Trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH)
Le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité est un trouble neurodéveloppemental caractérisé par un niveau inapproprié d’attention, d’impulsivité et d’hyperactivité motrice.
Sa prévalence est estimée à 5 % des enfants d’âge scolaire, avec une prédominance masculine. La comorbidité avec des troubles des apprentissages est fréquente, concourant à un risque d’échec scolaire.
Le diagnostic est avant tout clinique.
Encéphalopathies neurodégénératives
Elles représentent moins de 30 % des cas d’anomalies neurodéveloppementales.
Après un développement normal, une régression des acquisitions est constatée plus ou moins tôt.
La démarche étiologique repose là encore sur l’interrogatoire et l’examen clinique qui permettront de guider au mieux les explorations complémentaires. L’IRM, les explorations neurophysiologiques (EEG…) permettront d’orienter la démarche diagnostique.
Dès la suspicion d’une pathologie neurodégénérative, une orientation en centre de référence spécialisée neuropédiatrique s’impose pour diagnostic et prise en charge spécifique.
Dans cette situation de régression, il faut savoir rechercher une encéphalopathie neurodégénérative métabolique et/ou génétique (par exemple, le syndrome de Rett) ou des formes rares d’épilepsie. Dans quelques cas, il existe un traitement spécifique qui sera d’autant plus efficace que mis en route précocement.
Le diagnostic précis du cas index permettra la plupart du temps de proposer un conseil génétique et un diagnostic prénatal approprié.
Avant de commencer…
Les dépistages des troubles sensoriels et des principales anomalies orthopédiques font partie des 5 axes de suivi de l’enfant âgé de 0 à 6 ans. Ils s’inscrivent dans le contenu des examens médicaux réguliers.
Les déficits sensoriels (visuels et auditifs) constituent un handicap relationnel pour l’enfant. Ils sont à haut risque de perturber son développement mental et sa capacité de socialisation.
Le médecin traitant de l’enfant a pour missions :
*d’identifier les facteurs de risque;
*de repérer les signes d’appel (signalés par la famille ou l’entourage);
*d’examiner l’enfant et de pratiquer des tests simples de dépistage;
*d’orienter éventuellement vers un spécialiste si nécessaire.
Un dépistage précoce est essentiel pour espérer le pronostic le plus optimal.
Dépistage des troubles visuels
A Pour bien comprendre
1 Généralités
Le dépistage des troubles visuels de l’enfant est un enjeu de santé publique.
Près de 20 % des enfants âgés de moins de 6 ans présentent une anomalie visuelle, le plus souvent une anomalie de réfraction (hypermétropie, myopie, astigmatisme) responsable de difficultés scolaires.
Un dépistage systématique permet une prise en charge précoce et constitue le garant d’un pronostic visuel optimal. Ce dépistage peut être réalisé de façon optimale par le pédiatre, l’ophtalmologiste ou l’orthoptiste. Des repères sont inscrits dans le carnet de santé.
L’amblyopie (baisse de vision unilatérale), qui concerne 2 à 5 % des enfants, doit être dépistée tôt pour être rééduquée sachant qu’après 6 ans la récupération visuelle est très limitée voire impossible.
2 Évolution normale de la fonction visuelle
Le système visuel est immature à la naissance et son développement anatomique et fonctionnel se poursuit jusqu’à l’âge de 10 ans.
Toute perturbation dans l’évolution de la fonction visuelle peut entraîner une amblyopie.
Les grandes étapes de maturation du système visuel sont :
*à la naissance : fixation d’un visage à faible distance, clignement à la lumière vive, acuité visuelle évaluée en moyenne à 1/20e;
*entre les âges de 2 et 4 mois : mouvements de poursuite oculaire (3 mois au plus tard), réflexe de clignement à la menace, convergence normale, début de vision des couleurs et de vision stéréoscopique, acuité visuelle à 1/10e;
*à partir de l’âge de 12 mois : 1 an : acuité visuelle à 4/10e, 2 ans : acuité visuelle à 6/10e, 4 ans : acuité visuelle à 10/10e.
L’acuité visuelle est la faculté de distinguer des détails fins, soit deux points distincts, et éloignés d’une certaine distance. Elle se mesure de 1 à 10/10e en vision de loin, et de P14 à P2 en vision de près. Une acuité visuelle de 10/10e P2 correspond à une vision normale.
Elle ne suffit pas à assurer une bonne qualité de vision. D’autres éléments entrent en jeu dans la performance visuelle : champ visuel, sensibilité au contraste, vision des couleurs, vision stéréoscopique.
Système visuel immature à la naissance (acuité visuelle à 1/20e).
Enjeux du dépistage : éviter le handicap visuel.
Dépister : qui ?
1 Généralités
Tous les enfants requièrent un dépistage répété des troubles visuels, sachant qu’un enfant sur cinq âgé de moins de 6 ans présente une anomalie visuelle.
Un bilan visuel systématique est proposé : à la naissance, au 2e, 4e, 9e et 24e mois de vie (période préverbale).
Au cours de la 3e–4e et de la 6e année de vie, un examen de santé avec dépistage visuel est effectué à l’école par la PMI ou la médecine scolaire.
Le médecin ou un orthoptiste doit identifier les facteurs de risque et les signes d’appel des troubles visuels.
Un examen de l’enfant et la pratique de tests simples de dépistage sont nécessaires pour détecter une anomalie susceptible d’être corrigée par une prise en charge spécifique et précoce.
2 Facteurs de risque
La mise en évidence d’un ou plusieurs de ces facteurs de risque doit rendre très attentif dès la naissance (tableau 4.1).
Tableau 4.1
Facteurs de risque de troubles visuels (SFP).
Antécédents personnels
–Prématurité, RCIU
–Troubles neurologiques, IMC
–Surdité
–Anomalies chromosomiques (trisomie 21)
–Craniosténoses, dysostoses craniofaciales
–Embryofœtopathies (toxoplasmoses)
–Exposition in utero à la cocaïne, l’alcool
Antécédents familiaux
–Strabisme
–Troubles sévères de la réfraction : myopies sévères et précoces, amblyopie, astigmatisme
–Maladie ophtalmologique héréditaire (cataracte congénitale, glaucome congénital, rétinopathie…)
Elle conduit systématiquement à réaliser un examen ophtalmologique avec réfraction après cycloplégie entre les âges de 3 et 12 mois, même en l’absence de signes d’appel.
Facteurs de risque à retenir : antécédents familiaux, prématurité, embryofœtopathies.
3 Signes d’appel
Ces signes d’appel sont à rechercher par l’anamnèse, ou rapportés par les parents (tableau 4.2).
Tableau 4.2
Signes d’appel de troubles visuels.
Âge Signes d’appel Suspecter
Avant 4 mois
–Anomalie objective au niveau des paupières, des globes oculaires, des conjonctives, des pupilles
–Strabisme
–Nystagmus
–Torticolis
–Anomalie du comportement évoquant un trouble visuel : manque d’intérêt aux stimuli visuels, absence du réflexe de fixation après 1 mois, absence de réflexe de clignement à la menace après 3 mois, de poursuite oculaire après 4 mois; retard d’acquisition de la préhension des objets
–Errance du regard, enfant qui appuie sur ses yeux
→ Tout strabisme constant est pathologique
→ Tout signe d’appel doit motiver la réalisation d’un examen ophtalmologique
→ Une anomalie de la cornée et/ou l’existence de leucocorie et/ou un nystagmus d’apparition récente imposent un examen ophtalmologique dans les jours qui suivent
De 6 mois à l’âge verbal
–Idem signes précédents
–Enfant qui se cogne, tombe souvent, plisse des yeux, ferme un œil au soleil
–Comportement anormal comme une indifférence à l’entourage
→ Un strabisme même intermittent, est toujours pathologique après 3 mois
→ Tout signe d’appel évoquant une amblyopie impose un bilan ophtalmologique
Entre 2 et 5 ans
–Idem signes précédents
–Retard d’acquisition du langage
–Lenteur d’exécution
–Fatigabilité, dyspraxies
→ Toute difficulté à la réalisation des tâches nécessitant une attention visuelle doit faire rechercher un trouble visuel
Chez l’enfant plus âgé
–Lecture trop rapprochée, gêne à la vision de loin
–Confusion de lettres, fatigue à la lecture, céphalées, clignements et plissements des paupières, rougeur, prurit et picotements oculaires
Ils imposent dès leur mise en évidence une consultation rapide avec un ophtalmologiste.
Signes d’alerte à retenir : absence de poursuite oculaire, retard psychomoteur, troubles des apprentissages.
Dépister : comment et quoi ?
1 Examens de dépistage
Principes et définitions
Le médecin traitant doit pouvoir réaliser un examen clinique et des tests de base.
De bonnes conditions d’examen sont indispensables : enfant calme n’ayant ni faim ni sommeil, lumière douce non éblouissante.
En cas d’anomalies ou d’incertitude, l’enfant doit être adressé au médecin spécialiste.
La leucocorie est un reflet blanc dans la pupille pouvant être observé par les parents (photo avec flash par exemple). Elle doit faire rechercher un rétinoblastome, une cataracte congénitale (fig. 4.1). La mégalocornée ou buphtalmie (augmentation de taille du globe oculaire, fig. 4.2) doit faire rechercher un glaucome congénital. Une prise en charge urgente est nécessaire.
Le nystagmus se traduit par des mouvements saccadés des yeux le plus souvent horizontaux. Il peut être congénital ou acquis.
Le signe de la toupie s’applique à un enfant dont l’œil amblyope ne permet pas de regarder un objet placé du même côté que l’œil atteint. L’enfant tourne alors la tête afin de continuer à regarder l’objet avec l’œil sain controlatéral.
Le test de Lang teste la vision stéréoscopique.
Bilans visuels
À tout âge :
*examen des paupières : ptosis, épicanthus, angiome;
*examen des globes oculaires : microphtalmie, buphtalmie (glaucome congénital);
*examen des conjonctives : rougeur, larmoiement (obstruction du canal lacrymal);
*examen des cornées : opacité cornéenne (anomalie de Peters), mégalocornée (glaucome congénital);
*examen des pupilles : leucocorie (rétinoblastome, cataracte), anisocorie (neuroblastome). Au cours des premières semaines de vie :
*réflexe photomoteur (réflexe présent dès la naissance si enfant non prématuré); recherche de l’absence de clignement à la lumière (réflexe présent dès les premières semaines de vie);
*lueur pupillaire (red reflex) : recherche d’un trouble des milieux transparents;
*reflets cornéens : recherche d’un strabisme;
*poursuite oculaire horizontale (cible noir et blanc) : acquisition au plus tard à 2 ou 3 mois de vie.
À l’âge de 4 mois :
*fixation monoculaire et binoculaire : recherche d’une absence de réflexe de fixation;
*poursuite oculaire : recherche de nystagmus, amblyopie.
Entre les âges de 9 et 15 mois :
*occlusion alternée : recherche d’une amblyopie;
*signe de la toupie : recherche d’une anomalie de la motilité oculaire, d’une amblyopie;
*tests stéréoscopiques (test de Lang) : recherche d’une amblyopie.
Entre les âges de 2 ans ½ et 4 ans : mesure de l’acuité visuelle (tests de Pigassou, du Cadet) : recherche d’une anomalie de la réfraction.
À partir de l’âge de 5 ans :
*mesure de l’acuité visuelle (tests de chiffres et de lettres : tests du Cadet, fig. 4.3; échelle de Monoyer);xamen de la vision des couleurs (test d’Ishihara) : recherche d’une dyschromatopsie.
Urgence : leucocorie, cornée trouble, mégalocornée, strabisme constant, nystagmus.
Points clés à propos de certaines causes
Strabisme
Le strabisme est une anomalie de la vision binoculaire caractérisée par la déviation des axes visuels (fig. 4.4).
Un strabisme intermittent et alternant peut traduire, jusqu’à l’âge de 3 mois, un simple retard de l’acquisition de l’oculomotricité avec spasmes accommodatifs.
Un strabisme permanent ou divergent quel que soit l’âge de l’enfant, ou un strabisme décelé après l’âge de 3 mois, doit être considéré comme pathologique. Il s’agit alors le plus souvent d’un strabisme accommodatif, lié à une hypermétropie latente. Il peut être lié plus rarement à une cause organique (rétinoblastome, cataracte congénitale).
Le diagnostic positif de strabisme peut être fait par :
*étude des reflets cornéens : reflet dévié pour l’œil strabique;
*test à l’écran unilatéral alterné : mouvement de refixation de l’œil strabique.
Un examen ophtalmologique spécialisé permet de rechercher une cause :
*étude de la réfraction sous cycloplégie : hypermétropie latente, myopie;
*examen du segment antérieur (lampe à fente) : cataracte;
*examen du segment postérieur (fond d’œil) : rétinoblastome.
La complication à craindre est l’amblyopie fonctionnelle de l’œil strabique.
Strabisme permanent ou divergent, strabisme intermittent mais persistant après l’âge de 3 mois = pathologique. Éliminer une cause organique : rétinoblastome ou cataracte.
Rechercher une amblyopie fonctionnelle de l’œil strabique.
Amblyopie
L’amblyopie traduit une mauvaise acuité visuelle par non-usage d’un œil, susceptible d’entraîner un trouble irréversible de la maturation du cortex visuel.
Sa cause est le plus souvent fonctionnelle (secondaire à un trouble de la réfraction ou à un strabisme), parfois organique.
Le diagnostic positif d’amblyopie peut être fait par :
*test à l’écran alterné :
–réaction de défense à l’occlusion de l’œil sain : amblyopie;
–maintien impossible de la fixation par l’œil strabique : amblyopie;
*manœuvres droite/gauche avec lunettes à écran nasal :
–si changement d’œil fixateur : pas d’amblyopie;
–si pas de changement : amblyopie du côté de l’œil ne pouvant suivre l’objet.
Un examen ophtalmologique spécialisé permet de rechercher une cause :
*anomalie de la réfraction, strabisme;
*affection organique sous-jacente (rétinoblastome, cataracte).
Une rééducation précoce (avant l’âge de 6 ans) permet souvent une récupération visuelle optimale des amblyopies fonctionnelles.
Amétropie
L’amétropie est une anomalie de la réfraction de l’œil :
*myopie;
*hypermétropie (souvent physiologique chez le jeune enfant);
*astigmatisme.
Ces troubles sont fréquents (avec une augmentation majeure de la fréquence de la myopie de l’enfant) et entraînent une baisse d’acuité visuelle dont les signes d’appel à rechercher sont : rougeur, picotements oculaires, clignements, lecture trop rapprochée, céphalées.
Sauf si l’acuité visuelle mesurée est à 10/10e de chaque œil, les tests d’acuité visuelle ne sont interprétables de façon fiable qu’après l’âge de 4 ans. Une acuité visuelle < 7/10e entre les âges de 3 et 4 ans ou une différence d’acuité visuelle ≥ 2/10e entre les deux yeux sont à considérer comme anormales.
Dépistage des troubles auditifs
A Pour bien comprendre
1 Généralités
Le dépistage des troubles auditifs de l’enfant est un enjeu de santé publique.
Environ 5 % des enfants âgés de moins de 6 ans ont une anomalie auditive.
Le dépistage des surdités permet une prise en charge adaptée susceptible de réduire les troubles du langage, les pathologies psychoaffectives, et de ne pas entraver l’insertion sociale future. Ce dépistage est proposé à tous les nouveau-nés en maternité et se poursuit les premières années de vie de l’enfant.
2 Classification des surdités de l’enfant
L’oreille interne est mature avant la naissance.
Le son est caractérisé par sa fréquence (son grave/aigu), exprimée en hertz (Hz) et par son intensité mesurée en décibels (dB). Pour repère : chuchotement = 35 dB, conversation tranquille = 60 dB, aspirateur = 70 dB, moto = 90 dB, discothèque = 110 dB.
Les principaux types de surdité chez l’enfant sont :
*les surdités de perception :
–dues à une atteinte de l’oreille interne, du nerf auditif ou des centres auditifs;
–surtout congénitales d’origine génétique;
–parfois acquises (pathologies périnatales, infection, traumatisme, ototoxique);
*les surdités de transmission :
–dues à une atteinte de l’oreille externe ou moyenne;
–surtout acquises (otite séreuse, otite chronique, traumatique);
–exceptionnellement congénitales (malformation de l’oreille externe ou moyenne);
*les surdités mixtes avec à la fois une surdité de perception et une surdité de transmission sur la même oreille : association de pathologies, surdités syndromiques.
La perte audiométrique moyenne (PAM) sur les fréquences 500, 1 000, 2 000 et 4 000 Hz (utiles pour la compréhension de la parole dites fréquences conversationnelles) permet de classer les surdités à plusieurs niveaux : légère = PAM entre 21 et 40 dB; moyenne = PAM entre 41 et 70 dB; sévère = PAM entre 71 et 90 dB; profonde = PAM ≥ 90 dB; totale (cophose) = PAM ≥ 120 dB.
Les répercussions de la perte auditive sur le développement de la parole et du langage dépendent principalement de la PAM et de l’âge d’apparition de la surdité, car l’audition est indispensable à la mise en place de la boucle audiophonatoire et la construction de l’inter-subjectivité chez le nourrisson.
Enjeux du dépistage auditif : pronostic auditif, développement de la parole et du langage, développement psychoaffectif, insertion sociale.
B Dépister : qui ?
1 Généralités
Le dépistage des troubles auditifs se fait à différents moments du développement.
Un dépistage auditif est proposé à tous les nouveau-nés en maternité.
Ensuite, à l’occasion des examens pour les certificats des 9e et 24e mois ainsi qu’au 36e mois, un dépistage des réactions auditives du nourrisson et de l’enfant est prévu; les signes auditifs attendus et les repères sont inscrits dans le carnet de santé. Un dépistage scolaire est souvent proposé avant l’entrée au CP.
Le médecin doit savoir repérer les facteurs de risque de surdité et les signes d’appel des troubles auditifs. Un examen de l’enfant et la pratique de tests simples de dépistage sont nécessaires pour détecter une anomalie susceptible de requérir une prise en charge spécifique et précoce.
Facteurs de risque
La mise en évidence de facteurs de risque doit conduire à une vigilance prolongée ou à demander un avis spécialisé, même après un dépistage rassurant (tableau 4.3). Plus de la moitié des enfants qui ont une surdité de perception bilatérale congénitale n’ont aucun facteur de risque, d’où l’intérêt d’un dépistage systématique en maternité.
Tableau 4.3
Facteurs de risque de troubles auditifs.
Antécédents familiaux
–Antécédents familiaux de surdité, prothèse auditive avant l’âge de 50 ans
Antécédents personnels de la période périnatale
–Grande prématurité, âge gestationnel < 32 SA
–Poids de naissance < 1 800 g
–Asphyxie périnatale, ventilation assistée > 5 jours
–Hyperbilirubinémie > 350 µmol/l
–Infirmité motrice cérébrale, troubles neurologiques
–Malformations de la face et du cou
–Fœtopathies (CMV, rubéole, herpès, toxoplasmose)
–Traitement ototoxique (aminosides…)
Antécédents personnels après la période néonatale (surdité acquise)
–Traumatisme crânien
–Otites chroniques
–Méningites bactériennes : pneumocoque, Haemophilus, méningocoque
Facteurs de risque de surdité congénitale : antécédents familiaux, grande prématurité, CMV, toxoplasmose et rubéole, malformations cervico-faciales, atteinte neurologique.
Facteurs de risque de surdité acquise : méningite bactérienne, traumatismes craniofaciaux.
Signes d’appel
Ces signes d’appel sont à rechercher à l’anamnèse, rapportés par les parents ou l’entourage de l’enfant (tableau 4.4).
Tableau 4.4
Signes d’appel de troubles auditifs.
Âge Signes d’appel
Dans les premiers mois
–Absence de réaction aux bruits et, par contraste, réactions vives aux vibrations et au toucher
–Sommeil très/trop calme
–Enfant très observateur
De 6 à 12 mois
–Absence de réaction à l’appel
–Disparition du babillage
–Absence de redoublement de syllabes
De 12 à 24 mois
–Non-réaction à l’appel du prénom
–Compréhension nulle ou faible hors contexte, sans lecture labiale
–Pas d’émissions vocales ou jargon
–Pas d’association de deux mots
De 24 à 36 mois
–Compréhension nulle ou faible hors contexte, sans lecture labiale
–Peu ou pas de production de phrases
–Trouble massif d’articulation
–Troubles du comportement/trouble relationnel : retrait ou agitation
Après 3 ans
–Tout retard de parole et de langage
–Troubles du comportement
–Difficultés d’apprentissage, trouble de la concentration
Surdité d’apparition secondaire et acquise
–Régression de l’expression vocale
–Détérioration de la parole articulée
–Modification du comportement, agressivité
L’appareil de l’équilibre est associé à l’appareil auditif. Ces enfants peuvent présenter aussi des retards psychomoteurs en rapport avec une dysfonction vestibulaire. Dans le cas des fœtopathies à CMV, le retard psychomoteur peut être au premier plan, voire isolé; de même que dans certaines causes génétiques ou syndromiques, la surdité s’associe à des aréflexies vesti-bulaires bilatérales qui entraînent un retard psychomoteur massif.
Ces signes imposent dès leur mise en évidence une consultation rapide avec un spécialiste ORL.
Signes d’alerte : pas de réaction aux bruits, retard psychomoteur, retard de langage, troubles importants de l’articulation, pathologie des interactions, difficultés d’apprentissage.
Dépister : comment et quoi ?
1 Examens de dépistage
Principes et définitions
En maternité, les outils de dépistage sont les otoémissions acoustiques provoquées (OEAP) et/ou les potentiels évoqués auditifs automatisés (PEAA).
En cas d’examen anormal à deux reprises en maternité, l’enfant doit être adressé à un spécialiste ORL pour un contrôle. Si les tests sont de nouveaux anormaux, l’enfant sera adressé vers un centre d’audiologie pédiatrique pour l’étape diagnostique.
L’audiogramme et les potentiels évoqués auditifs (PEA) réalisés en audiologie pédiatrique sont alors des examens diagnostiques et non de dépistage.
Il faut noter que les OEAP ne repèrent pas toutes les surdités : elles peuvent être présentes (= réponse normale au test de dépistage) et l’enfant réellement sourd (neuropathie auditive), donc passé au travers du dépistage…
Dans la période 1 mois–6 ans, le médecin traitant doit pouvoir réaliser un examen clinique et des tests de base. De bonnes conditions d’examen sont indispensables : enfant calme et disponible, local silencieux.
Les tests de dépistage peuvent être réalisés en audiométrie vocale (utilisation de la voix; par exemple, appel à différentes intensités, désignation d’images) ou en audiométrie tonale (utilisation d’instruments sonores). Le babymètre délivre un bruit blanc filtré d’intensité variable.
Des réactions comportementales franches chez le nourrisson (mimique de surprise, arrêt de la motricité spontanée) à 70 dB permettent d’éliminer le diagnostic de surdité sévère à profonde bilatérale. L’absence de réponse n’est pas pour autant toujours synonyme de surdité.
Les boîtes à retournement (boîtes de Moatti®) sont des sources sonores calibrées testant des fréquences aiguës, médium et graves, à une intensité de l’ordre de 60 dB à 1 mètre de distance, et permettent aussi de repérer les troubles auditifs les plus sévères entre 6 et 24 mois.
Pour les enfants plus âgés, il existe des appareils de test auditif rapide utilisables dès 3–4 ans (Auricheck®) qui permettent de repérer un déficit en oreille séparée.
En cas d’anomalie de l’examen et/ou de trouble auditif observé par les parents, l’enfant doit être adressé à un spécialiste ORL.
Bilans auditifs
À tout âge :
*examen du conduit, du pavillon et de l’anatomie cervico-faciale;
*otoscopie.
Chez le nouveau-né :
*tests objectifs en maternité : OEAP et/ou PEAA (orienter en milieu spécialisé si anomalies);
*tests subjectifs : réflexe cochléopalpébral, babymètre (faux positifs et négatifs).
Entre les âges de 6 mois et 2 ans :
*réflexe d’orientation-investigation : boîtes à retournement, réaction au prénom;
*OEAP.
Entre les âges de 2 et 4 ans :
*réflexe d’orientation-investigation : réaction au prénom, mots familiers;
*test à la voix : imagier (animaux ou objets familiers à désigner).
À partir de l’âge de 4 ans :
*audiométrie vocale de dépistage : tests de désignation (mots/images);
*audiométrie tonale de dépistage : quantification de seuils auditifs à l’aide d’un casque.
L’étape diagnostique d’une surdité de l’enfant comprend, outre un interrogatoire ciblé, une otoscopie et un examen général de l’enfant, une audiométrie tonale (et vocale quand le niveau de langage de l’enfant le permet), qui doit toujours être confirmée par des épreuves objectives reposant essentiellement sur les PEA avec recherche de seuils auditifs et des ASSR (Auditory Steady State Response).
Points clés à propos de causes de surdités
Surdités permanentes
Surdités de perception
Les causes de ces surdités sont le plus souvent génétiques (80 % des cas), de transmission autosomique récessive (donc pas d’antécédent dans la famille), plus rarement de transmission autosomique dominante.
Elles peuvent être isolées (le plus souvent) ou s’intégrer dans un syndrome malformatif.
Plus rarement, le contexte périnatal est évocateur : prématurité, hyperbilirubinémie, asphyxie périnatale, embryofœtopathie.
Les méningites bactériennes (à pneumocoque et méningocoque principalement) peuvent entraîner des surdités dans les heures, jours ou mois qui suivent l’infection, avec atteinte associée de l’appareil vestibulaire (voir chapitre 37).
La fœtopathie à CMV entraîne des surdités uni- ou bilatérales qui peuvent évoluer rapidement mais également sur le long terme.
Surdités de transmission congénitales
Otite séromuqueuse (OSM)
C’est la cause la plus fréquente des surdités de transmission entre 1 et 6 ans.
La baisse d’audition est très variable, de 5 à 50 dB.
Attention : en raison de sa fréquence, elle peut masquer un trouble auditif permanent sous-jacent.
L’otoscopie identifie un épanchement rétrotympanique sans infection, donnant au tympan un aspect ambré, mat et parfois rétracté, ou associé à un niveau liquidien ou des bulles rétro-tympaniques Le tympanogramme, réalisé en raison de la baisse d’audition, est plat (perte de l’allure normale en « toit de pagode ») mais ne prédit pas le seuil auditif.
Une évaluation d’un terrain à risque et la prise en charge des facteurs associés sont nécessaires. En cas de persistance de l’otite séreuse à 3 mois associée à un baisse d’audition > 25–30 dB, les aérateurs transtympaniques sont indiqués.
Surdité d’apparition brutale chez l’enfant de plus de 6 ans
La première cause est le bouchon de cérumen.
La deuxième cause est la surdité « psychogène ». Il s’agit d’une entité psychopathologique chez l’enfant, dans un contexte de somatisation. La plainte auditive rapportée – audiométries subjectives perturbées – n’est pas confirmée par les tests d’audiométrie objective.
Une fois ces causes éliminées, il faut évoquer une surdité de perception brusque et adresser le patient à un spécialiste ORL pour bilan et traitement.
L’apparition ou l’aggravation brutale de l’audition à tympan normal doit faire rechercher une malformation de l’oreille interne ou une autre pathologie de l’oreille interne.
Neuropathies auditives
Il s’agit d’une surdité de perception consécutive à des troubles auditifs atteignant la synapse intracochléaire, le nerf auditif ou le système central.
Ces surdités ont une présentation clinique atypique : discordance entre la tonale (perception de bruit possible) et la vocale (intelligibilité de la parole médiocre), discordance entre les différents examens objectifs (OEAP présentes et PEA perturbés). Dans certains cas, la surdité s’aggrave lorsque l’enfant est fébrile en raison du caractère thermosensible de certains médiateurs cochléaires. Ces enfants sont particulièrement gênés dans le bruit et ont besoin de supports visuels en complément de leur audition.
La prématurité, l’hyperbilirubinémie, le retard psychomoteur sont des facteurs de risque de ces surdités. Le dépistage en néonatologie doit se faire impérativement avec les PEAA.
L’otite séreuse est la première cause de surdité de transmission chez l’enfant d’âge < 6 ans, avec un retentissement possible sur les acquisitions linguistiques en cas d’évolution prolongée.
Les surdités neurosensorielles permanentes sont d’origine génétique dans 80 % des cas.
L’infection maternofœtale à CMV est la première cause de surdité congénitale non génétique.
Dépistage des anomalies orthopédiques
A Pour bien comprendre
La majorité des anomalies orthopédiques de l’enfant ne sont responsables d’aucune symptomatologie fonctionnelle. Il convient d’être systématique dans le dépistage et vigilant à tous âges car certaines pathologies sont spécifiques d’une tranche d’âge.
La luxation congénitale de hanche (LCH) et les déformations du rachis (scoliose, cyphose) constituent un enjeu de santé publique. Leur diagnostic repose sur une stratégie de dépistage clinique systématique.
En l’absence de diagnostic et de traitement précoces, il existe un risque de séquelles lourdes engageant le pronostic fonctionnel. La prise en charge thérapeutique, si elle est trop tardive, peut aggraver considérablement le pronostic.
Les troubles d’axe des membres inférieurs sont un motif très fréquent d’inquiétude parentale, et donc de consultation.
Luxation congénitale de hanche, scoliose : une prise en charge trop tardive peut alourdir le pronostic.
B Luxation congénitale de hanche
1 Généralités
La luxation congénitale de hanche concerne 3 à 4 enfants pour 1 000 naissances, avec un sex-ratio de 4 filles pour 1 garçon.
Il s’agit d’une anomalie anténatale de la hanche constituée de manière successive. La hanche est progressivement expulsée par pression continue sur le grand trochanter en rapport avec un conflit contenant/contenu (relatif gros bébé dans un utérus au volume réduit) qui se manifeste à la naissance par une instabilité de l’articulation, la stabilité de la hanche néonatale dépendant de la capsule qui a été distendue au cours du 3e trimestre.
Si de rares hanches instables se stabilisent en bonne place spontanément, la plupart, en l’absence de traitement adapté, restent luxées et s’aggravent progressivement au cours des premières semaines de vie.
2 Dépister : qui ?
Tout nouveau-né doit faire l’objet d’un dépistage clinique à la naissance. Ce dépistage doit être répété à chaque consultation médicale jusqu’à l’âge de la marche.
L’existence de facteurs de risque renforce cette obligation de dépistage. L’absence de facteur de risque ou la normalité des examens antérieurs ne dédouane en aucun cas de cette obligation de recherche à l’examen.
Facteurs de risque actuellement reconnus :
*les antécédents familiaux de LCH (au premier degré, diagnostic confirmé);
*la présentation en siège (y compris version tardive) et ce quel que soit le mode d’accouchement (c’est la position du bassin du bébé dans le pelvis de la mère qui explique le conflit).
Facteurs de risque secondaires (qui doivent augmenter la vigilance en l’absence d’augmentation réelle de l’incidence) :
*le bassin asymétrique congénital;
*les anomalies posturales associées témoignant d’une contrainte anténatale importante (genu recurvatum, déformations posturales des pieds, torticolis).
Le dépistage de la luxation congénitale de hanche est clinique.
Il doit être répété lors de chaque examen, de la naissance à l’âge de la marche.
Dépister : comment ?
Principes
Le dépistage recherche deux signes cliniques importants : une limitation du volant d’abduction, une instabilité de la hanche (ou ressaut). On peut aussi noter une asymétrie des plis et une asymétrie de longueur des membres inférieurs (hanches et genoux à 90°).
L’enfant doit être examiné totalement déshabillé, sur un plan plat et dur. Il doit être aussi relâché que possible, calmé le cas échéant par une tétine ou un biberon. Si les conditions de relâchement optimal ne sont pas réunies, l’examen doit être répété ultérieurement (quelques heures à quelques jours).
Limitation d’abduction
Normalement, sur un nourrisson couché sur le dos, hanches fléchies à 90°, l’abduction égale ou dépasse 60° pour chaque hanche.
Une limitation de l’abduction (ou du volant d’abduction) en deçà de 60° constitue un signe indirect très important imposant le recours à l’imagerie. Dans tous les cas, au moindre doute, l’orthopédiste pédiatre doit être consulté (fig. 4.5).
Instabilité de la hanche
L’instabilité de la hanche doit être recherchée par la manœuvre de Barlow (fig. 4.6). C’est la technique la plus sensible; elle permet de dépister tous les types d’instabilité de hanche en examinant une hanche à la fois.Dans un premier temps, la hanche est placée en adduction, en exerçant une pression axiale sur le genou (fig. 4.6A). La perception du ressaut traduit le franchissement par la tête fémorale du rebord cotyloïdien. En fonction de l’importance de cet obstacle que franchit la tête fémorale, le ressaut sera plus ou moins bien perçu; absent, il fait place à une sensation de « piston ».
La deuxième partie de la manœuvre consiste à placer la hanche en abduction, rotation interne, en exerçant une traction axiale et une pression sur le grand trochanter (fig. 4.6B). La perception d’un ressaut traduit le franchissement en sens inverse du rebord cotyloïdien par la tête fémorale, et donc le retour de la tête fémorale dans le cotyle.
Trois cas de figure sont possibles :
*hanche luxable : la hanche est en place spontanément; la première partie de la manœuvre permet de percevoir un ressaut de luxation, la seconde partie un ressaut de réduction (ou réentrée);
*hanche luxée réductible : la hanche est luxée de sorte que la première partie de la manœuvre ne permet de percevoir aucun ressaut; la seconde partie de la manœuvre permet de percevoir un ressaut de réduction; la hanche est réductible;
*hanche luxée irréductible : la hanche est luxée; on ne perçoit aucun ressaut, ni de luxation ni de réduction La limitation de l’abduction est constante en cas de luxation congénitale de hanche.
Le ressaut est le signe pathognomonique de l’instabilité de la hanche. Indications de l’imagerie
L’examen clinique reste la seule méthode de « dépistage » d’une LCH.
L’échographie est l’examen de choix pour l’exploration d’une hanche avant l’apparition des noyaux épiphysaires. La radiographie n’a aucune place dans cette période et son indication n’est retenue qu’après l’apparition des noyaux épiphysaires.
La réalisation d’une échographie est indiquée si l’examen clinique retrouve une anomalie ou s’il existe un facteur de risque vrai (siège et/ou antécédent familial de LCH confirmé au premier degré). Après l’âge de 4 mois, c’est la radiographie qui pourra être réalisée.
Toute anomalie identifiée à l’imagerie requiert une prise en charge spécialisée.
5 Dépister : pourquoi ?
L’instabilité de la hanche peut être dépistée dès la naissance. Une prise en charge adaptée, de façon ambulatoire, dans les 3 premiers mois de vie permet d’obtenir dans la très grande majorité des cas une guérison complète et sans séquelles.
Le diagnostic de la luxation congénitale de hanche après l’âge de 3 mois et a fortiori devant une boiterie après l’âge de la marche (voir chapitre 70) est un échec du dépistage clinique. Plus l’enfant est âgé et plus la prise en charge devient longue et complexe avec des risques croissants de séquelles anatomiques au niveau de l’articulation.
Anomalies des axes des membres inférieurs
1 Préambule
L’ontogenèse est définie par l’évolution de l’anatomie de la conception au décès. Sa connaissance permet de comprendre qu’une situation anatomique normale à un âge peut être pathologique à un autre. De nombreux parents et médecins s’inquiètent à tort des axes des membres inférieurs de l’enfant au seul motif qu’ils sont différents de ceux d’un adulte.
Ces axes sont décrits dans le plan transversal (leur perturbation est responsable de troubles rotationnels) et dans le plan frontal (varus ou valgus).
2 Axes transversaux normaux et troubles rotationnels
Généralités
Au niveau du fémur il existe une antétorsion fémorale de 35° à 40° à la naissance. Elle diminue en moyenne de 1° à 2° par an jusqu’à la fin de la croissance. À maturité osseuse, l’antétorsion fémorale est comprise entre 10 et 15°.
Au niveau du tibia, la torsion est interne à la naissance, puis apparaît une torsion tibiale externe qui augmente progressivement jusqu’à 30° en fin de croissance.
Diagnostic d’un trouble de torsion
Pendant la marche, on regarde la position respective des genoux et des pieds. Normalement, lors de l’appui, le pied est dirigé en dehors (de 10° à 20° chez l’adulte) et la patella est vue de face. Leur positionnement en dedans de l’axe de marche est évocateur et peut être physiologique chez l’enfant.
La mesure clinique des rotations des membres inférieurs est faite sur un enfant placé en décubitus dorsal en bout de table, hanches étendues, jambes pendantes et genoux fléchis à 90°. On peut tester ainsi toutes les amplitudes articulaires et particulièrement les rotations au niveau de la hanche et au niveau du genou. En décubitus ventral, la manœuvre de Netter permet une estimation raisonnable de l’antéversion du col fémoral.
La combinaison des différents troubles de torsion (antéversion fémorale augmentée persistante et détorsion tibiale externe incomplète) donnera une marche en rotation interne le plus souvent chez le jeune enfant (fig. 4.7) avec parfois des chutes à répétition. Chez le plus âgé, la détorsion tibiale peut compenser l’antéversion fémorale excessive et cliniquement donner un angle de pas normal, tandis que la patella reste en dedans.
Ces excès ou insuffisances de torsion ont des conséquences dynamiques sur le cycle de la marche ou sur la course. Leur impact sur la démarche diminue avec l’âge, du fait de leur correction naturelle.
Quand demander une consultation spécialisée ?
Une marche en rotation interne n’est pas pathologique en soi. Ce n’est qu’en cas d’abscence de rotation externe de hanche que le pronostic articulaire peut être remis en cause.
Aucun traitement orthopédique (rééducation, attelles, semelles orthopédiques) ne peut prétendre corriger ces défauts. La correction, qui ne peut être que chirurgicale, est réservée aux formes majeures (sans rotation externe de hanche).
Axes frontaux normaux et pathologiques
Généralités
Chez l’enfant arrivé à maturité, le centre de la tête fémorale, le centre du genou et le centre de la cheville se trouvent alignés (fig. 4.8C). Les condyles fémoraux et les chevilles sont au contact.On parle de genu varum si la distance intercondylienne (DIC) est supérieure à 0 cm.
On parle de genu valgum si la distance intermalléolaire (DIM) est supérieure à 0 cm.
Le morphotype frontal physiologique évolue pendant la croissance en trois phases :
*de la naissance à l’âge de 3 ans : genu varum et torsion tibiale interne; cela se corrige progressivement pour s’annuler entre 18 mois et 3 ans (fig. 4.8A);
*de l’âge de 3 ans à 10 ans : genu valgum; il est maximal à l’âge de 3 ans chez la fille et 4 ans chez le garçon; puis le valgus diminue progressivement jusqu’à la puberté (fig. 4.8B);
*à partir de la puberté chez les filles, le morphotype frontal est en léger genu valgum; chez les garçons, il est aligné ou en très léger genu varum (< 2–3°).
Quand demander des examens radiologiques et orienter vers une consultation spécialisée ?
Ces examens sont nécessaires lorsque les déformations sont observées en dehors des âges de leur normalité ou si elles sont très accentuées.
Ils s’imposent quel que soit l’âge si la déformation est asymétrique et/ou douloureuse.
Un genu varum amenait à identifier un rachitisme, chez les enfants n’ayant pas reçu une prophylaxie adaptée. Le plus souvent en France, il révèle un rachitisme vitamino-résistant ou une chondrodysplasie. La maladie de Blount conduit aussi à un genu varum uni- ou bilatéral.
Associés à une petite taille, le genu varum ou le genu valgum font rechercher une maladie osseuse constitutionnelle (achondroplasie, dysplasie polyépiphysaire…).
Morphotype frontal physiologique : genu varum jusqu’à 3 ans, genu valgum entre 3 et 10 ans.
Déformations du rachis de l’enfant et de l’adolescent
1 Préambule
Le diagnostic de ces déformations repose sur un dépistage clinique systématique.
La scoliose est une déformation du rachis dans les trois plans de l’espace (frontal, sagittal et horizontal) réalisant un segment de spire. Son diagnostic repose sur la mise en évidence de la gibbosité, pathognomonique de la scoliose structurale (vraie). C’est une déformation d’étiologie inconnue (idiopathique), plus fréquente chez la fille (4/1), qui la plupart du temps s’initie en tout début de puberté. Les causes secondaires plus rares sont : neurologiques ou neuromusculaires et congénitales par malformation vertébrale.
La cyphose est une déformation dans le plan sagittal. Elle est le plus souvent « asthé-nique » et réductible, c’est-à-dire positionnelle chez l’adolescent. Elle est parfois associée à une dystrophie rachidienne de croissance qui se révèle au moment de la période de l’adolescence par une déformation caractéristique et parfois des plaintes douloureuses. Plus rarement, il peut s’agir d’une déformation congénitale.
2 Dépister : qui ?
Dans plus de 80 % des cas la scoliose est idiopathique et indolore. Le dépistage doit être réalisé de façon systématique à l’approche de l’adolescence.
La scoliose idiopathique concerne la fille dans 80 % des cas.
Certaines pathologies constituent des facteurs de risque accrus. Le diagnostic est le plus souvent évident (scoliose neuromusculaire, scoliose malformative dite congénitale, scoliose dys-trophique de la neurofibromatose ou de la maladie de Marfan).
3 Dépister : pourquoi ?
La scoliose risque de s’aggraver avec la croissance et ce d’autant plus que la croissance staturale est rapide. Le risque est donc maximum en période pubertaire.
Une scoliose d’amplitude élevée (> 30°) peut se compliquer de douleurs précoces et chroniques à l’âge adulte, de troubles respiratoires (syndrome restrictif : diminution de la capacité vitale) et de troubles psychologiques liés à la « mal tolérance » d’un aspect dysmorphique.
L’objectif du dépistage est alors de permettre la mise en œuvre d’un traitement précoce afin de stabiliser la courbure et de conduire l’adolescent à la maturité pubertaire avec une déformation rachidienne de la plus faible amplitude possible.
Avant de conclure au caractère anorganique des douleurs rachidiennes de l’enfant, il faut rechercher une raideur rachidienne qui pourra révéler une infection (spondylodiscite) ou une tumeur (osseuse ou intracanalaire). L’examen neurologique devra être systématique à la recherche d’une scoliose secondaire.
Dépister la scoliose : comment ?
Principes
La scoliose est une déformation de la colonne vertébrale visible dans un plan frontal (fig. 4.9) : asymétrie des épaules, asymétrie des plis de hanches. On vérifiera que le bassin est bien horizontal pour éviter le piège d’une attitude scoliotique bénigne.L’enfant est examiné en position debout de face, de profil, de dos et en antéflexion.
Dans la très grande majorité des cas, la déformation se manifeste de profil par un applatissement ou un creusement du dos.
Dans le plan horizontal, il y a toujours une rotation des vertèbres autour de leur axe vertical (fig. 4.10A). C’est cette rotation qui se traduit cliniquement par la gibbosité (fig. 4.10B). Cette déformation est liée à la rotation vertébrale qui entraîne les côtes (au niveau dorsal) ou les masses musculaires (au niveau lombaire) du côté convexe vers l’arrière, créant une saillie bien visible en antéflexion de tronc.
Gibbosité
Pour mettre en évidence la gibbosité, l’examinateur, assis, place l’enfant devant lui debout de dos. Il vérifie le bon équilibre du bassin (épines iliaques antérosupérieures de face ou fossettes iliaques de dos). Les mains de l’enfant sont jointes pour équilibrer les épaules. L’enfant se penche en avant, mains jointes pour toucher ses pieds (fig. 4.10B).
Le reste de l’examen précise le déséquilibre de hauteur des épaules, la saillie asymétrique des scapulas, le déséquilibre du tronc, dans le plan frontal par rapport au pli fessier, l’asymétrie des plis de la taille, la déviation de la ligne des épineuses. Il est indispensable enfin de préciser le stade de développement pubertaire (Tanner) et la maturité osseuse (test de Risser).
Avant d’affirmer le diagnostic de scoliose idiopathique, il convient de rechercher les stigmates cliniques d’une étiologie possible : hyperlaxité tissulaire et signes cliniques associés d’une maladie de Marfan, anomalie du revêtement cutané avec des taches café au lait évocatrices d’une neurofibromatose, angiome ou touffe pilleuse de dos sur la ligne médiane évocateurs d’une malformation médullaire ou vertébrale, anomalies de l’examen neurologique (asymétrie du tonus musculaire, asymétrie des réflexes, abolition des réflexes cutanés abdominaux…) qui nécessiteront le plus souvent des explorations complémentaires.
Le dépistage de la scoliose repose sur la mise en évidence d’une gibbosité. L’examen neurologique doit être systématique.
Ce qui n’est pas une scoliose : une attitude scoliotique (bassin équilibré; pas de rotation vertébrale; disparition de la déviation sur un cliché en décubitus).
Premier bilan d’imagerie
Il comporte une radiographie du rachis en entier de dos/face et de profil en position debout (fig. 4.9). Cette radiographie permettra de calculer l’angle de Cobb dont l’évaluation facilite la surveillance de la scoliose et son évolutivité. Le cliché de profil met en évidence les courbures sagittales. Il n’est pas nécessairement répété au cours de la surveillance. La technique de radiographie numérisée EOS permet d’avoir une imagerie moins irradiante, idéale dans le cadre du suivi.
5 Attitude pratique en cas de scoliose
Si la déformation est de faible amplitude (angle de Cobb < 15°) et si l’enfant est encore en période de croissance, une réévaluation clinique et radiologique est indispensable dans un premier temps avec un rythme semestriel, espacé progressivement. Cette surveillance permet de dépister l’évolutivité de la scoliose.
En cas d’évolutivité, le recours au spécialiste orthopédiste pédiatre est indispensable.
6 Dépister la cyphose : comment ?
La cyphose est une déformation du rachis dans le plan sagittal. Le plus souvent, il s’agit d’une augmentation de la cyphose physiologique du secteur thoracique (fig. 4.11A), mais il peut aussi s’agir d’une diminution voire d’une inversion de la lordose du secteur cervical ou du secteur lombaire.Les conséquences de cette seule déformation sont essentiellement disgracieuses, mais aussi douloureuses à l’adolescence ou à l’âge adulte.
La dystrophie rachidienne de croissance (maladie de Scheuermann) est la première cause de cyphose de l’adolescent (fig. 4.11B).
Les autres causes (malformation congénitale ou maladie osseuse constitutionnelle) s’inscrivent dans un contexte d’évaluation spécialisée.
Axes de suivi, carnet de santé
A Préambule
Entre la fécondation qui détermine la cellule initiale, et l’adolescence où se mettent en place les fonctions de reproduction, l’enfant.
*nouveau-né : < 1 mois;
*nourrisson : 1 mois–2 ans;
*jeune et grand enfant : 2 ans–début de la puberté;
*adolescent : après le début de la puberté.
… est un être en voie de développement..
*développement psychomoteur (item 55);
*développement staturo-pondéral (item 53);
*développement pubertaire (item 49);
… dont les besoins doivent être couverts en premier lieu par l’environnement parental.
*besoins nutritionnels (items 48 et 248);
*besoins affectifs (item 55);
*besoins éducatifs (item 55);
… et dont la vulnérabilité doit être protégée.
*des conséquences de handicaps non dépistés (items 47 et 56);
*de pathologies infectieuses, notamment par les vaccinations (item 146);
*de perturbations de sa qualité de vie au sein de l’environnement familial (item 57).
De tels objectifs justifient :
*un suivi rigoureux (item 47) particulièrement étroit de la naissance jusqu’à 2 ans;
*et des contrôles par des examens de santé (item 47) systématiques, certains obligatoires.
B Axes de surveillance évolutive
Le suivi médical pédiatrique s’inscrit autour de cinq axes de surveillance évolutive :
*le développement psychomoteur, relationnel et intellectuel;
*le développement staturo-pondéral par l’analyse des courbes de croissance;
*le dépistage spécifique d’anomalies susceptibles de conduire à un handicap;
*le contrôle de la couverture des besoins nutritionnels et le dépistage de l’obésité;
*la prévention de maladies infectieuses par les vaccinations et l’appréciation des conditions de vie.
L’ensemble de ces objectifs sera réévalué à chaque examen à l’aide des données anamnestiques et cliniques. Le contrôle de leur adéquation sera illustré par des exemples d’évaluations successives, guidées par le carnet de santé, lors de certains examens recommandés.
Carnet de santé de l’enfant
Le carnet de santé est un outil de liaison indispensable à la connaissance médicale partagée de l’enfant.
Strictement confidentiel, sa communication relève de la seule autorisation et du seul choix des parents. Toute personne appelée par sa profession à prendre connaissance des renseignements qui y sont inscrits est astreinte au secret professionnel.
La version actuelle (2018) du carnet de santé contient plusieurs sections :
*éventuelles pathologies au long cours, allergies, antécédents familiaux;
*données périnatales (période prénatale, accouchement, séjour en maternité);
*synthèses des examens de santé recommandés et du contenu des consultations;
*courbes de croissance staturo-pondérale;
*synthèses des examens bucco-dentaires;
*éventuelles hospitalisations, examens radiologiques, transfusions;
*vaccinations réalisées et éventuelles maladies infectieuses contractées.
Il comporte de nombreuses indications, en mentionnant les informations importantes à rechercher ainsi que les différents tests à utiliser selon les âges. Les repères du développement du nourrisson, de l’enfant et de l’adolescent peuvent servir de support lors de la consultation, et orienter les parents à poser des questions.
Il contient également des conseils pratiques (modalités de l’allaitement, alimentation), de surveillance (colorimétrie des selles, troubles sensoriels), des conseils de prévention (mort inattendue du nourrisson, bébé secoué, obésité, accidents domestiques, carie de la petite enfance, usage des écrans), ainsi que des propositions de conduites à tenir face à des situations pathologiques fréquentes (fièvre, diarrhée, vomissements, gêne respiratoire).
Axes du suivi : développement psychomoteur, croissance staturo-pondérale, dépistages des troubles sensoriels et orthopédiques, évaluation des apports nutritionnels, calendrier vaccinal.
Examens de santé obligatoires
A Examens médicaux jusqu’à l’âge de 3 ans
1 Calendrier
On compte 20 examens médicaux obligatoires jusqu’à l’âge de 16 ans.
Parmi eux, il y en a 14 au cours des 3 premières années : un au cours des 8 jours suivant la naissance (1), un au cours de la 2e semaine (1), un par mois de 1 à 6 mois (6), un au cours du 9e mois (1), un au cours du 12e mois (1), un au cours du 13e mois (1), un entre 16 et 18 mois (1), un au cours du 24 ou 25e mois (1), un à 3 ans (1). En complément, il convient d’adresser l’enfant chez le dentiste vers 12 mois et de vérifier le respect des visites « M’Tdents » recommandées et prises en charge à partir de 3 ans, tous les 3 ans (jusqu’à 24 ans).
Parmi les examens médicaux, trois donnent lieu à la rédaction de certificats de santé (8e jour, 9e mois, 24e mois).
D’autres sont mis en exergue sur une double page du carnet de santé, afin de signifier qu’ils se déroulent à des âges charnières, avec des données particulièrement importantes à rechercher (2e mois, 4e mois, 3e année, ainsi que les examens prévus à l’âge scolaire).
Ces consultations sont assurées soit par un pédiatre ou un médecin généraliste en cabinet libéral ou en centre de santé, soit, jusqu’à l’âge de 6 ans, dans un centre de PMI. Elles sont remboursées à 100 % par l’Assurance maladie sans avance de frais (sauf dépassements, comme pendant la grossesse). Les consultations dentaires « M’Tdents » sont réalisées par le dentiste et obéissent aux mêmes règles de remboursement.
Examens de santé avec certificats obligatoires
Modalités
Trois examens de santé donnent lieu à des certificats obligatoires pour l’enfant : au 8e jour, 9e mois et 24e mois. Le certificat de J8 est réalisé en pratique « dans les 8 jours » suivant la naissance, habituellement avant la sortie de maternité.
Ils ont pour objectif individuel de s’assurer de l’existence d’une prise en charge adaptée à l’enfant, et pour objectif collectif de permettre un suivi épidémiologique de l’état de santé des enfants du département.
Ils s’établissent sur des feuillets mobiles insérés dans le carnet de santé, constitués d’une partie administrative à remplir par les parents (informations sur le foyer familial, la profession des parents, le mode de garde) et d’une partie médicale à remplir par un médecin (état vaccinal, anomalies congénitales et troubles sensoriels, maladies acquises et affections actuelles, développements psychomoteur et staturo-pondéral).
Ces documents sont adressés au médecin responsable du service de PMI du département.
Toutes les données médicales sont aussi inscrites dans le carnet de santé.
Examen du 8e jour (premier certificat)1
Il doit évaluer notamment :
*le déroulement de la grossesse et de l’accouchement :
–antécédents maternels et familiaux, gestité et parité, suivi obstétrical, pathologies;
–âge gestationnel, présentation, durées de travail et de rupture de la poche des eaux;
–voie d’accouchement, couleur du liquide amniotique, fièvre maternelle;
*l’état de l’enfant à la naissance et au cours des premiers jours de vie :
–paramètres (taille, poids, périmètre crânien), Apgar, gestes pratiqués à la naissance;
–examen physique : FR, FC, pouls, souffle cardiaque, organomégalie, tonus, ictère;
–pathologies de la 1re semaine de vie (oxygénothérapie, intubation, antibiothérapie);
*les dépistages :
–anomalies congénitales (syndrome polymalformatif, fente labiopalatine, omphalocèle);
–dépistages sensoriels (visuel et auditif), dépistage orthopédique;
–examens biologiques de J3 : test dit de Guthrie (voir chapitre 44);
*le mode d’allaitement (avec les supplémentations vitaminiques), la prise de poids.
Examen du 9e mois (deuxième certificat)
Il doit évaluer notamment :
*les antécédents médicaux jusqu’à cet âge :
–otites et affections bronchopulmonaires à répétition;
–accidents domestiques (intoxication, brûlure, chute ou traumatisme);
–éventuelles hospitalisations;
*les affections actuelles :
–troubles de l’alimentation ou du sommeil, RGO, eczéma;
–anomalies organiques (cardiopathie congénitale, malformation urinaire…).
Il doit aussi contrôler le bon déroulement des cinq axes de suivi :
*le développement psychomoteur et relationnel :
–tient assis sans appui, se déplace, motricité symétrique des quatre membres;
–saisit un objet avec participation du pouce, pointe du doigt;
–réagit à son prénom, répète une syllabe, joue à « coucou, le voilà »;
*le développement staturo-pondéral :
–mesure du poids, de la taille et du périmètre crânien;
–report des données sur les courbes de croissance;
*les dépistages sensoriels :
–visuels : transparence cornéenne, globes et pupilles, strabisme, poursuite oculaire;
–auditifs : retournement à un bruit, examen des tympans, test d’audiologie quantitative;
*les modalités d’alimentation (allaitement, diversification);
*le respect du calendrier vaccinal (primovaccinations).
Il convient d’indiquer aussi les données de l’examen somatique général, et d’évaluer les conditions de vie (sommeil, rythme de vie, pleurs, mode de garde, animaux à domicile, risques de saturnisme).
Il y a un risque de saturnisme en cas de : habitat ancien (peintures dégradées ou travaux récents), conduite d’eau en plomb, cas dans l’entourage, pica de l’enfant, activité (professionnelle ou en loisir) exposant la famille au plomb, arrivée récente d’un pays en développement, pollution industrielle, utilisation de vaisselle, cosmétiques ou remèdes traditionnels. Ces facteurs sont à évaluer à chaque examen de 9 mois à 6 ans, la présence de l’un d’eux suffit pour prescrire une plombémie (dosage sanguin).
La présence des premières dents temporaires (incisives) est appréciée, avec consultation de contrôle chez un dentiste dans les 6 mois suivant leur éruption.
Examen du 24e mois (troisième certificat)
Il doit évaluer notamment :
*les antécédents médicaux jusqu’à cet âge :
–otites, affections bronchopulmonaires répétées (≥ 3 « sifflantes »);
–accidents domestiques, nombre d’hospitalisations depuis le 9e mois;
*les affections actuelles :
–troubles de l’alimentation ou du sommeil, RGO, eczéma;
–allergies, anomalies organiques;
–carie précoce de la petite enfance, anomalies dentaires et dysfonctions orales.
Il doit aussi contrôler le bon déroulement des cinq axes de suivi :
*le développement psychomoteur et relationnel :
–marche acquise, motricité symétrique des quatre membres;
–superpose des objets, nomme au moins une image;
–comprend une consigne simple, associe deux mots;
*le développement staturo-pondéral (calcul de l’IMC);
*les dépistages sensoriels (visuel et auditif);
*les modes d’alimentation;
*le respect du calendrier vaccinal (primovaccinations et rappels).
L’accent est mis sur le dépistage précoce des signes d’autisme (voir chapitre 3).
Il convient d’indiquer aussi les données de l’examen somatique général, l’évolution de la dentition temporaire (présence des incisives, canines et premières molaires), et d’évaluer les conditions de vie de l’enfant au sein de sa famille ainsi que l’exposition aux écrans.
20 examens médicaux de la naissance à l’âge de 16 ans pris en charge à 100 %.
5 examens bucco-dentaires de 3 à 16 ans pris en charge à 100 %.
Examen de J8 : dépistage précoce des anomalies congénitales.
Bien connaître les données du certificat obligatoire du 9e mois et du 24e mois.
Bilans de santé systématiques à l’âge scolaire
1 Calendrier
Sur les 20 examens médicaux obligatoires jusqu’à l’âge de 16 ans, il y en a 6 entre les âges de 4 et 17 ans : un par an entre 4 et 6 ans (3), un entre 8 et 9 ans (1), un entre 11 et 13 ans (1), un entre 15 et 16 ans (1). En complément, il convient de vérifier le respect des visites « M’Tdents » recommandées aux âges de 6, 9, 12 et 15 ans.
Ces bilans de santé sont faits par le médecin traitant ou par le médecin de PMI jusqu’à l’âge de 6 ans. L’examen de la 6e année peut être fait par le médecin scolaire. Les consultations dentaires « M’Tdents » sont réalisées par le dentiste.
Ils se situent à des âges essentiels. Leur objectif commun est de dépister les anomalies d’ordre physique, psychologique et sensoriel, ainsi que les troubles des apprentissages.
Toutes les données médicales sont aussi inscrites sur le carnet de santé.
2 Principaux objectifs selon les âges d’évaluation
Bilan de santé systématique au cours de la 4e année
Il doit contrôler le bon déroulement des cinq axes de suivi évolutifs :
*le développement psychomoteur :
–enlève un vêtement, joue en groupe, saute en avant, tient sur un pied 3 secondes;
–connaît l’identité de son sexe, trois couleurs, dessine le bonhomme en trois parties;
–formule des phrases bien construites, utilise les articles et les prépositions;
–propretés diurne et nocturne acquises;
*le développement staturo-pondéral :
–courbes de croissance;
–calcul de l’IMC, âge du rebond d’adiposité (alerte si avant l’âge de 6 ans);
*les dépistages sensoriels :
–troubles visuels : acuité visuelle, strabisme, poursuite oculaire, test de vision stéréoscopique;
–troubles auditifs : test à la voix chuchotée, examen des tympans, test d’audiologie quantitative;
*les modalités d’alimentation;
*le respect du calendrier vaccinal.
Ce bilan de santé est essentiel pour le dépistage des infirmités moyennes ou mineures et des inadaptations. L’enfant est en effet capable à cet âge d’une certaine collaboration, permettant une meilleure précision des tests.
Il s’attache à dépister des troubles sévères du langage oral (persistance du « parler bébé », inintelligibilité, agrammatisme) en vue d’une rééducation et d’une prise en compte pédagogique de leur déficit.
Il doit dépister des anomalies et troubles du comportement (alimentaire, sphinctérien, du sommeil), des signes d’inhibition ou d’instabilité, ainsi que des situations environnementales à risque.
Il doit aussi intégrer les données de l’examen somatique général (dont la pression artérielle et une bandelette urinaire). Il doit contrôler la réalisation du bilan bucco-dentaire à 3 ans par le dentiste (évaluation de la denture temporaire et de l’état bucco-dentaire, identification de la carie précoce de la petite enfance et anomalies dentaires, rapports inter-arcades dentaires, dysfonctions orales).
Bilan de santé systématique au cours de la 6e année (entrée au CP)
Il repose sur une évaluation neuropsychomotrice, permettant :
*de mettre en évidence des troubles des apprentissages;
*d’éliminer une affection neurologique méconnue;
*d’identifier certains troubles neurologiques associés (trouble développemental de la coordination ou dyspraxie, dysgraphies, syncinésies);
*d’évaluer la motricité (latéralisation, orientation temporelle et spatiale, graphisme) et le langage;
*d’apprécier le comportement global (autonomie et spontanéité, communication, attention).
Le trouble d’hyperactivité avec ou sans déficit de l’attention (TDAH) est le plus souvent diagnostiqué vers l’âge de 6 ans (voir chapitre 3).
Les objectifs de l’examen somatique et de l’évaluation des cinq axes de suivi habituels sont assez semblables à ceux décrits pour le bilan de santé au cours de la 4e année, qui aura dû dépister les infirmités et les troubles de l’adaptation. Il s’agira donc d’apprécier l’efficacité des mesures prises et de dépister les troubles d’apparition récente. L’enfant est adressé à un dentiste pour bilan bucco-dentaire : formule dentaire (éruption des premières molaires permanentes), maladie carieuse, anomalies dentaires, occlusion dentaire, dysfonctions.
4e année : dépistage des troubles sévères du langage oral.
6e année : dépistage des troubles des apprentissages et du TDAH.
Bilans de santé systématiques au cours des 8–9 ans, 11–13 ans, 15–16 ans
Le bilan de santé de la 9e année est centré sur le dépistage de troubles du langage écrit.
Les bilans de santé des 11–13 ans et des 15–16 ans sont orientés davantage sur l’écoute des projets de vie et l’aide à l’orientation professionnelle, le repérage des signes d’appel de mal-être et le diagnostic de certaines anomalies psychopathologiques. Les activités sportives, essentielles pour la santé physique et psychique, doivent être particulièrement encouragées à cet âge.
Outre les cinq axes de suivi habituels et les bilans bucco-dentaires, on évalue à ces âges :
*le développement pubertaire (stades de Tanner);
*l’examen de la statique vertébrale (dépistage d’une scoliose);
*l’examen de la peau (nævi, acné, scarifications).
Une partie de la consultation pourra se faire en l’absence du parent dès l’âge de 11 ou 12 ans.
L’utilisation du HEADSSS (voir tableau 43.1) permet de parler avec l’adolescent de tous les aspects de sa vie et de chercher des comportements à risque (consommation de toxiques, sexualité, écrans). La sexualité sera abordée une fois la puberté débutée et selon le niveau de maturité de l’adolescent.
Consultation de l’adolescent : Tanner, scoliose, peau, HEADSSS.
Institutions de prise en charge
A Généralités
L’essentiel de la protection de l’enfance est assuré par trois catégories d’institutions :
*la protection médicosociale :
–service départemental de PMI;
–service de santé scolaire;
–services chargés de l’hygiène mentale;
*la protection sociale et éducative :
–service départemental;
–service de l’ASE (Aide sociale à l’enfance);
–service départemental de l’action sociale;
*la protection judiciaire :
–procureur de la République;
–juge pour enfants.
B Protection maternelle et infantile
Le service de Protection maternelle et infantile (PMI) a été créé par ordonnance en 1945 dans le but de réduire la mortalité infantile et la morbidité périnatale. Ses missions ont évolué au fil des années pour promouvoir la santé médico-psychosociale de l’enfant et de sa famille et se sont étendues progressivement à la période périnatale, pour une prise en charge globale de la santé de la mère, des futurs parents et de l’enfant âgé de moins de 6 ans. La PMI est un service départemental placé sous la responsabilité du président du conseil départemental.
Chaque service de PMI est coordonné par un médecin, avec une équipe pluridisciplinaire constituée de médecins (pédiatres, généralistes, gynécologues), de sages-femmes, de puéricultrices, et de personnels qualifiés dans les domaines médico-psycho-sociaux.
Les missions de PMI comprennent des consultations médicales préventives gratuites destinées aux enfants de la naissance à 6 ans et aux femmes enceintes, ainsi que des consultations de planning familial. Les sages-femmes et puéricultrices peuvent effectuer des visites à domicile.
Les services de PMI assurent des mesures de prévention médicales, psychologiques, sociales et d’éducation à la santé des futurs parents et des enfants; mais aussi des actions de prévention, de dépistage (dont les situations de maltraitance) et d’orientation vers des prises en charge spécialisées (CMP, CAMSP, médecin ORL, ophtalmologue, orthophoniste, etc.).
Ils assurent le contrôle des établissements et services d’accueil des enfants âgés de moins de 6 ans, ainsi que des assistantes maternelles. Ils assurent la surveillance médicale préventive des enfants à l’école maternelle. Une liaison entre le service de PMI et le service de promotion de la santé en faveur des élèves est faite en fin de grande section de maternelle, avant l’entrée au CP.
Ils sont destinataires des avis de naissance et des certificats de santé. Ils jouent un rôle de soutien à la parentalité important auprès des familles, notamment celles en difficulté.
Dans de nombreux départements, il existe des liens étroits avec les services hospitaliers de maternité et de pédiatrie. L’accompagnement se fait au plus près des familles avec les différents partenaires (service social départemental, CMP, Éducation nationale, crèche, etc.).
Médecine scolaire
Le service de santé scolaire, dénommé « service de promotion de la santé en faveur des élèves » dépend du ministère de l’Éducation nationale, et non du ministère de la Santé.
Ses actions de santé sont assurées par deux services qui agissent en étroite collaboration : le service médical et le service infirmier.
La médecine scolaire a pour mission de favoriser l’intégration des enfants atteints de troubles de santé (pathologies chroniques, situations de handicap), par la mise en place de projets d’accueil individualisé (PAI), de projets personnalisés de scolarisation (PPS). Elle est référente en matière de santé dans l’équipe éducative : prise en compte des aptitudes médicales de l’élève pour son projet professionnel, facilitation de l’accès aux soins, prévention des risques professionnels.
Elle apporte son aide aux mesures de dépistage et de prophylaxie en cas de maladie transmissible (méningite, TIAC [toxi-infection alimentaire collective], tuberculose…).
Dans le cadre du suivi de l’enfant normal, elle peut assurer l’examen médical des 6 ans (médecin) et une visite infirmière de dépistage à 12 ans (recueil des antécédents, entretien avec l’enfant, poids, taille, IMC, dépistages visuel et auditif, hygiène bucco-dentaire, vérification des vaccinations, conseils selon les questions de l’enfant).
Elle assure des études épidémiologiques (indicateurs sanitaires et sociaux) et mène des missions d’information et d’éducation à la santé (addictions, sexualité, obésité).
Elle intervient également dans les actions de protection de l’enfance en danger.
PMI : consultations gratuites, actions de prévention et de dépistage.
Médecine scolaire : PAI et PPS, missions d’éducation à la santé.
Mortalité et morbidité infantiles
A Généralités
Les taux de mortalité et de morbidité constituent d’excellents indicateurs de l’état de santé d’une population.
Les statistiques de mortalité sont accessibles de manière aisée en France par les données des certificats de décès analysées par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Les statistiques de morbidité sont plus difficiles à recenser mais il existe de nombreuses sources obtenues de services comme l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), l’Institut national de promotion et d’éducation à la santé (Inpes), l’Assurance maladie, les hôpitaux (PMSI), l’Institut de veille sanitaire (InVS)…
Ces indicateurs servent à définir les axes prioritaires de santé publique. L’enfant et/ou l’adolescent sont intégrés dans les cinq plans stratégiques découlant de la loi de santé publique.
B Mortalité infantile
Mortalité infantile
1 Généralités
On entend par né vivant tout enfant qui respire ou manifeste tout autre signe de vie à la naissance, et ceci indépendamment de sa durée de gestation. On entend par mort-né tout enfant n’ayant manifesté aucun signe de vie à la naissance.
L’OMS recommande de prendre en compte tous les fœtus ou enfants pesant au moins 500 g à la naissance et/ou mesurant au moins 25 cm et/ou d’âge gestationnel ≥ 22 SA.
Le taux de mortalité infantile se définit comme le nombre de décès d’enfants survenus au cours de la 1re année de vie (de la naissance à 365 jours révolus), rapportés à 1 000 naissances vivantes.
Le taux de mortalité infantile se situe en France autour de 3,7 pour 1 000. Il existe une surmortalité masculine de 30 % et une surmortalité dans les DOM. Alors que la mortalité infantile continue de diminuer dans quasi tous les pays européens, elle est plutôt stable en France, avec même une augmentation à 3,9 pour 1 000 en 2022 (données Insee).
2 Causes selon l’âge
La mortalité néonatale (1 à 28 jours) relève essentiellement de causes endogènes, dont les principales en France sont la prématurité, les malformations, le mauvais déroulement de l’accouchement. La moitié des décès infantiles surviennent dans la 1re semaine de vie (mortalité néonatale précoce).
La mortalité post-néonatale (J29 à 12 mois) est due surtout à des causes exogènes, dont les principales sont en France la mort inattendue du nourrisson et, dans les pays en développement, les maladies infectieuses et la malnutrition.
Chez l’enfant après 1 an et l’adolescent, les principales causes de décès sont les causes externes (accidents, suicide) et les tumeurs.
Morbidité infantile
1 Généralités
Les priorités concernant la santé de l’enfant et de l’adolescent dans la stratégie nationale de santé 2018–2022 sont :
*accompagner la parentalité en période prénatale;
*améliorer le dépistage et le repérage précoce des troubles et maladies (troubles des apprentissages, déficit sensoriel, TDAH, troubles psychiques, surpoids/obésité);
*développer l’éducation pour la santé et les compétences psychosociales;
*prévenir les violences faites aux enfants;
*poursuivre l’adaptation de l’offre de soins aux spécificités des enfants et des adolescents;
*améliorer l’accompagnement et l’insertion sociales des enfants handicapés.
2 Principales pathologies selon l’âge
Chez le nouveau-né, la prématurité et ses conséquences constituent la cause principale de handicap ultérieur. Beaucoup de demandes de soins viennent du besoin d’éducation et de soutien à la parentalité.
Chez l’enfant âgé de moins de 2 ans, les pathologies sont dominées par les infections des voies respiratoires et digestives, l’asthme, les allergies et l’eczéma. La fièvre constitue le motif de consultation le plus fréquent.
Chez l’enfant d’âge scolaire, les troubles des apprentissages, les troubles mentaux et du comportement prennent une place particulière, de même que la prévention de l’obésité.
Chez l’adolescent, il faut souligner la fréquence élevée des tentatives de suicide, des conduites addictives et/ou des troubles du comportement, de même que l’implication de pathologies susceptibles d’intégrer des composantes somatique et psychique.
Taux de mortalité et de morbidité = indicateurs de l’état de santé d’une population.
Causes de mortalité néonatale = prématurité, malformations, accouchement.
Mot-clé en médecine de l’enfant : dépistage, prévention.
V Accidentologie
A Épidémiologie
1 Typologie des accidents
Les accidents de la vie courante chez l’enfant incluent :
*les accidents domestiques, maison et abords immédiats (jardin, rue, garage);
*les accidents scolaires;
*les accidents de sports, de vacances et de loisirs.
Environ 10 à 15 % des enfants sont victimes chaque année d’un tel accident.
La majorité de ces accidents sont bénins. Les enfants âgés de 1 à 4 ans sont les plus touchés et 60 % d’entre eux sont des garçons. Parmi eux, 2 à 5 % auront des séquelles psychomotrices, esthétiques ou fonctionnelles (morsures d’animaux, brûlures, noyades).
Près de 200 enfants meurent chaque année au décours d’un accident de la vie courante.
Les mécanismes des décès accidentels sont :
*entre 0 et 1 an : asphyxies et accidents dits de literie;
*entre 1 et 4 ans : noyades, incendies d’habitation, défenestrations, corps étrangers respiratoires;
*après 5 ans : accidents de sports et de loisirs, jeux dangereux.
2 Facteurs de risque
Enfant
Entre 1 et 4 ans : le développement psychomoteur rapide du petit enfant, allié à une immaturité (maladresse, immaturité sensorielle, coordination imparfaite, centre de gravité haut situé) et à une curiosité légitime soumet l’enfant à un environnement inadapté.
Entre 4 et 10 ans : l’esprit de découverte, le développement des activités physiques, la socialisation l’exposent aux risques des loisirs et des sports de contact (déformations physiques, chocs directs, collisions).
Après 10 ans : le besoin d’indépendance, l’opposition coexistent avec une immaturité psychologique qui l’expose aux expériences dangereuses.
Entourage humain
Dans tous les cas, une surveillance insuffisante ou une vigilance trop faible sont la cause immédiate de l’événement accidentel.
On retrouve des typologies de familles à risque accru : famille monoparentale, fragilité socio-économique.
Environnement matériel
Les enfants vivent dans un environnement « conçu par les adultes pour les adultes » : pièges de la maison, rue inadaptée aux possibilités d’un jeune enfant. Les piscines privatives, les points d’eau sont sources de dangers potentiels. Les risques sont aussi très élevés en logement indigne.
B Prévention
L’accident n’est pas une fatalité. La majorité des accidents de la vie courante sont évitables. Mesures de prévention :
*passives : réglementation, législation (barrière de piscine, température de l’eau chaude sanitaire, détecteur de fumée, normes de jouets et de mobiliers de cuisine);
*actives :
–éducation à la santé : apprentissage parental des capacités de développement de l’enfant, surveillance « active » des jeunes enfants;
–promotion d’un environnement sécuritaire (maison, rue, école, loisirs).
C Focus sur les « jeux dangereux »
Les jeux, dits de non-oxygénation ou d’évanouissement (choking games) consistent par un mécanisme de compression ou strangulation à rechercher certaines sensations pseudo-hallucinatoires. Ces jeux sont divers : du simple mais dangereux « jeu de la tomate » pratiqué par les plus jeunes (dès 3 ou 4 ans) jusqu’au « jeu du foulard » entre 7 et 14 ans.
L’intoxication par le protoxyde d’azote (cartouche pour cuisine) expose au risque d’asphyxie, à des brûlures et vertiges. Au long cours, elle entraîne des troubles du rythme cardiaque et une neurotoxicité par carence en vitamine B12.
Les jeux dits « d’agression » ou jeux « violents » utilisent la violence physique ou psychologique de manière gratuite d’un groupe de jeunes envers une personne seule. Leur caractère répétitif dans le temps définit le harcèlement.
La durée et l’intensité de la strangulation peuvent induire des complications neurologiques aiguës : œdème cérébral, perte de connaissance prolongée, lésions cérébrales définitives (surdité, cécité, état grabataire), coma irréversible, décès (voir chapitre 68).
Les conséquences physiques des jeux d’agression sont également très lourdes : fractures de la colonne vertébrale, traumatismes crâniens, ruptures d’organes (foie, rate, rein, organes génitaux). Les enfants victimes présentent des manifestations psychotraumatiques répétées.
Repérage des familles à risque accru. Prévention.
Se méfier dans certaines circonstances d’une possible maltraitance (voir
I Pauvreté et précarité
A Généralités
La pauvreté est souvent définie sur son aspect monétaire (par exemple, seuil de pauvreté : 60 % du revenu annuel médian du pays). En France, 1 enfant sur 5 (< 18 ans) est sous le seuil de pauvreté.
La notion de précarité couvre la composante pluridimensionnelle de la vulnérabilité sociale (ressources, habitat, éducation, intégration sociale…). Plus de 40 % des enfants consultant aux urgences sont en situation de précarité.
Ces deux notions s’intègrent aux inégalités sociales de santé (ISS), qui commencent dès la vie prénatale. Les ISS exposent précocement l’enfant à des risques environnementaux, restreignent son accès à la santé et aux soins, et s’intègrent souvent dans une spirale de transmission transgénérationnelle. Leur repérage précoce vise à améliorer la prise en charge de l’enfant. De plus, les actions contre les ISS pendant l’enfance sont les plus coût-efficaces.
Repérage des inégalités sociales de santé
Le repérage des vulnérabilités relève de toute activité médicale et conditionne l’adhésion thérapeutique. On recherche des facteurs de risque spécifiques et on adapte sa proposition de soins aux capacités familiales. Cet interrogatoire est mieux accepté lorsque systématique.
Connaître les principales dimensions de vulnérabilité sociale et évaluer chez l’enfant :
*son accès à la santé : couverture sociale (protection universelle maladie et mutuelle ou complémentaire sociale solidaire, aide médicale d’État) et suivi pédiatrique (carnet de santé, couverture vaccinale, surveillance de la croissance, dépistages);
*son environnement physique (état de l’habitat, quartier);
*son intégration sociale (entourage, scolarisation, ressources potentielles d’aide);
*la stabilité économique du foyer, indirectement abordée par : la structure familiale (mono-ou biparentale, fratrie mineure), la profession des parents, les notions de migration récente, maladie chronique d’un membre du foyer ou insécurité alimentaire.
Identifier les partenaires médico-sociaux de proximité pour référer le patient en fonction de ses besoins : soutien financier, alimentaire, à la parentalité, psychologique, scolarisation, accès à un hébergement ou un logement digne.
C Effets des inégalités sociales de santé observables dès l’enfance
1 Périnatal
La morbi-mortalité est plus élevée pendant la grossesse et chez les nouveau-nés de familles précaires (morts fœtales, RCIU, prématurité, petit poids de naissance…).
2 Nutritionnel
Un défaut d’apport en quantité ou un déséquilibre peuvent entraîner, en dehors même de toute pathologie, une dénutrition et/ou des carences nutritionnelles. L’obésité est en revanche plus fréquente dans les familles précaires.
Les carences, notamment en fer (par consommation insuffisantes de produits carnés) et en vitamine D (par défaut de supplémentation), sont fréquentes. L’alimentation collective comme la cantine scolaire est un moyen important d’y pallier, en proposant notamment un produit carné à chaque repas.
3 Santé psychique et développement de l’enfant
La structuration psychique des enfants est souvent menacée par la prégnance des besoins fondamentaux, la promiscuité, le défaut d’éclairement de l’habitat, l’insécurité (physique et du parcours de vie), le manque d’adoption d’habitudes favorables à la santé (dont l’exposition non encadrée aux écrans) et l’état psychique des parents.
La distinction entre les effets de la précarité et les cas de négligence ou maltraitance doit être faite. L’interrogatoire initial permet de comprendre les meilleures pratiques « possibles » des parents, en particulier compte tenu de leur environnement et de leurs connaissances.
4 Environnement, en particulier l’habitat
Les logements précaires sont petits, dangereux, suroccupés, humides, mal isolés.
Les piqûres et morsures de nuisibles (blattes, punaises, rats.) sont fréquentes, de même que les accidents domestiques comprenant traumatismes physiques et bucco-dentaires, brûlures, intoxications (au CO, notamment) et électrisations. Le logement insalubre est source de pathologies de l’enfant (dont le saturnisme et l’asthme aggravé par les moisissures).
Les enfants vivant en squat, bidonville ou dans la rue sont exposés à des intoxications alimentaires, infections cutanées, maladies contagieuses (tuberculose, rougeole, coqueluche, gale.) et à de la violence.
5 Défaut d’accès à la santé et aux soins et suivi des pathologies chroniques
Pour qu’un enfant accède aux soins, ses parents doivent être capables de formuler une demande de soins, financer les soins et les suivre. De son côté, le système de santé doit lui être accessible, proposer des soins appropriés et acceptables.
En situation précaire, les enfants ont des caries nombreuses et précoces, des défauts de couverture vaccinale, de correction visuelle et auditive (grevant leurs résultats scolaires), et des troubles de croissance.
La gestion des maladies chroniques est compliquée, en particulier l’éducation thérapeutique et la gestion du handicap dans des logements indignes.
6 Cas particuliers de la migration
L’état de santé des enfants est la résultante de la situation dans leur pays d’origine (avec des dépistages différents et défaillances fréquentes), des risques environnementaux de leur parcours (carence, violence, psychotraumatisme.) et des conditions de vie actuelles (épisodes fréquents de sans-abrisme). Les situations d’allophonie nécessitent des solutions d’interprétariat de qualité pour les soins.
Les jeunes étrangers isolés (ou mineurs non accompagnés) sont particulièrement à risques (IST, exploitation ou addictions) liés au défaut d’encadrement parental. Leur prise en charge relève des services de protection de l’enfance.
Prise en charge médicale
Le point d’appel médical est souvent la porte d’entrée pour agir sur ces situations (recours aux urgences, diagnostic de saturnisme, instabilité d’un asthme sous traitement…).
Les objectifs de soins pour un enfant précaire visent à :
*ménager un accès pérenne et organisé au système de santé et aux soins;
*rattraper les actions de dépistage et prévention;
*contrôler les expositions environnementales;
*promouvoir des habitudes favorables à la santé (dont le suivi médical et bucco-dentaire);
*permettre son intégration scolaire efficace.
Une coopération socio-sanitaire est souvent nécessaire pour reconduire l’enfant dans un parcours de soins organisé et de long terme. Plusieurs dispositifs peuvent y participer, dont les services départementaux de PMI et de cohésion sociale et, à l’hôpital, le service social, mais aussi les permanences d’accès aux soins de santé (PASS), dont certaines pédiatriques.
II Santé bucco-dentaire
A Chronologie normale des dentures
Des dentitions se succèdent, correspondant à trois dentures (fig. 5.1) :
*la dentition temporaire :
–mise en place des 20 dents temporaires : 8 incisives (de 6 à 12 mois), 4 canines (de 18 à 24 mois), 8 molaires (de 24 à 30 mois);
–la denture temporaire est ensuite stable jusqu’à l’éruption des premières molaires permanentes (ou la perte des incisives temporaires remplacées par les permanentes) à environ 6 ans;
*la mise en place des dents permanentes en remplacement ou en complément des dents temporaires :
–la denture mixte (24 dents) : caractérisée par la présence simultanée de dents temporaires et permanentes, avec tout d’abord une première phase dite de « constitution de la denture mixte » avec le remplacement des 8 incisives temporaires et l’éruption de 4 molaires permanentes (de 6 à 8 ou 9 ans);
–la denture mixte stable (24 dents) : avec le remplacement des 4 canines et des 8 molaires temporaires par des prémolaires (de 8 ou 9 à 12 ans);
–la denture permanente adulte jeune (28 dents) : après l’éruption des deuxièmes molaires permanentes (après 12 ans);
–la denture permanente adulte (32 dents) après l’éruption des 4 troisièmes molaires permanentes après 18 ans.
La chronologie d’éruption des dents permanentes est variable, ainsi que leur âge moyen d’éruption.
L’éruption dentaire s’accompagne d’une inflammation pouvant être responsable de douleurs chez l’enfant. Une fois en bouche, les dents temporaires et permanentes sont qualifiées d’immatures dans les premières années après leur éruption, du fait de leur édification radiculaire ou de la minéralisation de leur émail encore incomplètes. Ainsi, le risque carieux est augmenté pendant cette période.
Les dents temporaires ont une durée de vie limitée sur l’arcade. Elles connaissent un phénomène de résorption de la (des) racine(s) pendant 2 à 3 ans, qui permet leur exfoliation. Les dents temporaires se caractérisent par une épaisseur d’émail diminuée et un volume pulpaire augmenté par rapport aux dents permanentes, tous deux favorisant une évolution plus rapide des lésions carieuses.Aux âges de bilans bucco-dentaires, la prévention primaire des lésions carieuses à mettre en place repose sur l’éducation de l’enfant et de sa famille (hygiène bucco-dentaire et alimentation), l’application de topiques fluorés de concentration adaptée en fonction de l’âge et du risque carieux (à domicile ou en applications professionnelles) et les scellements des sillons. En cas de risque carieux élevé, le suivi du patient doit être plus régulier pour contrôler sa correction et les éventuels traitements réalisés pour éviter leur récidive (prévention tertiaire).
Savoir identifier un trouble de l’articulé dentaire
En denture temporaire :
*une latérodéviation mandibulaire;
*un bout à bout des incisives;
*une prognathie mandibulaire;
une béance (dysmorphose laissée par la succion de la tétine et/ou du pouce)l’absence d’espace entre l’incisive et la canine au maxillaire et entre la canine et la 1re molaire à la mandibule;
*une anomalie du nombre des dents perturbant l’articulé.
Ces signes nécessitent une prise en charge par un dentiste.
En denture dentures mixte et permanente :
*une latérodéviation mandibulaire;
*un bout à bout des incisives;
*une prognathie mandibulaire;
*une proalvéolie maxillaire;
*un encombrement (chevauchement);
*une anomalie du nombre des dents perturbant l’articulé.
Ces signes nécessitent une consultation chez un orthodontiste. Les traitements orthodontiques sont pris en charge partiellement par la sécurité sociale s’ils sont débutés avant l’âge de 16 ans.
Dentitions de l’enfant : 20 dents temporaires, 28 dents permanentes.
Prévention de la maladie carieuse : hygiène bucco-dentaire et topiques fluorés, alimentation.
I Examen médical d’aptitude au sport
A Généralités
Depuis 2019, il n’est plus nécessaire de fournir un certificat médical pour la pratique sportive en club pour les enfants. Une déclaration remplie par leur représentant légal, attestant qu’ils ont bien été évalués par un médecin selon le calendrier des examens obligatoires remplace désormais ce certificat. Il convient donc de vérifier régulièrement l’aptitude au sport chez les enfants lors des consultations obligatoires et de le notifier sur le carnet de santé.
Un questionnaire de santé devra être rempli chaque année par les familles au moment du renouvellement de la licence sportive de l’enfant. Pour les disciplines à contraintes particulières, un certificat de non-contre-indication sera toujours exigé chaque année par le club et ce, quel que soit l’âge du licencié.
Pour la pratique du sport en milieu scolaire, l’enfant est considéré a priori apte.
Les dispenses partielle ou complète peuvent être liées à des affections aiguës ou des maladies chroniques en décompensation (dispense complète transitoire en cas de traumatisme d’un membre ou de poussée d’une maladie articulaire, en cas d’exacerbation d’asthme, dispense partielle pour la natation en cas d’otite perforée, par exemple). Ces dispenses font l’objet d’un certificat par le médecin traitant et d’une éventuelle validation par le médecin scolaire en cas de dispense prolongée.
La vérification de l’aptitude au sport comprend :
*un examen médical complet (voir ci-dessous);
*des explications concernant les effets bénéfiques et risques liés au sport concerné;
*des conseils nutritionnels.
B Conduite de l’examen clinique
Données anamnestiques à recueillir :
*antécédents personnels :
–cardiopathie, maladie pulmonaire chronique;
–épilepsie, diabète, pathologie ostéoarticulaire;
*antécédents familiaux :
–cardiopathie, mort subite, facteurs de risque cardiovasculaire;
–pathologies de l’hémostase;
*évaluation de la croissance et de la puberté : courbes, Tanner;
*liste des traitements pris par l’enfant.
Points forts de l’examen physique :
*examen cardiovasculaire : auscultation, mesure de la pression artérielle;
*dépistage d’anomalies neurosensorielles : troubles visuels, séquelles d’otites;
*dépistage d’anomalies de l’appareil locomoteur : scoliose, hyperlaxité articulaire.
Un examen clinique complet suffit habituellement. Le HCSP recommande que l’ECG ne soit pas systématique mais laissé au jugement du clinicien (2016).
Des malaises et/ou des syncopes survenant pendant l’effort doivent être considérés comme un signe d’alerte d’origine cardiaque : un bilan cardiologique clinique avec au moins un ECG et une échocardiographie est alors indispensable.
Vérification de l’aptitude au sport régulière lors des consultations de suivi obligatoire.
Points importants : antécédent familial de mort subite, auscultation, traitements
’insuffisance surrénale est une pathologie rare de l’enfant, liée à une carence aiguë ou chronique en glucocorticoïdes ± minéralocorticoïdes.
L’insuffisance surrénale primaire correspond à une atteinte primitive de la glande surrénale; l’insuffisance corticotrope (ou insuffisance surrénale secondaire) correspond aux déficits hypophysaire en ACTH ou hypothalamique en CRH.
Ce chapitre aborde plus précisément les spécificités pédiatriques.
Chez le nouveau-né et le petit enfant, les insuffisances surrénales sont le plus souvent primaires et d’origine génétique.
Chez le grand enfant, la cause la plus fréquente est l’insuffisance corticotrope acquise après le sevrage brutal d’une corticothérapie prolongée.
L’insuffisance surrénale aiguë est une urgence thérapeutique à connaître.
Ce diagnostic doit toujours être évoqué devant une hypoglycémie et une hyponatrémie de dilution témoignant du déficit en cortisol; une déshydratation aiguë avec hyponatrémie de déplétion et natriurèse inappropriée et hyperkaliémie seront présentes en cas d’insuffisance surrénale aiguë primaire.
our bien comprendre
L’insuffisance surrénale entraîne une carence en cortisol et/ou aldostérone.
L’insuffisance surrénale primaire est due à une atteinte de la glande surrénale avec déficit en cortisol et aldostérone → l’ACTH est élevée, la rénine est élevée.
L’insuffisance surrénale secondaire est due à une insuffisance corticotrope (d’origine hypothalamique ou hypophysaire) → l’ACTH plasmatique est normale ou basse (donc inappropriée au taux de cortisol qui est bas), la sécrétion d’aldostérone est normale.
I Diagnostic d’insuffisance surrénale
A Tableaux cliniques
1 Insuffisance surrénale aiguë
En période néonatale et chez le nourrisson
Déficit glucocorticoïde :
*hypoglycémie, hypotonie, convulsions;
*ictère cholestatique persistant;
*hypotension artérielle.
Déficit minéralocorticoïde (perte de sodium urinaire) :
*mauvaise prise pondérale, non reprise du poids de naissance, difficultés à téter;
*vomissements, déshydratation;
*collapsus cardiovasculaire.
Chez le grand enfant et adolescent
Déficit glucocorticoïde :
*hypoglycémie.
Déficit minéralocorticoïde :
*douleurs abdominales, vomissements;
*déshydratation, troubles hémodynamiques, collapsus.
2 Insuffisance surrénale chronique
La mélanodermie (excès d’ACTH) signe l’origine surrénalienne (insuffisance surrénale primaire) et résulte d’un déficit chronique en glucocorticoïde (fDéficit glucocorticoïde chronique :
*asthénie, anorexie, nausées, douleurs abdominales;
*hypotension artérielle;
*hypoglycémies récurrentes au stress.
Déficit minéralocorticoïde chronique :
*mauvaise prise de poids, anorexie, douleurs abdominales, vomissements;
*hypotension orthostatique;
*appétence pour le sel.
Diagnostic biologique d’insuffisance surrénale
En urgence pour l’insuffisance surrénale aiguë :
*hypoglycémie;
*hyponatrémie;
*hyperkaliémie (ECG indispensable), natriurèse normale (donc inadaptée) ou augmentée (insuffisance surrénale primaire avec déficit minéralocorticoïde).
Prélever le bilan hormonal en urgence (cortisol, ACTH, aldostérone, rénine, 17OH-progestérone chez le nourrisson) et traiter sans en attendre les résultats :
*cortisol bas : confirmation du diagnostic d’insuffisance surrénale;
*autres dosages pour distinction entre :
–insuffisance surrénale primaire : ACTH élevée, aldostérone basse, rénine élevée;
–insuffisance surrénale secondaire : ACTH normale ou basse (inadaptée).
En dehors de l’urgence, le diagnostic d’insuffisance surrénale chronique repose sur la mise en évidence du déficit en glucocorticoïdes (cortisol bas à 8 h ou après stimulation par le Synacthène®).
Le dosage d’ACTH permet de différencier l’insuffisance surrénale primaire de l’insuffisance surrénale secondaire.
Insuffisance surrénale aiguë : clinique bruyante mais peu spécifique.
Ne pas attendre le résultat de l’enquête étiologique pour mettre en route le traitement symptomatique (hydrocortisone, fludrocortisone, supplémentation sodée).
Enquête étiologique
A Insuffisance surrénale du nouveau-né et du nourrisson
1 Hyperplasies congénitales des surrénales
Ce terme désigne les déficits en enzyme de la stéroïdogenèse, autosomiques récessifs.
Le déficit enzymatique le plus fréquent est le déficit en 21-hydroxylase dans sa forme classique (> 95 % des hyperplasies congénitales des surrénales) :
*1 nouveau-né sur 15 000;
*dépisté en France par un dosage de la 17OH-progestérone sur papier buvard (voir chapitre 44);
*déficit en cortisol et en aldostérone le plus souvent, excès de production d’androgènes;
*insuffisance surrénale néonatale (s’exprimant à la fin de la première semaine de vie);
*anomalies des organes génitaux externes uniquement chez les filles (d’une hypertrophie clitoridienne à un aspect masculin sans testicule); aspect normal des organes génitaux chez les garçons;
*17OH-progestérone très élevée.
Les autres anomalies de la biosynthèse des stéroïdes surrénaliens avec insuffisance surrénale et anomalies de développement des organes génitaux sont exceptionnelles.
2 Autres causes (plus rares)
*Hypoplasies congénitales des surrénales d’origine génétique.
*Déficit corticotrope (très rare chez le nouveau-né), souvent associé à d’autres déficits antéhypophysaires à rechercher systématiquement.
Insuffisance surrénale chez le grand enfant
Principales causes de l’insuffisance surrénale primaire à cet âge :
*atteinte auto-immune isolée ou associée à d’autres maladies auto-immunes.
Insuffisance corticotrope de l’enfant :
*secondaire à un sevrage brutal d’un traitement par corticoïdes au long cours :
–per os (maladies inflammatoires, hémopathies, syndrome néphrotique idiopathique);
–inhalés (fluticasone, si prolongé et à fortes doses);
–et par voie locale (peau, en cas d’administration prolongée sur des larges surfaces);
*exceptionnellement : chirurgie hypophysaire, déficit antéhypophysaire multiple.
Insuffisance surrénale aiguë : urgence diagnostique et thérapeutique.
Évoquer l’insuffisance corticotrope chez un enfant ayant eu un sevrage brutal de corticoïdes.
Le diabète de type 1 représente près de 90 % des diabètes sucrés de l’enfant.
Un syndrome cardinal et/ou une acidocétose sont les circonstances diagnostiques les plus fréquentes.
La prise en charge thérapeutique est multidisciplinaire et repose sur :
*l’insulinothérapie par voie sous-cutanée;
*l’autosurveillance et l’autocontrôle glycémiques;
*les conseils diététiques;
*la reconnaissance des signes d’urgence;
*l’éducation thérapeutique et la prise en charge psychologique.
Le diabète de type 2 est de fréquence croissante chez l’adolescent.
Pour bien comprendre
A Épidémiologie du diabète chez l’enfant
Le diabète de type 1 représente près de 90 % des diabètes sucrés de l’enfant.
Le diabète non insulinodépendant ou de type 2 reste minoritaire (environ 5 à 10 %).
B Rappels de physiopathologie
1 Diabète de type 1
Le diabète de type 1 est dû à une carence en insuline par destruction auto-immune des cellules β des îlots de Langerhans.
La destruction est liée à l’action de l’immunité cellulaire (lymphocytes T). Les autoanticorps dirigés contre différents antigènes insulaires (insuline, GAD, IA2, ZnT8) n’ont pas de rôle pathogène direct, même si leur dosage est un marqueur positif de la maladie.
Après une longue phase (parfois plusieurs années) d’insulite (inflammation des îlots), la maladie devient symptomatique lorsque plus de 85 % des îlots ont été détruits.
Les signes du diabète sont dus à la carence en insuline qui induit l’hyperglycémie et la glycosurie qui en découle ainsi que la production excessive de corps cétoniques.
Il existe une susceptibilité génétique à la maladie. Le complexe majeur d’histocompatibilité de classe II (HLA) est la principale région génétique impliquée et le diabète est associé aux groupes HLA DR3 et DR4, ou DQ B10201 et DQ B10302.
Des facteurs épigénétiques ou environnementaux sont impliqués mais restent mal compris.
2 Diabète de type 2
Comme chez l’adulte, le diabète de type 2 est lié à une insulinorésistance et à un défaut de la sécrétion d’insuline (relatif et non absolu comme dans le type 1).
Il est favorisé par l’obésité et la sédentarité. Les facteurs génétiques et ethniques sont essentiels.
Diabète de type 1 : maladie multifactorielle avec mécanisme auto-immun.
Diagnostiquer un diabète de type 1
A Porter le diagnostic
1 Signes cliniques
Circonstances de découverte variables :
*syndrome cardinal du diabète dans la très grande majorité des cas : syndrome polyuropolydipsique (difficile à reconnaître chez le petit enfant), asthénie, amaigrissement, hyperphagie;
*compliqué d’une acidocétose (40 à 50 % des cas), plus fréquente avant 5 ans;
*hyperglycémie ou glycosurie découvertes fortuitement (plus rarement).
L’évolution vers l’acidocétose est très rapide chez l’enfant, en particulier âgé de moins de 5 ans, avec des signes trompeurs (douleurs abdominales, dyspnée), ce qui explique la fréquence des acidocétoses inaugurales sévères.
2 Confirmation paraclinique
Confirmer le diagnostic de diabète
Définitions conventionnelles du diabète :
*manifestations cliniques + glycémie ≥ 2 g/l [11,1 mmol/l], quel que soit le moment de réalisation du prélèvement;
*glycémie ≥ 1,26 g/l [7 mmol/l] après un jeûne de 8 heures, vérifiée à deux reprises;
*glycémie ≥ 2 g/l [11,1 mmol/l], 2 heures après une charge orale de glucose (HGPO, hyperglycémie provoquée par voie orale).
En pratique, il n’y a pas de problème diagnostique pour le diabète de l’enfant; la glycémie est presque toujours très supérieure à 2 g/l.
En cas de suspicion clinique, faire immédiatement :
*une recherche de glycosurie (bandelette urinaire) ou une mesure de la glycémie capillaire;
*et en cas de diagnostic fortement suspecté ou posé : une recherche de cétonurie (bandelette urinaire) ou de cétonémie (lecteur capillaire). La présence de cétonurie ou de cétonémie indique la carence en insuline; si elle est très élevée (cétonémie > 3 mmol/l, cétonurie : +++), elle indique un risque d’acidocétose : une prise en charge en urgence s’impose.
Attention : ne pas faire une confirmation par le dosage de la glycémie veineuse en laboratoire de ville car elle va retarder la prise en charge; elle sera réalisée aux urgences ou en service d’hospitalisation où l’enfant est adressé sans attendre.
Affirmer sa nature auto-immune
Ces examens sont faits dans un second temps, dans le bilan initial de la maladie réalisé en milieu hospitalier pédiatrique.
Mise en évidence d’autoanticorps (voir infra).
Autres arguments :
*appartenance à un groupe HLA à risque (HLA-DR3/DR4);
*antécédents personnels ou familiaux d’autres maladies auto-immunes;
*élimination des causes de diabète secondaire.
Circonstance diagnostique fréquente : syndrome cardinal + glycémie » 2 g/l.
Urgence thérapeutique ne permettant aucun retard de prise en charge car l’évolution vers l’acidocétose peut être rapide.
Affirmation du type 1 si présence d’autoanticorps (dans un second temps
Bilan initial au diagnostic
1 Dosages biologiques
Bilan biologique :
*peptide C : le dosage doit être réalisé avec la mise en place d’une insulinothérapie; il sera utile en cas de suspicion de diabète non auto-immun;
*HbA1c : le dosage permet d’apprécier l’équilibre glycémique des 3 derniers mois, habituellement très élevé (> 8 %) au diagnostic; ce n’est pas un examen diagnostique;
*anticorps du diabète :
–GAD, IA2, insuline (uniquement < 1 semaine après le traitement par insuline);
–ZnT8 en deuxième intention si les autres anticorps sont négatifs.
*HLA.
Recherche de maladies auto-immunes possiblement associées :
*thyroïdite : clinique (goitre, croissance), dosage de TSH et anticorps antithyroïdiens;
*maladie cœliaque : clinique, dosage des IgA anti-transglutaminase et IgA totales;
*autres plus rares : pas de dépistage biologique systématique, mais selon les signes cliniques ou biologiques : insuffisance surrénale auto-immune (anticorps anti-21-hydroxylase); gastrite auto-immune (anticorps anti-estomac).
2 Évaluation de facteurs de risque
Facteurs de risque de mauvaise observance du traitement :
*dynamique familiale péjorative ou troubles de la scolarité;
*troubles alimentaires, addictions.
A Facteurs de risque cardiovasculaire pouvant avoir un impact sur le devenir à long terme :
*HTA, dyslipidémie (hypertriglycéridémie fréquente lors de la révélation du diabète : bilan à distance du diagnostic);
*surpoids ou obésité (IMC), sédentarité, tabagisme.
3 Bilan du retentissement et recherche de complications chroniques
Il n’y a jamais de complications chroniques du diabète lors du diagnostic initial de diabète de type 1 de l’enfant.
On ne recherche des complications chroniques qu’après l’âge de 11 ans ou le début de la puberté.
Identification de maladies auto-immunes associées.
Pas de recherche de complications chroniques au diagnostic chez l’enfant.
Identifier et traiter les situations d’urgence
1 Acidocétose
Généralités
C’est la cause la plus fréquente de mortalité chez l’enfant diabétique de type 1.
Elle est liée à une carence profonde en insuline avec élévation des hormones de contre-régulation glycémique (glucagon, adrénaline, cortisol).
Elle peut révéler la maladie (50 % des cas), après un syndrome polyuropolydipsique négligé. Il est impératif de l’évoquer devant un tableau de vomissements avec perte de poids.
Elle peut également compliquer l’évolution du patient diabétique connu suite à un arrêt ou un sous-dosage majeur de l’insulinothérapie. Ceci se voit le plus souvent à l’adolescence par défaut d’adhésion au traitement.
Diagnostic
Présentation clinique :
*syndrome cardinal : polyuropolydipsie, asthénie, amaigrissement et polyphagie;
*signes de déshydratation voire d’hypovolémie;
*signes digestifs : douleurs abdominales, nausées ou vomissements, tableau pseudo-occlusif;
*signes respiratoires : dyspnée de Kussmaul, odeur acétonémique de l’haleine;
*signes neurologiques : obnubilation, somnolence, coma.
Confirmation biologique :
*glycémie veineuse > 2,50 g/l;
*gaz du sang veineux : pH < 7,30 ou bicarbonates < 15 mmol/l;
*corps cétoniques urinaires à la BU « ++ » à « ++++ », ou cétonémie capillaire > 3 mmol/l.
Autres examens paracliniques essentiels :
*ECG : recherche de signes d’hypokaliémie ou plus rarement d’hyperkaliémie;
*ionogramme sanguin :
–natrémie ne reflétant pas le degré d’hydratation intracellulaire, « fausse hyponatrémie » le plus souvent;
–kaliémie habituellement normale mais ne reflétant pas le stock potassique, très abaissé (fuite extracellulaire de potassium et pertes urinaires);
*fonction rénale : insuffisance rénale aiguë fonctionnelle;
*NFS, CRP : parfois hyperleucocytose trompeuse sans infection;
*selon le contexte : bilan infectieux pour facteur déclenchant.
Prise en charge thérapeutique
Le principe du traitement est de restaurer la volémie et d’administrer de l’insuline afin de faire baisser progressivement la glycémie et bloquer la production hépatique des corps cétoniques ce qui corrige l’acidose (jamais d’administration de bicarbonates).
Hospitalisation en service de réanimation ou de soins intensifs si :
*acidocétose sévère : pH < 7,1 et/ou bicarbonates < 5 mmol/l;
*patient à risque ou avec signes d’œdème cérébral :
–âge < 5 ans;
–en cours de réhydratation : troubles de la conscience, céphalées, nausée, vomissements, asymétrie pupillaire;
*enfant présentant une déshydratation sévère : collapsus ou troubles hémodynamiques persistant après remplissage, hyperglycémie majeure, insuffisance rénale.
Prise en charge thérapeutique immédiate :
*monitoring cardiorespiratoire, deux voies veineuses périphériques;
*mise à jeun;
*si collapsus : remplissage vasculaire = NaCl 0,9 % 20 ml/kg en bolus;
*réhydratation hydroélectrolytique :
–initialement : NaCl 0,9 % ou Ringer lactate + KCl (si pas d’anurie et de signes ECG d’hyperkaliémie);
–puis : soluté glucosé (G5 puis G10 %) + NaCl et KCl;
* insuline d’action rapide en IV lente continue après au moins une heure d’hydratation par du Ringer lactate ou du NaCl 0,9 %, début à 0,05 ou 0,1 UI/kg/h en fonction de l’âge et de la sévérité de l’acidocétose, puis selon les glycémies de contrôle;
*traitement du facteur déclenchant éventuel;
*surveillance :
–clinique (toutes les heures) : constantes, examen neurologique, diurèse, glycémie et cétonémie capillaires + BU;
–paraclinique (toutes les 4 heures) : glycémie veineuse, gaz du sang veineux, ionogramme sanguin, fonction rénale, ECG.
Objectifs de la prise en charge :
*diminution puis disparition de la cétonémie;
*baisse progressive de la glycémie (< 1 g/l par heure);
*normalisation progressive de la natrémie et de la kaliémie;
*relais par insuline SC sans urgence (H24 à H48), quand l’état clinique (digestif) le permet et que la cétose a complètement régressé.
Complications possibles
L’œdème cérébral a une incidence de 0,5 à 0,7 % avec un taux de décès de 25 %.
Il apparaît entre la 4e et la 12e heure de prise en charge, rarement avant 4 heures ou au-delà de 24 heures.
Facteurs de risque de survenue :
*âge < 5 ans;
*hydratation > 4 litres/m2 par jour;
*diminution de la glycémie > 1 g/l par heure;
*situation de découverte de diabète.
Signes cliniques devant l’évoquer :
*apparition de céphalées associées à des signes neurologiques de compression du tronc cérébral (atteinte des nerfs crâniens, mydriase, bradycardie, pauses respiratoires) secondaire à une poussée d’HTIC;
*altération secondaire brutale de la conscience, convulsions;
*hypoxémie inexpliquée ou HTA de novo.
La prise en charge ne saurait attendre l’évolution du tableau clinique ou la réalisation d’une TDM cérébrale. Elle réside alors en :
*diminution du débit de perfusion de 30 %;
*perfusion de mannitol 20 %;
*surélévation de la tête du lit.
La TDM cérébrale sera réalisée chez un enfant stable après administration de mannitol.
A Autres complications :
*hypokaliémie avec ou sans troubles du rythme cardiaque;
*inhalation de liquide gastrique (enfant inconscient).
Réflexe : glycémie capillaire > 2 g/l → BU pour recherche de cétones.
Prise en charge urgente de l’acidocétose diabétique :
1.ECG;
2.rééquilibration hydroélectrolytique;
3.insulinothérapie IV.
Surveillance clinique neurologique rapprochée car risque d’œdème cérébral.
Hypoglycémie chez l’enfant diabétique traité
Généralités
Il s’agit d’une complication inévitable de l’insulinothérapie.
On parle d’hypoglycémie chez le patient diabétique quand la glycémie est < 0,7 g/l [3,9 mmol/l].
Les hypoglycémies mineures sont perçues et corrigeables par ingestion de glucides par l’enfant (ou administré par son entourage si petit enfant).
Elles sont inévitables chez un patient bien équilibré, de fréquence variable, en général plusieurs fois par semaine.
Les hypoglycémies sévères sont définies par la présence de signes de neuroglucopénie sévère (troubles de la conscience, coma, convulsion) et la nécessité d’un tiers pour une intervention active avec mesures correctives (injection de glucagon, injection de glucose).
Les facteurs de risque sont des erreurs dans la prise en charge du diabète, un diabète ancien (avec le temps, les hormones dites de contre-régulation [glucagon, hormone de croissance, catécholamines, cortisol] qui ont un effet hyperglycémiant, voient leur seuil de sécrétion s’abaisser), des antécédents d’hypoglycémie sévère et la non-reconnaissance des signes d’hypoglycémie. Un facteur déclenchant peut être retrouvé : erreur de dose, erreur alimentaire, effort physique prolongé.
Diagnostic
Les premiers signes correspondent à la réaction adrénergique (sueurs, tremblements, tachycardie, pâleur, anxiété, faim) et surviennent en cas de glycémie veineuse < 0,70 g/l [3,9 mmol/l]. Les signes de neuroglucopénie (fatigue, troubles de concentration et d’élocution, céphalées, incoordination, troubles visuels, troubles du comportement, voire au maximum coma ± convulsions) surviennent en cas de glycémie veineuse < 0,54 g/l [3,0 mmol/l].
Les hypoglycémies survenant durant le sommeil peuvent passer inaperçues et se traduire par des céphalées matinales ou des difficultés au réveil.
La confirmation du diagnostic repose sur le contrôle de la glycémie capillaire
Prise en charge
Pas de trouble de conscience = resucrage oral :
*sucre rapide = 1 morceau de sucre (5 g) ou 50 ml de jus d’orange ou de pomme ou 50 ml de Cola pour 20 kg de poids;
*puis sucre lent = pain, biscuit – équivalent de 15 à 30 g de glucides; selon les circonstances (activité physique prévue dans les heures qui suivent) et le type de traitement.
Si trouble de conscience = pas de resucrage oral :
*mise en PLS;
*en 1re intention : glucagon (geste réalisable au domicile par la famille) :
–injection de glucagon IM ou SC (0,5 mg si poids ≤ 25 kg, 1 mg au-delà) ou administration de glucagon en spray nasal 3 mg à partir de 4 ans;
–puis, une fois réveillé, resucrage per os si vomissements peu importants;
*en 2e intention : bolus de glucosé IV (si glucagon non disponible et secours médicalisés) :
–chez l’enfant : G30 % 10 ml/20 kg de poids ou G10 % 30 ml/20 kg de poids;
–chez l’adolescent : sérum G30 % 20 à 30 ml;
–puis, une fois réveillé, relais par une perfusion de G10 % 1,5 litre/m2 par jour pendant 1 heure au moins (jusqu’au maintien d’une glycémie constante, d’une conscience normale et absence de signes digestifs empêchant l’alimentation ou le resucrage).
Au décours d’un épisode d’hypoglycémie sévère, l’éducation thérapeutique doit être réévaluée (autosurveillance glycémique, alimentation et adaptation des doses d’insuline).
Hypoglycémie iatrogène mineure, fréquente chez le diabétique bien équilibré → resucrage oral.
Hypoglycémie sévère (troubles de conscience) = urgence → PLS et glucagon.
Éducation thérapeutique pour reconnaissance des signes et des causes d’hypoglycémie.
Prise en charge au long cours du diabète de type 1
A Mesures thérapeutiques et nutritionnelles
1 Objectifs et éducation thérapeutique
La prise en charge de l’enfant diabétique doit être multidisciplinaire.
Objectifs principaux de l’éducation thérapeutique :
*compréhension de la maladie et de son évolution (complications);
*bonne observance du traitement de fond ainsi que son autocontrôle;
*maîtrise des modalités techniques d’injection et d’autosurveillance du traitement;
*détection des symptômes d’hypoglycémie et d’acidocétose, prise de mesures adaptées;
*planification des consultations de suivi et des dépistages (ainsi que leurs résultats).
La prise en charge a pour but de prévenir les complications à long terme, tout en évitant les hypoglycémies iatrogènes et en limitant la charge mentale liée au traitement.
L’équilibre glycémique représente le principal objectif de la prise en charge, avec un maintien de l’HbA1c < 7 %, à moduler selon les enfants et les situations particulières (ISPAD, 2018).
Objectif d’HbA1c recommandé pour l’enfant diabétique : < 7 %.
Éducation thérapeutique indispensable pour l’enfant et sa famille.
Insulinothérapie
Généralités
Elle est débutée en hospitalisation, accompagnée d’une éducation thérapeutique.
L’enfant et sa famille doivent parfaitement comprendre : les modalités d’injection, l’autosurveillance (glycémie capillaire) avec report sur un carnet dédié, les objectifs glycémiques, et les adaptations de doses (en fonction des résultats glycémiques, des apports glucidiques aux repas, de l’activité physique ou d’une situation infectieuse).
L’insulinothérapie est réalisée par voie sous-cutanée en injections pluriquotidiennes selon un schéma basal-bolus.
Schéma insulinique basal-bolus
Le schéma basal-bolus est physiologique et doit être utilisé chez tous les enfants quel que soit l’âge au diagnostic. Il peut être administré par stylo d’insuline ou par pompe à insuline.
Traitement par stylo à insuline : il consiste en l’injection d’un analogue de l’insuline d’action rapide au moment des repas associée à l’injection d’un analogue de l’insuline d’action prolongée une fois par jour. Cet analogue lent permet d’équilibrer la glycémie en regard des hormones hyperglycémiantes, indépendamment de l’alimentation.
Traitement par pompe à insuline : le réservoir de cette dernière contient uniquement un analogue de l’insuline d’action rapide. La diffusion par un cathéter en position sous-cutanée permet l’administration d’un débit de base programmé et injecté en continu sur 24 heures (remplaçant l’analogue lent) et de bolus (à effet rapide) administrés au moment des repas ou pour corriger une glycémie élevée.
Insulinothérapie SC avec autosurveillance glycémique sur un carnet.
Schéma basal bolus :
–injection d’insuline basale ou débit de base de la pompe à insuline pour équilibrer la glycémie à jeun ou à distance des repas;
–injection d’insuline rapide ou bolus à la pompe à insuline pour équilibrer les glycémies lors des repas ou corriger une hyperglycémie.
Autosurveillance glycémique
L’autosurveillance glycémique est indispensable au bon équilibre métabolique de la maladie.
Elle sera assurée chez tous les enfants par la mesure pluriquotidienne de la glycémie capillaire ou par la mesure intermittente ou en continu du glucose interstitiel (capteurs de glycémie).
Elle sera réalisée systématiquement : au réveil, avant tous les repas ou prise de collation, au coucher en début de nuit, avant et pendant toute activité physique et en cas d’hypoglycémie (à l’apparition des signes pour confirmer le diagnostic et éventuellement au décours de celle-ci pour s’assurer de l’effet du resucrage adéquat). Elle sera aussi réalisée régulièrement après les repas pour évaluer la glycémie en postprandial. En cas de maladie intercurrente, cette surveillance sera renforcée.
Il sera recommandé au patient et à sa famille d’utiliser une méthode d’enregistrement de sa glycémie (carnet, application) pour une analyse rétrospective.
Objectifs glycémiques :
*à jeun et avant les repas : 0,70–1,30 g/l [3,9–7,0 mmol/l];
*en postprandial : 0,90–1,80 g/l [5,0–10 mmol/l].
4 Règles hygiéno-diététiques
Il n’y a pas de « régime alimentaire » : l’enfant doit avoir une alimentation équilibrée comme celle souhaitée pour tous les enfants. Les glucides représentent 50 % des apports caloriques totaux (ACT), dont saccharose < 10 % des ACT. Les sucres rapides et les boissons sucrées doivent être limités et, le cas échéant, intégrés lors d’une prise alimentaire programmée. Les lipides représentent 30 % des ACT et les protides 20 %.
Les recommandations seront personnalisées et adaptées à l’âge, au poids, au niveau d’activité physique de l’enfant et aux particularités alimentaires de la famille. La prise en charge doit permettre une croissance staturo-pondérale normale, limiter les hyperglycémies postprandiales précoces et les hypoglycémies postprandiales tardives.
L’activité physique doit être encouragée, sans restriction (à l’exception des sports au cours desquels une hypoglycémie représente un risque vital). Elle nécessite une adaptation thérapeutique (diminution des doses d’insuline et/ou augmentation des apports alimentaires).
La prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire est une priorité : sevrage taba-gique (pour l’adolescent), lutte contre l’obésité, contrôle lipidique et de l’HTA.
Alimentation équilibrée et personnalisée. Pas de grignotage.
Activité physique.
Autres mesures associées
Un soutien psychologique est nécessaire.
Le diabète est une maladie chronique susceptible d’entraîner des répercussions psychologiques chez l’enfant et son entourage proche. L’adolescence peut être une période difficile, avec opposition aux parents et au corps médical et rejet de la maladie mais aussi l’acquisition d’une autonomisation. L’éducation thérapeutique par groupes d’âges est alors intéressante.
Autres mesures : prise en charge à 100 %, au titre d’ALD, mise en place d’un PAI (projet d’accueil individualisé), contact avec des associations de patients (aide aux jeunes diabétiques AJD).
Mesures associées : soutien psychologique, prise en charge à 100 %, PAI, associations.
B Surveillance et dépistage des complications
1 Surveillance
*Suivi trimestriel en consultation avec une équipe de pédiatrie multidisciplinaire.
*Suivi de l’autosurveillance glycémique.
*Suivi de la compliance au traitement notamment à l’adolescence.
*Suivi de la croissance staturo-pondérale et du développement pubertaire.
*Suivi de l’équilibre alimentaire réévalué régulièrement par un diététicien.
*Recherche des zones de lipodystrophie aux points d’injections.
*Éducation thérapeutique régulière adaptée au développement de l’enfant et à ses besoins.
*Mesure de l’HbA1c (tous les 3 mois).
*Recherche de maladies auto-immunes associées une fois par an : TSH ± auto-immunité antithyroïdienne, anticorps de la maladie cœliaque si HLA-compatible.
2 Dépistage des complications
*Dépistage des complications chroniques après l’âge de 11 ans ou le début de la puberté (si démarrage pubertaire avant 11 ans) et si le diabète évolue depuis au moins 5 ans :
–rénales : microalbuminurie, mesure de la pression artérielle, créatinémie;
–oculaires : rétinographie ou fond d’œil, angiographie à la fluorescéine (si fond d’œil anormal); signes de rétinopathie diabétique identiques à ceux de l’adulte;
–neurologiques : examen physique complet, neurofilament (recherche d’une neuropathie).
*Surveillance tous les 3 ans du bilan lipidique à partir de l’âge de 9–11 ans (les complications macroangiopathiques ne se rencontrent qu’à l’âge adulte).
Suivi multidisciplinaire : clinique, HbA1c, bilan annuel des complications chroniques.
Particularités du diagnostic et du traitement du diabète de type 2 de l’enfant
A Diagnostic
1 Présentation clinique
A Facteurs de risque :
*obésité ou surpoids;
*antécédents familiaux de diabète de type 2;
*manifestations d’insulinorésistance : acanthosis nigricans, signes d’hyperandrogénie d’origine ovarienne (syndrome des ovaires polykystiques);
*puberté en cours ou achevée;
*groupe ethnique à risque (Afrique du Nord et subsaharienne, Asie, Hispaniques aux États-Unis).
Manifestations cliniques (souvent plus pauvres que pour le type 1, tableau 7.1) :
Tableau 7.1
A Caractéristiques du diabète de type 1 et de type 2 chez l’enfant et l’adolescent.
Type 1 Type 2
Antécédents familiaux de diabète de type 2 Possible Fréquents Si transmission dominante, penser aux diabètes MODY
Syndrome cardinal Oui Oui
Acidocétose Oui Possible
Diagnostic sur bilan systématique Rarement Souvent
Âge de début Tous âges Pendant ou après la puberté
Poids Variable Obèse
Acanthosis nigricans Non Fréquent
Mycose vaginale Rare Fréquente
Dyslipidémie et hypertension Rares Fréquentes
Autoanticorps Positifs Négatifs
Traitement Insuline Metformine Agoniste du GPL-1 Insuline
*syndrome cardinal (perte de poids ou inflexion dans la courbe d’IMC);
*découverte fortuite (glycémie ou glycosurie devant des facteurs de risque);
*infection, mycose vaginale;
*acidocétose possible au diagnostic.
2 Critères diagnostiques
Les définitions conventionnelles du diabète de type 2 sont les mêmes que pour le diabète de type 1, avec des glycémies souvent plus proches des seuils.
Une HbA1c ≥ 6,5 % est considérée comme un critère diagnostique de diabète de type 2.
La présence d’autoanticorps dirigés contre GAD, IA2, insuline (uniquement moins de 1 semaine après le traitement par insuline) ou ZnT8 élimine en pratique un diabète de type 2.
Il existe d’autres types de diabète, en particulier MODY (Maturity Onset Diabètes of the Young), de transmission autosomique dominante (nombreux sous-types, chacun avec ses spécificités).
B Prise en charge et suivi
Les objectifs thérapeutiques et la surveillance sont proches de ceux du diabète de type 1, avec néanmoins un risque accru de complications du fait des comorbidités.
Traitements médicamenteux :
*trois molécules ont l’AMM dans le diabète de type 2 de l’enfant : metformine, liraglutide, insuline;
*indications de l’insulinothérapie au diagnostic puis lors du suivi : présence d’une cétose (a fortiori acidocétose) ou HbA1c > 8,5 %.
Autres mesures de prise en charge :
*règles hygiéno-diététiques avec limitation des apports en saccharose et en graisses, des aliments industriels;
*lutte contre la sédentarité, encouragement de l’activité physique;
*dépistage et prise en charge des autres facteurs de risque cardiovasculaire et en particulier lutte contre le tabagisme.
Avant de commencer…
Un malaise, des troubles neurologiques (convulsions, hallucinations…) ou des signes adrénergiques aigus (pâleur, palpitations) peuvent conduire à suspecter le diagnostic d’hypoglycémie.
Les hypoglycémies en pédiatrie sont le plus souvent bénignes et banales, en particulier chez les enfants recevant certains traitements antidiabétiques.
Une enquête étiologique anamnestique doit être systématiquement réalisée, éventuellement complétée par des examens complémentaires. En effet, une hypoglycémie peut constituer le premier signe d’une pathologie rare et grave : une insuffisance surrénalienne ou un déficit de la β-oxydation des acides gras chez l’enfant, maladies pouvant parfois mettre en jeu dans l’urgence le pronostic vital ou neurologique.
Les causes d’hypoglycémies sont extrêmement variées et diffèrent selon l’âge : médicamenteuses, endocriniennes, génétiques (maladies héréditaires du métabolisme), toxiques, infectieuses, paranéoplasiques, auto-immunes et fonctionnelles. Des données simples anamnestiques (jeûne court/long, contexte), cliniques (hépatomégalie, défaillance d’organe associée), biologiques (glycémie, lactacidémie, cétonurie, hormonologie, acylcarnitines) permettent de conduire à un diagnostic dans la majorité des cas.
Pour bien comprendre
A Généralités
L’hypoglycémie se définit par un chiffre de glycémie < 0,50 g/l [2,8 mmol/l] au diagnostic. Classiquement, la définition de l’hypoglycémie comprend la présence de symptômes cliniques associés à la glycémie basse, mais ce n’est pas toujours le cas.
La démarche étiologique diffère selon l’âge.
Chez l’enfant, l’hypoglycémie fonctionnelle prédomine par sa fréquence mais doit rester un diagnostic d’élimination. Les maladies génétiques ou hormonales sont possibles et potentiellement sévères.
Chez l’adulte, les causes les plus habituelles sont les toxiques (alcool, médicaments), les déficits hormonaux; mais il faut évoquer aussi l’insulinome et les causes auto-immunes.
Dans trois situations particulières bien identifiées, le seuil d’hypoglycémie est différent et correspond à un objectif thérapeutique :
*< 0,70 g/l [3,9 mmol/l] chez le diabétique;
*< 0,60 g/l [3,3 mmol/l] chez le sujet ayant une maladie chronique hypoglycémiante déjà diagnostiquée (hyperinsulinisme congénital, glycogénoses…) et chez le nouveau-né ayant une hypoglycémie symptomatique;
*< 0,40 g/l [2,2 mmol/l] chez le nouveau-né ayant une hypoglycémie asymptomatique avant 48 heures de vie.
B Rappels de physiopathologie
Rappels de physiopathologie
L’homéostasie glycémique se définit par un équilibre entre :
*des facteurs hyperglycémiants : les apports alimentaires, les hormones hyperglycémiantes (GH, glucagon, cortisol, catécholamines), le degré de résistance périphérique à l’insuline, l’efficacité des mécanismes hépatiques de production du glucose (glycogénolyse et néoglucogenèse);
*des facteurs hypoglycémiants : l’insuline, la consommation tissulaire en glucose (cerveau et reins avant tout).
Toute cause de dysfonctionnement de cet équilibre peut conduire à une hypoglycémie, qui est toujours pathologique.
Hypoglycémie (hors situations particulières) : glycémie < 0,50 g/l [2,8 mmol/l].
Diagnostiquer une hypoglycémie et planifier la prise en charge
A Identifier une hypoglycémie
Une hypoglycémie peut se manifester par deux types de symptômes :
*des signes adrénergiques :
–pâleur, hypothermie, sueurs et tachycardie, parfois tremblements;
–ce sont les premiers signes à apparaître, ils reflètent une augmentation de la sécrétion de catécholamines en réponse à l’hypoglycémie; chez un patient qui présente des hypoglycémies plusieurs fois par jour, ces symptômes n’apparaissent plus;
*des signes neuroglucopéniques :
–fringale, signes neurologiques variés tels que convulsions, hallucinations, troubles de l’élocution, troubles visuels, troubles de la concentration, signes pyramidaux, dysesthé-sie, fatigue inhabituelle, malaise, somnolence, coma, hypothermie;
–ils surviennent pour des glycémies plus basses et signent un déficit de substrat énergétique dans le SNC.
La classique triade de Whipple permet d’affirmer que les symptômes cliniques du patient étaient en rapport avec l’hypoglycémie; elle associe :
*des signes neuroglucopéniques;
*au moment d’une hypoglycémie;
*avec correction de ces signes cliniques après normalisation de la glycémie.
B Mesures urgentes
Un coma hypoglycémique est une urgence thérapeutique. Devant un coma d’apparition aiguë, aucun symptôme n’est spécifique de l’hypoglycémie : elle doit donc être recherchée de manière systématique, de même que sa cause (hypoglycémie par cause médicamenteuse ? infectieuse ?, etc.).
Le coma ou les convulsions liées à une hypoglycémie traduisent en effet une souffrance cérébrale. En cas d’hypoglycémie profonde durable, en particulier si l’hypoglycémie est sans cétose, et notamment en période néonatale, le risque de séquelles cérébrales est élevé. Le patient doit donc recevoir immédiatement un traitement visant à normaliser sa glycémie.
Patient inconscient :
*bolus de glucosé IV (à répéter toutes les 5 minutes jusqu’à normalisation de la glycémie) :
–chez le nouveau-né et le nourrisson : sérum G10 % 2 ml/kg;
–chez l’enfant : sérum G30 % 10 ml/20 kg de poids ou G10 % 30 ml/20 kg de poids;
–chez l’adolescent et l’adulte : sérum G30 % 20 à 30 ml;
*glucagon à envisager si voie d’abord impossible, patient en PLS :
–voie IM ou SC, forme par voie nasale disponible à partir de 4 ans;
–attention : efficace uniquement si la cause est liée à l’insuline (hyperinsulinisme congénital, diabète connu) mesure de 1re intention au domicile par la famille; contre-indiqué dans les situations d’hypoglycémie de jeune long de cause inconnue;
*bilan sanguin après resucrage, mais au plus près de l’hypoglycémie (identique au prélèvement percritique, sauf qu’insuline et peptide C ne seront pas interprétables).
Patient conscient :
*bilan sanguin percritique (voir infra) avant resucrage;
*glucose par voie orale (et/ou IV) :
–chez le nouveau-né et le nourrisson : sérum G10 % 2 ml/kg;
–chez l’enfant : sucre 5 g/20 kg de poids;
–chez l’adolescent (et adulte) : 15 g de sucre.
1 sucre en morceau = 5 g de sucre = 50 ml de jus d’orange ou de pomme = 50 ml de Cola = 50 ml de sérum glucosé G10 %.
Après normalisation de la glycémie par le resucrage, il est indispensable d’assurer des apports en glucides pour éviter une récidive immédiate d’hypoglycémie. Selon l’état du patient, il faut proposer : une collation comprenant un sucre lent, ou une perfusion de sérum glucosé à 10 %, en relais du resucrage aigu.
Une glycémie capillaire doit être pratiquée en urgence devant tout signe évocateur d’hypoglycémie, et plus généralement, devant tout trouble neurologique brutal et inexpliqué, notamment en cas de convulsion non fébrile chez l’enfant.
La correction d’une hypoglycémie constitue une urgence thérapeutique.
L’enquête paraclinique doit être faite au plus proche de l’hypoglycémie, idéalement avant resucrage sauf si urgence vitale ou enfant inconscient.
Enquête étiologique
1 Enquête clinique minutieuse
Les circonstances de survenue de l’hypoglycémie doivent être recueillies :
*âge du patient (nouveau-né, enfant, adulte);
*caractéristiques de l’hypoglycémie : au jeûne court ou long, épisode unique ou récidive, symptômes d’hypoglycémie et symptômes concomitants, sévérité des symptômes;
*antécédents particuliers : chirurgie œsogastroduodénale, traitement médicamenteux, maladie chronique à risque d’hypoglycémie…
L’anamnèse doit écarter les situations pathologiques sévères conduisant de manière non spécifique à une hypoglycémie, résultant :
*d’une carence en glycogène ou en substrat pour la néoglucogenèse : dénutrition sévère, insuffisance hépatique profonde aiguë ou chronique, jeûne très prolongé chez un enfant;
*d’une augmentation de la consommation de glucose par les tissus, ou une augmentation de leur sensibilité à l’insuline : certaines tumeurs, sepsis sévère, certaines causes médicamenteuses;
*d’une fuite urinaire de glucose : tubulopathie;
*ou encore d’une intoxication alcoolique ou la prise de médicaments hypoglycémiants (par exemple, insuline, sulfamides, glinides, quinine, bêtabloquants).
L’examen clinique doit être complet, au premier rang duquel un examen neurologique rigoureux incluant la mesure du périmètre crânien ainsi que la recherche d’une hépatomégalie (parfois molle et très volumineuse comme dans les glycogénoses, donc difficile à mettre en évidence).
Si les hypoglycémies sont une situation banale et bénigne le plus souvent, l’objectif de l’enquête étiologique est de dépister les situations particulières où l’hypoglycémie serait le symptôme d’appel d’une pathologie aiguë ou chronique sévère.
Chez l’enfant âgé de moins de 10 ans, le diagnostic d’hypoglycémie fonctionnelle (= « hypoglycémie hypercétotique idiopathique de l’enfant ») est fréquent, bénin, et n’est évoqué que pour des jeûnes très prolongés. Cependant, ce diagnostic ne peut être posé que par exclusion des autres causes.
L’hypoglycémie fonctionnelle associe :
*jeûne très prolongé;
*hypoglycémie peu profonde (> 0,40 g/l);
*hypoglycémie peu symptomatique;
*forte cétose;
*caractère non récurrent (ou très rarement);
*en l’absence d’élément suspect de maladie sous-jacente.
Certaines hypoglycémies ont des caractéristiques qui les rendent suspectes d’être le signe d’appel d’une maladie sous-jacente. Les hypoglycémies suspectes nécessitent d’être explorées et justifient un avis spécialisé.
Ces hypoglycémies sont considérées comme suspectes quand elles sont :
*inattendues : hypoglycémies pour un jeûne court ou pas assez long pour l’âge (< 6 heures à la naissance, < 12 heures entre 1 et 5 ans, < 24 heures entre 5 et 10 ans; après 10 ans, il ne devrait plus y avoir d’hypoglycémie de jeûne);
*ou récurrentes ;
*ou inappropriées : hypoglycémies très symptomatiques ou très profondes; insuffisance voire absence de cétose ;
*ou accompagnées de signes associés : hépatomégalie, défaillance d’organe aiguë ou chronique, acidose sévère avec pH < 7,10, mélanodermie, croissance pondérale ou staturale anormale, malformation (pouvant orienter vers un syndrome génétique chez un enfant)…
Enfin, l’hypoglycémie peut survenir chez un patient connu pour être porteur d’une maladie hypoglycémiante ou recevant un traitement hypoglycémiant, auquel cas la cause de l’hypoglycémie est d’emblée connue :
*maladie acquise : insuffisance hépatocellulaire, septicémie, diabète traité…;
*maladie génétique : glycogénose, hyperinsulinisme congénital…;
*traitement hypoglycémiant; insuline dans le diabète de type 1 ou de type 2, analogues du GLP-1 ou metformine dans le diabète de type 2 de l’adolescent.
2 Enquête paraclinique
Bilan de première intention
Toute hypoglycémie doit être authentifiée par une glycémie veineuse, cette confirmation ne devant pas retarder la prise en charge thérapeutique.
L’enquête paraclinique est systématique en cas d’hypoglycémie suspecte, et prélevée avant resucrage. En cas de situation d’urgence vitale et/ou de patient inconscient, l’urgence est de traiter l’hypoglycémie.
Si le bilan percritique n’a pas été réalisé, deux pathologies doivent être tout de même systématiquement écartées au décours de l’épisode d’hypoglycémie (en raison du risque de séquelle en l’absence de traitement) par :
*dosage le matin à jeun de la cortisolémie et de l’ACTH plasmatique : insuffisance surrénale;
*dosage du profil des acylcarnitines plasmatiques : déficits de la β-oxydation des acides gras.
Patient inconscient = bilan sanguin au plus près de l’hypoglycémie :
*identique au prélèvement percritique précité;
*attention : insuline et peptide C ne seront pas interprétables (ils ne le sont qu’en situation d’hypoglycémie).
Bilan de deuxième intention
Les hypoglycémies suspectes de maladies sous-jacentes nécessitent de garder l’enfant en hospitalisation pour poursuivre des explorations adaptées à l’histoire clinique et aux résultats du bilan percritique, en lien avec un service spécialisé.
3 Orientation diagnostique (fig. 8.1)
L’enquête clinique permet souvent d’avoir une orientation diagnostique éclairée.Souvent, la cause de l’hypoglycémie sera évidente par l’anamnèse et le contexte : cause médicamenteuse (diabètes traités par insuline ou antidiabétiques oraux, par exemple), diabète gestationnel mal équilibré pour un nouveau-né, dénutrition, septicémie…
Cependant, des situations pathologiques sévères conduisant de manière non spécifique à une hypoglycémie doivent être identifiées (voir supra). Une défaillance multiviscérale oriente vers une insuffisance surrénale ou un déficit de la β-oxydation des acides gras.
Hypoglycémies au jeûne court
Les hypoglycémies au jeûne court ou à l’état nourri doivent particulièrement évoquer un mécanisme lié à l’insuline (forme génétique d’hyperinsulinisme ou fonctionnelle après chirurgie œsogastrique ou duodénale, ou un insulinome) ou bien une glycogénose, ou une intoxication alcoolique ou médicamenteuse, ou un panhypopituitarisme avec déficit en GH et cortisol chez un nouveau-né ou un nourrisson – chez les enfants plus âgés, le panhypopituitarisme provoque des hypoglycémies de jeûne long.
Une réponse exagérée au test au glucagon (augmentation de glycémie > 0,30 g/l dans les 30 minutes après l’injection de glucagon en hypoglycémie) oriente principalement vers un mécanisme d’hypoglycémie impliquant l’insuline. Une réponse négative au test au glucagon oriente vers une glycogénose.
Le diagnostic peut également être orienté par la quantité de glucose nécessaire pour corriger l’hypoglycémie : si la correction de l’hypoglycémie nécessite des apports supraphysiologiques en glucose, le mécanisme en cause implique obligatoirement un hyperinsulinisme.
Hypoglycémie au jeûne long
Les hypoglycémies au jeûne long chez l’enfant peuvent révéler un déficit hormonal, un défaut de la néoglucogenèse ou un déficit de la β-oxydation des acides gras.
Une cétose doit toujours être recherchée : l’absence de cétose au jeûne long est anormale et oriente vers un déficit de la β-oxydation des acides gras (habituellement tableau aigu avec myolyse et/ou insuffisance hépatique chez un enfant).
Éléments d’orientation : jeûne court/long, défaillance d’organe associée, hépatomégalie, cétose. Connaître les caractéristiques d’hypoglycémie fonctionnelle et d’hypoglycémie suspecte.
Avant de commencer…
La mort inattendue du nourrisson (MIN) est définie comme une mort survenant brutalement chez un nourrisson, alors que rien dans ses antécédents connus ne pouvait la laisser prévoir.
Ce chapitre illustre les connaissances exigibles pour tout étudiant ou médecin concernant l’épidémiologie, les facteurs de risque et la prévention de la MIN.
Les mesures médicales spécifiques de prise en charge intègrent en particulier les mesures d’accompagnement des familles, face à l’annonce de la mort inattendue et brutale de leur enfant.
Mort inattendue du nourrisson : que connaître ?
A Définitions
Le terme de « mort inattendue du nourrisson » (MIN) est celui actuellement retenu par la HAS – équivalent du terme anglo-saxon Sudden Unexpected Death in Infancy (SUDI).
La MIN est définie comme une mort survenant brutalement chez un enfant âgé de moins de 2 ans, alors que rien dans ses antécédents connus ne pouvait la laisser prévoir.
Certains cas de MIN peuvent être expliqués par une pathologie précise (médicale, chirurgicale ou traumatique) directement responsable du décès.
Lorsqu’aucune cause directe n’a pu être identifiée, malgré des investigations exhaustives incluant l’enquête sur les lieux du décès, le recueil des données anamnestiques, l’examen physique, des examens paracliniques et l’autopsie, on parle de syndrome de « mort subite du nourrisson » (MSN), équivalent du terme anglo-saxon Sudden Infant Death Syndrome (SIDS). C’est un diagnostic d’exclusion nécessitant un bilan très complet. Pour les nourrissons âgés de moins de 1 an, le syndrome MSN représente environ 40 % des cas de MIN.
Si les investigations post mortem sont incomplètes, on parlera d’une MIN de cause indéterminée.
B Épidémiologie
Le syndrome MSN est reconnu comme une cause médicale de décès avec un code de Classification internationale des maladies pour les enfants âgés de moins de 1 an, qui permet de suivre l’épidémiologie au niveau national et international. Il n’y a pas de code pour la MIN, qui est une circonstance de décès avec de multiples étiologies.
La MIN représente 350 à 400 décès par an en France pour les nourrissons de moins de 1 an et environ dix fois moins pour les nourrissons entre 1 et 2 ans.
Le syndrome MSN concerne 0,2 à 0,3 ‰ naissances vivantes, soit 150 décès par an en France (environ 6 % de la mortalité infantile).
Il s’agit typiquement d’un nourrisson âgé de 2 à 4 mois, retrouvé mort dans son sommeil.
Certains facteurs épidémiologiques ont pu être identifiés (tableau 9.1).
Tableau 9.1
Facteurs de risque de syndrome MSN.
Antécédents personnels
–Prématurité, RCIU
–Tabagisme anténatal
–Sexe masculin
Période la plus à risque
–Âge < 6 mois
–Hiver
Circonstances et environnement
–Couchage en décubitus ventral
–Enfouissement du visage dans un élément de literie
–Positionnement avec hyperflexion cervicale
–Tabagisme parental
–Lieu surchauffé, enfant trop couvert
–Co-sleeping (enfant partageant le lit des parents)
–Nourrisson isolé seul dans une chambre
Contexte social
–Mère jeune, grossesse non suivie
–Milieu défavorisé
C Aspects étiologiques
Les causes de MIN sont nombreuses (tableau 9.2).
Tableau 9.2
Causes de MIN.
Les plus fréquentes
–Accident de literie
–Infections respiratoires apnéisantes (VRS, coqueluche, rhinovirus…)
–Infections virales graves (myocardites, méningites, encéphalites)
–Infections bactériennes foudroyantes (SGB, méningocoque, pneumocoque)
–Déshydratation aiguë
–Inhalation de corps étranger, strangulation, intoxication
–Maltraitance
Exceptionnelles
–Troubles du rythme cardiaque
–Malformations méconnues (cardiaques, digestives)
–Maladies métaboliques héréditaires
–Syndrome d’Ondine
Le syndrome MSN est multifactoriel.
Une infection virale bénigne (en particulier des VAS) est souvent retrouvée de façon concomitante, sans lésions pouvant expliquer à elles seules le décès. Il s’agit probablement du facteur déclenchant de l’accident, avec une cascade de réactions entraînant un dérèglement du système nerveux autonome, le nourrisson ne parvenant pas à se réveiller pour dégager ses voies aériennes ou sortir d’une situation modérément asphyxique.
Mesures préventives de la MIN et du syndrome MSN
Certains décès dans des circonstances de type MIN sont peu accessibles à la prévention (malformation non opérable, infection grave sans vaccination préventive existante, maladie métabolique sans traitement connu, etc.).
Dans les MIN d’origine accidentelle et dans le syndrome MSN, les possibilités de prévention sont importantes. Les campagnes de prévention autour du couchage ont fait baisser les décès par MSN de 75 % entre 1991 et 2005, diminution qui s’est poursuivie de façon régulière.
Facteurs de protection (rappelés dans le carnet de santé) :
*coucher l’enfant en décubitus dorsal;
*utiliser un lit avec un matelas ferme, à plat, sans oreiller, ni couette, ni couverture qui puissent recouvrir le visage du nourrisson (la literie la plus recommandée est un lit à barreaux sans tour de lit; le matelas ne doit être recouvert que d’un drap-housse; le lit doit être vide; si un lit parapluie est utilisé de façon occasionnelle, ne pas ajouter de matelas supplémentaire; les lits à parois pleines ne sont pas recommandés);
*installer le lit du nourrisson dans la même pièce que les parents pour les 6 premiers mois;
*ne pas coucher l’enfant dans le lit parental;
*ne pas surcouvrir l’enfant (les vêtements susceptibles de tenir chaud à l’enfant doivent être attachés à lui et le suivre dans ses mouvements : turbulette ou gigoteuse);
*ne pas utiliser de cale-bébé, cale-tête, boudins de positionnement, cocoon, réducteurs de lit;
*maintenir la température de la chambre à 18–20 °C;
*proscrire le tabagisme familial;
*encourager l’allaitement maternel;
*proposer à l’enfant une tétine lors de l’endormissement.
Les conditions de couchage recommandées pour la prévention des MIN permettent également de diminuer les risques de survenue d’une plagiocéphalie positionnelle (matelas ferme à plat, liberté de mouvement au niveau du tronc et de la tête au sommeil comme à l’éveil, champ visuel large).
Syndrome MSN (modèle du triple risque) : décès d’un enfant vulnérable placé dans un environnement de sommeil à risque au cours d’une période critique de son développement.
Mesures préventives : position de couchage en décubitus dorsal, qualité de la literie, partage de la chambre, pas de partage du lit avec une autre personne, température de la chambre à 18–20 °C, environnement sans tabac, allaitement maternel.
Prise en charge médicale en centre de référence
C Tous les cas de MIN doivent être explorés pour rechercher la cause du décès. Il est recommandé que ces explorations soient réalisées dans un centre de référence MIN.
La prise en charge au centre de référence MIN comprend :
*l’accueil des parents pour le recueil des informations, l’explication des investigations avec le recueil du consentement pour autopsie et génétique ainsi que la proposition de suivi;
*les investigations médicales à la recherche d’une étiologie, avec examens cliniques et paracliniques (biologiques, d’imagerie);
*la proposition systématique d’une autopsie par un anatomopathologiste spécialisé; un accord écrit doit être obtenu auprès des parents.
La mise en évidence de la cause précise du décès du nourrisson est un point de départ important pour un travail de deuil, mais aussi une des conditions permettant une prise en charge adaptée et objective de tout nouvel enfant du couple.
Avant de commencer…
« La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits. Elle comprend des actions de prévention en faveur de l’enfant et de ses parents, l’organisation du repérage et du traitement des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant ainsi que les décisions administratives et judiciaires prises pour sa protection. » (art. L. 112-3 du Code de l’action sociale et des familles; loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant). Les maltraitances bénéficient d’une définition récente depuis la loi 2022-140 du 7 février 2022 qui a été insérée dans le Code d’action sociale et des familles.
Les situations de mineurs en danger sont fréquentes dans la pratique pédiatrique puisqu’elles concerneraient plus d’un enfant sur 10. Il s’agit de situations difficiles à prendre en charge tant les résonances individuelles et collectives sont fortes. Elles justifient d’être repérées par les praticiens de premier recours puis prises en charge par les unités d’accueil pédiatriques enfant en danger (UAPED) d’aval qui travaillent en lien avec l’autorité judiciaire et les services de protection de l’enfant (protection administrative) dépendant de chaque conseil départemental.
Il est important pour le praticien de ne pas rester seul et de les traiter avec la même rigueur sémiologique que celle qui est de mise pour toutes les pathologies organiques. Les situations de maltraitance peuvent s’associer. Il convient de toujours évoquer la possibilité de plusieurs types de violences associées, par exemple des violences physiques ou psychologiques associées à des violences sexuelles.
Pour bien comprendre
A Définitions
La maltraitance se définit comme toutes situations de violences physiques, sexuelles, psychologiques, toutes négligences lourdes ayant des conséquences graves sur la santé de l’enfant et sur son développement physique et psychologique. Elles sont souvent intriquées.
*Actes par « commission » :
–violences physiques : coups, claques, corrections…;
–violences sexuelles : toute participation d’un enfant à des activités sexuelles, inappropriées à son âge et à son développement psychosexuel, qu’il subit sous la contrainte ou par la violence ou encore la séduction, ou qui transgressent les tabous sociaux;
–violences psychologiques : dénigrement, humiliation, injonction paradoxale, rejet affectif, punition ou exigence éducative inadaptées à l’âge de l’enfant ou à ses possibilités;
–violences conjugales ;
–cyberviolences : nouvelles formes de violences reliées aux nouvelles technologies telles que l’exposition aux images violentes ou pornographiques, le sexting (envoi-réception de message ou image à connotation sexuelle), l’happy slapping (enregistrement et diffusion d’agression de toutes natures) et le cyberharcèlement;
–violences institutionnelles : violences subies hors de la famille en milieu collectif dans les institutions accueillant des enfants.
*Actes par « omission » :
–négligences : il s’agit d’une absence de réponse aux besoins fondamentaux de l’enfant (sécurité, santé, hygiène, scolarité, mise en collectivité…).
On regroupe sous le terme d’enfants en risque des enfants qui ne sont pas à proprement dit maltraités, mais dont les conditions d’existence risquent de mettre en danger leur santé, leur sécurité, leur moralité, leur éducation ou la qualité des réponses à leurs besoins quotidiens.
Les situations décrites ci-dessus grèvent de façon importante l’état de santé des enfants concernés. Elles exposent à la survenue possible de complications graves à l’âge adulte, la maltraitance faisant partie des événements graves de l’enfance (Adverse Chidhood Evénements, ACE). En particulier, elles sont corrélées à l’augmentation de maladies graves et chroniques de l’adulte : désordres psychiques (addictions, maladie psychiatrique, dépressions, anxiété…), génésiques (IST, grossesses précoces, prématurité…) et somatiques (pathologies traumato-logiques, maladies chroniques cardiovasculaires, cancer…).
Épidémiologie
L’épidémiologie française de la maltraitance aux enfants est imprécise, fondée sur des évaluations anciennes. La difficulté vient de l’absence d’homogénéité des données statistiques. Un travail est en cours sur ce sujet sous l’égide de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) et du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE).
Au 31 décembre 2020, le nombre de mineurs sur la France (hors Mayotte) bénéficiant d’au moins une prestation ou mesure relevant du dispositif de protection de l’enfance est estimé à 308 000 (21,4 pour 1 000 mineurs). En 2020, 49 enfants sont décédés dans le cadre intrafa-milial. Des études internationales, plus précises, ont montré que suivant les pays étudiés, 11 à 15 % des enfants auraient subi des actes de maltraitance dans l’année précédente.
Les situations de danger concernent donc plus d’un enfant sur 10.
L’exposition à ces situations peut avoir des conséquences sur la santé physique et psychique, tout au long de la vie.
Les situations de danger sont difficiles à repérer car elles se heurtent à la sidération et au déni des professionnels. C’est la raison pour laquelle le praticien ne doit pas rester isolé mais qu’il puisse s’appuyer sur le conseil départemental et sur des structures hospitalières spécialisées telles que les UAPED.
II Repérer une situation de maltraitance
A Enquête clinique
1 Circonstances diagnostiques
Il existe schématiquement trois situations cliniques :
*l’enfant est accompagné par un parent ou un tiers car sa situation a conduit à ce que le diagnostic de violences, de négligences ou de danger soit suspecté par l’entourage;
*qu’elle soit ou non le motif de la consultation, la présentation clinique (lésions cutanées et/ou muqueuses, tableaux neurologiques, détresse psychique, IST…) doit faire poser la question des violences ou des négligences graves à l’origine de ces constatations;
*l’enfant a révélé des violences qui sont le motif de la consultation.
Il est alors essentiel de considérer trois axes forts de réponse :
*cet enfant nécessite-t-il des soins (antalgiques, bilan paraclinique, accompagnements…) ? Si oui, lesquels et avec quel degré d’urgence ?
*il est essentiel de consigner dans le dossier médical ce qui a été constaté dans la perspective d’une procédure administrative ou judiciaire ultérieure : les circonstances de la consultation (présence de tiers, propos spontanés ou après avoir été questionné), l’ensemble des données cliniques (lésions élémentaires, forme, taille, couleur, localisation…) et la présentation générale de l’enfant (cotation de la douleur, présentation, hygiène, rapport à l’examinateur, développement psychoaffectif…);
*la protection de ce mineur est-elle assurée dans les circonstances de la consultation ? L’hospitalisation devra être facilement envisagée si la protection n’est pas assurée de manière certaine. En outre, elle permettra d’accueillir et de préserver la parole de l’enfant et de consolider le diagnostic. Des mesures de protection urgentes peuvent être prises par voie judiciaire le cas échéant.
Données anamnestiques
Leur recueil doit être assuré de manière rigoureuse et non interprétative. Le carnet de santé est un outil indispensable et permet d’évaluer :
*la situation périnatale;
*la qualité du suivi médical;
*le développement psychoaffectif;
*la situation vaccinale;
*la croissance staturo-pondérale;
*l’existence d’un handicap ou d’une maladie chronique.
Dans ces situations, l’histoire familiale et les antécédents familiaux sont importants à colliger ainsi que les conditions de la grossesse, la naissance et les premiers mois ou années de vie (selon l’âge de l’enfant).
Données anamnestiques d’attention :
*la question du caractère plausible de ce qui est rapporté au regard des lésions constatées doit à chaque fois se poser au clinicien;
*le délai entre la date d’apparition des lésions et la consultation est un indicateur important de la prise en compte de la situation de l’enfant;
*la mise en cause d’un tiers, a fortiori quand il s’agit d’un jeune enfant ou d’un animal domestique, doit attirer l’attention de l’examinateur;
*la cotation de la douleur depuis l’apparition des faits qui motivent la consultation doit être notée dans le dossier.
Il existe aussi des facteurs de risque qui peuvent être retenus (tableau 10.1). Certains sont familiaux, d’autres sont propres à l’enfant. Ils doivent être recueillis scrupuleusement mais ne constituent pas pour autant, à eux seuls, des facteurs prédictifs de survenue de violences.
Tableau 10.1
Facteurs de risque de survenue de maltraitance.
Facteurs de risque familiaux
–Grossesse précoce, non déclarée, non désirée
–Addictions (drogues, alcool, écrans…)
–Pathologie psychiatrique parentale
–Maltraitances subies pendant l’enfance chez les parents et situation de danger connue dans la fratrie
–Deuil
–Difficultés économiques, exiguïté des logements
–Violences conjugales
–Inoccupation
–Isolement familial, social, psychologique
–Antécédent de MIN
Facteurs de risque propres à l’enfant
–Prématurité et séparation néonatale
–Handicap physique et maladie chronique
–Maladie psychiatrique et trouble du comportement
3 Données cliniques
Examen physique complet et soigneux
Il devra être expliqué à l’enfant et à l’adolescent et le plus souvent possible pratiqué en présence d’un tiers (collègue soignant). Le refus d’examen de certaines zones devra être respecté même lorsque la demande d’examen émane de l’autorité judiciaire.
Le comportement de l’enfant sera observé au cours de l’entretien et des échanges initiaux (niveau de langage, attention, proximité avec l’interlocuteur, gestuelle…).
Données de l’examen général :
*présentation, hygiène, aspect de dénutrition ou de surcharge pondérale, mobilité générale;
*poids, taille et périmètre crânien avec reconstitution des courbes de croissance;
*inspection des téguments;
*analyse de l’état d’hygiène bucco-dentaire;
*l’examen périnéal sera réalisé s’il est accepté par l’enfant, s’il est indiqué (douleurs, saignements, inquiétudes…) et si l’examinateur a les compétences pour le faire.
Les lésions des téguments seront décrites :
*type de lésion élémentaire :
–ecchymose : suffusion hémorragique tissulaire;
–hématome : collection sanguine dans une cavité néoformée;
–plaie : perte de substance cutanée;
*taille, localisation, forme éventuelle, couleur;
*soins éventuellement entrepris.
Ces lésions peuvent être photographiées avec un repère métrique et l’identité de l’enfant. Elles seront consignées dans son dossier médical. Ces lésions peuvent avoir un aspect « en forme » qui permet d’évoquer un agent vulnérant : main, doigts, câble électrique, boucle de ceinture…
Le plus souvent, les enfants victimes de violences présentent ou présenteront des signes de psychotraumatisme complexe qu’il est important de repérer, en particulier un état dissociatif qui pourrait laisser penser qu’ils sont indifférents aux événements au point de les rendre peu crédibles. Il s’agit d’un piège à avoir en tête pour mieux le repérer.
De la même manière, il est essentiel de repérer les situations de négligences. Il s’agit de situations fréquentes dans lesquelles les besoins fondamentaux des enfants ne sont pas comblés. Elles sont à l’origine de comportements sans lien avec une maladie préexistante : attachement indifférencié, instabilité, irritabilité, colères, retard psychomoteur…
Ces situations constituent des vulnérabilités latentes importantes qui peuvent se révéler à tout moment de l’évolution en particulier sur le plan psychoaffectif. Un des marqueurs physiques des situations de négligences les plus pertinents est le mauvais état bucco-dentaire.
Signes d’alerte clinique : « feux rouges »
Face à des lésions d’allure traumatique, l’examinateur doit prendre en considération dans son raisonnement clinique quatre aspects : l’âge de l’enfant, le nombre, la forme et la localisation des lésions d’allure traumatique constatées.
Retenir comme « feux rouges » :
*la survenue de lésion d’allure traumatique ou lésion sentinelle (ecchymose même de petite taille, plaie autre que simple griffure sur la partie médiane de la face, fracture…) avant l’âge de la marche (fig. 10.1A). La gravité de ces situations n’est pas proportionnelle à la taille de la lésion. Même des lésions de petite taille sans explication plausible doivent alerter. Cette découverte doit conduire à une hospitalisation en urgence;
*un nombre de lésions cutanées supérieur ou égal à 15 chez un enfant déambulant en l’absence de traumatisme bien identifié et de pathologie de l’hémostase doit alerter l’examinateur. Si ces lésions sont situées sur des zones suspectes, l’inquiétude est d’autant plus grande (fig. 10.1B);
*les lésions « en forme » (doigts, mains, ceinture, bâton…) sont très préoccupantes et peuvent évoquer la mécanique traumatique;
*certaines localisations sont particulièrement suspectes de lésions infligées : joues, oreilles, cou, tronc, fesses, face postérieure des cuisses (fig. 10.2).
Présentations cliniques liées à l’âge
*Chez les nourrissons, les situations les plus fréquemment rencontrées sont les situations de négligences et les violences physiques.
*Chez les enfants plus âgés, il est essentiel d’être vigilant dans des situations de difficultés scolaires brutales ou au contraire de surinvestissement de la scolarité.
*Chez l’adolescent, les situations d’autoagressivité (scarifications, restriction alimentaire, dévalorisation, suicides et tentatives de suicide) ou d’hétéroagressivité (violences agies en particulier) doivent évoquer des violences subies.
Diagnostic différentiel
Comme pour toutes les autres pathologies, la recherche de diagnostics différentiels pouvant expliquer les signes cliniques est un temps essentiel de la démarche diagnostique :
*maladie de l’hémostase;
*maladie osseuse constitutionnelle (ostéogenèse imparfaite…);
*maladie dermatologique;
*maladies métaboliques;
*lésions congénitales…
Ces maladies, qu’il convient d’éliminer avant de poser le diagnostic de traumatisme infligé, sont moins fréquentes que les situations de violence.
Les diagnostics peuvent être aussi intriqués. Les maladies chroniques constituent également un facteur de risque de maltraitance.
Outre la protection qu’elle confère à l’enfant, l’hospitalisation se justifie par la nécessité de faire un bilan des lésions constatées et de surveiller leur évolution dans le temps pour poser un diagnostic précis.
Face au constat de lésions d’allure traumatique :
*éléments anamnestiques d’alerte :
–absence d’explication ou caractère peu plausible de ce qui est rapporté au regard des lésions;
–délai inexplicable entre la date d’apparition des lésions et la consultation;
–mise en cause d’un tiers;
*éléments cliniques d’alerte :
–âge de l’enfant : survenue avant l’âge de la marche;
–nombre de lésions cutanées ≥ 15 chez un enfant déambulant;
–lésions « en forme »;
–lésions cutanées en zones suspectes (fig. 10.2).
Investigations paracliniques
1 Examens biologiques
En cas lésions cutanées hématiques suspectes :
*NFS, étude complète de l’hémostase (dont facteur XIII).
En cas de lésions osseuses à type de fracture :
*sang : calcémie, phosphorémie, phosphatases alcalines, parathyroïde hormone, 25(OH)-vitamine D, 1,25(OH)2-vitamine D, vitamine C si contexte de carences;
*urines de 24 heures : Ca, P, créatinine U, taux de réabsorption du phosphore.
En cas de suspicion de violences :
*dosage de la lipase et des transaminases (signe indirect de traumatisme abdominal);
*bandelette urinaire (recherche d’hématurie).
En cas de découverte d’hématome sous-dural :
*dosage du cuivre, de la céruléoplasmine (maladie de Menkés);
*chromatographie des acides organiques urinaires (acidurie glutarique de type 1).
Dans tous les cas, les toxiques sanguins et urinaires doivent être facilement recherchés.
Examens d’imagerie
Les enfants suspects de violences doivent bénéficier d’examens d’imagerie permettant de mettre en évidence d’éventuelles lésions en particulier osseuses qui peuvent passer inaperçues du fait de leur faible expression douloureuse.
Chez l’enfant de moins de 2 ans
Examens systématiques :
*examens radiographiques du squelette complet respectant le protocole radiologique précis d’analyse segment de membre par segment de membre, ± scintigraphie osseuse ou contrôle radiologique à 10 jours pour objectiver des lésions osseuses passées inaperçues sur les premiers clichés standards; les radiographies seront relues par deux radiologues spécialisés en pédiatrie;
*imagerie cérébrale : TDM en phase aiguë si orientation neurologique avec reconstruction tridimensionnelle, IRM en complément ou en 1re intention si absence de symptôme neurologique;
*échographie abdominale : à la recherche de lésions profondes.
Le syndrome de Silverman est défini par la découverte radiologique chez un nourrisson de lésions osseuses d’âges différents (fig. 10.3). Ces lésions sont en lien avec des traumatismes infligés et n’ont pas d’expression clinique repérée.Comme pour les lésions ecchymotiques de l’enfant non déambulant, la survenue de fracture chez un nourrisson qui ne se déplace pas ou qui n’a pas présenté de traumatisme particulier doit conduire à une hospitalisation.
Plus la découverte de lésion osseuse est fortuite, plus le risque de traumatisme infligé est élevé.
Lésions osseuses les plus évocatrices de syndrome de Silverman :
*lésions métaphysaires avec des arrachements en coin ou en « anse de seau » en lien avec des mécanismes de tractions ± torsion;
*lésions périostées qui correspondent à des décollements du périoste par des mécanismes de torsion;
*lésions par choc direct.
Les diagnostics différentiels sont les maladies osseuses constitutionnelles. Elles sont beaucoup moins fréquentes que les traumatismes infligés.
Chez l’enfant de plus de 2 ans
Les examens seront faits au cas par cas en fonction de la clinique.
3 Autres
En cas de suspicion de secouement : fond d’œil voir § IV.A. Syndrome du bébé secoué.
En cas de sévices sexuels : voir § IV.B. Violences sexuelles.
Les bilans biologiques ou radiologiques dans un contexte de suspicion de violence ont pour but d’éliminer les diagnostics différentiels et de rechercher des lésions traumatiques associées.
Comme pour les lésions cutanées, la découverte fortuite de fracture avant l’âge de la marche doit conduire à une hospitalisation et à suspecter des violences.
Grâce à une approche multidisciplinaire, il convient d’éliminer avec grande attention les maladies qui peuvent mimer un tableau de violences physiques en particulier les maladies osseuses fragilisantes. Pour autant, ces maladies restent moins fréquentes que les situations de violences. La présence concomitante d’une maladie chronique et d’une situation de danger reste toujours possible.
rgumenter la démarche médicale et administrative
A Orientation initiale (fig. 10.4)
Il convient d’apprécier l’urgence du traitement de la situation conditionnée par :
*la nécessité de soins urgents;
*la mise en œuvre d’une protection urgente;
*la préservation des éléments de preuve et la nécessité d’un constat médico-légal urgent.
Dans les situations d’urgence, l’enfant doit être orienté vers une équipe pédiatrique hospitalière référente : unités d’accueil pédiatriques des enfants en danger (UAPED).
À défaut, le médecin pourra être amené à rédiger un signalement judiciaire à destination du procureur de la République du tribunal judiciaire territorialement compétent pour que des mesures de protection du mineur soient mises en œuvre et que d’éventuelles suites pénales soient données.
Dans les situations moins urgentes, le praticien ayant fait le diagnostic de danger peut solliciter les services du conseil départemental territorialement compétent. Il adresse alors une information préoccupante à la CRIP (cellule de recueil des informations préoccupantes).
La suspicion d’une situation de danger chez un enfant doit conduire à l’évaluation de l’ensemble des enfants vivant dans les mêmes conditions.
Face à une situation de maltraitance, le médecin doit être le protecteur de l’enfant.
Dans le doute, il peut solliciter la CRIP du conseil départemental, les UAPED.
En cas d’urgence et de refus de soin, il saisira le procureur de la République en urgence.
rise en charge médicale
Quelles que soient les orientations prises, la coordination des soins est essentielle et faite par les UAPED dont la généralisation à tous les hôpitaux est prévue.
Mesures urgentes en cas de traumatismes infligés :
*dans tous les cas : cotation de la douleur et prise en charge thérapeutique;
*si lésions neurologiques : discussion d’un transfert en milieu neurochirurgical;
*si lésions orthopédiques : avis orthopédique sur le site où est hospitalisé l’enfant;
*si lésions tégumentaires : soins des plaies et des brûlures, SAT-VAT (sérum antitétanique + dose vaccinale antitétanique si vaccination non à jour).
En cas de violences sexuelles :
*contraception d’urgence (selon l’âge) et discussion d’un traitement antirétroviral en fonction de la nature de l’agression et du délai entre l’agression et la consultation;
*organisation du dépistage des IST et du suivi sérologique post-exposition.
Un soutien médico-psychologique pour l’enfant et sa famille doit être assuré ainsi que l’organisation des soins d’aval.
La prise en charge des enfants en danger doit être éthique et globale. Elle sera adaptée à l’âge de l’enfant.
Elle se fera le plus souvent possible dans une unité de lieu (UAPED).
La possibilité d’une hospitalisation dans ce contexte doit toujours rester à l’esprit du médecin pour protéger l’enfant, le soigner et organiser d’éventuelles démarches ultérieures.
Prise en charge médico-légale et administrative
1 Préambule
Tout professionnel a l’obligation de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour protéger un mineur en danger. Il peut se délier du secret professionnel (art. 226-13 du Code pénal) en informant les services de protection de l’enfance administratifs ou judiciaires territorialement compétents (information préoccupante ou signalement judiciaire).
Il existe en France deux systèmes de protection :
*une protection administrative, confiée aux conseils départementaux, chefs de file de la protection de l’enfance compétents territorialement;
*une protection judiciaire, confiée aux juges des enfants. Le procureur de la République est amené à traiter en urgence les situations des mineurs nécessitant une protection urgente. Il est de sa compétence de diligenter à la fois une enquête pénale et de mettre en œuvre les mesures de protection qui s’imposent dans un contexte de danger grave et imminent pour un mineur (ordonnance de placement provisoire en particulier).
2 Information préoccupante
Une information préoccupante est définie comme tout élément d’informations (sociales, médicales ou autres), quelle que soit sa provenance, susceptible de laisser craindre qu’un enfant se trouve en situation de danger ou de risque de danger.
Celles-ci sont portées à la connaissance de la CRIP (cellule de recueil des informations préoccupantes), service qui dépend des conseils départementaux, par le biais d’un écrit formalisé qui comporte les éléments suivants dans un langage simple et accessible :
*renseignements administratifs sur l’enfant et sa famille (nom, prénom, date de naissance, adresse(s), téléphone);
*coordonnées du médecin;
*éléments à l’origine de l’inquiétude des professionnels;
*facteurs de risque repérés;
*propos de l’enfant et des accompagnants (cités entre guillemets, au conditionnel);
*données cliniques pertinentes permettant de retenir une situation d’enfance en danger;
*comportement de l’enfant et/ou des parents;
*date, signature, tampon.
Les parents sont informés de cette transmission, « sauf intérêt contraire de l’enfant » (art. 226-2-1 du Code de l’action sociale et des familles). L’information préoccupante marque l’inquiétude du professionnel à l’égard de la situation dans laquelle est l’enfant et la nécessité d’évaluation et de soutien.
Les suites au terme de l’évaluation pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle qui peuvent y être données sont décrites dans la figure 10.5.La CRIP, de composition multidisciplinaire, a un rôle de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes qui lui sont adressées. Elle transmet les données épidémiologiques anonymisées à l’observatoire départemental de protection de l’enfance.
La loi prévoit depuis 2016, la nomination dans chaque département d’un médecin référent Protection de l’enfance. Celui-ci est chargé d’établir des liens de travail réguliers entre les services départementaux (aide sociale à l’enfance, PMI), la CRIP et les médecins exerçant dans le département (médecins libéraux et hospitaliers, en particulier médecins généralistes, pédiatres et urgentistes), ainsi que les médecins de santé scolaire, dans des conditions définies par voie réglementaire. En outre, l’organisation du suivi médical des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance est de sa compétence
Signalement
En cas de maltraitance grave, de nécessité de protection immédiate ou de mise en œuvre d’une enquête pénale dans un contexte délictuel ou criminel, un signalement sera rédigé.
Les règles de rédaction du signalement sont les mêmes que celles de la rédaction d’une information préoccupante. Les constats issus de l’examen clinique sont exposés au présent. Ce qui n’est pas médicalement constaté doit être rapporté au conditionnel. Les propos seront cités entre guillemets assortis d’une locution introductive (Il déclare…, Il rapporte…).
Un modèle est disponible sur le site internet du CNOM (voir Références).
Une copie sera adressée à la CRIP territorialement compétente.
Le traitement du signalement judiciaire sera effectué par le procureur de la République. Les services du parquet des tribunaux judiciaires sont accessibles 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Le traitement de cet écrit se fera sur le volet pénal et sur le volet civil qui permet de s’assurer de la protection du mineur. Le procureur a « l’opportunité des poursuites ».
Les suites données possibles sont décrites dans la figure 10.6.
4 Certificats
Le certificat médical est la forme sous laquelle un médecin témoigne de l’état de santé d’une personne tel qu’il l’a constaté dans son exercice. C’est un document médical qui doit être complet et précis. Le médecin engage sa responsabilité disciplinaire, civile et pénale.
Le certificat médical ne se justifie que si un texte législatif ou réglementaire l’exige.
En matière de violence sur mineurs, un médecin peut être amené à rédiger deux types de certificats :
*à la demande d’un tiers;
*à la demande de l’autorité judiciaire, sur réquisition.
La demande de certificat par un tiers dans ce contexte doit toujours poser la question au praticien de la nécessité de rédaction d’une information préoccupante ou d’un signalement judiciaire.
Certificats à la demande d’un tiers
La rédaction de ce certificat se fera toujours après un examen clinique soigneux. Il sera rédigé sur papier à en-tête du médecin. Il comprend :
*l’identité du médecin (nom, prénom, titre, adresse);
*l’identité alléguée de la personne tiers : nom, prénom, date de naissance (cette identité n’est pas vérifiée et il sera donc nécessaire de porter la mention : « X a déclaré être… » « se présentant comme étant… », etc.);
*l’identité de l’enfant présent à la consultation;
*la date et l’heure de l’examen;
*les faits médicalement constatés après un examen clinique complet et minutieux ;
*les mentions à indiquer en fin de certificat médical : « remis en main propre », « établi à la demande de (nom(s) des ou du représentant légal) »;
*la date de rédaction du certificat médical si elle est différente de celle de l’examen, la signature et le tampon du praticien.
Il est essentiel de garder un double du certificat médical dans le dossier du patient.
Ne doivent pas figurer sur le certificat médical :
*l’identité de l’auteur présumé des faits;
*une quelconque datation des faits;
*une quelconque imputabilité.
Certificats sur réquisitions
La réquisition d’une personne est l’injonction faite à un professionnel par une autorité judiciaire ou administrative d’effectuer un acte urgent.
Les demandes médicales en pédiatrie médico-légale recouvrent principalement les demandes d’examen clinique dans des contextes de violences subies de toutes natures.
Ces demandes à personnes qualifiées sont motivées par la nécessité de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques. Une réponse rapide et de qualité permet de préserver la bonne marche de l’enquête en cours.
Sauf s’il est expert inscrit auprès d’une cour d’appel, le médecin prêtera préalablement serment par écrit d’apporter son concours à la justice en son honneur et conscience. La personne requise doit accomplir sa mission dans les délais qui lui sont impartis avec conscience, objectivité et impartialité.
Il est essentiel, sauf à mésinterpréter certains signes cliniques, que le praticien soit rompu à l’expression clinique pédiatrique du psychotraumatisme et au développement psychomoteur et staturo-pondéral de l’enfant.
La réforme de la médecine légale a permis un maillage territorial pour répondre à ces demandes d’actes. Pour autant, le parquet est libre de désigner le professionnel de son choix.
Le médecin requis doit répondre uniquement aux questions qui lui sont posées.
Les réquisitions ne sont pas des expertises, tant sur le fond que sur la forme.
Le juge n’est pas lié aux conclusions de l’expert. Il est libre par exemple de modifier la durée d’une incapacité totale de travail fixée par ce professionnel s’il estime qu’elle n’est pas en accord avec ce qui est décrit et rapporté.
Notion d’ITT en pédiatrie
L’incapacité totale de travail est une notion jurisprudentielle. Elle peut être fixée chez l’enfant. Il s’agit du temps pendant lequel, dans les suites d’un événement traumatique et en lien avec celui-ci, la personne n’est plus en capacité d’effectuer les gestes de la vie courante (manger, se déplacer, jouer, interagir avec ses proches…).
Elle est le plus souvent demandée au médecin par voie judiciaire et joue un rôle décisif dans la qualification de l’infraction.
Tout certificat engage la responsabilité du médecin. Seuls les faits médicalement constatés peuvent figurer dans celui-ci. Aucune imputabilité, interprétation hâtive ou désignation de tiers ne doit apparaître.
Suivi et mesures préventives
1 Suivi de l’enfant
Toute suspicion ou maltraitance avérée doit bénéficier d’un suivi prolongé.
La coordination des structures impliquées doit se poursuivre, associant dans un travail interdisciplinaire la structure à l’origine de l’information (IP ou signalement) : UAPED le plus souvent pour les enfants hospitalisés, le médecin traitant, la PMI (pour les enfants de moins de 6 ans), le médecin référent en Protection de l’enfance du conseil départemental, les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et les services judiciaires.
L’objectif commun est la protection de l’enfant.
Des objectifs complémentaires dépendent des qualifications des structures : soins, mesure éducative ou judiciaire, prise en charge de la famille.
Le suivi à long terme doit être organisé pour prévenir les possibles conséquences somatiques, psychologiques et sociales de ces situations.
Place de la prévention
*La prévention primaire a pour but d’éviter les violences aux enfants. Elle s’adresse en premier lieu aux futurs parents : entretien médico-social au 4e mois de grossesse, campagnes de prévention des secousses, information sur les pleurs, accompagnement de la parenta-lité, détection des facteurs de risque. Les visites médicales obligatoires dites préventives autour des nourrissons, des enfants et, depuis 2019, des adolescents sont des moments de dialogue avec les parents autour d’une promotion de l’éducation non violente.
*La prévention secondaire a pour objectif de repérer les situations de maltraitance pour protéger les enfants. Les soignants et particulièrement les médecins doivent identifier ces situations, reconnaître la séméiologie de cette pathologie et connaître les circuits des informations préoccupantes et des signalements.
*La prévention tertiaire doit éviter les récidives en protégeant les enfants par des mesures éducatives et parfois judiciaires. La surveillance prolongée a de plus l’objectif de prévenir les conséquences à long terme de ces situations de violence.
Points clés à propos de tableaux cliniques
A Syndrome du bébé secoué et traumatisme crânien infligé
1 Préambule
Le syndrome du bébé secoué est un sous-ensemble des traumatismes crâniens infligés dans lequel c’est le secouement, seul ou associé à un impact, qui provoque le traumatisme crânien.
Il s’agit d’un traumatisme crânien dit « à haute cinétique » comparable dans sa violence à un accident de la voie publique.
Les mouvements de secouement multidirectionnels peuvent être à l’origine de différents types de lésions : saignement sous-dural par arrachement des veines ponts, lésions parenchyma-teuses, lésions cervicales à type de coup de fouet, saignements rétiniens.
Le syndrome du bébé secoué survient la plupart du temps chez un nourrisson âgé de moins de 1 an. Chaque année en France, environ 200 enfants en seraient victimes.
Toute suspicion doit conduire à la réalisation d’un scanner cérébral en urgence qui permettra d’affirmer ou d’infirmer le diagnostic de saignement intracérébral.
2 Diagnostic
Signes évocateurs
Signes cliniques possibles (surtout si associés) :
*signes neurologiques : convulsions, hypotonie axiale, troubles de vigilance, arrêt des acquisitions ou régression psychomotrice, bombement de la fontanelle antérieure, changement de couloir de la courbe du périmètre crânien;
*signes généraux : pâleur, malaise grave, pauses respiratoires, irritabilité;
*signes digestifs : vomissements sans diarrhée;
*association inconstante à des ecchymoses du thorax et des bras (points d’enserrement).
Signes radiologiques possibles (TDM cérébrale) :
*hématomes sous-duraux habituellement plurifocaux (en particulier au niveau de la faux du cerveau ou de la fosse postérieure), parfois associés à des hémorragies sous-arachnoïdiennes, signe de rupture de veines ponts (fig. 10.7);
*lésions cérébrales anoxiques, œdémateuses ou à type de contusion.
Compléments d’examens
Imagerie :
*IRM cérébrale + région cervicale et moelle spinale;
*radiographies du squelette, scintigraphie osseuse.
Examen ophtalmologique avec fond d’œil (après dilatation) :
*hémorragies rétiniennes, quasi pathognomoniques si multiples, profuses ou éclaboussant la rétine jusqu’à sa périphérie; absentes dans environ 20 % des cas;
*œdème papillaire en cas d’HTIC.
Bilan biologique :
*NFS, hémostase;
*bilan pour éliminer des maladies de l’hémostase et des maladies génétiques rares (acidurie glutarique, maladie de Menkès).
Le syndrome du bébé secoué correspond à un traumatisme crânien infligé d’une rare violence.
Il survient classiquement dans la première année de vie. Il doit être évoqué devant un décrochage du périmètre crânien, des troubles neurologiques ou des troubles digestifs frustes.
Sa suspicion justifie une hospitalisation en urgence pour réaliser un bilan clinique et paraclinique exhaustif et protéger le nourrisson.
Violences sexuelles
1 Généralités
Le terme d’abus sexuel n’est plus utilisé en France. Il correspond à une traduction de la locution anglaise de « sexual abuse ». Il est plus correct d’utiliser le terme de violences sexuelles même si ces situations sont le plus souvent commises sans violence physique ou verbale mais plutôt par d’autres biais que sont l’intimidation, la séduction, l’autorité…
Les conséquences à court, moyen et long terme sont extrêmement graves.
2 Diagnostic
Circonstances
Situations possibles :
*l’enfant révèle spontanément des faits de nature sexuelle;
*l’enfant présente des anomalies de l’examen clinique périnéal;
*l’entourage se pose la question de faits de nature sexuelle subis en raison de :
–troubles du comportement;
–différents et conflits familiaux;
–révélations après des questionnements intrusifs;
–signes fonctionnels divers (énurésie, encoprésie, douleurs abdominales, céphalées, troubles du comportement alimentaire…).
Les violences sexuelles sont le plus souvent commises au sein des familles ou par des adultes qui connaissent préalablement l’enfant.
Les fausses allégations spontanées d’un enfant sont très rares. Il appartient au médecin d’accueillir ses révélations et de ne pas le questionner et/ou de douter de la véracité des faits.
Chez l’enfant jeune, il convient d’être très préoccupé par des propos spontanés évoquant des faits de nature sexuelle subis.
Chez l’adolescent, les actes d’auto- et d’hétéroagressivité en particulier les tentatives de suicide, les scarifications et l’apparition de troubles du comportement alimentaire doivent faire poser la question de violences subies en particulier de nature sexuelle.
Entretien
Entretien
Le mineur doit être vu seul ou accompagné en fonction de ses souhaits.
Il conviendra de ne pas poser de question fermée ou suggestive aux enfants afin de ne pas polluer leur mémoire et induire leur parole. Les questions seront ouvertes (« raconte-moi, dis-moi tout sur… ») avec un vocabulaire adapté à l’âge de l’enfant.
Données à recueillir :
*révélations, conditions de celles-ci, tiers présents lors de la consultation, délai entre les faits et la consultation et l’existence de contact persistant avec l’auteur;
*asthénie, idées noires, qualité du sommeil et de l’alimentation, scolarité et rapports avec les pairs, rapports intrafamiliaux, propreté, troubles du comportement, participation à des jeux sexuels, consommation de toxiques, contraception (adolescents);
*chez les adolescents : cotation du stade pubertaire, date des premières et dernières règles, rapports sexuels antérieurs ou postérieurs aux faits allégués, contraception utilisée.
Examen clinique
Avec l’accord du mineur, un examen clinique global sera réalisé à la recherche de signes de violences (lésions cutanées et/ou muqueuses d’allure traumatique) et de négligences (en particulier hygiène et état bucco-dentaire).
Un schéma sera réalisé ainsi que d’éventuelles photographies (avec l’accord du mineur).
Un examen périnéal ne sera fait que s’il est accepté par le mineur et si sa réalisation est pertinente, par un opérateur entraîné. Pour éviter une position duelle, cet examen sera réalisé en présence d’un tiers soignant rassurant pour l’enfant.
Orientation
En cas de suspicion de faits subis de nature sexuelle, le mineur sera référé à une équipe spécialisée (UAPED). La prise en charge en urgence de ces situations repose sur :
*la nécessité de soins urgents (traitement antirétroviral, soins médicaux et/ou chirurgicaux, soins pédopsychiatriques…);
*la nécessité de protection du mineur vis-à-vis de l’auteur présumé des faits;
*l’urgence médico-judiciaire à effectuer des prélèvements ou constater des lésions d’allure traumatique (classiquement dans les 5 jours suivant les faits).
En dehors de ces situations d’urgences, l’évaluation sera organisée rapidement et l’enfant référé en consultation pédiatrique spécialisée.
Les suspicions de violences sexuelles reposent souvent sur des éléments rapportés par l’enfant, des anomalies d’examen clinique ou des suspicions fondées ou non de l’entourage.
Elles sont souvent difficiles à caractériser chez l’enfant. Elles justifient d’une prise en charge spécialisée en pédiatrie médico-légale.
Le praticien s’attachera à ne pas poser de question suggestive à l’enfant, à référer l’enfant à une équipe spécialisée (UAPED).
Avant de commencer…
L’enfant ressent la douleur différemment de l’adulte; car plus il est jeune, moins il comprend ce qui lui arrive et plus il est dépourvu de moyens pour s’en défendre. Connaître le développement cognitif et émotionnel ainsi que les besoins affectifs d’attachement et de sécurité de l’enfant en fonction de son âge aide le soignant à mieux le comprendre et communiquer avec lui, donc à mieux le soigner. Douleur et peur sont toujours associées, l’une aggravant l’autre, et elles sont à prendre en compte simultanément.
Les manifestations comportementales de la douleur évoluent dans la durée. Quand la douleur est récente, aiguë, violente et brève, ces manifestations sont bruyantes; mais si la douleur se prolonge, s’installe, elles font place en quelques heures à un tableau trompeur de repli nommé atonie psychomotrice.
La douleur liée à une maladie ou une chirurgie est à distinguer des douleurs chroniques où les facteurs psycho-sociaux sont importants.
L’entrée en relation rassurante et empathique, puis l’évaluation de la douleur sont les premières étapes de la prise en charge. La collaboration avec les parents est essentielle.
Les outils d’évaluation permettent de limiter la subjectivité du soignant et de fournir un score numérique d’intensité douloureuse, indispensable pour le choix thérapeutique et le suivi.
Chez les plus jeunes enfants et chez ceux avec difficultés de communication, seule une hétéroévaluation par l’observateur parent ou soignant est possible, fondée sur des échelles comportementales, à choisir en fonction de l’âge et du contexte. À partir de 4 ou 5 ans, une autoévaluation peut être proposée; elle devient de plus en plus fiable après 6 ans.
Les principes de prise en charge thérapeutique sont proches de ceux de l’adulte, combinant antalgiques et moyens physiques, psychologiques et psychocorporels. De nombreuses molécules n’ont cependant pas l’AMM en pédiatrie. La prévention des douleurs induites par les soins est essentielle.
Les traitements non médicamenteux constituent des moyens efficaces autant dans la prise en charge de la douleur aiguë que dans celle des douleurs chroniques de l’enfant.
Pour bien comprendre
A Définition et composantes de la douleur
La douleur est « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à ou ressemblant à celle associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle » (définition officielle de l’IASP, International Association for the Study of Pain). Émotions et sensations sont toujours associées dans la perception de la douleur. Le terme « ressemblant à » évoque la situation des enfants incapables de s’exprimer verbalement.
Perception de la douleur chez l’enfant et ressources des soignants en fonction de l’âge
Que pense l’enfant de la douleur ? La pensée et la perception enfantines évoluent selon le développement cognitif et l’évolution affective (tableau 11.1).« Ici et maintenant » caractérise le vécu du jeune enfant. Ses questions sont simples : « Qu’est-ce qu’on va me faire ? Est-ce que je vais avoir mal ? Est-ce que j’aurai des piqûres ? Est-ce que mes parents seront là ? »
Mécanismes des douleurs
La douleur par excès de nociception est le mécanisme le plus fréquent. Elle résulte d’une lésion tissulaire mécanique (fracture, distension, compression, effraction), thermique (brûlure), inflammatoire (infection, rhumatisme), ischémique (rarement), douleur viscérale (distension, inflammation), avec souvent des signes digestifs.
Elle se traduit par une douleur superficielle ou profonde, avec souvent des irradiations, de type inflammatoire ou mécanique.
La douleur neuropathique est liée à un dysfonctionnement ou une lésion du système nerveux somato-sensoriel, périphérique ou central.
Les causes sont variées : compression (tumeur), blessure nerveuse ou du SNC (amputation, traumatisme, chirurgie), inflammation (polyradiculonévrite), infection (zona), hypoxie (céré-brolésé), dégénérescence (maladie neurologique)…
Elle provoque des douleurs dans un territoire systématisé, avec sensations de brûlure, pares-thésies très désagréables, fulgurances de type décharges électriques, troubles de la sensibilité à rechercher : allodynie (ressenti douloureux d’un toucher habituellement non algogène), hyper-pathie (persistance de la sensation après l’arrêt du stimulus), avec souvent un déficit sensitif (hypoesthésie, voire anesthésie de la zone douloureuse).
Elle est difficilement décrite par le jeune enfant et souvent mal interprétée (la douleur au simple effleurement de l’allodynie pourra faire suspecter à tort une exagération ou théâtralisation).
Elle est à rechercher systématiquement en cas de lésion du système nerveux probable.
Il peut y avoir la participation du système nerveux sympathique (cf. syndrome douloureux régional complexe, ou algodystrophie), avec des sensations de douleurs profondes et des manifestations vasomotrices : vasodilatation (œdème, rougeur, chaleur, sueurs) pouvant alterner avec vasoconstriction (froideur, marbrures violacées).
La douleur fonctionnelle, ou primaire (dite aussi idiopathique, sine materia ou psychogène ou trouble somatomorphe ou somatoforme ou psychosomatique…) est médicalement inexpliquée : l’enquête clinique et paraclinique est normale; on parle aussi de syndrome d’amplification (par exemple, douleur persistant des semaines ou des mois après une entorse, après une chirurgie).
Le terme de douleur nociplastique a été choisi récemment pour nommer ces douleurs où l’on retrouve un abaissement du seuil de douleur, une sensibilisation du système nerveux et un dysfonctionnement des systèmes inhibiteurs descendants.
Plusieurs mécanismes sont souvent associés, par exemple :
*douleur mixte nociceptive et neuropathique en oncologie, en traumatologie, en postopératoire, en cas de polyhandicap…;
*douleur nociceptive comme une douleur postopératoire aggravée par des facteurs psycho-sociaux, émotionnels comme l’anxiété ou une situation familiale conflictuelle.
Connaître le mécanisme de la douleur permet d’adapter la prise en charge thérapeutique.
D Facteur temps : douleurs aiguës, prolongées, récurrentes, chroniques
La douleur aiguë joue le rôle de signal d’alarme d’une pathologie récente.
Ses manifestations sont habituellement parlantes, avec des cris, des plaintes et des pleurs, et de l’agitation chez le très jeune enfant. Certains facteurs peuvent majorer le vécu de la douleur, notamment l’état émotionnel de l’enfant (angoisse, colère, phobie), le contexte familial, les expériences antérieures.
Quand la douleur se poursuit ensuite, après un court délai (quelques heures voire moins), l’enfant devient immobile, puis moins réactif, lointain, comme triste, apathique, prostré : c’est l’atonie ou inertie psychomotrice, plus ou moins intense, d’un retrait minime à la prostration majeure. L’attention doit être attirée par ces enfants « trop calmes » dont la douleur peut être méconnue. Cette douleur installée est à distinguer de la douleur chronique.
La plupart des douleurs rencontrées en pédiatrie courante évoluent selon ce schéma bipha-sique de manifestations comportementales successives et nécessitent des antalgiques.
Les douleurs récurrentes sont assez fréquentes : accès répétés de douleur aiguë, avec parfois des douleurs intercritiques plus ou moins prolongées ou chroniques; par exemple : douleurs abdominales récurrentes, crises vaso-occlusives des enfants drépanocytaires, accès de migraine.
La douleur chronique a des critères précis : douleur survenant plus de 15 jours par mois plus de 3 mois, mais peut aussi être reconnue dès que sa durée dépasse l’évolution attendue (par exemple, en postopératoire).
Des facteurs psychologiques sont susceptibles d’intervenir dans l’aggravation, le maintien ou la genèse de ces douleurs chroniques (événements de vie ou changements dans l’environnement de l’enfant, soucis familiaux, émotions de type anxiodépressives).
Il s’agit :
*soit (le plus souvent) de douleurs sans cause reconnue (ou suivant un événement somatique mineur et disparu) : céphalées chroniques, douleurs musculo-squelettiques chroniques localisées ou diffuses (lombalgies, syndrome douloureux régional complexe, douleurs plus ou moins généralisées), douleurs abdominales récurrentes;
*soit de douleurs liées à une maladie somatique chronique (handicap, cancer, drépanocytose, hémophilie, rhumatisme, mucoviscidose…), souvent aggravées ou amplifiées par les facteurs psycho-sociaux.
La description de la douleur est variable, riche ou au contraire pauvre, vague, et variant dans le temps; l’intensité est souvent décrite élevée, alors que le comportement de douleur n’est pas flagrant; l’impact fonctionnel peut être majeur (limitation des activités, déscolarisation).
La prise en charge est différente de celle des douleurs aiguës, très orientée vers la situation psycho-sociale avec des méthodes non pharmacologiques.
Prise en charge de l’enfant douloureux
A Repérer les manifestations douloureuses
1 Abord et examen de l’enfant
Aborder un enfant douloureux demande patience et attention, en tenant compte de ses besoins affectifs de sécurité (bras des parents ou leur présence, doudou). Établir une relation thérapeutique de qualité avec l’enfant et sa famille dès le début de la prise en charge nécessite de prendre un peu de temps, d’écouter et d’observer, avec empathie.
On peut proposer un jouet pour entrer en relation de façon plus ludique avec les plus jeunes.
Plus l’enfant est jeune, plus la présence et la collaboration des parents est indispensable pour le rassurer. Si l’enfant crie ou est agité, il convient de garder d’abord une distance, s’asseoir et échanger avec les parents, se mettre à sa hauteur, lui parler de loin, puis susciter sa curiosité et son attention avec un objet attrayant. Proscrire la contrainte ou la contention qui aggraveront la détresse.
Le soignant fait préciser en faisant le plus possible participer l’enfant :
*les circonstances de survenue de la douleur et son mode évolutif;
*les caractéristiques sémiologiques;
*l’influence de facteurs calmants ou aggravants et la réponse aux antalgiques;
*les répercussions de la douleur sur la vie de l’enfant.
L’examen se fait avec précaution, pour les plus jeunes dans les bras ou sur les genoux des parents, si possible en jouant, et en commençant par les zones non douloureuses.
Abord de l’enfant douloureux : patience, écoute et empathie, présence des parents, utilisation du jeu.
Repérage de la douleur : sémiologie
Les signes cliniques peuvent être :
*des modifications du comportement :
–pleurs, cris, gémissements, geignements, difficultés à obtenir un réconfort (inconsolable) → signes peu spécifiques trop facilement négligés ou attribués à la peur;
–visage crispé : froncement des sourcils et des paupières, accentuation des sillons naso-labiaux, ouverture de bouche → signes constitutifs de la grimace de douleur, observables et spécifiques même chez le prématuré;
–corps agité, mouvements des quatre membres → signes souvent transitoires trop facilement attribués à la peur et l’opposition;
–crispation des doigts et des orteils, raideurs, positions antalgiques, immobilité parfois impressionnante → signes très spécifiques;
–troubles de la relation avec l’entourage : désintérêt, refus de communiquer, enfant « lointain », prostré, visage inexpressif → signes spécifiques de l’atonie psychomotrice qui apparaît progressivement; ne pas la confondre avec la tristesse ou le sommeil ou un trouble de conscience;
–troubles du sommeil (insomnie, réveils);
–troubles de l’appétit (refus);
*des modifications des constantes (FC, FR, PA, coloration), peu contributives, non spécifiques;
*des plaintes verbales.
Cette observation du comportement par le soignant, en essayant de ne pas provoquer douleur ou peur supplémentaires, est un temps essentiel. Les manifestations corporelles (postures et crispations), la grimace du visage et la prostration sont les signes fiables qui permettent le diagnostic différentiel d’avec la peur ou d’autres émotions.
Quelques pièges :
*la douleur peut être surévaluée en cas d’anxiété;
*la douleur peut être méconnue ou sous-évaluée ou niée en cas de :
–douleurs intenses : motricité figée, pseudo-sommeil ou, à l’inverse, agitation extrême facilement confondue avec la peur;
–douleurs chroniques : dépression, déni, perte du repère « zéro douleur », comportement pseudo-normal;
–maladie sévère : lassitude, incompréhension des outils d’évaluation;
–situation de handicap : difficultés de reconnaissance;
–situation de maltraitance : l’enfant n’exprime pas la douleur;
–douleur neuropathique : comportement surprenant.
Évaluation de la douleur : outils d’évaluation adaptés à l’âge
Pour une évaluation fiable, le rôle de l’entourage familial est très important. Les parents peuvent expliquer l’histoire de l’enfant, parler de sa personnalité et de ses goûts, ainsi que de ses manières d’exprimer et de faire face à la douleur (le coping). Leur présence permet de rassurer l’enfant. Le doudou, le jeu peuvent aussi faciliter le dialogue.
L’évaluation se fait à l’arrivée, puis régulièrement si douleur ou changement de comportement. Toujours évaluer à deux temps :
*« au repos », c’est-à-dire de loin, sans approcher, pour ne pas réveiller la peur ou la douleur;
*lors de la mobilisation, pour permettre un choix d’antalgique permettant de bouger avec le minimum de douleur.
Avant l’âge où l’enfant sera capable de donner son avis, le soignant évalue l’intensité de la douleur à l’aide d’une échelle d’hétéroévaluation. Ces scores consistent en une liste de symptômes (de comportement et parfois de constantes) à cocher, ce qui aboutit à un chiffre. La validité a été testée : la concordance entre les cotateurs, la cohérence des items, la validité de construction du score (le score mesure la douleur et non la peur ou l’asthénie) et la sensibilité au changement ont été vérifiées.
L’opinion des parents sur le niveau de douleur favorise leur collaboration. Pour l’enfant porteur de handicap, la place des parents et/ou des donneurs de soin habituels de l’enfant est primordiale pour affirmer la douleur (avec si possible l’aide d’une fiche de liaison ou « passeport »).
L’autoévaluation est habituellement possible et fiable à partir de 6 ans, en l’absence de trouble de la communication ou de déficit cognitif (enfant avec handicap, enfant en réanimation, pour lesquels il existe des échelles comportementales spécifiques). Prendre un peu de temps avec l’enfant est fondamental pour se faire comprendre. La borne haute est décrite simplement : « une très forte douleur, très très mal ».
Entre 4 et 6 ans, une autoévaluation peut être proposée, mais elle est souvent difficile à obtenir (incompréhension, difficulté à relativiser, surcotation, avec choix du niveau maximum); il est alors préférable de reprendre une échelle d’hétéroévaluation.
Pour les enfants avec douleurs persistantes ou chroniques, dont le score de douleur est souvent déroutant (par exemple score d’intensité élévé contrastant avec un comportement calme, détendu voire parfois souriant), une évaluation plus globale selon le modèle biopsychosocial sera nécessaire.
Différentes échelles d’autoévaluation ou d’hétéroévaluation de la douleur sont disponibles selon les situations (tableaux 11.2 et 11.3)1. Ces listes sont données à titre informatif et tout leur contenu n’est pas à mémoriser pour les ED. Retenir principalement pour la pratique courante : EVENDOL (fig. 11.1), EVA pédiatrique et échelle de visage FPS.
Échelles recommandées selon l’âge et la situation pour une douleur liée à la maladie ou à la chirurgie.
Åge Échelle Seuil de traitement
Hétéroévaluation Nouveau-né à terme ou prématuré EDIN 4 à 5/15*
EVENDOL 4/15**
0–7 ans EVENDOL (pour toute douleur, aiguë ou prolongée avec atonie, 0–7 ans) 4/15**
FLACC (plutôt douleur aiguë et postopératoire, 2 mois–7 ans) 4/10 *
DEGR ou HEDEN (plutôt douleur prolongée, atonie psychomotrice en oncologie, 2–7 ans) 10/40 pour DEGR** 3/10 pour HEDEN*
Autoévaluation selon compréhension et préférence de l’enfant À partir de 4 ans Visages (FPS-R) 4/10**
À partir de 6 ans EVA (à présentation verticale) 3/10**
À partir de 8 ou 10 ans EN (échelle numérique 0–10) 3/10**
Description qualitative Localisation Schéma du bonhomme
Caractéristiques DN4 (diagnostic de douleur neuropathique)
Handicap, difficultés de communication, etc. Enfant inconnu de l’équipe FLACC modifiée 4/10*
GED-DI 7/81 ou 11/90**
Enfant connu de l’équipe DESS (San Salvadour) 6/40**
Réanimation COMFORT-B (mesure aussi la sédation) 17/30**
Soit le seuil a été déterminé par l’habitude clinique (*), soit il a été étudié et déterminé par les auteurs (**).
Échelles recommandées selon l’âge et la situation pour la douleur brève d’un soin, d’une mobilisation.
Âge Échelle Seuil de traitement
Hétéroévaluation Nouveau-né à terme ou prématuré DAN 3/10**
NFCS 1/4*
2 mois–7 ans FLACC 4/10 *
1–7 ans CHEOPS 8/13 *
Autoévaluation
Selon compréhension et préférence de l’enfant
À partir de 4 ans Visages (FPS-R) 4/10**
À partir de 6 ans EVA (présentation verticale) 4/10**
À partir de 8 ans EN (échelle numérique 0–10) 3/10**
Soit le seuil a été déterminé par l’habitude clinique (*), soit il a été étudié et déterminé par les auteurs (**).
4 Pièges de la discordance : surcotation ? sous-cotation ?
La parole de l’enfant ne doit jamais être décrédibilisée, même si une discordance entre le score donné par l’enfant ou l’adolescent et son comportement apparaît.
En cas de score élevé ne concordant pas avec le comportement, EVENDOL est parfois préconisée mais comme tout score comportemental, elle se borne à enregistrer le comportement visible, le ressenti intime ne lui est pas accessible ! EVENDOL ne doit jamais servir à prouver que l’enfant exagère ou n’a pas mal.
L’enfant peut décider plus ou moins consciemment de ne pas exprimer sa douleur; les adolescents ont souvent un « masque ».
L’enfant avec maladie somatique chronique, habitué aux hospitalisations, peut donner un chiffre élevé s’il souhaite rester à l’hôpital ou, à l’inverse, un chiffre bas s’il ne veut pas être hospitalisé et perfusé (situation fréquente par exemple chez les drépanocytaires).
Si la douleur est chronique, une évaluation selon le modèle biopsychosocial est nécessaire.
Échelle d’hétéroévaluation la plus utilisée en France entre 0 et 7 ans : EVENDOL.
Dès l’âge de 4 à 5 ans : proposer une échelle d’autoévaluation de la douleur.
Échelles d’autoévaluation les plus utilisées : échelle des visages FPS-R, EVA verticale, échelle numérique à l’adolescence, dessin.
Prévenir et traiter la douleur
Le traitement de la douleur est indispensable, parallèlement à la démarche diagnostique et au traitement étiologique. Soulager au moins partiellement est une nécessité, un impératif éthique et parfois une urgence absolue devant une douleur majeure.
Ne pas traiter la douleur aggrave la détresse et l’angoisse, installe le sentiment de ne pas être écouté ni compris, avec un impact négatif important à court terme.
Des études ont montré que l’enfant, même nouveau-né, enregistre la douleur dans sa mémoire consciente, mais aussi inconsciente, déjà active chez les plus jeunes.
La mémorisation des douleurs a un impact délétère à long terme : la douleur sensibilise à la douleur, la douleur suivante sera plus forte et plus inquiétante avec des conséquences en termes de perte de confiance, voire de désespoir, d’opposition, avec le risque de phobie des soins. De plus, la douleur non soulagée est un facteur de risque de chronicisation de la douleur. À l’inverse, soulager la douleur modifie le souvenir, la douleur mémorisée sera plus faible qu’initialement enregistrée !
Prévention de la douleur et de la détresse liées aux soins
La douleur liée aux soins est vécue par les petits enfants comme une agression incompréhensible, sans rationnel, d’où détresse et protestation vite majeures même pour un soin banal pour l’adulte (vaccination, prise de sang). La plupart des soins génèrent douleur et peur; une phobie des soins peut s’installer rapidement.
Prévention de la douleur et de la peur doivent être systématiques, dès le premier soin, en collaboration avec les parents, avec des méthodes non pharmacologiques toujours, et des moyens pharmacologiques souvent.
Méthodes non pharmacologiques
Avant le soin :
*organiser un environnement accueillant, serein;
*établir une relation de confiance;
*informer, sans mentir ni banaliser, sur : le soin, son déroulement, les moyens utilisés pour le vivre confortablement, le rôle de chacun (fiches explicatives de l’association Sparadrap, par exemple);
*éviter les phrases négatives comme « n’aie pas peur, ne t’inquiète pas »; utiliser des formulations positives « rassure-toi » ou « tout se passera au mieux »;
*rassurer l’enfant et ses parents, expliquer l’intérêt du soin chez les plus âgés, rappeler aux plus jeunes que le soin n’est pas une punition;
*prévoir la participation de l’enfant s’il le souhaite (regarder, décoller le pansement ou au contraire s’en éloigner mentalement);
*prévoir et organiser les méthodes d’analgésie selon le niveau attendu de douleur du soin et l’état de l’enfant;
*prévoir la présence des parents et leur donner un rôle : garder le contact visuel, verbal et tactile avec leur enfant, participer à la distraction, les plus jeunes dans les bras, ne pas les impliquer dans la contention forte;
*prévoir si possible un soignant déjà expérimenté.
Pendant le soin :
*installer parent, enfant et soignant confortablement;
*faire respirer calmement;
*distraire : bulles de savon, jouets sonores ou lumineux, histoire lue, dialogue, chansons, vidéo, jeux vidéos, réalité virtuelle…;
*ou mettre en place l’hypno-analgésie : à partir de 5 à 6 ans, par un soignant formé, très efficace (l’enfant est très suggestible) : l’enfant est guidé, accompagné vers un état de concentration sur autre chose que le soin, ce qui en modifie la perception;
*ne pas tenir de force, savoir s’arrêter si le soin se passe mal et réfléchir en équipe comment faire autrement.
Après le soin :
*terminer le soin avec une parole ou un acte positifs et agréables (ce moment sera mémorisé) : féliciter, valoriser le courage, même si l’enfant a pleuré;
*évaluer la douleur, évaluer le degré de la contention si elle a été une difficulté.
Moyens médicamenteux
Toujours en association avec les moyens non pharmacologiques.
Les solutions sucrées orales produisent une analgésie efficace pour une effraction cutanée chez le nouveau-né, y compris prématuré, et le nourrisson jusqu’à 6 mois :
*saccharose 24 % (dosettes unidoses commercialisées) ou glucosé 30 %;
*déposer quelques gouttes sur le bout de la langue;
*puis faire téter une tétine non nutritive pendant le soin;
*durée de l’analgésie : 5 à 7 minutes.
L’allaitement maternel pendant le soin est tout aussi efficace.
Le MEOPA, mélange équimolaire oxygène-protoxyde d’azote (50/50), gaz anxiolytique et antalgique est la référence pour les actes et soins douloureux (ponction veineuse, suture, ponction lombaire, myélogramme, sondage vésical, pansement de brûlure…) :
*inhalation minimum 3 minutes avant, poursuivie pendant le soin;
*durée < 60 minutes (selon l’AMM);
*à partir de l’âge d’1 mois, mais surveillance de la sédation plus délicate chez le bébé; acceptation du masque parfois difficile avant 3 ans : ne jamais administrer de force; rester ludique, montrer aux parents, laisser la tétine; après 3 ans : approcher lentement le masque, laisser l’enfant se l’approprier (par exemple, le colorier avec des feutres à odeurs), laisser l’enfant tenir son masque;
*effets indésirables : nausées/vomissements, sédation; réversibles en quelques minutes à l’arrêt;
*contre-indications : HTIC, trouble de conscience, oxygénodépendance > 50 %, pneumothorax, traumatisme craniofacial.
Une formation courte est obligatoire préalablement à son utilisation.
Toujours associer à un accompagnement par la distraction (jeux, chanson, histoires, tablette) ou de l’hypno-analgésie pendant l’inhalation pour renforcer les effets.
La crème anesthésiante lidocaïne-prilocaïne (EMLA® ou génériques) crème + pansement occlusif ou patch, est efficace pour l’anesthésie de l’effraction cutanée à tout âge y compris chez le nouveau-né à terme :
*anesthésie cutanée sur 3 mm de profondeur au bout de 1 heure d’application et sur 5 mm au bout de 2 heures;
*durée d’anesthésie d’1 à 2 heures ensuite.
Les anesthésiques locaux (Xylocaïne®) peuvent être utilisés en infiltration sur les berges d’une plaie. L’injection est douloureuse, il est recommandé de tamponner le pH acide de la solution2, d’injecter très lentement et sous inhalation de MEOPA.
Ces moyens peuvent être associés pour plus d’efficacité.
Des anxiolytiques de type hydroxyzine peuvent être utilisés pour diminuer l’anxiété.
En cas d’inefficacité, une sédation médicamenteuse (orale ou rectale ou IV) est utilisée dans les lieux de soin (par exemple, benzodiazépine ou morphinique ou les deux), avec une surveillance particulière du risque de dépression respiratoire.
Le tableau 11.4 synthétise les délais d’efficacité des moyens antalgiques pour les soins.
Moyens antalgiques pour les soins : délais d’efficacité.
–Saccharose : 2 minutes avant le soin (tout en faisant téter une tétine ensuite)
–MEOPA : 3 minutes (et poursuivre l’inhalation pendant le soin)
–Anesthésiques locaux (infiltration) : 5 minutes
–Crème ou patch anesthésiant de type EMLA® : 60 à 120 minutes
–Administration per os: 30 à 60 minutes (l’efficacité décroît après ce délai)
–Voie intrarectale d’un liquide (habituellement forme prévue pour l’IV) : moins de 10 minutes
–Voie intraveineuse directe : moins de 10 minutes
Pour tout soin douloureux : informer avant, présence des parents, distraire ou accompagner par l’hypnose, solutions sucrées orales ou allaitement chez les plus jeunes, MEOPA, crème anesthésiante ou patch, pas de contention forte.
Principes du traitement de la douleur
Les douleurs liées à une maladie ou traumatiques ou postopératoires nécessitent un traitement médicamenteux, toujours associé à un traitement non médicamenteux (au minimum soutien relationnel, distraction).
Les douleurs chroniques médicalement inexpliquées (abdominales, musculo-squelettiques…) relèvent surtout de méthodes non médicamenteuses, psychocorporelles.
La relation thérapeutique chaleureuse, dans la confiance, en demandant l’avis de l’enfant et des parents sur l’évaluation de la douleur, les objectifs de soulagement, l’effet du traitement et les effets indésirables, est indissociable de la prescription.
Moyens médicamenteux
L’objectif devant une douleur aiguë ou récente est d’obtenir une analgésie rapide.
Principes :
*prescription antalgique systématique, à horaires réguliers (selon la demi-vie de la molécule), pour la durée prévisible de la douleur;
*choix initial selon l’évaluation réalisée avec une échelle validée; choisir d’emblée la molécule adaptée au niveau de douleur;
*toujours prévoir un recours (ordonnance évolutive), en cas de douleur persistante malgré le traitement, en précisant le critère, par exemple : si EVA ≥ 4/10 ou si EVENDOL ≥ 5/15…;
*privilégier les voies orales ou IV; bannir les suppositoires et les IM sauf exception;
*suivi de l’efficacité : adaptation en réévaluant régulièrement la douleur;
*ne jamais utiliser volontairement de placebo (sauf essai clinique contrôlé) : le placebo ne permet pas de distinguer entre douleur organique et psychosomatique (les deux répondent au placebo) et perturbe la relation de confiance.
Choix de l’antalgique en fonction :
*du mécanisme : origine nociceptive ou neuropathique;
*de l’intensité : nécessité de l’évaluation préalable et régulière;
*de l’étiologie de la douleur :
–pas ou peu d’antalgiques pour les douleurs sans origine organique, et jamais de morphinique;
–pas de morphinique pour une migraine ou des céphalées;
–AINS spécialement indiqués dans certaines situations (traumatisme, migraine).
Suite aux limitations de prescription de la codéine chez l’enfant, la HAS a fait paraître en 2016 des recommandations de bonne pratique concernant l’emploi des antalgiques dans les situations courantes principalement ambulatoires de pédiatrie.
Une synthèse de la classification des principaux antalgiques utilisés chez l’enfant ainsi que la correspondance entre antalgiques et intensité de la douleur sont proposées dans les tableaux 11.5 et 11.6.
lassification des principaux antalgiques utilisés.
Antinociceptifs Non morphiniques Palier 1 Paracétamol
AINS, principalement ibuprofène
Antispasmodiques Phloroglucinol
Morphiniques Palier 2 Codéine
Tramadol
Nalbuphine*
Palier 3 Morphine
Fentanyl patch
Anti-douleur Neuropathique Antidépresseur Amitryptilline (hors AMM)
Antiépileptique Gabapentine (hors AMM)
Prégabaline (hors AMM)
Anesthésique local Versatis® patch lidocaïne (hors AMM)
Modulateur (anti-hyperalgésie) Néfopam (hors AMM)
Kétamine
*La nalbuphine est classifiée dans le palier 3 même si son effet plafond limite son efficacité à un équivalent palier 2.
Correspondance antalgique/intensité de la douleur pour une douleur nociceptive.
Intensité de la douleur EVA ou EN (0 à 10) Activités de l’enfant Antalgique
Légère 1 à 3 Normales ou subnormales Abstention ou Paracétamol
Modérée 3 à 5 Diminuées Paracétamol Prévoir si insuffisant : + AINS et/ou palier 2
Intense 5 à 7 Très pauvres Paracétamol + palier 2 + Si indiqués, AINS Prévoir si insuffisant : palier 3
Très intense 7 à 10 Arrêtées Paracétamol + palier 3 + Si indiqués, AINS
Moyens non médicamenteux
L’instauration d’une relation de confiance avec l’enfant et sa famille, l’écoute attentive et la volonté de rejoindre l’univers de l’enfant sont des étapes essentielles. Le soutien relationnel, l’information, le jeu, la présence des parents et des méthodes simples de réassurance et de distraction sont systématiquement associés.
Dans certaines indications, le recours aux méthodes physiques (exercice, kinésithérapie, massages, électrostimulation, application de chaud ou de froid), aux méthodes cognitivo-comportementales ou psychocorporelles (relaxation, méditation, hypnose) et parfois aux psychothérapies verbales, est utile, voire nécessaire, en particulier pour les douleurs chroniques.
Antalgique adapté au mécanisme, à l’intensité, à l’étiologie de la douleur, selon l’AMM et les recommandations (ANSM, HAS, Pédiadol). Toujours associer aux moyens non médicamenteux.
3 Critères de surveillance d’un traitement antalgique
L’objectif de la prise en charge antalgique lors d’une douleur aiguë ou récente en cours est de ramener l’EVA à une valeur ≤ 3 ou 4/10, ou ≤ à la valeur équivalente du score comportemental choisi (par exemple, EVENDOL ≤ 4 ou 5/15), et d’obtenir la reprise des activités de base de l’enfant (bouger, jouer, dormir, manger, parler).
Tout traitement doit conduire à une réévaluation utilisant la même échelle d’évaluation.
Toute situation nécessitant une augmentation des doses et/ou un changement de palier médicamenteux de façon imprévue doit faire rechercher une complication de l’affection causale ou un événement intercurrent inattendu.
En cas de prise en charge ambulatoire (étiologie bénigne, douleur contrôlée avec des antalgiques simples), les parents doivent recevoir des informations précises mentionnant sur l’ordonnance : les prises systématiques pendant un temps déterminé, les consignes d’adaptation du traitement si nécessaire, et la nécessité de reconsulter si l’analgésie est insuffisante ou en cas d’effet inattendu. Des consignes simples de surveillance doivent être données aux parents : demander à l’enfant si le soulagement est suffisant, observer le retour aux activités normales.
Une surveillance étroite adaptée aux enfants traités par morphine est indispensable (voir § III.B.4. Morphine).
Médicaments utilisables
A Antalgiques antinociceptifs non morphiniques (palier 1 de l’OMS)
Voir tableau 11.7.
Tableau 11.7
Palier 1 : paracétamol et AINS.
Molécule Voie d’administration et présentations AMM (âge) Posologie Effets indésirables Contre-indications
Paracétamol Le 1er recours PO : sirop avec pipette dose/poids, sachet ou dosette ou comprimé sublingual, comprimés à avaler ou effervescents Dès la naissance 15 mg/kg/prise toutes les 6 heures Délai d’action : 30 à 60 minutes Rares aux doses thérapeutiques Toxicité : insuffisance hépatocellulaire fulminante à partir d’une ingestion de 150 mg/kg Insuffisance hépatocellulaire sévère
Hypersensibilité au paracétamol
AINS
Le 2e recours
PO (ibuprofène) Sirop (pipette poids délivrant soit 7,5 mg/kg soit 10 mg/kg) Comprimé AMM dès 3 mois 7,5 mg/kg/prise toutes les 6 heures ou 10 mg/kg/prise toutes les 8 heures Délai d’action : 30 à 60 minutes Prévoir une durée courte (2 à 4 jours) Exceptionnels en pédiatrie en durée courte (saignement digestif surtout) Toujours reconsulter si nouveaux symptômes Ulcère, trouble de la coagulation Non recommandé si : varicelle, infection bactérienne sévère (pleuropulmonaire, ORL compliquée, cutanée ou des tissus mous) car risque potentiel d’aggravation
IV (kétoprofène) AMM à 15 ans
Autres AINS AMM variables
Antalgiques antinociceptifs morphiniques (paliers 2 et 3 de l’OMS)
Voir tableau 11.8.
Tableau 11.8
Palier 2 : principales molécules.
Molécule Voie d’administration et présentations AMM (âge) Effets indésirables Contre-indications
Codéine PO : cp. associant codéine et paracétamol À partir de 12 ans Constipation, nausées, vomissements, somnolence, impression de malaise ou d’ébriété, vertiges
Risque addictif à long terme
Après amygdalectomie ou adénoïdectomie
Crise d’asthme en cours Insuffisance respiratoire ou hépatocellulaire
Précaution si trouble neurologique en cours Hypersensibilité à la codéine
Tramadol PO : soluté en gouttes À partir de 3 ans Somnolence, vertiges, nausées, vomissements, céphalée, convulsion Risque addictif à long terme. Hypersensibilité au tramadol Déconseillé si atteinte respiratoire
Si encombrement des voies respiratoires, surveiller sédation et respiration après la 1re prise
Prudence si trouble neurologique évolutif
PO : cp. associant tramadol et paracétamol et LP À partir de 12 ans
IV Usage exceptionnel
Nalbuphine
Morphinique agoniste-antagoniste
IV
IR en l’absence de voie IV (surtout aux urgences)
≥ 18 mois Utilisation en pratique courante avant cet âge Somnolence, vertiges, nausées, impression de « planer » Quasiment jamais de dépression respiratoire Effet plafond : passer à la morphine en titration si douleur non contrôlée Hypersensibilité à la nalbuphine Précaution d’emploi si atteinte respiratoire ou neurologique évolutive
Morphine PO : 2 formes orales selon délai et durée d’action PO : ≥ 6 mois mais utilisation dès la naissance possible (diminuer la posologie de moitié si < 6 mois) – PO et IV : constipation (prévention systématique par laxatifs de type macrogol), nausées, prurit, rétention aiguë d’urine, surtout avec voie IV Insuffisance respiratoire décompensée
Insuffisance hépatocellulaire sévère
– Libération immédiate (LI) : délai d’action : 30 à 45 minutes, durée d’action :
Précaution si trouble neurologique évolutif, si insuffisance rénale
4 heures, formes gouttes et cp. – Pour IV : prévention ou traitement des effets indésirables par antagonistes de la morphine à très petite dose (naloxone ou nalbuphine) Attention aux erreurs de prescription et d’administration, faire contrôler la prescription par un médecin senior, surtout pour l’IV, faire contrôler la préparation par une 2e infirmière
– Libération prolongée (LP) : délai d’action : 2 à 4 heures, durée d’action 12 heures, forme cp.
IV
Délai d’action : 5 minutes
Dès la naissance – Signes d’alerte de surdosage (surtout voie IV) : somnolence et bradypnée; prévention : surveillance régulière (vigilance, FR, EVA); traitement : stimulation, oxygénation, antidote IV (naloxone) D’autres opioïdes sont utilisés chez l’enfant exceptionnellement : fentanyl intranasal; et principalement pour les douleurs du cancer : oxycodone, fentanyl patch, fentanyl transmuqueux, buprénorphine, hydromorphone (non abordés ici).
Connaître les principes de prescription de ces principaux antalgiques.
Autres médicaments antalgiques
1 Antispasmodiques
*Efficacité modeste et peu documentée, à associer à un autre antalgique.
*Indications : douleurs viscérales.
*Voie orale : phloroglucinol, trimébutine, tiémonium.
*Voie injectable : phloroglucinol.
2 Néfopam
*Modulateur de l’analgésie.
*Utilisé en IV continu par de nombreuses équipes chez le grand enfant et l’adolescent, en complément des antalgiques, malgré l’AMM à 15 ans.
*Usage per os : peu documenté.
*Effets indésirables : vertiges, somnolence, nausées, convulsion.
3 Kétamine
*Médicament anesthésique, utilisé comme modulateur (antihyperalgésie) à petite dose, sur protocole.
*Présence requise d’un médecin senior habitué à gérer la sédation et la ventilation. Surveillance de type soins intensifs.
*Indications : à petite dose en IV continu en association avec la PCA de morphine IV pour une douleur sévère résistante aux morphiniques; en prémédication de geste invasif par une équipe formée.
4 Anxiolytiques : hydroxyzine ou benzodiazépines
*Indication : en prémédication de gestes douloureux afin de diminuer l’anxiété.
*Voie injectable (surveillance rapprochée) ou en intrarectal ou voie orale : midazolam.
5 Médicaments des douleurs neuropathiques
*Si douleur neuropathique suspectée : avis spécialisé recommandé.
*Voie orale, molécules de première intention : amitriptyline ou gabapentine, introduire à dose progressivement croissante (hors AMM actuellement).
*Voie locale : anesthésique topique de type lidocaïne emplâtre (Versatis®), sur la zone d’allodynie (hors AMM).
Points clés, recommandations d’emploi des antalgiques
Les recommandations actuelles s’appuient sur les recommandations 2016 de la HAS « Prise en charge médicamenteuse de la douleur chez l’enfant : alternatives à la codéine » et sur les recommandations des sociétés d’experts : Pédiadol, SFETD, Académies anglaises, américaines et canadiennes de pédiatrie.
1 Principales données
*L’éducation des prescripteurs, des pharmaciens et des familles sur la douleur et ses traitements est primordiale afin de garantir des conditions optimales de prise en charge.
*Dans certaines situations, comme la traumatologie et certaines douleurs postopératoires, les AINS ont montré une efficacité supérieure aux antalgiques morphiniques.
*En cas d’insuffisance d’efficacité du paracétamol seul ou de l’ibuprofène seul, leur association, et non leur alternance, est recommandée.
*Si l’ibuprofène est prescrit aux posologies recommandées pour une durée courte (48 à 72 heures), les effets indésirables sont rares.
*Les indications des paliers 2 sont restreintes. Il est recommandé désormais par l’OMS et la plupart des sociétés savantes de recourir à la morphine à petite dose si l’association paracétamol-ibuprofène est insuffisante, sans passer par le palier 2.
*La morphine orale est recommandée dans la prise en charge des douleurs intenses ou en cas d’échec d’antalgiques moins puissants.
*Les morphiniques (codéine, tramadol, morphine…) ne sont pas recommandés pour le traitement au long cours des douleurs chroniques non cancéreuses comme les douleurs abdominales récurrentes ou musculo-squelettiques, les céphalées et migraines.
2 Exemples de prescription
Exemples de prescription
Une prescription ambulatoire : otite moyenne aiguë
*Douleur modérée : paracétamol ou ibuprofène ou association des deux.
*Douleur sévère : paracétamol et ibuprofène, réévaluer, tramadol voire une prise de morphine orale en urgence si besoin; gouttes auriculaires avec anesthésique local (contre-indication : tympan perforé).
*Attention : la persistance de l’otalgie à 48–72 heures est un motif de réévaluation médicale (parfois recours à la paracentèse qui fait disparaître la douleur).
Une prescription aux urgences : traumatologie (fractures, entorses)
*Douleur modérée : paracétamol ou ibuprofène ou association des deux.
*Douleur sévère : association ibuprofène et tramadol ou ibuprofène et morphine orale.
*Attention : analgésier avant toute mobilisation, avant la radiographie, avant la confection du plâtre; recourir facilement au MEOPA.
Que faire devant un adolescent douloureux chronique ?
Enfants et adolescents douloureux chroniques (céphalées, douleurs abdominales, douleurs musculo-squelettiques) consultent souvent dans de multiples lieux de soins dans une errance diagnostique, à la recherche d’un soulagement.
Croire l’adolescent, confirmer la douleur chronique est une première étape, sans juger ni minimiser ni condamner.
Il est recommandé d’explorer le contexte dans lequel est survenue cette douleur, son retentissement dans les différents domaines de vie de l’enfant (scolaire, social, familial) et de rechercher les facteurs psycho-émotionnels associés, causes ou conséquences étant devenues indistin-guables (trouble du sommeil, anxiété, dépression, catastrophisme, tentatives de suicide, scarifications, événements de vie…).
Cette évaluation est réalisée au mieux lors d’une consultation dédiée. Les antalgiques habituels sont peu utiles et les morphiniques sont à éviter. Les méthodes physiques, psychocorporelles et psychothérapeutiques sont à mettre en œuvre.
Méthodes non médicamenteuses
Les composantes de la douleur nécessitent des réponses qui tiennent compte à la fois des aspects sensoriels, physiques, cognitifs et émotionnels.
Moyens physiques
L’activité physique adaptée, la kinésithérapie, les massages, l’électrostimulation (TENS), l’application de froid, de chaleur, de vibrations, sont souvent indiquées, surtout en traumatologie, en postopératoire, en rhumatologie, et pour les douleurs prolongées ou chroniques.
Moyens psychologiques affectifs et cognitifs : les méthodes psychocorporelles
La musique, la distraction de l’attention par des moyens variés, la réalité virtuelle, l’hypno-analgésie, font partie des principales méthodes psychocorporelles auxquelles les professionnels de pédiatrie ont recours pour réduire la douleur et l’anxiété de l’enfant, avec une efficacité documentée par de nombreuses études, en particulier pour les douleurs induites par les soins.
Moyens relationnels psychothérapeutiques
Les méthodes psychocorporelles et les psychothérapies sont recommandées pour les douleurs chroniques.
La qualité de l’analgésie pédiatrique est liée à l’aspect multimodal des interventions que l’on propose à un enfant douloureux. Ces approches corps-esprit dites intégratives répondent à une conception holistique de la médecine.
L’engagement du professionnel de santé dans cette prise en charge nécessite le soutien du service, de l’institution autant qu’une démarche personnelle et d’équipe, en même temps qu’il procure une grande satisfaction dans le travail. Bénéficier de la mise en œuvre des moyens antalgiques fait partie des droits de l’enfant, qui en sera le bénéficiaire.
Prendre soin, soulager autant que possible font partie intégrante du traitement de la maladie, dans une approche éthique centrée sur lans une approche éthique centrée sur la bientraitance de l’enfant.
Synthèse des recommandations antalgiques selon la situation
Douleur récente dite « aiguë »
*Cause évidente nociceptive ou neuropathique ou mixte : maladie, chirurgie, traumatisme, soins.
*Depuis quelques minutes à quelques heures, jours ou semaines.
*Influence de l’anxiété, de la mémorisation.
*Évaluer l’intensité avec une échelle validée.
*À prévenir et traiter par les antalgiques en associant les méthodes non pharmacologiques physiques et psychologiques (réassurance, distraction, relaxation, hypnose).
Douleur chronique inexpliquée
*Cause souvent disproportionnée ou introuvable : céphalées chroniques, douleurs abdominales récurrentes, douleurs musculo-squelettiques, SDRC, dysménorrhée.
*Facteurs psycho-sociaux au premier plan (somatisation).
*Évaluer le retentissement et le contexte (anxiété, soucis, conflits…) plus que l’intensité.
*Prise en charge globale multimodale : méthodes non pharmacologiques, physiques, psychocorporelles, psychothérapeutiques, peu d’antalgiques.
Situations intermédiaires
*Douleurs aiguës récurrentes : crise vaso-occlusive drépanocytaire, migraines et céphalées de tension, douleurs abdominales.
*Douleur chronique accompagnant une maladie somatique chronique : cancer, polyhandicap, rhumatisme, maladie osseuse, drépanocytose, mucoviscidose, etc.
Avant de commencer…
La trisomie 21, ou syndrome de Down, est une maladie génétique fréquente, qui touche un fœtus sur 700. Elle est due le plus souvent à la présence d’un chromosome 21 surnuméraire (trisomie 21 libre) transmis dans 90 % des cas par la mère.
Le seul facteur de risque connu pour la survenue d’une trisomie 21 est l’âge maternel.
La confirmation diagnostique de la maladie repose sur un caryotype sanguin.
La trisomie 21 associe des anomalies développementales (dysmorphie faciale et malformations viscérales) à une déficience intellectuelle de sévérité variable. Elle est la première cause génétique de déficience intellectuelle.
De nombreuses complications somatiques peuvent survenir au cours du temps. Les malformations associées à la trisomie 21 sont potentiellement sévères et conditionnent le pronostic vital, alors que les difficultés neurodéveloppementales conditionnent le pronostic social.
Un accompagnement et une prise en charge multidisciplinaire médicale, rééducative et sociale sont indispensables à tous les âges de la vie pour la personne trisomique et sa famille. L’espérance de vie est maintenant supérieure à 50 ans.
La trisomie 21 fait l’objet d’une proposition de dépistage systématique en cours de grossesse, fondé sur un prélèvement de sang maternel. La suspicion diagnostique peut être confirmée par un diagnostic prénatal (DPN) invasif, suivi éventuellement d’une interruption médicale de grossesse (IMG).
Dépistage, diagnostic et IMG sont des choix personnels de la mère, nécessitant un consentement éclairé.
Du fait du diagnostic prénatal, l’incidence actuelle de la trisomie 21 est d’un cas pour 2 000 naissances.
Diagnostiquer une trisomie 21
A Tableau clinique
Le tableau clinique ne comporte aucun signe pathognomonique. Seule une hypotonie marquée est quasi constante, mais non spécifique.
On retrouve à des degrés divers les éléments de la triade phénotypique de toute anomalie chromosomique : dysmorphie, malformations et retard psychomoteur.
1 Anomalies morphologiques
Le phénotype de la trisomie 21 est variable (tableau 12.1). Les malformations sont souvent identifiées avant la naissance. La dysmorphie, en particulier, résulte de l’accumulation chez un même individu de particularités morphologiques mineures et non spécifiques.
Tableau 12.1
Signes cliniques de la trisomie 21.
Dysmorphie craniofaciale (fig. 12.1)
–Petit périmètre crânien (autour de – 2 DS)
–Occiput plat, nuque courte et large (avec en période néonatale un excès de peau)
–Visage rond et plat
–Petites oreilles rondes mal ourlées
–Hypertélorisme (distance excessive entre les orbites)
–Fentes palpébrales obliques en haut et en dehors, avec un épicanthus (insertion de la paupière supérieure formant un repli recouvrant le canthus interne)
–Nez court par hypoplasie des os propres du nez, avec ensellure nasale plate (contribuant à l’épicanthus)
–Petite bouche, souvent tenue ouverte (du fait de l’hypotonie faciale)
–Langue protruse donnant une impression de macroglossie
–Mâchoire inférieure devenant prognathe avec l’âge
Autres signes externes
–Retard statural (autour de – 2 DS)
–Mains trapues, avec des doigts courts et hyperlaxes
–Clinodactylie (déviation latérale) du 5e doigt liée à une brachymésophalangie (phalange P2 courte)
–Pli palmaire transverse unique (NB : ne concerne que 2/3 des mains de trisomiques et 1 % des mains dans la population générale)
–Pieds larges et courts, avec un espace marqué entre l’hallux et le 2e orteil (signe de la sandale)
–Peau sèche
Malformations cardiaques (50 %)
–Canal atrioventriculaire (CAV) = 50 % des cardiopathies de la trisomie 21
–Tétralogie de Fallot
–Communication interventriculaire (CIV) ou interauriculaire (CIA)
Malformations digestives
–Atrésie duodénale (10 %)
–Imperforation anale
–Maladie de Hirschsprung (1 %)
Reconnaître une trisomie 21 peut s’avérer difficile, en particulier dans un contexte ethnique non familier.
Retard psychomoteur et manifestations psychiatriques
À l’hypotonie néonatale quasi constante succède un retard des acquisitions psychomotrices, avec un retard de langage marqué.
Le déficit cognitif est très variable. Si le QI moyen se situe autour de 45, il peut varier entre 25 (déficience intellectuelle sévère) et 80 (niveau normal faible). La lecture et l’écriture sont possibles pour deux tiers des sujets.
La trisomie 21 est un facteur de risque pour l’autisme, qui s’observe dans 3 % des cas.
Avec l’âge, les patients sont à risque de développer une démence de type Alhzeimer avec une régression (> 50 % des cas).
3 Autres complications
De nombreuses complications peuvent survenir, notamment des maladies auto-immunes (tableau 12.2).
Tableau 12.2
Complications de la trisomie 21.
Pathologie Incidence* Remarque
Obésité 30–50 % Aggravée par la sédentarité, l’absence d’activité physique et la boulimie
Diabète de type 1 1 %
Diabète de type 2 Secondaire à l’obésité
Dépistage systématique à l’âge adulte
Hypothyroïdie et thyroïdite 4–18 % Dépistage annuel
Maladie cœliaque 5 % Dépistage clinique
Syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) > 50 % Dépistage systématique à 4 ans par polysomnographie
Infections ORL récurrentes 60 % Déficit non spécifique de l’immunité humorale et cellulaire
Surdité 45–75 % 2 % de surdité de perception congénitale Examen de dépistage annuel
Strabisme et myopie 60 %
Cataracte 15 % Peut se manifester à tous les âges
Examen systématique annuel (tous les 3 ans chez l’adulte)
Épilepsie 1–10 % Risque de syndrome des spasmes épileptiques infantiles
Polycaries et maladie parodontale 90 % Soins sous anesthésie générale
Hyperleucocytose du nourrisson 4–10 %
Leucémie aiguë myéloblastique 1 %
Instabilité atlanto-axoïdienne 2 % Pas de dépistage radiologique Prudence en cas d’intubation
Ostéoporose Chez l’adulte (surtout femme ménopausée)
Maladie d’Alzheimer 50 % Après 40 ans
Stérilité Chez les hommes (les femmes ont une fertilité normale)
*Les chiffres d’incidence sont donnés à titre indicatif.
Les sujets trisomiques 21 ont des difficultés à décrire leurs symptômes ou à localiser et quantifier leurs douleurs. Le diagnostic des complications peut donc être retardé ou négligé et les bilans systématiques sont importants. Une attention particulière doit être prêtée aux changements de l’humeur, aux modifications inattendues de poids…, qui peuvent signer une complication secondaire.
Triade d’anomalies chromosomiques = dysmorphie, malformations et retard psychomoteur.
Complications principales : obésité, infections ORL et SAOS, dysthyroïdie, épilepsie.
Diagnostic génétique
1 Investigations cytogénétiques
La confirmation diagnostique de la trisomie 21 requiert un caryotype sanguin, même si le diagnostic clinique paraît évident. Elle nécessite le consentement écrit des parents.
Les quatre formes cytogénétiques de trisomie 21 sont résumées dans le tableau 12.3.
Tableau 12.3
Formes cytogénétiques de trisomie 21.
Trisomie 21 libre homogène 95 % 47 chromosomes (47,XX,+ 21 ou 47,XY,+ 21) Caryotype parental inutile
Trisomie 21 libre en mosaïque 2 % Des cellules à 47 chromosomes dont 3 chromosomes 21 coexistent avec des cellules à 46 chromosomes dont 2 chromosomes 21 Caryotype parental inutile
Trisomie 21 par translocation roberstonienne 3 % 46 chromosomes dont un chromosome recombinant Caryotype parental indispensable : 50 % de ces translocations sont héritées d’un parent à 45 chromosomes, porteur d’une translocation équilibrée robertsonienne impliquant les chromosomes acrocentriques (13, 14, 15, 21, 22)
Trisomie 21 par translocation réciproque Rare 46 chromosomes dont un chromosome recombinant Caryotype parental indispensable (50 % de formes héritées)
Bases du conseil génétique
Le conseil génétique s’adresse aux couples ayant un risque accru d’avoir un fœtus atteint de trisomie 21 et aux couples ayant eu un fœtus ou un enfant atteint de trisomie 21 ou des antécédents familiaux de trisomie 21. Il a pour but d’évaluer le risque de trisomie 21 pour un futur enfant de ce couple et d’envisager les stratégies de prévention.
Le risque a priori de trisomie 21 est fonction de l’âge maternel : 1 pour 1 500 naissances à 20 ans, 1 pour 1 000 à 30 ans, 1 pour 350 à 35 ans, 1 pour 100 à 40 ans, 1 pour 30 à 45 ans. Le risque pour une femme trisomique 21 d’avoir un enfant trisomique est de 1/3.
Une trisomie 21 libre est due à une non-disjonction méiotique accidentelle. L’examen des caryotypes parentaux est inutile.
Pour un couple ayant eu un fœtus ou un enfant atteint d’une trisomie 21 libre, le risque de récurrence pour un nouvel enfant est de 1 %. Ceci s’explique par l’existence de mosaïques germinales parentales indétectables.
Dans le cas d’une trisomie 21 par translocation, le caryotype des parents est indispensable. Si les caryotypes des parents sont tous les deux normaux (translocation de novo), le risque de récurrence est de 1 %. Si l’un des parents a une translocation équilibrée, le risque de récurrence varie de 10 % à 100 % (dans le cas exceptionnel d’un parent porteur d’une translocation robertsonienne impliquant ses deux chromosomes 21). Il est plus élevé si c’est la mère qui porte la translocation.
Lorsqu’un parent porte une translocation équilibrée, les apparentés majeurs de cette personne doivent être informés de leur risque d’être porteurs (voir la section sur l’information de la parentèle, dans le chapitre 13 consacré à l’X fragile). Un caryotype doit leur être proposé.
Confirmation = caryotype sanguin : trisomie 21 libre, complète et homogène (95 % des cas).
Risque de récurrence faible pour une trisomie 21 libre : 1 %.
Prendre en charge et assurer le suivi d’un enfant trisomique
A Annonce diagnostique
Toute annonce d’une pathologie grave doit se faire dans un endroit calme pour une écoute et une disponibilité optimale, si possible en présence des deux parents.
Une information adaptée et loyale doit être délivrée aux deux parents sur la maladie, son évolution naturelle et ses complications, sa prise en charge médicale et sociale.
L’annonce d’un diagnostic de trisomie 21 est toujours délicate, car c’est une affection que « tout le monde connaît », ce qui signifie beaucoup de préjugés et de figurations erronées. Il est inutile d’inonder les parents d’informations médicales complexes à ce stade et il faut éviter les affirmations péremptoires sur le pronostic ou le devenir : l’avenir d’un enfant atteint de trisomie 21 est aussi imprévisible que celui de tout enfant. Une présentation positive de la prise en charge est indispensable. Il faut informer les parents de l’existence de consultations spécialisées dans le suivi des enfants trisomiques et de l’existence des associations de parents.
Ne pas hésiter à revoir rapidement les parents : il est plus raisonnable de focaliser le premier entretien sur les questions les plus urgentes et d’approfondir la discussion lors d’entretiens ultérieurs, car la sidération qui accompagne souvent ce diagnostic inattendu ne permet pas aux parents d’appréhender toutes les implications ni de formuler toutes les questions.
En période anténatale, l’IMG doit être envisagée et discutée au cours de la consultation.
Il faut tenir compte de la culture et des positions éthiques, philosophiques ou des convictions religieuses des parents. L’objectif est de fournir des informations claires et précises, puis d’accompagner les parents dans le choix qu’ils ont fait, en conservant une neutralité bienveillante, quelle que soit leur option.
Prise en charge et suivi
1 Prise en charge médicale
La prise en charge médicale est pluridisciplinaire et à vie. Elle associe une surveillance clinique, biologique et morphologique, et la détection systématique des complications tardives.
Une surveillance pédiatrique régulière est indispensable : croissance, alimentation, développement psychomoteur, dépistage des anomalies sensorielles… (tableau 12.2).
Les examens paracliniques au diagnostic comprennent un bilan hématologique (NFS), un bilan thyroïdien, une échographie cardiaque et rénale.
La recherche de surdité est indispensable dès la première année, car une déficience auditive va contribuer aux difficultés d’apprentissage du langage.
L’examen ophtalmologique régulier est indispensable (réfraction, strabisme, cataracte). Les dysthyroïdies doivent être recherchées annuellement; la possibilité de maladie cœliaque doit rester à l’esprit.
Le dépistage du SAOS par polysomnographie est recommandé à 4 ans.
2 Prise en charge sociale et paramédicale
Les mesures sociales et éducatives sont détaillées dans le chapitre 53 « Handicap ».
Dès l’âge de 3 à 6 mois, une rééducation en psychomotricité peut être prescrite dans le cadre d’une prise en charge dans un CAMSP (jusqu’à l’âge de 6 ans), un SESSAD, ou par un praticien libéral formé. La rééducation orthophonique peut être ajoutée dès l’âge de 1 an et doit être instaurée à l’âge de 3 ans.
Un suivi par un psychologue peut être utile, surtout après l’entrée en CP et à la puberté.
La scolarité est adaptée au niveau intellectuel : enseignement habituel avec une AESH, ULIS ou IME.
Annonce diagnostique avec tact et empathie.
Prise en charge médicale multidisciplinaire à vie.
Suivi de l’adulte trisomique
Un dépistage de l’hypothyroïdie, du diabète, de la maladie cœliaque et de la cataracte sont indispensables tous les 2 ou 3 ans.
Les dépistages systématiques du cancer du côlon, du sein, du col de l’utérus doivent être pratiqués.
Les troubles de l’humeur, des difficultés comportementales, un repli doivent faire rechercher une cause organique (douleurs orthopédiques, œsophagite, maladie d’Alzheimer…) avant toute prise en charge symptomatique.
L’entretien des acquis après la période scolaire est fondamental pour maintenir le niveau d’autonomie et d’intégration sociale atteint.
Beaucoup de patients trisomiques peuvent accéder au marché du travail comme travailleur handicapé ou dans des structures adaptées (ESAT).
Les personnes trisomiques ont pour la plupart la capacité de mener une vie affective normale et peuvent être sexuellement actives. Une contraception adaptée doit être discutée pour les adolescentes et femmes trisomiques.
Accompagnement familial
La naissance d’un enfant atteint de trisomie 21 est source d’un bouleversement au sein des familles. Elle peut conduire à un rejet affectif de l’enfant atteint (parfois à un abandon ou de la maltraitance), à une surprotection (au détriment de l’accompagnement affectif de la fratrie), à des tensions parentales (dépression, divorce), à un déni du handicap à venir.
L’accompagnement d’un enfant trisomique et de sa famille doit être assuré dès le diagnostic (anténatal ou postnatal), ainsi qu’à l’occasion du conseil génétique. L’aide des associations de parents peut être utile pour ces familles.
La guidance parentale est indispensable tout au long de l’enfance, pour investir les potentialités des enfants sans nier le handicap, pour accompagner les familles dans l’autonomisation de leur enfant. Il est important d’impliquer l’adolescent dans l’élaboration de son projet de vie et dans l’éducation à l’autodétermination et la socialisation.
Dépistage et diagnostic prénataux de la trisomie 21
A Principes généraux
La surveillance systématique d’une grossesse comprend l’évaluation du risque fœtal de trisomie 21, qui repose sur l’âge maternel et sur la mesure échographique de la clarté de la nuque au premier trimestre, le dosage de marqueurs sériques maternels du premier trimestre et la réalisation de trois échographies, à 12, 22 et 32 SA.
Ce dépistage prénatal doit être systématiquement proposé au cours de la grossesse.
Il a pour but d’identifier des femmes qui ont un risque accru de porter un fœtus avec trisomie 21.
Seul un caryotype fœtal obtenu par un diagnostic prénatal (DPN) invasif permet toutefois de poser un diagnostic de certitude.
Si le dépistage indique qu’une femme a un risque de trisomie 21 supérieur au seuil admis, un DPN est proposé. En cas de positivité, le DPN peut amener à l’interruption de la grossesse.
Chaque étape de ce processus est soumise à consentement écrit.
Une mère qui ne souhaite aucun examen permettant d’évaluer « le risque que le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse ou des examens à visée de diagnostic doit signer un document précisant son refus » (arrêté du 14 janvier 2014).
Par ailleurs, le dépistage sur marqueurs sériques, l’échographie de dépistage, l’échographie de diagnostic et les examens invasifs sont soumis à des consentements écrits distincts.
Dépistage
1 Évaluation du risque de trisomie 21 fœtale : approche classique
Échographies de suivi de grossesse
L’échographie prénatale poursuit deux buts : suivre le déroulement de la grossesse (échographie obstétricale) et rechercher des anomalies du développement fœtal (échographie morphologique).
L’échographie du premier trimestre (dite de datation) permet la mesure de la clarté de la nuque, normalement inférieure à 3 mm.
Elle doit être effectuée entre le début de la 11e SA et la fin de la 13e SA par un échographiste Identifié au sein d’un réseau de périnatalité.
Un hygroma kystique de la nuque (hygroma colli) est fréquemment associé à une anomalie chromosomique fœtale.
L’échographie de 22 SA permet de rechercher une anomalie malformative évocatrice.
L’échographie de 32 SA peut identifier un RCIU tardif.
Dosage des marqueurs sériques maternels
Diverses substances du sérum maternel permettent le recours à un calcul de risque.
Les marqueurs dosés au premier trimestre sont la protéine plasmatique placentaire de type A (PAPP-A) et la fraction libre de la chaîne β de l’hormone chorionique gonadotrope (β-hCG).
Au deuxième trimestre, les marqueurs utilisés sont l’α-fœtoprotéine (AFP), la β-hCG et, parfois, l’œstriol non conjugué.
Calcul combiné de risque
Des algorithmes permettent de moduler le risque a priori de trisomie 21, déterminé par l’âge maternel, en intégrant dans un « calcul combiné » la mesure de la clarté nucale au premier trimestre, les marqueurs du premier trimestre et des éléments correctifs : le poids, le tabagisme, l’origine géographique (européenne/nord-africaine, afro-caribéenne, asiatique), la gémellité…
Le seuil de positivité a été fixé à 1/250 (risque a priori d’une femme de 37 ans).
Évaluation du risque de trisomie 21 fœtale par étude de l’ADN libre circulant
Le plasma contient de l’ADN libre circulant (ALC), constitué de très petits fragments, provenant principalement de la dégradation des cellules endothéliales. Durant la grossesse, dès la 7e semaine, la destruction des cellules placentaires fœtales au contact de la circulation maternelle constitue une deuxième source d’ALC (5 à 10 % du total). Sa demi-vie ne dépasse pas 2 jours.
Ces techniques permettent d’établir en quelques jours, en un seul temps analytique, la séquence individuelle de plusieurs dizaines de millions de fragments d’ADN isolés du sang maternel, afin d’en déterminer l’origine chromosomique. Si le fœtus est trisomique, la technique identifie un excès relatif significatif de fragments d’ADN issus du chromosome 21 comparativement aux autres (sensibilité et spécificité > 99 %).
En 2017, la HAS recommande de proposer le dépistage par NIPT (Non-Invasive Prénatal Testing) de la trisomie 21 aux femmes dont le niveau de risque estimé est compris entre 1 sur 1 000 et 1 sur 51 par le dépistage classique. Tout dépistage par NIPT anormal doit être confirmé par caryotype fœtal qui seul permet de poser un diagnostic de certitude. Pour les femmes dont le risque est supérieur ou égal à 1 sur 50, la réalisation d’un caryotype fœtal d’emblée est maintenue mais en intégrant la possibilité pour celles qui le souhaiteraient de réaliser dans un premier temps un test ADN.
Résultats du dépistage de la trisomie 21
La dimension éthique de cette procédure de diagnostic anténatal ne doit pas être sous-estimée car plus de 95 % des diagnostics anténatals de trisomie 21 conduisent à une IMG.
Les enjeux doivent être expliqués de façon précise aux parents pour que leur décision soit prise en connaissance de cause; ce qui reste de toute façon très difficile.
Dépistage prénatal = clarté de nuque et autres anomalies échographiques, marqueurs sériques maternels. Calcul combiné de risque. Accompagnement des familles.
C Diagnostic prénatal
1 Indications
Le caryotype fœtal permet un diagnostic anténatal de trisomie 21.
Ses indications répondent au terrain maternel et familial, ainsi qu’aux arguments de suspicion diagnostique anténatals :
*remaniement chromosomique parental;
*antécédent d’un fœtus ou d’un enfant porteur d’une anomalie chromosomique;
*risque calculé ≥ 1/50, dépistage par NIPT anormal;
*signes d’appel échographiques.
2 Modalités
Deux méthodes de prélèvement sont possibles : la choriocentèse ou biopsie de trophoblaste (BT) pour étude des villosités choriales, et l’amniocentèse ou ponction de liquide amniotique (PLA). La cordocentèse (ou ponction de sang fœtal) est réservée à des situations très particulières nécessitant un dosage plasmatique fœtal.
Le recueil du consentement éclairé écrit de la mère est indispensable. Elle doit être informée de l’objectif de l’examen, des procédures, de la possibilité de dépistage d’autres anomalies chromosomiques que la trisomie 21 et des risques de fausse couche iatrogène (1 % pour la BT et 0,5 % pour la PLA).
Lorsqu’une anomalie précise est recherchée, une hybridation in situ à l’aide de sondes fluorescentes (technique FISH) permet un marquage en interphase du noyau de cellules obtenues par amniocentèse, sans culture préalable.
En cas de DPN pour anomalies morphologiques fœtales, un caryotype moléculaire par analyse chromosomique sur puce ADN (ACPA) peut être proposé, afin d’identifier des remaniements chromosomiques de petite taille ou pour mieux définir une anomalie identifiée sur un caryotype fœtal standard.
D Interruption médicale de grossesse
Un diagnostic prénatal de trisomie 21 peut conduire les parents à faire la demande d’une interruption médicale de grossesse (IMG), qui sera évaluée au sein d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN).
L’aide d’un psychologue est systématiquement proposée à la mère ou au couple.
Diagnostic prénatal = caryotype fœtal avec accord écrit maternel.
Dimension éthique du recours éventuel à une interruption médicale de grossesse.
Avant de commencer…
Le syndrome de l’X fragile est une affection génétique liée à l’X. L’X fragile est la deuxième cause génétique de déficience intellectuelle, après la trisomie 21.
L’anomalie génétique responsable est une mutation instable dans le gène FMR1, qui code une protéine (FMRP) indispensable au fonctionnement synaptique. Le gène normal contient une séquence de plusieurs triplets CGG. Cette suite de triplets prédispose à des erreurs lors de la réplication de l’ADN, qui conduisent à une expansion du nombre de triplets. Celle-ci s’aggrave au fil des générations.
L’expansion du nombre de triplets CGG est responsable de trois phénotypes pouvant s’observer dans la même famille :
*la mutation complète est à l’origine d’une déficience intellectuelle dans les deux sexes : le syndrome de l’X fragile;
*la prémutation induit deux phénotypes :
–une maladie neurodégénérative touchant les adultes de plus de 50 ans : le syndrome FXTAS;
–l’insuffisance ovarienne avec ménopause prématurée.
Le diagnostic clinique d’X fragile repose sur l’association de signes peu spécifiques : déficience intellectuelle associée à des troubles du comportement (notamment traits autistiques), visage allongé avec gros périmètre crânien, grandes oreilles, et macro-orchidie après la puberté.
Le diagnostic est confirmé par un test génétique (évaluation du nombre de triplets CGG et de la méthylation du locus FMR1). Un diagnostic prénatal peut être proposé aux couples à risque. En cas de diagnostic d’X fragile, l’information des apparentés à risque est obligatoire.
Pour bien comprendre
A Données épidémiologiques
Avec une prévalence de 1/4 000 garçons et de 1/5 000 à 1/8 000 filles, le syndrome de l’X fragile explique 2 à 3 % de la déficience intellectuelle et représente la première étiologie monogénique et la deuxième cause de déficience intellectuelle après la trisomie 21.
B Données génétiques
Le gène FMR1 (Fragile X Mental Retardation 1) est situé à l’extrémité du bras long du chromosome X. Il est transcrit en un ARN messager (ARNm) codant la protéine FMRP. FMRP est une protéine chaperonne qui peut se lier à des ARNm. Elle contrôle la synthèse protéique au sein des épines dendritiques, en transportant divers ARNm, dont elle module la traduction, du noyau vers la région présynaptique. Elle est indispensable pour la plasticité synaptique.
Les mutations par expansion de triplets sont une classe particulière de mutation, dites « instables » puisque l’expansion se modifie à chaque génération (tableau 13.1). D’autres pathologies génétiques sont liées à des mutations instables, comme la chorée de Huntington et la dystrophie myotonique de Steinert.
Tableau 13.1
Caractéristiques moléculaires des mutations de FMR1.
Nombre de triplets CGG État Stabilité Parent transmetteur
6 à 44 (moyenne : 30) Normal Expansion exceptionnelle vers une prémutation
45 à 54 Intermédiaire Expansion rare vers une prémutation, jamais vers une mutation Par le père (à un fœtus féminin) ou la mère
55 à 200 sans méthylation Prémutation Expansion systématique vers une prémutation plus grande ou vers une mutation Par le père (à un fœtus féminin) ou la mère
> 200 avec méthylation Mutation complète Expansion variable
Pas de retour à la prémutation
Par la mère (prémutée ou mutée)
Première cause monogénique de déficience intellectuelle.
Mutation complète dans le gène FMR1 (expansion de triplets ≥ 200 CGG avec méthylation du locus).
Faire le diagnostic de mutation dans le gène FMR1
A Tableau clinique du syndrome de l’X fragile
1 Généralités
Prémutation et mutation du gène FMR1 sont responsables de maladies différentes, par deux mécanismes physiopathologiques distincts : toxicité nucléaire des ARNm pour la prémutation, absence de protéine pour la mutation (tableau 13.2).
Tableau 13.2
B Corrélations entre le type de mutation, les conséquences cliniques et les risques génétiques.
Statut Risque génétique Conséquences cliniques
Chez l’homme Chez la femme
Normal Expansions exceptionnelles
Intermédiaire Expansions rares
Prémutation Expansion systématique, dans les 2 sexes Une femme prémutée peut transmettre une mutation complète Syndrome FXTAS : < 20 % à 60 ans, 75 % à 80 ans Ménopause prématurée : risque cumulé 20 %
Mutation Transmis uniquement par une femme mutée ou prémutée (jamais par un homme prémuté) Déficience intellectuelle constante : syndrome de l’X fragile Difficultés cognitives variables (50 % cas)
Le diagnostic du syndrome de l’X fragile est diffìcile sur des bases cliniques, car les signes évocateurs sont discrets et peu spécifiques.
Il est donc souvent recherché en première intention dans l’exploration de toute déficience intellectuelle non syndromique.
X fragile chez les garçons porteurs d’une mutation complète
Chez l’homme, l’absence de protéine FRMP est systématiquement responsable d’une déficience intellectuelle, le syndrome de l’X fragile :
*déficience intellectuelle constante :
–retard de développement psychomoteur, en particulier sur le langage;
–déficience intellectuelle modérée (QI habituellement entre 40 et 50) avec troubles des apprentissages;
*troubles du comportement : hyperactivité, timidité avec fuite du regard;
*troubles du spectre autistique (30 %);
*dysmorphie faciale (fig. 13.1) devenant plus évidente avec l’âge :
X fragile chez les filles porteuses d’une mutation complète
Parmi les femmes porteuses d’une mutation complète, des difficultés cognitives de sévérité variable s’observent dans la moitié des cas, en relation avec l’inactivation physiologique plus ou moins biaisée d’un des deux chromosomes X.
Triade chez le garçon porteur d’une mutation complète = déficit intellectuel, dysmorphie faciale, macro-orchidie (après la puberté).
Déficit intellectuel si mutation complète = 100 % des garçons et 50 % des filles.
B Conséquences cliniques d’une prémutation dans le gène FMR1
Le mécanisme pathogénique de la prémutation FRMP est un effet toxique des ARNm. Les personnes porteuses d’une prémutation n’ont pas de déficience intellectuelle mais peuvent développer des troubles neurologiques tardifs (Fragile X Tremor Ataxia Syndrome, FXTAS), plus commun chez les hommes, et, chez les femmes, une insuffisance ovarienne prématurée.
1 Prémutation chez les hommes
Le risque cumulé de développer un syndrome FXTAS est de l’ordre de 20 % entre 50 et 60 ans, de 75 % après 80 ans.
Cette maladie neurodégénérative progressive se traduit par des tremblements pseudo-parkinsoniens, une ataxie cérébelleuse et un déclin cognitif avec troubles de la mémoire à court terme, dégradation des fonctions exécutives puis démence.
Il n’y a pas de traitement curatif.
2 Prémutation chez les femmes
La prévalence de l’insuffisance ovarienne prématurée est de 20 % (versus 1 % dans la population générale). Elle conduit à une ménopause précoce (aménorrhée > 4 mois avant 40 ans, avec niveau de FSH post-ménopausique), qui peut donc parfois être le signe révélateur du syndrome au sein d’une famille.
Prémutation : prédisposition à FXTAS et ménopause prématurée.
Conseil génétique et diagnostic prénatal
A Conseil génétique
1 Généralités
Le conseil génétique est donné aux parents lors d’une consultation de génétique.
L’étude de l’arbre généalogique familial et des résultats de la génétique moléculaire permettent de déterminer le risque auquel les apparentés sont exposés.
2 Risque de transmission
Pour une femme porteuse d’une prémutation, la probabilité de transmettre une mutation complète dépend principalement de son nombre de triplets CGG : plus le nombre de triplets est grand, plus le risque de transmission est élevé.
Toutefois, si une femme prémutée a déjà engendré un enfant muté, la probabilité qu’elle transmette à nouveau une mutation plutôt qu’une prémutation est extrêmement élevée. En pratique, son risque d’avoir un garçon atteint est donc comparable à celui d’une femme mutée (50 %).
Pour une femme porteuse d’une mutation complète (ou une femme prémutée qui a déjà un enfant porteur d’une mutation complète), la probabilité de transmettre une mutation complète à sa descendance est de 50 %.
Si elle attend un garçon, celui-ci aura un risque de 50 % d’hériter de la mutation complète et de présenter le syndrome de l’X fragile.
Si elle attend une fille, celle-ci a 50 % de risque d’hériter de la mutation complète, dont on sait qu’elle conduit à une déficience intellectuelle une fois sur deux.
Un homme porteur d’une prémutation transmettra cette prémutation à toutes ses filles.
Ses fils n’ont aucun risque.
Étude familiale
Le dépistage des femmes conductrices est réalisé dans le cadre de la consultation de génétique. Le dépistage des hommes prémutés doit être proposé dans le cadre des consultations de diagnostic présymptomatiques (voir infra).
Conseil génétique car risque élevé de récurrence.
Tests génétiques chez un mineur
A Principes
Un test génétique ne peut être prescrit chez un mineur ou chez un majeur sous tutelle que si celui-ci ou sa famille peuvent bénéficier de mesures préventives ou curatives immédiates.
Il n’est donc permis de tester un enfant non symptomatique que si un résultat anormal pourrait impacter sa prise en charge. Exceptionnellement, un mineur asymptomatique peut aussi être prélevé si son résultat est indispensable pour l’interprétation des données familiales.
B Consentement éclairé et découvertes fortuites
L’information donnée avant de prescrire un test génétique doit notamment porter sur le cadre de l’examen (visée diagnostique, étude familiale, thérapeutique, conseil génétique…), les spécificités de la maladie recherchée, les limites des examens génétiques, le risque éventuel d’identification de caractéristiques génétiques sans relation directe avec la prescription et les obligations d’information de la parentèle.
Ces diagnostics fortuits sont fréquents lors de la réalisation d’examen chromosomique sur puce ADN et dans les tests fondés sur le séquençage de panels de gènes ou d’exomes.
C Information de la parentèle
L’obligation d’information à la parentèle est applicable pour toute anomalie génétique grave dont les conséquences sont susceptibles de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins.
Sont concernées les situations impliquant :
*un risque de décès prématuré;
*un risque de handicap sévère, le risque d’impossibilité d’autonomie à l’âge adulte;
*une gravité particulière ou un caractère incurable au regard de l’état des connaissances et de la littérature au moment de la consultation.
Au moment de la restitution du résultat, le médecin doit dresser la liste des personnes à informer en se fondant sur l’arbre généalogique et le mode de transmission (apparentés du premier et du second degré, en général), et fournir au patient un document explicatif simple que ce dernier pourra diffuser à ses proches.
Si une personne refuse de transmettre elle-même l’information à ses proches à risque, elle peut autoriser par écrit le médecin à procéder à cette information. Elle est alors tenue de communiquer les coordonnées des intéressés dont elle dispose. Le non-respect de cette obligation est passible de poursuites pénales.Diagnostic présymptomatique
Chez une personne asymptomatique mais ayant des antécédents familiaux, un test génétique ne peut être prescrit que dans le cadre d’une consultation médicale individuelle (art. R. 1131–5 du Code de la santé publique). Cette consultation est effectuée par un médecin œuvrant au sein d’une équipe pluridisciplinaire dotée d’un protocole type de prise en charge et déclarée auprès de l’Agence de la biomédecine.
Diffusion des résultats d’une anomalie génétique grave à la parentèle si mesures préventives possibles.
Avant de commencer…
Le nourrisson doit avoir une alimentation lactée exclusive jusqu’à l’âge de 4–6 mois.
Celle-ci est idéalement constituée par l’allaitement maternel dont la promotion est indispensable.
La diversification alimentaire ne doit pas être commencée avant l’âge de 4 mois ni après l’âge de 6 mois, y compris chez les nourrissons allaités.
Le gluten doit être introduit chez le nourrisson entre les âges de 4 et 12 mois.
Un nourrisson est dit à risque d’allergie s’il existe un terrain atopique chez un parent du premier degré.
La diversification chez les enfants à risque d’allergie doit être identique à celle des enfants non allergiques, en particulier l’introduction des aliments réputés allergisants.
La supplémentation en vitamine D est systématique quel que soit le mode d’alimentation.
Après l’âge de 1 an, la consommation de lait de croissance est recommandée notamment pour assurer les besoins en fer.
Apports nutritionnels
A Apports hydriques conseillés
L’eau représente 75 % du poids du corps les premières semaines de vie et 60 % à l’âge d’un an. Le nourrisson est très dépendant des apports hydriques du fait de ce contenu en eau élevé et de l’immaturité des fonctions de concentration-dilution des urines. Les besoins hydriques doivent être d’autant plus importants, par kilogramme de poids, que l’enfant est plus jeune.
Les apports hydriques sont couverts initialement par l’alimentation lactée exclusive, puis par l’eau des aliments et des boissons dès que la consommation de préparations infantiles diminue. Les apports hydriques conseillés, exprimés en ml/kg par jour, figurent dans le tableau 14.1.
Tableau 14.1
Besoins hydriques de l’enfant.
Âge Besoins hydriques (ml/kg/j)
Naissance 150
< 6 mois 120
6 mois–2 ans 100
2–5 ans 80
> 5 ans 55
B Apports énergétiques conseillés
Les besoins énergétiques, exprimés en kilocalories (kcal), sont d’autant plus élevés que l’enfant est en phase de croissance rapide, notamment au cours des 2 premières années et pendant la puberté.
Le tableau 14.2 permet de retenir simplement les besoins énergétiques moyens à chaque âge.
Tableau 14.2
Besoins énergétiques moyens de l’enfant et de l’adolescent.
Âge Énergie (kcal/j)
Filles Garçons
1–3 mois 450
4–6 mois 600
7–9 mois 750
10–12 mois 900
2 ans 1 200
3 ans 1 300
4 ans 1 400
5 ans 1 500
6 ans 1 600 1 700
7 ans 1 700 1 800
8 ans 1 800 1 900
9 ans 1 900 2 000
10 ans 2 000 2 100
11 ans 2 100 2 200
12 ans 2 200 2 300
13 ans 2 300 2 400
14 ans 2 400 2 500
15 ans 2 500 2 600
16 ans 2 600 2 700
Apports en macronutriments conseillés
1 Apports conseillés en protéines
Les apports nutritionnels conseillés (ANC) en protéines sont de l’ordre de 10 g par jour jusqu’à l’âge de 2 ans, puis d’environ 1 g/kg par jour.
Il s’agit des apports minimaux à assurer pour couvrir les besoins en protéines et non d’une valeur maximale à ne pas dépasser. Un apport en protéines supérieur aux ANC ne doit donc pas être considéré comme délétère chez l’enfant sain.
2 Apports conseillés en lipides
Les apports lipidiques contribuent à la couverture des besoins énergétiques mais doivent également assurer les besoins en vitamines liposolubles (A, D, E et K), et en acides gras essentiels (AGE). Les AGE ne peuvent pas être synthétisés par les humains, y compris par la glande mammaire; leur concentration dans le lait maternel dépend donc des apports chez la mère.
Les lipides doivent contribuer à 50 % des apports énergétiques totaux de 0 à 6 mois, pour diminuer progressivement ensuite mais rester notables. Il est important d’assurer un apport quantitatif et qualitatif (AGE) en lipides suffisant chez le nourrisson.
Les AGE sont l’acide linoléique (oméga 6) et l’acide α-linolénique (oméga 3). Leur carence se manifeste principalement par des anomalies du développement psychomoteur. À partir des AGE se produisent une série d’élongations et de désaturations aboutissant à des acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPI-LC), principalement l’acide arachidonique (ARA, oméga 6) et l’acide docosahexaénoïque (DHA, oméga 3). Ces AGPI-LC (présents dans le lait maternel) jouent un rôle très important dans le développement du système nerveux central et de la rétine, ainsi que dans l’immunité et le contrôle de l’inflammation. Toutes les préparations infantiles sont enrichies en DHA et la grande majorité en ARA.
Les besoins en AGE sont assurés par la consommation d’huiles végétales, notamment d’huile de colza, bien équilibrée en oméga 6 et oméga 3. Les apports en DHA doivent être assurés par la consommation d’une à deux portions de poisson par semaine.
Apports conseillés en glucides
Les glucides ont essentiellement un rôle d’apport calorique. Leur source principale pendant les premiers mois d’alimentation lactée exclusive est le lactose (glucose + galactose).
Apports en fer conseillés
Les besoins en fer sont importants à couvrir chez le nourrisson, en raison du rôle essentiel du fer dans la synthèse de l’hémoglobine et dans le développement du système nerveux central. Le déficit en fer est la plus fréquente des pathologies nutritionnelles.
Quel que soit l’âge, l’absorption intestinale du fer est basse, ce qui explique que les ANC atteignent 6 à 10 mg par jour jusqu’à 10 ans puis 13 à 16 mg par jour au-delà pour couvrir des besoins de 1–2 mg par jour de fer absorbé. Le fer héminique (viande, poisson, abats) est mieux absorbé que le fer non héminique (lait, végétaux, œuf) : 20–30 % versus 2–5 %.
La teneur en fer du lait de vache est très faible, ce qui le rend inadapté à l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant. Dans les laits infantiles (1er âge, 2e âge et lait de croissance), la présence de sels ferreux et de vitamine C améliore l’absorption du fer qui atteint 10–20 %. Même l’absorption du fer du lait de mère, facilitée par la lactoferrine, n’est pas totale (50 %).
Les ANC en fer sont également élevés chez l’adolescent, en particulier chez les filles en raison des pertes menstruelles.
Les besoins en fer sont assurés chez le nourrisson et le jeune enfant par les laits infantiles (1er âge, 2e âge, lait de croissance) et, chez l’enfant et l’adolescent, par la consommation de deux produits carnés par jour. Les végétaux, même les plus riches en fer (légumes secs, épi-nards), ne contribuent que très peu à assurer ces besoins car le fer qu’ils contiennent est très mal absorbé. Ils ne peuvent en aucun cas remplacer les produits carnés.
Apports en calcium conseillés
Les ANC en calcium, qui est essentiel pour une minéralisation optimale du squelette, doivent tenir compte du coefficient d’absorption intestinale (fonction de la biodisponibilité du calcium des aliments) et de l’apport en vitamine D.
Les besoins en calcium sont de 280 à 450 mg par jour de 0 à 3 ans, 800 mg par jour de 4 à 10 ans, et 1 150 mg par jour de 11 à 17 ans.
La puberté est une période clé dans la minéralisation du squelette, où les besoins calciques sont particulièrement élevés.
Les apports sont principalement assurés par le lait et les produits laitiers, mais aussi par les eaux minérales riches en calcium. La plupart des végétaux ne constituent pas une source potentielle de calcium en raison de sa faible biodisponibilité dans les légumes qui en contiennent. Une attention doit être portée aux enfants ayant une APLV.
Pour assurer les besoins en calcium, il est recommandé de consommer trois ou quatre produits laitiers par jour. Les enfants et adolescents consommant moins de 300 mg par jour de calcium doivent être supplémentés.
pports en vitamines conseillés
1 Apports conseillés en vitamine D
La vitamine D joue un rôle essentiel pour l’absorption intestinale du calcium et la minéralisation osseuse.
Le lait maternel contient peu de vitamine D (25–70 UI/l), les préparations lactées sont enrichies en vitamine D mais insuffisamment pour assurer les besoins.
La prévention du déficit en vitamine D repose sur :
*une supplémentation des femmes enceintes au début du 7e mois de grossesse (en particulier en cas de dernier trimestre hivernal ou printanier) avec une dose unique de 80 000 à 100 000 UI;
*une supplémentation chez l’enfant et l’adolescent (tableau 14.3).
Tableau 14.3
Supplémentation en vitamine D chez l’enfant et l’adolescent.
Âge Absence de facteur de risque Présence de facteur(s) de risque*
0 à 2 ans 400–800 Ul/j
2 à 18 ans 400–800 Ul/j idéalement
ou 50 000 Ul/trimestre
ou 80 000 à 100 000 Ul en début et fin d’hiver
800–1 600 Ul/j idéalement
ou 50 000 UI/6 semaines
ou 80 000 à 100 000 UI/3 mois
*Facteurs de risque : peau pigmentée, peau non exposée au soleil, obésité, végétalisme.
Apports conseillés en vitamine K
La vitamine K joue un rôle essentiel dans la synthèse des facteurs de coagulation, en particulier en période néonatale. Les ANC en vitamine K sont de 5–10 µg par jour jusqu’à 2 ans.
Afin de prévenir la maladie hémorragique du nouveau-né, il est recommandé de donner 2 mg de vitamine K per os à la naissance et entre le 4e et le 7e jour de vie.
Pour tenir compte de la faible teneur en vitamine K du lait maternel, une supplémentation de 2 mg per os est indiquée à 1 mois de vie en cas d’allaitement exclusif chez le nouveau-né à terme. Cette prise à 1 mois est optionnelle en cas d’alimentation par préparation lactée.
3 Points clés sur le rachitisme carentiel
Le rachitisme carentiel est un syndrome clinico-radiologique secondaire à un déficit sévère en vitamine D et/ou en calcium.
Données épidémiologiques :
*incidence en ré-augmentation depuis le début du xxie siècle;
*plus fréquent aux périodes de forte croissance (nourrisson et adolescence);
*souvent associé à des facteurs de risque :
–régimes carencés en calcium (végétalisme surtout);
–allaitement maternel exclusif sans supplémentation en vitamine D;
–pigmentation de la peau ou insuffisance d’ensoleillement (vêtements couvrants, handicap).
Signes squelettiques :
*retard statural constant;
*craniotabès, fontanelles larges ou non fermées;
*bourrelets métaphysaires (poignets, genoux et chevilles), chapelet costal;
*déformation des membres inférieurs (genu varum ou genu valgum).
Signes radiologiques (radiographies du poignet et du genou) :
*augmentation de hauteur de la plaque de croissance;
*élargissement des métaphyses avec spicule latéral, aspect en cupule en « toit de pagode », aspect irrégulier et flou des contours;
*déminéralisation osseuse.
Complications de l’hypocalcémie :
*hypotonie musculaire, convulsion, crise de tétanie;
*laryngospasme;
*troubles du rythme cardiaque, cardiopathie dilatée.
Signes biologiques :
*phosphatases alcalines très élevées;
*calcémie et phosphorémie normales initialement puis diminuées;
*parathormone augmentée (hyperparathyroïdie secondaire);
*taux de 25(OH)-vitamine D (forme de réserve) effondré;
*association fréquente avec une anémie hypochrome microcytaire ferriprive.
Sa prise en charge thérapeutique repose sur l’apport de calcium et de vitamine D.
En cas de calcémie basse, il faut normaliser la calcémie avant de supplémenter en vitamine D.
Apports lipidiques quantitativement importants chez le nourrisson.
Fréquence de la carence en fer chez le nourrisson.
Supplémentation systématique en vitamine D.
Alimentation : avec quoi ?
A Rationnel
L’évolution de la maturation des différentes fonctions physiologiques, en particulier digestives, rénales et neurosensorielles permet d’individualiser schématiquement trois périodes clés.
Alimentation lactée exclusive : de la naissance à 4–6 mois
L’équipement enzymatique du tube digestif permet la digestion des protéines, des lipides et des glucides du lait maternel ou des préparations lactées, mais pas encore de grandes quantités d’amidon. Les limites des capacités rénales (concentration-dilution des urines) justifient de veiller à la charge sodée du régime.
Diversification alimentaire : de 4–6 mois à 12 mois
C’est une période de transition, caractérisée par l’introduction progressive d’aliments autres que le lait. L’introduction progressive des protéines alimentaires est essentielle pour l’acquisition de la tolérance vis-à-vis de ces protéines et la prévention de l’allergie.
Alimentation totalement diversifiée : après 12 mois
Après l’âge de 1 an, une alimentation de type adulte est possible, tout en veillant à la prévention des principales carences nutritionnelles à cet âge (fer, vitamine D, AGPI-LC).
B Alimentation lactée exclusive
1 Allaitement (maternel)
Les avantages de l’allaitement sont nombreux (voir chapitre 44).
Le lait maternel est le modèle nutritionnel pour l’alimentation du nourrisson, et constitue la référence retenue pour le calcul des besoins et donc des ANC dans cette tranche d’âge. Il couvre à lui seul, à l’exception de la vitamine D et de la vitamine K, tous les besoins du nourrisson de la naissance à 6 mois.
Au-delà de 6 mois, une supplémentation en fer est systématique chez les enfants encore exclusivement ou majoritairement allaités.
Les contre-indications de l’allaitement sont très peu nombreuses (voir chapitre 44).
2 Préparations lactées « standards »
Le lait de vache n’est pas adapté à l’alimentation du nourrisson, en raison de son contenu trop faible en acides gras essentiels, en fer et en vitamine D. Il ne peut en aucun cas remplacer les préparations infantiles avant l’âge de 1 an.
Préparations pour nourrissons ou laits 1er âge (0 à 4–6 mois)
Par essence, elles répondent à elles seules aux besoins nutritionnels des nourrissons jusqu’à la diversification.
Les protéines lactées autorisées dans les préparations pour nourrissons sont les protéines de lait de vache et les protéines de lait de chèvre.
Préparations de suite ou laits 2e âge (4–6 mois à 1 an)
Elles remplacent les préparations pour nourrisson lorsque l’enfant a un repas totalement diversifié.
Les protéines lactées autorisées dans les préparations de suite sont les mêmes que pour les préparations pour nourrissons. L’intérêt principal des préparations de suite est leur enrichissement en fer, pour tenir compte des besoins élevés à cette période et des apports liés à la diversification alimentaire souvent insuffisants.
Préparations pour enfant en bas âge, ou laits de croissance (1–3 ans)
Leur composition a pour principal objectif la prévention des carences en fer et, à un moindre degré, en AGE et vitamine D. En France, leur composition est très proche de celle des préparations de suite.
Préparations lactées « spécifiques »
Les laits spéciaux décrits ci-dessous sont destinés à des nourrissons qui ont des besoins nutritionnels spécifiques ou sont à risque élevé de pathologie ou en situation pathologique avérée.
Laits antirégurgitations (AR)
Il s’agit de préparations épaissies par l’adjonction d’amidon (de maïs, tapioca, pomme de terre) et/ou de farine de caroube afin d’augmenter la viscosité.
Ils sont le traitement de référence en cas de régurgitations isolées (voir RGO non compliqué).
Laits sans lactose
Il s’agit de préparations dans lesquelles le lactose est remplacé par de la dextrine-maltose ou des polymères du glucose, parfois du saccharose.
La justification de l’utilisation principale des laits sans lactose repose sur la possibilité d’un déficit en lactase (disaccharidase hydrolysant le lactose en galactose et glucose, située au sommet des villosités intestinales) au décours d’un épisode de diarrhée (gastroentérite) infectieuse sévère, en particulier à rotavirus. Le lactose qui n’est alors plus digéré, reste dans la lumière intestinale, provoque un afflux d’eau et une pérennisation de la diarrhée. Cette intolérance au lactose secondaire est rare (< 5 % des cas). L’utilisation de ces préparations sans lactose se justifie :
*en cas de diarrhée aiguë sévère, imposant une hospitalisation;
*chez les enfants en cas de récidive ou de pérennisation de la diarrhée (plus de 5–7 jours) après la réintroduction du lait qu’avait l’enfant au moment de l’apparition de la diarrhée; on peut alors conseiller l’utilisation d’un lait sans lactose pendant 1 à 2 semaines, le temps nécessaire à la restauration de l’équipement en lactase de la bordure en brosse intestinale (voir chapitre 35).
Hydrolysats extensifs de protéines
Il s’agit de préparations dans lesquelles les protéines ont été extensivement hydrolysées dans le but d’en réduire le plus possible l’allergénicité.
Il peut s’agir de protéines du lait de vache ou de protéines de riz (dans le cas du riz, l’hydrolyse est moins poussée que pour les protéines de lait de vache).
La majorité de ces hydrolysats sont dépourvus de lactose; certains d’entre eux contiennent des triglycérides à chaîne moyenne d’absorption facilitée.
Elles sont indiquées en cas d’allergie aux protéines du lait de vache (APLV).
En cas d’inefficacité des hydrolysats de protéines chez un nourrisson ayant une APLV, il faut utiliser une préparation à base d’acides aminés libres, anallergénique car dépourvue de peptides.
Diversification de l’alimentation
La diversification alimentaire est définie comme l’introduction d’aliments autres que le lait dans l’alimentation du nourrisson, qu’il s’agisse du lait maternel ou d’une préparation pour nourrissons.
La diversification alimentaire doit être débutée entre 4 et 6 mois, notamment pour prévenir l’apparition de manifestations allergiques ultérieures. Cela concerne aussi les aliments à fort potentiel allergisant (œuf, arachide [sous forme de beurre de cacahuète] et fruits à coque) dont l’introduction précoce est recommandée, que l’enfant soit atopique ou non. En cas de dermatite atopique sévère et/ou d’allergie alimentaire, une évaluation allergologique est souhaitable afin de déterminer les modalités d’introduction.
L’introduction du gluten doit être faite en petites quantités, progressivement croissantes, entre 4 et 12 mois.
Jusqu’à l’âge de 1 an, la presque totalité des besoins micronutritionnels est assurée par les préparations infantiles, notamment ceux en fer et en AGE. L’ingestion de 700 ml par jour de préparation de suite permet d’assurer la totalité des besoins en fer et en AGE. Il est donc important de conserver au moins trois biberons/tétées par jour après la diversification de l’alimentation jusqu’à l’âge de 1 an.
Promotion de l’allaitement maternel par tout professionnel de santé.
En l’absence d’allaitement ou en complément de celui-ci, connaître les préparations lactées adaptées au nourrisson. Le lait de vache est totalement inadapté à cet âge.
Ne pas débuter la diversification avant l’âge de 4 mois ni après 6 mois. Le gluten doit être introduit entre 4 et 12 mois.
Alimentation : comment ?
A Alimentation lactée exclusive
1 Allaitement
L’OMS recommande un allaitement (maternel) pendant 6 mois pour, notamment, prévenir les risques infectieux dans les pays en développement.
Cependant, dans les pays développés, la diversification doit être débutée, comme chez les nourrissons en alimentation lactée, entre 4 et 6 mois. Le nombre de tétées dépend des souhaits de l’enfant. Les modalités de l’allaitement sont précisées dans le chapitre 44.
2 Alimentation par une préparation lactée
La prescription doit préciser le type de lait, le volume quotidien et le nombre de biberons, ainsi que les modalités habituelles de reconstitution : 1 cuillère-mesure pour 30 ml d’eau faiblement minéralisée (l’eau du robinet peut également être utilisée). L’eau doit être versée dans le biberon avant la poudre de lait.
Le volume proposé est adapté à l’appétit de l’enfant, qui varie d’un biberon à l’autre et d’un jour à l’autre. Ces volumes ne sont donc donnés qu’à titre indicatif et peuvent considérablement varier d’un enfant à l’autre et d’un jour à l’autre chez un même enfant.
Exemple proposé pour un nourrisson non allaité :
*1re semaine : 6–7 × 10 ml le 1er jour, puis + 10 ml par jour, 6–7 × 70 ml le 7e jour;
*2e semaine : 6 × 80 ml par jour;
*3e semaine : 6 × 90 ml par jour;
*4e semaine : 6 × 100 ml par jour;
*2e mois : 6 × 120 ml par jour;
*3e mois : 5 × 150 ml par jour;
*4e mois : 4 × 180 ml par jour.
Modalités pratiques :
*le biberon peut être donné à température ambiante; en cas de chauffage, le micro-ondes n’est pas recommandé en raison des risques de brûlures qu’il entraîne;
*ne pas dépasser un délai de 30 minutes dès lors que le biberon a été réchauffé;
*ne pas utiliser de l’eau embouteillée provenant d’une bouteille ouverte depuis plus de 24 heures;
*en cas de stockage du biberon au réfrigérateur, ne pas conserver dans la porte du réfrigérateur;
*en cas d’utilisation de l’eau du robinet : faire couler l’eau pendant 5 minutes, utiliser de l’eau froide et veillez au bon entretien du robinet (nettoyage, détartrage);
*la stérilisation des biberons n’est pas indispensable : un lavage au lave-vaisselle ou à la main, au goupillon, dans de l’eau chaude additionnée de liquide vaisselle est suffisant.
Diversification alimentaire
Elle doit débuter entre les âges de 4 et 6 mois.
Elle conduit à l’introduction de céréales infantiles (farine avec gluten), de légumes et de fruits, de laitages divers et de fromages, de viandes et de poissons, d’œufs, d’arachide et de fruits à coque.
Il n’existe aucune règle scientifiquement démontrée pour la réalisation pratique de la diversification alimentaire.
L’alimentation doit être mixée (lisse) de 4 à 8 mois, puis moulinée (moins lisse) de 8 à 10 mois, puis des petits morceaux de tailles et de duretés progressivement croissantes doivent être introduits à partir de 10 mois. Cette séquence doit être respectée pour prévenir le refus ultérieur des morceaux.
Compte tenu des besoins quantitatifs importants de lipides chez le nourrisson, un ajout systématique de graisses (beurre ou huiles végétales) est nécessaire dans tous les plats salés, faits maison ou en petits pots du commerce.
La diversification menée par l’enfant (DME) consiste à proposer des aliments en morceaux aux nourrissons dès qu’ils peuvent tenir assis (vers l’âge de 6 mois) et de les laisser se nourrir seuls avec leurs doigts, tout en poursuivant parallèlement l’allaitement ou les biberons de lait infantile. Par rapport à la diversification traditionnelle à la cuillère, les enfants ont moins de troubles de l’oralité, mais les risques de fausses routes et de carences en lipides et en fer sont accrus. Son intérêt est donc limité.
Alimentation diversifiée
Après l’âge de 1 an, l’alimentation est totalement diversifiée, comme celle de l’adulte. Certains aliments sont à proscrire chez le jeune enfant en raison de risques infectieux :
*pas de viande hachée mal cuite, ni de lait cru, ni de fromage au lait cru avant l’âge de 5 ans;
*pas de viande, poisson, coquillages crus, ni d’œuf cru ou de préparation à base d’œuf cru avant l’âge de 3 ans;
*pas de miel avant l’âge de 1 an.
L’eau pure est la seule boisson à proposer usuellement.
Un apport d’au moins 250 ml par jour de préparation pour enfants en bas âge (lait de croissance) est nécessaire entre les âges de 1 et 3 ans, et le plus souvent au-delà, afin d’assurer des apports en fer et, à un moindre degré, en AGE suffisants.
À l’arrêt du lait de croissance, les enfants doivent consommer un produit carné (viande rouge ou blanche, volaille, charcuterie) deux fois par jour pour assurer leurs besoins en fer.
Reconstitution des préparations lactées en poudre : 1 cuillère-mesure de poudre rase pour 30 ml d’eau faiblement minéralisée.
Introduction des aliments à fort potentiel allergisant (œuf, arachide, fruits à coque) entre 4 et 6 mois.
Au moins 250 ml par jour de préparation pour enfants en bas âge entre 1 et 3 ans, et le plus souvent au-delà.
Avant de commencer…
Le diagnostic de la dénutrition de l’enfant et de l’adulte a fait l’objet d’une recommandation de bonne pratique de la HAS en 2019.
Les mécanismes et la prise en charge de la dénutrition sont similaires à ceux de l’adulte, ce dernier ayant des caractéristiques différentes (croissance terminée, vieillissement, polypathologies et besoins nutritionnels différents).
I Pour bien comprendre
La dénutrition protéino-énergétique est un état pathologique qui résulte d’une insuffisance des apports par rapport aux besoins en protéines et en énergie. Elle a des conséquences fonctionnelles délétères et aboutit à un arrêt de croissance et à une perte tissulaire.
Dans les pays occidentaux, la dénutrition concerne principalement les enfants atteints de maladies chroniques et s’observe le plus souvent en hospitalisation (10 à 20 % des enfants).
Une dénutrition peut être aussi le signe inaugural d’une pathologie et peut donc se rencontrer dans toute pratique pédiatrique.
II Diagnostiquer une dénutrition dans les différentes populations de patients
A Anthropométrie
Le suivi régulier de la croissance staturo-pondérale sur les courbes figurant dans le carnet de santé permet d’identifier le signe cardinal de la dénutrition qui est la perte ou l’absence de prise de poids, avec ou sans ralentissement secondaire de la croissance staturale.
L’analyse des courbes de croissance permet le diagnostic de dénutrition de l’enfant sans aucun examen complémentaire et permet de juger de l’efficacité de la prise en charge quand la croissance reprend (croissance de rattrapage).
Les critères de dénutrition validés par la HAS en 2019 sont l’association d’au moins un critère phénotypique et d’un critère étiologique (les deux critères sont nécessaires) :
*critère phénotypique (un seul critère suffit) :
–perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois ou perte ≥ 10 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie;
–IMC < courbe IOTF 18,5 (courbe correspondant à un IMC à 18,5 à l’âge de 18 ans);
–stagnation pondérale aboutissant à un poids situé 2 couloirs en dessous du couloir habituel (courbe de poids);
–réduction de la masse musculaire et/ou de la fonction musculaire (lorsque les normes et/ou les outils sont disponibles);
*critère étiologique (un seul critère suffit) :
–réduction de la prise alimentaire ≥ 50 % pendant plus d’1 semaine ou toute réduction des apports pendant plus de 2 semaines par rapport à la consommation alimentaire habituelle quantifiée ou aux besoins protéino-énergétiques estimés;
–absorption réduite (maldigestion, malabsorption);
–situation d’agression (hypercatabolisme protéique avec ou sans syndrome inflammatoire) : pathologie aiguë ou pathologie chronique évolutive ou pathologie maligne évolutive.
Cette dénutrition est dite modérée si (un seul critère suffit) :
*courbe IOTF 17 < IMC < courbe IOTF 18,5;
*perte de poids ≥ 5 % et ≤ 10 % en 1 mois ou > 10 % et ≤ 15 % en 6 mois par rapport au poids antérieur;
*stagnation pondérale aboutissant à un poids situé entre 2 et 3 couloirs en dessous du couloir habituel.
Cette dénutrition est dite sévère si (un seul critère suffit) :
*IMC ≤ courbe IOTF 17;
*perte de poids > 10 % en 1 mois ou > 15 % en 6 mois par rapport au poids antérieur;
*stagnation pondérale aboutissant à un poids situé au moins 3 couloirs en dessous du couloir habituel;
*infléchissement statural (avec perte d’au moins 1 couloir par rapport à la taille habituelle).
L’ancienneté de la dénutrition peut aussi être évaluée.
Le poids rapporté au poids attendu pour la taille (PpT) et l’IMC dépistent une dénutrition récente, alors que la taille rapportée à la taille attendue pour l’âge (TpA) évalue une dénutrition ancienne. Pour rappel, une TpA diminuée peut aussi être d’origine endocrinienne (voir chapitre 1).
Par exemple, le poids attendu d’un garçon qui mesure 1 m (soit un âge statural de 4 ans sur la courbe) est de 16 kg. Ceci permet de calculer le PpT par le rapport du poids mesuré de l’enfant sur le poids attendu pour la taille. Si ce garçon pèse en réalité 13 kg; il a ainsi un PpT égal à 13/16 = 0,81 (81 %). On parle de dénutrition lorsque le PpT est inférieur à 90 %.
Dans les situations cliniques ne permettant pas une interprétation fiable du poids et de l’IMC (ascite, tumeur volumineuse, par exemple), le rapport du périmètre brachial (PB) sur celui du périmètre crânien (PC) peut avoir un intérêt en particulier chez les enfants de moins de 4 ans.
Un rapport PB/PC < 0,3 doit faire suspecter une dénutrition.
Examen clinique
Données cliniques à rechercher :
*signes cliniques de dénutrition et/ou de carence :
–une fonte du pannicule adipeux;
–une fonte musculaire (appréciée au niveau des fesses, des cuisses et des bras) éventuellement associée à une baisse de l’activité;
–des œdèmes (signes de kwashiorkor) ou des troubles des phanères (exceptionnels);
*signes de malnutrition orientant vers une carence spécifique (anémie, rachitisme, etc.).
Données anamnestiques pour objectiver la cause d’une dénutrition :
*des régimes aberrants, notamment le végétalisme;
*toute maladie chronique : digestive (incluant les allergies alimentaires), cardiopulmonaire, ORL (notamment hypertrophie amygdalienne obstructive), rénale, hépatique, cutanée, tumorale ou inflammatoire;
*des troubles des interactions parents-enfant;
*des anomalies graves du comportement alimentaire;
*une négligence/maltraitance.
Place des examens complémentaires
Le diagnostic de dénutrition est clinique.
Les examens à visée étiologique sont à discuter au cas par cas.
Les marqueurs biologiques de dénutrition : albumine, transthyrétine (anciennement préalbumine), Retinol Binding Protein (RBP) n’ont aucun intérêt pour porter le diagnostic de dénutrition, mais peuvent être utiles pour le suivi des situations sévères.
Des déficits spécifiques peuvent être recherchés (ferritine, 25(OH)-vitamine D3, folates, vitamine B12, etc.).
Suivi régulier des paramètres de croissance : poids, taille, IMC.
Critères de dénutrition HAS : association d’au moins un critère phénotypique et d’un critère étiologique.
Identifier les sujets à risque de dénutrition
A Évaluer le risque nutritionnel
L’évaluation de l’état nutritionnel doit être différenciée de l’évaluation du « risque nutritionnel » dont l’objectif est de prédire une dénutrition survenant en cours d’hospitalisation, que l’enfant soit dénutri ou non à l’admission.
Plusieurs scores de risque nutritionnel ont été établis chez l’enfant reposant sur la sévérité de la maladie, la douleur, l’appétit. Il s’agit ici de dépister les situations à risque afin de mettre en place des mesures préventives ou un soutien nutritionnel précoce, avant que la dénutrition ne soit évidente.
B Population pédiatrique concernée
Dans les pays développés, la dénutrition par carence primitive d’apports est exceptionnelle chez l’enfant en dehors de certaines situations particulières (sévices, régimes aberrants).
Comme chez l’adulte, la dénutrition est en général une complication d’une pathologie aiguë ou chronique, qui peut augmenter les besoins protéiques et énergétiques (inflammation, hypercatabolisme) et/ou réduire les apports (anorexie, intolérance alimentaire). Toutes les pathologies pédiatriques peuvent donc causer une dénutrition. Les plus jeunes enfants sont les plus exposés.
Ne pas négliger le risque nutritionnel chez un enfant infecté hospitalisé.
Prescrire un soutien nutritionnel de premier recours
A Établir les besoins
Toute dénutrition nécessite d’établir une stratégie nutritionnelle intégrée à la prise en charge globale de l’enfant.
Dans un premier temps, il convient de déterminer le poids « cible » qui est le poids attendu pour la taille (celui qui correspond à l’âge statural) et qui va servir de base aux évaluations des besoins.
Dans un deuxième temps, il est nécessaire de déterminer : l’apport énergétique, la composition de cet apport et comment l’administrer.
B Définir les modalités de soutien nutritionnel
Le mode d’administration dépend de la fonctionnalité de l’intestin :
*si intestin fonctionnel :
–alimentation orale fractionnée (AOF), enrichie ou non, avec ou sans compléments nutritionnels oraux;
–nutrition entérale si l’AOF ne peut suffire à elle seule, par sonde nasogastrique ou gastro-stomie selon les situations; des produits spécifiques à l’enfant doivent être préférés s’ils existent;
*si intestin non fonctionnel :
–nutrition parentérale par cathéter central;
–avis en milieu spécialisé indispensable.
Dans les situations de dénutrition sévère, le syndrome de renutrition inappropriée devra être prévenu par une renutrition très progressive avec suivi clinico-biologique quotidien en milieu hospitalier. Il est dû à une renutrition trop rapide.
Il se manifeste cliniquement par une confusion et une rétention hydrosodée et biologiquement par, avant tout, une hypophosphorémie et, plus rarement, une hyperglycémie, une hypo-magnésémie et une hypokaliémie. La supplémentation en phosphore devra être systématique.
Évaluer l’efficacité du soutien nutritionnel
L’analyse de la croissance permet de juger de l’efficacité de la prise en charge quand la croissance reprend (croissance de rattrapage).
La stratégie nutritionnelle sera associée au traitement causal (régime sans gluten au cours de la maladie cœliaque par exemple, kinésithérapie et antibiothérapie dans la mucoviscidose, etc.).
Prévention du syndrome de renutrition inappropriée dans les situations de dénutrition sévère.
Avant de commencer…
L’obésité de l’enfant implique l’existence d’une prédisposition constitutionnelle, principalement génétique. Elle est le plus souvent commune, les obésités secondaires ou syndromiques étant rares, mais il existe un continuum entre obésité commune et obésité monogénique.
Les bases génétiques de l’obésité requièrent encore beaucoup de recherche pour être complètement élucidées.
Sa définition repose sur le calcul de l’IMC et sa comparaison aux normes pour l’âge et le sexe.
Les complications somatiques sont rares durant l’enfance; les conséquences psychiques sont fréquentes.
La prise en charge thérapeutique s’inscrit dans le long terme et doit être individualisée.
L’objectif minimal est la stabilisation de l’excès pondéral avec un accompagnement psychosocial centré sur l’enfant et sa famille.
Pour bien comprendre
La prévalence du surpoids et de l’obésité en France et dans tous les pays industrialisés est stable depuis le début du siècle chez l’enfant et l’adolescent, autour de 15 à 20 % en France, avec cependant une augmentation pour les situations les plus sévères.
II Diagnostiquer une obésité de l’enfant
A Diagnostic positif
L’indice de masse corporelle (IMC) répond à la définition suivante : poids (en kg) rapporté au carré de la taille (en mètre) : IMC = Poids/Taille2.
Le surpoids et l’obésité se définissent chez l’enfant à l’aide des courbes d’IMC, différentes selon le sexe. On ne peut donc appliquer des seuils fixes comme chez l’adulte. Le tableau 16.1 présente les définitions du surpoids et de l’obésité.
Tableau 16.1
Définitions du surpoids et de l’obésité.
Surpoids En France : IMC ≥ à la courbe du 97e percentlle pour l’âge (équivalent à un IMC adulte de 26 kg/m2) La définition internationale utilise la courbe équivalente à un IMC adulte de 25 kg/m2
Obésité IMC ≥ à la courbe équivalente à un IMC adulte de 30 kg/m2 Les définitions françaises et internationales sont identiques
Un calcul régulier de l’IMC fondé sur les mesures régulières du poids et de la taille permet de tracer la courbe d’IMC (fig. 16.1).L’IMC varie au cours du développement : après une augmentation dans la 1re année de vie, l’IMC diminue pour atteindre un nadir (point le plus bas). La réascension intervenant ensuite est appelée rebond d’adiposité.
Dans la population générale, l’âge moyen physiologique du rebond d’adiposité est de 6 ans. Il est très souvent plus précoce chez l’enfant obèse, et souvent aux alentours de 3 ans.
Un rebond d’adiposité précoce est prédictif d’une obésité future.
Diagnostic étiologique
1 Obésité commune
L’obésité dite commune est la cause principale d’obésité de l’enfant.
Elle se traduit par une obésité sans signes associés (dysmorphie, retard mental, retard statural), avec le plus souvent des antécédents familiaux d’obésité.
Une cause psychologique est souvent évoquée (divorce parental, décès familial, stress émotionnel, maltraitance, etc.) mais il s’agit en fait d’un facteur déclenchant sur prédisposition génétique ou aggravant mais non causal.
L’obésité commune est liée à une prédisposition génétique dont l’origine exacte est encore incomplètement élucidée. On retrouve de plus en plus souvent des variants génétiques expliquant l’obésité, même si la majorité d’entre eux restent à découvrir
Obésités d’origine génétique connue
Certaines obésités, syndromiques ou non, ont une origine génétique connue.
Les causes syndromiques souvent associées à un trouble du neurodéveloppement sont à évoquer en cas de retard mental, dysmorphie, retards statural et/ou pubertaire. Les gènes de quelques-uns de ces syndromes ont été identifiés et permettent donc un diagnostic moléculaire.
Les plus connus sont le syndrome de Prader-Willi (associant hypotonie néonatale avec difficultés de succion et de prise de poids suivi par une obésité précoce avec hyperphagie intense après la période infantile, dysmorphie faciale, acromicrie – défaut de développement en longueur des membres –, retard statural, hypogonadisme, retard des acquisitions, et troubles du comportement) et le syndrome de Bardet-Biedl (retard des acquisitions, rétinite pigmentaire, anomalies rénales, hypogonadisme, polydactylie).
Les autres causes monogéniques connues sont à évoquer en cas d’obésité précoce (avant 2 ans) et le plus souvent sévère, avec hyperphagie intense et souvent associée à des anomalies endocriniennes (hypogonadisme, insuffisance surrénale).
Des mutations sur les gènes de la voie leptine/mélanocortines qui régulent la prise alimentaire au niveau hypothalamique ont été identifiées. D’autres mutations devraient être trouvées dans le futur, notamment dans les formes les plus sévères d’obésité.
La prescription d’analyses génétiques n’est pas faite en routine mais par des centres spécialisés.
Obésités d’origine endocrinienne
Les obésités d’origine endocrinienne sont rares.
Il serait préférable de les définir comme un diagnostic différentiel de l’obésité commune ou d’origine génétique connue plutôt que comme des causes secondaires.
Ce sont l’hypothyroïdie, l’hypercorticisme et la tumeur hypothalamo-hypophysaire (cranio pharyngiome).
Elles s’accompagnent le plus souvent de signes cliniques spécifiques (goitre pour l’hypothyroïdie, par exemple) et d’un ralentissement de la vitesse de croissance staturale, alors que celle-ci est souvent accélérée en cas d’obésité commune.
L’absence de ralentissement de la courbe staturale élimine une cause endocrinienne et rend inutile la réalisation d’explorations hormonales (TSH, cortisol libre urinaire, IGF-1).
On notera que la TSH est parfois augmentée, sans dysthyroïdie, chez les enfants présentant une obésité commune (10 à 20 %).
Obésité dite commune : cause principale d’obésité de l’enfant.
Retard mental, dysmorphie, hyperphagie intense, ± retard statural, hypogonadisme → évoquer une cause syndromique.
Obésité précoce et sévère, hyperphagie intense → évoquer une cause monogénique connue.
Absence de ralentissement de la vitesse staturale → inutile de rechercher une cause endocrinienne.
Diagnostic des complications
1 Généralités
La recherche clinique de complications doit toujours être assurée, bien que les complications somatiques sévères soient rares en pédiatrie, contrairement à l’obésité de l’adulte.
2 Points forts sur les principales complications (tableau 16.2)
Complications métaboliques et nutritionnelles
Tableau 16.2
Complications dans le cadre d’une obésité commune de l’enfant.
Complications métaboliques et endocriniennes
–Insulinorésistance
–Intolérance au glucose, diabète
–Dyslipidémies
–Puberté avancée chez la fille, puberté normale chez le garçon
–Troubles des règles, syndrome des ovaires polykystiques
–Élévation de la TSH sans hypothyroïdie
Complications nutritionnelles
–Carence en vitamine D
–Carence en fer
Complications cardiovasculaires et respiratoires
–HTA
–Asthme (surtout à l’effort)
–Syndrome d’apnées obstructives du sommeil
Complications orthopédiques
–Genu valgum
–Douleurs musculaires et articulaires
–Épiphysiolyse de la tête fémorale
Complications digestives
–Stéatose hépatique
Complications morphologiques et cutanées
–Adipogynécomastie, enfouissement de la verge
–Hypersudation, intertrigo, hypertrichose, vergetures
Complications psychosociales
–Souffrance psychologique (diminution de l’estime de soi, troubles anxieux)
–Discrimination sociale (notamment en milieu scolaire)
L’insulinorésistance concerne plus de la moitié des enfants obèses. Elle est traduite par une hyperinsulinémie. Elle est parfois responsable d’un acanthosis nigricans (pigmentation noirâtre reposant sur une peau rugueuse, épaissie et quadrillée, localisée principalement aux aisselles, au cou et aux régions génitocrurales).
L’intolérance au glucose concerne 5 à 10 % des enfants obèses. Elle est définie par une glycémie à jeun normale et une glycémie > 7,8 mmol/l et < 11,1 mmol/l, 120 minutes après ingestion du glucose au cours d’une HGPO. En pratique clinique, la réalisation d’une HGPO n’est pas utile car ni l’insulinorésistance ni l’intolérance au glucose ne requièrent de traitement spécifique de manière consensuelle.
Le diabète est rare en France chez l’enfant obèse, sauf dans les populations d’origine africaine. En pratique clinique, le dosage de la glycémie à jeun à la recherche d’un diabète doit être réservé à l’enfant de plus de 10 ans dans des cas particuliers (obésité sévère, antécédents familiaux de diabète précoce chez un enfant à peau noire ou métissée, suspicion clinique de diabète).
Une dyslipidémie atteint environ 20 % des enfants obèses. Elle inclut principalement une diminution du HDL-cholestérol et une hypertriglycéridémie, plus rarement une élévation du LDL-cholestérol.
Elle ne nécessite presque toujours aucune prise en charge spécifique, en dehors de celle de l’obésité.
La recherche systématique d’une dyslipidémie doit être limitée aux enfants ayant des antécédents familiaux d’hypercholestérolémie, à la recherche d’une hypercholestérolémie familiale, seule dyslipidémie nécessitant une prise en charge thérapeutique chez l’enfant obèse.
La carence en vitamine D est plus fréquente, justifiant de doubler la supplémentation chez les enfants obèses. Elle est due à un piégeage dans le tissu adipeux (vitamine liposoluble) et/ou à une diminution de la protéine porteuse (DBP).
La carence en fer est également plus fréquente en raison d’une augmentation de la sécrétion d’hepcidine, une molécule inhibant l’absorption intestinale du fer. Une consommation carnée suffisante doit être assurée et une supplémentation prescrite en cas de carence avérée.
Complications endocriniennes
Une accélération de la croissance staturale est le plus souvent observée dans l’obésité commune, avec une taille définitive normale.
La puberté débute parfois plus tôt chez les filles obèses (entre 8 et 10 ans), mais elle survient le plus souvent à un âge normal chez les garçons.
Les garçons se plaignent parfois de verge enfouie dans la masse graisseuse hypogastrique ou d’adipogynécomastie (accumulation de graisse au niveau de la région mammaire simulant le développement de seins). Ces dysmorphies peuvent induire de sérieux troubles psychologiques.
Il existe parfois des troubles des règles (spanioménorrhée ou aménorrhée) chez les adolescentes. Le syndrome des ovaires polykystiques, se manifestant entre autres par une hyperandrogénie, est plus rare que chez l’adulte.
Complications respiratoires et cardiovasculaires
L’asthme atteint avec une plus grande fréquence les enfants obèses. Il s’exprime souvent par une dyspnée ou une toux à l’effort. Son traitement est indispensable pour améliorer la tolérance de l’effort physique.
Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est rare mais potentiellement grave. Atteignant principalement les enfants souffrant d’obésité sévère, il se manifeste par des ronflements nocturnes importants avec reprise inspiratoire bruyante, une somnolence diurne ou des troubles du sommeil, parfois une nycturie ou une énurésie. En plus de la réduction pondérale, le SAOS nécessite la mise en route d’une pression positive continue nasale dans les formes sévères (voir chapitre 62).
Les pressions artérielles systolique et diastolique de repos sont souvent augmentées, mais elles dépassent rarement les limites physiologiques. L’hypertension artérielle (voir chapitre 50) atteint moins de 5 % des enfants obèses.
Complications digestives
Une stéatose hépatique est rencontrée chez 10 à 20 % des enfants obèses et pas uniquement dans les surcharges pondérales sévères.
Elle s’exprime principalement par une augmentation modérée des transaminases à 1,5 à 2 fois la normale; une élévation plus importante ou persistante de celles-ci ou une augmentation des γGT doivent faire évoquer une stéatohépatite ou une autre hépatopathie. Son évolution est presque toujours bénigne chez l’enfant.
Elle n’est recherchée qu’en cas d’antécédents familiaux de maladie hépatique (notamment de stéatohépatite) ou dans les obésités sévères.
Complications orthopédiques
Le genu valgum est fréquent. Il ne se complique ni de douleurs ni d’arthrose.
Des douleurs musculaires et articulaires des membres inférieurs ou du dos sont fréquentes et parfois invalidantes, mais elles ne traduisent pas l’existence d’anomalies articulaires dégé-nératives (comme c’est le cas chez l’adulte).
L’épiphysiolyse de la tête fémorale est beaucoup plus rare mais constitue une urgence orthopédique. Sous l’effet du poids et surtout de facteurs dysmétaboliques, une dysplasie du cartilage de conjugaison apparaît, entraînant une diminution de sa résistance mécanique puis un glissement de la tête fémorale sur la métaphyse. Elle se manifeste par des douleurs de hanche ou du genou d’installation progressive (voir
Complications psychosociales
Quel que soit l’âge, l’obésité entraîne une souffrance psychologique de l’enfant dont l’expression clinique est très variée.
Une souffrance vis-à-vis du regard d’autrui, mais aussi liée à sa propre image du corps chez les plus âgés, est quasi-systématique dès que l’enfant est susceptible d’en prendre conscience. Elle peut être à l’origine d’une déscolarisation et peut dans certains cas aggraver l’obésité.
La discrimination sociale de l’enfant obèse existe également dès le plus jeune âge, notamment en milieu scolaire.
Indications d’une enquête paraclinique
Aucun bilan paraclinique systématique à la recherche de complications n’est habituellement nécessaire. La prescription d’examens complémentaires doit être guidée par les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique.
Les recommandations de la HAS de 2022 sont plus larges que celles proposées par la plupart des experts. Si elles ne préconisent pas de bilan systématique chez l’enfant ayant un surpoids, elles suggèrent chez l’enfant obèse la recherche d’une dyslipidémie en cas d’antécédents familiaux d’hypercholestérolémie, la recherche d’un diabète en cas d’antécédents familiaux de diabète de type 2 au premier ou deuxième degré, et la réalisation d’un bilan hépatique.
Recherche des complications : clinique avant tout.
Complications somatiques graves : très rares chez l’enfant obèse, contrairement à l’adulte obèse.
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi
A Modalités de prise en charge thérapeutique
La prise en charge de l’enfant obèse doit avoir comme objectifs :
*négativation de la balance énergétique, avec deux critères d’efficacité croissante sur l’excès pondéral (estimé par l’IMC en déviation standard [DS] car l’IMC en valeur absolue augmente physiologiquement à partir de l’âge de 6 ans) : stabilisation ou réduction de l’IMC (DS);
*modification durable des comportements vis-à-vis de l’alimentation : dans la mesure où les ingesta énergétiques spontanés sont augmentés par rapport aux besoins pour l’âge et le sexe, la restriction volontaire des apports énergétiques est un moyen thérapeutique incontournable.
Cette prise en charge doit être multidisciplinaire et individualisée (tableau 16.3).
Tableau 16.3
Prise en charge thérapeutique de l’enfant obèse.
Prise en charge diététique
Accompagner vers :
–Réduction des quantités énergétiques ingérées
–Réduction de la densité énergétique des repas : privilégier les aliments à faible densité énergétique (légumes)
–Arrêt du grignotage (pas de prise alimentaire entre les repas)
–Maintien de l’équilibre alimentaire (2 produits carnés et 3 ou 4 produits laitiers par jour + poisson 1 ou 2 fois par semaine) pour prévenir les carences
Mettre en place une activité physique régulière et lutter contre la sédentarité
–Favoriser des activités physiques quotidiennes (marche, vélo, escaliers)
–Pratique régulière d’une activité physique ludique
–Réduction des loisirs sédentaires et des périodes d’inactivité (télévision, ordinateur)
Éducation thérapeutique, soutien psychologique
–Motivation de l’enfant et de sa famille
–Accompagnement au changement
–Analyse des difficultés rencontrées
Il est très difficile de traiter l’obésité si l’enfant et sa famille ne sont pas motivés.
Des inhibiteurs de l’appétit sont en cours d’évaluation chez l’adolescent. Pour l’instant, seul le liraglutide (injections SC) a l’AMM pour être prescrit chez l’adolescent après l’âge de 12 ans. Son efficacité est variable selon les individus. Il n’est pas remboursé par l’Assurance maladie.
La chirurgie bariatrique peut être proposée en cas d’obésité sévère (IMC > 40 kg/m2) ou compliquée (IMC > 35 kg/m2 + une des comorbidités suivantes : diabète, apnées du sommeil, stéatohépatite, hypertension intracrânienne) chez l’adolescent après 15 ans. Elle est réservée à des centres spécialisés et sera sans doute de moins en moins pratiquée du fait de la possibilité d’utiliser des thérapeutiques innovantes.
Suivi et pronostic
Le suivi de l’enfant et de sa famille est multidisciplinaire.
Il s’inscrit dans la durée, grâce à un partenariat établi entre l’enfant et sa famille, le médecin traitant, le diététicien et le spécialiste référent.
L’enfant est suivi en consultation selon un rythme à adapter en fonction de l’évolution pondérale et de la motivation de l’enfant et de sa famille.
Pour la majorité des enfants pris en charge, une stabilisation voire une réduction de l’excès pondéral est obtenue à moyen terme. Mais près des deux tiers des enfants obèses d’âge scolaire (notamment ceux qui le sont à l’adolescence) seront encore en surcharge pondérale à l’âge adulte.
Le bas niveau socio-économique est le principal facteur de persistance de l’excès pondéral à l’âge adulte.
Prise en charge multidisciplinaire : réduction des apports énergétiques, augmentation de l’activité physique, soutien psychologique.
Le risque de rester en surcharge pondérale à l’âge adulte est élevé, en particulier à l’adolescence.
Mesures de prévention
A Prévention primaire
Compte tenu de l’efficacité non démontrée des mesures préventives primaires (éducation nutritionnelle à l’école, messages sanitaires divers), il faut se garder des attitudes excessives, du fait de potentiels effets délétères (induction de troubles du comportement alimentaire, stigmatisation des enfants et adolescents obèses).
B Prévention secondaire
Les deux signes prédictifs d’obésité ultérieure sont :
*la précocité du rebond d’adiposité : avant l’âge de 6 ans;
*l’obésité chez au moins l’un des parents.
L’efficacité de la prise en charge d’un enfant en cas de rebond précoce de l’adiposité n’a cependant pas fait la preuve de son efficacité.
Avant de commencer…
Les douleurs abdominales et pelviennes sont des motifs très fréquents de consultation chez l’enfant, aussi bien au cabinet d’un praticien qu’aux urgences.
Dans la majorité des cas, ces douleurs sont d’origine fonctionnelle, entrant alors dans le cadre d’un syndrome de l’intestin irritable.
La priorité est d’identifier les situations et étiologies susceptibles d’engager à court terme le pronostic vital ou fonctionnel des patients.
L’anamnèse et l’examen physique sont les bases fondamentales du diagnostic. L’anamnèse est souvent difficile chez le jeune enfant.
Il convient de toujours rechercher des causes extradigestives, notamment en cas de contexte fébrile associé (infections ORL, pneumonie, pyélonéphrite…).
Un bilan paraclinique n’est pas systématique mais orienté par les données cliniques.
Conduite diagnostique générale
A Identifier des douleurs abdominales
Chez le nourrisson, une douleur abdominale doit être évoquée devant des accès de pleurs, des cris incessants, des mouvements de jambes, des tortillements. Ces signes ne sont cependant pas spécifiques; il ne faut donc pas les attribuer systématiquement à des douleurs abdominales.
Chez l’enfant, une douleur abdominale est plus facilement exprimée, mais la topographie désignée est souvent vague et de siège péri-ombilical. Il s’agit le plus souvent de douleurs abdominales fonctionnelles dont le diagnostic doit être posé après avoir éliminé toute cause organique.
L’anamnèse peut être difficile et peu informative chez l’enfant. L’interrogatoire des parents et la lecture du carnet de santé peuvent donner des orientations diagnostiques.
L’examen clinique doit être rigoureux et complet, sur un enfant totalement déshabillé placé en décubitus dorsal, avec les jambes demi-fléchies.
Certaines données peuvent rapidement orienter vers une origine organique ou fonctionnelle des douleurs abdominales aiguës (tableau 17.1).
Tableau 17.1
Données d’orientation vers une origine organique ou fonctionnelle.
Origine organique Origine fonctionnelle
Localisation Précise Péri-ombilicale
Irradiation Oui Non
Rythme Continu Sporadique
Horaire Diurne et nocturne (réveil) Diurne, parfois nocturne
Altération de l’état général Souvent Non
Examen abdominal Anormal (le plus souvent) Normal
Signes associés Souvent Non
Dans certaines circonstances de détresse vitale, en particulier en cas de traumatisme, la démarche diagnostique sera subordonnée à la prise en charge thérapeutique urgente
Identifier une situation d’urgence
1 Rechercher des signes de gravité
La priorité est la stabilisation des enfants gravement malades (voir chapitre 65) ou blessés avec signes de détresse vitale : défaillances respiratoires, circulatoires ou neurologiques.
Les gestes d’urgences nécessaires au traitement d’une détresse vitale sont réalisés, associés à la mise en place des outils de surveillance des constantes vitales.
Le retentissement général (asthénie, anorexie, amaigrissement) doit être apprécié, de même que le poids et ses variations éventuelles.
La douleur doit être évaluée selon des échelles validées adaptées à l’âge et traitée.
Signes suggérant une urgence chirurgicale :
*contexte : traumatisme à haute cinétique, chute d’une hauteur élevée, polytraumatisme, maltraitance;
*caractéristiques de la douleur : douleur à début brutal, puis permanente; douleur intense, diurne et nocturne, réveillant le patient;
*signes fonctionnels associés : vomissements bilieux, méléna, rectorragies;
*signes physiques : défense abdominale, contracture, douleur à la décompression, masse abdominale, tuméfaction inguinale ou scrotale douloureuse, plaie pénétrante.
Signes suggérant une urgence médicale :
*altération de l’état général (dont perte de poids);
*sepsis avec troubles hémodynamiques, troubles de conscience;
*déshydratation voire hypovolémie (si vomissements répétés);
*syndrome polyuropolydipsique, dyspnée;
*signes évocateurs d’anaphylaxie.
Assurer les gestes d’urgence éventuels
Prise en charge symptomatique :
*troubles hémodynamiques : remplissage vasculaire;
*selon l’évaluation de la douleur : antalgiques IV (une prise en charge antalgique rapide ne « masque » pas les signes abdominaux ou généraux; elle permet au contraire d’aborder l’examen de l’enfant dans de meilleures conditions).
Préparation à une intervention chirurgicale :
*autorisation parentale;
*mise à jeun, hydratation IV;
*consultation anesthésique, groupage-hémostase en cas de chirurgie à risque hémorragique ou de terrain favorisant.
Une fois ces mesures prises, il convient d’assurer la poursuite de l’enquête diagnostique.
La prise en charge thérapeutique des douleurs abdominales aiguës doit être avant tout étiologique.
Éliminer une urgence chirurgicale ou médicale (infectieuse, métabolique).
Poursuivre l’enquête étiologique
1 Enquête paraclinique
Les examens complémentaires sont orientés par le contexte clinique.
Examens biologiques :
*en cas de signes fonctionnels urinaires : BU (± ECBU);
*en cas de fièvre et/ou de défense : NFS, CRP, BU;
*en cas de suspicion de diabète : glycémie capillaire/veineuse, BU ± gaz du sang et ionogramme sanguin (si orientation vers une acidocétose);
*selon les cas : ionogramme sanguin, bilan hépatique, lipasémie, β-hCG (adolescente).
Examens d’imagerie :
*échographie abdominale en première intention dans la plupart des en cas : – suspicion d’appendicite aiguë, d’invagination intestinale aiguë;
–suspicion de colique néphrétique, bilan de pyélonéphrite (sous 48 heures);
–douleurs abdominales récidivantes selon le contexte;
*ASP (indications très limitées) :
–en première intention : ingestion de corps étranger radio-opaque; syndrome occlusif selon les cas;
–en deuxième intention après échographie, si jugé nécessaire par le radiologue;
*autres selon contexte : radiographie du thorax (si polypnée fébrile);
*TDM abdominopelvienne jamais indiquée en première intention sauf si obésité.
Orientation diagnostique
L’orientation diagnostique repose avant tout sur (tableau 17.2) :
Tableau 17.2
Diagnostics selon l’âge et par argument de fréquence.
En italique : diagnostics pour lesquels un avis chirurgical est nécessaire en urgence.
En gras : mise en jeu du pronostic vital du patient à court terme.
Causes fréquentes
Avant 1 mois De 1 mois à 2 ans De 2 ans à 12 ans Après 12 ans
Coliques du nourrisson Coliques du nourrisson (surtout avant 5 mois) Constipation Douleurs abdominales
Douleurs abdominales fonctionnelles fonctionnelles
Hernie inguinale étranglée Gastroentérite aiguë Constipation
Infections ORL, otites, angines Gastroentérite aiguë Migraines abdominales
Migraines abdominales Pyélonéphrite
Invagination intestinale Hernie inguinale étranglée Pyélonéphrite Gastroentérite aiguë
Pneumopathie Pneumopathie
Infection ORL, otite, angine Appendicite, péritonite appendiculaire
Appendicite, péritonite appendiculaire
Traumatismes
Traumat smes Kystes ovariens, torsions d’ovaire
Crise drépanocytaire Dysménorrhées, douleurs ovulatoires
Colites infectieuses
Crise drépanocytaire
Causes peu fréquentes Allergie aux protéines du lait de vache Pyélonéphrite Diabète Hernie inguinale étranglée
Pneumopathie Purpura rhumatoïde Occlusion sur bride
Adénolymphite mésentérique Hernie inguinale étranglée Diverticule de Meckel
Traumatisme* Volvulus Occlusions néonatales ECUN (prématurés) Maladie de Hirschsprung Occlusion sur bride Cholécystite, lithiase biliaire
Allergie aux protéines du lait de vache Diverticule de Meckel Torsion testiculaire, épididymite
Invagination intestinale Lithiase urinaire
Torsion testiculaire, épididymite Torsion testiculaire, épididymite Hématocolpos
Pancréatite
Traumatismes* Cholécystite, lithiase biliaire Gastrites, ulcères
Volvulus Pancréatite Hépatites, hépatite fulminante
Syndrome néphrotique Diabète
Toxiques Toxiques
Mucoviscidose Reflux gastro-œsophagien
Maladie inflammatoire chronique intestinale Mucoviscidose
Intolérance au lactose
Vascularites Maladie inflammatoire chronique intestinale
Tumeurs
Appendicite Occlusion sur bride Appendicite, péritonite appendiculaire Lithiase urinaire Salpingites, grossesse, GEU
Torsion d’ovaire Invagination intestinale
Occlusion sur bride Gastrites, ulcère Péritonite primitive ou sur cathéter
Torsion testiculaire, épididymites Maladie de Hirschsprung Syndrome hémolytique et urémique
Overdoses, intoxications alcooliques
Toxiques Hépatites, hépatite fulminante Rhumatisme articulaire aigu
Toxiques Tumeurs Tumeurs
Tumeurs Malabsorption Myocardite, péricardite Vascularites
Malabsorption Crise drépanocytaire Toxiques
Anémie hémolytique
Porphyrie
Traumatisme* : suspecter une maltraitance en cas de traumatisme équivoque, en particulier avant l’âge de la marche.
L’adénolymphite mésentérique (visualisation de ganglions mésentériques à l’échographie) est souvent indûment suggérée comme étant une cause de douleurs abdominales prolongées. Elle ne peut pas expliquer une telle symptomatologie.
*la fièvre, les signes associés;
*l’examen abdominopelvien.
Suivi immédiat
Le traitement de la cause retrouvée constitue la priorité.
L’enquête étiologique peut ne pas identifier la cause dans un premier temps.
Une courte hospitalisation avec surveillance étroite est parfois nécessaire pour évaluer la réalité de la douleur, répéter les examens cliniques, pratiquer des examens complémentaires orientés et juger de l’évolution immédiate.
Demeurer toujours à l’écoute attentive des données cliniques.
Évaluer les bénéfices et les limites de l’imagerie dans la démarche diagnostique de certaines urgences.
I Points clés à propos de certaines causes
A Invagination intestinale aiguë
1 Généralités
Invaginations intestinales aiguës primitives
Diagnostic
Les IIA primitives sont les plus fréquentes et surviennent dans la majorité des cas chez un nourrisson auparavant en bonne santé, âgé de 2 mois à 2 ans (pic : 9 mois). On retrouve parfois un épisode infectieux récent.
Il s’agit classiquement d’une forme iléocœcale.
Tableau caractéristique avec une triade clinique (parfois incomplète) :
*crises de douleurs abdominales paroxystiques répétées (pleurs, gémissements) avec des périodes d’accalmie, pouvant se résumer à des accès d’hypotonie avec pâleur;
*vomissements alimentaires puis bilieux, et refus alimentaire;
*rectorragies (plus tardives).
À l’examen physique :
*palpation du boudin d’invagination (masse abdominale mobile mais pas toujours perceptible); douleur de l’hypochondre droit le plus souvent;
*toucher rectal pouvant extérioriser du sang (réalisation non systématique).
L’échographie abdominale est l’examen diagnostique de référence : visualisation directe du segment intestinal invaginé = image en « cocarde » en coupe transversale, en « sandwich » en coupe longitudinale (fig. 17.2).
3 Invaginations intestinales aiguës secondaires
Les IIA secondaires sont plus rares.
Elles peuvent survenir à tout âge chez l’enfant et se classent en deux groupes :
*causes locales, habituellement situées sur le grêle (diverticule de Meckel, duplication digestive, polype, lymphome) : dans ce cas la symptomatologie évolue rapidement vers un syndrome occlusif du grêle; le traitement est alors chirurgical avec résection intestinale (Meckel, duplication, polype) ou biopsie (lymphome);
*causes générales (purpura rhumatoïde, mucoviscidose, vaccin à rotavirus, chimiothérapie) : il s’agit le plus souvent d’une forme iléo-iléale; l’évolution est fréquemment favorable sans lavement thérapeutique rétrograde ni chirurgie.
Triade clinique : pleurs paroxystiques, vomissements et refus alimentaire, ± rectorragies.
Confirmation : boudin d’invagination à l’échographie abdominale.
IIA au-delà de l’âge de 2 ans : rechercher une cause sous-jacente.
Appendicite aiguë et péritonites
1 Généralités
L’appendicite aiguë est une inflammation brutale de l’appendice vermiforme.
C’est une urgence médicale et chirurgicale de diagnostic parfois difficile car de présentation clinique variable.
Elle atteint 0,3 % des enfants de 0 à 15 ans avec un pic de fréquence de 7 à 13 ans et des formes toujours compliquées avant 6 ans.
2 Formes non compliquées
Évaluation clinique de la forme classique (appendice latérocœcal)
Anamnèse :
*douleur abdominale aiguë évoluant depuis moins de 48 heures, initialement péri-ombilicale puis migrant en fosse iliaque droite, continue et croissante, exacerbée par la toux et le cloche-pied droit;
*fièvre modérée, autour de 38 °C;
*troubles digestifs modérés : inappétence, nausées, parfois vomissements, transit parfois initialement accéléré avant un iléus réflexe.
Examen physique :
*boiterie par psoïtis (cuisse droite fléchie en position antalgique), langue saburrale, inclinaison antalgique du rachis sur la droite;
*point de MacBurney : défense ou douleur provoquée de la fosse iliaque droite;
*douleur en fosse iliaque droite à la décompression rapide de la fosse iliaque gauche.
C’est l’association des signes cliniques qui doit faire évoquer l’appendicite aiguë.
La répétition de l’examen clinique est souvent d’un grand intérêt diagnostique.
Il faut savoir faire appel à un clinicien expérimenté dans les cas difficiles.
Variantes anatomiques
- Forme rétrocœcale : psoïtis marqué, douleur à la palpation du flanc droit, rarement défense.
*Forme sous-hépatique : douleur en hypochondre droit.
*Forme pelvienne (diagnostic difficile et souvent retardé) : signes fonctionnels urinaires avec BU négative, ou signes de gastroentérite, sans défense. Le toucher rectal, qui peut être pratiqué chez le grand enfant en présence d’un parent, peut parfois retrouver un bombement douloureux.
*Forme mésocœliaque : syndrome occlusif fébrile.
Examens paracliniques
Biologie
- NFS : hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles (PNN) précoce.
*CRP : augmentée, mais en retard sur la clinique.
Ces deux examens sont peu spécifiques mais très sensibles, et donc à réaliser dans les cas douteux : on peut quasi exclure le diagnostic d’appendicite quand ils sont tous les deux négatifs.
Imagerie
*Échographie abdominopelvienne : examen le plus pertinent chez l’enfant (fig. 17.3) :–diagnostic positif : appendice > 6 mm de diamètre non compressible, à parois épaissies, obturation de la lumière appendiculaire voire stercolithe (cône d’ombre), épaississement de la graisse péri-appendiculaire, perte de la différenciation des couches pariétales;
–diagnostic des complications : nécrose, abcès, plastron, épanchement liquidien;
–diagnostic différentiel : pathologie annexielle chez la fille (vessie pleine).
*Scanner ou IRM abdominopelvien : rares indications chez l’enfant obèse ou dans les cas ambigus avec échographie répétée non contributive (appendicite pelvienne).
*ASP : non indiqué.
Prise en charge thérapeutique
C’est une urgence médicale et chirurgicale.
Traitement médical
*En préopératoire : à jeun, voie veineuse périphérique pour réhydratation, traitement antalgique adapté, antibiothérapie probabiliste à débuter dès le diagnostic affirmé.
*En peropératoire : antibiothérapie probabiliste IV.
*En postopératoire : poursuite du traitement antalgique, reprise progressive de l’alimentation.
Intervention chirurgicale
Elle permet de confirmer le diagnostic et de réaliser l’appendicectomie, par voie de MacBurney ou par laparoscopie.
Complications potentielles :
*infectieuses : abcès de paroi, abcès profond, péritonite par lâchage de moignon;
*mécaniques : occlusions précoces (iléus réflexe) ou tardives (adhérences, brides).
3 Formes compliquées
Abcès, plastron
Clinique
Évolution clinique de plus de 48 heures avec palpation d’une masse abdominale.
Définition
État inflammatoire aigu du péritoine, suite ici à la diffusion dans la cavité abdominale des bactéries provenant de l’appendice, le plus souvent perforé. C’est une urgence médico-chirurgicale.
Clinique
Tableau d’occlusion fébrile douloureuse :
*occlusion : vomissements bilieux, météorisme avec arrêt des matières et des gaz ou parfois diarrhée (péritonites appendiculaires pelviennes ou mésocœliaques);
*fièvre : > 39 °C généralement;
*douleur : intense et souvent brutale (perforation), continue, initialement localisée en fosse iliaque droite (oriente sur l’étiologie).
Examen clinique :
*position antalgique en chien de fusil ou blockpnée (petits enfants);
*signes de déshydratation, pâleur, frissons, tachycardie, voire marbrures;
*défense généralisée (petits enfants), contracture abdominale (enfants plus âgés);
*absence de bruit hydroaériques.
Examens paracliniques
Biologie (renseigne sur la gravité de la péritonite) :
*hyperleucocytose à PNN franche et rapide, ou neutropénie témoin d’un sepsis;
*CRP et PCT élevées, permettant le suivi;
*ionogramme sanguin : troubles hydroélectrolytiques possibles;
*hémoculture en cas de troubles hémodynamiques.
Chez l’enfant et l’adolescent, l’imagerie est moins utile que dans l’appendicite simple car la clinique est souvent plus franche et le diagnostic plus facile. Chez le nourrisson cependant, elle reste utile du fait des difficultés diagnostiques, d’un examen physique peu rentable; elle ne doit pas retarder le traitement urgent.
L’échographie abdominale peut montrer un épanchement diffus, mais son absence n’exclut en rien le diagnostic. Les signes d’appendicite sont souvent nets, mais l’appendice peut ne pas être augmenté de volume du fait d’une perforation ou non retrouvé du fait du météorisme.
Le scanner abdominal n’est utile qu’en cas de doute diagnostique après avis spécialisé (indication rare).
Prise en charge thérapeutique
Traitement médical :
*mêmes mesures que dans l’appendicite aiguë non compliquée, mais très rapides et adaptées aux constantes et aux données biologiques;
*surveillance selon les cas en réanimation pédiatrique ou en déchocage, avec une antibiothérapie à large spectre à visée digestive.
Intervention chirurgicale :
*laparoscopie préférée à la laparotomie;
*traitement de la cause (appendicectomie), lavage de la cavité abdominale pour certains, prélèvements à visée bactériologique;
*complications plus fréquentes avec parfois un risque vital; suites souvent simples si traitement médico-chirurgical précoce, rapide et efficace.
Autres causes de péritonite
L’appendicite étant de loin la cause la plus fréquente de péritonite chez le nourrisson et l’enfant (hors nouveau-nés), le problème du diagnostic différentiel se pose peu.
Autres causes de péritonite :
*péritonites secondaires à la perforation d’organe creux : par meckélite (surinfection du diverticule de Meckel), perforation d’ulcères gastroduodénaux ou des voies biliaires, post-traumatiques ou dans l’évolution d’une occlusion mécanique (invagination, volvulus);
*péritonites survenant dans des contextes particuliers : présence d’un cathéter de dialyse péritonéal, péritonites primitives à pneumocoque (syndrome néphrotique, cirrhose, corticothérapie).
L’appendicite, éventuellement compliquée d’une péritonite, est une affection fréquente de l’enfant dont le diagnostic est facilité par un examen clinique soigneux par un médecin expérimenté ainsi qu’une échographie abdominale.
C’est une infection potentiellement mortelle, qui requiert un traitement médico-chirurgical urgent associant antibiothérapie, mesure de réanimation si nécessaire, et appendicectomie.
Syndrome occlusif de l’enfant
1 Définition
Il s’agit d’un arrêt du transit :
- lié à un obstacle : occlusion mécanique par strangulation, par atrésie, par diaphragme intraluminal, etc.;
*ou lié à un défaut du péristaltisme intestinal : occlusion fonctionnelle.
Une occlusion haute, en particulier en période néonatale, se définit comme située au-dessus de l’angle de Treitz à la jonction duodéno-jéjunale; une occlusion basse, au-dessous.
2 Diagnostic
Signes cardinaux de l’occlusion :
*vomissements alimentaires puis bilieux (verts très suspects d’occlusion mécanique);
*arrêt des matières et des gaz ou, chez le nouveau-né, retard d’émission du méconium (au-delà de 48 heures de vie);
*météorisme abdominal : plus ou moins marqué selon le niveau de l’obstacle;
*douleurs abdominales : plus marquées dans les occlusions mécaniques que fonctionnelles, d’installation brutale dans les occlusions par strangulation.
Données cliniques à rechercher :
*signes de gravité : état de choc, déshydratation, fièvre;
*cicatrices abdominales (en faveur d’une occlusion sur bride);
*palpation des orifices herniaires;
*défense abdominale (en faveur d’une souffrance ischémique : strangulation);
*contexte de dilatation digestive sur les échographies anténatales.
Types topographiques d’occlusion :
*occlusion haute : vomissements bilieux verts + arrêt tardif du transit + ventre plat ou météorisme de la partie supérieure de l’abdomen;
*occlusion basse : arrêt du transit + vomissements tardifs (alimentaires puis bilieux) + météorisme global.
Examens complémentaires :
*échographie abdominale par un opérateur entraîné;
*ASP couché chez le jeune enfant;
*ionogramme sanguin, NFS et CRP.
Prise en charge thérapeutique
Principes généraux avant chirurgie :
*réhydratation IV;
*sonde nasogastrique en aspiration douce à – 20 cm H2O;
*antalgiques de palier 1 le plus souvent (paracétamol IV), parfois de palier 2;
*surveillance : aspiration gastrique et compensation des pertes, diurèse toutes les 3 heures. Chirurgie : selon la cause (voir infra).
4 Principales causes
Elles sont récapitulées sur la figure 17.4.
Volvulus du grêle :
*occlusion liée à une anomalie de rotation de l’anse intestinale le plus souvent;
*à tout âge, en particulier chez le nouveau-né et le nourrisson;
*vomissements verts à ventre plat, douleurs et état de choc le plus souvent, rectorragies possibles dans les formes très avancées avec nécrose intestinale;
* échographie abdominale en urgence : anomalie de position des vaisseaux mésentériques et enroulement du grêle et de la veine mésentérique supérieure autour de l’axe artériel mésentérique supérieur (tour de spire, whirlpool sign = « signe du tourbillon »);
* urgence chirurgicale;
*risque de décès par nécrose complète du grêle et choc septique, ou de grêle court.
Atrésie duodénale ou jéjunale proximale :
*obstacle congénital de la lumière digestive complet (atrésie) ou partielle (diaphragme);
*association fréquente atrésie duodénale-trisomie 21 (voir chapitre 12);
*diagnostic souvent prénatal par les échographies de dépistage;
*traitement chirurgical;
*pronostic lié à la longueur d’intestin restant (risque de grêle court).
Occlusions mécaniques basses
Occlusion sur bride :
*occlusion postopératoire survenant après une intervention chirurgicale;
*tableau d’occlusion haute ou basse selon le niveau de l’occlusion sur le grêle, associé à des douleurs souvent intenses;
*complications : ischémie et nécrose de l’anse intestinale, perforation et péritonite;
*traitement médical parfois suffisant; chirurgie en cas de persistance de la douleur.
Hernie inguinale étranglée : voir § II.D.
Invagination intestinale aiguë : voir § II.A.
Autres causes chez le nouveau-né :
*iléus méconial :
–occlusion distale du grêle par obstacle mécanique lié à un méconium épais et sec;
–rechercher une mucoviscidose (voir chapitre 63);
–traitement par lavement; chirurgie si échec;
*malformation ano-rectale :
–absence d’anus perméable au périnée;
–chirurgie;
*syndrome du bouchon méconial :
–occlusion basse par un méconium épais réalisant un « bouchon », le plus souvent au niveau du côlon gauche;
–étiologie le plus souvent inconnue;
–lavement opaque permettant l’évacuation du bouchon et la guérison.
Occlusions fonctionnelles basses
Elles diffèrent de l’occlusion mécanique car elles sont dues à une absence de fonctionnement de l’intestin, sans obstacle mécanique.
Maladie de Hirschsprung : voir chapitre 21.
Occlusion « réactionnelle » à un épanchement intrapéritonéal ou rétropéritonéal :
*infectieux : péritonite, abcès appendiculaire, entérocolite ulcéro-nécrosante;
*sanguin : hémopéritoine post-traumatique.
Adage : « Tout bébé qui vomit vert doit être ouvert » (ou presque). Palpation des orifices herniaires.
Urgence. Réhydratation IV. Sonde nasogastrique en aspiration douce. Chirurgie selon les cas.
D Hernie inguinale étranglée
Hernie inguinale étranglée
1 Généralités
La hernie inguinale est une affection congénitale liée à la persistance du canal péritonéo-vaginal, et non à une faiblesse musculaire et aponévrotique comme chez l’adulte.
L’étranglement est une complication survenant le plus souvent chez le petit nourrisson.
Il peut compliquer une hernie inguinale connue ou peut également être révélateur.
2 Diagnostic
Le diagnostic est clinique :
*période initiale de gémissements et refus de prise alimentaire;
*tuméfaction inguinale ou inguino-scrotale douloureuse constatée par les parents;
*tuméfaction irréductible lors de la poussée en haut et en dehors, avec un testicule normalement en place dans la bourse (chez le garçon);
*tableau d’occlusion intestinale aiguë (en cas de diagnostic tardif).
Aucun examen complémentaire n’est nécessaire et ne doit retarder la prise en charge.
Prise en charge thérapeutique
L’urgence est de lever au plus vite l’ischémie du grêle et du testicule.
Absence d’altération de l’état général :
*prémédication;
*tentative de réduction manuelle forcée 30 minutes après :
–compression prolongée et dirigée en haut et en dehors;
–si succès (le plus souvent, hernie engouée) : intervention dans les 2–3 jours;
–si échec : chirurgie immédiate.
Altération de l’état général :
*rééquilibration hydroélectrolytique, réanimation;
*chirurgie (éventuelle résection-anastomose intestinale).
Douleurs abdominales aiguës : toujours palper les orifices herniaires.
Hernie inguinale étranglée : urgence thérapeutique = réduction manuelle ou chirurgicale.
E Torsion du cordon spermatique
1 Généralités
Il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique.
Le risque est la mise en jeu du pronostic fonctionnel testiculaire par ischémie et nécrose testiculaire. La fonction exocrine est atteinte dès 3–4 heures d’ischémie et réduite à néant au-delà de 12 heures. L’atrophie testiculaire est très probable au-delà de 24 heures d’ischémie.
Il faut ainsi noter l’heure du début des signes.
2 Diagnostic
Le diagnostic est clinique (fig. 17.5A) et facile dans sa forme typique :
*patient âgé de 12 à 18 ans;
*survenue d’une douleur scrotale brutale, souvent la nuit, intense, continue, unilatérale, irradiant vers la région inguinale et l’abdomen, ± vomissements;
*testicule dur, douloureux, rétracté à la partie haute de la bourse, souvent intouchable; cordon douloureux; réflexe crémastérien souvent absent;
*bourse très vite volumineuse et très inflammatoire.
Existence de formes cliniques pièges :
*épisodes de torsion-détorsion se manifestant par des accès douloureux résolutifs;
*formes tardives : douleur plus lancinante, fébricule, bourse inflammatoire;
*douleurs en fosse iliaque (irradiation seule) avec troubles digestifs pouvant faire penser à une pathologie abdominale;
*torsion sur testicule ectopique : très rare, associant tuméfaction inguinale douloureuse et bourse vide homolatérale;
*enfant plus jeune, la torsion pouvant survenir à tout âge, même chez le nouveau-né.
La prise en charge de cette urgence chirurgicale ne doit être retardée sous aucun prétexte dès lors que le diagnostic est suspecté.
S’il ne retarde pas l’intervention, un examen doppler du cordon spermatique peut permettre d’affirmer le diagnostic (torsion du cordon spermatique lui-même, l’aspect du testicule n’ayant aucune valeur).
Prise en charge thérapeutique
L’intervention chirurgicale (fig. 17.5B) consiste en une détorsion du testicule et sa fixation; une orchidectomie est réalisée en cas de nécrose testiculaire irréversible (parents et enfant prévenus de ce risque avant l’intervention). La fixation testiculaire controlatérale est systématique.
4 Diagnostic différentiel : autres douleurs aiguës du scrotum
Torsion d’hydatide
L’hydatide testiculaire, ou hydatide de Morgagni, est un reliquat embryonnaire appendu au pôle supérieur du testicule.
Sa torsion est la cause la plus fréquente des douleurs aiguës du scrotum entre 5 et 10 ans.
Le diagnostic clinique est souvent simple au début : douleur scrotale de survenue brutale, très marquée au pôle supérieur du testicule, avec une petite tuméfaction bleutée visible sous la peau (fig. 17.6A).A Clinique. B. Vue peropératoire.
À 24 heures d’évolution, il est plus difficile en raison d’une importante réaction inflammatoire du scrotum. L’écho-doppler est alors très utile pour éliminer le diagnostic de torsion du cordon spermatique.
Le traitement consiste en une prise d’AINS ainsi qu’une restriction des activités en attendant la nécrose et l’involution de l’annexe tordue.
L’exploration chirurgicale (fig. 17.6B) comportera une simple exérèse de l’hydatide tordue.
Orchiépididymites
Elles sont très rares à l’âge pédiatrique, avec deux pics : avant 2 ans et après la puberté.
Le diagnostic est clinique et se pose devant un scrotum inflammatoire, douloureux, de survenue brutale, avec fièvre.
Il peut être contemporain d’une infection urinaire; il faut alors rechercher une cause (malformation des voies génitales ou urinaires).
Autres diagnostics
- Traumatisme méconnu.
*Hernie inguino-scrotale étranglée.
Torsion du cordon spermatique : urgence thérapeutique car risque de nécrose irréversible de la gonade. Bourse aiguë : avis chirurgical au moindre doute diagnostique.
Coliques du nourrisson
1 Généralités
Il s’agit d’un motif de consultation très fréquent et souvent déroutant.
Elles sont évoquées devant des pleurs inexpliqués, attribués, peut-être à tort, à des douleurs de localisation abdominale, voire à une œsophagite (voir chapitre 19).
Totalement bénignes, les coliques du nourrisson peuvent être sources de sentiments d’incompétence parentale qu’il conviendra de prendre en compte.
2 Diagnostic
Tableau clinique caractéristique :
*nourrisson d’âge < 5 mois;
*description habituelle de l’épisode douloureux :
–pleurs prolongés inconsolables et/ou phases d’agitation inexpliquées;
–faciès vultueux, abdomen tendu et membres inférieurs repliés;
–émission spontanée ou provoquée de gaz intestinaux (probablement pas la cause des pleurs mais plus vraisemblablement consécutifs à l’air avalé lors des pleurs);
–caractère paroxystique de la crise, répétition de plusieurs épisodes;
*pas d’argument organique :
–appétit conservé, croissance pondérale normale, transit normal;
–éveil normal, périodes de calme.
L’évaluation clinique, lors de la consultation au décours, est normale.
Aucun examen complémentaire n’est nécessaire au diagnostic.
G Douleurs abdominales fonctionnelles
1 Ne pas méconnaître une origine organique
« Drapeaux rouges » imposant la recherche d’une maladie organique sous-jacente :
*douleur :
–localisation « loin » de l’ombilic (voir tableau 17.1);
–NB : l’intensité des douleurs n’est pas un critère orientant vers une cause organique; les douleurs d’origine fonctionnelle sont souvent rapportées comme étant plus intenses;
*symptômes digestifs associés :
–diarrhée nocturne;
–hématémèse, rectorragie;
–atteinte périnéale;
*symptômes extra-intestinaux :
–fièvre, douleurs articulaires, rash cutané, aphtes buccaux;
–perte de poids;
–retard de croissance, retard pubertaire;
*histoire familiale de MICI.
Préciser le diagnostic : critères de Rome IV
Les critères de Rome IV définissent les douleurs récurrentes fonctionnelles avec intervalles libres qui durent depuis au moins 2 mois, après élimination des causes organiques.
Dyspepsie non ulcéreuse :
*douleur persistante ou inconfort centré dans l’épigastre ou en sus-ombilical, s’aggravant au cours des repas;
*sans relation avec une modification du transit.
Migraine abdominale :
*épisodes paroxystiques avec fatigabilité inhabituelle et douleurs péri-ombilicales qui durent plus d’1 heure;
*associés à au moins deux des items suivants : anorexie, nausées, vomissements, céphalées, photophobie, pâleur;
*antécédents familiaux de migraine volontiers observés et représentant un critère diagnostique important.
Syndrome de l’intestin irritable :
*inconfort abdominal ou douleur apparus au moins une fois par semaine au cours des 3 derniers mois;
*associés à au moins deux des items suivants : amélioration par la défécation, modification de la fréquence des selles, modification de la consistance des selles.
Les douleurs abdominales fonctionnelles sont un diagnostic clinique : aucun bilan n’est nécessaire. Toutefois, ces douleurs fonctionnelles peuvent exister au cours de pathologies organiques comme la maladie cœliaque et les MICI.
Une adénolymphite mésentérique ou une infection à Helicobacter pylori ne sont pas à rechercher dans ce contexte de douleurs abdominales récurrentes.
Avant de commencer…
Les vomissements sont un motif fréquent de consultation, souvent en urgence. Les deux questions principales auxquelles il faut répondre sont :
*celle de leur origine, dont dépend le traitement étiologique, souvent le seul à considérer;
*celle de leur retentissement : volémie, déséquilibre ionique, état nutritionnel.
Il faut retenir la grande diversité des causes et n’en négliger aucune.
L’orientation sémiologique est essentielle, en écartant avant tout les urgences chirurgicales (voir chapitre 17), neurologiques et métaboliques.
La sténose hypertrophique du pylore est une cause très particulière au nourrisson âgé de quelques semaines, à toujours évoquer devant des vomissements progressifs.
Pour bien comprendre
Les vomissements se définissent comme des rejets actifs de tout ou d’une partie du contenu gastrique ou intestinal par la bouche. Ils associent une contraction du diaphragme et des muscles de la paroi abdominale. Ils sont souvent précédés de nausées, de pâleur, d’hyper-salivation et de sueurs diffuses.
Ils doivent être distingués des régurgitations qui correspondent à une remontée passive du contenu gastrique, sans effort, fréquentes chez le nourrisson (voir chapitre 18); ainsi que du rare mérycisme, équivalent d’une rumination volontairement régurgitée, remâchée puis à nouveau déglutie, qui nécessite une prise en charge spécifique médicamenteuse et souvent psychiatrique.
Trois grandes urgences : chirurgicales (viscérales), neurologiques et métaboliques.
Principales causes à connaître
1 Vomissements aigus ou occasionnels
Syndrome infectieux évident
Avant tout :
*gastroentérite (les vomissements peuvent précéder la diarrhée de plusieurs heures);
*infections ORL : angine, otite, stomatite;
*efforts de toux (rhinopharyngite, coqueluche).
Autres :
*appendicite, péritonite;
*pyélonéphrite;
*méningite;
*hépatite.
Absence de syndrome infectieux
Chez le nouveau-né :
*causes mécaniques et fonctionnelles :
–atrésie duodénale ou du grêle, iléus méconial (mucoviscidose), volvulus sur malrotation intestinale (voir chapitre 17);
–maladie de Hirschsprung;
*entérocolite ulcéronécrosante (en particulier chez le prématuré).
Chez le nourrisson et l’enfant plus âgé :
*causes chirurgicales :
–hernie inguinale étranglée, volvulus;
–invagination intestinale, torsion du cordon spermatique ou d’annexe;
–occlusion intestinale sur bride;
*causes neurologiques (hypertension intracrânienne) :
–hématome sous-dural ou extradural;
–tumeur cérébrale;
*autres causes :
–hypoglycémie, acidocétose diabétique;
–toxiques : intoxication médicamenteuse ou au CO, hypervitaminoses A et D;
–allergies alimentaires (forme IgE-médiée, SEIPA aigu).
2 Vomissements chroniques ou récurrents
Causes digestives et alimentaires
À évoquer en priorité :
*sténose du pylore : urgence chirurgicale (voir infra);
*RGO (voir chapitre 19);
Autres causes possibles :
*allergie : SEIPA chronique, œsophagite à éosinophiles;
*maladie cœliaque.
Affections extradigestives
Pathologies chroniques :
*hypertension intracrânienne;
*insuffisance cardiaque;
*tubulopathies;
*hépatopathies;
*chimiothérapies anticancéreuses.
Maladies métaboliques :
*acidocétose diabétique;
*hyperplasie congénitale des surrénales;
*galactosémie et fructosémie, anomalies du cycle de l’urée.
Autres :
*vomissements cycliques :
–équivalent de migraines;
–survenue d’épisodes répétés, espacés de plusieurs semaines, très intenses;
–durée de quelques heures à quelques jours;
–aucun symptôme entre les crises;
*vomissements d’origine psychogène (une des causes principales de vomissements inexpliqués chez l’enfant), vomissements provoqués (troubles du comportement alimentaire, voir chapitre 42).
Points clés sur la sténose du pylore
La sténose du pylore est une urgence diagnostique et thérapeutique. Elle est liée à l’hypertrophie des fibres musculaires du muscle pylore.
Circonstances :
*jeune nourrisson, souvent un garçon, +/- antécédents familiaux de sténose du pylore;
*survenue avec un intervalle libre de 3 à 5 semaines après la naissance;
*vomissements :
–explosifs, en jet, abondants;
–toujours de lait caillé blanc non teinté de bile;
–généralement à distance du repas (30 à 60 minutes);
*appétit conservé contrastant avec la cassure de la courbe de poids;
*aggravation progressive.
Examen physique :
*dénutrition avec déshydratation variable;
*palpation d’une olive pylorique et visualisation d’ondulations péristaltiques de l’estomac.
Enquête paraclinique :
*ionogramme sanguin et gaz du sang : alcalose hypochlorémique;
*échographie abdominale pour confirmation du diagnostic (aspect en cocarde, épaississement du muscle, allongement du canal pylorique et stase gastrique, fig. 18.2).
Prise en charge :
*urgence symptomatique : corriger la déshydratation et les troubles ioniques;
*traitement étiologique chirurgical : pyloro-myotomie longitudinale extramuqueuse.
III Prise en charge thérapeutique
A Traitement étiologique
Aucun traitement symptomatique d’« épreuve » ne doit faire négliger l’approche étiologique, principal guide de la conduite thérapeutique.
B Traitement symptomatique
En l’absence de cause justifiant un traitement spécifique (médical ou chirurgical), un traitement symptomatique peut être proposé (en plus de la réhydratation éventuelle). Très peu d’études randomisées ont cependant mesuré l’efficacité des molécules disponibles chez l’enfant. Seul l’ondansétron a clairement démontré son efficacité; son AMM est toutefois actuellement réservée aux vomissements induits par les chimiothérapies cytotoxiques et aux vomissements postopératoires.
Pour rappel, le métoclopramide est contre-indiqué chez l’enfant.
Points clés sur l’hématémèse
A Diagnostic
L’hématémèse se définit par un rejet de sang rouge ou noirâtre au cours d’un effort de vomissements et d’origine digestive (différent du sang dégluti d’un saignement ORL et vomi, ou d’une hémoptysie).
Les trois principales causes sont, en fonction de l’âge de survenue :
*chez le nouveau-né : œsogastrite néonatale (rapportée au stress maternel, prise de médicaments au dernier trimestre, aspiration traumatique…);
*chez le nourrisson : sang d’origine maternelle dégluti chez un enfant allaité, rarement œsophagite peptique par reflux;
*chez l’enfant : ulcère duodénal et gastrite le plus souvent médicamenteuse.
Peuvent être également à l’origine d’une hématémèse : fréquemment un syndrome de Mallory-Weiss (ulcération œsophagienne dans un contexte de vomissements répétés et prolongés), plus rarement la rupture de varices œsophagiennes dans le cadre d’une hypertension portale (notamment un cavernome portal suite à un cathétérisme ombilical à la naissance).
Le diagnostic d’hématémèse est souvent évident cliniquement et peut être aidé par la mise en place d’une sonde gastrique (devant un collapsus inexpliqué ou une rectorragie abondante pour affirmer l’origine haute).
Il justifie la réalisation d’une endoscopie digestive haute pour déterminer la cause du saignement. Celle-ci est réalisée en urgence uniquement lorsque l’hémorragie n’est pas contrôlée et permet alors de réaliser un geste hémostatique. Elle n’est pas nécessaire en cas de syndrome de Mallory-Weiss.
Prise en charge thérapeutique
La prise en charge en urgence dépend de l’importance du saignement et de son retentissement hémodynamique.
Les hématémèses sont rarement sévères en pédiatrie.
En cas d’hémorragie importante, les principes de prise en charge sont non spécifiques : voie veineuse de bon calibre, monitorage cardiorespiratoire, remplissage vasculaire, voire transfusion.
Le traitement dépend de la cause du saignement.
Avant de commencer…
Le RGO physiologique est fréquent.
Chez le nourrisson, il se manifeste principalement par des régurgitations banales sans retentissement, liées à l’immaturité fonctionnelle du dispositif antireflux et l’inadéquation entre la ration alimentaire et la contenance gastrique avant l’âge de 1 an.
Seules des mesures hygiéno-diététiques sont alors nécessaires.
Le RGO pathologique (acide ou non acide) est moins fréquent.
Il est défini comme un RGO s’accompagnant de conséquences pathologiques pour l’enfant, telles qu’une œsophagite, des manifestations extradigestives (ORL, respiratoires) ou des malaises. Les explorations paracliniques peuvent être utiles pour identifier un RGO acide pathologique, car les signes cliniques ne sont pas spécifiques, en dehors du pyrosis chez le grand enfant.
Seul un RGO acide authentifié et symptomatique justifie d’un traitement par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). La responsabilité d’un RGO pathologique est très discutée dans de nombreux symptômes extradigestifs.
Pour bien comprendre
A Généralités
Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est défini comme le passage involontaire du contenu gastrique vers l’œsophage.
Le RGO est physiologique avant l’âge de la marche. Il peut par son abondance ou ses complications propres devenir pathologique.
La maturation fonctionnelle du sphincter inférieur de l’œsophage (SIO), l’introduction des aliments solides et l’acquisition de la position verticale conduisent à la disparition du RGO physiologique avant l’âge de 1 an.
Certains terrains sont considérés comme à risque de RGO pathologique : certaines encéphalopathies, les enfants opérés d’atrésie de l’œsophage, de hernie diaphragmatique congénitale et les enfants ayant une mucoviscidose.
B Physiopathologie
Physiopathologie
Le dispositif antireflux, lorsqu’il est efficace, permet un transit normal du bol alimentaire, s’oppose au retour des aliments et du liquide gastrique dans l’œsophage, et n’autorise que quelques éructations ou reflux occasionnels, souvent extériorisés chez le nourrisson.
Principaux mécanismes du RGO :
*avant tout, la survenue de relaxations inappropriées et transitoires du SIO, avec des épisodes de relaxation ≥ 5 secondes indépendants de la déglutition; ceci est en partie la conséquence d’une inadéquation entre le volume gastrique encore réduit chez le jeune nourrisson et les quantités de lait absorbées (volumes importants > 120 ml/kg par jour);
*plus rarement, une hypotonie ± permanente du SIO.
Physiopathologie : alimentation liquide, inadéquation entre le volume gastrique réduit et les quantités de lait absorbées et immaturité fonctionnelle du SIO s’améliorant vers l’âge de 1 an.
Diagnostiquer un reflux gastro-œsophagien
A Manifestations cliniques
1 Régurgitations
Les régurgitations sont très banales chez un nourrisson.
Elles se définissent comme des expulsions (rejets) soudaines sans effort, d’une petite quantité de liquide gastrique alimentaire, par la bouche. Elles sont spontanées ou contemporaines d’une éructation. Elles ne s’accompagnent pas de contractions musculaires ou abdominales, contrairement aux vomissements qu’il convient de bien différencier. À noter que parfois, des vomissements non bilieux peuvent les accompagner.
Les régurgitations de l’enfant après l’âge de la marche sont plus rares, et doivent faire évoquer un autre diagnostic.
Dans tous les cas, il convient d’éliminer une suralimentation (avant l’âge de 6 mois).
La distinction clinique entre RGO physiologique, vomissements et RGO pathologique n’est en pratique pas toujours simple.
2 Œsophagite
Aucun signe clinique n’est vraiment caractéristique du diagnostic d’œsophagite, en dehors de l’hématémèse (rare en pédiatrie).
Les pleurs pendant ou en dehors des biberons sont souvent attribués à tort à une œsophagite. Ils sont très fréquents entre les âges de 2 et 4 mois et ne sont que très rarement liés à un RGO acide pathologique. Les pleurs inexpliqués ne justifient pas à eux seuls la recherche d’une œsophagite et encore moins la prescription d’un traitement par inhibiteur de la pompe à protons (IPP), d’autant qu’ils n’ont pas d’AMM avant l’âge de 1 an.
Une œsogastroduodéonoscopie (OGD) est indispensable pour confirmer le diagnostic d’œsophagite chez le nourrisson.
Manifestations ORL et respiratoires
Manifestations ORL possiblement reliées à un RGO pathologique :
*stridor, épisodes récidivants de dyspnée laryngée;
*dysphonie.
Manifestations pulmonaires possiblement reliées à un RGO pathologique :
*toux chronique (notamment nocturne);
*bronchiolites ou pneumopathies récidivantes.
Ces manifestations et le RGO ont une relation de causalité très discutée.
La très grande majorité des affections respiratoires et ORL sont d’origine virale ou allergique; le RGO n’étant que très rarement en cause (sauf chez l’enfant handicapé).
En pratique, il ne faut pas évoquer un RGO en première intention devant des manifestations ORL et respiratoires.
Malaises
Le RGO peut être une cause de malaises (voir chapitre 66), bien que la relation de cause à effet soit très discutée.
Une pH-métrie pathologique est indispensable pour attribuer potentiellement l’origine d’un malaise grave à un RGO acide.
5 Autres circonstances
L’asthme, les otites, les rhinopharyngites, l’érythème du larynx n’orientent pas spécifiquement vers le caractère pathologique d’un RGO.
Un ralentissement staturo-pondéral doit faire rechercher d’autres causes qu’un RGO.
RGO physiologique = régurgitations banales chez la plupart des nourrissons.
RGO pathologique = œsophagite, manifestations extradigestives avec RGO prouvé.
Ne pas évoquer trop rapidement (et facilement) un RGO devant des manifestations ORL ou respiratoires, un malaise grave.
Diagnostic paraclinique
1 Rationnel des examens complémentaires
pH-métrie œsophagienne des 24 heures
Il s’agit de l’examen de référence pour objectiver un RGO acide.
Lorsqu’il n’existe pas de régurgitations, elle est indispensable pour poser le diagnostic de RGO en présence de signes extradigestifs. En revanche, en cas de régurgitations chez le nourrisson, le diagnostic de RGO peut être posé cliniquement, sauf en présence d’un malaise grave où la pH-métrie est nécessaire dans tous les cas.
Cet examen est réalisé sur une durée ≥ 24 heures et comporte une interprétation quantitative et qualitative.
L’analyse quantitative apprécie le pourcentage cumulé de temps où le pH œsophagien est < 4. Il y a RGO franchement pathologique pour une valeur > 10 % avant 1 an et > 5 % après 1 an. L’analyse qualitative permet de situer les périodes de reflux et leur concordance avec d’éventuels symptômes en fait rarement mise en évidence en pratique. Des reflux prolongés de plus de 30 minutes témoignent d’une mauvaise clairance œsophagienne.
Il n’y a jamais eu de preuves pour affirmer une relation linéaire entre l’importance du reflux et la gravité de ses conséquences cliniques. Un résultat de pH-métrie sortant des normes n’est pas la preuve d’une relation de cause à effet entre le reflux et l’événement.
Œsogastroduodéonoscopie (OGD)
Elle constitue l’examen de référence pour le diagnostic d’œsophagite peptique.
La confirmation de ce diagnostic témoigne d’un RGO et rend inutile la pH-métrie. À l’inverse, l’absence de signes d’œsophagite ne permet pas d’éliminer le diagnostic de RGO.
L’OGD permet également d’évaluer l’anatomie (hernie hiatale) et de diagnostiquer d’autres causes d’œsophagites : infectieuses ou à éosinophiles.
Autres investigations
Le transit œsogastroduodénal (TOGD) ne permet pas le diagnostic de RGO en raison de ses faibles sensibilité et spécificité. Il est l’examen optimal pour visualiser une anomalie morphologique du tractus digestif supérieur (malrotation intestinale, hernie hiatale par glissement, présence d’arcs vasculaires anormaux), en cas de RGO compliqué résistant au traitement ou pour un bilan préopératoire.
La manométrie œsophagienne ne permet pas le diagnostic de RGO. Elle est uniquement indiquée pour rechercher des diagnostics différentiels (achalasie de l’œsophage, dysmotricité du corps de l’œsophage).
L’impédancemétrie permet d’explorer les reflux acides et non acides, ces derniers pouvant aussi être responsables de complications. Il n’existe cependant pas encore de normes consensuelles pédiatriques pour l’interpréter.
2 Indications des examens complémentaires
En pratique, on retiendra les données du tableau 19.1.
Tableau 19.1
Investigations paracliniques dans le RGO.
RGO de sémiologie digestive typique non compliqué (régurgitations, pyrosis chez l’enfant capable de s’exprimer) → Aucun examen (sauf malaise grave)
RGO non cliniquement évident, formes extradigestives → pH-métrie œsophagienne
Recherche d’une œsophagite, d’une anomalie anatomique → OGD
Recherche d’une anomalie anatomique → TOGD
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi de l’enfant
A Prise en charge thérapeutique
1 Mesures hygiéno-diététiques
Elles reposent principalement sur :
*la réassurance des parents à propos de la bénignité des régurgitations;
*l’épaississement du lait infantile : utilisation d’un lait pré-épaissi (lait dit AR) ou ajout d’un épaississant dans les formules infantiles n’existant pas sous forme pré-épaissie;
*réduction du volume des biberons, uniquement s’ils sont trop importants pour l’âge; le fractionnement systématique des repas n’est pas indiqué.
En cas d’allaitement maternel, aucune de ces mesures ne doit être proposée, en dehors de la réassurance des parents. Il ne faut donc pas proposer de lait AR à un nourrisson allaité, et encore moins faire tirer le lait de la mère pour l’épaissir.
L’inclinaison du berceau (proclive), l’éviction du tabagisme passif n’ont pas d’efficacité prouvée.
En cas de RGO non amélioré malgré ces mesures, l’hypothèse d’une APLV doit être évoquée et un régime sans protéines de lait de vache empirique peut être mis en place pendant 2 à 4 semaines. Si les symptômes disparaissent à l’issue de cette période, une épreuve de réintroduction des protéines du lait de vache confirmera ou pas le diagnostic.
2 Traitements médicamenteux
Inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)
Ils ont une action antisécrétoire acide et ne sont donc efficaces qu’en cas de reflux acide. Ils n’ont aucune efficacité sur les régurgitations.
Des effets secondaires sont possibles (diarrhée, céphalées, vertiges, augmentation du risque d’infections digestives et respiratoires, ainsi que du risque d’allergie alimentaire et augmentation des fractures).
Ils n’ont pas d’AMM avant l’âge de 1 an et ne doivent donc pas être prescrits, sauf en cas d’œsophagite prouvée. Deux molécules sont disponibles avec une AMM après l’âge de 1 an : oméprazole et ésoméprazole. S’y ajoute le pantoprazole après l’âge de 12 ans.
Prescription réservée (consensus nationaux et internationaux) à :
*œsophagite érosive prouvée par une OGD, y compris chez le nourrisson âgé de moins de 1 an (prescription hors AMM);
*complications extradigestives d’un RGO pathologique acide authentifié par une pH-métrie (indication discutée car pas de preuves de l’efficacité des IPP dans ces situations);
*pyrosis mal toléré de l’enfant capable de s’exprimer, sans nécessité d’exploration préalable.
Les pleurs isolés, un malaise ou tout autre symptôme en l’absence de RGO acide prouvé ne sont pas des indications à la prescription empirique d’IPP.
Autres médicaments
La dompéridone est inefficace dans le traitement du RGO de l’enfant.
Les alginates et autres pansements œsophagiens sont une mesure adjuvante d’efficacité contestée, notamment chez le nourrisson.
Le métoclopramide est contre-indiqué chez les sujets âgés de moins de 18 ans en raison du risque de syndromes extrapyramidaux.
Traitement chirurgical
Le recours à un traitement chirurgical est exceptionnel.
Il est principalement indiqué dans les RGO compliqués, invalidants et résistants au traitement médicamenteux, en particulier sur les terrains à risque précédemment évoqués (encéphalopathies, enfants opérés d’atrésie de l’œsophage, de hernie diaphragmatique congénitale, enfants ayant une mucoviscidose) ou d’anomalie anatomique telle que la hernie hiatale.
En cas de doute sur un trouble de la motricité œsophagienne, une manométrie œsophagienne doit être réalisée en préopératoire, afin de discuter l’indication chirurgicale.
La technique la plus utilisée est la fundoplicature (intervention de Nissen ou Toupet).
RGO physiologique : mesures hygiéno-diététiques uniquement.
RGO pathologique : traitements médicamenteux argumentés.
B Suivi
L’efficacité du traitement doit être contrôlée par la régression des signes initiaux.
Pour autant, celle-ci ne doit pas être toujours considérée comme une preuve formelle du rôle du RGO.
L’absence d’amélioration clinique ou la survenue de complications doit faire évaluer :
*l’observance thérapeutique;
*le bien-fondé du choix thérapeutique;
*la réalité du diagnostic;
*la pertinence de la relation causale entre RGO et symptômes observés;
*l’éventualité de facteurs intercurrents.
Le RGO physiologique du nourrisson a une évolution habituellement favorable au cours du deuxième semestre de vie.
Avant de commencer…
L’étiologie des diarrhées chroniques chez l’enfant est habituellement reliée à l’âge.
La démarche diagnostique est surtout clinique, orientant le choix des examens complémentaires.
Les causes les plus fréquentes sont fonctionnelles, notamment chez le jeune enfant. Un retentissement staturo-pondéral signe habituellement l’organicité.
Une diarrhée chronique sans retentissement pondéral est a priori fonctionnelle.
Le tableau typique est l’intestin irritable, première cause chez l’enfant. Certaines maldigestions peuvent cependant permettre une croissance normale; c’est le cas de l’intolérance physiologique au lactose.
Les points clés à connaître sur la maladie cœliaque et les MICI sont développés ici.
La mucoviscidose fait l’objet d’un chapitre individualisé (voir chapitre 63). Sa présentation sous forme de diarrhée chronique inexpliquée est devenue rarissime depuis la généralisation du dépistage, mais il faut tout de même savoir l’évoquer compte tenu des faux négatifs possibles.
L’allergie aux protéines du lait de vache est abordée dans le chapitre 59, dans la diversité de ses présentations cliniques, dont la diarrhée chronique.
Pour bien comprendre
La diarrhée est caractérisée par l’émission de selles de consistance anormale (molles ou liquides), trop abondantes, trop fréquentes.
Elle est définie comme chronique au-delà de 3 semaines d’évolution.
L’analyse sémiologique est une étape essentielle qui permet d’éviter de toujours faire une pathologie d’une plainte alléguée des parents. En effet, la couleur et la consistance des selles sont physiologiquement variables. Il convient de savoir reconnaître la fausse diarrhée de l’enfant constipé (association de selles molles et dures, encoprésie), les selles molles/liquides grumeleuses jaunes de l’enfant allaité au sein, les selles vertes lors de l’utilisation de préparations hydrolysées.
L’émission de selles la nuit est un bon argument en faveur d’une diarrhée organique (hormis chez le jeune nourrisson).
Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents
A Démarche diagnostique
L’arbre décisionnel (fig. 20.1) présente les principales causes en pédiatrie.Les causes de diarrhée chronique chez le nouveau-né sont du ressort du spécialiste et ne seront donc pas traitées car il s’agit de pathologies rares.
Situations cliniques
1 Chez le nourrisson et l’enfant
La diarrhée fonctionnelle associée ou non au syndrome de l’intestin irritable est la cause la plus fréquente.
Elle est caractérisée par une diarrhée abondante nauséabonde isolée, avec débris alimentaires, survenant chez un enfant typiquement âgé de 6 mois à 3 ans, en parfait état général et ayant une croissance normale. La diarrhée est dans ce cas un symptôme isolé.
Aucun examen paraclinique n’est nécessaire au diagnostic. En cas de doute (hyperphagie, selles graisseuses), un dosage de l’élastase fécale peut éliminer une insuffisance pancréatique exocrine (autre cause de diarrhée chronique avec croissance parfois conservée grâce à une hyperphagie compensatrice).
Le traitement fait appel à une modification du régime alimentaire visant à réduire les sucres fermentescibles : lactose, fructose, oligosaccharides et polyols (FODMAP). Une surveillance simple est nécessaire car il n’y a pas de complications.
Les causes organiques les plus importantes font l’objet de paragraphes ou chapitres spécifiques : la maladie cœliaque, l’APLV, la mucoviscidose.
L’intolérance au lactose congénitale est rarissime et ne doit donc pas être évoquée aisément chez le nourrisson et le jeune enfant.
Chez le grand enfant et l’adolescent
Les MICI sont à évoquer (voir § III.B. Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)) ainsi que la maladie cœliaque.
Le syndrome de l’intestin irritable se traduit par un tableau clinique identique à celui de l’adulte, avec notamment une croissance staturo-pondérale conservée. Des douleurs abdominales peuvent être associées à de la diarrhée, de la constipation ou une alternance des deux. La maladie cœliaque peut se révéler à cet âge.
L’intolérance au lactose dans la forme physiologique de l’adulte peut être en cause après l’âge de 5 ans, mais elle est bien plus rare que chez l’adulte. Elle se manifeste par des symptômes (douleurs, ballonnement, diarrhée) dans l’heure suivant la prise de lactose. Les allergies alimentaires sont une cause de diarrhée chronique exceptionnelle à cet âge.
Cause principale chez l’enfant : diarrhée fonctionnelle.
En cas de retentissement pondéral, évoquer :
*chez le jeune nourrisson : APLV, mucoviscidose, maladie cœliaque (si gluten introduit);
*chez le préadolescent et l’adolescent : maladie cœliaque, MICI.
Points clés à propos de certaines causes
A Maladie cœliaque
1 Généralités
La maladie cœliaque est une maladie dysimmunitaire déclenchée et entretenue par l’ingestion de gluten chez des sujets génétiquement prédisposés.
Les patients avec maladie cœliaque sont porteurs du génotype HLA-DQ2 (95 %) et/ou DQ8 (5 %). À noter cependant que ce génotype HLA est fréquent, puisque présent chez 30 à 40 % de la population générale, ce qui suggère l’implication d’autres facteurs.
Un membre de la famille atteint de maladie cœliaque augmente le risque.
2 Diagnostic
Enquête clinique
Manifestations cliniques typiques chez le nourrisson diversifié avec du gluten :
*signes digestifs : diarrhée chronique, ballonnement abdominal;
*cassure pondérale puis staturale;
*anorexie, dénutrition progressive avec amyotrophie (fig. 20.2);
*pâleur, apathie, tristesse.
Les formes atypiques sont en augmentation : carence en fer, retard statural isolé (sans symptômes digestifs et sans cassure pondérale), douleurs abdominales isolées, constipation, vomissements isolés, augmentation des transaminases, hypoplasie de l’émail dentaire, dermatite herpétiforme, hippocratisme digital, retard pubertaire, arthralgies, ostéoporose, aphtes récurrents.
De nombreux contextes doivent faire évoquer l’association possible avec la maladie cœliaque : déficit en IgA, trisomie 21, syndrome de Turner, pathologies auto-immunes dont le diabète de type 1 et la thyroïdite auto-immune.
Enquête paraclinique
Le dosage des anticorps est la première étape diagnostique : IgA sériques anti-transglutaminase avec dosage simultané des IgA totales pour éliminer un déficit (5 % des cas en moyenne).
En cas de déficit en IgA, un dosage des IgG anti-transglutaminase pourra être réalisé.
Attention : le dosage des anticorps anti-transglutaminase ne doit être réalisé que chez un patient qui consomme du gluten, son exclusion pouvant faussement négativer le résultat.
Si les IgA anti-transglutaminase sont supérieures à 10 fois la normale, un dosage des IgA anti-endomysium est demandé sur un deuxième prélèvement. La positivité conjointe de ces deux conditions permet de poser le diagnostic de maladie cœliaque par un gastropédiatre sans réaliser de biopsie intestinale.
Dans tous les autres cas, une biopsie intestinale est nécessaire pour poser le diagnostic.
Le diagnostic peut être posé sur les biopsies s’il existe une augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux et une hypertrophie des cryptes, la présence d’une atrophie villositaire n’étant pas obligatoire.
Test thérapeutique
La preuve définitive du diagnostic sera apportée par la réponse au régime d’exclusion stricte du gluten. On observe dans ce cas une amélioration :
*clinique : disparition des signes en 1 à 2 semaines, reprise de la croissance (rattrapage staturo-pondéral en 6 à 12 mois);
*biologique : négativation des anticorps en 12 à 18 mois le plus souvent, parfois plus.
Prise en charge thérapeutique et suivi
Régime d’exclusion
Le régime d’exclusion consiste en l’éviction du gluten (blé, orge, seigle), quel qu’en soit le mode de présentation (plats cuisinés industriels, aliments panés, etc.). La plupart des patients tolèrent de petites quantités d’avoine.
Il peut être couplé initialement et très transitoirement avec un régime sans lactose (notamment durant la phase diarrhéique) et une supplémentation en vitamine D et en fer.
Ce régime d’exclusion doit être poursuivi à vie.
Une éducation thérapeutique, avec conseils diététiques et l’aide d’associations de malades, est utile pour favoriser l’observance et donc l’efficacité du traitement. Le régime est parfois difficile à accepter pour l’enfant et son entourage, notamment en cas de repas en collectivités ou à l’approche de l’adolescence. Un soutien psychologique peut s’avérer utile.
Un PAI est indispensable à l’école, en rassurant les enseignants sur l’absence de risques immédiats liés à une erreur ponctuelle de régime.
La prescription des produits sans gluten peut donner lieu à des remboursements accordés par la Sécurité sociale, dans certaines limites et sous certaines conditions (ce n’est pas une maladie ALD-30).
Suivi de l’enfant
L’efficacité et l’observance du régime sont appréciées cliniquement dans les 3 premiers mois et biologiquement après 12 mois par le dosage des anticorps.
Le mauvais suivi du régime peut s’accompagner chez l’enfant d’un retard de croissance, d’une ostéopénie, et d’une augmentation de l’incidence d’autres maladies auto-immunes.
Prédisposition génétique incontournable : HLA-DQ2 ou HLA-DQ8.
Évoquer la maladie cœliaque après l’introduction du gluten chez un nourrisson dénutri avec diarrhée chronique et ballonnement abdominal ou devant des présentations atypiques.
Test diagnostique essentiel et suffisant en première intention : IgA anti-transglutaminases (± IgA totales).
Régime avec éviction du gluten à vie. Ne pas le débuter avant confirmation diagnostique.
B Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)
1 Généralités2 Diagnostic
Il convient de savoir avant tout différencier des douleurs abdominales organiques et fonctionnelles (voir chapitre 17). Les signes évocateurs de maladie de Crohn et de RCH sont présentés dans le tableau 20.1.Des examens complémentaires seront utiles pour orienter vers une MICI, notamment biologique avec recherche d’un syndrome inflammatoire, d’une anémie, d’une hypoalbuminémie, et par imagerie (échographie).
Avant de commencer…
La constipation chez l’enfant est le plus souvent d’origine fonctionnelle.
Les signes d’alerte devant faire évoquer une cause organique sont à rechercher.
La prise en charge d’une constipation fonctionnelle est avant tout symptomatique.
Elle comprend des mesures hygiéno-diététiques souvent associées à un traitement médicamenteux.
Pour bien comprendre
A Généralités
La constipation désigne une stagnation des selles dans le côlon, entraînant des selles trop rares, souvent volumineuses et dures, avec une exonération souvent douloureuse.
Ce symptôme ne doit pas être banalisé. Les complications principales en cas de constipation sévère sont l’encoprésie (émissions fécales involontaires chez un enfant en âge d’avoir acquis le contrôle de sa défécation, ou après 4 ans; avec les conséquences psychosociales induites), les fissures anales, le prolapsus rectal, ainsi que le risque de perturbation durable de la motricité colorectale.
La constipation chez l’enfant est le plus souvent fonctionnelle.
Il convient de savoir évoquer une cause organique devant certains signes d’appel ou en cas de mauvaise réponse à un traitement de première intention bien conduit. L’identification d’une cause conduit au traitement spécifique de celle-ci.
Toute constipation « aiguë » doit faire évoquer un syndrome occlusif (urgence diagnostique), dont les principales causes sont évoquées dans le chapitre 17.
Rappels utiles
L’enfant acquiert un contrôle actif de l’exonération entre les âges de 2 et 4 ans.
Le transit varie en fonction de l’âge et de l’alimentation.
Les selles sont numériquement différentes chez un nourrisson allaité : selles fréquentes après chaque tétée ou, au contraire, rares dans la constipation au lait de mère (où l’intervalle entre les selles peut dépasser 1 semaine sans que le diagnostic de constipation au sens de pathologie soit porté), chez un nourrisson au lait infantile ou encore chez un enfant diversifié.
La constipation est définie selon les critères de Rome IV (tableau 21.1).
Tableau 21.1
Critères de Rome IV.
Avant l’âge de 4 ans
–Au moins 2 critères depuis 1 mois :
*≤ 2 selles par semaine
*Rétention fécale excessive
*Exonération douloureuse ou difficile
*Selles de gros calibre
*Présence d’un fécalome dans le rectum
–Après l’acquisition de la propreté, les critères suivants peuvent être ajoutés :
*≥ 1 épisode d’incontinence par semaine
*Selles de gros calibre qui peuvent obstruer les toilettes
Après l’âge de 4 ans
–Au moins 2 critères survenant au moins 1 fois par semaine depuis 1 mois, en l’absence de critères de syndrome de l’intestin irritable :
*≤ 2 selles par semaine
*≥ 1 épisode d’incontinence par semaine
*Posture de rétention ou rétention délibérée d’un volume fécal excessif
*Exonération douloureuse ou difficile
*Présence d’un fécalome dans le rectum
*Selles de gros calibre qui peuvent obstruer les toilettes
Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents
A Orientation étiologique
1 Enquête clinique
En faveur d’une origine fonctionnelle La constipation est fonctionnelle dans la majorité des cas chez l’enfant.
Facteurs favorisants, possiblement intriqués :
*modalités de la défécation :
–gêne mécanique à l’exonération : douleurs anales;
–toilettes : installations inadaptées, accès difficiles, attitude de rétention à l’école;
*terrain :
–antécédents familiaux de constipation fonctionnelle;
–prise médicamenteuse (morphine);
–période d’acquisition de la propreté, handicap (inactivité), contexte psychosocial.
En faveur d’une cause organique
Les causes organiques sont plus rares mais doivent être systématiquement évoquées.
Éléments d’alerte faisant suspecter une cause organique :
*terrain :
–constipation à début néonatal;
–retard d’émission du méconium (> 48 heures);
*signes cliniques :
–météorisme important (un météorisme peut cependant être observé dans les constipations fonctionnelles), épisodes subocclusifs avec vomissements;
–signes associés reliés à une pathologie causale;
–anomalies de la marge anale, du périnée ou de la région sacrée;
*retentissement et modalités évolutives :
–cassure staturo-pondérale;
–échec d’un traitement symptomatique bien conduit.
Attention : l’encoprésie est en faveur d’une constipation fonctionnelle et non organique.
Certains enfants sont constipés de façon fonctionnelle dès la naissance, avec un facteur familial et sans signes d’organicité (« tendance à la constipation »); le risque est l’aggravation par attitude de rétention.
Enquête paraclinique
Aucun examen complémentaire n’est justifié en cas de constipation fonctionnelle.
Le cliché d’abdomen sans préparation (ASP) est un examen ni sensible ni spécifique pour le diagnostic « positif » de constipation. Il n’a aucune indication dans le diagnostic ou le suivi.
Les autres examens complémentaires sont fonction de l’orientation étiologique.
Rechercher systématiquement des arguments évocateurs d’une cause organique de constipation.
Ne pas prescrire un ASP pour un diagnostic ou un suivi de constipation.
Principales causes de constipation organique
Elles sont rares et représentent moins de 5 % des cas de constipation (tableau 21.2).
Tableau 21.2
Causes organiques de constipation chez l’enfant.
Causes médicales
–Hypothyroïdie, maladie cœliaque (rare)
–Diabète insipide, hypercalcémie, hypokaliémie
–Encéphalopathie, anorexie mentale
Anomalies neuromusculaires
–Maladie de Hirschsprung
–Pseudo-obstruction intestinale chronique (POIC)
Obstacles anatomiques
–Malformations anorectales hautes ou basses
–Sténoses anales congénitales ou acquises
Elles doivent être toujours évoquées avant de conclure à une origine fonctionnelle.
On doit rechercher à l’examen clinique des signes d’alerte justifiant et orientant la prescription d’examens complémentaires.
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi de l’enfant
A Prise en charge thérapeutique
1 Rationnel
La prise en charge thérapeutique doit être précoce.
Ce symptôme peut en effet induire à moyen terme des complications organiques (fissures anales, prolapsus rectal, perturbations prolongées de la motricité) et/ou psychologiques, elles-mêmes responsables d’une pérennisation des troubles. L’encoprésie est l’évolution à redouter des constipations fonctionnelles sévères et chroniques.
2 Moyens de prise en charge d’une constipation fonctionnelle
Recommandations hygiéno-diététiques
Recommandations générales pour limiter les facteurs favorisants :
*apprentissage de l’exonération : pédagogie et réassurance parentale;
*amélioration des conditions pratiques : siège de W.-C. adapté avec plots sous les pieds (poussée abdominale efficace);
*arrêt des médicaments constipants (si possible).
Conseils diététiques après enquête alimentaire :
*augmentation des apports en fibres (fruits, légumes, céréales complètes); l’efficacité de ces conseils diététiques n’est qu’empirique et limitée aux formes bénignes et transitoires; ils sont presque toujours inefficaces dans les constipations sévères.
raitement médicamenteux
Ils sont complémentaires aux recommandations hygiéno-diététiques, mais il faut rapidement y recourir en cas d’inefficacité de ces mesures, notamment dans les formes sévères ou chroniques de constipation.
L’évacuation des selles accumulées (fécalomes) est primordiale si nécessaire.
Elle se fait au moyen de lavements hypertoniques prescrits pendant une durée limitée ou par des laxatifs à dose de désimpaction fécale.
La prévention de la réaccumulation des selles est assurée par le traitement de fond.
Les laxatifs à base de PEG (macrogol) sont les plus utilisés.
Les laxatifs lubrifiants (à base de paraffine liquide) ramollissent les selles, facilitant ainsi leur progression. Très efficaces, ils sont moins utilisés en raison de fuites anales possibles et de risques de pneumopathie huileuse sur fausses routes chez les nourrissons ayant un reflux gastro-œsophagien.Autres traitements
Une prise en charge psychologique peut s’avérer utile, notamment en cas de conséquences psychosociales du trouble ou de bénéfice secondaire recherché, ainsi qu’en cas d’encoprésie.
Suivi de l’enfant
L’évolution d’une constipation fonctionnelle peu sévère est souvent favorable mais des récidives ne sont pas rares.
En cas de constipation sévère avec encoprésie, le pronostic est plus réservé selon l’ancienneté des troubles et l’observance thérapeutique. La prise en charge doit parfois être prolongée plusieurs mois, voire années.
Importance des recommandations hygiéno-diététiques, surtout pour les habitudes de défécation.
Les conseils diététiques sont de peu d’efficacité en cas de constipation sévère. Le traitement médicamenteux à dose et durée suffisantes est alors la règle.
Avant de commencer…
Ce chapitre regroupe des pathologies courantes à l’origine de très nombreuses consultations. Il est important que les médecins les connaissent bien pour repérer les situations nécessitant de diriger l’enfant vers un chirurgien pédiatrique, en particulier en présence d’une hernie inguinale ou d’un testicule non descendu. La lecture de ce chapitre doit être complétée par ceux traitant les urgences inguino-scrotales dans le cadre des douleurs abdominales notamment (chapitre 17) et des vomissements (chapitre 18).
Pour bien comprendre
Le processus vaginal est une évagination du péritoine présente chez tous les fœtus et s’oblitérant habituellement en fin de grossesse. Il porte le nom de canal de Nück chez la fille et de canal péritonéovaginal chez le garçon (fig. 22.1).Illustration de Carole Fumat.
Son défaut d’oblitération pourra donner lieu à différentes pathologies (hernie inguinale,
hydrocèle, kyste du cordon) pouvant s’observer à un âge variable.
Certaines sont présentes dès le premier mois de vie, d’autres apparaîtront plus tard.
Le diagnostic de ces pathologies est clinique. L’échographie est inutile.
Hernie inguinale non compliquée
A Diagnostic
C’est une pathologie congénitale fréquente.
Les parents remarquent une tuméfaction inguinale intermittente et peuvent entendre des bruits intestinaux.
Chez le garçon, le testicule homolatéral est palpé dans la bourse; la tuméfaction inguinale est indolore et réductible en poussant en haut et en dehors (fig. 22.2).S’il s’agit d’une hernie de l’ovaire chez une petite fille de moins de 1 an, on palpe une tuméfaction oblongue, dure et roulant sous le doigt (fig. 22.3). On peut la réduire sans forcer, sinon on peut la laisser en place en attendant la chirurgie.B Prise en charge
Le traitement est toujours chirurgical, dans un court délai après le diagnostic, surtout en présence d’une hernie de l’ovaire.
L’objectif principal est de prévenir un étranglement, source d’ischémie intestinale et gonadique chez l’enfant.
Hydrocèle, kyste du cordon
A Diagnostic
Le canal péritonéovaginal est fin, ne permettant que le passage de liquide péritonéal.
Le diagnostic est porté devant une tuméfaction scrotale englobant le testicule (hydrocèle, fig. 22.4) ou au-dessus et indépendante du testicule (kyste du cordon), lisse, parfois bleutée, molle, indolore, plus ou moins réductible.La transillumination positive signe le caractère liquidien et donc le diagnostic.
Leur volume est variable le plus souvent, signant le caractère communicant avec le péritoine.
Testicule non descendu
I Pour bien comprendre
C’est la plus fréquente des malformations congénitales de l’appareil génital du garçon.
Durant la période embryonnaire et fœtale, le testicule se forme dans l’abdomen à partir de la gonade primitive dès 5 semaines. Il migre à travers l’abdomen puis parcourt le canal inguinal pour atteindre le scrotum au dernier trimestre.
Après la naissance, un testicule qui n’est pas descendu :
*peut migrer spontanément dans le scrotum jusqu’à 4–6 mois;
*ne peut plus migrer ensuite : ainsi 1 à 2 % des garçons ont un testicule non descendu congénital, plus souvent unilatéral (70 %) que bilatéral.
Deux principales conséquences justifient le dépistage et la prise en charge :
*l’hypofertilité : risque (après correction chirurgicale) plus important pour les formes bilatérales (30–50 %) qu’unilatérales (10 %);
*le risque de cancer, plus élevé mais faible en cas de testicule non descendu congénital.
Ces deux risques semblent diminuer en cas d’intervention précoce (avant 1 an).
Attention, il existe aussi des formes acquises de testicules non descendus. Le testicule est en place à la naissance mais va remonter progressivement au fil des années. Ce phénomène survient préférentiellement chez des garçons ayant au préalable des testicules oscillants.
Diagnostic
Un testicule peut être non palpable s’il est retenu dans l’abdomen ou s’il est inexistant.
L’approche du testicule non descendu est clinique. L’échographie est inutile.
L’examen se fait sur un enfant calme, détendu. Il convient d’évaluer la topographie du testicule, son volume, le caractère uni- ou bilatéral.
Un piège : le testicule oscillant. C’est un testicule qui, sous l’effet de la contraction du crémaster, remonte dans la région inguinale mais s’abaisse lorsque l’enfant est bien détendu. Ce phénomène est surtout observé après l’âge de 6 mois; il peut parfois durer jusqu’à la puberté. Aucun traitement n’est justifié.
III Prise en charge
Le pronostic concernant la fertilité est l’enjeu majeur de la prise en charge, en particulier dans les formes bilatérales.
Toute anomalie de migration testiculaire constatée à la naissance doit être notée dans le carnet de santé et surveillée. Dans le cas d’un nouveau-né avec un testicule non palpé bilatéral, il faut demander l’avis d’un pédiatre endocrinologue.
En l’absence de correction spontanée avant l’âge de 6 mois, le patient sera adressé à un chirurgien pédiatre pour une intervention précoce (dans l’idéal entre 6 et 12 mois).
La position des testicules doit être surveillée tout au long de la croissance pour ne pas méconnaître l’apparition d’une forme acquise.
Phimosis
I Pour bien comprendre
Le prépuce des nouveau-nés n’est pas rétractable pour deux raisons souvent associées :
*des adhérences entre la surface du gland et la face interne du prépuce;
*un phimosis, ou sténose de l’orifice préputial.
Le phimosis (fig. 22.5) est un état physiologique de l’enfance dont l’évolution sera spontanément favorable pour la majorité des cas.Spontanément au cours de la croissance, jusqu’à la puberté et sans manœuvre traumatique chez la majorité des garçons, une libération progressive des adhérences et un élargissement du diamètre de l’anneau préputial interviendront.
Trois principales pathologies peuvent néanmoins s’observer : les infections préputiales, le para-phimosis et le phimosis acquis.
II Diagnostic et prise en charge des pathologies reliées
Les infections préputiales (posthite ou balanoposthite si le gland est également concerné;
fig. 22.6) sont très fréquenteElles correspondent cliniquement à une inflammation soudaine du prépuce qui devient rouge, œdématié, douloureux.
Le traitement est simple : bains pluriquotidiens d’eau tiède additionnée d’antiseptique.
Le paraphimosis est une urgence. C’est un accident souvent secondaire à un décallotage forcé à la suite duquel le prépuce n’a pu être remis en place.
L’aspect est caractéristique avec un prépuce œdémateux rétracté en arrière du gland (fig. 22.7).Le traitement est urgent et consiste à repositionner le prépuce sur le gland par compression manuelle.
Le phimosis acquis, ou lichen scléro-atrophique (fig. 22.8), est une transformation scléreuse du prépuce.Le prépuce était rétractable et ne l’est plus. Il existe un anneau blanchâtre sur l’orifice du prépuce.
Avant de commencer…
L’anémie est définie par un taux d’hémoglobine (Hb) en dessous de – 2 DS par rapport aux valeurs moyennes pour l’âge de l’enfant.
Elle peut être découverte soit à l’occasion d’une NFS prescrite de manière systématique, soit devant la présence de signes cliniques liés à l’anémie (notamment pâleur et asthénie).
Devant la constatation clinique ou biologique d’une anémie, il importe de :
*rechercher avant tout des signes de gravité afin de traiter d’éventuelles situations d’urgence;
*réaliser une enquête étiologique structurée, afin d’assurer une prise en charge spécifique.
Les examens complémentaires d’orientation, au premier rang desquels la NFS, le VGM ainsi que les réticulocytes, permettent d’évoquer des cadres étiologiques spécifiques.
Les « spécificités pédiatriques » seront détaillées. Les points clés de deux causes seront secondairement développés : la carence martiale et la drépanocytose.
I Hémogramme chez l’enfant
A Normes d’hémoglobine et anémie
Les normes d’hémoglobine varient selon l’âge et, à l’adolescence, selon le sexe.
L’anémie est définie par la diminution du taux d’hémoglobine (exprimée en g/dl) en dessous de – 2 DS par rapport à la moyenne pour l’âge (tableau 23.1).
Tableau 23.1
Anémie et normes de la NFS.
Paramètre < 3 mois 3–6 mois 6–24 mois 2–6 ans 6–12 ans 12–18 ans
Fille Garçon
Hb moyenne (g/dl) 16,5 11,5 12,5 12 13,5 14 14,5
–2 DS (g/dl) = anémie
13,5 9,5 10,5 11,5 11,5 12 13
VGM (fL) 90–120 72–82 75–85 78–88 80–90 90 88
Les données chiffrées du tableau 23.1 ne sont pas à mémoriser pour les ED.
Le taux d’hémoglobine varie beaucoup durant les premiers mois de la vie de manière physiologique, principalement en lien avec l’adaptation à la vie extra-utérine nécessitant un changement de la composition de l’hémoglobine. Le taux d’hémoglobine est élevé à la naissance autour de 16,5 g/dl. La norme d’hémoglobine chute ensuite de 5 points avec un nadir entre 3 et 6 mois pour atteindre un taux moyen de 11,5 g/dl et une limite inférieure à 9,5 g/dl. Le taux d’hémoglobine remonte ensuite pour se rapprocher des normes adultes.
B Normes des autres lignées de la NFS
Leurs normes (exprimées en Giga : 109/l) varient selon l’âge pour les leucocytes, alors que le taux plaquettaire normal est sensiblement identique quel que soit l’âge (entre 150 et 400 G/l). Passé les 3 premiers mois de vie, le taux normal de réticulocytes est compris entre 40 et 80 G/l.
Connaître leur évolution au cours de la vie permet d’apprécier l’intégrité des lignées de la NFS et de ne pas méconnaître une pathologie médullaire.
Les données chiffrées du tableau 23.2 ne sont pas à mémoriser pour les ED.La formule des leucocytes varie beaucoup au cours des premiers mois de vie. Le taux de lymphocytes est plus élevé que chez les adultes. La constatation d’une lymphopénie dans les premiers mois peut être un point d’appel pour un déficit immunitaire combiné sévère; un contrôle et un avis spécialisé sont alors nécessaires (voir chapitre 26).
Retenir les « tendances » de ces différents paramètres selon l’âge de l’enfant.
Diagnostiquer une anémie et planifier la prise en charge
A Identifier une anémie
Suspicion clinique devant :
*une asthénie révélée par des difficultés à la prise alimentaire chez le nourrisson, une dyspnée d’effort, une baisse d’attention scolaire chez l’enfant plus âgé;
*une pâleur cutanéomuqueuse (téguments, lèvres et conjonctives en particulier chez l’enfant à peau noire), un teint cireux;
*un souffle systolique fonctionnel maximal à l’apex, une tachycardie, des malaises avec hypotension, une polypnée isolée (pas de cyanose, pas de fièvre) en cas d’anémie sévère;
*une hypotrophie avec cassure de la courbe staturo-pondérale (en cas d’anémie chronique).
Confirmation biologique : NFS.
B Apprécier la gravité
Terrain à risque :
*âge (en particulier jeune nourrisson), antécédents de transfusion;
*maladie cardiorespiratoire, drépanocytose, cancer en cours de traitement (chimiothérapie), immunodépression;
*pathologie de l’hémostase connue, prise de médicaments (AINS, anticoagulants).
Signes de mauvaise tolérance symptomatique de l’anémie :
*retentissement cardiovasculaire :
–tachycardie, polypnée, dyspnée au moindre effort, malaise;
–souffle cardiaque > 2/6;
–collapsus en cas d’hémorragie aiguë, signes d’insuffisance cardiaque;
*troubles de la conscience ou du comportement :
–agitation, angoisse, hypotonie;
–diminution voire arrêt de la prise alimentaire chez le nourrisson.
Signes orientant vers une cause potentiellement grave :
*signes évoquant une cause centrale (atteinte des autres lignées médullaires) :
–syndrome hémorragique grave avec purpura (thrombopénie);
–fièvre, angine, stomatite (neutropénie);
–syndrome tumoral : adénopathies, hépatosplénomégalie, atteinte testiculaire, douleurs osseuses;
*signes d’hémolyse aiguë : urines rouges ou foncées, ictère conjonctival;
*autres : hémorragie extériorisée, plaie ouverte.
Une anémie inférieure à 7 g/dl est considérée comme sévère.
L’existence d’une atteinte des autres lignées doit alerter. Une thrombopénie ou un trouble de l’hémostase associé sont des indices complémentaires de sévérité.
La décision d’une transfusion de produits sanguins repose plus sur la tolérance clinique de l’anémie que sur le chiffre de l’hémoglobine (voir § II.E. Savoir prescrire une transfusion de CGR).
Connaître les mesures d’urgence
Toute anémie mal tolérée cliniquement, et/ou liée à une hémorragie active importante, et/ou majeure à la NFS, constitue une urgence thérapeutique.
Aucun examen complémentaire ne doit retarder les mesures d’urgence. Il convient d’effectuer si possible un minimum de prélèvements à visée étiologique en fonction du tableau clinique avant toute transfusion de produits sanguins (difficultés diagnostiques pour certaines causes après transfusion).
Mesures urgentes éventuelles dans les formes sévères :
*mise en condition en box de déchocage :
–monitoring cardiorespiratoire, oxygénothérapie;
–pose d’au moins une voie veineuse périphérique de gros calibre;
*gestes thérapeutiques immédiats selon les cas :
–compression d’une plaie, arrêt d’éventuels anticoagulants;
–remplissage vasculaire (avant transfusion);
–transfusion avec urgence vitale immédiate : O Rh négatif sans hémolysine;
*réalisation d’un premier bilan paraclinique :
–Hémocue® : utile en cas de syndrome hémorragique aigu (attention : parfois faussement rassurant en début de saignement, même massif);
–groupe ABO (deux déterminations), Rhésus, RAI;
–NFS + frottis sanguin, réticulocytes, hémostase;
*surveillance clinique rapprochée :
–température, FR, SpO2, FC, PA;
–évaluations hémodynamique et neurologique répétées.
Gravité : troubles hémodynamiques, atteinte des autres lignées.
En cas d’hémorragie sévère : groupe ABO (2 déterminations), Rhésus, RAI.
Conduire l’enquête étiologique
1 Enquête clinique minutieuse
Anamnèse
Éléments du dossier obstétrical (si nouveau-né) et antécédents familiaux :
*hémoglobinopathie, enzymopathie, anomalies de membrane du globule rouge;
*carence martiale maternelle, multiparité, prématurité, RCIU.
Terrain :
*âge, sexe, origine ethnique, croissance staturo-pondérale (cassure);
*antécédents personnels de maladie chronique, œsophagite, ulcère.
Mode de vie :
*prise de médicaments (aspirine, AINS…) ou de fèves, voyage à l’étranger;
*allaitement maternel prolongé > 6 mois, régime pauvre en produits carnés;
*pica, ingestion de peinture au plomb.
Mode d’installation de l’anémie :
*mode de révélation, date de début des symptômes;
*rapidité de constitution et retentissement cardiorespiratoire.
Signes fonctionnels :
*diarrhée chronique, anorexie, dégoût de la viande, épigastralgies;
*épistaxis répétées, règles abondantes, saignement aigu.
Examen physique
Signes de sévérité symptomatique et de cause potentiellement grave :
*cause tumorale : adénopathies, hépatosplénomégalie, purpura, fièvre;
*hémolyse aiguë : urines rouges (hémoglobinurie), signes généraux liés à l’hémolyse ellemême (frissons, fièvre, douleurs lombaires).
Autres signes à rechercher :
*signes de carence martiale : ongles mous, perlèche, glossite, infections;
*signes de pathologie auto-immune ou inflammatoire.
Deux tableaux cliniques distincts orientant l’enquête étiologique d’une anémie hémolytique :
*hémolyse aiguë : urines rouges en rapport avec l’hémoglobinurie, subictère et splénomégalie peu marquée; risque de complication aiguë (insuffisance rénale avec oligoanurie par précipitation tubulaire d’hémoglobine, malaise, voire choc anémique);
*hémolyse chronique : urines foncées, ictère marqué, splénomégalie volumineuse et lithiase dans la vésicule biliaire avec risques de complications
Enquête paraclinique orientée
Paramètres à considérer en priorité devant une anémie Réticulocytes :
*réticulocytes < 50–150 G/l : anémie arégénérative (< 50 G/l) ou peu régénérative (50–150 G/l);
*réticulocytes ≥ 150 G/l : anémie régénérative.
Volume globulaire moyen (VGM) :
*VGM < 80 fL : anémie microcytaire;
*VGM > 100 fL : anémie macrocytaire.
Le nouveau-né a une macrocytose physiologique, puis le VGM diminue rapidement (on définit la microcytose pour un VGM < 70 fL chez le nourrisson). Le VGM augmente ensuite pour rejoindre très progressivement les normes adultes vers l’âge de 10 ans.
Autres examens effectués selon l’orientation clinique
En cas d’anémie microcytaire :
*bilan martial : ferritine (en première intention), coefficient de saturation de la transferrine si doute avec inflammation associée;
*bilan inflammatoire : VS, CRP;
*électrophorèse de l’hémoglobine, dosage du plomb (en deuxième intention).
En cas d’anémie normo- ou macrocytaire :
*arégénérative : discuter myélogramme, enquête infectieuse (PCR parvovirus B19);
*régénérative : bilan d’hémolyse = bilirubine libre (élevée), LDH (élevé), haptoglobine (effondrée).
En cas d’hémolyse aiguë :
*frottis sanguin : anomalies morphologiques du globule rouge (par exemple : recherche de schizocytes en faveur d’un syndrome hémolytique et urémique), recherche de parasites (paludisme) en cas de voyage en pays d’endémie;
*test de Coombs : anémie hémolytique auto-immune (AHAI);
*dosage de la G6PD et pyruvate kinase;
*créatininémie, protéinurie.
En cas d’hémolyse chronique :
*test de Coombs : AHAI;
*étude des différents compartiments du globule rouge en rapport avec une cause corpusculaire d’hémolyse : membrane, enzymes (G6PD, pyruvate kinase), électrophorèse de l’hémoglobine.
Plusieurs causes d’anémie peuvent être intriquées; ce qui peut rendre parfois l’interprétation des paramètres biologiques difficile (par exemple, hémolyse constitutionnelle et carence martiale).
Une AHAI isolée ou s’intégrant dans le cadre d’un syndrome d’Evans (association simultanée ou séquentielle d’une AHAI et d’un purpura thrombocytopénique) peut révéler ou s’associer à un déficit immunitaire chez l’enfant (voir chapitre 26).
Orientation clinique : urines rouges ou foncées, ictère, syndrome tumoral, purpura.
Orientation biologique : VGM et réticulocytes.
Principales causes d’anémie chez l’enfant
*Causes centrales (arégénératives) :
–insuffisance médullaire d’origine carentielle (défaut de production);
–envahissement ou aplasie médullaire;
–cause infectieuses (parvovirus B19, leishmaniose viscérale).
*Causes périphériques (régénératives) :
–hémolyse (excès de destruction);
–hémorragie (perte excessive).
L’arbre diagnostique proposé figure 23.1 permet de schématiser la conduite diagnostique et de synthétiser les causes d’anémie en pédiatrie.l’enfant.
L’ensemble des causes d’anémie ne sont pas détaillées dans ce chapitre.
Certaines anémies hémolytiques du nouveau-né sont explicitées dans le chapitre 45.
Les points clés de la carence martiale et de la drépanocytose seront traités ci-dessous.
Savoir prescrire une transfusion de CGR
La décision de transfuser un enfant doit prendre en compte :
*la tolérance clinique;
*la profondeur de l’anémie;
*le risque d’aggravation (hémorragie ou hémolyse actives) et le potentiel de récupération rapide (réticulocytose).
Les grands principes de transfusion de CGR sont proches de ceux appliqués chez l’adulte. Seuls les messages essentiels pour la pratique clinique sont rappelés ici.
Avant la transfusion :
*connaître les antécédents de transfusion de l’enfant (nombre, accidents éventuels);
*information des parents ± de l’enfant sur le rapport bénéfices/risques, accord parental;
*bilan prétransfusionnel (± prélèvements à visée étiologique non interprétables ensuite).
Commande des culots globulaires :
*nom, prénom, âge, poids de l’enfant, chiffre d’hémoglobine, tolérance clinique;
*date, identification du prescripteur, signature, degré d’urgence;
*quantité à transfuser = ΔHb × 3–4 × poids en kg (sans dépasser 20 ml/kg);
*systématiquement : isogroupe et iso-Rhésus, déleucocytés;
*particularités : phénotypés si transfusions itératives, compatibilisés si RAI+ ou drépanocytose, irradiés si cancer en cours de traitement, greffé ou autre déficit immunitaire.
Modalités de la transfusion :
*contrôle ultime au lit : concordance de l’identité, méthode ABTest Card®;
*vitesse de transfusion : 6–10 ml/kg/h;
*surveillance rapprochée des paramètres vitaux (température, hémodynamique, conscience).
Après la transfusion :
*traçabilité : notification dans les dossiers transfusionnel, médical et le carnet de santé;
*vérification de l’efficacité de la transfusion : examen clinique, NFS de contrôle à discuter;
*bilan post-transfusionnel : RAI à 3 mois (sérologies virales non recommandées).
Transfusion : CGR isogroupes déleucocytés, surveillance clinique, traçabilité.
Points clés à propos de deux causes d’anémie
A Carence martiale
1 Généralités
La carence martiale est la première cause d’anémie en pédiatrie et la plus fréquente des carences nutritionnelles dans le monde.
Elle est responsable d’une anémie microcytaire (VGM < 80 fL), hypochrome (TCMH < 32 %), arégénérative, ± associée à une thrombocytose modérée.
Les carences martiales sont dues :
*le plus souvent : à une carence d’apport et/ou une majoration des besoins;
*parfois : à un défaut d’absorption;
*rarement : à un excès de pertes, en particulier des saignements chroniques digestifs.
Les besoins en fer sont importants à couvrir chez le nourrisson, en raison du rôle essentiel du fer dans la synthèse de l’hémoglobine et dans le développement et le fonctionnement du système nerveux central.
Le fer héminique (viande, poisson, abats) est 5 à 10 fois mieux absorbé que le fer non héminique (lait, végétaux, œuf). La teneur en fer du lait de vache est très faible, ce qui le rend inadapté à l’alimentation du nourrisson.
Diagnostic
Identifier une carence martiale
Le diagnostic (biologique) d’anémie par carence martiale repose sur :
*une microcytose;
*une ferritinémie effondrée.
La HAS recommande en première intention le dosage sérique de la ferritine.
Les paramètres biologiques sont concernés selon la cinétique suivante : baisse de la ferritine, baisse du coefficient de saturation de la transferrine, élévation de la transferrinémie, baisse du fer sérique, microcytose, hypochromie, baisse du taux d’hémoglobine.
Si la ferritinémie est normale, il peut s’agir d’une anémie inflammatoire ou d’une anémie mixte (inflammatoire et carentielle). Le syndrome inflammatoire peut en effet augmenter le taux de ferritine et le normaliser, alors qu’il existe pourtant une carence martiale associée. Le coefficient de saturation de la transferrine peut alors davantage orienter.
Faire le diagnostic étiologique
L’enquête clinique doit rechercher :
*une carence nutritionnelle : durée de l’allaitement, consommation insuffisante de préparations infantiles ou de produits carnés, végétarisme/végétalisme;
*des infections anormalement fréquentes (notamment des voies respiratoires);
*des troubles neuropsychiatriques (TDAH, dépression, difficultés scolaires);
*des troubles du comportement alimentaire (pica);
*des signes d’atrophie muqueuse et de fragilité des phanères (rares);
*des règles abondantes chez l’adolescente.
Le tableau 23.3 synthétise les causes possibles de carence martiale.
Tableau 23.3
Causes de carence martiale chez l’enfant.
Insuffisance d’apport (principale cause de carence martiale)
–Allaitement maternel exclusif ou majoritaire prolongé après l’âge de 6 mois
–Consommation insuffisante de préparations infantiles (au moins 3 biberons par jour sont recommandés jusqu’à l’âge d’un an)
–Absence de consommation de lait de croissance
–Consommation insuffisante de produits carnés
–Régime végétarien ou végétalien
Réserves en fer insuffisantes
–Prématurité, gémellité, hypotrophie
Défaut d’absorption
–Maladie cœliaque
–Autres diarrhées chroniques
–Résection du grêle
–Chirurgie bariatrique
Saignements répétés
–Infection à Helicobacter pylori
–Troubles de l’hémostase
–Menstruations abondantes
–Parasitoses intestinales
–Hémosidérose pulmonaire
Planification de la prise en charge et suivi de l’enfant
Traitement curatif
Le traitement étiologique est essentiel et propre à la cause retrouvée.
Une correction des erreurs diététiques peut suffire dans certains cas : augmentation de la consommation de préparations infantiles, remplacement du lait de vache par du lait de croissance, consommation de deux produits carnés par jour.
La supplémentation en fer est indispensable dès le diagnostic dans les autres situations.
La prescription de fer se fait sous la forme de fer ferreux. Les molécules disponibles sont : fumarate de fer et ferédétate de sodium. Les parents et l’enfant doivent être informés des effets secondaires potentiels : coloration noire des selles, troubles digestifs.
La supplémentation martiale dure de 3 à 6 mois, selon le taux d’Hb et la cause.
La réponse au traitement est rapide, avec la survenue d’une crise réticulocytaire vers J10.
La correction progressive des paramètres biologiques se fait selon une cinétique inversée par rapport à celle décrite précédemment : l’anémie se corrige généralement en 1 mois, mais c’est la normalisation différée de la ferritine qui permet de mettre un terme au traitement.
Traitement préventif
La prévention de la carence martiale repose sur :
*la supplémentation en fer systématique des prématurés et des nourrissons exclusivement ou majoritairement allaités après l’âge de 6 mois;
*la consommation d’au moins trois biberons quotidiens de préparation de suite (700 ml par jour) jusqu’à l’âge de 1 an;
*la consommation de lait de croissance jusqu’à au moins l’âge de 3 ans, mais il est souvent nécessaire de la prolonger jusqu’à 6 ans en cas d’apports carnés insuffisants;
*la consommation de deux produits carnés par jour dès l’arrêt du lait de croissance.
Cause de carence martiale fréquente : erreur nutritionnelle.
Anémie par carence martiale : VGM < 80 fL, ferritine effondrée.
Prise en charge : traitement étiologique, correction des erreurs diététiques, supplémentation martiale.
B Drépanocytose
Drépanocytose
1 Généralités
Définition
La drépanocytose est une maladie génétique autosomique récessive.
Elle concerne surtout les sujets d’origine africaine et antillaise.
Le syndrome drépanocytaire majeur regroupe trois types de manifestations :
*anémie hémolytique chronique;
*phénomènes vaso-occlusifs (avec comme complications : crises douloureuses des membres ou de l’abdomen, syndrome thoracique aigu, accident vasculaire cérébral, priapsime, aggravation aiguë de l’anémie);
*susceptibilité aux infections (en particulier à germes encapsulés).
2 Diagnostic
Le diagnostic est en général fait chez un enfant à risque sur le dépistage néonatal de J3.
Les arguments biologiques classiquement retrouvés sont :
*hémogramme : anémie normo-/macrocytaire régénérative de type hémolytique;
*frottis sanguin : drépanocytes (globules rouges falciformes);
*électrophorèse de l’hémoglobine : bande d’HbS, absence de bande d’HbA.
3 Planification de la prise en charge et suivi de l’enfant
Orientation en cas d’urgence
Hospitalisation en cas de :
*signes cliniques évoquant une complication aiguë sévère;
*fièvre avant l’âge de 3 ans ou si mal tolérée à tout âge;
*crise hyperalgique.
Principes thérapeutiques des complications
L’enfant drépanocytaire doit toujours être considéré comme un patient prioritaire.
Mesures générales :
*évaluation et traitement de la douleur;
*hyperhydratation, oxygénothérapie si nécessaire;
*surveillance clinique rapprochée.
Situations particulières :
*suspicion d’infection : antibiothérapie probabiliste;
*prise en charge transfusionnelle : CGR, phénotypés, compatibilisés.
Principes thérapeutiques au long cours
Prévention des infections potentiellement graves :
*vaccination ciblée (en plus du calendrier vaccinal habituel) :
–pneumococcique (Pneumo 23®), méningococcique ACYW135 et B;
–antigrippale annuelle;
*antibioprophylaxie antipneumococcique : pénicilline V (Oracilline®) en prise quotidienne.
Prévention des risques de majoration de l’anémie : supplémentation en acide folique.
Drépanocytose : anémie hémolytique chronique, phénomènes vaso-occlusifs, infections.
Urgence si : fièvre, douleurs intenses, détresse respiratoire, signes neurologiques.
Prise en charge au long cours : antibioprophylaxie, vaccins spécifiques, suivi régulier.
Avant de commencer…
Le purpura est une tache hémorragique due à l’extravasation de sang dans le derme.
Cette lésion est liée à une anomalie de l’hémostase primaire, impliquant les vaisseaux ou les plaquettes.
La démarche sémiologique doit apprécier avant tout l’existence d’un contexte infectieux. Tout purpura fébrile doit faire évoquer le diagnostic de purpura fulminans (purpura vasculaire, urgence vitale). La grande majorité des purpuras fébriles est cependant reliée à des causes virales non sévères.
L’évaluation de la gravité d’un syndrome hémorragique ou la recherche d’arguments en faveur d’une hémopathie maligne sont également essentielles.
L’examen indispensable d’orientation diagnostique est l’analyse quantitative et qualitative de la NFS (frottis). Elle permet de guider l’enquête étiologique : purpuras non thrombopéniques et purpuras thrombopéniques, et dans ce dernier cas thrombopénie isolée ou non.
Seule la démarche diagnostique en cas de purpura « aigu » est traitée.
Les « spécificités pédiatriques » seront détaillées, avec les points clés de deux causes fréquentes chez l’enfant : le purpura rhumatoïde (purpura vasculaire) et le purpura thrombopénique immunologique (purpura thrombopénique). Le purpura fulminans est traité dans le chapitre « Choc septique » (voir chapitre 67).
Diagnostiquer un purpura et planifier la prise en charge
A Identifier un purpura
Le diagnostic de purpura est exclusivement clinique.
Il s’agit d’une lésion cutanée et/ou muqueuse hémorragique, de couleur rouge ou pourpre, ne s’effaçant pas à la vitropression, signant une extravasation de globules rouges à l’extérieur des vaisseaux.
Ne pas le méconnaître impose de déshabiller complètement l’enfant lors de l’examen clinique (en enlevant les chaussettes et la couche chez un nourrisson) et de regarder en intrabuccal.
L’analyse sémiologique du purpura est essentielle (tableau 24.1) :
Tableau 24.1
Comparaison des purpuras thrombopénique et vasculaire.
Purpura thrombopénique Purpura vasculaire
Voir infra fig. 24.3 Voir infra fig. 24.4
Caractère maculeux
Pas de prédominance déclive
± Atteinte muqueuse
± Ecchymose(s) Caractère infiltré
Prédominance déclive
Jamais d’atteinte muqueuse
Polymorphisme lésionnel
*inspection : pétéchies, ecchymose(s), nécrose(s);
*palpation : maculeux (non palpable), infiltré (palpable);
*topographie : localisé (visage, zones de frottements ou traumatismes, régions déclives, membres inférieurs ou lombes, fesses, extrémités distales, muqueuses) ou disséminé;
*autres signes hémorragiques extériorisés ou non.
Le purpura pétéchial est constitué d’éléments punctiformes rouge pourpre.
Le purpura ecchymotique est constitué de nappes bleu violacé.
Les lésions purpuriques distales peuvent évoluer vers un caractère nécrotique et parfois ulcéré.
Tache rouge ne s’effaçant pas à la vitropression = purpura.
Entourer au stylo les lésions purpuriques afin d’apprécier leur évolution.
Apprécier la gravité
Sepsis grave lié à une possible infection invasive à méningocoque :
*caractéristiques sémiologiques de purpura fulminans (fig. 24.1) :–caractère rapidement extensif;
–≥ 1 élément nécrotique ou ecchymotique de diamètre ≥ 3 mm;
*fièvre élevée, frissons, extrémités froides, marbrures, TRC ≥ 3 s, tachycardie, hypotension;
*atteinte des extrémités.
Syndrome hémorragique lié à une thrombopénie profonde :
*saignement extériorisé, hématurie macroscopique, ménométrorragies;
*atteinte des muqueuses (bulles hémorragiques intrabuccales, gingivorragies, épistaxis);
*signes extracutanés évoquant un saignement viscéral :
–céphalées, signes méningés, troubles de conscience (hémorragie intracrânienne);
–syndrome abdominal aigu (hémorragie digestive/gynécologique/urologique, rupture de rate);
*collapsus, syndrome anémique lié à une hémorragie aiguë.
Signes reliés à une hémopathie :
*atteinte des autres lignées médullaires :
–anémie : syndrome anémique grave;
–neutropénie : fièvre, angine, stomatite;
*syndrome tumoral : adénopathies, hépatosplénomégalie, atteinte testiculaire, douleurs osseuses;
*altération de l’état général récente.
Signes reliés à une autre cause potentiellement grave, telle une microangiopathie thrombotique (MAT, SHU) :
*atteinte rénale, HTA;
*diarrhée récente (volontiers glairosanglante).
Connaître les mesures d’urgence
1 Purpura fébrile
Mesures systématiques :
*identifier des signes évocateurs de purpura infectieux sévère;
*surveiller de manière rapprochée l’enfant :
–scope cardiorespiratoire, examens cliniques répétés;
–entourer les lésions et surveiller leur extension.
En cas de signes évocateurs d’un purpura fulminans :
*injection IM/IV de C3G au mieux après une hémoculture;
*pose de deux VVP, voire mise en place d’une voie intra-osseuse;
*expansion volémique avec un soluté cristalloïde isotonique balancé (à défaut, possibilité d’utiliser un soluté cristalloïde non balancé = NaCl 0,9 %) : prescrire un ou plusieurs bolus de 10 ml/kg (maximum 500 ml par remplissage), chacun administré le plus rapidement possible sur 10 à 15 min, jusqu’à un volume total de 40 à 60 ml/kg dans la 1re heure de prise en charge (voir chapitre 67); réévaluation hémodynamique très régulière;
*transfert médicalisé en réanimation.
Purpura avec syndrome hémorragique
Mesures systématiques :
*identifier des signes hémorragiques majeurs;
*surveiller de manière rapprochée l’enfant :
–scope cardiorespiratoire, examens cliniques répétés;
–syndrome anémique.
En cas de signes évocateurs d’un syndrome hémorragique sévère :
*arrêt d’un saignement actif : compression;
*pose de deux VVP, bilan prétransfusionnel : groupe (deux déterminations), Rhésus, RAI;
*± transfusion de produits sanguins labiles (CGR, plaquettes).
La décision de transfusion de plaquettes est discutée selon l’étiologie.
Elle peut être indiquée en cas de thrombopénie d’origine centrale. Elle n’est pas indiquée en cas de thrombopénie d’origine périphérique, sauf en cas de complication hémorragique grave.
3 Purpura avec symptômes évocateurs d’une cause centrale
Mesures systématiques :
*rechercher des signes de gravité symptomatique;
*prise en charge de l’atteinte des autres lignées sanguines.
Programmer un myélogramme en milieu spécialisé.
Gravité : syndrome hémorragique, sepsis, purpura rapidement extensif, syndrome tumoral.
Suspicion de purpura fulminans : injection IM/IV de C3G et prise en charge du sepsis.
Conduire l’enquête étiologique
1 Enquête clinique minutieuse
Anamnèse :
*antécédents familiaux :
–thrombopénie ou thrombopathie constitutionnelle;
–pathologie dysimmunitaire (lupus, thyroïdite…).
*terrain :
–âge, sexe, origine ethnique;
–épisodes antérieurs de signes hémorragiques (interventions, traumatismes), NFS antérieures;
*existence d’un contexte particulier :
–infection virale, contage infectieux, séjour à l’étranger, prise médicamenteuse;
–statut vaccinal (pneumocoque, méningocoque), vaccin récent (ROR);
*signes cliniques :
–fièvre;
–hémorragie extériorisée (épistaxis…) ou non (céphalées, douleurs abdominales);
–altération de l’état général, douleurs osseuses;
–arthralgies, vomissements, toux, dysnée, autre éruption cutanée.
Examen physique :
*signes de sévérité symptomatique et de cause potentiellement grave;
*signes orientant vers une étiologie : infection en cours, syndrome tumoral, diarrhée, HTA, anomalies articulaires, orchite, palpation abdominale douloureuse.
Enquête paraclinique
NFS-plaquettes avec réticulocytes et frottis sanguin
Ce sont les examens indispensables pour l’orientation diagnostique.
La NFS permet de distinguer : purpuras thrombopéniques (plaquettes < 150 G/l) et non thrombopéniques.
La concertation avec le biologiste permet de décider des examens spécialisés ultérieurs, en fonction du frottis sanguin qui peut apporter des informations précieuses au niveau de l’ensemble des lignées :
*agrégats plaquettaires, taille et aspect des plaquettes;
*syndrome mononucléosique, cellules malignes, corps de Döhle…;
*schizocytes, réticulocytose.
En cas de purpura fébrile avec des signes cutanés et/ou hémodynamiques évoquant un purpura fulminans, aucun examen n’est nécessaire avant l’injection urgente d’une antibiothérapie probabiliste (voir chapitre 67).
Examens de première intention
Systématiques :
*NFS-plaquettes, réticulocytes, frottis sanguin (vérification de l’absence de cellules anormales, de schizocytes ou d’aggrégats plaquettaires);
*TP-TCA, fibrinogène (recherche d’une CIVD);
*créatininémie, BU (recherche d’hématurie et de protéinurie).
Selon contexte :
*groupe, Rhésus, RAI : en cas de syndrome hémorragique;
*test de Coombs érythrocytaire, haptoglobine et bilirubine : en cas d’anémie et/ou taux de réticulocytes élevé en faveur d’une hémolyse;
*scanner cérébral et fond d’œil : en cas de céphalées et/ou signes neurologiques anormaux;
*imagerie abdominale : en cas de syndrome abdominal aigu (vomissements, subocclusion, méléna, ménométrorragies, traumatisme);
*bilan infectieux (hémoculture, CRP, ± autres examens selon contexte) : en cas de fièvre; recherche de paludisme et dengue : en cas de séjour récent en zone endémique.
Examens de seconde intention selon le contexte
*Myélogramme : en cas de syndrome tumoral ou d’anomalies des autres lignées sanguines.
*Bilan d’hémostase primaire : en cas d’histoire hémorragique personnelle et/ou familiale chronique → dosage de facteur Willebrand (antigène et activité), tests d’agrégation plaquettaire et d’expression des glycoprotéines plaquettaires (recherche d’une thrombopathie).
*Sérologies VIH, hépatites B et C.
*VS, bilan de vascularite/auto-immun : facteurs antinucléaires (FAN), anticorps anti-ADN, ANCA; recherche d’atteinte d’organe associée.
*Dosage pondéral des immunoglobulines, phénotypage lymphocytaire.
Rechercher : fièvre, thrombopénie constitutionnelle familiale, syndrome anémique.
Examens indispensables en cas de purpura : NFS-plaquettes avec réticulocytes et frottis sanguin.
Principales causes de purpura chez l’enfant
La conduite à tenir pratique face à des lésions purpuriques chez un enfant est synthétisée dans la figure 24.2.
*En cas de purpura fébrile, il faut redouter en premier lieu un purpura fulminans (exceptionnel mais grave, voir chapitre 67); la plupart du temps, il s’agit d’un purpura infectieux non sévère.
*En cas de purpura non thrombopénique, la cause la plus fréquente est le purpura rhumatoïde (purpura vasculaire, voir infra) et les causes mécaniques (pétéchies liées au point de compression d’un garrot, pétéchies du territoire cave supérieur liées à la toux ou aux vomissements).
*En cas de purpura thrombopénique, la cause hématologique la plus fréquente est le purpura thrombopénique immunologique, mais une cause centrale (hémopathie) doit toujours être écartée.
Les autres principales causes de purpura sont précisées dans le tableau 24.2. Principales causes de purpura.
Non thrombopéniques Thrombopéniques (PT)
Purpura vasculaires Thrombopathies PT périphériques PT centraux
–Purpura rhumatoïde / vascularite à IgA
–Purpura infectieux : Endocardite d’Osler
–Purpura post-infectieux : maladie de Kawasaki
–Causes mécaniques
–Maladies auto-immunes
–Médicaments
–Acquises
*Médicaments
*Insuffisance rénale chronique
–Constitutionnelles
*Thrombasthénie de Glanzmann
*Syndrome de Bernard et Soulier
–PTI
–MAT (SHU)
–Paludisme
–Virus (EBV, VZV, CMV, ROR…)
–Hypersplénisme
–Maladies auto-immunes
–Envahissement médullaire (LAL/LAM, métastases)
–Aplasie médullaire
–Causes congénitales :
*Aplasie de Fanconi
*Amégacaryocytose
*Wiskott-Aldrich
Savoir prescrire une transfusion de plaquettes
Une transfusion de plaquettes n’est pas indiquée en cas de purpura avec thrombopénie relié à un PTI, sauf en cas d’hémorragie sévère ou neurologique, intra-abdominale, extériorisée abondante ou urgence chirurgicale à risque.
On retient habituellement comme seuil transfusionnel une thrombopénie < 20 G/l chez un enfant traité par chimiothérapie pour une leucémie aiguë ou encore < 50 G/l chez un enfant ayant une tumeur cérébrale ou d’autres situations telles qu’un traitement anticoagulant, un saignement actif (en particulier au cours d’une CIVD).
Avant la transfusion :
*connaître les antécédents de transfusion de l’enfant (nombre, accidents éventuels);
*information des parents ± de l’enfant sur le rapport bénéfice/risque, accord parental;
*bilan prétransfusionnel (± éventuels prélèvements à visée étiologique).
Commande des concentrés plaquettaires d’aphérèse (CPA) ou mélanges de concentrés plaquettaires (MCP) :
*nom, prénom, âge, poids de l’enfant, chiffre de plaquettes, tolérance clinique;
*date, identification du prescripteur, signature, degré d’urgence;
*quantité à transfuser = 1 unité plaquettaire pour 5 à 9 kg de poids (maximum 9 unités).
Modalités de la transfusion :
*en débit libre;
*surveillance rapprochée des paramètres vitaux (température, hémodynamique, conscience);
*attention au volume total chez le petit enfant.
Après la transfusion :
*traçabilité : notification dans les dossiers transfusionnel et médical et le carnet de santé;
*suivi de l’efficacité de la transfusion : évolution clinique, ± NFS de contrôle.
Transfusion : CPA ou MCP, débit libre, surveillance clinique, NFS.
Points clés à propos de deux causes de purpura
A Purpura rhumatoïde
1 Généralités
C’est la vascularite primitive la plus fréquente chez l’enfant. Il s’agit d’une vascularite leucocytoclasique touchant les petits vaisseaux par dépôts de complexes immuns circulants fixant majoritairement des IgA dans la paroi des capillaires de la peau, du tube digestif, ainsi que dans le mésangium des glomérules rénaux.
La physiopathologie de la maladie n’est pas bien connue, mais des facteurs immunologiques, génétiques et environnementaux semblent jouer un rôle. Des facteurs déclenchants ont parfois été rapportés : rhinopharyngite, vaccination récente, médicament.
Cette pathologie concerne plus fréquemment le garçon avec un pic d’incidence entre 4 et 6 ans, en période automno-hivernale.
2 Diagnostic
Enquête clinique
Le diagnostic de purpura rhumatoïde est avant tout clinique et repose sur une triade (tableau 24.3) : purpura (fig. 24.3), manifestations articulaires, douleurs abdominales.
Tableau 24.3
Triade clinique du purpura rhumatoïde.
Purpura
–Constant (100 %), souvent inaugural mais parfois retardé (au décours des douleurs abdominales)
–Vasculaire (infiltré, pas d’atteinte muqueuse, polymorphisme lésionnel)
–Localisation volontiers symétrique prédominant aux zones déclives (aux membres inférieurs) mais aussi fesses et face postérieure des coudes et avants-bras
–Évolution par poussées, déclenchées par l’orthostatisme
–± Urticaire, érythème polymorphe, œdème sous-cutané de la face, du cuir chevelu, des dos de mains et des pieds
Manifestations articulaires
–Inconstantes (75 %) et transitoires (3–5 jours), parfois inaugurales
–Arthralgies et/ou arthrites bilatérales et symétriques des grosses articulations le plus souvent
–Localisation prédominante aux membres inférieurs
–Évolution vers la régression sans séquelle, récidives possibles
Douleurs abdominales
–Inconstantes (30 à 50 %), parfois inaugurales; à type de coliques, de douleurs abdominales pseudo-chirurgicales avec intolérance alimentaire, vomissements, saignements intestinaux (méléna, hématémèse) et, de façon plus rare, tableau de pancréatite, d’hydrocholécyste ou d’entéropathie exsudative
–Témoins du purpura digestif ou d’une complication (invagination intestinale aiguë)
–Localisation et intensité variables
Une atteinte rénale associée doit systématiquement être recherchée au diagnostic, avec réalisation d’une bandelette urinaire à la recherche de protéinurie et/ou d’hématurie, et la mesure de la pression artérielle (existence d’un syndrome néphritique ou néphrotique).
L’atteinte rénale survient dans environ un tiers des cas, le plus souvent dans les 6 premières semaines et avant le 6e mois, rarement avant les atteintes extra-rénales, parfois lors d’une énième poussée. La surveillance de la BU est donc indispensable durant les 6 premiers mois; la constatation d’une protéinurie doit faire réaliser rapidement un rapport protéines sur créatinine urinaires au laboratoire et demander un avis en néphrologie pédiatrique. Elle est la cause de 10 à 15 % des glomérulonéphrites et de 1,5 % des insuffisances rénales terminales de l’enfant.
D’autres complications évolutives, parfois inaugurales, sont à redouter :
*digestives (avant tout) :
–invagination intestinale aiguë (la plus fréquente, voir chapitre 17) (fig. 24.4A);–hématome des parois;
–péritonite aiguë par vascularite nécrosante;
–dénutrition;
*urogénitales : orchite (fig. 24.4B), sténose urétérale (souvent bilatérale) sur urétérite;
*neurologiques (rares) : céphalées, convulsions, hémorragie intracrânienne, vascularite cérébrale;
*hémorragies pulmonaires (exceptionnelles).
Enquête paraclinique
Examens complémentaires systématiques :
*NFS-plaquettes : plaquettes normales;
* BU : dépister une atteinte rénale (protéinurie, hématurie);
* créatininémie avec calcul du débit de filtration glomérulaire (formule de Schwartz chez l’enfant).
Autres examens selon les cas :
*échographie abdominale : indiquée en cas de fortes douleurs abdominales; elle peut mettre en évidence des hématomes pariétaux, un boudin d’invagination;
*bilan hépatique et lipasémie en cas d’atteinte digestive;
*protéinurie, créatininurie, ± dosage de l’albumine sur échantillon urinaire en cas de suspicion d’atteinte rénale (BU positive en protéinurie et/ou hématurie), et avis spécialisé pour discuter la réalisation d’une ponction-biopsie rénale;
*biopsie cutanée : pratiquée exceptionnellement en cas d’incertitude diagnostique (purpura prolongé sur plusieurs mois, présentation atypique) pour éliminer un diagnostic différentiel (périartérite noueuse, vascularite à ANCA, etc.).
3 Prise en charge
Évolution
Le pupura rhumatoïde est le plus souvent bénin, la poussée étant généralement résolutive spontanément en 2 à 6 semaines.
Le suivi est essentiellement clinique avec réalisation d’une bandelette urinaire (recherche de protéinurie) et mesure de la pression artérielle régulièrement pendant au moins 6 mois, même en cas de normalité au diagnostic.
En cas d’atteinte atypique par son intensité, ses signes accompagnateurs ou sa durée prolongée, un avis spécialisé est recommandé (dermatologie ou rhumatologie pédiatrique).
Purpura rhumatoïde = cause de purpura vasculaire fréquente chez l’enfant.
Triade = purpura vasculaire, manifestations articulaires, douleurs abdominales.
Pronostic = atteinte rénale, surveillance de la BU.
Purpura thrombopénique immunologique (PTI) aigu
1 Généralités
C’est une cause de purpura thrombopénique assez fréquente chez l’enfant.
Le pic d’âge de survenue est entre 2 et 5 ans.
Le PTI est lié à la destruction périphérique des plaquettes, par un processus immun.
Des facteurs déclenchants sont parfois retrouvés : rhinopharyngite, vaccination récente (ROR), médicament.
C’est un diagnostic d’élimination, qui pour être porté, nécessite d’éliminer les autres causes de thrombopénie.
2 Diagnostic
Enquête clinique
Le PTI se présente comme un syndrome hémorragique isolé, avec purpura cutanéomuqueux (fig. 24.5).
À l’anamnèse :
*absence d’antécédents évocateurs de thrombopénie constitutionnelle;
*absence de signes associés évocateurs d’hémopathie maligne ou de SHU ou de sepsis;
*absence de signes associés évocateurs de maladie auto-immune de type lupus : arthralgies, arthrite, asthénie, autre éruption cutanée;
*absence de signes orientant vers un déficit immunitaire héréditaire : infections à répétition et/ou inhabituellement sévère(s).
À l’examen physique :
*appréciation de la sévérité du syndrome hémorragique : score de Buchanan;
*recherche d’autres signes cliniques de gravité (mentionnés précédemment);
*absence de syndrome tumoral (hémopathie), d’HTA (SHU) ou de sepsis.
Enquête paraclinique
nquête paraclinique
Examens complémentaires absolument nécessaires :
*NFS-plaquettes, réticulocytes : thrombopénie isolée, pas d’atteinte des autres lignées (sinon évoquer une hémopathie maligne), pas de lymphopénie notable (sinon évoquer un déficit immunitaire ou une maladie auto-immune associée, par exemple lupus systémique);
*frottis sanguin : pas de cellules anormales (blastes : en faveur d’une leucémie aiguë), morphologie plaquettaire normale, absence de schizocytes;
*hémostase avec TP, TCA, fibrinogène (écarter une CIVD);
*BU (protéinurie et hématurie), créatininémie (écarter un SHU);
*groupe (deux déterminations), Rhésus, RAI (en vue d’une éventuelle transfusion).
Autres examens complémentaires recommandés en fonction du contexte :
*test de Coombs érythrocytaire, haptoglobine et bilirubine : en cas d’anémie et/ou taux de réticulocytes élevé en faveur d’une hémolyse;
*scanner cérébral et fond d’œil : en cas de céphalées et/ou signes neurologiques anormaux;
*imagerie abdominale : en cas de syndrome abdominal aigu (vomissements, subocclusion, méléna, ménométrorragies, traumatisme);
*dosage pondéral des immunoglobulines et sérologies virales en fonction du contexte (VIH, VHB, VHC), et prélèvement de sérothèques (en prévision du traitement par Ig);
*facteurs antinucléaires (FAN) (surtout si âge > 8 ans) ± anti-ADN natif et antigènes solubles; dosage du complément (C3, C4, CH50) à la recherche de lupus (surtout si lymphopénie ou anémie hémolytique auto-immune associée);
*phénotypage lymphocytaire : en cas d’argument pour un DIH.
Myélogramme :
*indiqué en cas de doute diagnostique, en particulier si bicytopénie ou signes en faveur d’une hémopathie maligne (douleurs osseuses, syndrome tumoral clinique, cellules anormales au frottis sanguin);
*indiqué pour certains experts (afin d’exclure une hémopathie maligne) si décision de débuter une corticothérapie sans évaluation préalable par un clinicien senior et un cytologiste expérimentés pouvant confirmer la normalité de l’examen clinique et de la NFS avec frottis sanguin (différable de 12 heures si traitement débuté en garde);
*examen non contre-indiqué par la thrombopénie, réalisé sous antalgiques et prémédication;
*aspect : moelle riche, avec présence de mégacaryocytes en quantité normale voire augmentée, sans cellules malignes.
Bilan ou actes contre-indiqués ou à différer :
*PL;
*tout geste potentiellement invasif en dehors du myélogramme (si indiqué) : injection IM, prise de température rectale…
Avant de commencer…
Les « intumescences ganglionnaires banales » sont d’une extrême fréquence en pédiatrie.
Seules les adénopathies superficielles [hypertrophie(s) pathologique(s) d’un ou de plusieurs ganglion(s) accessible(s) à la palpation et d’un diamètre ≥ 1 cm] justifient une démarche étiologique clinique et éventuellement paraclinique.
Les circonstances de découverte s’inscrivent le plus souvent dans un contexte indemne de toute sévérité. Les rares situations d’urgence sont reliées à des phénomènes compressifs causés par des adénopathies profondes, des épanchements ou d’autres localisations tumorales, ainsi qu’à la survenue de manifestations systémiques sévères.
Les causes des adénopathies superficielles, chez l’enfant, sont principalement infectieuses :
*soit locorégionales, requérant l’examen des territoires de drainage d’adénopathies localisées;
*soit générales (avant tout d’origine virale).
La démarche diagnostique consiste à :
*analyser et argumenter, selon des données essentiellement cliniques, les principales hypothèses diagnostiques (tableau 25.1);
Tableau 25.1
Principales étiologies des adénopathies superficielles (± profondes) chez l’enfant.
ADP infectieuses Localisées
–Adénites à pyogènes (streptocoque et staphylocoque) à partir d’un foyer infectieux de proximité
–Tuberculose et mycobactéries atypiques
–Pathologies d’inoculation : bartonellose (maladie des griffes du chat), tularémie, pasteurellose
Généralisées
–Virales : principalement EBV, CMV, VIH, parvovirus B19
–Parasitaires : toxoplasmose
–Bactériennes : fièvre typhoïde, brucellose
ADP tumorales Hémopathies malignes
–Leucémies (principalement aiguës) : LAL, LAM
–Lymphome de Hodgkin LMNH
Métastases de tumeurs solides
Autres causes Maladies systémiques inflammatoires dysimmunitaires
–Maladie de Kawasaki
–Lupus, rhumatisme inflammatoire
–Sarcoïdose, histiocytoses
–Déficits immunitaires
Médicaments Certains antiépileptiques et antibiotiques (rare)
ADP : adénopathies; LAL : leucémie aiguë lymphoblastique; LAM : leucémie aiguë myéloïde; LMNH : lymphomes malins non hodgkiniens.
D’après : Bourrillon A, Doz F, de Jaureguiberry J-P. Rev Prat 2015;65.
*proposer, s’il y a lieu, selon l’orientation diagnostique, des examens complémentaires pertinents.
Démarche clinique initiale
A Circonstances de découverte
1 Préambule
Les intumescences ganglionnaires banales sont d’une extrême fréquence en pédiatrie.
Les adénopathies superficielles – hypertrophie(s) pathologique(s) d’un ou plusieurs ganglion(s) accessible(s) à la palpation et d’un diamètre ≥ 1 cm – justifient toujours de la rigueur d’un examen clinique complet et du recours éventuel à des examens paracliniques.
La découverte d’adénopathies superficielles s’inscrit le plus souvent dans un contexte indemne de toute sévérité. Les situations d’urgence sont très rares (voir infra).
Dans tous les cas, le diagnostic étiologique doit répondre à une démarche d’argumentation clinique méthodique et rigoureuse.
Les signes cliniques d’alerte sont :
*signes généraux persistants;
*adénopathie sus-claviculaire (ou jugulocarotidien bas situé);
*caractère volumineux, dur, fixé;
*augmentation progressive de taille > 3 semaines.
dentification des (rares) situations d’urgence
Phénomènes compressifs
Ils sont reliés à des adénopathies profondes, des tumeurs primitives ou des atteintes des séreuses.
Masses cervicales obstructives :
*compression des voies aériennes supérieures;
*dysphagie.
Masses médiastinales :
*compression des voies aériennes : toux prolongée, orthopnée, dyspnée initialement d’effort puis de repos;
*syndrome cave supérieur : céphalées, somnolence, troubles visuels, œdème facial et des paupières, dilatation des veines jugulaires et circulation veineuse collatérale thoracique, cyanose de la partie supérieure du corps;
*épanchement pleural et/ou péricardique.
Masses abdominopelviennes :
*œdèmes des membres inférieurs (adénopathies rétropéritonéales);
*invagination intestinale aiguë (adénopathies mésentériques);
*anurie par obstacle bilatéral sur les voies urinaires.
Signes systémiques de sévérité
Ils sont avant tout reliés à la cause :
*fièvre élevée mal tolérée, anormalement rebelle;
*douleurs;
*signes neurologiques centraux;
*pâleur, syndrome hémorragique, douleurs osseuses;
*hépatosplénomégalie.
La découverte d’adénopathies superficielles s’inscrit habituellement dans un contexte indemne de tout signe de sévérité.
Argumentation clinique
1 Anamnèse
Contexte :
*âge de l’enfant;
*épisodes récents ou récurrents d’infections des voies aériennes supérieures;
*contact avec des animaux;
*exanthème fébrile;
*vaccination récente (BCG);
*prises médicamenteuses (certains antiépileptiques et antibiotiques).
Chronologie de découverte :
*date de survenue et délai par rapport au premier examen médical;
*topographie initiale et modalités évolutives (dimension, nombre, topographie), spontanées ou en réponse à diverses thérapeutiques (antibiotiques…).
Signes associés :
*généraux : fièvre, asthénie, perte d’appétit, amaigrissement;
*fonctionnels : douleurs pharyngées, odynophagie, douleurs abdominales, dyspnée, douleurs thoraciques, douleurs articulaires ou osseuses, prurit.
Examen physique
Examen des adénopathies
Siège :
*localisé : un ou plusieurs ganglions dans une même aire ganglionnaire;
*généralisé : plusieurs aires ganglionnaires atteintes.
Caractéristiques du ou des ganglions après inspection et palpation :
*taille;
*consistance (molle, élastique ou dure);
*sensibilité;
*mobilité (adhérence aux plans superficiels ou profonds);
*aspect de la peau en regard (inflammation : périadénite, fistulisation).
L’évaluation précise des régions explorées et les caractères de la ou des adénopathies examinées sont au mieux inscrits sur un schéma daté qui pourra être renouvelé.
Examens régional et général
Examen des territoires de drainage à la recherche d’une lésion infectieuse (ou tumorale) à l’origine d’adénopathies localisées :
*cervicales (= jugulocarotidiennes, rétro-/sous-mandibulaires, mastoïdiennes, prétragiennes, parotidiennes; occipitales et cervicales postérieures) : sphère ORL, face, cuir chevelu;
*axillaires : membres supérieurs et paroi thoracique;
*inguinales et rétrocrurales : membres inférieurs et périnée.
Les ganglions sus-claviculaires, toujours pathologiques, assurent le drainage lymphatique du médiastin et de l’étage sous-diaphragmatique et justifient d’une prise en charge spécifique.
Examen des autres organes lymphoïdes :
*amygdales;
*foie;
*rate.
Examen somatique général à la recherche de :
*pâleur, purpura;
*exanthème, énanthème;
*masse abdominale;
*syndrome compressif (voir supra);
*signes neurologiques : signe de localisation, syndrome pyramidal…
Synthèse au terme du seul examen clinique
Les très rares diagnostics différentiels des adénopathies superficielles localisées peuvent être éliminés :
*en tout territoire : neurinomes, fibromes, lipomes;
*en région cervicale : glandes salivaires, kyste du tractus thyréoglosse, lymphangiome kystique, kyste dermoïde, nodules thyroïdiens;
*en région inguinale : hernies dont hernie de l’ovaire, kystes du cordon spermatique, ectopie testiculaire.
En cas de doute clinique, une échographie des parties molles permettra de conclure à la nature ganglionnaire de la tuméfaction palpée.
La démarche diagnostique étiologique s’orientera selon trois éventualités :
*l’adénopathie est localisée et inflammatoire;
*l’adénopathie est localisée et non inflammatoire;
*les adénopathies sont disséminées.
Points forts de la démarche diagnostique : circonstances de découverte, modalités évolutives, signes associés (contexte infectieux), examen des adénopathies et des territoires de drainage, examen général (rares signes de sévérité, syndrome tumoral).
Démarche diagnostique étiologique
A Orientation diagnostique
1 L’adénopathie est localisée et inflammatoire
Il s’agit le plus souvent d’une adénite, d’origine habituellement bactérienne, à partir d’un foyer infectieux de proximité, principalement ORL ou stomatologique, ou bien encore cutané (plaie, griffure, morsure, dermatose).
Un prélèvement bactériologique local de cette porte d’entrée infectieuse est recommandé.
NFS et CRP pourront conforter l’hypothèse infectieuse et contribuer à la surveillance.
Un avis ORL spécialisé est utile en cas d’adénopathie cervicale sans cause évidente. Si une ponction ganglionnaire est réalisable, elle peut permettre un examen cytologique et bactériologique, et parfois d’évacuer du pus.
En fonction du contexte, une sérologie de la maladie des griffes du chat (Bartonella henselae) ou une IDR et un test in vitro de libération de l’interféron gamma aux antigènes de M. tuberculosis peuvent être indiquées.
L’antibiothérapie initialement probabiliste doit être active sur les bactéries les plus fréquentes (avant tout streptocoque et staphylocoque, mais aussi Pasteurella et éventuellement anaérobies). Le choix antibiotique préférentiel est l’association amoxicilline + acide clavulanique (traitement éventuellement réadapté en fonction des résultats de l’examen microbiologique).
En cas d’échec de l’antibiothérapie, la biopsie-exérèse de l’adénopathie devient nécessaire et peut permettre le diagnostic beaucoup plus rare d’une infection résistante au traitement prescrit (par exemple, mycobactéries) ou celui d’un lymphome.
Parmi les lymphomes, ce sont le lymphome anaplasique à grandes cellules (LAGC) et le lymphome de Hodgkin qui peuvent se traduire par une ou des adénopathies d’allure inflammatoire.
Ces hypothèses diagnostiques justifient la contre-indication de toute corticothérapie.
2 L’adénopathie est localisée et non inflammatoire
Situations fréquentes : pas de critère associé de gravité
Bilan paraclinique de première intention :
*hémogramme, CRP;
*examens sérologiques : EBV, CMV, toxoplasmose, parvovirus B19.
Si ces examens permettent un diagnostic précis de la cause de l’adénopathie, aucun autre examen notamment cytohistologique ne sera nécessaire.
Si l’adénopathie persiste au-delà de 3 semaines sans diagnostic de certitude, le recours à une consultation en milieu spécialisé sera nécessaire pour évaluer les indications sélectives et chronologiques possibles d’un examen cytologique par ponction et/ou d’une biopsie ganglionnaire (le plus souvent pratiquée).
Situations plus rares : critère associé de gravité
Quand s’alerter ?
*phénomènes compressifs ou signes systémiques de sévérité;
*ganglion sus-claviculaire (ou jugulocarotidien bas situé);
*ganglion aux caractères cliniques péjoratifs : volumineux, dur, fixé;
*évolution prolongée de l’adénopathie sans caractère régressif (> 3 semaines);
*signes généraux durables.
Le diagnostic devra alors nécessiter l’apport de données cytohistologiques.
Cette démarche est justifiée par la crainte de méconnaître un diagnostic de lymphome, de tumeurs solides ou de mycobactériose.
Avant la biopsie-exérèse ganglionnaire, les examens complémentaires sont :
*hémogramme et frottis sanguin, CRP, VS, LDH;
*imagerie thoraco-abdominale et pelvienne à la recherche d’adénopathies profondes (dont l’identification justifierait d’appliquer la conduite à tenir en cas d’adénopathies disséminées, voir infra);
*IDR et test in vitro de libération de l’interféron gamma aux antigènes de M. tuberculosis.
La ponction à l’aiguille fine parfois discutée ne saurait dispenser dans ce contexte de la biopsie du ganglion (hors milieux hautement spécialisés). Cette biopsie doit être effectuée dans les conditions permettant un examen histologique simple, mais aussi microbiologique et au besoin immuno-histo-chimique, cytogénétique et de biologie moléculaire.
Les adénopathies sont disséminées
Hémogramme et frottis sanguin peuvent permettre une orientation étiologique.
Syndrome mononucléosique
Les causes sont essentiellement infectieuses.
Les examens de principe sont les sérologies EBV (IgM anti-EBV), CMV, toxoplasmose, parvo-virus B19 et selon le contexte clinique VIH-1.
L’origine est beaucoup plus rarement médicamenteuse (DRESS).
Une ou plusieurs cytopénies sanguines et/ou cellules anormales sur le frottis
Un myélogramme doit être pratiqué à la recherche d’une hémopathie maligne, principalement une leucémie aiguë (voir chapitre 27).
Hémogramme normal
En dehors de tout contexte de maladie systémique ou inflammatoire qui pourrait orienter l’enquête, la persistance des adénopathies peut conduire, en lien avec un service spécialisé, à la cytoponction à l’aiguille fine ou à la biopsie-exérèse de l’un des ganglions (recherche d’un lymphome, d’une tuberculose polyganglionnaire).
B Synthèse (fig. 25.1)
Les adénopathies superficielles sont rarement découvertes dans un contexte d’urgence.
Chez l’enfant, les causes sont principalement infectieuses mais l’hypothèse d’une hémopathie maligne ou d’un autre type de cancer ne doit jamais être négligée.
Au fur et à mesure de l’avancée en âge, de l’exposition à divers oncogènes (toxiques, agents infectieux), ce sont les causes néoplasiques (tumeurs solides, hémopathies lymphoïdes) qui doivent être évoquées en premier lieu comme chez l’adulte.
Les adénopathies disséminées, sans données d’orientation apportées par l’hémogramme et le frottis sanguin, justifient le plus souvent d’une biopsie d’exérèse.
Prescrire une corticothérapie sans diagnostic de certitude est une faute grave.
Avant de commencer…
Les déficits immunitaires héréditaires (DIH) sont des pathologies génétiques rares.
La majorité d’entre eux se révèlent au cours de l’enfance par des infections, de l’auto-immunité, de l’auto-inflammation, des néoplasies et parfois de l’allergie. Cependant, certains DIH se révèlent plus tardivement à l’âge adulte, en particulier le déficit immunitaire commun variable (DICV).
Le clinicien doit connaître les signes d’alerte devant faire évoquer un DIH.
L’objectif de ce chapitre est de le guider dans sa démarche diagnostique, afin de pouvoir identifier un DIH.
Les déficits immunitaires acquis et les neutropénies ne seront pas abordés car ils nécessitent d’autres analyses spécifiques, hors du champ attendu des objectifs pour cet item. De même, les complications des traitements immunosuppresseurs ne seront pas traitées.
Pour bien comprendre
Les déficits immunitaires héréditaires (DIH) sont des maladies rares.
Leur fréquence est estimée à 1 naissance sur 4 000 dans la population générale. Il existe actuellement plus de 500 DIH décrits avec une cause moléculaire identifiée.
La majorité des DIH sont symptomatiques au cours de l’enfance, mais certains peuvent se révéler plus tardivement au cours de l’adolescence et même à l’âge adulte.
Le clinicien doit suspecter un DIH chez un enfant ayant des infections récurrentes même banales, des infections sévères et/ou inhabituelles dans leur survenue, leur localisation ou leur évolution. Les autres manifestations à début précoce qui peuvent révéler un DIH sont une auto-immunité, un eczéma sévère, des syndromes lymphoprolifératifs, des néoplasies, de l’allergie.
L’exploration doit être hiérarchisée. Un bilan de première intention avec des examens de dépistage simples (hémogramme, dosage pondéral des immunoglobulines, sérologies postvaccinales et post-infectieuses) permet d’orienter le diagnostic.
L’analyse conjointe des antécédents infectieux, de l’examen clinique et des résultats des examens de première intention permet de guider la prescription des examens de deuxième intention, qui dépendront du type de DIH suspecté.
Le diagnostic précoce d’un DIH est important car il permet l’instauration d’un traitement adapté et une réduction des complications infectieuses, des atteintes d’organe et du risque de décès.
Infections récurrentes, sévères et/ou inhabituelles → rechercher un DIH.
Autres manifestations cliniques à révélation précoce : auto-immunité, cytopénies auto-immunes, eczéma sévère, syndromes lymphoprolifératifs et néoplasies → rechercher un DIH.
Signes d’alerte de DIH
Rationnel
Les infections ORL et des voies respiratoires hautes et basses sont des motifs fréquents de consultation en pédiatrie. Une fréquence trop importante de celles-ci peut être l’un des premiers signes de DIH.
Un enfant âgé de moins de 4 ans avec plus de 8 otites moyennes aiguës (OMA) purulentes par an, un enfant âgé de plus de 4 ans avec plus de 4 OMA par an, ou un enfant avec plus de 2 pneumopathies ou/et 2 sinusites par an doivent être explorés sur le plan immunologique. Les fréquences des infections sont données à titre indicatif, et doivent être pondérées selon le mode de garde; les enfants gardés en crèche collective font habituellement plus d’infections que ceux gardés au domicile.
Les infections virales respiratoires (rhinopharyngite, laryngite, trachéite, bronchite ou bronchiolite) sans signe de gravité ou sans surinfections bactériennes récurrentes suggèrent rarement un DIH. Elles doivent orienter vers d’autres facteurs de susceptibilité, tels que l’hyperactivité bronchique ou des anomalies morphologiques de la sphère ORL.
Toutes les infections sévères et invasives (sepsis, méningite) à bactéries encapsulées (pneumocoque, H. influenzae type b et méningocoque), même après un seul épisode, doivent être explorées.
Il en est de même pour les infections cutanées et tissulaires à bactéries pyogènes récurrentes (folliculite, cellulite, abcès), les infections récurrentes avec le même type de pathogène à chaque épisode, les infections inhabituelles et/ou d’évolution inhabituelle (infection par un germe opportuniste, diarrhée infectieuse persistante, muguet buccal ou candidose cutanée récidivante, infection mycobactérienne ganglionnaire ou osseuse).
D’autres signes cliniques d’alerte pourront orienter le diagnostic, comme un eczéma sévère, une auto-immunité (cytopénie auto-immune, par exemple : anémie hémolytique auto-immune, purpura thrombopénique en dehors de l’âge habituel du PTI ou d’évolution chronique), des adénopathies, une hépatosplénomégalie (inflammation chronique, lymphoprolifération) et parfois de l’allergie. Il convient également de rechercher un retentissement sur la croissance, qui est un critère de gravité du DIH.
En pratique
Le tableau 26.1 synthétise les signes d’appel de DIH chez un enfant.
Tableau 26.1
Signes d’appel de DIH chez un enfant.
Histoire familiale
–Antécédents familiaux de DIH
–Présence de signes cliniques similaires
Infections récurrentes ORL ou des voies respiratoires
–≥ 8 OMA/an chez l’enfant d’âge < 4 ans
–≥ 4 OMA/an chez l’enfant d’âge ≥ 4 ans
–≥ 2 sinusites/an
–≥ 2 pneumopathies/an
Infections sévères ou inhabituelles
–≥ 1 épisode d’infection sévère ou invasive
–Infections à bactéries pyogènes récurrentes
–≥ 1 épisode d’infection par un germe opportuniste
–Diarrhée infectieuse persistante
–Muguet ou candidose récidivants
Autres signes devant alerter
–Cassure staturo-pondérale
–Eczéma sévère et/ou avec des localisations inhabituelles
–Allergies multiples / sévères
–Auto-immunité (cytopénie, endocrinopathies…)
–Lymphoproliférations, adénopathies, hépatosplénomégalie
–Retard de chute du cordon ombilical (> 21 jours)
Connaître le tableau de synthèse des signes d’alerte de DIH.
Enquête paraclinique
1 Bilan de première intention
Généralités
Bilan à prescrire :
*hémogramme (formule leucocytaire et plaquettes);
*dosage pondéral des immunoglobulines (Ig) : IgG, IgA, IgM;
*étude des sérologies post-vaccinales et post-infectieuses.
Ce sont des examens simples permettant d’orienter le diagnostic de DIH en cas de signes d’alerte. Ils doivent être interprétés avec les normes pédiatriques.
Hémogramme
L’hémogramme est le premier examen à réaliser en cas de suspicion de DIH.
Il permet d’apprécier la formule leucocytaire (à interpréter en valeur absolue) et de rechercher la présence d’une neutropénie, d’une lymphopénie, d’une anémie, d’une thrombopénie et/ou d’une thrombocytose.
Le taux de lymphocytes chez le jeune enfant doit être impérativement interprété en fonction de l’âge du fait de la lymphocytose physiologique dans les premières années de vie. Une lymphopénie oriente souvent vers un déficit de l’immunité cellulaire (immunité dépendante des lymphocytes T).
En présence d’une lymphopénie isolée sur l’hémogramme, il faut contrôler l’hémogramme quelques jours plus tard pour vérifier sa normalisation. Toute lymphopénie persistante, même de découverte fortuite à l’hémogramme, doit être explorée. Plus particulièrement chez un nouveau-né ou un nourrisson, cette anomalie évoque une forme rare, mais très sévère de déficit immunitaire : le déficit immunitaire combiné sévère avec un défaut de l’immunité cellulaire prédisposant le patient à des infections fatales en l’absence de prise en charge rapide dans un centre de référence (indication de greffe de cellules souches hématopoïétiques).
Un frottis sanguin pourra être demandé en cas d’infection bactérienne invasive (sepsis, méningite) pour rechercher des corps de Jolly en faveur d’une asplénie ou d’une hyposplénie.
Dosage pondéral des immunoglobulines (Ig)
Le dosage pondéral des IgG, des IgA et des IgM apporte des éléments au diagnostic des déficits immunitaires humoraux (lymphocytes B) et des déficits immunitaires combinés (touchant à la fois les lymphocytes T et les lymphocytes B).
Les déficits immunitaires humoraux sont les DIH les plus fréquents, et sont généralement révélés par des infections bactériennes des voies respiratoires (ORL et pulmonaires).
Les taux d’immunoglobulines devront être interprétés en fonction de l’âge, car il existe de grandes variations du taux des Ig pendant l’enfance. Le dosage des IgG est difficilement interprétable avant l’âge de 4 mois car, jusqu’à cet âge, l’essentiel des IgG sont d’origine maternelle (passage transplacentaire).
L’électrophorèse des protéines plasmatiques (EPP) est à réserver aux adolescents et aux adultes en première intention, les taux des Ig étant stables à partir de l’adolescence.
Le dosage pondéral des Ig permet d’apprécier la production globale d’anticorps (évaluation quantitative), indépendamment de leur spécificité.
Étude des sérologies post-vaccinales
L’étude des sérologies post-vaccinales (par exemple, antitétanique, anti-diphtérie, anti-Haemophilus b et anti-pneumocoque) et des sérologies après une infection patente permet d’apprécier la capacité de production d’anticorps spécifiques (évaluation qualitative).
Ces anticorps peuvent être soit de type antiprotidique (les plus nombreux), soit de type antipolysaccharidique.
Il est important de savoir que l’enfant âgé de moins de 2 ans a de manière physiologique un défaut de production des anticorps antipolysaccharidiques. La production de ces anticorps n’est donc évaluable qu’après cet âge (par exemple, anticorps après infection à pneumocoque ou après vaccination par le vaccin pneumococcique non conjugué).
L’ensemble des sérologies doit être interprété avec prudence pendant les 6 premiers mois de vie, période pendant laquelle il peut exister des sérologies faussement positives dues à la persistance d’anticorps maternels.
Imagerie
Les examens d’imagerie peuvent être utiles pour compléter et interpréter le bilan initial, par exemple la radiographie du thorax (absence d’ombre thymique dans les déficits immunitaires sévères notamment chez un jeune nourrisson), le scanner sinusien (sinusite), le scanner thoracique (bronchectasie, corps étranger inhalé, nodule pulmonaire, adénopathies) et l’échographie ou le scanner abdominal (adénopathies, splénomégalie, asplénie).
Examens biologiques de première intention en cas de suspicion d’un DIH :
*hémogramme : neutropénie, lymphopénie, anémie, thrombopénie, thrombocytose;
*dosage pondéral des Ig : évaluation de la production globale d’anticorps;
*sérologies post-vaccinales et post-infectieuses : évaluation de la production d’anticorps spécifiques.
Recours à un avis spécialisé
Le diagnostic de DIH est avant tout clinique. Les explorations précitées constituent un bilan de première intention et n’étudient qu’une partie du système immunitaire.
Selon la présentation clinique, le type d’infections et leur sévérité ainsi que les pathogènes impliqués, d’autres examens seront utiles (tableau 26.2). L’avis d’un immunologue spécialiste sera alors utile pour orienter au mieux le choix des explorations à réaliser.
Tableau 26.2
Type de déficit suspecté et bilans utiles selon infections et pathogènes impliqués.
Infections et pathogènes Type de déficit Cellules de l’immunité Bilans utiles
Infections à bactéries encapsulées (pneumocoque, Hib, méningocoque) Déficits de l’immunité humorale Lymphocytes B Dosage pondéral Ig (hypogammaglobulinémie ?) Sérologies post-vaccinales ou post-infectieuses
Sous-classes IgG (âge > 18 mois)
Infections avec mycobactéries Infections sévères avec virus du groupe Herpès dont VZV et CMV Infections opportunistes parasitaires ou fongiques (Toxoplasma gondii, Pneumocystis jirovecii, Cryptosporidia) Déficits de l’immunité cellulaire Lymphocytes T NFS (lymphopénie ?)
Phénotypage lymphocytaire (T, B, NK)
Étude des proliférations lympocytaires T
Infections à bactéries pyogènes
Infections fongiques (Aspergillus) Déficits phagocytaires Polynucléaires, monocytes, macrophages, cellules dendritiques NFS (neutropénie ?)
Étude fonctionnelle des phagocytes Recherche de défauts d’adhésion leucocytaire
Dosage des IgE (hyper-IgE ?)
Infections bactériennes invasives Infections à bactéries encapsulées Paludisme grave Déficits du complément Aplénie Complément
Rate NFS (neutropénie ?)
Frottis sanguin (corps de Jolly ?)
Exploration des voies classique et alterne du complément : dosages C3, C4, CH50, AP50
Dans certaines situations, une anomalie anatomique expliquant les récidives d’infections devra être recherchée : imagerie thoracique ± fibroscopie bronchique en cas de pneumonies répétées dans un même territoire, IRM cérébrale en cas de méningite récidivante à germe encapsulé.
Avant de commencer…
Cet item exige de connaître les particularités épidémiologiques et diagnostiques des cancers de l’enfant.
Il n’a pas pour objectif d’évaluer leur prise en charge thérapeutique.
Quatre exemples de cancers fréquents chez l’enfant seront développés : leucémie aiguë, tumeurs cérébrales, tumeurs abdominales (neuroblastome, néphroblastome) et tumeurs osseuses.
Les circonstances et signes cliniques devant faire évoquer une tumeur thoracique chez l’enfant sont évoqués dans le chapitre 59 « Opacités et masses intrathoraciques ».
Les cancers de l’enfant sont des maladies rares, essentiellement sporadiques même si 10 % sont actuellement rapportés à une prédisposition génétique.
Dans les pays industrialisés, ils représentent la deuxième cause de mortalité entre 1 et 15 ans.
Le taux de guérison global des cancers de l’enfant est d’environ 80 %. Les objectifs actuels de la cancérologie pédiatrique sont d’augmenter encore les taux de guérison, tout en diminuant les risques de séquelles.
Les types histologiques sont très différents de ceux des cancers de l’adulte.
Les hémopathies malignes (leucémies et lymphomes) sont la première cause de cancer de l’enfant.
Les autres cancers fréquents sont les tumeurs cérébrales, les tumeurs embryonnaires (néphroblastome, neuroblastome), les sarcomes osseux (ostéosarcome, sarcome d’Ewing) ou des tissus mous (rhabdomyosarcomes).
Les signes d’appel des cancers de l’enfant sont nombreux et souvent très peu spécifiques, sans altération de
l’état général, alors que ce sont des urgences compte tenu de leur évolutivité très rapide.
Les circonstances diagnostiques peuvent être en rapport avec des signes directement liés à la tumeur et/ou à des signes indirects de compression ou d’envahissement.
Le diagnostic repose sur la convergence d’arguments cliniques et d’imagerie, et le plus souvent sur des éléments anatomopathologique et de caractérisation biologique de la tumeur.
Particularités épidémiologiques
A Prévalence
Les cancers de l’enfant représentent moins de 1 % de l’ensemble des cancers.
Ce sont des maladies rares : environ 2 500 cas par an en France entre les âges de 0 et 18 ans, dont 1 700 cas par an survenant avant l’âge de 15 ans parmi lesquels 50 % des cas avant l’âge de 5 ans. Il existe une prédominance masculine (sex-ratio = 1,2).
Les taux de guérison des cancers de l’enfant atteignent aujourd’hui 80 % dans les pays industrialisés grâce à leur prise en charge pluridisciplinaire par des équipes hautement spécialisées et à leur grande sensibilité aux médicaments de chimiothérapie cytotoxiques.
De grands progrès thérapeutiques ont été réalisés au cours des dernières années, grâce aux acquis de stratégies thérapeutiques développées dans le cadre de protocoles de recherche clinique multicentriques et internationaux.
Leur pronostic est donc globalement meilleur que celui de la plupart des cancers survenant chez les adultes.
B Prédispositions génétiques et autres facteurs de risque
Les cancers de l’enfant sont essentiellement sporadiques.
Peu de facteurs environnementaux connus sont impliqués dans leur genèse. On peut citer les irradiations à fortes doses, des virus tels que EBV (lymphomes de Burkitt, carcinome indifférencié du nasopharynx, maladie de Hodgkin), VIH (lymphomes, léiomyosarcome) ou VHB (hépatocarcinome) et certains facteurs iatrogènes bien établis comme les traitements alkylants et les inhibiteurs des topoisomérases (leucémie) ou les traitements immunosuppresseurs (lymphome).
Une proportion des cancers de l’enfant, actuellement de 10 %, survient dans le cadre de syndromes connus de prédisposition génétique, tels que les formes héréditaires du rétinoblastome (RB1) (risque accru de second cancer), le syndrome de Li-Fraumeni (TP53) (tumeurs des tissus mous et des os, lymphomes, tumeurs du SNC, corticosurrénalomes), le syndrome de Beckwith-Wiedemann (WT2) (néphroblastomes, hépatoblastomes), la trisomie 21 (leucémies), les neurofibromatoses de types 1 et 2 (NF1 et 2) (tumeurs du SNC), et d’autres syndromes plus rares encore.
La reconnaissance d’un syndrome de prédisposition est importante pour l’enfant et sa famille. En effet, certains de ces syndromes entraînent un risque de toxicité importante des traitements, justifiant des aménagements dans les modalités thérapeutiques (non-recours à la radio thérapie ou à certaines chimiothérapies, par exemple), les doses ou les modalités de surveillance. À l’échelon familial, l’enquête génétique peut permettre de mettre en place des mesures de surveillance particulière pour les enfants porteurs de l’anomalie génétique, voire de proposer un diagnostic prénatal pour les grossesses à venir.
Ainsi, il faut savoir évoquer un syndrome de prédisposition devant certaines situations de découverte d’un cancer chez l’enfant. Certaines sont liées au cancer lui-même (histoire familiale de cancers, types de cancers rares, survenue de cancers synchrones ou métachrones); d’autres sont liées à l’association à d’autres anomalies, en particulier développementales (dysmorphies faciales ou autres anomalies congénitales, défaillance intellectuelle, troubles de la croissance, anomalies de la peau ou de l’hématopoïèse).
Cancers de l’enfant : 2 500 cas/an en France de 0 à 18 ans, taux de guérison d’environ 80 %.
Répartition statistique
Les types histologiques et la fréquence des cancers de l’enfant sont très distincts de ceux de l’adulte.
Schématiquement : 60 % des cancers de l’enfant sont des tumeurs solides non hématologiques, 40 % des hémopathies malignes (leucémies, lymphomes). Leur répartition diffère selon l’âge (fig. 27.1; les chiffres exacts ne sont pas à mémoriser)Avant l’âge de 5 ans, les cancers prédominants sont les leucémies aiguës, les tumeurs embryonnaires (dites du blastème) spécifiques de l’enfant (rétinoblastomes, neuroblastomes, néphroblastomes, hépatoblastomes), certaines tumeurs cérébrales (médulloblastomes, gliomes de bas grade) et quelques sarcomes (rhabdomyosarcomes).
Après l’âge de 10 ans, il s’agit surtout de tumeurs cérébrales (gliomes, médulloblastomes), de sarcomes osseux (ostéosarcomes, sarcome d’Ewing) et des tissus mous (rhabdomyo sarcomes et non-rhabdomyosarcomes), de lymphomes (hodgkiniens et non hodgkiniens), et des tumeurs germinales malignes (principalement gonadiques à cet âge).
Cancers de l’enfant les plus fréquents : leucémies aiguës, tumeurs cérébrales, lymphomes, neuroblastomes, néphroblastomes.
I Particularités diagnostiques
A Être vigilant
Les signes d’appel de cancers de l’enfant doivent être reconnus le plus tôt possible.
En effet, la précocité du diagnostic permet souvent le recours à des traitements moins agressifs. Toutefois, la rareté et la rapidité évolutive de ces cancers ne permettent pas d’envisager un dépistage systématique, sauf dans de rares cas de syndromes de prédisposition.
Un interrogatoire attentif prenant en compte les symptômes décrits, un examen clinique exhaustif ainsi qu’une analyse vigilante de l’évolution permettent une stratégie diagnostique raisonnable pour l’identification ou la réfutation de signes évocateurs de cancers, tout en prenant en compte l’inquiétude familiale.
Les signes d’appel des cancers de l’enfant sont nombreux.
Ils peuvent être découverts de manière fortuite par les parents (masse abdominale au cours de la toilette) ou par le médecin traitant (examen systématique) ou du fait de la persistance sous traitement bien conduit, d’un signe ou d’un symptôme d’allure initialement bénigne.
Certains signes ou symptômes généraux peuvent survenir mais sont beaucoup plus rares qu’au cours des cancers de l’adulte : fatigue isolée, diminution de l’appétit, amaigrissement ou mauvaise prise staturo-pondérale chez le jeune enfant, infections anormalement répétées.
Les signes d’appel sont souvent banals et malheureusement parfois « banalisés ».
Ils sont le plus souvent d’évolution rapide, survenant chez un enfant dont l’état général demeure conservé, et peuvent parfois mettre en jeu du fait de la localisation tumorale, le pronostic fonctionnel ou vital immédiat.
Tout symptôme ou signe persistant et fixe pendant plusieurs jours, toute douleur nocturne (céphalées, douleurs abdominales ou des membres), insolites ou durables, doivent faire évoquer une étiologie organique qui peut être parfois cancéreuse.
Signes d’appel multiples et parfois banals… à ne pas banaliser.
Circonstances diagnostiques
Les signes peuvent être en rapport avec la découverte « directe » de la tumeur :
*masse abdominale :
–intrapéritonéale : lymphome de Burkitt, hépatoblastome;
–rétropéritonéale : néphroblastome, neuroblastome;
–abdominopelvienne : tumeur germinale maligne, neuroblastome, sarcome;
*tuméfaction des membres ou des parois révélant des sarcomes :
–des tissus mous : le plus souvent rhabdomyosarcome;
–osseux : ostéosarcome, tumeur d’Ewing;
*adénopathies « froides » (dures et adhérentes, souvent sans inflammation ni douleur) :
–leucémies;
–lymphomes;
*autres signes :
–reflet blanc pupillaire (leucocorie) : rétinoblastome;
–augmentation du volume scrotal : rhabdomyosarcome, tumeur germinale maligne, lymphome;
–hématurie : néphroblastome;
–masse péri-orificielle ou intra-orificielle ± saignement : rhabdomyosarcome, tumeur germinale maligne vaginale.
Les symptômes peuvent être en rapport avec des signes « indirects » de la tumeur :
*HTIC, signes neurologiques déficitaires : tumeur cérébrale;
*compression médullaire (y penser chez un enfant douloureux et difficilement mobilisable) : tumeurs osseuses rachidiennes, neuroblastome, hémopathies malignes, tumeurs médullaires;
*dyspnée par compression médiastinale : lymphome (le plus souvent non hodgkinien), rarement tumeur germinale maligne, sarcomes ou neuroblastome;
*obstruction respiratoire haute, troubles de déglutition : tumeur ORL (lymphome, rhabdomyosarcome);
*protrusion oculaire : tumeur orbitaire primitive (rhabdomyosarcome) ou métastase orbitaire (neuroblastome, hémopathie maligne);
*douleurs osseuses localisées : tumeurs osseuses (ostéosarcome, tumeur d’Ewing);
*douleurs osseuses diffuses ± boiterie : atteintes de la moelle osseuse (leucémie, neuro-blastome ou sarcomes métastatiques);
*difficultés d’émission d’urines ou de selles : tumeurs abdominopelviennes (sarcome, neuro-blastome, tumeurs germinales malignes), tumeurs intracanalaires;
*strabisme : rétinoblastome;
*prurit : lymphome de Hodgkin.
Plus rarement, le cancer peut se révéler au cours de certaines situations d’urgence :
*dyspnée asphyxiante : lymphome non hodgkinien médiastinal, tumeur ORL;
*pancytopénie (anémie aiguë, saignement, fièvre), CIVD : hémopathie;
*HTIC d’évolution rapide avec signes neurovégétatifs, convulsions : tumeur cérébrale;
*fracture osseuse pathologique : tumeur osseuse;
*hémorragie intra-abdominale : néphroblastome;
*hypercalcémie : origine paranéoplasique ou lyse osseuse.
Alerte : HTIC, boiterie et douleurs osseuses, masse abdominale, strabisme, leucocorie.
C Démarche diagnostique
1 Conduite générale
Le diagnostic est habituellement porté sur une convergence d’arguments cliniques et paracliniques.
La démarche diagnostique vise à confirmer le diagnostic, préciser la nature et les caractéristiques de la tumeur, ainsi qu’à établir le bilan d’extension locorégional et général.
Les éléments demandés sont fonction des hypothèses étiologiques : examens biologiques (NFS-plaquettes, examens biochimiques sanguins standards, marqueurs tumoraux), examens d’imagerie, examens anatomopathologiques et de caractérisation biologique de la tumeur.
La stratégie diagnostique doit être rigoureuse et organisée en collaboration avec un centre de référence en cancérologie pédiatrique, afin d’éviter tout préjudice concernant la prise en charge thérapeutique et le pronostic.
Les examens d’imagerie permettent le diagnostic topographique des lésions, contribuent souvent au diagnostic étiologique et participent au bilan d’extension.
Techniques d’imagerie utilisées suivant les situations :
*examens radiographiques standards (très souvent contributifs) :
–radiographie de thorax;
–radiographies de segments osseux : en cas de douleurs ou de tuméfactions localisées;
–ASP (rarement) : en cas de tumeur abdominale;
*échographie ± doppler (très précieuse) :
–précise le caractère intra- ou rétropéritonéal d’une tumeur abdominale;
–précise l’origine d’une tumeur abdominopelvienne;
–contribue à l’exploration des lésions cervicales, des membres et des parois;
*examens plus complexes (en fonction des résultats des premières explorations) :
–TDM;
–IRM : tumeur du SNC, tumeurs osseuses ou des tissus mous ou toute autre tumeur en fonction de son accessibilité par rapport à la TDM;
–scintigraphie au technétium : tumeurs osseuses primitives et/ou métastatiques;
–scintigraphie au méta-iodobenzylguanidine (MIBG) : neuroblastome;
–tomographie par émission de positons (TEP) ± TDM : validée dans l’exploration des lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens mais également de plus en plus utilisée dans d’autres types tumoraux (en particulier les sarcomes).
Examens anatomopathologiques avec des explorations :
*cytologiques :
–myélogramme : leucémie;
–ponction ganglionnaire ou tumorale : certaines formes de LMNH;
*histologiques : abords biopsiques percutanés ou chirurgicaux a minima.
Les examens de caractérisation biologique de la tumeur sont de plus en plus souvent indispensables pour préciser le diagnostic et mieux définir le pronostic.
Ils nécessitent généralement une congélation tumorale, qu’il faut prévoir lors des prélèvements.
Contact rapide avec un centre de référence en cancérologie pédiatrique.
Bilan paraclinique à visée diagnostique et pronostique.
Annonce diagnostique
1 Principes généraux
L’annonce d’une maladie grave est un moment particulier de la relation médecin-malade, en l’occurrence entre le médecin, l’enfant et ses parents. Elle conduit à un retentissement psychologique majeur chez l’enfant et sa famille.
C’est ainsi un temps essentiel pour créer une alliance thérapeutique entre l’enfant, ses parents, et les équipes médicales impliquées dans la démarche diagnostique et la prise en charge thérapeutique (service de pédiatrie, centre de référence en cancérologie pédiatrique, service de chirurgie infantile spécialisée), alliance indispensable à la réalisation de soins de qualité.
Délivrée parfois par le médecin traitant qui a évoqué le diagnostic, cette annonce doit être relayée par les centres de référence en cancérologie pédiatrique selon un « dispositif » prévu dans le cadre du plan cancer.
L’annonce du diagnostic de cancer demande du temps, de la disponibilité et de l’expérience.
Elle est délivrée de manière progressive au cours d’entretiens répétés et rapprochés, réalisés avec empathie et dans un lieu permettant confidentialité et intimité.
Elle est faite dans le respect de la personnalité de l’enfant et sa famille, de leurs attentes et besoins, en tenant compte du contexte culturel et psychologique. Elle doit être adaptée à l’âge et au niveau de compréhension de l’enfant.
2 Dispositif d’annonce
Le dispositif d’annonce hospitalier est ainsi construit autour de quatre temps, souvent menés en partie en parallèle. Chacun de ces temps peut nécessiter plusieurs entretiens successifs.
*Temps médical :
–annonce du diagnostic puis des propositions et décisions débattues en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP);
–présentation des risques à court, moyen et long terme des options thérapeutiques et justification de l’option choisie avec proposition de recours à un deuxième avis médical;
–proposition d’inclusion le cas échéant dans un essai thérapeutique ou une étude inter-ventionnelle ou non interventionnelle, selon les critères d’éligibilité;
–finalisation du projet sous forme d’un programme personnalisé de soins (PPS), nécessitant le plus souvent la mise en place d’un cathéter central de longue durée.
Il est nécessaire de valider au fur et à mesure la compréhension de l’information délivrée. La remise de documents écrits sur la maladie et ses traitements est un support souvent utile à une information de qualité mais ne dispense en aucune façon des entretiens successifs.
L’aide des associations de parents est souvent également utile, soit par des contacts directs, soit par le recours à des documents d’information sur ces associations.
*Temps d’accompagnement soignant :
–précision des modalités thérapeutiques, visite du service;
–identification en équipe pluriprofessionnelle des besoins d’accompagnement social et psychologique.
*Temps d’accès aux soins de support (psychologue, assistante sociale, kinésithérapeute…). L’enfant bénéficie d’une prise en charge à 100 %. Un projet d’accueil individualisé (PAI) permet une scolarité adaptée à l’état de santé de l’enfant.
*Temps d’articulation avec la médecine de ville (information du médecin traitant) et l’équipe de pédiatrie de proximité.
Annonce diagnostique avec information claire et complète. Alliance thérapeutique.
III Points clés sur certains cancers de l’enfant
A Leucémie aiguë
1 Généralités
Les leucémies aiguës sont les cancers les plus fréquents de l’enfant (30 %).
Ce sont des proliférations malignes de précurseurs de cellules sanguines bloqués à un stade précoce de leur différenciation (blastes).
On en distingue deux variétés suivant le type cytologique des cellules blastiques :
*les leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL);
*les leucémies aiguës myéloïdes (LAM).
Les LAL représentent environ 80 % des leucémies aiguës de l’enfant.
On dénombre 350 à 400 nouveaux cas par an en France, avec deux pics de fréquence : 2 à 5 ans (principal pic) et adolescence.
Schématiquement : 75 % sont des proliférations lymphoïdes de cellules immatures de la lignée B, 20 % sont des proliférations de la lignée T. Il existe de très rares proliférations de cellules lymphoblastiques B matures; il s’agit de leucémies de Burkitt.
Les leucémies aiguës doivent être prises en charge dans un centre spécialisé qui affirmera le diagnostic, assurera le dépistage et le traitement des complications initiales et réalisera les explorations spécialisées permettant de caractériser la leucémie et définir le PPS en fonction des facteurs pronostiques mis en évidence.
2 Diagnostic
Signes cliniques d’appel
La symptomatologie est le plus souvent aspécifique, évoluant typiquement depuis 2 à 3 semaines et témoignant de l’insuffisance médullaire et/ou de l’infiltration blastique.
Manifestations d’insuffisance médullaire :
*anémie : asthénie, pâleur, éventuelle dyspnée;
*thrombopénie : syndrome hémorragique cutanéomuqueux, purpura pétéchial, ecchymoses diffuses ou dans des sites inhabituels, épistaxis, gingivorragies, hématurie, sang dans les selles;
*neutropénie : fièvre prolongée, angine récidivante ou ne cédant pas aux antibiotiques, aphtose.
Manifestations du syndrome tumoral liées à la prolifération leucémique dans la moelle osseuse et les organes hématopoïétiques secondaires et lymphoïdes :
*douleurs osseuses, boiterie (enfant ne voulant plus monter les escaliers, voulant être porté, enfant « trop sage », immobile sur son lit, qui ne joue plus…);
*hépatomégalie, splénomégalie, adénopathies périphériques, amygdalomégalie, gros testicule, infiltration des gencives;
*gêne respiratoire voire syndrome cave supérieur en cas de syndrome tumoral médiastinal;
*signes neurologiques périphériques (compression médullaire sur tassement vertébral voire envahissement tumoral).
Signes de complications aiguës à repérer et prendre en charge en urgence :
*détresse respiratoire : compression médiastinale, épanchement pleuropéricardique, syndrome de leucostase pulmonaire (obstruction capillaire, HTAP, œdème pulmonaire);
*CIVD : en cas de leucémie hyperleucocytaire (> 100 Giga/l) ou LAM promyélocytaire;
*insuffisance rénale : par infiltration rénale ou syndrome de lyse tumorale (leucémie hyper-leucocytaire ou leucémie de Burkitt);
*troubles de la vigilance, céphalées : leucostase cérébrale (leucémies hyperleucocytaires).
Stratégie diagnostique
L’hémogramme (NFS-plaquettes) peut donner les résultats suivants :
*forme hyperleucocytaire avec blastose sanguine d’importance variable;
*forme pancytopénique sans blastes;
*parfois normal, ce qui n’élimine pas le diagnostic.
Le diagnostic ne peut et ne doit être porté qu’après réalisation d’un myélogramme :
*cytologie médullaire au microscope : > 20 % de cellules blastiques;
*examen immunohistochimique : coloration par la myéloperoxydase et les estérases, négatives dans les LAL;
*classification selon la morphologie pour les LAL (L1, L2, L3) et le degré de différenciation pour les LAM (M0 à M7).
Ce myélogramme est complété par les examens suivants :
*immunophénotypage sur cellules médullaires en suspension en cytométrie de flux :
–confirmation du caractère hématopoïétique de la prolifération (CD34);
–pour les LAL : caractère B ou T selon les antigènes positifs;
–pour les LAM : confirmation du caractère myéloïde;
*génétique hématologique médullaire = anomalies présentes uniquement dans les blastes (ces caractéristiques, associées à la réponse précoce au traitement, sont les principaux éléments pronostiques des leucémies de l’enfant) :
–ploïdie des cellules blastiques;
–ou anomalies structurales : délétions, inversions péricentriques, duplications, translocations;
–± compléments de lecture par techniques de fluorescence par hybridation in situ (FISH);
–examen en biologie moléculaire à la recherche de transcrits de fusion récurrents (par exemple, BCR-ABL) ou autres anomalies génomiques (de plus en plus par techniques de séquençage à haut débit).
Enfin, d’autres examens sont nécessaires au diagnostic et à la prise en charge :
*examen du LCS : recherche d’un envahissement neuroméningé initial (présence de blastes lors du décompte cellulaire et sensibilisation par technique de concentration Cytospin®); attention : l’atteinte méningée est asymptomatique dans l’extrême majorité des cas et ne peut être mise en évidence que par une analyse du LCS par ponction lombaire; on peut néanmoins retrouver des atteintes des paires crâniennes (paralysie du VII le plus souvent);
*examens d’imagerie non systématiques à prévoir en fonction du tableau initial :
–radiographie de thorax, échographie abdominale et/ou testiculaire;
–IRM cérébrale;
*bilan préthérapeutique :
–bilan prétransfusionnel;
–syndrome de lyse : hyperuricémie, hyperkaliémie, hypocalcémie, hyperphosphorémie.
Tumeurs cérébrales
1 Généralités
Les tumeurs cérébrales de l’enfant représentent la première cause de tumeurs solides, avec environ 400 nouveaux cas par an en France avant l’âge de 15 ans.
La moitié sont des tumeurs supratentorielles (astrocytomes de bas grade, craniopharyngiomes, gliomes des voies optiques…) et l’autre moitié des tumeurs de la fosse postérieure (médulloblastomes, tumeurs malignes du tronc cérébral…).
Beaucoup de tumeurs cérébrales restent de pronostic sombre en raison de leur faible chimiosensibilité et de l’importance et de la difficulté du traitement local chirurgical ou radiothérapique.
De plus, les effets secondaires des traitements sur un système nerveux en développement sont importants. Ils nécessitent un suivi multidisciplinaire (endocrinologique, sensoriel, orthopédique, neurologique, psychologique, etc.), et contre-indiquent l’utilisation de la radiothérapie chez les moins de 5 ans.
2 Diagnostic
Signes cliniques d’appel
A L’hypertension intracrânienne (HTIC) est le signe d’appel le plus fréquent, se manifestant typiquement par des céphalées intenses (classiquement matinales) et des vomissements.
Les formes frustes sont fréquentes (céphalées fluctuantes et peu intenses, sans horaire particulier, sans vomissement associé) et les formes trompeuses également (nausées/vomissements isolés, douleurs abdominales, irritabilité, fléchissement scolaire), les céphalées étant absentes ou passant au deuxième plan, avec un tableau pouvant égarer vers des troubles d’origine psychologique.
Tout symptôme anormal ou persistant doit mener à un examen neurologique attentif et l’imagerie cérébrale en urgence est toujours demandée en présence d’anomalie clinique.
L’HTIC est très souvent isolée et il existe des faux négatifs fréquents de la recherche d’œdème papillaire au fond d’œil. Toute suspicion d’HTIC doit donc mener à une imagerie cérébrale en urgence, de préférence IRM mais une TDM est souvent réalisée en première intention selon l’accessibilité.
Chez les nourrissons, l’HTIC peut se manifester par une macrocéphalie évolutive, une fontanelle bombée, une régression des acquisitions psychomotrices et, tardivement, par un « regard en coucher de soleil »; l’imagerie cérébrale est également une urgence devant ces symptômes; l’échographie transfontanellaire ou la TDM peuvent être une première étape, mais l’IRM reste indispensable.
D’autres manifestations peuvent être révélatrices de tumeurs cérébrales, parfois en dehors de tout signe d’HTIC : déficit visuel, comitialité souvent à type de crises partielles, tout signe de localisation neurologique (une atteinte motrice ou des paires crâniennes, syndrome cérébelleux…) ou encore un ou des déficit(s) endocrinien(s) d’origine centrale.
Enfin, le diagnostic de tumeur cérébrale peut être posé dans le cadre d’un syndrome de prédisposition génétique. Le plus fréquent d’entre eux est la neurofibromatose de type 1, qui prédispose aux astrocytomes de bas grade en particulier au niveau des voies optiques; les autres prédispositions sont plus rares et plus souvent diagnostiquées dans le cadre de la découverte de la tumeur cérébrale elle-même que dans un contexte déjà identifié.
Stratégie diagnostique
La découverte d’une tumeur cérébrale impose une prise en charge neuro-oncologique spécialisée pluridisciplinaire et, en cas d’HTIC, un transfert immédiat en neurochirurgie pour réalisation d’une dérivation externe ou interne le plus souvent (ventriculocisternostomie plutôt que par valve de dérivation ventriculopéritonéale). Le recours à la corticothérapie voire aux perfusions IV de mannitol est fréquent.
La démarche diagnostique est réalisée en parallèle de la prise en charge en urgence lorsque celle-ci est nécessaire.
L’IRM cérébrale ou cérébrospinale est l’examen de choix. Elle permet de définir :
*la topographie de la lésion, ses rapports avec les structures fonctionnelles adjacentes;
*la présence de signes de dissémination tumorale visibles en IRM craniospinale;
*l’existence d’une dilatation ventriculaire.
Certaines tumeurs peuvent être opérées d’emblée, si possible de façon complète, alors que d’autres seront biopsiées.
Les prélèvements tumoraux doivent faire l’objet d’analyses spécialisées à la fois anatomopathologiques (histologie standard, immunohistochimie, hybridation in situ) et moléculaires, au mieux réalisées sur des fragments tumoraux congelés.
Dans les tumeurs de la région supra-sellaire ou pinéale, l’analyse des marqueurs (AFP, β-hCG) dans le sang ou le LCS (souvent alors prélevé dans le cadre d’une chirurgie de dérivation) peut faire le diagnostic de tumeur germinale intracrânienne sécrétante.
Le diagnostic est parfois porté sur une convergence d’arguments cliniques et d’imagerie sans documentation histologique (fig. 27.2 et fig. 27.3); on peut citer les tumeurs des voies optiques, surtout dans un contexte de neurofibromatose.
Tumeurs abdominales
1 Généralités
Les circonstances de découverte d’une tumeur abdominale chez l’enfant sont multiples et peuvent être trompeuses.
Parmi les tumeurs les plus fréquentes, on distingue celles de siège :
*rétropéritonéal, rénales ou extrarénales : néphroblastomes, neuroblastomes, tumeurs germinales malignes ou tératomes, corticosurrénalomes, phéochromocytome;
*intrapéritonéal, hépatiques ou extrahépatiques : hépatoblastomes, lymphomes digestifs;
*pelvien : tumeurs de l’ovaire, tératome sacrococcygien.
On retrouve principalement des tumeurs du blastème avant 5 ans.
Les lymphomes digestifs touchent plutôt l’enfant de 6 à 10 ans avec une prédominance masculine. Les tumeurs ovariennes sont retrouvées à l’adolescence.
Diagnostic
Signes cliniques d’appel
Les signes les plus fréquents sont :
*une augmentation du volume abdominal (surtout tumeurs du blastème);
*des douleurs abdominales ou une constipation, des troubles urinaires (hématurie évoquant un néphroblastome);
*une altération de l’état général (témoignant souvent de métastases ostéomédullaires d’un neuroblastome);
*une HTA.
Des signes particuliers orientent d’emblée vers une histologie particulière :
*l’HTA : neuroblastome (par compression vasculo-rénale, par sécrétion d’amines vasopressives, liée à la douleur), phéochromocytome et néphroblastome (d’origine vasculaire);
*des signes endocriniens : corticosurrénalome en cas d’hypercorticisme et tumeur des cordons sexuels en cas de pseudopuberté précoce et/ou virilisation;
*l’existence d’un syndrome opsomyoclonique (mouvements oculaires saccadés, ataxie et mouvements anormaux) ou d’une diarrhée paranéoplasique (hypersécrétion de VIP), de douleurs osseuses ou fractures sur os pathologique (envahissement ostéomédullaire), d’un hématome péri-orbitaire (syndrome de Hutchinson), de nodules bleutés sous-cutanés enchâssés dans le derme chez le nourrisson : neuroblastome;
*un syndrome génétique prédisposant (hémihypertrophie corporelle entrant dans un syndrome de Wiedeman-Beckwith) : néphroblastome.
Des tableaux aigus doivent faire évoquer le diagnostic de cancer :
*syndrome abdominal aigu : invagination intestinale aiguë après 5 ans (lymphome de Burkitt), torsion d’annexe (tumeur ovarienne);
*rétention aiguë d’urine ou signes moteurs (neuroblastome pararachidien en « sablier »);
*choc hypovolémique (rupture tumorale hémorragique).
Stratégie diagnostique
L’imagerie a une place prépondérante dans l’orientation diagnostique initiale :
*radiographie standard : l’ASP a un apport diagnostique faible même s’il peut mettre en évidence des calcifications, des plages d’ostéolyse, un refoulement des autres viscères, etc.; la radiographie thoracique sert, elle, au bilan d’extension;
*échographie abdominale et pelvienne : c’est l’examen phare car il précise le siège de la tumeur (intra- ou rétropéritonéal, rénal ou extrarénal, pelvien) et réalise le premier bilan d’extension (adénopathies, rapports vasculaires, etc.);
*TDM et/ou IRM : elles seront toujours réalisées pour préciser les localisations et les rapports de la tumeur. La TDM pulmonaire sera réalisée systématiquement en cas de néphroblastome, à la recherche de métastases. Le choix entre les deux techniques dépendra de :
–l’âge de l’enfant : sédation nécessaire pour IRM;
–la prise en compte de l’exposition aux rayons X et de la disponibilité des machines;
–la nécessité d’injection de produit de contraste;
–la zone à explorer (canal médullaire : IRM);
*explorations en médecine nucléaire : elles sont réalisées avec la MIBG en cas de suspicion de neuroblastome (fig. 27.4) ou phéochromocytome, ou le 18FDG (ou TEP-TDM) en cas de suspicion de lymphome. Elles ont l’avantage de mettre en évidence des localisations métastatiques (moelle osseuse pour le neuroblastome, SNC et moelle osseuse pour le lymphome).
biologie comprendra systématiquement une NFS-plaquettes, un dosage des LDH, un ionogramme sanguin et un dosage sanguin de la créatinine et de l’urée.
En fonction de l’orientation diagnostique seront réalisés :
*des catécholamines urinaires (rapportées à la créatininurie) : dopamine, acide homovanillique (HVA), acide vanylmandélique (VMA) en cas de masse rétropéritonéale;
*dosage sanguin de l’AFP en cas de masse hépatique (hépatoblastome);
*dosage sanguin des hCG (choriocarcinome), de l’AFP (tumeur vitelline), des hormones gonadiques en cas de masse ovarienne;
*myélogramme ± biopsie ostéomédullaire (BOM) en cas de neuroblastome ou lymphome;
*analyse du LCS en cas de lymphome.
La documentation histologique et/ou cytologique est requise pour toute tumeur (à ’exception du néphroblastome si sa présentation clinique et radiologique est typique) : biopsie chirurgicale ou percutanée pour la plupart des tumeurs, ponction cytologique possible d’un épanchement péritonéal en particulier pour les lymphomes, sur pièce d’exérèse pour les rares tumeurs localisées opérables d’emblée.
Ces prélèvements sont pratiqués en milieu spécialisé afin de réaliser les analyses des altérations génétiques (en particulier pour le neuroblastome à la recherche du principal facteur pronostique qu’est l’amplification du gène N-myc) et de congeler du matériel tumoral.
Au total, les neuroblastomes, néphroblastomes et lymphomes B de haut grade (Burkitt ou équivalent) représentent chacun 30 % des étiologies des tumeurs abdominales de l’enfant.
Le tableau 27.1 résume leurs caractéristiques principales (hors traitement).
Tableau 27.1
B Caractéristiques principales des trois principales tumeurs abdominales de l’enfant.
Néphroblastome ou tumeur de Wilms Neuroblastome Lymphome
Démographie < 5 ans 40 % < 1 an
98 % < 6 ans 5–10 ans
Garçon
Signes de découverte particuliers HTA, hématurie HTA, compression médullaire, sites métastatiques (orbite, peau, moelle osseuse, foie) Invagination intestinale aiguë
Facteur prédisposant Wiedeman-Beckwith, WAGR, Denis-Drash Déficit immunitaire
Localisation Rein Bilatérale possible Ganglions sympathiques et médullosurrénale Péritonéale Volontiers extraganglionnaire
Caractéristiques de l’imagerie locorégionale Rétropéritonéal rénal (signe de l’éperon) (fig. 27.5) Refoulement vasculaire Multilobulaire ou kystique Thrombus veineux Rétropéritonéal (rein refoulé) Atteinte périvasculaire infiltrante Calcifications Infiltration du canal rachidien Atteinte digestive multiple avec dédifférenciation de la muqueuse Atteinte ganglionnaire non mésentérique Ascite
Bilan diagnostique particulier TDM pulmonaire Catécholamines urinaires Scintigraphie MIBG Myélogramme/BOM, N-myc tumoral LDH (croissance très rapide) TEP-TDM Myélogramme LCS
Sites métastatiques principaux Poumon 50 % au diagnostic : peau et foie (Pepper) chez le nourrisson, péri-orbitaire, moelle osseuse SNC, moelle osseuse
Pronostic Fonction du type histologique et de l’extension tumorale Survie : 90 % avec chimiothérapie et chirurgie (± radiothérapie) Fonction de l’âge (< ou > 18 mois), de l’extension et de N-myc Survie très hétérogène : de < 40 % si stade IV ou N-myc amplifié à 90 % si localisé et < 18 mois Fonction de la présence de métastases Survie : 90 % avec chimiothérapie seule (pas de chirurgie)
Tumeurs osseuses
1 Généralités
Les ostéosarcomes et sarcomes d’Ewing représentent 90 % des sarcomes osseux de l’enfant et de l’adolescent. Ils sont plus fréquents chez les adolescents avec un sex-ratio H/F à 1,4/1.
Les localisations préférentielles sont les métaphyses des os longs (« près du genou et loin du coude ») pour les ostéosarcomes, tandis que les sarcomes d’Ewing touchent les diaphyses des os longs mais aussi le bassin et les côtes, ainsi que les os plats.
La prise en charge thérapeutique repose sur l’association de la chimiothérapie et de la chirurgie, voire parfois de la radiothérapie (tumeurs d’Ewing). Le pronostic des formes localisées dépend principalement de la possibilité d’effectuer une résection carcinologique de la tumeur et de l’évaluation de la réponse à la chimiothérapie sur la pièce de résection. Ces approches thérapeutiques permettent d’obtenir une survie globale de l’ordre de 60 à 75 %.
2 Diagnostic
Signes cliniques d’appel
Trop souvent, le diagnostic de tumeur squelettique maligne est retardé du fait de la méconnaissance de la symptomatologie ou de l’évocation rassurante de diagnostics bénins (entorse, douleur post-traumatique).
Devant une douleur persistante, la plus grande vigilance s’impose. Une douleur profonde localisée sur un membre, durable mais d’intensité variable, lentement progressive et secondairement d’allure inflammatoire est le principal signe d’alerte. Il faut ainsi particulièrement se méfier des douleurs réveillant l’enfant la nuit. L’état général est le plus souvent conservé.
On peut aussi retrouver :
*tuméfaction en regard de l’os atteint;
*douleur mécanique post-traumatique (à l’occasion de la pratique du sport);
*fracture pathologique inaugurale;
*inflammation locale associée à de la fièvre pouvant orienter initialement vers une infection osseuse.
Les sarcomes d’Ewing (parfois avec une composante extraosseuse importante) peuvent conduire à des signes plus aigus et trompeurs, comme des signes neurologiques par compression des racines nerveuses et/ou médullaire ou des signes de détresse respiratoire en lien avec un épanchement pleural.
Stratégie diagnostique
L’imagerie comprendra des radiographies standards qui viseront à éliminer les diagnostics différentiels et à décrire les modifications structurales de l’os : ostéolyse, réaction périostée avec un périoste décollé (aspect d’éperon de Codman, fig. 27.6A), voire spiculations transverses ou « images en feu d’herbe » (fig. 27.6B).
Le bilan radiographique sera complété par une IRM qui fournira des informations sur l’extension intra-osseuse, le franchissement des cartilages de croissance, l’extension intra-articulaire et vasculo-nerveuse, la présence d’une lésion à distance sur le même os (skip métastase).
Les localisations à distance seront explorées par une TEP-TDM (ou une scintigraphie osseuse au technétium) et, de façon systématique, une TDM thoracique à la recherche de métastases pulmonaires. Une exploration ostéomédullaire sera adjointe pour les sarcomes d’Ewing (myélogramme et BOM).
La preuve diagnostique ne pourra être apportée que par l’étude anatomopathologique d’une biopsie de la tumeur. Cette biopsie est à considérer comme faisant partie de l’acte thérapeutique. Elle devra être réalisée par l’équipe qui prendra en charge le patient pour la chirurgie tumorale.
I Données générales de microbiologie pédiatrique
A Bactéries les plus fréquentes au cours des infections
1 Caractérisation microbiologique
Examen direct au Gram
Rendu de l’examen : < 1 heure.
Bactéries identifiées en pédiatrie :
*cocci Gram-positifs :
–diplocoques et chaînettes → streptocoques de groupe A (S. pyogenes), de groupe B (S. agalactiae), de groupe D (entérocoque);
–diplocoques lancéolés → pneumocoques (plus de 90 sérotypes, plus ou moins invasifs);
–diplocoques et amas → staphylocoques : Staphylococcus aureus (doré) et S. epidermidis (blanc) principalement;
*cocci Gram-négatifs : diplocoques en « grains de café » → méningocoques (4 sérogroupes invasifs essentiels B, C, W et Y);
*bacilles Gram-négatifs :
–entérobactéries : Escherichia coli, Klebsiella spp., salmonelles;
–Haemophilus influenzae (invasif : sérotype b; non invasifs : non typables);
–Bordetella pertussis ;
*bacilles Gram-positifs : Listeria monocytogenes.
Cultures
Rendu de l’examen : 24 à 48 heures après la mise en culture du prélèvement.
Fréquence de positivité des hémocultures :
*méningites purulentes : méningocoque = 40 %, pneumocoque = 75 %;
*pyélonéphrites aiguës (âge < 3 mois) : 10 %;
*pneumonies : < 10 %.
Seuil de détection à l’examen direct (ECBU, LCS) ↔ ≥ 104 UFC/ml à la culture.
Antibiogramme et concentration minimale inhibitrice (CMI)
Rendu de l’examen : 24 heures après l’obtention d’une culture.
Pour chaque antibiotique, des concentrations critiques sont établies de façon internationale sur la base des concentrations sériques obtenues après administration d’une posologie usuelle et d’une posologie maximale tolérée par l’individu.
La CMI est la plus faible concentration d’antibiotiques inhibant toute culture visible en 18–24 heures.
Une souche est dite :
*sensible (S) lorsque la CMI est inférieure à la concentration sérique obtenue à la suite d’administration d’une posologie usuelle;
*résistante (R) lorsque la CMI est supérieure à la concentration sérique obtenue après administration d’une posologie maximale;
*entre les deux valeurs, la souche est dite intermédiaire (I) : une efficacité thérapeutique peut cependant être envisagée dans des situations particulières où la bactérie peut être atteinte par un traitement local, ou par une augmentation de la dose usuelle ou grâce à une concentration physiologique particulière.
En pratique, l’antibiogramme est effectué par la méthode des disques qui mesure les diamètres d’inhibition de la croissance bactérienne, diamètres qui sont inversement proportionnels à la concentration d’antibiotique qui diffuse à partir du disque. Selon le diamètre observé, le résultat est ainsi rendu S, I ou R.
La mesure de la CMI par bandelettes E-test® est plus précise et plus rapide. Elle peut être effectuée sur demande auprès du laboratoire, uniquement pour les liquides normalement stériles.
2 Résistance et données épidémiologiques actualisées
Définitions
Une résistance in vitro implique une forte probabilité d’échec thérapeutique.
Deux types de résistance :
*naturelle : par exemple, mycoplasme et bêtalactamines (absence de paroi);
*acquise : par exemple, pneumocoque et pénicilline (diminution d’affinité des protéines de liaison à la pénicilline, ou PLP).
La résistance aux bêtalactamines et aux macrolides est variable selon les pays et évolutive selon les politiques de santé publique à visée antibactérienne mises en œuvre.
BLSE
La surconsommation d’antibiotiques est responsable de l’émergence croissante d’entéro-bactéries digestives productrices de bêtalactamases à spectre étendu (BLSE) dont la diffusion actuelle en milieu communautaire constitue un grave problème de santé publique.
Elles sont désormais parfois retrouvées au cours des infections urinaires communautaires (E. coli) du nourrisson et de l’enfant (5–10 %).
Parmi les antibiotiques utilisés, les plus sélectionnants sont les céphalosporines.
De tels constats conduisent à des recommandations exigeantes de réduction de prescription des C3G en particulier au cours des infections des voies respiratoires hautes.
B Un modèle physiopathologique des infections à
Un modèle physiopathologique des infections à pneumocoque
L’infection virale favorise la colonisation rhinopharyngée et la traversée des muqueuses par le pneumocoque, pouvant conduire à une bactériémie, susceptible de générer (si prolongée et élevée) des localisations secondaires septiques comme une méningite bactérienne.
Le vaccin pneumococcique conjugué, en réduisant la colonisation nasopharyngée, permet la réduction des risques de bactériémie et de localisation septique secondaire liées à ce germe.
I Prescription et surveillance des antibiotiques chez l’enfant
A Prescription d’une antibiothérapie
1 Évaluer la pertinence d’une prescription d’antibiotiques
Toute décision d’indication d’un traitement antibiotique doit être instituée en ayant à l’esprit des réponses adaptées à la double question :
*quel bénéfice direct pour l’enfant ?
*quelle conséquence écologique pour l’environnement ?
Le bénéfice direct ne se discute pas en termes d’indication face aux infections bactériennes sévères (méningites, pneumonies, pleuropneumonies, pyélonéphrites, ostéoarthrites).
Dans les infections bactériennes communes les moins sévères (infections des voies respiratoires hautes), le bénéfice rationnel d’une antibiothérapie repose sur les effets attendus :
*réduction de la durée d’évolution des symptômes (fièvre, algies) habituellement accessibles à un traitement symptomatique de confort (paracétamol);
*prévention des complications liées à la pathologie bactérienne initiale présumée : par exemple, OMA purulente et méningite ou mastoïdite; angine et complications infectieuses locorégionales, voire post-streptococciques (RAA) dans les pays non industrialisés.
Les conséquences écologiques peuvent être antagonistes :
*bénéfiques : baisse de la dissémination du streptocoque du groupe A à l’entourage (traitement antibiotique des angines confirmées à SGA);
*nuisibles : sélection et diffusion de souches bactériennes résistantes (céphalosporines orales et augmentation du risque d’infections à bactéries productrices de BLSE).
2 Préciser les critères de choix d’une antibiothérapie probabiliste
L’antibiothérapie est le plus souvent probabiliste chez l’enfant du fait de la difficulté de réalisation d’examens bactériologiques à cet âge (par exemple, OMA purulente et paracentèse; pneumonie et absence d’expectoration chez l’enfant).
Avant de prescrire un traitement antibiotique, il est nécessaire de répondre aux questions suivantes :
1.Quel est le tableau clinique ? Celui-ci représente-t-il une indication d’antibiothérapie ?
2.Quel est le germe cible (au maximum deux germes) ?
3.Quelle est la sensibilité actuelle habituelle de ce (ou ces germes) aux antibiotiques usuels ?
4.Parmi ces antibiotiques, quels sont ceux qui ont les meilleurs critères pharmacocinétiques-pharmacodynamiques (PK/PD) prédictifs d’efficacité ?
5.Parmi les antibiotiques retenus, quel est celui qui a le pouvoir sélectionnant de résistance le plus faible pour le microbiote (flore digestive en particulier) du patient ? Éviter, si possible, les céphalosporines.
Les paramètres PK/PD intègrent les caractéristiques microbiologiques (CMI), pharmacocinétiques (concentration des antibiotiques en fonction du temps) et pharmacodynamiques (bactéricidie en fonction des concentrations antibiotiques). Pour certains antibiotiques, certaines bactéries et certaines situations cliniques (septicémie, pneumonies, pyélonéphrites, otites), une corrélation a pu être démontrée entre des critères PK/PD sériques (chiffre seuil défini atteint par le paramètre PK/PD étudié) et la guérison clinique. Ces critères prédictifs d’efficacité peuvent varier pour un même antibiotique selon la bactérie considérée et/ou le site de l’infection.
Pour les bêtalactamines (céphalosporines et pénicillines), le paramètre PK/PD qui est le mieux corrélé à une efficacité in vivo, est le pourcentage de temps pendant lequel la concentration sérique est supérieure à la CMI (T > CMI24h). Ces antibiotiques sont dits « temps-dépendants ». Pour des infections non sévères (par exemple otite), le critère PK/PD prédictif d’efficacité est un T > CMI24h supérieur à 40 %. Pour des infections plus sévères (comme les méningites), un T > CMI égal à 100 % doit être obtenu. La juste répartition des doses sur 24 heures améliore le T > CMI des bêtalactamines (intervalle de 6 heures pour les infections sévères).
Pour les aminosides, l’efficacité n’est pas « temps-dépendante » mais « dose-dépendante ». Le paramètre PK/PD considéré est donc ici le quotient inhibiteur (QI) qui correspond au rapport entre la concentration sérique maximale obtenue au pic et la CMI du germe. D’où l’intérêt de réduire le nombre d’administrations à une dose unique par 24 heures.
Dans certaines situations, un antibiotique déclaré sensible vis-à-vis d’un germe à l’antibiogramme pourra être inefficace in vivo si les critères PK/PD ne sont pas atteints. Ainsi, E. coli peut être sensible à l’amoxicilline et/ou l’association amoxicilline + acide clavulanique sur un antibiogramme mais le T > CMI étant très inférieur à 40 %, ces deux antibiotiques ne peuvent pas être choisis pour le traitement d’une pyélonéphrite aiguë.
En pratique, le clinicien choisira :
*un antibiotique a priori sensible (épidémiologie, antibiogramme);
*et ayant le meilleur paramètre PK/PD pour la situation clinique donnée.
C’est cette approche qui est systématiquement retenue dans les recommandations thérapeutiques des sociétés savantes en infectiologie.
Connaître les règles pratiques de prescription antibiotique
Modalités habituelles chez l’enfant :
*voie orale le plus souvent utilisée au cours des prescriptions ambulatoires;
*voie injectable réservée aux infections sévères;
*adaptation des doses au poids de l’enfant : prescription en mg/kg par jour.
Rationnel :
*utilisation de fortes doses pour obtenir une bactéricidie rapide (méningite);
*répartition des doses toutes les 6 heures pour améliorer le paramètre PK/PD (T > CMI24h) des bêtalactamines et assurer une meilleure diffusion au sein des sites fermés (méningites, pleurésies).
B Surveillance de l’enfant sous antibiothérapie
1 Connaître les principaux effets indésirables
L’allergie à la pénicilline et aux céphalosporines est souvent surestimée.
Elle est trop souvent évoquée chez l’enfant devant la survenue de signes cutanés ou digestifs en cours de traitement, dont le lien de causalité avec la prise médicamenteuse est le plus souvent non démontré (voir chapitre 58).
2 Analyser les critères d’efficacité et les causes d’échec
Surveillance d’un enfant traité
D’une façon générale, l’efficacité d’un traitement est jugée sur la diminution voire la disparition des signes généraux (fièvre) et fonctionnels (douleur…) et, pour les infections les plus sévères, la diminution du syndrome inflammatoire biologique.
Les parents doivent être informés de l’évolution attendue sous traitement et des signes devant conduire à une nouvelle consultation.
Analyse des causes d’échec thérapeutique
Définition d’un échec thérapeutique :
*permanence des signes généraux (fièvre) et/ou des signes fonctionnels locaux;
*à 48–72 heures d’un traitement spécifique bien conduit;
*et confirmé éventuellement par la non-stérilisation des prélèvements bactériologiques locaux ciblés (par exemple, LCS).
Causes possibles de l’échec :
*pharmacologiques :
–défaut d’observance;
–défaut d’absorption (vomissements ou diarrhée aiguë);
–posologies insuffisantes ou inadaptées aux cibles tissulaires concernées;
*diagnostiques et/ou reliées à l’évolution :
–erreur diagnostique;
–microbiologie probabiliste inexactement évaluée;
–co-infection bactérienne et surtout virale;
–complication avec foyer infectieux clos (par exemple, pleurésie, abcès méningé).
Modifications de prise en charge à envisager :
*revoir le diagnostic initial et rechercher une complication;
*éducation thérapeutique vis-à-vis de la nécessité d’une bonne observance;
*substitution de l’antibiothérapie probabiliste initiale par un antibiotique ayant une meilleure diffusion au niveau des sites concernés;
*correction d’une antibiothérapie probabiliste inadaptée sur un mauvais pari initial (substitution d’une bêtalactamine par un macrolide en cas d’échec du traitement d’une pneumonie non compliquée supposée à pneumocoque);
*évacuation par drainage, s’il y a lieu, d’une collection purulente inaccessible à l’antibiotique : par exemple, drainage pleural en cas de pleurésie purulente, drainage articulaire ou osseux en cas d’infection ostéoarticulaire (arthrite septique, abcès intraosseux ou souspériosté), drainage d’abcès en cas de dermohypodermite profonde.
L’échec thérapeutique doit être distingué de la rechute définie par la réapparition après l’arrêt du traitement d’un syndrome infectieux lié à la même bactérie.
Durée de traitement et critères de guérison
La durée d’un traitement antibiotique est extrêmement variable selon le germe, la localisation infectieuse et le traitement. Elle peut être souvent considérée comme empirique.
On peut considérer comme seuls critères de guérison l’absence de rechute et de complications à l’arrêt du traitement.
Principes de prise en charge anti-infectieuse
A Bon usage des antibiotiques
1 Connaître les principales situations cliniques nécessitant une documentation microbiologique
Toutes les pathologies sévères de l’enfant et en particulier :
*méningites purulentes : examen du LCS, hémocultures;
*pyélonéphrites : (BU)/ECBU, hémocultures chez le jeune nourrisson ou en cas de sepsis;
*pneumonies nécessitant une hospitalisation : hémocultures;
*pleuropneumopathies : hémocultures; examen microbiologique du liquide pleural;
*septicémie, endocardite : hémocultures;
*infections ostéoarticulaires et des parties molles (tissus cutanés et profonds) : prélèvement in situ si possible, au minimum hémocultures pour les infections ostéoarticulaires.
Les autres pathologies infectieuses notamment des voies aériennes supérieures (OMA purulentes, rhinosinusites…) ne doivent conduire à une documentation microbiologique qu’en cas d’échecs renouvelés (par exemple, pour l’OMA purulente, paracentèse après deuxième substitution d’antibiotique).
2 Connaître l’impact écologique des anti-infectieux et les facteurs d’émergence de la résistance aux anti-infectieux
Malgré la baisse substantielle de leur consommation depuis le début des années 2000, la France reste l’un des pays les plus gros consommateurs d’antibiotiques. Les infections ORL en sont le principal motif de prescription. Les incertitudes du diagnostic entre infections virales et infections bactériennes sont, chez l’enfant, un déterminant majeur des prescriptions inutiles.
L’impact écologique s’appuie sur :
*la relation consommation/résistance : les données d’évolution les plus récentes sur les résistances acquises du pneumocoque aux bêtalactamines et aux macrolides ont été reliées à la réduction de leur prescription; des constatations identiques ont pu être portées vis-à-vis de la résistance de Streptococcus pyogenes aux macrolides;
*les conséquences du choix des antibiotiques sur l’ensemble des écosystèmes bactériens :
–digestifs : E. coli : l’évolution de sa résistance est largement attribuée à la surconsommation des antibiotiques prescrits pour traiter des infections respiratoires hautes et basses, surtout les céphalosporines (BLSE);
–respiratoires : pneumocoque;
–cutanées : S. aureus.
Facteurs d’émergence de résistances aux antibactériens :
*utilisation irrationnelle d’antibiotiques et automédication;
*mauvaise observance du traitement;
*recours à une antibiothérapie systématique devant tout épisode aigu fébrile chez l’enfant attribué par excès à une infection bactérienne.
L’impact écologique des anti-infectieux et les facteurs d’émergence de la résistance aux rares antibiotiques actuellement disponibles chez l’enfant doivent conduire à une surveillance continue des données épidémiologiques nationales et mondiales, susceptibles de dépister l’émergence et la résistance aux anti-infectieux habituellement utilisés, et d’évaluer le retentissement écologique de toute nouvelle molécule antibiotique prescrite.
Les meilleurs objectifs de restriction de prescription des antibiotiques s’inscrivent dans une politique d’antibiothérapie ciblée sur un diagnostic d’orientation clinique bien conduit (par exemple, diagnostic otoscopique rigoureux pour l’OMA purulente) parfois accompagné de tests simples (généralisation des tests de diagnostic rapide pour l’angine) intégrés au sein d’une démarche utilisant une règle de décision clinique.
3 Connaître les principales situations cliniques en infectiologie ne relevant pas d’une prescription d’anti-infectieux (antibiotiques)
Prescription d’antibiothérapie non recommandée en cas de :
*rhinopharyngite aiguë;
*otite congestive ou otite séreuse;
*angine aiguë à TDR négatif ou chez l’enfant d’âge < 3 ans;
*rhinosinusite maxillaire (signes bilatéraux diffus d’intensité modérée avec rhinorrhée séreuse, peu fébrile et même si durable);
*bronchiolite aiguë en l’absence de signe évocateur de surinfection microbienne;
*diarrhée aiguë liquidienne peu fébrile (cas le plus fréquent).
4 Connaître les principales résistances bactériennes
*S. pneumoniae et résistance aux bêtalactamines : modification quantitative et qualitative des protéines de liaison aux pénicillines (PLP), d’affinité diminuée aux bêtalactamines. Le niveau de résistance varie suivant les bêtalactamines et est corrélé à l’augmentation des CMI : l’amoxicilline et les C3G injectables ont une meilleure activité que les pénicillines G/V et les C2G/C3G orales.
*S. aureus et résistances :
–S. aureus est résistant à la pénicilline G et à l’amoxicilline par production d’une bêtalactamase (90 % des souches) : la sensibilité à l’amoxicilline est restaurée par un inhibiteur de bêtalactamase comme l’acide clavulanique;
–S. aureus est résistant à la méticilline (SARM) par production d’une PLP modifiée (PLP2a) qui a une affinité diminuée aux bêtalactamines : le SARM est résistant à toutes les bêtalactamines, sauf aux nouvelles céphalosporines « anti-SARM », comme la ceftaroline.
*Entérobactéries et résistance aux céphalosporines : bêtalactamases/céphalosporinases, en particulier à spectre étendu (BLSE).
5 Connaître les recommandations de prise en charge des enfants porteurs ou susceptibles de porter des bactéries hautement résistantes
Exemples de bactéries hautement résistantes (BHR) :
*entérocoques résistants à la vancomycine (ERV);
*entérobactéries productrices de carbapénémases (EPC).
Quels enfants et quel dépistage ?
*enfants ayant des antécédents d’hospitalisation dans les zones à risque au cours des 12 mois précédents ou ayant reçu des antibiothérapies multiples et prolongées;
*dépistage dès l’admission (écouvillonnage rectal ou prélèvement de selles).
Mesures d’isolement :
*jusqu’au retour des résultats des examens bactériologiques;
*chambre individuelle et précautions de contact :
–port de gants pour tout contact avec les liquides biologiques et change de couches;
–surblouse à usage unique lors des contacts avec l’enfant;
–hygiène des mains;
*spécificités pédiatriques :
–impliquer les parents dans les mesures d’isolement;
–difficultés d’isolement des enfants (incompréhension).
Mesures générales :
*signalement en interne (direction, CLIN) et aux autorités sanitaires (CCLIN, ARS, InVs) de tous les enfants (et familles) porteurs de BHR;
*renforcement d’isolement des enfants porteurs de BHR :
–sectorisation avec personnel dédié :
–des enfants « porteurs »;
–des sujets contacts (enfants pris en charge par la même équipe soignante que l’enfant porteur);
–sectorisation des nouveaux patients indemnes.
Objectifs :
*éviter la diffusion en France des bactéries jusqu’alors peu présentes;
*préserver l’efficacité de certains antibiotiques (vancomycine, carbapénèmes).
Conduite à tenir vis-à-vis des collectivités d’enfants
1 Rappels sur la transmission des maladies infectieuses
Les collectivités d’enfants (habituellement nombreux dans un espace plus ou moins restreint) favorisent la transmission des agents infectieux.
Étapes nécessaires à la transmission d’une maladie infectieuse :
*émission de l’agent pathogène par le sujet malade (secrétions respiratoires, selles, urines, sang) ou par une source environnementale;
*transmission au sujet sain, par voie directe (de personne à personne) ou indirecte (par objet contaminé);
*introduction de l’agent pathogène chez le sujet sain qui devient colonisé puis éventuellement infecté.
La période de contagion des maladies transmissibles peut contribuer à définir, s’il est nécessaire de l’évaluer, la durée d’exclusion (risque de transmission aux autres membres de la collectivité).
Les mesures préventives d’exclusion doivent être considérées de par leur spécificité vis-à-vis de leurs conséquences possibles chez les enfants à risques au sein de la collectivité (déficit immunitaire), ou ayant une pathologie à risques accrus par la transmission de la maladie infectieuse.
La survenue d’une maladie transmissible nécessite de renforcer les mesures d’hygiène appliquées au quotidien, et de lutter vis-à-vis de la survenue de cas secondaires ou épidémiques.
Recommandations générales
Données à retenir à propos des maladies transmissibles :
*la période de contagiosité est présente voire plus élevée encore avant le début des signes cliniques conduisant au diagnostic au cours de certaines pathologies (par exemple, rhinite précédant une bronchiolite);
*la fréquentation de la collectivité à la phase aiguë d’une maladie infectieuse n’est pas souhaitable, même en l’absence de recommandation officielle d’éviction;
*le retour d’un enfant malade en collectivité n’est sous-tendu à la prescription d’antibiotiques que dans de rares cas (infections à streptocoque du groupe A, coqueluche, shigelles).
Dans ces cas précités seulement, la collectivité peut exiger une preuve que l’antibiotique a bien été prescrit (copie d’ordonnance) ou des examens faisant preuve de la négativité des examens bactériologiques (Escherichia coli entérohémorragiques; shigelles).
La collectivité est, dans tous les autres cas, infondée à exiger des certificats de non-contagion que les médecins traitants doivent s’abstenir de rédiger.
3 Recommandations d’éviction
Certaines pathologies font l’objet d’une durée imposée d’éviction.
Le HCSP a révisé en 2012 le guide des maladies transmissibles en collectivité. Le tableau 28.1 présente les durées d’éviction d’un enfant malade.
Tableau 28.1
Durée d’éviction de certaines maladies infectieuses.
Angine non streptococcique Pas d’éviction
Angine streptococcique Éviction pendant 2 jours après le début de l’antibiothérapie
Bronchiolite, rhinopharyngite Pas d’éviction
Coqueluche Éviction pendant 5 jours après le début de l’antibiothérapie par macrolides (réduit à 3 jours avec l’azithromycine)
Gale commune Éviction 3 jours après le début du traitement
GEA à E. coli entérohémorragiques, GEA à shigelles Éviction jusqu’à présentation d’un certificat médical attestant de 2 coprocultures négatives à au moins 24 h d’intervalle (coprocultures effectuées au moins 48 h après l’arrêt de l’antibiothérapie)
Autres GEA virales ou non documentées, salmonelles mineures Pas d’éviction
Grippe saisonnière Pas d’éviction (vaccination recommandée des sujets à risque)
Gingivostomatite herpétique (HSV) Pas d’éviction (éviter le contact avec une dermatite atopique)
Impétigo étendu Éviction pendant 3 jours après le début de l’antibiothérapie (si indiquée) Pas d’éviction si lésions limitées, protégées
Méningite à méningocoque Éviction jusqu’à guérison clinique
Méningite à pneumocoque Pas d’éviction
Méningite virale Pas d’éviction
Mononucléose infectieuse Pas d’éviction
Oreillons Pas d’éviction
Otites Pas d’éviction
Pédiculose du cuir chevelu Pas d’éviction
Roséole (exanthème subit) Pas d’éviction
Rougeole Éviction pendant 5 jours après le début de l’éruption
Rubéole Pas d’éviction
Scarlatine Éviction pendant 2 jours après le début de l’antibiothérapie
Teigne du cuir chevelu Éviction jusqu’à présentation d’un certificat médical de non-contagiosité
Tuberculose Éviction jusqu’à présentation d’un certificat médical de non-contagiosité (non bacillifère)
Varicelle Pas d’éviction (avis médical pour les sujets à risque non immunisés)
Verrue vulgaire Pas d’éviction
VIH Pas d’éviction
Avant de commencer…
La fièvre est le symptôme le plus fréquent chez l’enfant, surtout chez le nourrisson.
Elle est habituellement définie comme une température ≥ 38 °C quel que soit l’âge.
La principale crainte devant un état fébrile aigu est l’infection bactérienne sévère. Les principales infections bactériennes sévères sont les pneumonies et pleuropneumonies, les méningites, les pyélonéphrites, les diarrhées invasives (glairosanglantes), les infections ostéoarticulaires (arthrites, ostéomyélites et ostéoarthrites), les dermohypodermites et, enfin, les bactériémies occultes (bactériémie sans point d’appel clinique infectieux).
Le risque d’infection bactérienne sévère est inversement proportionnel à l’âge :
*avant l’âge de 3 mois, l’examen clinique n’est pas suffisant et toute fièvre isolée est a priori suspecte d’infection bactérienne. L’attitude généralement admise est d’explorer, de surveiller en milieu hospitalier les plus jeunes (avant l’âge de 6 semaines) et de prescrire le plus souvent une antibiothérapie probabiliste, notamment aux nouveau-nés, en attendant d’avoir éliminé une cause bactérienne. La décision de traiter par antibiotiques (le plus souvent en milieu hospitalier) n’est pas systématique; elle sera conditionnée par l’évaluation du risque infectieux reposant sur la confrontation des données cliniques et des résultats des explorations complémentaires;
*après l’âge de 3 mois, les infections virales prédominent très largement. L’examen clinique oriente la prescription d’examens complémentaires, qui n’est plus systématique.
Dans tous les cas, le clinicien doit savoir identifier rapidement les situations d’urgence : signes cliniques de sepsis, gravité liée à l’étiologie ou à un terrain à risque.
Des troubles hémodynamiques reliés à un sepsis justifient un remplissage vasculaire urgent.
Pour bien comprendre
A Physiopathologie
L’homéothermie résulte d’un équilibre entre thermogenèse et thermolyse, régulé par un centre thermorégulateur situé dans l’hypothalamus antérieur.
L’élévation thermique répond à deux mécanismes parfois associés : la fièvre et l’hyperthermie.
La fièvre entraîne le déplacement vers le haut du point d’équilibre thermique, ce qui conduit l’hypothalamus antérieur à émettre des influx nerveux visant à augmenter la température centrale vers ce nouveau point d’équilibre. Il en résulte une vasoconstriction (diminuant la thermolyse) et des frissons (augmentant la thermogenèse).
L’hyperthermie peut (indépendamment de toute élévation du point d’équilibre thermique et donc de toute fièvre) être induite par une augmentation de la thermogenèse (exercices musculaires intenses) et/ou une diminution de la thermolyse (température extérieure élevée).
Méthodes de mesure de la température chez l’enfant
La fièvre est le symptôme le plus fréquent chez l’enfant.
La confirmation par le chiffrage de la température corporelle est alors indispensable.
La méthode de référence est le thermomètre électronique par voie rectale.
La voie buccale ou axillaire nécessite un temps de prise plus long, et a de plus l’inconvénient d’une sous-estimation fréquente (ajouter + 0,4 °C si voie buccale, + 0,5 °C si axillaire).
Le thermomètre à infrarouges par voie auriculaire et frontale présente l’avantage d’un temps de prise rapide, mais manque parfois de précision.
C Définition de la fièvre chez l’enfant
On parle de fièvre, quel que soit l’âge, si :
*élévation de la température corporelle au-dessus de 38 °C;
*chez un enfant normalement couvert, dans une température ambiante tempérée, en l’absence d’activité physique intense (HAS, 2016).
En pédiatrie, une fièvre est dite aiguë lorsqu’elle évolue depuis moins de 5 jours chez le nourrisson, et moins de 1 semaine chez l’enfant plus âgé. Au-delà, on parle de fièvre prolongée.
Ce qui distingue la fièvre aiguë du nourrisson de celle de l’adulte :
*la fréquence des causes virales bénignes (âge ≥ 3 mois);
*la durée seuil de 5 jours pour parler de fièvre aiguë (plus courte que chez l’adulte);
*les complications propres à l’état fébrile indépendamment de sa cause (crise fébrile);
*l’impact thérapeutique des mesures physiques (suppléments hydriques…).
Fièvre = T° ≥ 38 °C chez un enfant normalement couvert, dans une température ambiante tempérée, en l’absence d’activité physique intense (HAS, 2016).
II Conduite à tenir chez un enfant fébrile
A Identifier les situations d’urgence
1 Fièvre et signes potentiels de gravité
Le niveau de la température ne témoigne pas à lui seul de la gravité d’une fièvre.
De principe, la gravité d’un état fébrile s’évalue sur trois domaines (tableau 29.1) :
Tableau 29.1
Critères de gravité chez un nourrisson ou un enfant fébrile.
Signes de défaillance vitale Signes orientant vers une infection sévère Identification d’un terrain à risque d’infection sévère
Neurologiques :
–trouble de la conscience (Glasgow)
–trouble du comportement (cri plaintif, geignement)
Respiratoires :
–polypnée
–signes de lutte
–geignement expiratoire (grunting)
–SpO2 basse
Hémodynamiques :
–tachycardie
–TRC allongé
–pouls faible, filant
–extrémités froides
–coloration pâle, grise
–PAS abaissée
Signes de détresse respiratoire sévère (pneumonie, pleuropneumopathie)
Troubles hémodynamiques (sepsis)
Purpura (infection à méningocoque)
Érythème diffus (syndrome toxinique)
Syndrome méningé (méningite)
Anomalies du tonus et troubles de la conscience (méningite, encéphalite)
Douleurs à la mobilisation d’un membre (ostéoarthrite)
Selles glairosanglantes avec forte fièvre (diarrhée bactérienne) Âge (nouveau-né, nourrisson d’âge < 6 semaines)
Existence d’une pathologie connue :
–drépanocytose
–immunosuppression
–cathéter central
–affection chronique pulmonaire ou rénale, maladie systémique
Capacités de surveillance possiblement limitées de l’entourage
*les signes de défaillance vitale (neurologique, respiratoire et surtout hémodynamique);
*l’orientation clinique vers une étiologie a priori sévère;
*l’existence d’un terrain risque.
Alerte : teint gris, purpura, troubles hémodynamiques, détresse respiratoire ou neurologique.
Identifier un terrain à risque et des difficultés de surveillance de l’entourage.
Complications possiblement reliées à la fièvre
Les crises fébriles concernent 2 à 5 % des enfants (voir chapitre 52).
Une crise fébrile est définie comme : une crise convulsive occasionnelle, survenant en climat fébrile (la fièvre n’est pas indispensable au moment de la crise), chez un enfant âgé habituellement de 6 mois à 5 ans, dont le développement psychomoteur est normal, et en dehors de toute atteinte infectieuse (ou non) du SNC.
La déshydratation aiguë est très rare dans le contexte de fièvre isolée (sans troubles digestifs).
Le syndrome d’hyperthermie majeure est devenu exceptionnel.
B Conduire le diagnostic étiologique
1 Enquête clinique
Anamnèse
Caractéristiques de l’enfant :
*âge (nouveau-né, < 6 semaines, < 3 mois);
*antécédents d’infections sévères;
*facteurs de risque d’infection néonatale précoce (avant 7 jours de vie) :
–antécédent d’infection néonatale à SGB lors d’une précédente grossesse;
–prélèvement vaginal maternel positif pour le streptocoque du groupe B (S. agalactiae);
–fièvre maternelle en périnatal;
–prématurité;
–rupture de la poche des eaux > 12 heures;
*terrain à risque d’infection sévère (voir tableau 29.1);
*statut vaccinal.
Circonstances :
*contage infectieux;
*voyage récent en zone à risque infectieux particulier (épidémie, exposition au paludisme, bactéries multirésistantes, tuberculose…);
*antibiothérapie récente, chimiothérapie, vaccination récente.
Caractéristiques de la fièvre :
*début brutal ou progressif;
*signes d’appel clinique (avec leur chronologie) :
–comportement général, prise alimentaire;
–écoulement nasal, otalgie, odynophagie, toux;
–douleurs abdominales, vomissements, diarrhée;
–céphalées, signes fonctionnels urinaires, arthralgies, éruption cutanée;
*nombre de jours de fièvre.
Examen physique
*Constantes (à comparer aux valeurs normales pour l’âge) : voir chapitre 66.
*Examen complet sur un enfant totalement déshabillé (traquer un purpura).
*Signes cliniques d’infection sévère à rechercher activement à tout âge (voir tableau 29.1).
Enquête paraclinique
Rationnel
En l’absence de critère de gravité, la fièvre à elle seule ne justifie habituellement pas après l’âge de 3 mois de réaliser des examens complémentaires sauf en cas de persistance de la fièvre au-delà de 72 heures sans point d’appel (BU en premier lieu).
Le diagnostic étiologique est souvent relié à une cause bénigne virale, ne requérant qu’une simple surveillance en ambulatoire par les parents, sans nécessité d’enquête paraclinique.
L’examen clinique peut parfois orienter; un bilan ciblé pourra être indiqué (BU en cas de signes fonctionnels urinaires, TDR SGA en cas d’angine après l’âge de 3 ans).
Cette décision pourra être réévaluée selon les modalités évolutives de la fièvre et des signes d’accompagnement pouvant justifier d’une nouvelle consultation et d’examens complémentaires orientés. Une fièvre devenant prolongée nécessite un minimum d’investigations dans le but de préciser le diagnostic et orienter le traitement.
Bilan en cas de critères de gravité chez un enfant fébrile (voir tableau 29.1)
Le plus souvent :
*bilan inflammatoire : NFS-plaquettes; CRP ou PCT selon la situation;
*BU (ECBU avant 1 mois);
*± tests antigéniques virologiques en période épidémique (VRS, grippe, SARS-Cov-2…).
Selon les cas :
*radiographie du thorax de face en cas de signe évocateur de pneumonie;
*prélèvements bactériologiques orientés selon les situations (TDR strepto A en cas d’otorrhée ou d’angine, coproculture en cas de suspicion de diarrhée invasive, prélèvement d’écoulement purulent cutané…);
*hémoculture(s) en cas de sepsis ou chez le nourrisson d’âge < 6 semaines;
*examen du LCS (chez un patient stabilisé sur le plan hémodynamique, respiratoire et neurologique) en cas de signes de méningite ou au moindre doute avant l’âge de 6 semaines (sémiologie de la méningite parfois difficile à interpréter);
*frottis-goutte épaisse en cas de retour de zone paludéenne.
En pratique, avant l’âge de 6 semaines, des examens complémentaires sont ainsi systématiquement prescrits, sauf rares exceptions telles qu’une fièvre bien tolérée de survenue récente chez un enfant ayant une bronchiolite aiguë sans signe de gravité.
Cas habituel : examen(s) complémentaire(s) orienté(s) uniquement par la clinique.
Critères de gravité : enquête paraclinique systématique.
Prise en charge thérapeutique
A Orientation de l’enfant
1 Orientation
La figure 29.1 synthétise la stratégie d’orientation initiale face à une fièvre aiguë de l’enfant.
Hospitalisation selon contexte clinique et enquête paraclinique :
*enfant ayant un terrain à risque d’infection sévère;
*signes cliniques ou biologiques évocateurs d’une infection sévère;
*pathologie retrouvée nécessitant un traitement et/ou une surveillance en milieu hospitalier.
Indications d’antibiothérapie urgente devant une fièvre sans diagnostic précis :
*systématique : sepsis ou choc septique, neutropénie fébrile chez un sujet immunodéprimé;
*à discuter selon contexte (âge, contage, résultat du bilan) : autres situations ou terrains à risque.
2 Connaître les conditions d’une prise en charge ambulatoire
La prise en charge d’une fièvre aiguë bénigne, situation la plus fréquente chez un enfant non à risque, est ambulatoire.
Il convient d’évaluer la compréhension de la prescription par la famille, les possibilités de traitement symptomatique (notamment la nuit), en informant qu’une maladie virale peut entraîner une fièvre susceptible de durer jusqu’à 3 voire 5 jours.
Il faut également transmettre à la famille, sans l’alarmer, les signes de gravité devant conduire à une nouvelle consultation urgente : anomalies du teint, anomalies des cris, pleurs inconsolables, troubles de la conscience, troubles hémodynamiques ou signes de détresse respiratoire. Il est recommandé d’écrire ces informations sur l’ordonnance remise aux parents.
Prise en charge symptomatique d’une fièvre
1 Connaître les indications du traitement symptomatique
Le traitement d’un état fébrile aigu doit avoir pour objectifs :
*le confort de l’enfant avant tout :
–récupération d’un bon contact avec l’environnement;
–capacité aux jeux et aux activités, reprise de l’appétit;
*la réduction d’une douleur éventuelle associée.
Ce traitement symptomatique ne « masquera » pas la fièvre et ne gênera pas l’évaluation du suivi de l’épisode fébrile. Il peut être complété si nécessaire par un traitement étiologique probabiliste. Il n’a pas pour but le retour à l’apyrexie ou la prévention des crises fébriles.
Connaître ses principales modalités
Méthodes physiques
Elles reproduisent les échanges que l’organisme met en jeu avec le milieu extérieur pour assurer sa régulation thermique : déshabillage (radiation), boissons fraîches (conduction), brumisation (évaporation), ventilateurs (convection).
Trois mesures simples sont à proposer :
*donner à boire aussi souvent que possible (notamment la nuit);
*ne pas surcouvrir l’enfant;
*ne pas surchauffer la pièce environnante.
Les autres méthodes (bains tièdes, enveloppements humides…) sont abandonnées car source d’inconfort.
Traitement médicamenteux
Le paracétamol doit être privilégié pour traiter les états fébriles. Son objectif est le confort de l’enfant et non la baisse du chiffre de température.
La voie orale est la règle. Sa posologie est de 60 mg/kg par jour à répartir en 4 ou 6 prises (délai
minimal de 4 heures entre deux prises).
Ses effets indésirables sont rares. Il n’a qu’un faible risque d’interaction médicamenteuse.
Deux AINS sont cités dans les recommandations de la HAS pour le traitement des affections fébriles : l’ibuprofène après 3 mois, le kétoprofène après 6 mois. L’ibuprofène est la molécule prescrite en pratique. Sa posologie est de 20–30 mg/kg par jour en 4 prises.
Leur prescription est contre-indiquée en cas de varicelle et à éviter en cas d’infection pulmonaire ou ORL sévère, d’infection cutanée ou des tissus mous, ou en cas de risque de déshydratation.
L’aspirine (acide acétylsalicylique) n’est pas indiquée pour le traitement de confort de l’enfant fébrile. Elle partage avec l’ibuprofène les effets indésirables des AINS (allergiques, digestifs et rénaux) mais, surtout, on lui attribue un risque de syndrome de Reye en cas de grippe et de varicelle, ce qui justifie sa contre-indication absolue dans ces deux situations.
3 Prescrire un traitement symptomatique en pratique
Une monothérapie par paracétamol et par voie orale doit être privilégiée pendant les 24 premières heures (HAS, 2016).
Il est indispensable d’avoir recours à des formes galéniques adaptées à l’enfant, avec utilisation de posologies unitaires aisément administrables, actuellement facilitées par des systèmes gradués (pipettes graduées en kg de poids).
La posologie unitaire orale est : 15 mg/kg (ou dose « poids en kg »), sans omettre si nécessaire et selon l’inconfort de l’enfant, une prise nocturne.
L’ibuprofène ne doit pas être prescrit de manière systématique.
Selon les recommandations de la HAS, un inconfort persistant malgré un traitement bien conduit pendant au moins 24 heures nécessite une réévaluation médicale, qui seule peut juger du bien-fondé de la substitution éventuelle du médicament antipyrétique (prescrit) ou d’une association (de deux molécules).
Objectif du traitement symptomatique de l’état fébrile aigu = confort de l’enfant.
Suppléments hydriques, ne pas surcouvrir l’enfant ni surchauffer la pièce.
En première intention : paracétamol par voie orale en monothérapie.
Avant de commencer…
Les rhinopharyngites sont les infections virales bénignes les plus fréquentes à l’âge préscolaire.
Elles induisent toutefois de nombreuses prescriptions antibiotiques inappropriées.
Elles doivent bénéficier en pratique le plus souvent d’un seul traitement symptomatique bien conduit.
I Pour bien comprendre
A Épidémiologie
La rhinopharyngite est définie comme une atteinte inflammatoire du pharynx (cavum) et des fosses nasales.
C’est une affection bénigne et fréquente, première pathologie infectieuse et première cause de consultation en pédiatrie, notamment à l’âge préscolaire.
Cette pathologie infectieuse est exclusivement d’origine virale.
Les principaux virus sont : rhinovirus, coronavirus, virus respiratoire syncytial (VRS), influenza-virus (grippe) et parainfluenzavirus.
La contamination est principalement interhumaine par voie aérienne. La contagiosité est importante. La durée d’incubation est brève (48–72 heures).
Rappels anatomiques et immunologiques
Chez le nouveau-né et le jeune nourrisson, la ventilation est quasi exclusivement nasale (jusqu’à l’âge de 6–12 semaines).
L’anatomie fonctionnelle explique l’atteinte concomitante des muqueuses nasosinusiennes et rhinopharyngées chez l’enfant.
À la naissance, l’enfant a un développement immunitaire incomplet et bénéficie d’une protection partielle par les immunoglobulines maternelles.
L’exposition répétée des fosses nasales aux antigènes de l’environnement induit une hypertrophie physiologique des végétations adénoïdes, reflétant ainsi la maturation immunitaire.
Jusqu’à environ 7 ans, l’enfant peut développer plusieurs épisodes annuels de rhinopharyngite aiguë, témoignant de son exposition et permettant une adaptation immunitaire aux antigènes de l’environnement. Les végétations adénoïdes involuent ensuite spontanément, pour disparaître totalement à l’âge adulte.
Rhinopharyngite : affection virale fréquente et bénigne.
Nouveau-né : respiration quasi exclusivement nasale.
I Diagnostiquer une rhinopharyngite
A Diagnostic clinique
1 Rhinopharyngite non compliquée
Tableau clinique typique :
*rhinite :
–écoulement nasal antérieur ou postérieur, avec obstruction susceptible d’entraîner une gêne alimentaire chez le nouveau-né et le jeune nourrisson;
–toux, parfois émétisante;
*pharyngite (muqueuse rouge ± œdémateuse);
*signes associés inconstants :
–fièvre généralement modérée (< 38,5 °C);
–adénopathies sous-angulo-maxillaires bilatérales;
–otite congestive (fréquente, d’origine virale).
2 Complications possibles
Principales complications bactériennes :
*otite moyenne aiguë (OMA) purulente;
*conjonctivite purulente;
*sinusite aiguë (plus rare).
Le caractère puriforme de la rhinorrhée et l’existence d’une fièvre (dans les délais normaux d’évolution) ne sont pas synonymes d’infection ou de surinfection bactérienne.
Enquête paraclinique
Le diagnostic de rhinopharyngite est exclusivement clinique.
Aucun examen complémentaire n’est habituellement utile.
Aucune recherche bactériologique ou virologique sur le sérum ou les sécrétions nasales n’est indiquée en l’absence de données cliniques faisant craindre une complication bactérienne sévère ou un autre diagnostic.
Examiner les tympans en cas de rhinopharyngite aiguë. Distinguer otite congestive et OMA purulente. Pas de prescription d’examen complémentaire.
I Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi de l’enfant
A Orientation
Il s’agit d’une pathologie bénigne, de prise en charge en ambulatoire.
Aucune mesure d’isolement spécifique n’est requise.
L’éviction d’une collectivité d’enfants n’est pas obligatoire. Sa fréquentation n’est cependant pas souhaitable durant la phase aiguë de l’infection (recommandations HCSP).
B Prise en charge thérapeutique
1 Généralités
La rhinopharyngite répond au seul traitement symptomatique :
*désobstruction rhinopharyngée (DRP);
*prise en charge de l’état fébrile (si inconfort).
Une antibiothérapie par voie générale ou locale n’est pas justifiée.
2 Désobstruction rhinopharyngée
Le lavage des fosses nasales se fait avec du sérum physiologique (voir encadré 56.1 au chapitre 56).
Toute prescription d’autres médicaments est le plus souvent inutile.
Les antitussifs, expectorants et fluidifiants sont contre-indiqués chez le nourrisson.
Les vasoconstricteurs par voie nasale ou générale sont contre-indiqués avant l’âge de 15 ans.
3 Rares indications de l’antibiothérapie
Elle n’est réservée qu’aux cas de complication bactérienne :
*OMA purulente;
*certaines formes de sinusite maxillaire, ethmoïdite aiguë.
Traitement principal = désobstruction rhinopharyngée avec du sérum physiologique.
Antibiothérapie : indiquée uniquement en cas de complication bactérienne avérée.
C Suivi de l’enfant
La récidive des épisodes est liée à la multiplicité des virus responsables et au risque de contamination. Ces récidives correspondent habituellement à des évolutions non compliquées et s’intègrent parmi les phénomènes de maturation immunitaire de l’enfant.
Avant de commencer…
L’angine est une infection des amygdales palatines voire de l’ensemble du pharynx.
Les angines érythémateuses et érythématopultacées seront particulièrement détaillées dans ce chapitre.
On distingue :
*les angines virales (majoritaires);
*les angines bactériennes (dues au streptocoque du groupe A).
Le diagnostic positif d’angine est clinique.
Seul l’examen microbiologique (TDR streptocoque du groupe A) réalisé en pratique courante à partir de l’âge de 3 ans permet de confirmer ou d’infirmer l’étiologie bactérienne, et de porter ainsi une indication justifiée et rationnelle d’antibiothérapie.
La prise en charge des angines bactériennes repose sur l’amoxicilline pendant 6 jours.
Une éviction obligatoire de la collectivité d’enfants est indiquée jusqu’à 48 heures d’antibiothérapie.
Pour bien comprendre
A Définitions
La pharyngite est une inflammation de l’oropharynx.
L’angine (ou amygdalite) est une infection douloureuse et fébrile des amygdales.
Il existe quatre formes anatomocliniques d’angines (voir tableau 31.2) :
Tableau 31.2
Autres formes anatomocliniques d’angines.
Angines pseudo-membraneuses Mononucléose infectieuse
–Enfant et adolescent
–Fausses membranes non adhérentes
–Respect de la luette
–Adénopathies cervicales postérieures
–Splénomégalie
Diphtérie
–Pays avec calendrier vaccinal sans DTP
–Fausses membranes adhérentes
–Envahissement de la luette et du pharynx postérieur
–Adénopathies sous-angulo-maxillaires
Angines vésiculeuses Primo-infection herpétique
–Âge habituel entre 1 à 4 ans
–Vésicules sur muqueuse inflammatoire
–Gingivostomatite aiguë (voir fig. 38.12 au chapitre 38)
–Ulcérations avec dysphagie majeure
–Adénopathies sous-angulo-maxillaires
Infection à entérovirus
–Âge habituel entre 1 à 7 ans, épidémies estivales
–Vésicules en région amygdalienne (herpangine)
–Vésicules pharyngées et extrémités (syndrome pied-main-bouche)
Angines ulcéronécrotiques Agranulocytose, hémopathies
–Tout âge, imputabilité d’un médicament
–Syndrome d’insuffisance médullaire
–Douleurs osseuses, hépatosplénomégalie
Angine de Vincent
–Mauvaise hygiène buccodentaire
–Haleine fétide, odynophagie latéralisée
–Ulcération profonde et membranes grisâtres
–Caractère unilatéral
*les angines érythémateuses ou érythématopultacées;
*les angines pseudo-membraneuses;
*les angines vésiculeuses;
*les angines ulcéronécrotiques.
Les angines érythémateuses ou érythématopultacées sont le point clé de cet item.
Les autres formes d’angine sont très rares chez l’enfant. Un court rappel de leurs particularités cliniques est proposé dans le § IV. Annexe.
Épidémiologie des angines érythémateuses et érythématopultacées
Le pic d’incidence se situe entre les âges de 5 et 15 ans.
Les angines sont, avec les otites, les infections ORL les plus fréquentes chez l’enfant.
On distingue les angines virales et les angines bactériennes.
Les angines virales sont les plus fréquentes : adénovirus, influenzavirus et parainfluenzavirus, VRS, entérovirus, virus d’Epstein-Barr (EBV)…
Les angines bactériennes sont liées avant tout à Streptococcus pyogenes = streptocoque β-hémolytique du groupe A (SGA), et représentent en moyenne 40 % des angines aiguës de l’enfant après 3 ans.
Seule une angine bactérienne à SGA justifie d’une antibiothérapie active du fait du risque de complications post-streptococciques.
D’autres bactéries isolées dans les prélèvements de gorge des enfants atteints d’angines n’ont habituellement aucun rôle pathogène démontré : Haemophilus influenzae non typable et H. parainfluenzae, Moraxella catarrhalis, pneumocoque, staphylocoque, anaérobies…
Le SGA est constamment sensible à l’amoxicilline. Le pourcentage des souches de SGA résistantes aux macrolides est faible (3 % en 2011).
Les angines streptococciques ne sont habituellement authentifiées qu’après l’âge de 3 ans.
Physiopathologie, anatomie
La figure 31.1 représente une vue anatomique de l’oropharynx en bouche ouverte.
Diagnostiquer une angine
A Enquête clinique
1 Faire le diagnostic positif d’angine
Données anamnestiques utiles :
*âge de l’enfant;
*existence d’une fièvre ± élevée;
*appréciation de l’odynophagie ± diminution de la prise alimentaire;
*contexte viral, contage d’angine (entourage familial, collectivité).
Tableau clinique typique associant :
*fièvre de niveau variable;
modifications de l’aspect de l’oropharynx : amygdales congestives (fig. 31.2A), ± enduit blanchâtre détachable à l’abaisse-langue (fig. 31.2B);autres signes inconstants : adénopathies cervicales sensibles.
2 Orientation étiologique
Certains arguments cliniques peuvent orienter (tableau 31.1).
Arguments cliniques évocateurs d’une angine virale et d’une angine à SGA.
Angine virale Angine à SGA
Épidémiologie
–Épidémie, contage
–À tout âge
–Contage
–3 à 15 ans (pic : 5 ans)
Anamnèse
–Début progressif
–Fièvre variable
–Odynophagie modérée
–Début brutal
–Fièvre élevée
–Odynophagie intense
Clinique
–Aspect érythémateux ± vésicules
–± Toux, rhinorrhée, myalgies
–± Conjonctivite, éruption cutanée
–Érythème pharyngé intense, purpura du voile
–± Douleurs abdominales, vomissements
–± Adénopathies sensibles
Le score de Mac Isaac, décrit chez l’adulte, n’est pas validé chez l’enfant.
Enquête paraclinique
1 Généralités
Le diagnostic positif d’angine est clinique.
Seul l’examen microbiologique (TDR pour le streptocoque du groupe A en pratique courante, plus rarement la mise en culture d’un prélèvement de gorge amygdalien) permet de confirmer l’étiologie bactérienne et de porter l’indication justifiée de l’antibiothérapie.
2 Examens microbiologiques
Test de diagnostic rapide pour le streptocoque du groupe A
Cet examen est de réalisation simple en consultation médicale et consiste en un écouvillonnage sur la face interne des amygdales, avec un résultat obtenu en moins de 5 minutes (fig. 31.3).Ce test diagnostique repose sur la mise en évidence des antigènes de paroi (polysaccharide C) de Streptococcus pyogenes (SGA).
Le TDR pour le streptocoque du groupe A est recommandé pour tous les enfants âgés de plus de 3 ans ayant un diagnostic clinique d’angine. Avant l’âge de 3 ans, le diagnostic d’angine est rare et le plus fréquemment d’origine virale.
Culture du prélèvement pharyngé
La culture à visée diagnostique du prélèvement pharyngé n’est plus réalisée en pratique.
Son résultat n’est en effet obtenu qu’au terme d’un délai de 1 à 2 jours.
Elle est éventuellement utile dans deux situations (chez l’enfant d’âge ≥ 3 ans) :
*échec thérapeutique à 72 heures d’évolution;
*négativité du TDR et facteurs de risque de rhumatisme articulaire aigu (RAA), c’est-à-dire en France aujourd’hui, essentiellement les patients ayant un antécédent de RAA.
Aucune donnée clinique ne permet d’affirmer l’origine bactérienne ou non d’une angine.
TDR pour le SGA en cas d’angine chez un enfant à partir de l’âge de 3 ans.
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi de l’enfant
A Orientation
Il s’agit d’une pathologie le plus souvent bénigne, de prise en charge en ambulatoire.
Les indications d’hospitalisation sont exceptionnelles et reliées à la gravité d’éventuelles complications.
Un avis spécialisé ORL n’est nécessaire qu’en cas de complications locorégionales (rares).
Une éviction d’une collectivité d’enfants est obligatoire jusqu’à 48 heures d’antibiothérapie en cas d’angine bactérienne à SGA (recommandations du HCSP).
B Antibiothérapie par voie générale
1 Généralités
Seule l’antibiothérapie au cours des angines érythémateuses et érythématopultacées est détaillée dans ce chapitre. La prise en charge thérapeutique des autres angines n’est pas traitée ici.
2 Recommandations actuelles pour l’angine à SGA
Qui traiter ?
L’antibiothérapie est indiquée pour les angines bactériennes avec TDR positif pour le streptocoque du groupe A (réalisé chez les enfants âgés de plus de 3 ans).
Un TDR pour le streptocoque du groupe A négatif conduit à considérer l’étiologie de l’angine comme très probablement virale. L’antibiothérapie est alors inutile. Aucun contrôle systématique par culture n’est justifié (à l’exception des sujets à haut risque de RAA).
Comment traiter ?
L’antibiothérapie de première intention est l’amoxicilline 50 mg/kg par jour (sans dépasser 2 g) en 2 prises per os pendant une durée de 6 jours.
En cas d’allergie aux pénicillines (éventualité rare) sans contre-indication aux céphalosporines, il peut être prescrit l’une des céphalosporines orales : cefpodoxime-proxétil pendant 5 jours, céfuroxime-axétil pendant 4 jours.
En cas de contre-indication à l’ensemble des bêtalactamines (éventualité exceptionnelle), il peut être prescrit un macrolide (sans nécessité de pratiquer un prélèvement bactériologique) : azithromycine pendant 3 jours, clarithromycine pendant 5 jours.
L’intérêt du recours à une antibiothérapie par voie locale n’est pas démontré.
Antibiothérapie de première intention pour une angine à SGA : amoxicilline per os pendant 6 jours.
Mesures symptomatiques
Le traitement antalgique repose sur le paracétamol.
Ni les AINS ni les corticoïdes ne sont recommandés en l’absence de données permettant d’établir leurs bénéfices, alors que leurs risques de complications locales sont notables.
D Suivi de l’enfant
1 Suivi immédiat
La guérison est habituelle en quelques jours : régression des signes généraux (fièvre) et fonctionnels (odynophagie).
La persistance des symptômes à 72 heures doit conduire à réexaminer l’enfant et à pratiquer un nouveau prélèvement microbiologique (TDR et/ou culture pharyngée).
2 Échec de l’antibiothérapie initiale et complications
Échec de l’antibiothérapie initiale
Il convient de rechercher à l’examen une complication de l’angine à SGA.
La culture du prélèvement pharyngé peut être utile pour obtention d’un antibiogramme et vérification de l’absence de résistance de la souche de SGA à l’antibiotique utilisé.
Causes d’échec d’éradication du SGA dans le traitement des angines :
*mauvaise compliance au traitement;
*interférence bactérienne : destruction de l’amoxicilline par des bêtalactamases produites par des bactéries de la flore pharyngée; diminution de l’effet barrière de la flore assurant la protection de la recolonisation par un SGA;
*réinfection à partir de l’entourage en fin de traitement.
Complications
Complications locorégionales (avant tout, mais rares), à rechercher devant des signes tels que trismus, torticolis, odynophagie sévère :
phlegmon péri-amygdalien : asymétrie pharyngée avec médialisation d’une amygdale, voussure inflammatoire du pilier antérieur et/ou du voile et déviation de la luette vers le côté opposé (fig. 31.4);abcès rétropharyngé ou parapharyngé.
Complications générales (exceptionnelles) :
*contamination d’un sujet à risque (varicelle) par un SGA;
*septicémie et localisations secondaires variées dont pleuropneumonies, fasciite nécrosante;
*choc toxinique streptococcique;
*syndromes post-streptococciques, devenus exceptionnels dans les pays industrialisés : RAA, glomérulonéphrite aiguë.
Documentation bactériologique par culture pharyngée si échec du traitement antibiotique.
Toujours penser à un abcès rétropharyngé ou parapharyngé en cas de torticolis fébrile.
Complications post-streptococciques : exceptionnelles dans les pays industriels.
Avant de commencer…
L’OMA (otite moyenne aiguë) purulente est le point clé de cet item en pédiatrie.
Il s’agit de l’infection bactérienne la plus fréquente chez le nourrisson, compliquant souvent les rhinopharyngites (à distinguer de l’otite congestive également fréquemment associée à celles-ci).
Le diagnostic d’OMA purulente est :
*suspecté essentiellement sur l’otalgie :
–exprimée directement par les enfants les plus âgés;
–manifestée par des cris inhabituels, des troubles du sommeil chez les nourrissons;
*associé à des signes généraux (fièvre, parfois signes digestifs);
*confirmé par l’examen otoscopique : congestion + épanchement (extériorisé ou non).
L’antibiothérapie est systématique au cours des OMA purulentes chez l’enfant d’âge < 2 ans, ainsi que chez l’enfant plus âgé en cas de symptomatologie bruyante (otalgie intense, fièvre élevée).
I Pour bien comprendre
A Définitions
1 Otalgie
Une otalgie caractérise une douleur localisée à l’oreille.
Elle n’est pas toujours liée à une affection de l’oreille : otalgie réflexe suite à une pathologie buccopharyngée (pharyngite, angine, poussée dentaire), bouchon de cérumen.
Le terme d’otodynie est utilisé lorsque l’otalgie est liée à une affection de l’oreille (moyenne, externe).
2 Otorrhée
Une otorrhée est un écoulement de liquide clair ou purulent provenant du conduit auditif externe, témoin d’une affection de l’oreille, le plus souvent d’origine infectieuse, telles qu’une otite externe ou une otite moyenne aiguë purulente avec perforation spontanée du tympan.
3 Otite
Une otite est une inflammation aiguë ou chronique de l’oreille. Il est important de bien les différencier dans le descriptif clinique (carnet de santé) car la prise en charge d’épisodes récurrents ne sera pas la même selon qu’il s’agit d’otites externes, congestives, moyennes aiguës ou séromuqueuses.
L’otite externe est une infection de la peau du conduit auditif externe favorisée par la macération ou des lésions prurigineuses avec grattage.
L’otite congestive est définie par une congestion tympanique (inflammation avec rougeur, hypervascularisation) sans épanchement de l’oreille moyenne. Elle est bénigne, le plus souvent d’origine virale, souvent associée à une rhinopharyngite (voir chapitre 30), d’évolution spontanément résolutive mais aussi susceptible d’évoluer vers un tableau d’OMA purulente.
L’otite moyenne aiguë (OMA) purulente correspond à une surinfection bactérienne de l’oreille moyenne, avec épanchement rétrotympanique purulent (extériorisé avec otorrhée suite à une perforation tympanique, ou non extériorisé). Le caractère aigu est lié à la brutalité du début de la symptomatologie.
L’otite séromuqueuse (OSM) est caractérisée par un épanchement rétrotympanique chronique sans inflammation tympanique, indolore. Elle peut faire suite à une OMA et se résoudre spontanément. Si elle est observée à deux reprises et à au moins 3 mois d’intervalle, elle peut justifier d’une prise en charge, d’autant plus si elle entraîne une surdité de transmission.
Toute otalgie n’est pas une otite. Toute otite n’est pas purulente.
Épidémiologie des OMA purulentes
Le pic d’incidence des OMA purulentes se situe entre les âges de 6 et 24 mois.
Les deux principales bactéries responsables des OMA purulentes du nourrisson sont :
*Streptococcus pneumoniae (pneumocoque);
*Haemophilus influenzae non typable.
La vaccination pneumococcique conjuguée à 13 valences des nourrissons a fortement contribué à réduire les OMA purulentes liées aux sérotypes de pneumocoques inclus dans ce vaccin ainsi que les otites complexes ou récidivantes.
Remarque : Le vaccin capsulaire conjugué anti-Haemophilus influenzae b (Hib, contenu dans le vaccin hexavalent) n’a aucune activité contre les souches d’Haemophilus influenzae non capsulés (et donc non typables) responsables des OMA.
Les virus respiratoires sont aussi très souvent en cause, soit isolément, soit en association avec des bactéries.
Germes de l’OMA purulente : pneumocoque, Haemophilus influenzae non typable, virus.
C Physiopathologie
L’inflammation du rhinopharynx dans un contexte de rhinopharyngite virale est responsable d’un trouble de la perméabilité tubaire et, ainsi, d’une dépression de l’oreille moyenne, avec inflammation de la muqueuse de l’oreille moyenne responsable de l’otite congestive.
L’OMA purulente est une surinfection bactérienne de l’oreille moyenne par contiguïté avec la trompe auditive (trompe d’Eustache).
Diagnostiquer une otite
A Diagnostic clinique
1 Suspicion sur des signes d’appel
Signes d’appel en fonction des types d’otite : tableau 32.1.
Tableau 32.1
Signes d’appel en fonction des types d’otite.
Otite congestive et OMA purulente
–Mode de début brutal
–Signes fonctionnels :
*otalgie exprimée (à partir de l’âge de 3 ans)
*et/ou équivalents : irritabilité, pleurs, insomnie (nourrisson)
–Signes généraux :
*fièvre, réduction de l’appétit
*± vomissements alimentaires, selles liquides, douleurs abdominales
Otite séromuqueuse
–Hypoacousie :
*non-réponse à l’appel, pauvreté du langage
*volume sonore de la télévision, difficultés scolaires
–Apyrexie
Otite externe
–Otalgie
–Otorrhée
–Apyrexie
2 Confirmation par l’examen otoscopique
Modalités techniques
Seul un examen otoscopique de bonne qualité permet à lui seul d’affirmer le diagnostic d’otite et de différencier les différents types d’otite (fig. 32.1). Cet examen doit débuter à titre de référence par l’oreille présumée saine.Dans l’otite externe, l’otalgie est provoquée à la palpation du tragus ou lors de la traction du pavillon de l’oreille. L’introduction de l’ostoscope est souvent douloureuse.
Éléments de sémiologie à analyser lors de l’otoscopie :
*l’aspect de la membrane tympanique :
–quasi transparente, de coloration grisée = aspect normal –inflammatoire, intacte ou perforée = aspect pathologique;
*le relief du manche du marteau visualisé en son milieu oblique en bas et en arrière; avec à sa pointe inférieure :
–le triangle lumineux (reflet de la lumière de l’otoscope sur la membrane);
–ce qu’on peut deviner de l’oreille moyenne (éventuel épanchement liquidien, purulent…).v
Aspects otoscopiques des otites
Le diagnostic d’otite congestive (fig. 32.3) correspond à un aspect inflammatoire du tympan (hypervascularisation, à différencier d’une hyperémie transitoire du tympan en cas de fièvre ou de pleurs) sans épanchement rétrotympanique.Le diagnostic d’OMA purulente (fig. 32.4) est porté sur un aspect inflammatoire du tympan avec épanchement rétrotympanique, extériorisé (otorrhée) ou non extériorisé avec collection (opacité rétrotympanique, effacement des reliefs et/ou bombement du tympan, disparition du triangle lumineux).Le diagnostic d’otite séromuqueuse (fig. 32.5) est porté devant un épanchement rétrotympanique sans inflammation franche, donnant un aspect caractéristique avec un tympan ambré, mat et rétracté, associé à un niveau liquidien ou à des bulles d’air.Le diagnostic d’otite externe est confirmé devant un aspect inflammatoire, très douloureux et œdématié du conduit auditif externe, souvent recouvert de sécrétions plus ou moins abondantes, rendant le tympan difficile à visualiser.
Synthèse
Une synthèse des types d’otites est proposée tableau 32.2.
Tableau 32.2
Tableau comparatif des différents types d’otites.
Inflammation tympanique Épanchement rétrotympanique Otorrhée
Otite congestive + Non Non
OMA purulente + Oui : abondant et opaque Oui (si perforation tympanique) : purulente (fig. 32.6)
Otite séromuqueuse – Oui : séreux plus ou moins épais Non, sauf si aérateurs transtympaniques
Otite externe – Non
Otoscopie difficile si sécrétions abondantes Oui
Caractéristiques cliniques reliées préférentiellement à certaines bactéries :
*otite hyperalgique et hyperthermique → pneumocoque;
*syndrome otite-conjonctivite (SOC) purulente → H. influenzae non typable.
Paramètres : signes fonctionnels, inflammation et épanchement tympaniques (otoscopie), otorrhée.
Enquête paraclinique
1 Généralités
Le diagnostic d’otite est clinique et il est confirmé par l’examen otoscopique.
Aucun examen complémentaire n’est nécessaire en cas d’OMA purulente non compliquée.
2 Indications d’explorations complémentaires
Paracentèse
La paracentèse (ou myringotomie) est une technique pouvant permettre l’évacuation d’un épanchement rétrotympanique et l’analyse de son contenu (identification d’une bactérie et évaluation de sa résistance).
Son indication est devenue exceptionnelle et ne concerne que les OMA purulentes collectées, dans certains contextes :
*terrain particulier (écologie bactérienne spécifique) : âge ≤ 3 mois, immunosuppression;
*deuxième échec thérapeutique d’une antibiothérapie bien conduite;
*complication : mastoïdite, paralysie faciale;
*OMA purulente hyperalgique résistant à un traitement antalgique bien conduit.
Imagerie
Seules les complications d’une OMA purulente peuvent justifier une imagerie.
Explorations fonctionnelles auditives
Elles ne sont utiles qu’en cas d’otite séromuqueuse (voir chapitre 4) ou dans le cas exceptionnel d’une labyrinthite sur OMA.
Explorations complémentaires : rarement indiquées.
III Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi de l’enfant
A Orientation
Il s’agit d’une pathologie le plus souvent bénigne, de prise en charge en ambulatoire.
Les indications d’hospitalisation sont restreintes aux formes compliquées.
Un avis spécialisé ORL est rarement nécessaire sauf si :
*indication à une paracentèse;
*complications locorégionales (très rares);
*otite séromuqueuse compliquée d’un retentissement auditif ou d’un cholestéatome.
B Antibiothérapie
1 Généralités
Les otites congestives, les otites séromuqueuses et les otites externes ne requièrent pas d’antibiothérapie par voie générale.
L’antibiothérapie locale est limitée aux otites externes, aux otites chroniques sur tympan ouvert et aux otorrhées purulentes sur aérateurs transtympaniques. Elle consiste en l’administration d’une solution auriculaire d’ofloxacine pour une durée de 7 jours.
Les préparations contenant des aminosides sont contre-indiquées en cas de perforation tympanique suspectée ou confirmée (ototoxicité).
Il n’y a pas de recommandation d’antibiothérapie locale en cas d’OMA purulente perforée.
2 Recommandations actuelles pour l’OMA purulente
Qui traiter ?
L’antibiothérapie générale est indiquée en cas d’OMA purulente :
*chez l’enfant d’âge < 2 ans : systématiquement;
*chez l’enfant d’âge ≥ 2 ans : en cas de symptomatologie bruyante = otalgie intense, fièvre élevée, perforation spontanée (otorrhée purulente).
Chez l’enfant d’âge ≥ 2 ans ayant une OMA purulente non perforée avec symptomatologie modérée, une abstention d’antibiothérapie est licite avec surveillance. La persistance des symptômes sous traitement symptomatique après 48–72 heures d’évolution doit conduire à une nouvelle évaluation clinique et faire rediscuter l’indication d’une antibiothérapie différée.
Comment traiter ?
Les antibiotiques de première intention sont (HAS 2021) :
*amoxicilline : 80 mg/kg par jour en deux prises par jour;
*amoxicilline + acide clavulanique : 80 mg/kg par jour en deux prises par jour (dose exprimée en amoxicilline) en cas de syndrome otite-conjonctivite (SOC), classiquement dû à Haemophilus influenzae.
NB : Avec les seringues doseuses graduées en kg fournies avec les suspensions pédiatriques, la posologie de 80 mg/kg par jour correspond à une dose-poids (en kg) trois fois par jour. Pour répartir 80 mg/kg par jour en deux prises journalières, prélever la dose unitaire jusqu’à la graduation correspondant à 1,5 fois le poids de l’enfant (par exemple, dose 15 kg, deux fois par jour pour un enfant de 10 kg).
La baisse de la résistance à l’amoxicilline par production de bêtalactamases d’H. influenzae depuis quelques années autorise à ne prescrire que de l’amoxicilline même en cas de syndrome otite-conjonctivite.
En cas d’allergie aux pénicillines (éventualité rare) sans contre-indication aux céphalosporines, il peut être prescrit une céphalosporine orale, le cefpodoxime-proxétil.
En cas de contre-indication à l’ensemble des bêtalactamines (éventualité exceptionnelle), il peut être prescrit par défaut du cotrimoxazole (sulfaméthoxazole-triméthoprime) avec un risque majoré d’échec thérapeutique lié à ce choix.
Le recours à la ceftriaxone IV/IM doit rester exceptionnel (âge < 3 mois, immunosuppression, intolérance digestive totale).
La durée du traitement antibiotique est de :
*10 jours chez l’enfant d’âge < 2 ans;
*5 jours chez l’enfant d’âge ≥ 2 ans;
*10 jours quel que soit l’âge en cas d’otorrhée ou de situation de rechute d’OMA purulente (voir infra).
OMA purulente du nourrisson : antibiothérapie par voie générale pour 10 jours.
Suivi d’une OMA purulente
1 Suivi immédiat
La guérison est habituelle en quelques jours.
Le suivi évalue la régression des signes généraux (fièvre) et fonctionnels (otalgie).
En cas d’évolution clinique favorable, le contrôle systématique des tympans en fin de traitement n’est pas nécessaire.
Pour les enfants d’âge ≥ 2 ans chez lesquels une abstention d’antibiotique a été jugée licite, une réévaluation clinique est indispensable en cas de persistance des symptômes à 48–72 heures.
2 Échec de l’antibiothérapie initiale, rechute
L’échec du traitement antibiotique probabiliste initial est défini par la persistance ou l’aggravation des symptômes au-delà de 48 heures après le début de l’antibiothérapie.
La rechute est définie par leur réapparition dans les 4 jours suivant la fin de l’antibiothérapie, en association avec des signes otoscopiques d’OMA purulente.
Une complication de l’OMA purulente doit être recherchée à l’examen clinique.
En l’absence de complication, l’antibiothérapie est modifiée selon le choix initial.
En cas de prescription initiale d’amoxicilline (recommandée en première intention), il est proposé de modifier l’antibiothérapie par de l’amoxicilline + acide clavulanique ou cefpodoximeproxétil (Haemophilus influenzae bêtalactamase (+) très probable).
Le recours à la ceftriaxone IV/IM doit rester rare même dans les situations d’échec (sauf intolérance digestive totale).
Un deuxième échec thérapeutique d’une antibiothérapie bien conduite est une indication à une paracentèse à visée bactériologique (si possible, après une fenêtre thérapeutique).
3 Complications
Complications locorégionales :
*mastoïdite extériorisée (fig. 32.7) :–décollement du pavillon de l’oreille vers le dehors et vers l’avant;
–tuméfaction rétroauriculaire douloureuse et rénitente;
*paralysie faciale périphérique (rare);
*labyrinthite, abcès du cerveau, thrombophlébite cérébrale (exceptionnels).
Complications systémiques (plus rares) :
*bactériémies;
*méningites purulentes (surtout chez le jeune nourrisson).
Persistance des symptômes à 48–72 heures → réévaluation clinique.
OMA spontanément perforée restant fébrile et algique : rechercher une mastoïdite débutante.
Redouter l’association OMA purulente et méningite purulente chez le jeune nourrisson.
4 Suivi à long terme et pronostic
Les OMA récidivantes (séparées par un intervalle libre), dites « OMA complexes », sont liées à la multiplicité des infections virales et surtout à la présence d’un biofilm bactérien source de réinfection bactérienne, en particulier à Haemophilus influenzae non typable.
Cette situation ne constitue que très rarement, à elle seule, une indication à réaliser un bilan immunitaire (voir chapitre 26).
Une carence martiale peut alors être recherchée.
Un avis ORL peut être nécessaire. Ce dernier argumentera en fonction des situations, de l’âge de l’enfant et du retentissement, l’indication éventuelle de la pose d’aérateurs transtympaniques.
Synthèse
Une synthèse de la prise en charge de l’otite chez l’enfant de plus de 3 mois est présentée figure 32.8 (d’après SPILF, SFP, GPIP, 2011, 2016).
Avant de commencer…
Le terme de « rhinosinusite » est préféré à celui de « sinusite » chez l’enfant.
Le diagnostic est avant tout clinique. La prescription des examens paracliniques est limitée.
Situations cliniques à connaître chez le jeune enfant :
*la rhinosinusite aiguë maxillaire;
*l’ethmoïdite aiguë.
Le diagnostic de sinusite maxillaire ne peut être porté avant l’âge de 3 ans.
En effet, le diagnostic de sinusite doit tenir compte chez l’enfant de la chronologie du développement anatomique des cavités sinusiennes (sinus ethmoïdaux au cours des premiers mois de vie; sinus maxillaires à partir de l’âge 3–4 ans; sinus frontaux à partir de l’âge de 5–10 ans; sinus sphénoïdal à partir de l’âge de 10 ans).
Pour bien comprendre
A Définitions
Le terme de « rhinosinusite » est préféré à celui de sinusite chez l’enfant.
Le diagnostic de rhinosinusite doit tenir compte chez l’enfant de la chronologie du développement anatomique des cavités sinusiennes :
*sinus ethmoïdal : premiers mois de vie;
*sinus maxillaire : 3–4 ans;
*sinus frontal : 5–10 ans;
*sinus sphénoïdal : 10–15 ans.
Ainsi, le diagnostic de rhinosinusite maxillaire ne peut être porté avant l’âge de 3 ans.
B Épidémiologie
La rhinosinusite peut être d’étiologie virale ou bactérienne.
La flore des cavités nasosinusiennes est semblable à celle de la flore rhinopharyngée.
Les bactéries impliquées dans les sinusites communes sont majoritairement Streptococcus pneumoniae et Haemophilus influenzae non typable et, moins fréquemment, Moraxella catarrhalis. Staphylococcus aureus et les anaérobies sont plus fréquemment impliqués dans les formes compliquées.
C Physiopathologie
Le drainage sinusien nécessite un ostium perméable et une muqueuse saine avec un bon fonctionnement ciliaire, ainsi que des sécrétions muqueuses de viscosité et d’élasticité normales. Il permet ainsi l’évacuation des particules au niveau des sinus, vers les cavités nasales, l’oropharynx puis la bouche œsophagienne.
L’inflammation liée à la sinusite entrave le fonctionnement ciliaire et la perméabilité des ostiums, ce qui empêche le drainage du mucus sécrété physiologiquement par les sinus.
Les cavités sinusiennes de la face sont tapissées par un épithélium de type respiratoire en continuité avec celui des cavités nasales. Une atteinte sinusienne est ainsi habituelle au cours des infections des voies aériennes supérieures de l’enfant (virales ou bactériennes).
Cette caractéristique physiopathologique explique la préférence du terme de « rhinosinusite » aiguë à celui de sinusite aiguë.
Formation progressive des sinus chez l’enfant → pas de sinusite maxillaire chez le nourrisson.
Diagnostiquer une sinusite
A Diagnostic clinique
1 Rhinosinusite aiguë maxillaire
Elle concerne les enfants âgés de plus de 3 ans.
On distingue deux formes cliniques : subaiguë et aiguë.
Pour mémoire, les rhinopharyngites aiguës (voir chapitre 30) se traduisent par une rhinorrhée bilatérale séreuse puis mucopurulente, antérieure et postérieure (le caractère puriforme n’étant pas synonyme de surinfection bactérienne), accompagnée d’une toux.
La rhinosinusite subaiguë est évoquée devant la permanence des signes cliniques de rhinopharyngite aiguë au-delà de 10 jours, sans tendance à leur régression.
La rhinosinusite aiguë sévère est évoquée devant une fièvre élevée, une rhinorrhée purulente, des céphalées importantes et parfois un œdème péri-orbitaire.
Le diagnostic est donc avant tout clinique.
L’examen des cavités nasales est difficile à réaliser; il montrerait la présence pathognomonique de pus au niveau du méat moyen. La présence de pus dans le rhinopharynx (écoulement pharyngé postérieur) associé à un mouchage purulent se reconstituant rapidement suffit le plus souvent au diagnostic.
Rhinosinusite aiguë maxillaire : rhinorrhée purulente prolongée ± signes associés
Ethmoïdite aiguë extériorisée
L’ethmoïdite aiguë est plus rare et sévère.
Elle est la principale complication bactérienne sinusienne d’une rhinopharyngite aiguë du nourrisson ou du jeune enfant, survenant à un âge médian de 2 à 3 ans.
On distingue deux stades : fluxionnaire ou suppuré.
Au stade fluxionnaire, les signes cliniques sont frustes :
*fièvre modérée;
*œdème palpébral unilatéral douloureux :
–débutant au niveau de la paupière supérieure et de l’angle interne de l’œil;
–puis atteinte des deux paupières, sans conjonctivite associée;
–avec bonne ouverture spontanée des paupières.
Au stade suppuré : abcès sous-périosté, phlegmon orbitaire, cellulite orbitaire :
*fièvre élevée, douleur intense;
*chémosis majeur rendant l’ouverture palpébrale difficile ou quasi impossible;
*exophtalmie irréductible (fig. 33.1);
Signes de gravité majeurs (mise en jeu du pronostic visuel et vital) :
*immobilité du globe oculaire;
*existence d’une mydriase;
*constatation d’une anesthésie cornéenne.
En cas de stade suppuré, la TDM des sinus permettra de préciser la localisation de l’infection de la région péri-orbitaire (préseptale ou rétroseptale) et d’identifier les complications (abcès, notamment sous-périosté, thrombose vasculaire…).
Ethmoïdite aiguë : l’évoquer en cas d’œdème palpébral unilatéral fébrile et douloureux.
Enquête paraclinique
1 Généralités
Le diagnostic de sinusite est avant tout clinique.
La prescription des examens paracliniques est limitée. Le tableau de rhinosinusite maxillaire aiguë non compliquée ne justifie pas d’explorations complémentaires.
2 Imagerie des sinus
L’imagerie des sinus doit être réservée aux formes atypiques ou compliquées.
L’identification de signes radiologiques tels que l’opacité des sinus sur les radiographies standards (incidence de Blondeau) ou l’épaississement de la muqueuse sur un scanner, est très peu spécifique. De tels signes sont fréquemment présents sans signification pathologique, parfois même en dehors de tout symptôme clinique de rhinosinusite aiguë.
Scanner des sinus indiqué si :
*ethmoïdite aiguë au stade suppuré (avec injection pour écarter une éventuelle complication thrombotique);
*rhinosinusite aiguë prolongée et rebelle à un traitement adapté;
*sinusites récidivantes ou chroniques, après avis spécialisé.
Radiographie des sinus : non recommandée.
Scanner des sinus : recommandé pour le diagnostic de certaines complications.
3 Examens biologiques
La ponction sinusienne est d’indication exceptionnelle chez le jeune enfant.
La CRP peut permettre d’apprécier l’intensité du syndrome inflammatoire mais elle n’a aucune spécificité pour le diagnostic.
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi de l’enfant
A Orientation
Les rhinosinusites aiguës maxillaires non compliquées sont prises en charge en ambulatoire.
Les indications d’hospitalisation sont reliées à d’éventuelles complications.
Le diagnostic d’ethmoïdite aiguë requiert une évaluation hospitalière systématique.
Un avis spécialisé ORL est nécessaire en cas de :
*rhinosinusite aiguë compliquée;
*ethmoïdite aiguë suppurée et/ou compliquée;
*sinusite récidivante ou chronique.
B Antibiothérapie par voie générale
1 Rationnel de prescription
Indications d’une antibiothérapie :
*rhinosinusite maxillaire aiguë :
–forme aiguë sévère et/ou compliquée et/ou d’origine dentaire : toujours;
–forme subaiguë : à discuter selon facteurs de risque (asthme, drépanocytose, cardiopathie) ou évolution;
*ethmoïdite aiguë;
*sinusite frontale;
*sinusite sphénoïdale (avis spécialisé ORL en urgence).
Objectifs de l’antibiothérapie :
*traitement curatif efficace et rapide du foyer infectieux local;
*prévention d’une diffusion locorégionale ou systémique;
*réduction plus rapide des douleurs de l’enfant.
L’antibiothérapie est habituellement probabiliste.
Elle doit être adaptée aux données évolutives épidémiologiques des germes de portage des VAS, identiques à celles des OMA purulentes : principalement S. pneumoniae et H. influenzae, plus rarement S. aureus et certains germes anaérobies (formes traînantes et/ou compliquées).
Recommandations actuelles
Sinusite aiguë maxillaire
L’antibiotique de première intention est l’amoxicilline 80 mg/kg par jour en trois prises (deux prises à 12 heures d’intervalle si les intervalles d’administration ne peuvent être équidistants). L’amoxicilline est également la molécule de choix en cas de sinusite frontale.
En cas d’allergie aux pénicillines (éventualité rare) sans contre-indication aux céphalosporines, il peut être prescrit du cefpodoxime-proxétil. En cas de contre-indication à l’ensemble des bêtalactamines (situation exceptionnelle), il peut être prescrit du cotrimoxazole (= sulfaméthoxazole-triméthoprime).
La durée du traitement est de 10 jours.
L’association amoxicilline-acide clavulanique est indiquée en cas d’échec du traitement d’une sinusite aiguë maxillaire par amoxicilline. Elle est indiquée d’emblée en cas d’ethmoïdite aiguë, de sphénoïdite, de sinusite frontale compliquée ou de sinusite maxillaire d’origine dentaire. Elle permet de mieux couvrir l’ensemble des germes responsables : S. pneumoniae et H. influenzae, mais aussi S. aureus sensible à la méticilline (SASM) et certains anaérobies (à bêtalactamase).
Les autres antibiotiques notamment cefpodoxime-proxétil ont une efficacité moindre et exposent à des risques de résistance bactérienne (augmentent le risque de portage digestif d’entérobactéries à BLSE).
Ethmoïdite aiguë
Ethmoïdite non compliquée (ou forme mineure préseptale ou stade fluxionnaire) :
*traitement ambulatoire possible sous conditions de suivi à 48 heures;
*antibiothérapie orale par amoxicilline-acide clavulanique 80 mg/kg par jour en trois prises.
Ethmoïdite compliquée (stade suppuré) :
*traitement hospitalier indispensable;
*antibiothérapie IV par amoxicilline-acide clavulanique (150 mg/kg par jour d’amoxicilline) ± gentamicine si forme septicémique ou céfotaxime + métronidazole selon gravité.
La durée du traitement est de 10 jours, parfois plus prolongée.
Mesures symptomatiques
Le traitement de l’état fébrile et des douleurs repose sur le paracétamol.
Le traitement symptomatique de la rhinopharyngite (si associée) est indispensable. Les AINS ne sont pas recommandés (risque de complications infectieuses notables). Les corticoïdes peuvent être discutés au cas par cas dans les sinusites hyperalgiques bloquées.
D Suivi de l’enfant
1 Suivi immédiat
Le suivi évalue la régression des signes généraux (fièvre) et des signes fonctionnels.
La rhinosinusite maxillaire aiguë a le plus souvent une évolution favorable en 5 à 10 jours.
Les parents sont informés de la nature peu grave de l’affection, de la durée prévisible des symptômes, des signes devant faire suspecter une complication et justifiant alors une nouvelle consultation.
L’ethmoïdite aiguë au stade fluxionaire peut être traitée par voie orale en ambulatoire.
Une réévaluation clinique à 48 heures est systématique. Les parents sont informés des signes devant conduire à reconsulter plus précocement (signes de stade suppuré ou signes de gravité majeurs).
2 Échec de l’antibiothérapie initiale et complications
Échec de l’antibiothérapie initiale
Cette éventualité est rare et nécessite un avis infectiologique spécialisé.
Il est défini par l’aggravation ou la persistance de la fièvre élevée ou des signes locaux au terme de 48 à 72 heures de traitement.
Complications
Les complications sont variables selon les types de sinusites.
Elles sont surtout à redouter au décours des ethmoïdites aiguës, des sphénoïdites et des sinusites frontales.
Elles sont beaucoup plus rares en cas de sinusite maxillaire en raison des rapports anatomiques éloignés avec les orbites et les méninges (tableau sévère de pansinusite du grand enfant et de l’adolescent).
Principales complications :
orbitaires : abcès (fig. 33.2) ou cellulite orbitaire;endocrâniennes : atteinte méningoencéphalique, abcès intracérébral, thrombose vasculaire cérébrale.
Suivi à long terme et pronostic
Le diagnostic de sinusite chronique est habituellement évoqué face à un tableau de sinusite maxillaire ou de sinusite frontale évoluant pendant une durée supérieure à 4 mois.
Elle est le plus souvent indolore en dehors de poussées de surinfection. La confirmation diagnostique peut nécessiter un scanner des sinus.
4 Prise en charge préventive des récidives
Un avis spécialisé est souvent nécessaire.
La sinusite chronique et les sinusites récidivantes sont rares chez l’enfant. Elles doivent faire rechercher des facteurs favorisants susceptibles d’être corrigés : obstacle méatal ou malformation, interruption d’un tabagisme passif, reconsidération du mode de garde, traitement antibiotique d’un foyer infectieux dentaire…
L’association à une toux grasse chronique peut faire évoquer le diagnostic rare de dyskinésie ciliaire.
Avant de commencer…
La coqueluche est une infection bactérienne due à Bordetella pertussis.
Elle est très contagieuse, d’évolution longue, et potentiellement sévère chez le jeune nourrisson.
Il faut l’évoquer à tout âge devant une toux persistante volontiers spasmodique.
L’urgence est liée aux signes de gravité chez le nouveau-né et le jeune nourrisson : intensité des quintes, apnées, bradycardie, cyanose, dénutrition.
La confirmation diagnostique repose avant tout sur la PCR coqueluche pharyngée.
La prise en charge repose sur une surveillance étroite des jeunes nourrissons.
L’antibiothérapie par macrolides vise surtout à prévenir la transmission du germe.
La recherche d’un contage dans l’entourage ou de cas secondaires doit toujours être effectuée.
La vaccination est efficace mais la durée de protection est limitée dans le temps, d’où la possibilité de survenue de cas chez l’enfant et l’adulte.
Son objectif est la prévention de la coqueluche chez le jeune nourrisson par une protection à la fois individuelle mais aussi indirecte par la vaccination des enfants et des adultes de son entourage (cocooning).
Elle est ainsi recommandée dans le calendrier vaccinal pour tous les jeunes nourrissons, sans oublier les rappels tardifs chez l’adolescent et l’adulte. Depuis 2022, la vaccination coqueluche est également recommandée chez la femme enceinte dès le second trimestre de grossesse. C’est la stratégie qui a démontré la meilleure efficacité protectrice chez le jeune nourrisson.
Pour bien comprendre
A Épidémiologie
La coqueluche est une infection bactérienne due à Bordetella pertussis (bacille de Bordet-Gengou) et accessoirement à Bordetella parapertussis.
Elle est très contagieuse et potentiellement sévère chez le jeune nourrisson. Elle est responsable dans le monde d’environ 100 000 à 200 000 décès par an chez l’enfant.
La majorité des coqueluches du nourrisson diagnostiquées actuellement est liée à une contamination par une personne de son entourage proche (parents ou fratrie).
Sujets particulièrement concernés par la coqueluche :
*les jeunes nourrissons avant l’âge de la protection vaccinale :
–protection passive mère-enfant par les anticorps maternels limitée (en l’absence de vaccination récente) et très brève;
–1re injection précoce à l’âge de 2 mois, immunité acquise à la 2e injection à l’âge de 4 mois, rappel indispensable à l’âge de 11 mois pour renforcer et prolonger la protection;
*les enfants, adolescents et adultes ayant perdu la protection conférée par le vaccin ou la maladie (durée de protection vaccinale estimée à environ 5 ans).
B Rappels d’infectiologie
Bordetella pertussis est un bacille Gram-négatif très fragile, de culture difficile.
Les Bordetella parapertussis peuvent également donner des tableaux cliniques similaires.
Les mécanismes physiopathologiques font intervenir l’adhérence du germe sur l’épithélium cilié respiratoire et la libération de toxines à tropisme respiratoire et neurologique.
La contamination est strictement interhumaine et se fait par voie respiratoire lors de la toux.
La durée d’incubation est de 10 jours en moyenne (7–21 jours) avant les premiers symptômes.
La contagiosité peut durer jusqu’à 3 semaines après le début des signes cliniques en l’absence de traitement antibiotique. À la phase de convalescence, la contagiosité est quasi nulle (même en l’absence de traitement).
La vaccination ou la maladie ne confèrent qu’une protection limitée en durée.
En raison de la baisse des rappels naturels, les adolescents et les adultes perdent progressivement leur immunité vaccinale et sont à nouveau susceptibles d’être atteints par la coqueluche, et ainsi de transmettre l’agent pathogène à des jeunes nourrissons non ou incomplètement vaccinés (mode de contamination le plus fréquent).
Contagiosité importante. Pas de protection à vie par la vaccination ou la maladie.
Recommandations vaccinales
Recommandations générales (voir chapitre 41) :
*primovaccination précoce du nourrisson aux âges de 2 et 4 mois;
*1er rappel à l’âge de 11 mois;
*rappels chez l’enfant à 6 ans et chez l’adolescent à 11–13 ans;
*rappel chez l’adulte jeune à 25 ans;
Recommandations particulières :
*vaccination de la femme enceinte recommandée en France depuis 2022 → elle permet une protection passive immédiate dès la naissance grâce aux anticorps maternels transmis, permettant d’attendre la protection active obtenue par la vaccination précoce du nourrisson (voir chapitre 41); cette vaccination doit être proposée à chaque grossesse;
*cocooning → vaccination des personnes susceptibles d’être en contact étroit avec le nourrisson durant ses 6 premiers mois de vie, à savoir :
–la mère, en post-partum si elle n’a pas été vaccinée pendant la grossesse (vaccination avant la sortie de la maternité, même si elle allaite);
–l’entourage du nouveau-né (fratrie, père, grands-parents, babysitter…), si la mère n’a pas été vaccinée pendant la grossesse ou si elle a accouché moins de 1 mois après la vaccination;
–les personnels soignants dans leur ensemble.
Protection directe du nourrisson par la vaccination maternelle pendant la grossesse et une vaccination précoce.
Protection indirecte par la vaccination de son entourage (cocooning).
Diagnostiquer une coqueluche
A Diagnostic clinique
1 Formes cliniques
Coqueluche typique du grand enfant non vacciné
Elle n’est pas la plus fréquente (en raison de la bonne couverture vaccinale à cet âge).
Le tableau clinique évolue selon quatre phases distinctes : phase d’incubation, phase catarrhale, phase d’état, phase de convalescence.
La contagiosité est maximale lors des phases catarrhale et d’état (période des quintes).
Phase d’incubation :
*signes cliniques : phase cliniquement silencieuse;
*durée moyenne : 10 jours (extrêmes de 7 à 21 jours).
Phase catarrhale :
*signes cliniques :
–fièvre généralement absente ou modérée (< 38,5 °C);
–toux banale avec rhinorrhée évoquant initialement une infection virale des VAS;
–puis toux tenace, insistante, caractéristique par sa survenue en quintes;
*durée moyenne : 10 jours.
Phase d’état :
*signes cliniques = période des quintes :
–accès répétitifs et violents de toux sans inspiration efficace, entraînant une congestion du visage voire une cyanose, avec reprise inspiratoire sonore;
–déclenchés par de multiples stimuli (déglutition, cris, effort, examen du pharynx), parfois accompagnés de vomissements (caractère émétisant évocateur);
–quintes épuisantes, très fréquentes (caractère diurne et nocturne évocateur);
*durée moyenne : 3 à 4 semaines.
Phase de convalescence :
*signes cliniques :
–toux non quinteuse, spontanée ou provoquée (effort, froid, cris, virose respiratoire);
–asthénie;
*durée moyenne : plusieurs mois.
Coqueluche du nourrisson
Elle est également assez caractéristique.
Le diagnostic doit être évoqué devant une toux quinteuse chez tout nourrisson non encore complètement immunisé. Chez le nourrisson à jour de son calendrier vaccinal, la coqueluche, quoique très rare, est possible mais sous une forme généralement atténuée.
La symptomatologie évolue également selon les quatre phases mentionnées précédemment.
Caractéristiques des quintes de la coqueluche du nourrisson :
*mal tolérées avant l’âge de 3 mois (signes de gravité) sur les plans :
–cardiorespiratoire : accès de cyanose, apnée, bradycardie;
–neurologique : malaise grave, troubles de conscience;
–digestif : vomissements (pouvant entraîner : déshydratation, dénutrition);
*atypiques car la reprise inspiratoire sonore manque généralement à cet âge.
Les signes de gravité et complications à cet âge sont détaillés ci-dessous.
Coqueluche de l’adolescent et de l’adulte
Il existe une grande variété d’expression de la maladie, fonction de l’immunité protectrice résiduelle, allant de la forme typique à une toux banale traînante.
Évoquer le diagnostic à ces âges devant une toux :
*sans cause évidente, qui persiste ou s’aggrave au-delà d’une semaine;
*avec notion de contage et d’une incubation longue (10 jours);
*ayant un caractère coquelucheux (quintes, recrudescence nocturne et insomniante).
Complications possibles à ces âges :
*mécaniques : fractures de côtes, douleurs intercostales et abdominales, emphysème médiastinal, pneumothorax, otites barotraumatiques, hémorragies sous-conjonctivales, hernie, incontinence urinaire transitoire, prolapsus;
*infectieuses : otites, sinusites et pneumonies;
*neurologiques : convulsions, encéphalopathies (très rares).
Avant 3 mois : quintes pouvant être mal tolérées (apnées, cyanose, bradycardie).
Grand enfant : quintes typiques avec reprise inspiratoire sonore.
Adolescent : toux sans cause évidente, qui persiste ou s’aggrave sur plusieurs semaines.
Situations graves chez le nourrisson
Signes cliniques de gravité
Analyse des quintes :
*tolérance : apnée, bradycardie, cyanose, malaise, vomissements;
*capacité de récupération : spontanée ou assistée;
*nombre quotidien.
Signes cliniques de gravité majeurs annonçant les complications :
*signes respiratoires :
–quintes asphyxiantes, cyanosantes;
–apnées (au cours des quintes ou isolées) ± cyanose (risque d’arrêt cardiorespiratoire);
*signes cardiovasculaires : bradycardie, tachycardie;
*signes neurologiques : malaise grave, troubles de conscience, convulsions.
Autres marqueurs de gravité :
*déshydratation aiguë ou dénutrition, météorisme abdominal;
*hyperlymphocytose majeure (> 50 000/mm3), annonçant la forme maligne
Formes compliquées chez le nourrisson d’âge < 3 mois B La coqueluche maligne rend compte de la majorité des décès.
Elle se traduit par une insuffisance respiratoire décompensée et impose une prise en charge précoce en réanimation. Elle s’accompagne de tachycardie (souvent > 200/min), d’une hypoxie réfractaire et d’une défaillance multiviscérale (rénale, cardiaque, neurologique).
Elle se détecte par l’apparition d’une hyperlymphocytose majeure (> 50 000/mm3) qui impose le passage en réanimation avant l’aggravation respiratoire.
L’encéphalopathie coquelucheuse est exceptionnelle mais très sévère.
Elle associe un état de mal convulsif, ainsi que des troubles moteurs (hémiplégie, paraplégie, ataxie) et sensoriels (cécité, surdité).
Environ 1/3 des enfants décèdent, 1/3 gardent des séquelles, 1/3 guérissent.
Autres complications possibles :
*bronchopneumopathie : de surinfection bactérienne ou liée à Bordetella pertussis ;
*troubles de ventilation : obstructifs (atélectasie), rarement mécaniques (pneumothorax).
Coqueluche du nourrisson : une cause de malaise grave.
Complications majeures : coqueluche maligne, encéphalopathie coquelucheuse.
Diagnostics différentiels à évoquer
Chez le nouveau-né et le jeune nourrisson, des toux quinteuses (avec parfois cyanose voire apnées) peuvent être rencontrées au cours d’infections respiratoires virales (VRS, adénovirus…).
En cas de coqueluche, l’enfant est asymptomatique en dehors des périodes de quintes.
Chez le grand enfant et l’adolescent ayant une toux prolongée, la démarche diagnostique rejoint celle du chapitre 55.
B Enquête paraclinique
1 Examens complémentaires spécifiques
PCR
La PCR coqueluche est l’examen clé pour confirmer le diagnostic lorsque les symptômes datent de moins de 3 semaines.
Elle se fait sur écouvillonnage pharyngé ou liquide d’aspiration nasopharyngé.
Elle a une sensibilité de 90 % et une spécificité de 99 % en cas de technique de prélèvement rigoureuse. Elle est maximale au cours de la première semaine de symptômes. Le résultat peut être obtenu en 24 heures.
En l’absence d’examens paracliniques réalisables chez le sujet malade (délai > 3 semaines), un contage confirmé de coqueluche dans l’entourage a une grande valeur diagnostique.
De même, l’identification de cas secondaires est importante car elle permet parfois de confirmer le diagnostic par PCR coqueluche sur ces nouveaux cas vus à un stade plus précoce.
Culture
La culture d’une aspiration nasopharyngée nécessite un milieu spécifique (Bordet-Gengou).
Le délai de retour des résultats est de 3 à 7 jours.
Elle a une sensibilité très variable selon sa date de réalisation ainsi que les laboratoires. Au maximum elle est de 60 % au cours de la 1re semaine de toux, chiffre se réduisant à 0 % après 3 à 4 semaines de toux chez le sujet traité par macrolides.
Peu sensible en pratique, la culture est limitée à la surveillance épidémiologique des souches et à l’étude de leur sensibilité aux antibiotiques.
Examens sérologiques
La sérologie coqueluche (quelle que soit la technique utilisée) n’est pas recommandée en France (sensibilité et spécificité insuffisantes).
Examens complémentaires non spécifiques
La NFS peut retrouver une hyperlymphocytose, inconstante dans les formes sans gravité.
La radiographie de thorax de face est habituellement normale ou peut montrer un syndrome bronchique. Elle est parfois utile pour écarter un autre diagnostic.
Confirmation diagnostique : PCR coqueluche sur sécrétions nasopharyngées.
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi de l’enfant
A Orientation
A Critères d’hospitalisation habituellement retenus :
*âge < 3 mois : toute suspicion de coqueluche chez un nourrisson de cet âge doit conduire à une hospitalisation en service de pédiatrie pour surveillance (dépistage des signes de gravité), isolement respiratoire et confirmation du diagnostic;
*existence de signes cliniques de gravité (apnée, bradycardie, quintes asphyxiantes) : prise en charge en unité de surveillance continue ou réanimation quel que soit l’âge;
*formes malignes : dès leur suspicion, passage en réanimation pour mise en place de techniques invasives : échange transfusionnel, voire ECMO (oxygénation extracorporelle).
L’isolement respiratoire de l’enfant malade, y compris en cas de prise en charge ambulatoire, permet d’éviter des cas secondaires.
Sa durée est identique à celle de l’éviction obligatoire de la collectivité d’enfants fréquentée : 5 jours après le début d’une antibiothérapie efficace par clarithromycine, 3 jours avec l’azithromycine.
Hospitalisation pour tout nourrisson < 3 mois et/ou en cas de signes cliniques de gravité.
Isolement respiratoire de l’enfant malade pour éviter des cas secondaires.
Prise en charge thérapeutique et suivi
1 Mesures indispensables chez le nourrisson hospitalisé
Mesures veillant particulièrement à la prévention des complications :
*isolement respiratoire type « gouttelettes »;
*monitoring par scope cardiorespiratoire;
*masque à oxygène et ballon pour ventilation disponibles et opérationnels dans la chambre;
*appréciation régulière des paramètres vitaux ainsi que de la tolérance des signes cliniques (quintes, apnées, cyanose, bradycardie);
*maintien de l’état d’hydratation et nutritionnel : alimentation fractionnée ou nutrition entérale à débit constant (NEDC).
Les antitussifs sont contre-indiqués chez le nourrisson.
La kinésithérapie respiratoire n’est pas indiquée à la période des quintes.
Antibiothérapie
Le traitement étiologique repose sur une antibiothérapie orale précoce.
Son objectif est de diminuer la contagiosité. Il peut également écourter la maladie, uniquement si son administration est précoce avant la phase des quintes.
L’antibiothérapie n’est ainsi justifiée qu’au cours des 3 premières semaines de la maladie.
Les deux seuls macrolides de référence contre Bordetella pertussis sont la clarithromycine (traitement de 7 jours) et l’azithromycine (traitement de 3 jours).
En cas d’allergie documentée aux macrolides (exceptionnelle), on prescrit du cotrimoxazole pendant 14 jours.
3 Suivi du nourrisson malade
Surveillance hospitalière : paramètres vitaux, tolérance des quintes, prise alimentaire.
En ambulatoire : survenue de signes de gravité motivant une consultation médicale.
La poursuite du calendrier vaccinal (incluant la vaccination contre la coqueluche) s’impose pour le jeune nourrisson au terme de la guérison clinique. La coqueluche n’est pas une maladie immunisante à cet âge.
En hospitalisation : monitoring cardiorespiratoire et support nutritionnel.
Antibiothérapie par macrolides, justifiée au cours des 3 premières semaines de la maladie.
Prévention des cas secondaires
Généralités
Principales mesures de prévention :
*isolement respiratoire type « gouttelettes », éviction d’une collectivité pour l’enfant malade;
*antibiothérapie de l’enfant malade et antibioprophylaxie des sujets contacts;
*vaccination spécifique selon les recommandations du calendrier vaccinal.
La déclaration de la maladie n’est pas obligatoire en France.
En cas de survenue de cas groupés, le médecin doit en informer le médecin inspecteur de santé publique à l’ARS (au moins deux cas de coqueluche ayant un lien épidémiologique, contemporains ou successifs, et survenant dans une même unité géographique).
Des recommandations actualisées sont disponibles concernant la conduite à tenir devant un ou plusieurs cas de coqueluche.
Antibiothérapie préventive de l’entourage du malade
Personnes concernées = sujets « non protégés » par la vaccination dans les cas suivants :
*contacts proches;
*et contacts occasionnels « à risque ».
Sujets considérés comme protégés par la vaccination contre la coqueluche :
*enfants de 11 mois ou moins ayant reçu deux doses de vaccin;
*enfants de plus de 11 mois ayant reçu trois doses de vaccin et dont la dernière dose remonte à moins de 5 ans;
*adolescents et adultes dont la dernière dose remonte à moins de 5 ans.
Sujets considérés comme à risque :
*nourrissons non ou incomplètement vaccinés;
*femmes enceintes;
*sujets atteints de maladies respiratoires chroniques (asthme, BPCO…);
*immunodéprimés;
*entourage de nourrissons non encore vaccinés.
Les modalités thérapeutiques sont les mêmes que pour le traitement curatif.
Vaccination de l’entourage
Il convient de proposer un rattrapage vaccinal aux sujets non protégés par la vaccination selon le calendrier en vigueur.
La vaccination d’un sujet exposé à une personne malade n’est pas efficace pour prévenir la maladie après contage (délai trop court). Elle doit néanmoins être réalisée chez les sujets non ou mal vaccinés car elle permet de réduire le risque de survenue ultérieure d’autres cas de coqueluche, la circulation de l’agent risquant de perdurer dans la communauté.
Mesures de prévention chez les sujets contacts : antibiothérapie par macrolides, mise à jour du calendrier vaccinal.
Avant de commencer…
La diarrhée aiguë liquidienne est la plus fréquente.
Elle est majoritairement d’origine virale. Des vomissements (gastro-entérite) et une fièvre de degré variable sont souvent associés.
Le principal risque est la déshydratation aiguë qui survient particulièrement chez le nourrisson. Sa prévention repose sur la compensation des pertes hydroélectrolytiques par la prescription de solutés de réhydratation orale (SRO) par voie orale ou entérale (sonde) en cas d’échec, ou d’une réhydratation IV dans les cas sévères ou en cas d’intolérance alimentaire totale.
Son risque secondaire est la dénutrition. Elle justifie le choix d’une renutrition précoce qui accompagne le traitement et la prévention de la déshydratation.
La diarrhée aiguë glairosanglante est plus rare.
Elle est majoritairement d’origine bactérienne. Elle peut être très fébrile. Des douleurs abdominales (shigelloses) et d’éventuels signes neurologiques (fièvre typhoïde) sont parfois au premier plan.
Le principal risque est la dissémination bactérienne systémique. Une antibiothérapie est parfois prescrite selon le terrain, la symptomatologie et le germe suspecté puis identifié à la coproculture.
Diarrhée aiguë liquidienne et déshydratation aiguë
A Généralités
1 Épidémiologie
La diarrhée aiguë de l’enfant est responsable de nombreuses consultations et hospitalisations dans les pays développés (7–10 % des hospitalisations à cet âge).
Il s’agit d’une affection potentiellement sévère chez le nourrisson et le jeune enfant.
La mortalité par diarrhée aiguë représente 20 % de tous les décès des enfants âgés de moins de 5 ans dans les pays en voie de développement. En France, elle serait responsable d’une vingtaine de décès par an.
Le pronostic de la diarrhée aiguë liquidienne est lié avant tout au risque de déshydratation aiguë sévère et d’hypovolémie.
Les causes de diarrhées aiguës liquidiennes de l’enfant sont le plus souvent virales.
Les rotavirus sont les premiers agents responsables de diarrhée aiguë chez le nourrisson (30 à 50 %) et la gastro-entérite à rotavirus est la première cause de diarrhée grave avec déshydratation avant 5 ans.
La contagion se fait par l’eau, les selles ou les mains souillées. L’enfant gardé en collectivité est particulièrement exposé à ces modes de contamination.
Fréquence de la diarrhée aiguë liquidienne à rotavirus chez le nourrisson.
Déshydratation aiguë
La déshydratation aiguë est consécutive à un déficit de la balance hydroélectrolytique, d’installation rapide. La diarrhée aiguë est responsable d’une déshydratation globale avec perte d’eau et de sodium.
Le nourrisson est plus à risque de déshydratation rapide, car son secteur hydrique est proportionnellement plus élevé que chez l’adulte, avec une composante extracellulaire prédominante.
Pas de réhydratation à l’eau pure.
B Porter le diagnostic et identifier des situations d’urgence
1 Identifier une diarrhée aiguë
La diarrhée aiguë est définie comme l’émission brutale, depuis moins de 7 jours, de selles trop fréquentes ou trop liquides.
La perte de poids est souvent corrélée à l’importance de la déshydratation induite par la perte d’eau et d’électrolytes en raison de la diarrhée et des vomissements, sauf en cas de constitution d’un troisième secteur digestif où la perte de poids peut alors être transitoirement minorée lors de la pesée de l’enfant malgré une déshydratation clinique patente.
Le calcul du pourcentage de perte de poids est parfois approximatif, dans la mesure où un poids récent précédant l’épisode diarrhéique est rarement disponible. Ainsi, on prend comme référence le dernier poids connu (carnet de santé). Le pourcentage de perte de poids correspond au rapport (Poids ancien – Poids actuel)/Poids ancien. Chez le nourrisson, il faut tenir compte du gain pondéral théorique entre les deux dates, et l’ajouter au poids ancien pour le calcul (voir chapitre 1). C’est parce que le poids n’est pas toujours disponible ou informatif qu’il faut bien (re)connaître les signes cliniques de déshydratation.
Identifier les situations d’urgence
Situations à risque de déshydratation rapide :
*nombre quotidien de selles important, augmentation rapide du débit des selles;
*vomissements répétés voire incoercibles;
*refus ou incapacité d’une réhydratation orale.
Signes de déshydratation avérée :
cernes péri-oculaires, fontanelle antérieure déprimée (peu appréciable après 6 mois du fait de sa possible fermeture), pli cutané persistant (fig. 35.1);sécheresse des muqueuses (face ventrale de langue), soif, absence de larmes;
*troubles de conscience ou du tonus (troubles ioniques).Troubles hémodynamiques (hypovolémie) :
*accélération de la fréquence cardiaque (non expliquée par la fièvre);
*TRC allongé (≥ 3 s), extrémités froides (marbrures);
*pouls périphériques mal perçus, diminution de la PAS (tardif chez l’enfant);
*troubles de conscience (apathie, somnolence), hypotonie.
Les recommandations européennes ont proposé l’utilisation d’un score de déshydratation fondé sur l’apparence générale, l’aspect des yeux et des muqueuses, la présence ou non de larmes. Il est en pratique peu utilisé en consultation de ville ou d’urgence.
Diarrhée aiguë → risque de déshydratation aiguë → risque d’hypovolémie et de choc.
Connaître les causes possibles de diarrhée aiguë
Avant tout les causes infectieuses :
*diarrhées virales (surtout);
–à rotavirus (âge < 5 ans, épidémies automno-hivernales);
–à norovirus (tout âge, épidémies familiales ou en collectivité);
–à adénovirus ou à entérovirus;
*diarrhées bactériennes, parfois reliées à une situation de TIAC (rarement).
Autres causes à rechercher si l’origine infectieuse n’est pas la plus probable :
*accélération du transit liée à une infection extradigestive (en particulier ORL, urinaire);
*diarrhées reliées à une cause chirurgicale (appendicite aiguë…);
*diarrhées d’origine allergique (APLV), mais aussi d’origine inflammatoire;
*diarrhées sous antibiothérapie (association amoxicilline et acide clavulanique).
Piège : remettre parfois en question le diagnostic de gastro-entérite aiguë infectieuse.
Justifier les examens complémentaires pertinents
1 Diarrhée aiguë liquidienne sans ou avec déshydratation modérée (< 5 %)
Aucun examen complémentaire n’est habituellement nécessaire.
2 Diarrhée aiguë liquidienne compliquée de déshydratation aiguë
Ionogramme sanguin, urée, créatinémie uniquement dans les cas où une réhydratation IV ou par voie entérale est programmée :
*déshydratation aiguë sévère (≥ 10 %);
*déshydratation modérée (5 à 10 %) avec échec d’une réhydratation orale ou entérale par SRO;
*terrain à risque de déshydratation.
Ce bilan a pour objectifs d’évaluer le retentissement hydroélectrolytique et d’adapter la composition de la réhydratation (notamment les apports sodés). Il peut mettre en évidence :
*une hypernatrémie par perte d’eau dans les selles supérieure à celle de sodium (déshydratation intracellulaire);
*une hyponatrémie par perte de sodium supérieure à la perte d’eau;
*une hyperprotidémie par déshydratation extracellulaire (hémoconcentration);
*une hypokaliémie par perte de potassium principalement dans les selles (parfois masquée en cas d’acidose);
*une acidose par perte de bicarbonates dans les selles;
*une hyperglycémie liée aux hormones de stress;
*une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle.
Les autres examens sont d’un intérêt limité ou nul dans ce contexte :
*examen virologique des selles : intérêt avant tout épidémiologique, parfois dans certains contextes (éviter une transmission hospitalière);
*coproculture si suspicion de diarrhée bactérienne (voir infra);
*parasitologie des selles si retour de voyage en zone à risque (amibiase);
*frottis sanguin + goutte épaisse ou PCR si fièvre associée après retour d’une zone endémique pour le paludisme.
Diagnostic de déshydratation = clinique.
Ionogramme sanguin utile pour les formes les plus sévères afin d’adapter la réhydratation IV ou par sonde entérale. Analyse des selles le plus souvent non indiquée.
D Planifier la prise en charge
1 Orientation de l’enfant
Critères d’hospitalisation (un seul item suffit) :
*troubles hémodynamiques;
*troubles neurologiques (conscience anormale, léthargie, irritabilité, convulsions);
*déshydratation sévère ≥ 10 %;
*vomissements incoercibles ou bilieux;
*impossibilité de boire le SRO ou échec du SRO;
*doute sur un abdomen chirurgical (invagination intestinale aiguë ou appendicite);
*risque de mauvaise compliance au traitement (mode de garde inadéquat, compréhension difficile des parents, milieu social en difficulté).
D’autres facteurs de risque peuvent justifier une hospitalisation : maladie sous-jacente, âge < 3 mois, enfant dénutri.
La prise en charge ambulatoire concerne la grande majorité des enfants.
En cas de non-hospitalisation, il est indispensable d’évaluer la capacité de l’entourage à assurer le traitement et la surveillance de l’enfant, ainsi que sa connaissance des règles d’utilisation des SRO et des signes d’alerte devant conduire à une nouvelle consultation médicale. La surveillance impose un suivi médical (poids, hydratation, état général) rapproché et adapté à chaque famille.
Objectifs thérapeutiques communs
La prise en charge thérapeutique a pour objectifs de :
*prévenir ou corriger les pertes hydroélectrolytiques : réhydratation initiale;
prévenir la dénutrition et raccourcir la durée de la diarrhée : l’alimentation ne doit pas être interrompue.
Les modalités de prise en charge sont synthétisées en figure 35.2 :diarrhée avec déshydratation estimée < 10 % :
–SRO per os à volonté dans un premier temps;
–SRO par voie entérale (sonde) ou réhydratation IV en cas d’échec des SRO;
*diarrhée avec déshydratation estimée ≥ 10 % :
–SRO par voie entérale (sonde) ou réhydratation IV pendant au moins 6 heures;
–relais avec SRO selon l’allure évolutive de la diarrhée et des autres signes;
*diarrhée avec troubles hémodynamiques (hypovolémie = forme la plus sévère) :
–voie IV (ou intraosseuse en cas d’échec de perfusion);
–expansion volémique avec un soluté cristalloïde isotonique balancé (à défaut ou si anurie, utiliser un soluté cristalloïde non balancé = NaCl 0,9 %) : administrer un bolus de 10 ml/kg (maximum 500 ml par remplissage), sur 10 à 15 minutes (vérifier l’absence d’hépatomégalie au préalable);
–remplissage vasculaire à renouveler selon réévaluation hémodynamique très régulière (FC, TRC, chaleur des extrémités, pouls périphériques; reprise de diurèse = meilleur critère d’efficacité clinique de la prise en charge);
–puis relais avec une perfusion IV pendant plusieurs heures.
Réhydratation initiale (orale, entérale ou IV), renutrition précoce, surveillance.
Réhydratation orale, entérale ou IV
Réhydratation orale : SRO
Les SRO constituent le seul traitement indispensable de la déshydratation de l’enfant.
Leur composition en électrolytes et en sucres ainsi que l’osmolarité sont adaptées à la réhydratation orale des nourrissons et jeunes enfants (pas d’âge limite maximal mais difficile à faire accepter après l’âge de 2 ans en pratique).
Les SRO n’arrêtent pas la diarrhée mais permettent d’empêcher et/ou de corriger la déshydratation aiguë induite par la diarrhée et/ou par les vomissements, ainsi que les troubles ioniques secondaires. Leur teneur en sucres permet souvent d’arrêter les vomissements induits par la cétose de jeune.
La réhydratation d’un nourrisson avec de l’eau pure, des SRO « maison » (sel, sucre et eau), des sodas ou des jus de fruit est dangereuse car elle peut aggraver la diarrhée et être responsable de troubles hydroélectrolytiques sévères.
La prise de SRO doit être précoce, dès les premiers symptômes.
Les SRO se présentent sous la forme d’un sachet de poudre à diluer dans 200 ml d’eau pure. Une fois reconstituée, la préparation se conserve au réfrigérateur et est à utiliser dans les 24 heures.
L’enfant déshydraté adapte ses besoins à sa soif (marqueur de l’état d’hydratation). Le SRO doit ainsi être proposé « à volonté » (sans forcer, ni limiter), mais par petites quantités régulières (40–50 ml) et à intervalles rapprochés (15 minutes), tant que les selles liquides persistent.
Des vomissements initiaux ne sont pas une contre-indication à leur utilisation. La prise fractionnée et répétée de SRO les atténuera le plus souvent. En revanche, des vomissements persistants malgré une administration correcte de SRO témoignent de l’échec de cette technique de réhydratation. On peut alors avoir recours à la voie entérale ou la voie IV.
SRO = traitement de choix en l’absence de signes de gravité immédiate.
Réhydratation entérale continue sur sonde nasogastrique
Elle peut être utile au stade de réhydratation initiale en cas de diarrhée avec déshydratation sévère.
Une dose de 200 ml/kg par jour de SRO est souvent prescrite, à adapter selon l’évolution.
Les vomissements initiaux et lors de l’essai de prise orale de SRO ne sont pas une contreindication à la réhydratation entérale.
Elle est parfois utilisée lorsqu’un abord veineux apparaît difficile.
Réhydratation IV
Il s’agit de solutés polyioniques :
*comportant du glucose à 5 %;
*avec au moins 4 g/l de NaCl.
Leur composition est adaptée en fonction de l’état clinique et de la natrémie prélevée avant le début de la perfusion.
Attention :
*risques neurologiques si modification trop rapide de l’osmolarité avec un soluté glucosé hypo-osmolaire;
*pas de correction trop rapide d’une hypernatrémie aiguë (sa mise en évidence ne doit pas conduire à baisser la dose de NaCl dans la composition, mais à l’augmenter).
Un débit de perfusion de 150 ml/kg par jour chez le nourrisson et de 100–120 ml/kg par jour chez l’enfant plus âgé est prescrit au début, puis adapté selon l’évolution.
La surveillance clinique repose principalement sur la reprise de poids (en l’absence de troisième secteur) et de la diurèse.
Nutrition
Le maintien de la nutrition permet de prévenir la dénutrition.
*Allaitement maternel :
–pas d’interruption;
–alterner tétées et SRO.
*Alimentation lactée :
–pas d’arrêt non plus; elle doit être proposée à la demande; la réhydratation exclusive par SRO sans alimentation ne doit pas excéder 4 à 6 heures maximum. Avec :
–la préparation standard antérieure en cas de diarrhée peu sévère (ne nécessitant pas d’hospitalisation);
–une préparation sans lactose pendant 1 à 2 semaines, qui peut être utile en cas de diarrhée sévère (hospitalisation) et/ou traînante (> 5 jours sous lait habituel);
–proposer du SRO entre les biberons de lait tant que la diarrhée persiste.
*Alimentation diversifiée :
–un régime « antidiarrhéique » n’est ni indispensable ni d’efficacité prouvée; il peut même compromettre la renutrition chez un enfant encore anorexique par son caractère hypocalorique et peu attractif;
–aucun régime particulier ne doit donc être prescrit.
Maintien de la nutrition, pas de régime particulier d’efficacité prouvée.
5 Traitements médicamenteux
Médicaments antidiarrhéiques
Leur efficacité sur la réduction du débit des selles ou la durée de l’épisode est très modérée.
Ils ne traitent pas la déshydratation et ne corrigent pas les troubles ioniques qu’elle entraîne.
Leur place est mineure; aucun d’entre eux n’est indispensable.
Ces médicaments, s’ils sont prescrits, doivent donc toujours être associés à un SRO.
Le racécadotril et le diosmectite ont une AMM dans les diarrhées aiguës de l’enfant. Ils réduisent potentiellement la durée de la diarrhée de quelques heures, sans effet sur la motricité intestinale.
Le lopéramide est contre-indiqué avant l’âge de 2 ans.
Antibiothérapie
Elle n’a pas sa place dans le contexte d’une diarrhée aiguë liquidienne.
Autres traitements
Les antiémétiques ne sont pas recommandés dans une gastro-entérite aiguë.
Les traitements antiseptiques intestinaux n’ont pas d’indication.
SRO avant tout. Aucun autre traitement médicamenteux n’est indispensable.
E Assurer le suivi
Assurer le suivi
1 Surveillance de l’enfant
Chez l’enfant hospitalisé et perfusé, surveiller :
*constantes : température, FC, PA;
*poids et diurèse des 6 heures, nombre de selles et de vomissements;
*ionogramme sanguin, urée, créatininémie en cas d’anomalie initiale et si réhydratation IV;
*voie d’abord (absence de diffusion).
Chez l’enfant pris en charge en ambulatoire, reconsulter en urgence si :
*réhydratation orale impossible (enfant hypotonique, vomissements incoercibles);
*intensification de la diarrhée;
*fièvre avec frissons ou persistante;
*sang dans les selles.
L’hospitalisation est préférable si la surveillance des signes cliniques de déshydratation et du poids ne peut pas être effectuée par les parents au domicile.
Consignes de surveillance en cas de prise en charge ambulatoire.
Complications possibles
Une diarrhée traînante (> 5 jours après la reprise de l’alimentation) peut s’installer.
Elle peut être due à l’importance des lésions villositaires (rotavirus) et peut justifier un régime sans lactose quel que soit l’âge pendant 1 à 2 semaines.
Dans d’autres cas, elle est secondaire à une dénutrition avec absence de réparation muqueuse du grêle.
Complications sévères :
*état de choc hypovolémique;
*neurologiques :
–convulsions (parfois reliées à une baisse trop rapide de la natrémie due à une réhydratation IV par un soluté pas assez riche en sodium);
–hématome sous-dural;
–thromboses veineuses cérébrales;
*rénales :
–nécrose corticale (secondaire au choc);
–thromboses des veines rénales (exceptionnelles après l’âge de 6 mois).
Les complications sévères sont exceptionnelles. Elles sont liées avant tout à l’intensité et à la durée du choc hypovolémique.
3 Mesures préventives
Mesures générales pour lutter contre la transmission infectieuse :
*hygiène des mains dans les collectivités (avec une solution hydroalcoolique);
*restriction de fréquentation de la collectivité à la phase aiguë (pas d’éviction obligatoire);
*isolement de contact en milieu hospitalier.
Une diarrhée aiguë est dite nosocomiale lorsqu’elle survient plus de 3 jours après l’admission du patient en milieu hospitalier.
Vaccination contre le rotavirus : voir chapitre 41.
Prévention des épidémies nosocomiales dans les services hospitaliers.
Diarrhées aiguës invasives bactériennes
A Généralités
Mécanismes physiopathologiques impliqués :
*pénétration et multiplication de bactéries invasives amenant à une destruction de l’entérocyte;
*réaction exsudative inflammatoire conduisant à l’émission de selles glairosanglantes;
*réduction des capacités d’absorption intestinale due aux lésions entérocytaires; la plupart des diarrhées bactériennes concernent cependant principalement le côlon (salmonelle, shigelle).
Le sujet des fièvres typhoïdes n’est pas abordé ici, car leur mécanisme physiopathologique est avant tout celui d’une septicémie et non d’une diarrhée invasive.
Porter le diagnostic et identifier des situations d’urgence
1 Évoquer une diarrhée aiguë invasive bactérienne
Arguments pour le diagnostic de diarrhée aiguë invasive bactérienne :
*selles glairosanglantes (une diarrhée glairosanglante n’atteste pas obligatoirement de l’étiologie bactérienne) ± sepsis;
*voyage récent en zone endémique;
*symptomatologie apparaissant au même moment chez deux personnes ayant consommé un repas en commun → évoquer une toxi-infection alimentaire collective (TIAC).
Le syndrome dysentérique associe : selles nombreuses, glaireuses, sanglantes, parfois mucopurulentes; douleurs abdominales; épreintes coliques, ténesme anal, faux besoins; présence de fièvre selon la cause. Il témoigne de l’existence d’une colite inflammatoire.
La diarrhée peut être sévère avec des troubles hémodynamiques.
Identifier les situations d’urgence
Signes de sévérité clinique :
*fièvre élevée et mal tolérée (enfant pâle, plaintif, hypotonique, hyporéactif);
*sepsis : tachycardie, TRC ≥ 3 s, marbrures, extrémités froides;
*œdèmes, purpura, pâleur, convulsions → évoquer un SHU.
Le syndrome hémolytique et urémique (voir chapitre 48) associant insuffisance rénale aiguë, anémie hémolytique (avec schizocytes), thrombopénie et hématurie microscopique survient en général dans les suites plutôt qu’à la phase d’état d’une diarrhée glairo-sanglante à E. coli entérohémorragique (EHEC) productrice de shigatoxine (également appelé STEC, Shigatoxin Producing Escherichia coli). Les EHEC sont à différencier des E. coli entérotoxinogènes (ETEC) qui sont responsables de diarrhées cholériformes autrement appelées « diarrhées sécrétoires ».
La survenue et la sévérité du SHU sont aggravées par l’utilisation d’antibiotiques bactéricides. Il convient de bien respecter les indications d’antibiothérapie (voir infra).
Gravité = sepsis avec troubles hémodynamiques.
Justifier les examens complémentaires pertinents
Bilan infectieux en cas de signes d’état septique :
*NFS, CRP;
*hémocultures;
*frottis sanguin + goutte épaisse ou PCR (si retour d’une zone endémique de paludisme).
Indications générales de la coproculture :
*diarrhée glairosanglante invasive;
*diarrhée et état septique;
*retour d’un voyage récent en zone à risque;
*diarrhée dans l’entourage d’un patient atteint de shigellose avérée;
*diarrhée en collectivité justifiant la recherche d’une origine bactérienne (TIAC);
*diarrhée chez un immunodéprimé.
La coproculture recherche les bactéries pathogènes habituellement responsables de diarrhée aiguë : salmonelles, shigelles, EHEC, Campylobacter jejuni (5 jours de culture sont nécessaires) et E. coli entérotoxigènes. Les autres germes parfois retrouvés à la culture n’ont aucun caractère pathogène chez l’enfant immunocompétent : la plupart des autres E. coli, staphylocoques, Pseudomonas, Proteus.
La PCR multiplex sur les selles, récemment développée, permet un diagnostic d’identification bactérienne plus rapide. Ses indications et interprétations sont cependant identiques à celles de la coproculture.
Coproculture systématique au cours d’une diarrhée aiguë glairosanglante d’allure invasive.
Planifier la prise en charge
1 Orientation de l’enfant
Hospitalisation nécessaire en cas de :
*diarrhée glairosanglante fébrile avec troubles hémodynamiques;
*terrain fragile : immunodépression, drépanocytose (à risque de salmonellose sévère).
2 Mesures urgentes en cas de sepsis
La prise en charge thérapeutique est détaillée dans le chapitre 67.
3 Antibiothérapie
Recommandations
En pratique, la grande majorité des diarrhées aiguës de l’enfant ne nécessite pas d’antibiothérapie, même lorsqu’un pathogène bactérien est retrouvé dans la coproculture, à l’exception des shigelloses, de la typhoïde/paratyphoïde.
Antibiothérapie probabiliste (avant résultats de la coproculture) indiquée si :
*diarrhée invasive sévère : signes de sepsis avec selles glairosanglantes et fièvre élevée;
*diarrhée invasive chez le nourrisson âgé de moins de 3 mois;
*diarrhée invasive chez un sujet immunodéprimé;
*diarrhée invasive chez un sujet hypo- ou asplénique (salmonellose et drépanocytaire);
*diarrhée aiguë dans l’entourage immédiat d’un malade atteint de shigellose avérée;
*diarrhée invasive au retour de voyage en pays étranger avec risque entérique.
Antibiothérapie selon un germe entéropathogène isolé à la coproculture indiquée si :
*Shigella ;
*Salmonella typhi ou S. paratyphi A, B, C.
Antibiothérapie discutée selon le germe et le terrain si :
*Salmonella sp. (mineures) ou Yersinia enterocolitica : pas d’indication si gastro-entérite simple et sujet non à risque;
*Campylobacter : intérêt pour la diminution des signes digestifs surtout si débutée tôt dans les 3 premiers jours de la maladie (utilité de l’examen direct des selles).
Modalités
Les antibiotiques prescrits sont précisés dans le tableau 35.1.
hoix de l’antibiothérapie selon le germe.
Germe Antibiothérapie orale Antibiothérapie IV
Shigella sp. Azithromycine 3 j Ceftriaxone 3 j
Salmonella sp. Non Ceftriaxone 3 j
Campylobacter Azithromycine 3 j Non
Yersinia Cotrimoxazole 5 j Ceftriaxone 5 j
Les quinolones par voie systémique font l’objet d’une restriction d’usage selon l’ANSM (2019) du fait de leur profil de tolérance (risque valvulaire cardiaque). Elles doivent donc être réservées à certaines infections bactériennes pour lesquelles l’utilisation d’une quinolone est indispensable et ne doivent pas être prescrites dans les situations où d’autres antibiotiques peuvent être utilisés.
Indication de l’antibiothérapie en fonction du terrain, des signes, du germe suspecté ou identifié.
Mesures associées
1 Surveillance de l’enfant
Chez l’enfant hospitalisé :
*constantes : température, hémodynamique (dont diurèse);
*bilan inflammatoire en fonction de l’évolution clinique.
En cas de non-hospitalisation, il est indispensable d’informer la famille sur les signes d’alerte devant conduire à une nouvelle consultation médicale.
2 Mesures préventives
Prévention des infections nosocomiales en hospitalisation :
*isolement de contact;
*désinfection des mains avec des solutions hydroalcooliques.
Éviction des collectivités obligatoire pour :
*shigelloses et diarrhées aiguës à E. coli entérohémorragiques;
*typhoïdes et paratyphoïdes.
Dans ces situations, le retour dans la collectivité est autorisé sur présentation d’un certificat médical attestant de deux coprocultures négatives à au moins 24 heures d’intervalle, et effectuées au moins 48 heures après l’arrêt de l’antibiothérapie.
Il n’y a pas d’éviction recommandée pour les infections à salmonelle mineure ou à Campylobacter.
Un diagnostic de TIAC justifie une déclaration obligatoire à l’ARS.
Mesures administratives : isolement de contact, ± éviction scolaire, déclaration obligatoire.
Avant de commencer…
Les infections urinaires sont parmi les infections bactériennes les plus fréquentes en pédiatrie.
En cas de fièvre sans point d’appel évident ou survenant chez un enfant ayant une uropathie malformative, il faut réaliser une BU ± ECBU (avant l’âge de 1 mois, l’ECBU doit être systématique) pour éliminer une infection urinaire.
Le résultat de l’ECBU doit être interprété en tenant compte de la qualité du prélèvement urinaire et du contexte clinique. L’ECBU de contrôle après traitement n’a aucun intérêt.
Le seul examen d’imagerie à réaliser en première intention est l’échographie rénale et des voies urinaires.
Les infections urinaires chez l’enfant sont le plus souvent secondaires à des troubles de l’élimination mais une uropathie malformative sous-jacente devra systématiquement être recherchée.
Pour bien comprendre
A Préambule
Le terme d’infection urinaire regroupe des contextes cliniques différents :
*l’infection urinaire fébrile, ou pyélonéphrite aiguë (PNA) : infection atteignant le parenchyme rénal, avec de possibles complications;
*l’infection urinaire basse, ou cystite aiguë : infection localisée à la vessie, habituellement bénigne.
Le diagnostic d’infection urinaire ne peut être affirmé que par l’examen des urines, qui met en évidence des quantités significatives de leucocytes et de bactéries.
Ce qui distingue les infections urinaires de l’enfant de celles de l’adulte :
*la fréquence des reflux vésico-urétéraux (RVU) primitifs ou secondaires;
*le risque de bactériémie ou de septicémie avant l’âge de 3 mois;
*la stratégie antibiotique excluant toute prescription de traitement minute (chez l’enfant non pubère) et de quinolones.
B Épidémiologie
Les infections urinaires sont parmi les infections bactériennes les plus fréquentes en pédiatrie.
Toute fièvre inexpliquée chez le nourrisson doit faire suspecter une infection urinaire.
Cette infection est responsable de 7,5 % des cas de fièvre chez l’enfant de moins de 2 ans mais sa fréquence varie entre 2 et 20 % selon le sexe et l’âge. Sa prévalence chez le nourrisson fébrile augmente notamment en cas d’uropathie, en l’absence de circoncision chez le garçon, en l’absence d’explication clinique à la fièvre (OMA, par exemple) et lorsque la durée d’évolution de celle-ci excède 48 heures.
E. coli est le germe en cause dans environ 80 % des infections urinaires. Les autres bactéries sont : Proteus mirabilis (10 %), les entérocoques (streptocoques du groupe D) et Klebsiella spp. (plus rares).
L’antibiorésistance croissante de l’ensemble des bactéries responsables d’infections urinaires oriente le choix de l’antibiothérapie initiale. Environ 50 % des souches de E. coli sont actuellement résistantes ou intermédiaires à l’amoxicilline et 20 à 30 % au cotrimoxazole. Le pourcentage de souches de E. coli urinaires communautaires productrices de bêtalactamases à spectre étendu (BLSE) a augmenté progressivement mais reste inférieur à 10 % en France (2023).
Les recommandations de prise en charge doivent s’adapter à l’évolution des résistances bactériennes et à la validation de nouveaux schémas thérapeutiques.
PNA et cystite aiguë de l’enfant sont d’origine bactérienne dans l’immense majorité des cas. Il existe toutefois de rares PNA fongiques chez le nouveau-né et le nourrisson, et des cystites virales chez le jeune enfant.
Germes des infections urinaires : E. coli (80 %), Proteus mirabilis (10 %), entérocoques et Klebsiella.
Diagnostiquer une infection urinaire
A Enquête clinique
1 Tableaux cliniques
Généralités
L’anamnèse recherche :
*les données de l’échographie prénatale, l’existence d’une uropathie;
*des épisodes antérieurs d’infection urinaire.
La notion de diffusion de l’infection en amont de la jonction vésico-urétérale peut apparaître théorique, mais elle a cependant une bonne concordance avec les données cliniques (tableau 36.1).
Comparaison des données cliniques entre pyélonéphrite aiguë (PNA) et cystite aiguë.
PNA Cystite aiguë
Température +++ 0
Signes généraux +++ 0
Signes fonctionnels urinaires + +++
Localisation de la douleur Lombo-abdominale Hypogastrique
Palpation lombaire Douloureuse (inconstant) Indolore
Pyélonéphrite aiguë
La PNA du nouveau-né se caractérise par un syndrome infectieux, avec troubles digestifs et parfois ictère (voir chapitre 45), déshydratation aiguë et perturbations ioniques.
La PNA du nourrisson et du jeune enfant doit être évoquée en cas de fièvre inexpliquée, volontiers accompagnée de critères de gravité, tels que des troubles hémodynamiques, ainsi que de signes algiques orientant vers des douleurs abdominales.
La PNA du grand enfant est évoquée en cas de fièvre élevée, de frissons, de douleurs abdominales ou lombaires, parfois associés à des signes fonctionnels urinaires (pollakiurie, mictions impérieuses, fuites d’urine).
Cystite aiguë
Le diagnostic de cystite aiguë est le plus souvent évoqué chez la petite fille.
Les récidives sont d’autant plus fréquentes qu’il existe un trouble mictionnel (vessie instable) et/ou une constipation.
Il existe parfois une fébricule, mais il n’y a pas de signes généraux ni douleurs lombaires.
Les signes fonctionnels urinaires sont variés et parfois intenses : dysurie, brÛlures mictionnelles, pollakiurie, envies impérieuses d’uriner, douleurs hypogastriques, fuites urinaires. Une hématurie macroscopique peut être associée (voir chapitre 4
Critères de gravité d’une pyélonéphrite aiguë
Ils doivent être systématiquement recherchés.
Les caractéristiques permettant de définir les infections urinaires « compliquées » chez l’adulte sont difficiles à appliquer en pédiatrie. On préfère identifier chez l’enfant des facteurs de risque et des signes de sévérité (tableau 36.2).
Tableau 36.2
Critères de gravité d’une PNA de l’enfant.
Facteurs de risque de PNA sévère
–Âge < 3 mois
–Uropathie sous-jacente
–Immunodépression
–Lithiase (cause ou conséquence de l’infection urinaire)
Signes de sévérité d’une PNA
–Sepsis
–Signes de déshydratation (nouveau-né)
–Altération de l’état général
La présence de l’un de ces critères de gravité justifie une hospitalisation et une stratégie antibiotique ad hoc (voir infra).
L’âge < 3 mois occupe une place à part, du fait du tableau clinique souvent trompeur, de la particularité des germes rencontrés, du risque de septicémie et d’essaimage méningé. L’hospitalisation est souvent la règle à cet âge; elle doit être systématique avant 6 semaines. Au-delà de 3 mois, elle dépend de la présentation clinique ainsi que des facteurs de risque et des signes de sévérité.
Critères de gravité à retenir : âge < 3 mois, sepsis, uropathie sous-jacente.
Enquête paraclinique
1 Examen des urines
Généralités
Une infection urinaire doit toujours être évoquée en cas de :
*fièvre sans point d’appel avant 3 mois;
*fièvre isolée persistante plus de 48 heures;
*signes fonctionnels urinaires;
*antécédents de PNA et/ou malformation des voies urinaires.
Le diagnostic se fait sur l’examen des urines :
*le dépistage repose sur la BU chez l’enfant âgé de plus de 1 mois; avant 1 mois, l’ECBU s’impose d’emblée (BU moins sensible, risque de faux négatifs);
*le diagnostic de certitude repose sur l’interprétation du résultat de l’ECBU.
Prélèvement urinaire
La qualité du recueil des urines (préparation, prélèvement, conservation) est essentielle pour le diagnostic. L’objectif est de recueillir l’urine vésicale (normalement stérile), en évitant sa contamination lors de la miction par la flore commensale colonisant l’urètre et le périnée.
Le prélèvement par collecteur adhésif (avec désinfection soigneuse et temps de pose de la poche ≤ 30 minutes) est encore le plus souvent utilisé, mais la qualité du recueil est médiocre et la valeur prédictive positive est insuffisante (jusqu’à 50 % de faux positifs).
Le prélèvement d’urines en milieu de jet est la technique non invasive à privilégier, mais elle est parfois difficile à réaliser, notamment chez la petite fille; des techniques simples permettant de provoquer la miction et de faciliter le recueil au jet ont été proposées. Sa valeur prédictive positive est meilleure (20 % de faux positifs).
Le cathétérisme urétral « aller-retour » ou sondage (surtout chez la fille) par sonde souple est une méthode alternative chez les enfants âgés de moins de 2 ans, qui permet de réduire encore le risque de contamination des urines par la flore périnéale (10 % seulement de faux positifs).
La ponction sus-pubienne échoguidée n’a que des indications limitées.
Bandelette urinaire (BU) réactive
La BU est l’examen de dépistage chez l’enfant d’âge > 1 mois.
La sensibilité du résultat est accrue si les urines sont recueillies dans de bonnes conditions.
Elle permet la détection :
*des leucocytes (si leucocyturie ≥ 104/ml);
*des nitrites (si la bactérie en cause possède une nitrate réductase (entérobactéries) : E. coli, Proteus mirabilis et Klebsiella spp.).
La positivité des leucocytes et/ou des nitrites à la BU impose la réalisation d’un ECBU pour confirmation diagnostique. La négativité de la BU pour ces deux paramètres a une valeur prédictive négative (VPN) de 97 %. Au-delà de l’âge de 1 mois, la négativité de la BU autorise à ne pas réaliser d’ECBU. Avant, la BU a une mauvaise VPN et l’ECBU s’impose d’emblée.
La BU peut être mise en défaut :
*pour les leucocytes : en cas de leucopénie;
*pour les nitrites : lorsque la bactérie ne produit pas de nitrate réductase (par exemple, entérocoque = streptocoque D), lorsque l’alimentation est pauvre en nitrates (allaitement maternel exclusif), ou lorsque l’urine a séjourné trop peu de temps dans la vessie (pollakiurie, sonde à demeure).
Examen cytobactériologique des urines
L’ECBU est indispensable à la confirmation diagnostique des infections urinaires.
Il comporte systématiquement un examen direct et une mise en culture.
L’examen direct est effectué au microscope dans un délai ≤ 1 heure.
Il permet de quantifier la leucocyturie et de caractériser la bactérie (morphologie, Gram).
La leucocyturie est significative si ≥ 104/ml.
La coloration de Gram a un intérêt majeur car elle peut orienter d’emblée le traitement antibiotique : bacilles Gram-négatifs orientant vers E. coli, cocci Gram-positifs en chaînettes orientant vers un entérocoque (résistance naturelle aux céphalosporines).
La leucocyturie et la bactériurie sont à interpréter en fonction des méthodes de prélèvement et de conservation des urines. Elles peuvent être mises en défaut par une antibiothérapie récente.
La culture des urines est systématique.
Elle permet d’identifier l’espèce bactérienne (en 24 heures), de la quantifier et d’effectuer un antibiogramme (en 48 heures).
Chez l’enfant et pour les germes habituels (entérobactéries et entérocoque), les seuils de bactériurie dépendent de la méthode de prélèvement (UFC = unités formant colonie) :
*milieu du jet ou cathétérisme urétral : ≥ 103 UFC/ml;
*collecteur à urine (poche) : ≥ 104 UFC/ml;
*ponction sus-pubienne : ≥ 102 UFC/ml.
La présence de plusieurs espèces bactériennes à l’examen direct et/ou à la culture témoigne généralement d’une contamination du prélèvement (le plus souvent sur collecteur) et doit conduire à répéter l’examen dans de meilleures conditions (milieu de jet ou sondage).
L’absence de leucocyturie et de bactériurie à l’examen direct a une VPN proche de 100 %.
L’absence de leucocyturie significative a une VPN proche de 97 %. Une bactériurie sans leucocyturie doit faire évoquer une souillure ou une infection urinaire débutante.
La valeur prédictive positive (VPP) d’une leucocyturie isolée est inférieure à 50 %, mais une leucocyturie sans bactériurie doit faire évoquer une infection urinaire décapitée par un traitement antibiotique, une vulvite, ou encore une maladie inflammatoire (par exemple, maladie de Kawasaki). De plus, comme explicité plus haut, il existe des cas de PNA et de cystite d’étiologie non bactérienne.
Confirmation diagnostique par l’ECBU :
*exigeant une technique de recueil optimale;
*leucocyturie + bactériurie significatives.
2 Autres prélèvements biologiques en cas de PNA
Une cystite aiguë ne requiert pas d’autre examen biologique que l’ECBU.
En cas de PNA, d’autres examens peuvent s’avérer nécessaires.
Les marqueurs plasmatiques de l’inflammation (CRP, PCT) ont une bonne sensibilité en cas d’atteinte parenchymateuse rénale, mais ne sont pas suffisamment spécifiques. Une CRP normale au-delà de 24–48 heures d’évolution des symptômes (fièvre) doit conduire à remettre en question la fiabilité de l’examen d’urines et le diagnostic de PNA.
L’hémoculture est recommandée chez le nourrisson d’âge < 3 mois et chez les enfants hospitalisés (notamment si sepsis); elle n’est pas systématique dans les autres cas. Elle est positive dans 30 % des cas avant 1 mois, 15 % entre 1 à 2 mois, 5 % entre 2 et 3 mois.
La ponction lombaire est largement indiquée chez le très jeune nourrisson (âgé de moins de 6 semaines), car les PNA à cet âge s’accompagnent plus souvent d’hémocultures positives avec un risque de méningite associée.
Enfin, l’ionogramme sanguin avec créatininémie et calcul du DFG (formule de Schwartz) est indiqué (voir chapitre 48).
Examens d’imagerie de première intention
Échographie de l’appareil urinaire
La plupart des enfants ont eu une échographie lors du suivi obstétrical, permettant le plus souvent d’éliminer une uropathie malformative grave.
*En cas de PNA (systématique pour un premier épisode), l’échographie de l’appareil urinaire reste recommandée actuellement en première intention dans les premiers jours de prise en charge. Son intérêt est d’éliminer une malformation et/ou une obstruction des voies urinaires, un abcès (notamment en cas de persistance de la fièvre et du syndrome inflammatoire sous traitement adapté) et, plus exceptionnellement, une lithiase ou une tumeur; elle peut aussi parfois montrer des signes en faveur d’une atteinte parenchymateuse ou d’un RVU.
* En cas de cystite, elle est indiquée surtout en cas d’épisodes récidivants ou en cas d’hématurie macroscopique.
Autres examens
La scintigraphie rénale, l’uro-TDM/IRM ne sont pas indiquées en pratique courante chez l’enfant pour la prise en charge aiguë d’un épisode de PNA.
Un premier épisode de PNA justifie la réalisation systématique d’une échographie de l’appareil urinaire.
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi de l’enfant
A Orientation
1 Pyélonéphrite aiguë
Hospitalisation recommandée en cas de :
*présence de critères de gravité (voir tableau 36.2);
*risque de non-observance ou d’accès difficile à un traitement rapide.
En dehors de ces situations, un traitement ambulatoire peut être proposé, y compris pour la phase d’antibiothérapie initiale parentérale.
Le médecin traitant doit s’assurer de la compréhension de sa prescription et de la connaissance par la famille des signes nécessitant une consultation urgente. Une réévaluation médicale à J2 du traitement est indispensable.
2 Cystite aiguë
La cystite aiguë est une pathologie bénigne, ne requérant qu’une prise en charge ambulatoire.
B Prise en charge thérapeutique d’une infection urinaire
1 Antibiothérapie de la pyélonéphrite aiguë
Généralités
L’antibiothérapie a pour but d’éviter la dissémination bactérienne et de limiter le risque de cicatrices rénales. Il convient de recourir à des antibiotiques ayant une bonne concentration dans le sang et le parenchyme rénal, ainsi qu’une bonne élimination urinaire.
L’antibiothérapie est débutée dès que possible, idéalement après les résultats de l’examen direct des urines s’il est possible et rapide. Elle est probabiliste dans sa phase initiale, avant les résultats de la culture et de l’antibiogramme, et tient compte des profils de sensibilité habituels des principaux germes responsables d’infections urinaires en milieu communautaire (E. coli). Les doses de médicaments sont à adapter à la fonction rénale (nécessité rare en pratique chez l’enfant).
Modalités de prescription pour une PNA à BGN
La conduite de l’antibiothérapie comporte habituellement deux phases : initiale (probabiliste) et secondaire (orientée par l’antibiogramme : germe sensible).
Plusieurs schémas thérapeutiques sont désormais recommandés chez l’enfant.
Antibiothérapie initiale parentérale :
*monothérapie par :
–C3G injectable : céfotaxime (IV) ou ceftriaxone (IM ou IV);
–ou amikacine (IV);
* association C3G (IV) et amikacine (IV) en cas de critères de gravité;
* pour 2 à 4 jours selon l’évolution, avec relais oral ensuite.
Antibiothérapie initiale orale d’emblée : seul le céfixime est indiqué, mais uniquement à partir de 3 mois et en l’absence de critère de gravité. En effet, le céfixime, du fait de ses propriétés PK/PD médiocres sur les souches de CMI limite expose à un risque de moindre rapidité d’action, de moindre efficacité et de moindre bénéfice en situation de sepsis.
Antibiothérapie de relais orale :
*cotrimoxazole (contre-indiqué avant l’âge de 1 mois et en cas de déficit sévère en G6PD);
*C3G orale de type céfixime (à réserver aux souches non BLSE et résistantes au cotrimoxazole et/ou avant l’âge de 1 mois).
La durée globale du traitement (injectable puis oral) est de 10 à 14 jours.
En cas d’infection urinaire à entérocoque (streptocoque du groupe D), l’antibiothérapie à proposer est l’amoxicilline car les caractéristiques PK/PD sont excellentes pour ce germe (± aminoside si indication).
Adaptation probable des recommandations à l’évolution des résistances bactériennes et à la validation de nouveaux schémas diagnostiques et thérapeutiques.
Antibiothérapie de la cystite aiguë
La cystite aiguë est typiquement l’infection urinaire de la petite fille qui présente un trouble mictionnel.
Elle est sans gravité potentielle en l’absence d’uropathie, et sans risque de retentissement parenchymateux. Elle ne doit pas conduire à l’utilisation d’antibiotiques par voie injectable.
Schémas thérapeutiques :
*cotrimoxazole per os;
*céfixime (à réserver aux souches résistantes au cotrimoxazole);
*association amoxicilline + acide clavulanique (possible ici du fait de son excellente concentration urinaire qui permet d’atteindre localement des seuils de CMI élevés, y compris pour des bactéries productrices de BLSE).
La durée du traitement est de 3 à 5 jours.
L’efficacité du « traitement antibiotique minute » n’est pas validée chez l’enfant non pubère.
3 Traitement symptomatique
Afin d’améliorer le confort de l’enfant : paracétamol.
On conseille aussi aux parents de proposer suffisamment de boissons à leur enfant, et de l’encourager (s’il est en âge de le comprendre) à effectuer des mictions régulières.
C Suivi médical d’une pyélonéphrite aiguë
1 Suivi immédiat et complications
La stratégie antibiotique permet habituellement d’obtenir l’apyrexie et la stérilisation des urines en moins de 48 heures. Elle limite considérablement le risque de réinfection à moyen terme, et probablement le risque de cicatrices parenchymateuses à long terme.
La surveillance est avant tout clinique. En cas de PNA traitée en ambulatoire, une réévaluation médicale à J2 permet d’apprécier l’évolution et d’effectuer ou d’adapter le relais oral de l’anti-biothérapie conforme aux résultats de l’antibiogramme de l’ECBU.
La pratique d’un ECBU de contrôle de manière systématique à 48 heures de traitement antibiotique, ou au terme de celui-ci, est inutile.
En cas d’échec thérapeutique et en l’absence d’explication bactériologique, une nouvelle échographie de l’appareil urinaire recherche une complication locorégionale (abcès rénal).
2 Suivi à long terme
Le pronostic des PNA de l’enfant est lié au risque de cicatrices parenchymateuses.
Celles-ci sont susceptibles d’induire une maladie rénale chronique (protéinurie, HTA et/ou réduction néphronique), notamment en cas de PNA répétées et/ou traitées tardivement ou par une antibiothérapie initialement inadaptée.
Pas d’ECBU de contrôle systématique.
La prise en charge des infections urinaires doit dans tous les cas associer la prise en charge du cercle vicieux « constipation/troubles fonctionnels urinaires/infection urinaire » (cystite récidivante) et d’un éventuel facteur favorisant comme une uropathie malformative sous-jacente (pyélonéphrite aiguë).
Prise en charge étiologique
1 Généralités
Le plus souvent, l’infection urinaire chez l’enfant est la résultante :
*d’une anomalie acquise de l’écoulement bas des urines, c’est-à-dire d’une mauvaise vidange vésicale, comme une vessie instable de la jeune fille avec résidu post-mictionnel, fréquemment associée à une constipation dans le cadre de troubles de l’élimination (voir chapitre 49);
*associée à un réservoir bactérien (prépuce du jeune nourrisson).
Plus rarement, elle s’associe à une anomalie congénitale de l’écoulement haut des urines.
Celle-ci peut être objectivée dès la période anténatale en échographie, par la visualisation d’une dilatation segmentaire de la voie excrétrice (bassinets, calices, uretères, vessie, urètre postérieur) et/ou par des anomalies de l’échostructure du parenchyme rénal ou de la paroi vésicale. Une anomalie de la jonction pyélo-urétérale est suspectée par l’échographie en présence d’une dilatation isolée du bassinet et des calices.
Plus rarement encore à l’origine d’infections urinaires sévères ou récidivantes :
*un méga-uretère primitif non refluant (dilatation urétéro-pyélo-calicielle sus-jacente à un obstacle significatif au niveau de la jonction urétéro-vésicale);
*une urétérocèle (dilatation pseudokystique de l’uretère terminal, extra- ou intravésicale).
Reflux vésico-urétéral et place de la cystographie rétrograde
Très souvent, une PNA est associée à un reflux vésico-urétéral (RVU), fonctionnel (généralement dans le cadre d’un dysfonctionnement vésicosphinctérien) ou malformatif.
La cystographie rétrograde est l’examen qui permet d’objectiver un RVU (fig. 36.1).Elle n’est pas systématique dès un premier épisode de PNA car :
*le RVU est un phénomène parfois intermittent qui ne sera donc pas toujours objectivé par la cystographie;
*quel que soit le mécanisme du RVU, la croissance, en améliorant la maturation du fonctionnement vésicosphinctérien et/ou en allongeant le trajet vésical intramural de l’uretère, peut permettre d’améliorer ou de faire disparaître un grand nombre de RVU;
*la chirurgie du RVU est controversée; elle est habituellement destinée aux RVU malformatifs de grade élevé.
Cet examen est indiqué lorsqu’existent des anomalies échographiques nécessitant d’être précisées ou en cas d’épisodes répétés de PNA (sauf contexte typique d’instabilité vésicale). D’autres paramètres sont susceptibles de moduler son indication : jeune âge, sexe et germe. Un avis pédiatrique spécialisé est utile.
C’est le seul examen capable de visualiser les malformations de l’urètre du garçon. Il s’impose donc au moindre doute de valves de l’urètre postérieur. Ce diagnostic est en général suspecté lors de l’échographie anténatale (dilatation des voies urinaires supérieures ± bilatérales et/ou vésicale et/ou sous-vésicale) mais certaines formes peuvent échapper au diagnostic et se révéler plus tardivement à l’occasion d’une infection urinaire fébrile. Dans ce cas, l’avis d’un chirurgien pédiatre doit être obtenu rapidement (voir chapitre 49)
Intérêt de l’antibioprophylaxie ?
Aucun consensus n’existe à l’heure actuelle et il n’y a que peu d’arguments dans la littérature démontrant son intérêt pour la prévention des cicatrices rénales à long terme.
Si elle est instaurée, l’antibioprophylaxie (cotrimoxazole après l’âge de 1 mois, en prise unique le soir) se heurte au risque de non-observance, de modification de la flore bactérienne et au caractère empirique de sa prescription.
Les médicaments à base de nitrofurantoïne sont désormais contre-indiqués chez l’enfant en prophylaxie du fait des risques d’effets secondaires, pulmonaires notamment. S’ils sont utilisés, l’indication doit être posée par un spécialiste, et ce pour la durée la plus courte possible.
4 Quand adresser l’enfant en consultation de néphrologie ou d’urologie pédiatrique ?
Indications de consultation spécialisée :
*infections urinaires à répétition;
*échographie rénale et des voies urinaires anormale pouvant témoigner d’une uropathie malformative;
*mictions très nombreuses avec fuites urinaires;
*mauvais jet urinaire (miction goutte à goutte, poussée abdominale).
En cas d’examen neurologique anormal des membres inférieurs, des investigations complémentaires devront être discutées pour éliminer une vessie neurologique sur anomalie médullaire, ce qui nécessitera dans ce cas une prise en charge adaptée (voir chapitre 49).
Infections urinaires récidivantes : pas de consensus sur l’antibioprophylaxie.
Retenir les indications d’orientation vers une consultation spécialisée.
Avant de commencer…
Le diagnostic d’infection neuroméningée doit être systématiquement :
*suspecté rapidement sur les données cliniques (plus difficilement évaluables chez le nourrisson);
*évalué en termes de gravité (états hémodynamique et neurologique);
*confirmé par l’étude du liquide cérébrospinal (LCS) obtenu par ponction lombaire.
La prise en charge thérapeutique initiale des méningites bactériennes repose sur :
*une antibiothérapie IV la plus précoce possible, probabiliste et active sur :
–le pneumocoque (S. pneumoniae) : chez le nourrisson (première bactérie avant 1 an);
–le méningocoque (N. meningitidis) : à tout âge;
*avec comme objectif premier la stérilisation rapide du LCS.
Le suivi des formes bactériennes nécessite des évaluations neurologiques, cognitives et auditives.
Des mesures préventives pour les sujets contacts sont indiquées pour les méningites à méningocoque.
Ce qui distingue les méningites purulentes de l’enfant de celles de l’adulte :
*une sémiologie clinique spécifique chez le nourrisson (hypotonie, geignements, fièvre isolée…);
*la moindre fréquence des tableaux neurologiques aigus, tels que signes neurologiques de localisation, crises épileptiques, ne justifiant que rarement une imagerie cérébrale;
*la nécessité d’un suivi d’au moins 1 an pour le dépistage d’une surdité sévère susceptible de bénéficier précocement de nouvelles techniques d’implants cochléaires.
I Pour bien comprendre
A Épidémiologie
1 Méningites virales, méningites infectieuses non purulentes
Les méningites virales sont les plus fréquentes des méningites infectieuses chez l’enfant.
Le diagnostic est suspecté devant l’identification d’un LCS d’aspect optique non purulent (translucide, parfois opalescent) avec une réaction cellulaire modérée (habituellement < 500 éléments/mm3), de formule lymphocytaire ou panachée (50–100 % de lymphocytes), demeurant stérile à la culture.
Virus les plus souvent retrouvés :
*entérovirus dont Echovirus (surtout);
*entérovirus de type coxsackie virus (plus rare);
*mais aussi : HHV6, virus de la varicelle et du zona, virus EBV ou virus ourlien;
*en redoutant toujours : HSV (atteinte encéphalique sévère).
Toutes les méningites non purulentes ne sont pas d’origine virale.
Des bactéries sont plus rarement en cause : BK (enfants immigrés ou immunodéprimés) et Listeria (exceptionnelle).
2 Méningites bactériennes, méningites à liquide purulent
L’incidence des méningites bactériennes est beaucoup plus élevée chez l’enfant que chez l’adulte. Elle est estimée tous âges et tous germes confondus à 2,2 cas pour 100 000 habitants en France et à 50 cas pour 100 000 habitants dans les pays en développement.
La mortalité et les séquelles sont très élevées dans les pays en développement. Elles demeurent élevées également dans les pays industrialisés. En France, les méningites à pneumocoque ont, malgré le recours à des stratégies antibiotiques adaptées, une mortalité évaluée à 10 % et des séquelles chiffrées à 30 % en moyenne.
Deux bactéries prédominent chez l’enfant (nouveau-nés exclus) :
*Streptococcus pneumoniae : plus fréquent entre les âges de 2 et 12 mois;
*Neisseria meningitidis : plus fréquent après l’âge de 12 mois.
Pneumocoque (Streptococcus pneumoniae)
S. pneumoniae est un germe de portage oropharyngé du jeune enfant.
L’introduction du vaccin pneumococcique conjugué à 13 valences s’est traduite par une réduction du pourcentage des méningites purulentes liées aux sérotypes inclus dans ce vaccin ainsi que par une réduction de la résistance de ceux-ci aux pénicillines.
Les méningites à pneumocoque sont plus fréquentes entre 2 et 12 mois de vie. Elles représentent environ 60 % des méningites bactériennes à ces âges.
En pédiatrie, la sensibilité parfois intermédiaire de S. pneumoniae aux bêtalactamines impose d’effectuer une détermination des CMI, de l’amoxicilline mais aussi du céfotaxime ou de la ceftriaxone pour toutes les souches isolées.
Méningocoque (Neisseria meningitidis)
N. meningitidis est une bactérie de portage du rhinopharynx.
Le germe possède une capsule polyosidique déterminant son sérogroupe. Parmi les 12 séro-groupes, 4 prédominent en France au cours des infections invasives à méningocoque (IIM) : B, C, W et Y. Si le B prédomine, la fréquence des autres sérogroupes varie selon les années et selon l’impact des stratégies vaccinales. La vaccination méningococcique C polyosidique conjuguée a fortement réduit l’incidence des IIM, dont les méningites, en rapport avec le sérogroupe C en France. La vaccination protéique (Bexsero®) a été mise en place chez le nourrisson en 2022; de par sa nature protéique, elle couvre en partie les IIM de tous les sérogroupes (B 85 %, C 37 %, W 62 %, Y 100 %). Actuellement en France, les IIM sont principalement dues aux sérogroupes B, Y et W; les sérogroupes A et X ne circulent pas ou peu.
Les méningites à méningocoque sont plus fréquentes après 12 mois de vie. Elles représentent alors environ 60 % des méningites bactériennes dans cette tranche d’âge.
Le méningocoque reste sensible aux bêtalactamines même si un quart des souches invasives en France présentent une diminution de sensibilité à la pénicilline G et à l’amoxicilline (2020). Cependant, toutes les souches restent sensibles aux C3G avec des CMI suffisamment basses. De telles données justifient le maintien d’un traitement en première intention par une C3G injectable (céfotaxime ou ceftriaxone).
Celui-ci assurant l’éradication du portage de ce germe, il dispense en outre de prescrire chez l’enfant atteint un traitement complémentaire par la rifampicine.
Autres germes
L’incidence des autres bactéries est moindre.
Le streptocoque du groupe B est le premier germe responsable des méningites chez les nourrissons âgés de moins de 2 mois; il est constamment sensible à l’amoxicilline.
Escherichia coli est le second germe à cet âge.
Haemophilus influenzae est rarement responsable de méningites depuis la généralisation en France de la vaccination anti-Haemophilus influenzae b. Son incidence augmente toutefois de nouveau depuis 2018.
D’autres bactéries sont responsables de méningites dans des contextes particuliers : salmonelles (enfants drépanocytaires), staphylocoque à coagulase négative et bacilles à Gram négatif (infections nosocomiales), germe opportuniste (immunodéprimés).
Virus : agent infectieux le plus fréquent des méningites de l’enfant.
Redouter : pneumocoque surtout avant l’âge de 1 an, méningocoque à tout âge.
B Physiopathologie
L’envahissement des bactéries s’effectue quasi exclusivement par voie hématogène vers les espaces méningés et le LCS, qui est dépourvu d’activité bactéricide naturelle (à la différence du sérum).
La réponse de l’hôte à l’infection est délétère par la production de cytokines in situ qui entraîne une inflammation méningée considérable, générant un œdème cérébral et une réduction des flux vasculaires cérébraux responsables d’ischémie et de séquelles.
II Diagnostiquer une méningite et distinguer cause virale et cause bactérienne
Le diagnostic de méningite est urgent et doit être :
*suspecté rapidement sur les données cliniques (plus difficile chez le nourrisson);
*évalué en termes de gravité sur l’état hémodynamique et neurologique;
*confirmé par l’étude du LCS obtenu par ponction lombaire.
A Enquête clinique
1 Données cliniques
Chez le nourrisson
Points d’appel (parfois difficiles à identifier) :
*fièvre élevée (parfois isolée);
*signes d’infection potentiellement sévère :
–teint pâle ou gris, caractère geignard, somnolence;
–cris et pleurs inhabituels à la mobilisation, hyperirritabilité, inconsolabilité;
–refus alimentaire, vomissements;
*convulsions même brèves et apparemment isolées.
Signes neurologiques à particulièrement rechercher :
*bombement de la fontanelle antérieure (identifié en position assise en dehors des cris);
*modification du tonus neurologique :
–hypotonie de la nuque remplaçant souvent la raideur chez le nourrisson;
–ou raideur anormale à la mobilisation du rachis avec rejet de la tête en arrière;
*signes neurologiques de localisation.
Ce qui oriente vers une méningite bactérienne :
*signes de gravité immédiate (défaillance hémodynamique, HTIC menaçante);
*dans un contexte de convulsion fébrile : âge < 6 mois, caractère prolongé de l’épisode, absence de récupération au décours : signe neurologique ou trouble de conscience persistant.
Chez le grand enfant
Tableau clinique souvent proche de celui décrit chez l’adulte :
*fièvre à début le plus souvent brutal;
*parfois au décours d’une infection des VAS ou d’un syndrome grippal;
*syndrome méningé avec :
–céphalées, cervicalgies, photophobie;
–vomissements et/ou refus alimentaire.
Signes neurologiques à particulièrement rechercher :
*raideur de nuque (flexion de nuque douloureuse et limitée, alors que les mouvements de latéralité restent possibles);
signe de Brudzinski (flexion involontaire des membres inférieurs à l’antéflexion provoquée de la tête, fig. 37.1);signe de Kernig (résistance douloureuse à l’extension de la jambe après flexion de la cuisse sur le bassin);
*signes neurologiques de localisation.
Situations d’urgence à identifier
Signes de gravité hémodynamiques —> sepsis :
*signes : tachycardie, TRC ≥ 3 s, marbrures, extrémités froides, anurie;
*urgence : remplissage vasculaire, contre-indication à la réalisation d’une PL.
Signes de gravité cutanés → purpura fulminans (voir chapitre 24) :
*signes : choc hémodynamique avec purpura rapidement extensif et nécrotique (voir fig. 24.1);
*urgence : prise en charge hémodynamique, antibiothérapie par C3G IV/IM, transfert en réanimation.
Signes de gravité neurologiques → HTIC, abcès ou empyème sous-dural :
*signes : troubles de conscience, coma, convulsions;
*urgence : transfert en neurochirurgie, imagerie cérébrale préalable avant toute PL.
En cas de trouble de conscience fébrile, il faut savoir évoquer le diagnostic d’encéphalite herpétique (méningo-encéphalite), en raison de son pronostic redoutable.
Diagnostic de méningite à évoquer chez un nourrisson fébrile geignard et hypotonique.
Gravité = signes hémodynamiques, cutanés et neurologiques.
Toujours rechercher des signes d’atteinte encéphalitique.
Enquête paraclinique
1 Hiérarchiser les examens complémentaires
En pratique, deux examens biologiques sont recommandés :
*l’examen du LCS;
*l’hémoculture.
Le diagnostic de méningite ne peut être affirmé que par l’examen du LCS qui doit être fait en urgence mais chez un patient stabilisé sur le plan hémodynamique, respiratoire et neurologique. La figure 37.2 et un lien vidéo en annexe illustrent le geste de ponction lombaire chez l’enfant.La PL doit ainsi être différée en cas de :
*purpura fulminans et/ou instabilité hémodynamique → urgence = remplissage vasculaire et injection de C3G;
*signes évocateurs d’engagement cérébral → urgence = hémoculture (si possible), injection de C3G et TDM cérébrale.
Le pronostic dépend essentiellement de la rapidité de mise en route de l’antibiothérapie IV.
Contre-indications à la PL en urgence en cas de suspicion de méningite bactérienne (d’après le consensus 2017) :
*instabilité hémodynamique ou respiratoire non contrôlée, a fortiori purpura fulminans;
*anomalie de l’hémostase connue, traitement anticoagulant ou saignement actif évoquant une CIVD;
*suspicion clinique de processus expansif intracrânien :
–déficit moteur : paralysie faciale centrale, paralysie oculomotrice, déficit du membre supérieur et/ou du membre inférieur;
–crises épileptiques récentes et focales;
*signes d’engagement cérébral :
–trouble de la vigilance;
–et au moins un des symptômes suivants : anomalies pupillaires (mydriase fixée uni- ou bilatérale), dysautonomie (hypertension artérielle et bradycardie, anomalies du rythme ventilatoire), crises toniques postérieures, aréactivité aux stimulations, réactions de décortication ou de décérébration;
*crises convulsives persistantes empêchant la réalisation de la PL.
L’imagerie cérébrale initiale préalable à la PL n’est indiquée qu’en cas de suspicion clinique de processus expansif intracrânien et/ou devant la présence de signes d’engagement cérébral.
Le fond d’œil, compte tenu des difficultés pratiques de sa réalisation en urgence ainsi que du retard d’apparition de l’œdème papillaire en cas d’œdème cérébral débutant, n’est pas utile avant la PL.
Contre-indication à la PL : purpura fulminans et/ou troubles hémodynamiques, signes d’engagement cérébral. Mesures thérapeutiques urgentes en priorité.
L’imagerie cérébrale, si indiquée, ne doit pas retarder l’antibiothérapie (à initier avant imagerie et PL).
nterpréter les résultats du LCS
Poser le diagnostic de méningite
Analyse cytologique :
*nombre de cellules (ou globules blancs) > 5/mm3 = méningite (chez un nouveau-né, ce seuil est à 10/mm3);
*attention : un prélèvement traumatique (LCS hémorragique si > 1 000 GR/mm3) peut « faussement » élever la cellularité; 1 000 GR correspondent à environ 1 élément (ou globule blanc) dans le LCS.
Analyse biochimique :
*protéinorachie (un prélèvement traumatique peut « faussement » élever la protéinorachie);
*rapport glycorachie/glycémie;
–nécessité absolue de doser la glycémie concomitante à la PL;
–une hypoglycorachie très basse serait un indice de mauvais pronostic;
*dosage des lactates dans le LCS parfois pratiqué.
Examen microbiologique direct :
*coloration de Gram :
–sensibilité améliorée par concentration du LCS par cytocentrifugation;
–un inoculum > 105 bactéries/ml est nécessaire pour être visible à l’examen direct;
–résultat en 30 minutes mais dépendant du germe et de l’opérateur;
*germe retrouvé :
–cocci à Gram positif en diplocoques : S. pneumoniae ;
–diplocoques à Gram négatif : N. meningitidis ;
–bacilles à Gram négatif polymorphes : H. influenzae ;
–absence de germe au direct :
–origine virale probable;
–mais interprétation parfois mise en défaut si antibiothérapie préalable.
Culture microbienne (systématique) :
*confirmation de l’identification de la bactérie;
*étude de l’antibiogramme;
*évaluation de la CMI du germe aux C3G injectables et à l’amoxicilline.
S’orienter entre méningite bactérienne et méningite virale
Le tableau 37.1 récapitule les caractéristiques d’orientation après étude du LCS.
Tableau 37.1
Résultats de l’étude du LCS : méningite bactérienne versus méningite virale.
LCS Méningite bactérienne Méningite virale
Analyse macroscopique
–Liquide typiquement hypertendu et trouble (plus rarement, aspect purulent)
–Liquide habituellement clair
–Liquide parfois opalescent (en cas de forte cellularité, par exemple : virus ourlien)
Analyse cytologique
–Éléments habituellement > 200/mm3
–Prédominance de PNN
–Formule initiale panachée possible
–Éléments habituellement entre 50 et 150/mm3
–Formule lymphocytaire ou panachée
–Formule initiale avec prédominance de PNN possible
Analyse biochimique
–Protéinorachie > 0,50 g/l
–Rapport glucose LCS/sang < 40 %
–Lactates du LCS > 3,2 mmol/l
–Protéinorachie normale ou peu augmentée : 0,40–0,60 g/l
–Normoglycorachie le plus souvent
Examen microbiologique direct Positif Négatif
Culture microbienne Cf. texte Négative (systématiquement pratiquée)
Autres recherches BinaxNOW® S. pneumoniae
PCR spécifique ou multiplex Dosage de l’interféron α : augmenté
PCR entérovirus selon orientation
PCR HSV en cas de signes encéphalitiques
Autres examens biologiques
Hémoculture
Elle est systématique dans le bilan initial et peut isoler une bactérie causale en cas de méningite bactérienne.
Elle ne se substitue pas à l’examen du LCS qui permet à lui seul de porter le diagnostic de méningite.
Autres examens permettant d’identifier l’agent infectieux
Tableau de méningite bactérienne → recherche d’une bactérie (hors culture du LCS et hémocultures) :
*si examen microbiologique du LCS négatif (cellularité sans germe) :
–test immunochromatographique BinaxNOW® sur LCS : détecte les molécules de polysaccharides C contenues dans toutes les souches de S. pneumoniae (excellente sensibilité);
–PCR pneumocoque ou PCR méningocoque sur le LCS (PCR « classiques » et RT-PCR ou PCR en temps réel, spécifiques d’un agent bactérien);
*PCR méningocoque sérique (inutile si > 18 heures après le début du traitement);
*PCR méningocoque sur biopsie cutanée de lésion nécrotique en cas de suspicion de méningococcémie ou de purpura fulminans (intérêt majeur si examen du LCS négatif ou impossible).
Tableau de méningite virale → recherche d’un virus, selon les cas :
*dosage de l’interféron α sur LCS augmenté en faveur d’une étiologie virale;
*PCR entérovirus sur LCS selon orientation;
*PCR HSV sur LCS en cas de signes encéphalitiques.
Depuis peu, des techniques automatisées de RT-PCR multiplex proposent un diagnostic microbiologique rapide sur un panel élargi d’agents viraux et bactériens responsables d’infections du SNC. Possibilités rares de faux négatifs et de faux positifs.
Autres examens utiles
Bilan inflammatoire → orientation vers une cause bactérienne :
*NFS : hyperleucocytose à polynucléaires (mais aucune spécificité);
*CRP élevée (utile mais insuffisamment discriminante avec une infection virale);
*PCT > 0,5 ng/ml (meilleure que la CRP comme marqueur distinctif entre méningite bactérienne et méningite virale car plus précoce).
L’ionogramme sanguin est surtout utile en cas de réduction de la diurèse afin d’authentifier une complication évolutive de type SIADH (sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique).
La détermination du sérogroupe du méningocoque éventuellement isolé est le complément indispensable pour pouvoir instituer la prophylaxie vaccinale des sujets contacts.
Examens systématiques recommandés : examen du LCS et hémoculture.
Diagnostic de méningite : éléments du LCS > 5/mm3.
Suivre la culture du LCS, même en cas de méningite à liquide clair.
4 Examens d’imagerie
Examens d’imagerie
L’imagerie cérébrale n’est pas un examen systématique.
Le scanner cérébral ou, mieux, l’IRM cérébrale est indiqué(e) :
*initialement en cas de :
–signes cliniques évocateurs d’encéphalite : troubles de la conscience variables ou prolongés, convulsions répétées et/ou prolongées, signes de localisation neurologique persistants, modifications durables du comportement;
–contexte évocateur de méningite bactérienne avec signes évoquant un processus expansif intracrânien et/ou présence de signes d’engagement cérébral (voir supra);
*ou plus tard en cas d’évolution défavorable d’une méningite bactérienne, à la recherche d’une complication telle qu’un empyème cérébral ou une thrombose vasculaire.
Pour rappel, cette imagerie (si indiquée initialement) ne doit pas retarder le traitement d’urgence (à débuter ici avant la PL), à savoir l’antibiothérapie intraveineuse et/ou l’aciclovir.
L’échographie transfontanellaire n’a pas d’indication dans ce contexte.
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi
A Méningite bactérienne
1 Orientation
La prise en charge thérapeutique d’une méningite purulente est une urgence.
La moindre suspicion clinique du diagnostic doit conduire à l’hospitalisation, avec monitoring cardiorespiratoire et pose de voies veineuses périphériques de bon calibre.
L’orientation d’un enfant avec une méningite bactérienne doit être discutée avec le réanimateur pédiatrique et justifie dans tous les cas le rapprochement vers un service de réanimation pédiatrique prévenu de l’état clinique de l’enfant. Si un transfert interhospitalier est nécessaire, il doit être médicalisé (SAMU, SMUR).
Surveillance continue dans les premières heures :
*état hémodynamique;
*signes d’HTIC sévère : bradycardie, tachycardie, irrégularité du rythme respiratoire.
2 Antibiothérapie
Rationnel de prescription
Objectifs de la prise en charge :
*la rapidité d’obtention d’un effet bactéricide dans le LCS;
*la lutte contre l’inflammation méningée et l’œdème cérébral.
L’antibiothérapie repose sur la prescription d’une C3G injectable (céfotaxime ou ceftriaxone).
Une monothérapie à doses élevées (méningées) est suffisante pour les méningites bactériennes à méningocoque et à pneumocoque.
Le pronostic d’un enfant atteint de méningite bactérienne dépend de la précocité de la mise en route de l’antibiothérapie. Celle-ci doit être débutée dès la réalisation de la PL diagnostique ou même avant si cet examen est contre-indiqué ou à différer.
En pratique, l’antibiothérapie s’impose :
*dès la suspicion diagnostique en cas de signes de détresse vitale (instabilité hémodynamique, signes d’engagement cérébral) lorsque la PL doit être différée;
*dès la réalisation de la PL ou dès ses premiers résultats (aspect macroscopique, cellularité du LCS, examen microbiologique direct).
Les critères biologiques classiques d’infection bactérienne méningée, tels que l’hypoglycorachie franche avec ratio glucose LCS/sérum < 0,4, l’hyperprotéinorachie (> 0,5 g/l), le syndrome infectieux biologique franc (hyperleucocytose ou leucopénie, élévation de la CRP ou de la PCT), sont utiles pour conforter le diagnostic.
Mais il faut garder en tête qu’aucun signe clinique ou biologique (mis à part l’examen direct) ne permet à lui seul d’affirmer ou d’éliminer l’hypothèse d’une méningite bactérienne. En particulier, aucun marqueur de l’inflammation n’a suffisamment de sensibilité et de spécificité dans ce contexte, même la PCT. En effet, lors d’un épisode infectieux bactérien, la réaction inflammatoire demande un délai et peut rester négative ou peu importante dans les premières heures (12 heures) d’évolution. C’est donc sur un ensemble d’éléments que doit se fonder en urgence la décision thérapeutique.
En cas de doute persistant, le score Meningitest© peut aider le clinicien dans sa décision (sensibilité 100 %, spécificité 51 %).
Une antibiothérapie est indiquée si au moins un des critères suivants est présent en cas de méningite : convulsions, aspect « toxique », purpura, PCT ≥ 0,5 ng/ml, coloration de Gram du LCS positive ou protéinorachie ≥ 0,5 g/l.
Recommandations actuelles
Si le diagnostic de méningite à pneumocoque est suspecté (âge < 1 an, OMA purulente) ou confirmé (cocci à Gram positif à l’examen direct du LCS, BinaxNOW® Streptococcus pneumoniae positif, PCR positive) :
*monothérapie IV : céfotaxime à la dose initiale de 300 mg/kg par jour répartie en quatre injections;
*adaptation secondaire de l’antibiothérapie selon les résultats de l’antibiogramme (CMI);
*durée totale de l’antibiothérapie IV : 10 à 14 jours.
Si le diagnostic de méningite à méningocoque est suspecté (âge ≥ 1 an, contage, purpura) ou confirmé (diplocoque à Gram négatif à l’examen direct du LCS, PCR positive) :
*monothérapie IV : céfotaxime 200 mg/kg par jour répartie en quatre injections (ou ceftriaxone 100 mg/kg par jour);
*adaptation secondaire de l’antibiothérapie selon les résultats de l’antibiogramme (CMI);
*durée totale de l’antibiothérapie IV : 5 à 7 jours.
Si le diagnostic de méningite à Haemophilus influenzae est suspecté (bacille à Gram négatif à l’examen direct du LCS, PCR positive) :
*monothérapie IV : céfotaxime 200 mg/kg par jour répartie en quatre injections (ou ceftriaxone 100 mg/kg par jour);
*durée totale de l’antibiothérapie IV : 7 jours.
Ces recommandations sont susceptibles de changer en fonction de l’évolution des sérotypes invasifs des pneumocoques chez l’enfant et leur profil de sensibilité aux antibiotiques selon l’efficacité de la politique vaccinale pneumococcique.
3 Autres traitements
Autres traitements
Corticothérapie systémique
Les indications de la corticothérapie (dexaméthasone) ont été confirmées par la révision de la conférence de consensus en 2017.
L’efficacité d’une corticothérapie est clairement démontrée au cours des méningites à Haemophilus influenzae b. Elle apporte aussi un bénéfice au cours des méningites à pneumocoque. En cas d’orientation vers un diagnostic de méningite à Haemophilus influenzae b ou à pneumocoque, la prescription de dexaméthasone IV 0,15 mg/kg/6 heures est recommandée de manière simultanée ou au plus tard dans les 12 heures suivant le début de l’antibiothérapie et pendant une durée de 4 jours. En cas de LCS trouble avec examen direct négatif, il faut également la prescrire.
En l’absence d’orientation immédiate bactériologique, elle est indiquée chez le nourrisson de moins de 1 an (prédominance de pneumocoque à cet âge).
Elle est en revanche inutile, mais non délétère, au cours des méningites à méningocoque et doit être arrêtée si elle a été débutée.
Traitements symptomatiques associés
Un traitement antalgique est indispensable pour lutter contre les douleurs, sources d’agitation et d’augmentation de la pression intracrânienne de l’enfant.
Le traitement d’une crise convulsive et la prévention des récidives sont justifiés et font appel aux antiépileptiques conventionnels. Le bénéfice des anticonvulsivants en prévention primaire n’est pas démontré.
Le monitoring de la pression intracrânienne et le traitement de l’œdème cérébral sont discutés selon les équipes et selon les cas.
Orientation initiale de l’enfant à discuter avec un réanimateur pédiatrique.
Antibiothérapie IV de référence : C3G à dose méningée.
Adjonction de dexaméthasone IV : en cas de méningite à pneumocoque ou H. influenzae b (rare).
Suivi de l’enfant
Suivi immédiat
Surveillance clinique :
*hémodynamique (FC, TRC, PA);
*température : retour à l’apyrexie le plus souvent en 48 heures (chez le nourrisson);
*examen neurologique : conscience (Glasgow), mesure du PC (nourrisson).
Réévaluation paraclinique :
*NFS, CRP, PCT : caractère parfois durable du syndrome inflammatoire;
*suivi du résultat de la culture du LCS et des CMI pour adaptation du traitement antibiotique (choix des molécules et doses).
Imagerie cérébrale (consensus 2017) :
*indiquée en cas d’évolution clinique défavorable;
*recommandée en cas de méningite à germe inhabituel.
Examen du LCS de contrôle (consensus 2017) :
*inutile le plus souvent en cas d’évolution clinique rapidement favorable;
*indiqué 48–72 heures après le début du traitement en cas d’évolution clinique défavorable, après imagerie cérébrale si permanence des anomalies neurologiques;
*recommandé après 48 heures d’antibiothérapie en cas de méningite à pneumocoque avec CMI aux C3G > 0,5 mg/l ou en cas de méningite à germe inhabituel.
Risques pendant la phase initiale d’évolution
Échec de l’antibiothérapie initiale
Une évolution clinique défavorable est définie par la persistance au-delà de 48–72 heures après le début du traitement de : fièvre > 38,5 °C, troubles de conscience, céphalées importantes.
Conduite diagnostique en pratique :
*contrôle des marqueurs infectieux et inflammatoires (NFS, CRP, PCT);
*recherche d’une complication (abcès, empyème) : imagerie cérébrale;
*contrôle de l’examen du LCS avec dosage de la C3G dans le LCS.
Une défaillance hémodynamique peut survenir pendant les premières 24 heures malgré le traitement antibiotique. Cela justifie la surveillance rapprochée en unité de surveillance continue ou en réanimation.
Survenue de complications neurologiques
Principales complications neurologiques en phase aiguë :
*coma, convulsions, état de mal convulsif;
*paralysies, atteinte des paires crâniennes (en particulier III et VI);
*troubles neurovégétatifs : vasomoteurs, hypo- ou hypertension, tachycardie, irrégularités du rythme respiratoire.
Le risque à ce stade est l’engagement cérébral.
Au-delà, la survenue de signes neurologiques nouveaux : augmentation du PC (nourrisson), crises convulsives, anomalies durables de l’examen neurologique, modification de la vision, doit faire rechercher :
*un empyème;
*une autre complication intracérébrale (hématome sous-dural, accident vasculaire cérébral, hydrocéphalie par blocage de la circulation du LCS);
*un syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH (SIADH) devant une prise anormale de poids avec hyponatrémie et parfois convulsions.
Suivi à long terme et pronostic
Les méningites bactériennes mettent en jeu le pronostic vital à court terme et le pronostic fonctionnel et séquellaire à plus long terme.
Elles sont à l’origine d’une mortalité élevée dans les pays en développement et demeurent à l’origine de redoutables séquelles neurodéveloppementales et sensorielles dans les pays industrialisés.
La méningite à pneumocoque est la première cause de surdité acquise chez le nourrisson.
Éléments à évaluer au cours du suivi :
*une surdité acquise :
–audiométrie comportementale et potentiels évoqués auditifs (PEA), audiogramme conventionnel (à l’âge où celui-ci est possible);
–à J15 de l’épisode aigu, puis tous les 3 mois pendant 1 an;
–en cas d’hypoacousie précoce : consultation ORL, TDM des rochers et IRM labyrinthique (dépistage d’une ossification intracochléaire susceptible de justifier la mise en place urgente d’implants cochléaires);
*un retard de développement psychomoteur et des séquelles motrices;
*une hydrocéphalie : mesure du PC;
*une comitialité : survenue ou récidive de crises.
Éléments de mauvais pronostic :
*retard à la mise en route d’un traitement antibiotique bactéricide;
*âge : nourrisson;
*germe causal : pneumocoque;
*gravité du tableau neurologique initial : coma, signes neurologiques de localisation;
*existence d’un collapsus associé (choc septique);
*faible réaction cellulaire, hypoglycorachie, hyperprotéinorachie (LCS).
Un enfant précocement et correctement traité et dont l’examen neurologique s’est rapidement normalisé au décours de la phase aiguë, peut être habituellement considéré comme préservé de séquelles tardives, avec une incertitude cependant vis-à-vis de l’éventualité de séquelles cognitives.
Une infection sévère et invasive (donc une méningite) à bactéries encapsulées (pneumocoque, méningocoque et H. influenzae b), même au terme d’un épisode unique, doit conduire à une exploration de l’immunité (voir chapitre 26).
Une méningite bactérienne récidivante (pneumocoque) ou atypique par l’âge ou le germe retrouvé doit faire rechercher systématiquement une brèche méningée.
Suivi immédiat : fièvre, examen neurologique (PC), ± bilan inflammatoire.
Évolution clinique défavorable → imagerie cérébrale et contrôle de l’examen du LCS.
Suivi systématique du risque de surdité acquise.
Mesures préventives
Qui cibler ?
L’identification des sujets contacts est utile dans certaines situations.
Les bactéries responsables des méningites purulentes proviennent du nasopharynx et sont ainsi susceptibles d’être diffusées à l’entourage. Toutefois le risque de cas secondaires ne concerne essentiellement que le méningocoque.
Actions pour réduire la survenue de cas secondaires (selon les bactéries) :
*antibioprophylaxie des sujets contacts (méningocoque quel que soit son sérogroupe);
*vaccination des sujets contacts (méningocoque A, C, W ou Y);
*déclaration obligatoire (infections invasives à méningocoque).
Sont inutiles : l’éviction de la collectivité des sujets contacts (par exemple, éviction scolaire de la fratrie), la désinfection ou la fermeture d’un établissement scolaire fréquenté par le malade.
Méningite à méningocoque
Isolement en milieu hospitalier
Il s’agit d’un isolement de type « gouttelettes » pendant les 24 premières heures de traitement pour éviter la contagion. Au-delà, la poursuite de l’isolement en chambre seule se justifie pour garantir la tranquillité du patient (bruit, lumière).
Antibioprophylaxie des sujets contacts
Objectifs de l’antibioprophylaxie :
*réduire le risque de survenue de cas secondaires précoces (< 10 jours) en éliminant le portage chez les sujets exposés aux sécrétions oropharyngées de l’enfant atteint;
*prévenir la diffusion dans la population d’une souche pathogène par des porteurs sains.
Le risque de survenue d’une infection invasive méningococcique (IIM) est multiplié par 800 chez les sujets contacts d’une IIM par rapport au taux de base de la population.
Les sujets contacts sont ainsi définis : personnes exposées aux sécrétions oropharyngées du sujet infecté dans les 10 jours précédant son admission, donc essentiellement l’entourage familial du cas, la crèche, les camarades de classe et de jeu. Dans les autres circonstances, l’évaluation du risque doit prendre en compte : la proximité (distance < 1 mètre), le type de contact (face à face), la durée (> 1 heure, sauf contact bouche à bouche).
Modalités pratiques :
*administration précoce :
–dans les 24–48 heures suivant le diagnostic d’IIM;
–aucune utilité au-delà de 10 jours après le dernier contact avec le malade;
*molécule de choix = rifampicine par voie orale pendant 2 jours :
–nouveau-né : 5 mg/kg/12 heures; nourrisson et enfant : 10 mg/kg/12 heures; adulte : 600 mg/12 heures;
–en informant de la coloration orange des urines et des sécrétions lacrymales (porteurs de lentilles de contact) et de l’interaction avec l’activité des contraceptifs oraux.
Vaccination ciblée autour d’un cas
Vaccination ciblée autour d’un cas
Une prophylaxie vaccinale est parfois possible.
Elle complète l’antibioprophylaxie lorsque la souche de méningocoque responsable est d’un sérotype vis-à-vis duquel existe un vaccin polyosidique conjugué approprié.
Elle est réalisée de manière concomitante à l’antibioprophylaxie, selon les mêmes conditions (définition des sujets contacts, délai maximal de 10 jours) chez les sujets non vaccinés ou ceux dont la vaccination remonte à plus de 3 ans pour un vaccin non conjugué et plus de 5 ans pour un vaccin conjugué.
Son objectif est d’éviter les cas secondaires tardifs (> 10 jours) liés à la circulation persistante de la souche virulente dans la communauté au-delà de la période couverte par l’antibioprophylaxie.
Dans le cadre de la vaccination autour d’un cas, seule la vaccination polyosidique conjuguée contre les méningocoques des sérogroupes A, C, Y et W est recommandée :
*vaccin méningococcique C conjugué monovalent en cas d’IIM du sérogroupe C;
*vaccin tétravalent conjugué (ou A/C/Y/W) en cas d’IIM liée à l’un de trois autres séro-groupes (essentiellement W et Y, le sérogroupe A étant exceptionnel en France);
*chez les enfants âgés de plus de 6 semaines ou 1 an selon les AMM respectives des vaccins.
La vaccination contre le sérogroupe B (vaccin protéique Bexsero®) majoritaire en France (deux tiers des cas) n’est pas recommandée autour des cas sporadiques en France. Elle est réservée aux situations particulières (grappes de cas et épidémies).
Déclaration obligatoire
L’infection invasive à méningocoque est une pathologie infectieuse à déclaration obligatoire.
Le signalement doit être effectué sans délai auprès de l’ARS.
Cette procédure permet à l’ARS d’identifier les sujets contacts, d’évaluer les mesures de prophylaxie, d’organiser leur mise en œuvre et de s’assurer qu’elles sont effectives.
Les signalements transmis à l’ARS sont ensuite dirigés vers l’InVS pour le suivi épidémiologique.
Méningite à méningocoque :
*isolement dès que possible;
*antibioprophylaxie des sujets contacts par rifampicine per os;
*vaccination post-exposition indiquée qu’en cas d’IMM de sérogroupe C, A, W ou Y;
*déclaration obligatoire.
Autres méningites
Méningite à pneumocoque
Les méningites à pneumocoque ne sont pas épidémiques.
Aucune action spécifique n’est nécessaire :
*isolement « gouttelettes » non recommandé;
*aucune antibioprophylaxie, même chez les sujets non ou mal vaccinés;
*poursuite du calendrier vaccinal (vaccin pneumococcique conjugué à 13 valences) chez le sujet malade et son entourage (s’il relève de la vaccination), sans délai particulier;
*pas de déclaration obligatoire.
Méningite à Haemophilus influenzae b
Il n’existe pas de recommandation officielle en France.
Mesures préventives à envisager :
*isolement recommandé pendant les premières 24 heures de traitement d’après l’Académie américaine de pédiatrie (Red Book, 2009);
*antibioprophylaxie chez l’enfant malade en relais du traitement curatif discutée (rifampicine pendant 4 jours) : elle est considérée comme nécessaire en cas de vaccination incomplète chez les sujets contacts âgés de moins de 4 ans;
*poursuite du calendrier vaccinal le cas échéant chez le sujet malade et les sujets de son entourage âgés de moins de 5 ans et non ou incomplètement vaccinés;
*pas de déclaration obligatoire.
Méningite à pneumocoque : aucune mesure prophylactique pour les sujets contacts.
Méningite virale
1 Prise en charge thérapeutique
L’hospitalisation n’est pas systématique. Une prise en charge ambulatoire est possible en cas de forme bénigne, en l’absence d’hésitation diagnostique avec une méningite bactérienne ou une encéphalite.
Aucune mesure d’isolement spécifique n’est recommandée.
En cas d’orientation très évocatrice de méningite virale commune :
*traitement symptomatique : repos, antalgiques, hydratation, antiémétiques;
*surveillance clinique.
Au moindre doute :
*hospitalisation;
*possible méningite bactérienne : antibiothérapie probabiliste IV selon l’âge;
*suspicion d’encéphalite associée (voir les données cliniques évocatrices ci-après) : aciclovir IV.
Seul l’examen du LCS permet d’exclure le diagnostic de méningite bactérienne.
2 Suivi de l’enfant
Le suivi immédiat est avant tout infectieux et neurologique.
L’apyrexie est obtenue en moins de 7 jours, souvent en moins de 48 heures pour les méningites à entérovirus. Le contrôle du LCS est alors inutile.
Le pronostic est habituellement bon, sans dépistage systématique ultérieur.
Méningo-encéphalites
Méningo-encéphalites
I Pour bien comprendre
Les encéphalites désignent une atteinte du parenchyme cérébral. Elles sont fréquemment associées à une réaction inflammatoire, volontiers modérée, du LCS (méningo-encéphalite).
Les méningo-encéphalites infectieuses partagent des causes virales identiques à celles des méningites virales (entérovirus essentiellement et HHV6, virus de la varicelle et du zona, virus EBV ou virus ourlien). Il peut exister ainsi un continuum entre un tableau de méningite de type viral isolé et un tableau évocateur de méningo-encéphalite.
On distingue :
*l’encéphalite consécutive à une réplication virale active au sein du parenchyme cérébral (typiquement la méningo-encéphalite herpétique);
*et l’encéphalite dite « post-infectieuse » ou « inflammatoire », communément appelée encéphalomyélite aiguë disséminée (ou ADEM, Acute Disseminated Encephalomyelitis).
Ces formes ADEM sont les plus fréquentes et l’on considère que l’agent infectieux initial, le plus souvent viral, a induit lors de son passage transitoire une réaction inflammatoire au sein du parenchyme cérébral de l’hôte, qui devient pathologique et est responsable de l’encéphalite. L’agent déclencheur n’est alors plus présent et n’est d’ailleurs, le plus souvent, pas identifié. Ce mécanisme explique pourquoi, dans ces formes, ce sont surtout les médicaments anti-inflammatoires (corticoïdes notamment) qui s’avèrent efficaces plutôt que les antiviraux.Agents pathogènes impliqués dans les méningo-encéphalites :
*HSV (pas le plus fréquent mais à évoquer en premier lieu en raison de sa gravité et de l’urgence thérapeutique antivirale);
*VZV, entérovirus, adénovirus, HHV6, grippe, EBV, CMV;
*certaines bactéries : Lyme, mycoplasme, Bartonella henselae (griffes du chat), Listeria, BK;
*autres agents infectieux en fonction du contexte, notamment : Plasmodium falciparum (neuropaludisme), VIH, virus chikungunya.
D’autres causes non infectieuses peuvent être responsables d’encéphalite aiguë chez l’enfant, en particulier auto-immunes ou dysimmunitaires.
Elles devront systématiquement être discutées si l’étiologie infectieuse ne se confirme pas.
Diagnostic
A Enquête clinique
Données cliniques évocatrices d’une atteinte encéphalitique :
*troubles variables de la conscience, fluctuants ou prolongés (voir chapitre 68);
*crises convulsives (parfois état de mal épileptique);
*modifications du comportement, troubles mnésiques et/ou du langage;
*signes de localisation neurologique focaux, syndrome pyramidal;
*troubles de l’équilibre, atteinte des paires crâniennes;
*troubles hémodynamiques.
Bien que peu spécifiques et parfois même d’évolution fluctuante au début, un ou plusieurs de ces signes associés à une fièvre doivent absolument faire suspecter une encéphalite.
L’étiologie herpétique doit être évoquée en premier et conduire à la prescription en urgence d’aciclovir IV, avant même tout examen paraclinique de confirmation diagnostique.
Tableau clinique d’encéphalite → aciclovir IV en urgence.
Enquête paraclinique
1 Examen du LCS
Analyses macroscopique, cytologique et biochimique :
*en cas de méningo-encéphalite herpétique : liquide clair avec pléiocytose modérée à prédominance lymphocytaire et hyperprotéinorachie modérée (mais le LCS peut être normal en cas d’encéphalite isolée);
*en cas d’encéphalite post-infectieuse : liquide clair avec cellularité modérément élevée voire normale, surtout au début de l’évolution.
Autres examens sur le LCS susceptibles d’argumenter l’étiologie :
*PCR HSV (indispensable) et dosage d’interféron;
*et selon le contexte (PCR, principalement) :
–VZV, entérovirus, adénovirus, HHV6, grippe, EBV, CMV, VIH, chikungunya;
–Lyme, mycoplasme, Bartonella henselae (griffes du chat), Listeria, BK.
2 Examens d’imagerie
L’imagerie cérébrale est indispensable en cas de signes évocateurs d’encéphalite, ne faisant différer la PL qu’en cas d’HTIC menaçante ou suspicion de processus expansif intracrânien.
Elle ne doit pas pour autant retarder l’instauration du traitement probabiliste par aciclovir IV, qui doit ainsi être commencé avant même l’imagerie cérébrale (et donc la PL).
Au cours de l’encéphalite herpétique, l’IRM cérébrale peut montrer précocement des hypersignaux souvent bilatéraux et asymétriques des lobes temporaux en pondération T2 et FLAIR (fig. 37.3).
Dans les formes post-infectieuses (ADEM), l’IRM peut montrer des hypersignaux de la substance blanche (et/ou grise), le plus souvent bilatéraux et asymétriques. L’aspect des lésions n’est corrélé ni avec la sévérité clinique ni avec le pronostic évolutif.
Une IRM normale n’élimine pas le diagnostic d’encéphalite.
L’IRM doit être préférée au scanner, moins sensible et plus tardif. Électroencéphalogramme (EEG)
L’EEG peut mettre en évidence un tracé évocateur d’encéphalite : aspect ralenti avec parfois des ondes lentes périodiques et/ou des pointes-ondes frontotemporales.
Un EEG normal n’élimine pas le diagnostic d’encéphalite.
Examens pour argumenter le diagnostic d’encéphalite : LCS, IRM cérébrale, EEG.
I Prise en charge thérapeutique et suivi de l’enfant
A Prise en charge thérapeutique
L’hospitalisation est indispensable.
Mesures thérapeutiques urgentes :
*monitoring cardiorespiratoire, voies veineuses périphériques;
*traitement antiviral probabiliste : aciclovir 500 mg/m2/8 heures IV;
*traitement symptomatique : antipyrétiques, antiépileptiques si convulsions.
Dans les formes graves en réanimation :
*mesures générales chez l’enfant comateux : ventilation mécanique si Glasgow < 8, etc.;
*traitement de l’HTIC éventuelle (posture, ventilation, mannitol).
Aucun examen paraclinique ne doit retarder la mise en route de l’aciclovir IV.
Ce traitement pourra être arrêté en cas de négativité d’au mieux deux PCR HSV dans le LCS à 48 heures d’intervalle. Dans le cas contraire, il doit être poursuivi pendant 15 à 21 jours.
B Suivi de l’enfant
Le suivi immédiat est avant tout infectieux et neurologique.
Un suivi des éventuelles séquelles à distance (cognition, comportement, vision, audition) est indispensable.
Le pronostic d’une encéphalite est difficile à prévoir. Dans les formes post-infectieuses, la guérison sans séquelles n’est pas rare, de manière spontanée ou après un traitement antiinflammatoire s’il s’avère nécessaire.
Le pronostic d’une méningo-encéphalite herpétique est fonction avant tout de la précocité du traitement par aciclovir IV. La mortalité à la phase aiguë est élevée. Le risque de séquelles cognitives est également important.
Références
Avant de commencer…
Les consultations pour éruptions fébriles sont fréquentes chez le jeune enfant.
Le diagnostic est avant tout clinique. L’indication des examens complémentaires est très limitée et réservée habituellement à l’enfant immunodéprimé ou dans un contexte particulier (contact avec une femme enceinte, déclaration obligatoire).
Les causes sont le plus souvent des infections virales banales avec exanthème. Certaines ont une sémiologie infectieuse et dermatologique spécifique permettant d’orienter le diagnostic vers un agent infectieux. Seules les causes indiquées dans les items précités sont détaillées ici.
La prise en charge est le plus souvent seulement symptomatique.
Les quelques situations d’urgence doivent être rapidement identifiées par un examen clinique rigoureux, notamment par la recherche de troubles hémodynamiques ou devant l’association de signes évocateurs d’atteintes viscérales et/ou muqueuses.
Les complications (y compris chez les enfants immunocompétents) ainsi que leurs conséquences épidémiologiques en collectivité peuvent conduire à une prise en charge préventive (hygiène et vaccinations).
Pour bien comprendre
A Préambule
Les causes infectieuses (virales avant tout) sont les plus fréquentes.
Les maladies inflammatoires et les toxidermies médicamenteuses peuvent être fébriles et évoquées comme diagnostics différentiels.
Certaines urgences diagnostiques et thérapeutiques doivent être rapidement identifiées, notamment le purpura méningococcique (voir chapitre 24) et la maladie de Kawasaki.
Démarche diagnostique systématique :
*analyser les lésions sur un plan dermatologique;
*identifier les situations de gravité nécessitant une prise en charge urgente;
*rechercher les antécédents de l’enfant (maladies, vaccinations, contages, médicaments…);
*replacer l’éruption fébrile dans son contexte clinique (signes associés) et évolutif.
B Type d’éruptions
Les termes de « morbilliformes », « scarlatiniformes »… sont désuets et doivent être abandonnés. Un même agent viral peut parfois être responsable d’éruptions de divers types.
Classification actuelle :
*exanthèmes érythémateux : scarlatine, syndromes toxiniques streptococcique ou staphylococcique, maladie de Kawasaki, toxidermie médicamenteuse;
*exanthèmes maculopapuleux : rougeole, rubéole, exanthème subit, mégalérythème épidémique, infections à entérovirus, maladie de Kawasaki, urticaire, toxidermie médicamenteuse;
*exanthèmes vésiculopustuleux : varicelle, HSV, zona, entérovirus (coxsackievirus : syndrome pieds-mains-bouche).
Démarche diagnostique générale
A Évaluation de la gravité
Rechercher avant tout une urgence diagnostique et thérapeutique :
*purpura fébrile + troubles hémodynamiques : étiologie méningococcique;
*érythème fébrile + troubles hémodynamiques : syndrome toxinique; ce tableau, associé à des atteintes multiples d’organe (au moins trois), signe le Toxic Shock Syndrome (TSS) : atteinte digestive (vomissements, diarrhée), musculaire (algies, élévation des CPK), neurologique (désorientation, troubles de conscience), muqueuse (énanthème pharyngé, conjonctival, vaginal), rénale (insuffisance rénale, leucocyturie), hépatique (élévation de la bilirubine, des transaminases), hématologique (thrombopénie); portes d’entrée : cutanée, pharyngée, ostéoarticulaire, pleuropulmonaire…;
*fièvre ≥ 5 jours : maladie de Kawasaki;
*lésions cutanées érythémateuses circonscrites infiltrées et douloureuses : dermohypodermite bactérienne, fasciite;
*lésions ulcérées des muqueuses et/ou décollements épidermiques extensifs : Stevens-Johnson, syndrome de Lyell, épidermolyse bulleuse staphylococcique (Scalded Skin Syndrome, SSS);
*altération de l’état général avec adénopathies, atteinte multiviscérale et anomalies hématologiques (hyperéosinophilie, hyperlymphocytose) dans un contexte de prise médicamenteuse prolongée : DRESS syndrome (Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms).
Toujours repérer un éventuel terrain spécifique :
*cas index ou contact : enfant immunodéprimé, nouveau-né;
*femme enceinte dans l’entourage (rougeole, rubéole, mégalérythème épidémique, varicelle).
Urgences : sepsis, choc septique, syndrome toxinique, purpura méningococcique, maladie de Kawasaki, ulcérations muqueuses et décollements épidermiques extensifs, terrain particulier.
Principales causes infectieuses des exanthèmes fébriles : origine virale.
Orientation étiologique : contage et analyse sémiologique.
III Maladies infectieuses éruptives
A Rougeole
1 Pour bien comprendre
Épidémiologie
Elle demeure une maladie infectieuse d’actualité dans les pays industrialisés, évoluant sur un mode endémo-épidémique, malgré la mise à disposition de vaccins efficaces depuis plus de 40 ans. La France n’est pas épargnée, avec la survenue d’épidémies régulières depuis 2009.
L’explication vient d’une couverture vaccinale restée longtemps insuffisante en France (< 90 %), ce qui a créé un réservoir important de sujets non protégés, un rattrapage vaccinal insuffisant et une population non immune qui permet encore une transmission virale interhumaine.
Ses complications (rares dans les pays industrialisés) sont fréquentes dans les pays en développement, où elles sont un facteur majeur de mortalité et de morbidité infantile. La maladie est plus sévère avant l’âge de 1 an, chez l’adulte, la femme enceinte et l’immunodéprimé.
Rappels d’infectiologie
L’agent causal est un paramyxovirus dénommé morbillivirus.
Les nourrissons sont protégés jusqu’à l’âge de 6 mois par les anticorps maternels.
La maladie confère une immunité durable.
Vaccination rougeoleuse recommandée pour tous les nourrissons :
*combinée avec les vaccins rubéole et oreillons (vaccination triple ROR);
*1re dose à l’âge de 12 mois; 2e dose à l’âge de 16–18 mois.
La transmission est directe, par voie aérienne.
L’incubation dure 10 à 12 jours.
La contagiosité est très importante par voie respiratoire, dès la phase d’invasion débutant 5 jours avant l’éruption et jusqu’au 5e jour après le début de l’éruption.
2 Diagnostic
Enquête clinique
Arguments anamnestiques en faveur du diagnostic :
*absence d’antécédent de rougeole;
*vaccination rougeoleuse absente ou incomplète;
*contage environ 2 semaines avant l’éruption (période d’incubation + invasion).
Phase d’invasion (catarrhale ou prééruptive) :
*fièvre élevée;
*catarrhe oculorespiratoire : larmoiement, conjonctivite, rhinorrhée, toux;
parfois énanthème pathognomonique (en fin de période catarrhale) : signe de Köplik = taches punctiformes blanc bleuté sur une muqueuse jugale inflammatoire (fig. 38.2);durée : 2 à 4 jours.
Phase éruptive :
*début : environ 2 semaines après le contage;
*exanthème maculopapuleux (fig. 38.3) :
–maculopapules non prurigineuses respectant des intervalles de peau saine;
–début derrière les oreilles, puis extension en 24–48 heures vers la face et le reste du corps en direction descendante et en une seule poussée;
–régression en 5 à 6 jours;
*fièvre décroissant à la généralisation de l’éruption;
*persistance des signes de la phase d’invasion (conjonctivite, rhinorrhée, toux).
Complications possibles :
*infectieuses (à évoquer en cas de réascension thermique) :
–bronchite, pneumopathie (diffusion virale de la maladie respiratoire);
–surinfections pulmonaires, OMA purulente;
*hématologiques : purpura thrombopénique post-éruptif (fréquence 1/6 000);
*neurologiques :
–encéphalite aiguë morbilleuse précoce post-éruptive (fréquence 1/1 000);
–panencéphalite sclérosante subaiguë de Van Bogaert (PESS) de survenue retardée (5 à 10 ans) après la rougeole (fréquence 1/100 000, 1/6 000 si rougeole survenue avant l’âge de 1 an).
Enquête paraclinique
Le diagnostic de rougeole typique est avant tout clinique.
La rougeole est une maladie à déclaration obligatoire. Une confirmation biologique doit être réalisée de manière systématique (fig. 38.4) : diagnostic direct par PCR (salive, sang) ou, à défaut, indirect par sérologie (IgM).
- Les anticorps IgM peuvent être détectés depuis l’apparition de l’éruption jusqu’à environ 60 jours après; ils sont le plus souvent positifs entre +J3 et +J28 dans la salive et le sérum.
** L’ARN viral peut être détecté dans la salive, le nez, la gorge et l’urine d’environ -J5 à +J12. La période de détection optimale dans le sang, la salive, le nez ou la gorge s’étend de l’apparition de l’éruption à +J5. Source : Circulaire DGS/RI1 n° 2009-334 du 4
Prise en charge
Mesures thérapeutiques
L’hospitalisation n’est requise qu’en cas de signes de sévérité.
Prise en charge symptomatique comportant :
*traitement de confort de l’état fébrile (paracétamol);
*antibiothérapie probabiliste (amoxicilline-acide clavulanique) réservée aux cas de surinfection bactérienne (germes cibles : pneumocoque, staphylocoque doré).
Mesures préventives
Déclaration obligatoire de la maladie auprès de l’ARS :
*signalement sans délai pour enquête autour du cas;
*notification à visée épidémiologique.
Démarche préventive après diagnostic d’un cas de rougeole :
*recherche systématique d’autres cas (contaminateur, cas secondaires);
*vérification du statut vaccinal des sujets contacts;
*mise en place d’éventuelles mesures thérapeutiques préventives.
L’éviction de collectivité est requise jusqu’à 5 jours après le début de l’éruption.
Tout contact entre un sujet non immunisé et un sujet infecté contagieux doit être évité.
Un sujet contact est une personne ayant été en contact proche (famille, crèche) pendant la période comprise entre 5 jours avant et 5 jours après le début de l’éruption (période de forte contagiosité). Les mesures thérapeutiques préventives chez les sujets contact non vaccinés et sans antécédent de rougeole sont rappelées dans le tableau 38.1.Mesures préventives pour les sujets contact d’un cas de rougeole (2017).
Nourrisson d’âge < 6 mois
–Si mère immunisée (antécédent de rougeole ou vaccinée avec 2 doses) : aucune mesure (sérologie maternelle en urgence si besoin)
–Si mère non immunisée : Ig polyvalentes IV (efficaces dans les 6 jours après le contage)
Nourrisson âgé de 6 à 11 mois
–1 dose de vaccin trivalent (ROR) dans les 72 h après le contage puis 2 doses de vaccin trivalent (ROR) selon le calendrier habituel
–Si délai > 72 h après contact : Ig polyvalentes IV (efficaces dans les 6 jours)
Sujets d’âge > 1 an et nés depuis 1980
–Non vacciné : 2 doses de ROR (à au moins 1 mois d’intervalle)
–Vacciné avec une seule dose : rattrapage seconde dose
–Déjà vacciné avec 2 doses : aucune mesure
Terrains particuliers
–Immunodéprimé : Ig polyvalentes IV (dans tous les cas)
–Femme enceinte non vaccinée et sans antécédent de rougeole : Ig polyvalentes IV
Rougeole : maladie encore d’actualité car couverture vaccinale insuffisante en France.
Stratégie vaccinale rougeoleuse : 2 doses entre les âges de 12 et 24 mois.
Clinique : fièvre, catarrhe oculorespiratoire, exanthème maculopapuleux, ± signe de Köplik.
Confirmation paraclinique : indispensable.
Mesures préventives : recherche d’autres cas, vérification du statut vaccinal des sujets contacts.
B Rubéole
1 Pour bien comprendre
Épidémiologie
Il s’agit d’une maladie virale du jeune enfant le plus souvent bénigne.
Elle peut être redoutable pour le fœtus si elle survient avant 18 SA au cours de la grossesse chez une femme non immunisée, en raison d’un risque d’embryofœtopathie sévère ou de rubéole congénitale (voir chapitre 44).
Rappels d’infectiologie
L’agent causal est un virus à ARN, le rubivirus.
Les nourrissons sont protégés jusqu’à l’âge de 6 mois par les anticorps maternels.
La maladie confère une immunité durable.
Vaccination rubéoleuse recommandée pour tous les nourrissons :
*combinée avec les vaccins rougeole et oreillons (vaccination triple ROR);
*1re dose à l’âge de 12 mois; 2e dose à l’âge de 16–18 mois.
La transmission est directe, par voie aérienne ou transplacentaire (rubéole congénitale).
L’incubation dure 15 à 21 jours.
La contagiosité est possible 1 semaine avant et jusqu’à 2 semaines après le début de l’éruption.
2 Diagnostic
Enquête clinique
Arguments anamnestiques en faveur du diagnostic :
*absence d’antécédent de rubéole;
*vaccination antirubéoleuse absente ou incomplète;
*contage 15–20 jours avant l’éruption (rarement retrouvé car maladie peu symptomatique).
Phase d’invasion :
*fièvre modérée;
*état général conservé;
*absence de catarrhe (en particulier la toux);
*signes associés possibles : céphalées, courbatures, pharyngite;
*durée : 1 semaine.
Phase éruptive :
*début : 15–20 jours après le contage;
*exanthème maculopapuleux :
–macules et maculopapules souvent plus pâles et plus petites que celles de la rougeole;
–atteinte de la face puis extension au thorax;
–évolution : en une seule poussée sur 72 heures, puis disparition (caractère fugace);
*fièvre modérée;
*signes associés possibles : splénomégalie, adénopathies occipitales.
Complications possibles :
*hématologiques : purpura thrombopénique post-éruptif (fréquence 1/3 000);
*articulaires : arthralgies, arthrites (surtout chez l’adulte);
*neurologiques : encéphalite, méningo-encéphalite (rares).
Enquête paraclinique
Le diagnostic clinique de rubéole est difficile.
La confirmation par IgM spécifiques sériques en phase aiguë se justifie chez l’enfant dans les formes atypiques ou compliquées et, surtout, en cas de contact avec une femme enceinte non immune.
3 Prise en charge
Mesures thérapeutiques
La prise en charge est habituellement ambulatoire.
Le traitement est essentiellement symptomatique.
Mesures préventives
L’éviction de collectivité n’est pas obligatoire.
Tout contact entre un enfant infecté contagieux et une femme enceinte séronégative doit être formellement prohibé (risque de fœtopathie). En cas de contage, la conduite à tenir est détaillée dans le chapitre 44.
Une femme enceinte non vaccinée et séronégative devra être vaccinée en post-partum (le vaccin vivant atténué est contre-indiqué au cours de la grossesse).
La maladie est à déclaration obligatoire depuis 2018.
Rubéole : déclaration obligatoire depuis 2018.
Clinique : exanthème maculopapuleux précédé d’une phase d’invasion sans catarrhe.
Forme à risque : rubéole congénitale chez la femme enceinte non immunisée.
Prévention : vaccination en post-partum des femmes enceintes non vaccinées et séronégatives.
Mégalérythème épidémique
1 Pour bien comprendre
Épidémiologie
Il survient par épidémies familiales ou scolaires.
L’âge de survenue est 5–14 ans (âge scolaire).
Rappels d’infectiologie
L’agent causal est le parvovirus B19.
La maladie confère une immunité durable.
La transmission est directe, par voie respiratoire.
L’incubation dure 6 à 14 jours.
La contagiosité est possible durant la phase d’invasion.
2 Diagnostic
Enquête clinique
Phase d’invasion :
*fièvre modérée;
*état général conservé;
*signes associés : céphalées, myalgies;
*durée : 2 jours.
Phase éruptive :
*début : 2 semaines après le contage;
exanthème :
–maculopapules puis macules légèrement œdémateuses (en guirlande);
–débute aux joues (rouges d’aspect souffleté, fig. 38.5) s’atténuant en quelques jours, puis : extension au tronc et aux extrémités (aspect réticulé en carte de géographie) avec fluctuations de 1–3 semaines;autres éruptions possibles : érythème polymorphe, syndrome éruptif en « gants et chaussettes »;
*fièvre modérée;
*signes associés : arthralgies, arthrites (rares).
Complications possibles, en cas de survenue sur un terrain particulier :
*enfant atteint d’hémolyse chronique (drépanocytose, sphérocytose, thalassémie) : anémie aiguë érythroblastopénique (voir chapitre 23);
*femme enceinte : anasarque fœtoplacentaire, avortement précoce (premier trimestre de grossesse).
Enquête paraclinique
Le diagnostic de mégalérythème épidémique typique est avant tout clinique.
La confirmation biologique (PCR sanguine, IgM spécifiques sériques) se justifie essentiellement en phase aiguë dans les cas de contact avec une femme enceinte ou chez un enfant atteint d’une anémie hémolytique chronique.
3 Prise en charge
Mesures thérapeutiques
La prise en charge est habituellement ambulatoire.
Le traitement est essentiellement symptomatique : traitement éventuel de la fièvre (paracétamol).
Chez un enfant atteint d’hémolyse chronique, une transfusion sanguine est nécessaire et urgente en cas d’anémie aiguë mal tolérée.
Mesures préventives
L’éviction de collectivité n’est pas obligatoire.
Tout contact entre un enfant infecté contagieux et un autre enfant atteint d’anémie hémolytique chronique ou une femme enceinte non immunisée doit être prohibé.
Il n’existe pas à ce jour de vaccin dirigé contre ce virus.
Clinique : exanthème maculopapuleux avec aspect souffleté du visage, extension au reste du corps.
Risque si terrain d’hémolyse chronique : anémie aiguë érythroblastopénique.
Exanthème subit
1 Pour bien comprendre
Épidémiologie
Cette pathologie est aussi dénommée sixième maladie, ou « roséole infantile ».
C’est une infection quasi ubiquitaire; 60–90 % des adultes ont des anticorps contre ce virus.
L’âge moyen de survenue est entre 6–24 mois.
Rappels d’infectiologie
Le principal agent en cause est l’herpès virus de type 6 (HHV6), plus rarement de type 7.
Les nourrissons sont protégés jusqu’à l’âge de 6 mois par les anticorps maternels.
La maladie confère une immunité durable (pour chacun des virus).
La transmission est directe, par voie respiratoire.
Le contaminateur excrète le virus dans sa salive (récurrence périodique et asymptomatique, car il s’agit d’un virus de groupe des Herpesviridae).
L’incubation dure 5 à 15 jours.
2 Diagnostic
Enquête clinique
Phase d’invasion :
*fièvre isolée d’apparition brutale, jusqu’à 39–40 °C, bien tolérée;
*chute brutale de la fièvre à la phase éruptive.
Phase éruptive :
*début : 1 à 7 jours après le début de la fièvre (en moyenne 3 jours);
*exanthème :
–maculopapules pâles (assez semblables à celles de la rubéole);
–sur visage et tronc (fig. 38.6);
–disparition en 12–24 heures (caractère fugace);
*apyrexie survenant au moment de l’éruption (très caractéristique);
*signes associés : adénopathies cervicales (rares).
Complications possibles :
*crises fébriles simples;
*méningite, méningo-encéphalite (rares).
Enquête paraclinique
Le diagnostic d’exanthème subit typique est avant tout clinique.
La réalisation d’une PCR HHV6 dans le sang se justifie essentiellement pour la confirmation des formes atypiques ou compliquées.
3 Prise en charge
Mesures thérapeutiques
La prise en charge est habituellement ambulatoire.
Le traitement est symptomatique : traitement de confort de l’état fébrile (paracétamol).
Mesures préventives
L’éviction de collectivité n’est pas obligatoire.
La fréquentation d’une collectivité à la phase aiguë de la maladie n’est pas souhaitable.
Aucune mesure prophylactique vis-à-vis d’éventuels sujets contacts n’est à envisager.
Il n’existe pas à ce jour de vaccin dirigé contre ce virus.
Exanthème subit : maladie appelée couramment « roséole ».
Clinique : fièvre élevée bien tolérée, éruption contemporaine de la défervescence, ± crises fébriles.
E Mononucléose infectieuse
1 Pour bien comprendre
Épidémiologie
La mononucléose infectieuse (MNI) est la primo-infection symptomatique par le virus d’Epstein-Barr (EBV).
Il s’agit d’une infection fréquente; 80 % des adultes ont des anticorps IgG de type anti-VCA et anti-EBNA persistant toute la vie, traduisant une primo-infection ancienne le plus souvent asymptomatique.
L’éruption fébrile n’est qu’un signe clinique de la maladie.
L’âge classique de la description de la maladie est l’adolescence, mais elle peut être observée à tout âge, en particulier chez le nourrisson où elle se manifeste souvent par une fièvre prolongée, parfois isolée.
Rappels d’infectiologie
L’agent causal est l’EBV (virus d’Epstein-Barr).
La maladie confère une immunité durable. Les récurrences symptomatiques cliniques n’existent que chez l’immunodéprimé.
La transmission est interhumaine par voie salivaire (contacts rapprochés ou jouets sucés).
L’incubation est longue, durant entre 30 et 50 jours.
La contagiosité est faible et sa durée après contamination inconnue (plusieurs mois).
2 Diagnostic
Enquête clinique
Symptomatologie habituelle (hors éruption) :
*fièvre d’intensité variable;
*asthénie profonde;
*angine (parfois sévère) :
–érythématopultacée ou pseudo-membraneuse (avec respect de la luette);
–± accompagnée d’un purpura du voile du palais, d’un œdème de luette;
*signes associés :
–voix nasonnée (obstruction du cavum, paralysie du voile du palais);
–volumineuses adénopathies cervicales bilatérales, œdème des paupières;
–splénomégalie (50 %).
Sémiologie dermatologique variable :
*exanthème polymorphe maculopapuleux ou papulovésiculeux souvent discret;
*éruption classiquement favorisée par la prise d’ampicilline, mais pas par la prise d’amoxicilline (molécule différente pouvant ainsi être prescrite en cas de surinfection = amoxicilline-acide clavulanique).
Autres manifestations possibles :
*hépatiques : hépatite cytolytique (fréquente, le plus souvent uniquement biologique);
*hématologiques (rares) : anémie hémolytique et thrombopénie auto-immunes;
*neurologiques (rares) : méningite lymphocytaire, méningo-encéphalite, polyradiculonévrite aiguë;
*ORL : obstruction aiguë des voies aériennes supérieures (liée à l’hypertrophie amygdalienne), surinfection rare mais possible et sévère (notamment sinusite).
Enquête paraclinique
La confirmation diagnostique nécessite la réalisation d’examens complémentaires.
Examens biologiques de confirmation :
*sérologie EBV en premier lieu :
–primo-infection : IgM anti-VCA (+) et IgG anti-EBNA (–);
–infection ancienne : IgM anti-VCA (–) et IgG anti-EBNA (+);
* PCR sanguine EBV dans des situations cliniques particulières ou en cas d’interprétation difficile.
Examens de routine pouvant avoir une valeur d’orientation :
*NFS : syndrome mononucléosique (souvent mis en défaut chez le nourrisson);
*bilan hépatique : élévation modérée des transaminases (quasi constante);
*CRP augmentée.
3 Prise en charge
Mesures thérapeutiques
L’hospitalisation n’est requise qu’en cas de formes compliquées.
La prise en charge est essentiellement symptomatique :
*repos au lit, reprise progressive des activités;
*traitement de confort de l’état fébrile (paracétamol), antalgiques;
*antibiothérapie en cas de surinfection ORL (cavum et sinus) : amoxicilline-acide clavulanique.
Mesures préventives
L’éviction de collectivité n’est pas obligatoire.
Aucune mesure prophylactique pour d’éventuels sujets contacts n’est à envisager.
Il n’existe pas à ce jour de vaccin dirigé contre ce virus.
MNI : cause de fièvre prolongée chez le nourrisson et le jeune enfant.
Y penser devant un tableau d’angine avec splénomégalie (autre diagnostic à redouter : leucémie).
Prévenir l’enfant et les parents du caractère durable de l’asthénie.
Scarlatine
1 Pour bien comprendre
Épidémiologie
Cette infection est régulièrement rencontrée en pédiatrie.
Rappel d’infectiologie
Il s’agit d’une éruption liée à des souches particulières de Streptococcus pyogenes (streptocoque β-hémolytique du groupe A, SGA) qui sécrètent une toxine érythrogène.
La scarlatine constitue la forme bénigne du syndrome toxinique; les formes plus sévères et parfois réanimatoires constituent le Toxic Shock Syndrome (TSS).
Cette bactérie est par ailleurs responsable des angines bactériennes de l’enfant (voir chapitre 31), mais également d’anites, d’otites purulentes perforées et d’infections cervicales profondes du nourrisson et du jeune enfant, d’infections cutanées (impétigo, dermohypodermite, abcès) et, plus rarement, d’infections respiratoires (pleurésies purulentes notamment) ou ostéoarticulaires.
La maladie confère une immunité durable (pour un même type toxinique).
La transmission est directe en cas d’angine, par voie aérienne.
L’incubation dure 3–5 jours.
La contagiosité de l’angine est possible durant la période d’invasion et dans les 48 heures suivant le début de l’antibiothérapie.
2 Diagnostic
Enquête clinique
Anamnèse : contage de scarlatine ou d’angine à SGA.
Phase d’invasion :
*fièvre élevée à 39–40 °C avec frissons;
*angine érythémateuse avec :
–dysphagie et tuméfaction amygdalienne importantes;
–douleurs abdominales et vomissements;
–purpura du voile;
*signes associés : adénopathies sous-angulo-maxillaires;
*durée : 24 heures.
Phase éruptive :
*début : 24 heures après la phase d’invasion;
*énanthème (fig. 38.7) :–amygdales tuméfiées et inflammatoires pendant 4–6 jours;
–glossite : langue d’abord saburrale (enduit épais blanc), puis dépapillation (perte de l’enduit blanchâtre qui la recouvre) survenant de la périphérie vers le centre de la langue, réalisant un aspect dit de « V lingual » puis laissant un aspect rugueux dit « framboisé » à J6 (glossite exfoliatrice), puis régression en 1 semaine;
*exanthème (fig. 38.8) :–vastes nappes rouge vif uniformes congestives sans intervalles de peau saine, sensation de granité à la palpation;
–prédominance aux plis de flexion, puis extension en 24 heures à la partie inférieure de l’abdomen et aux extrémités (respect des paumes et plantes), au visage (respect de la région péribuccale);
–régression dès J6, desquamation post-éruptive en « doigt de gant » des extrémités.
Complications possibles : rares et identiques à celles de l’angine.
Enquête paraclinique
Le diagnostic de scarlatine typique est avant tout clinique.
Le test de diagnostic rapide (TDR) du streptocoque A, réalisé systématiquement avant antibiothérapie, permet de confirmer immédiatement l’origine streptococcique de l’éruption fébrile. Il peut également être effectué selon la clinique au niveau de l’anus (anite), d’un écoulement cutané, d’une pustule péri-unguéale (tourniole), d’un écoulement auriculaire (otite perforée), d’un échantillon de liquide pleural ou articulaire.
Le dosage des anticorps streptococciques (ASLO, ASD) est inutile en phase aiguë pour le diagnostic. Ils sont fréquemment élevés de base chez les enfants sains et ont peu de signification diagnostique. Leur élévation (ASLO) après infection est tardive (10–15 jours) et inconstante.
3 Prise en charge
Mesures thérapeutiques
La prise en charge thérapeutique est identique à celle de l’angine bactérienne.
L’antibiothérapie recommandée en première intention est l’amoxicilline 50 mg/kg par jour en deux prises pendant 6 jours per os.
La prise en charge est ambulatoire. Aucun suivi particulier n’est nécessaire, en particulier aucune recherche d’une hématurie/protéinurie à distance.
L’hospitalisation n’est requise qu’en cas de forme compliquée, en particulier en cas de syndrome toxinique streptococcique sévère : prise en charge en USC ou réanimation pour support hémodynamique et antibiothérapie intraveineuse associant impérativement deux antibiotiques : amoxicilline à visée anti-infectieuse et clindamycine à visée antitoxinique.
Mesures préventives
L’éviction de collectivité est requise jusqu’à 48 heures après début du traitement antibiotique.
La recherche du SGA dans l’entourage immédiat par prélèvement pharyngé est inutile. Son éradication est en effet difficile (réplication lente intracellulaire).
Seul le traitement antibiotique précoce de l’enfant malade permet la réduction du portage et donc celle du risque de transmission à l’entourage.
Une antibioprophylaxie orale de l’entourage ne se discute que chez les sujets ayant des facteurs de risque d’infection invasive : âge > 65 ans, varicelle évolutive, lésions cutanées étendues (dont brÛlures), toxicomanie IV, pathologie évolutive (diabète, cancer, hémopathie, VIH, insuffisance cardiaque), traitements prolongés et à doses élevées par corticoïdes.
Il n’existe pas à ce jour de vaccin dirigé contre cette bactérie.
Scarlatine : angine avec vomissements, glossite et exanthème avec granité.
Confirmation immédiate du diagnostic : TDR SGA.
Antibiothérapie : amoxicilline pendant 6 jours.
Éviction de collectivité pendant 48 heures après le début du traitement antibiotique.
G Maladie de Kawasaki
1 Pour bien comprendre
Épidémiologie
La maladie de Kawasaki, ou syndrome adéno-cutanéo-muqueux fébrile, se présente comme une vascularite aiguë multisystémique touchant principalement les artères de moyen calibre.
Elle a été décrite dans le monde entier, mais demeure la plus fréquente dans les populations asiatiques et en particulier au Japon.
La majorité des enfants atteints est âgée de moins de 5 ans, avec un pic d’incidence vers 1 an.
Physiopathologie
Aucune explication physiopathologique unique n’est retenue.
On évoque à la fois un terrain génétique prédisposant, l’interaction de l’environnement, probablement de nature infectieuse, et un mécanisme immunitaire impliquant l’activation du système immunitaire et de l’endothélium vasculaire.
2 Diagnostic
Enquête clinique
Il existe plusieurs formes cliniques de maladie de Kawasaki :
la forme typique (fig. 38.9);les formes atypiques et incomplètes.
Diagnostic de forme typique :
*fièvre de durée ≥ 5 jours (critère constant indispensable), répondant mal au paracétamol;
*et ≥ 4 critères parmi les 5 critères majeurs (tableau 38.2).
Tableau 38.2
Critères majeurs de maladie de Kawasaki dans sa forme typique.
Critère majeur constant indispensable au diagnostic
Fièvre
–Généralement élevée
–Non réduite par les antipyrétiques ni les antibiotiques
–Durée ≥ 5 jours
Conjonctivite
–Bilatérale, non exsudative, et indolore
Atteinte buccopharyngée
–Chéilite, stomatite, pharyngite, glossite (langue framboisée)
Éruption cutanée d’aspect variable
–Maculopapuleuse diffuse au niveau du tronc et des membres – Évocatrice au niveau du siège avec desquamation précoce dès J5
Atteinte des extrémités
–Érythème des paumes et plantes
–Œdème ferme et douloureux du dos des mains et des pieds
–Desquamation tardive après le 10e jour d’abord péri-unguéale (et/ou du siège)
Adénopathies cervicales
–Diamètre ≥ 1,5 cm
–Souvent unilatérale
Autres signes évocateurs :
*hyperirritabilité, enfant difficilement examinable (signe quasi constant);
*réactivation (induration) de la cicatrice de vaccination par le BCG chez le nourrisson.
Atteintes d’organes possibles (atteinte inflammatoire multisystémique) :
*articulaires : arthralgies ou arthrites de topographie diverse;
*oculaires (rares) : uvéite, rétinite;
*digestives : vomissements, douleurs abdominales;
*hépatobiliaires : ictère;
*pulmonaires (rares) : nodules et infiltrats, atteintes pleurales;
*neurologiques : agitation, troubles du comportement, méningite lymphocytaire, encéphalite avec convulsions, troubles de la conscience voire coma.
Formes incomplètes de la maladie de Kawasaki :
*fièvre isolée et prolongée;
*nombre limité de critères majeurs de la maladie;
*existence éventuelle d’une complication cardiaque redressant le diagnostic.
Enquête paraclinique
Le diagnostic de maladie de Kawasaki est avant tout clinique.
Il n’existe aucun marqueur biologique inflammatoire spécifique du diagnostic.
L’augmentation de la CRP est constante. Une hyperleucocytose initiale, une anémie inflammatoire et une hyperplaquettose (tardive) sont fréquemment associées. Une leucocyturie amicrobienne est également évocatrice.
Une hépatite cytolytique, un hydrocholécyste (œdème de la paroi de la vésicule biliaire) sont des atteintes hépatobiliaires pouvant constituer un point d’appel complémentaire.
Diagnostic des complications
Les complications sont avant tout cardiovasculaires :
*initialement : myocardite (rare, mais potentiellement grave), péricardite;
*secondairement : dilatations des artères coronaires, voire anévrismes.
Elles font la gravité de la maladie de Kawasaki.
Leur diagnostic doit être précisé le plus précocement possible par une échographie cardiaque transthoracique systématique (par un cardiopédiatre spécialisé).
Une dilatation sans perte de parallélisme des bords de la coronaire, une irrégularité de la lumière vasculaire, une hyperéchogénicité des parois du vaisseau peuvent témoigner d’une atteinte coronarienne débutante.
Diagnostic différentiel
La présentation clinique pléiomorphe peut mener à évoquer d’autres diagnostics au terme d’une évaluation anamnestique, clinique et biologique qui doit être rigoureuse et complète :
*autres éruptions maculopapuleuses fébriles (rougeole…);
*syndrome inflammatoire post-COVID (PIMS ou MIS-C) qui partage avec le syndrome de Kawasaki des symptômes en commun et une possible atteinte cardiaque inflammatoire (myocardite) avec des troubles hémodynamiques au premier plan;
*maladies inflammatoires (arthrite juvénile systémique, notamment).
Prise en charge
Mesures thérapeutiques
L’hospitalisation est systématique en phase aiguë.
Elle permet une prise en charge thérapeutique optimale ainsi que la surveillance, le dépistage et un traitement des formes graves.
Le traitement consiste en l’administration d’immunoglobulines polyvalentes IV (IgIV), avec pour objectif de stopper le processus inflammatoire et de prévenir les atteintes cardiaques. En cas de résistance à cette première administration d’IgIV à H36, ou de signes de gravité initiaux (scores de gravité clinico-biologiques et échocardiographiques, notamment âge < 1 an), une corticothérapie systémique complémentaire devra être débutée. En cas de non-réponse, l’utilisation de biothérapie se discute avec un rhumatologue pédiatre.
L’aspirine (acide acétylsalicylique) est habituellement prescrite en phase aiguë à dose antiinflammatoire par voie orale. Elle est poursuivie à faible dose (antiagrégante plaquettaire), en particulier pendant la phase secondaire d’hyperplaquettose, pour une durée minimale de 6 à 8 semaines, plus longuement en cas de lésions coronariennes.
La surveillance est avant tout échocardiographique.
Une échographie cardiaque est réalisée au moment du diagnostic puis dans le cadre du suivi.
La survenue de complication cardiovasculaire nécessite un suivi spécialisé prolongé.
Mesures préventives
Aucune mesure prophylactique pour d’éventuels sujets contacts n’est à envisager. La maladie de Kawasaki survient dans la grande majorité des cas une fois dans la vie.
La prévention des complications repose sur la reconnaissance précoce des critères majeurs diagnostiques de la maladie, notamment en cas de fièvre élevée prolongée > 5 jours, et le traitement précoce (< 10 jours).
Maladie de Kawasaki : toujours l’évoquer en cas de fièvre ≥ 5 jours.
Gravité : anévrismes coronariens → échographie cardiaque.
Mesures thérapeutiques : immunoglobulines polyvalentes IV ± corticothérapie, aspirine.
Varicelle
1 Pour bien comprendre
Épidémiologie
La varicelle est la primo-infection par le virus de la varicelle et du zona (VZV).
Il s’agit d’une maladie fréquente, avec 600 000 à 700 000 cas par an en France, dont 90 % des cas surviennent avant l’âge de 10 ans (âge moyen : 4 ans).
Elle est susceptible d’être plus sévère avant l’âge de 1 an et à l’âge adulte, ainsi que chez les femmes enceintes et les immunodéprimés. La varicelle néonatale est traitée dans le chapitre 44.
Rappels d’infectiologie
L’agent causal est le virus de la varicelle et du zona (VZV).
Les nouveau-nés sont protégés jusqu’à l’âge de 3–6 mois par les anticorps maternels.
La maladie confère une immunité durable (une seconde varicelle est exceptionnelle). Un zona est l’expression clinique d’une réactivation possible du VZV.
La transmission est directe par les lésions cutanéomuqueuses, mais aussi possible par voie respiratoire pendant les 24–48 heures précédant le début de l’éruption.
L’incubation dure 14 jours en moyenne.
La contagiosité débute 1 à 2 jours avant l’apparition des vésicules et se poursuit au minimum pendant 7 jours, jusqu’à la transformation croÛteuse de toutes les vésicules.
2 Diagnostic
Enquête clinique
Arguments anamnestiques en faveur du diagnostic :
*absence d’antécédent de varicelle (ou de vaccination varicelleuse);
*contage 2 semaines avant l’éruption.
Phase d’invasion :
*fébricule modérée;
*rash scarlatiniforme fugace prééruptif (rare);
*durée : 2 jours.
Phase éruptive :
*début : environ 2 semaines après le contage;
*exanthème (fig. 38.10) :–description : lésion élémentaire vésiculeuse (éléments de consistance molle, bordés d’une auréole rouge : gouttes de rosée sur une peau saine) puis devenant croÛteuse et prurigineuse de J4 à J10;
–siège : diffus, y compris dans le cuir chevelu;
–évolution : deux à trois poussées successives (d’où la coexistence d’éléments d’âges différents), puis chute des croÛtes à J10;
*fièvre en général modérée;
*signes associés : énanthème buccal érosif (inconstant), micropolyadénopathies.
Des complications surviennent dans 3 à 5 % des cas.
Les surinfections bactériennes sont les plus fréquentes. Les principaux agents infectieux sont : Staphylococcus aureus et Streptococcus pyogenes (streptocoque du groupe A, SGA).
Surinfections bactériennes :
*cutanées :
–impétigo, dermohypodermites, fasciite nécrosante (fig. 38.11);–abcès, lésions nécrotiques, syndrome de la peau ébouillantée (toxine exfoliante);
*surinfections d’autres organes :
–infections pleuropulmonaires;
–suppurations ostéoarticulaires;
–syndromes toxiniques (TSS) streptococciques et staphylococciques.
Autres complications :
*neurologiques :
–crises fébriles;
–cérébellite (la plus fréquente), encéphalite, névrite, thrombose vasculaire cérébrale;
*syndrome de Reye (en cas de prise d’aspirine);
*respiratoires : poumon varicelleux;
*hématologiques : purpura thrombopénique post-éruptif;
*hépatiques : hépatite aiguë.
Personnes à risque de faire une varicelle plus sévère ou grave :
*sujets atteints de déficit immunitaire congénital ou d’immunodépression acquise;
*adolescents de plus de 12 ans et adultes non immuns;
*femmes enceintes;
*certains nouveau-nés à risque :
–nouveau-nés prématurés < 28 SA ou de poids de naissance < 1 000 g quel que soit le statut immunitaire maternel;
–nouveau-nés dont la mère développe une varicelle dans les 3 dernières semaines de grossesse (risque de transmission transplacentaire et de survenue d’une varicelle néonatale dans les 10 premiers jours de vie); le risque de forme sévère est majeur pour le nouveau-né si la varicelle maternelle se déclare dans une période comprise entre 5 jours avant et 2 jours après l’accouchement (mortalité de 18 à 31 % en cas de varicelle congénitale en l’absence de traitement antiviral); ce risque diminue si la varicelle maternelle se déclare plus tôt, soit plus de 5 jours avant l’accouchement (mortalité 0 %) du fait du passage précoce des anticorps maternels;
–nouveau-nés exposés en postnatal mais dont la mère est non immune vis-à-vis de la varicelle;
*jeune nourrisson sain entre 1 et 3 mois né de mère non immune;
*tout nourrisson entre 3 mois et 1 an (perte des anticorps maternels), d’autant plus que la contamination est intrafamiliale.
Enquête paraclinique
Le diagnostic de varicelle typique est avant tout clinique.
La réalisation d’examens complémentaires de confirmation ne se justifie que dans les formes sévères (terrains à risque) ou compliquées :
*PCR spécifique VZV;
*IgM spécifiques sériques en phase aiguë.
3 Prise en charge
Mesures thérapeutiques
Une varicelle usuelle bénéficie d’une prise en charge ambulatoire et symptomatique :
*traitement des lésions cutanées prurigineuses :
–ongles coupés court, solution antiseptique;
–antihistaminiques (si prurit important);
*traitement de l’état fébrile :
–paracétamol per os;
–contre-indication des AINS (aspirine et ibuprofène);
*antibiothérapie probabiliste en cas de surinfection bactérienne patente ou suspecte :
–active contre les staphylocoques dorés communautaires (sensibles à la méticilline dans plus de 95 % des cas) et les SGA;
–exemple : association amoxicilline + acide clavulanique.
Les formes sévères ou compliquées nécessitent une prise en charge hospitalière et spécifique :
*traitement antiviral par aciclovir IV (pas d’indication de la forme orale au cours de la varicelle simple de l’enfant);
*en cas de surinfection bactérienne sévère avec syndrome toxinique : antibiothérapie par amoxicilline-acide clavulanique IV, avec ajout systématique de clindamycine IV (action anti-toxinique) pendant les premiers jours de traitement.
Indications de l’aciclovir IV en curatif au cours de la varicelle de l’enfant :
*sujets immunodéprimés;
*formes graves et formes sévères ou compliquées (en particulier pneumopathie varicelleuse);
*varicelle néonatale sévère;
*et nouveau-né dès que possible (avant toute éruption) en cas de varicelle maternelle entre J – 5 et J + 2 de l’accouchement.
Mesures préventives
La fréquentation de la collectivité n’est pas recommandée, mais il n’y a pas d’éviction de collectivité à caractère obligatoire. Les sujets contacts à risque (femmes enceintes non immunes, immunodéprimés, nouveau-nés prématurés, nouveau-nés de mère non immunisée contre VZV) doivent bénéficier d’un avis médical et de mesures de prévention adaptées.
En hospitalisation, l’enfant atteint doit être isolé (mesures de protection : gants, masque).
Tout contact entre un sujet non immunisé à risque et un sujet infecté contagieux doit être évité.
Le vaccin varicelle-zona est un vaccin vivant atténué, autorisé à partir de l’âge de 1 an et contre-indiqué chez la femme enceinte et l’immunodéprimé. Il ne figure pas actuellement en France au calendrier vaccinal. Le schéma vaccinal comporte deux doses, espacées de 1 à 2 mois selon le vaccin utilisé (voir chapitre 41).
En cas de contage varicelleux :
*une vaccination post-exposition est indiquée (en l’absence de grossesse évolutive) chez l’adolescent à partir de 12 ans, immunocompétent et sans antécédent ou avec une histoire douteuse de varicelle (contrôle de la négativité de la sérologie facultatif) : la première dose de vaccin doit être administrée dans les 3 à 5 jours suivant le contact, avec une 2e dose 4 à 8 semaines ou 6 à 10 semaines plus tard selon le vaccin choisi;
*l’administration d’immunoglobulines anti-VZV (Varitect®) :
–indications selon l’ANSM sous autorisation temporaire d’utilisation (ATU) chez :
–les femmes enceintes séronégatives ou de statut sérologique inconnu;
–les sujets immunodéprimés;
–les nouveau-nés dont la mère présente une varicelle dans les 5 jours (délai accepté jusqu’à 7 jours) qui ont précédé leur naissance ou dans les 2 jours qui l’ont suivie;
–les prématurés et nouveau-nés de moins de 1 mois dont la mère est séronégative ou de statut sérologique inconnu;
–elles doivent être administrées par voie intraveineuse, de préférence dans les 96 heures (4 jours) et dans un délai maximal de 10 jours après l’exposition; elles sont susceptibles de permettre une protection transitoire et partielle;
–en l’absence de Varitect®, des immunoglobulines polyvalentes peuvent être administrées en IV.
Varicelle typique : éruption vésiculeuse prurigineuse avec éléments d’âges différents.
Complications à retenir : surinfections cutanées, cérébellite.
Contre-indication formelle des AINS dont l’aspirine.
Connaître le statut sérologique des sujets contacts à risque (femmes enceintes, immunodéprimés…).
I Gingivostomatite herpétique
1 Pour bien comprendre
Épidémiologie
La primo-infection à HSV-1 survient le plus souvent entre les âges de 1 et 4 ans.
Environ 80 % des enfants d’âge ≥ 5 ans ont des anticorps anti-HSV-1, ce qui n’évite pas les réactivations.
Parmi les herpès cutanéomuqueux, seule la gingivostomatite aiguë est détaillée ici.
L’herpès néonatal est étudié dans le chapitre 44. La récurrence herpétique et l’herpès génital sont traités dans d’autres ouvrages de spécialité.
Rappels d’infectiologie
L’agent causal est un virus à ADN de la famille Herpesviridae : HSV-1 ou HSV-2. L’HSV-1 est le type d’HSV le plus fréquemment responsable d’herpès oral chez l’enfant.
La primo-infection correspond au premier contact infectant muqueux ou cutané, symptomatique ou non.
La maladie confère une immunité qui est partielle, n’empêchant pas les réactivations. Les réactivations correspondent à des périodes de réplication virale, séparées par des périodes de latence, survenant soit sous la forme de récurrences cliniques, soit par excrétion virale asymptomatique.
La transmission se fait par contact direct avec un sujet excrétant du virus, par voie cutanée ou génitale (lésions) mais aussi par excrétion virale asymptomatique (salive).
L’incubation après contact infectant dure 5 à 7 jours.
La contagiosité est possible dans les différentes formes d’excrétion virale. Elle est maximale dans les premières heures de constitution des vésicules et décroît ensuite. Au décours d’une primo-infection orale, la durée de contagiosité par excrétion virale varie de 8 à 20 jours.
2 Diagnostic
Enquête clinique
La primo-infection herpétique est le plus souvent asymptomatique. Lorsqu’elle est symptomatique, elle peut revêtir un tableau de gingivostomatite aiguë.
Tableau clinique (fig. 38.12) :*prodromes : fièvre élevée et dysphagie (avec risque de déshydratation);
*éruption ulcéreuse et douloureuse buccogingivale diffuse :
–vésicules rapidement rompues et laissant place à des ulcérations muqueuses ou des croÛtes cutanées;
–atteintes de la langue, du palais, des gencives, de la muqueuse buccale et des lèvres; – évolution des ulcérations vers une confluence en plaques recouvertes d’une membrane grisâtre, avant disparition;
*signes associés : adénopathies sous-maxillaires, hypersialorrhée, haleine fétide.
Complications rares, liées :
*au terrain : immunodéprimé, dermatite atopique (syndrome de Kaposi-Juliusberg);
*à l’association à d’atteintes viscérales : méningite, encéphalite, hépatite.
Enquête paraclinique
Le diagnostic de gingivostomatite aiguë est avant tout clinique.
La réalisation d’examens complémentaires de confirmation se justifie essentiellement dans les formes sévères (terrains à risque) ou compliquées :
*identification par PCR sur un prélèvement de lésion;
*sérologie inutile au diagnostic lorsque les lésions cliniques sont évocatrices.
3 Prise en charge
Mesures thérapeutiques
Le traitement est majoritairement ambulatoire et symptomatique.
Les parents doivent veiller à ce que l’enfant s’hydrate et s’alimente suffisamment.
La prise en charge de la douleur doit être optimisée : paracétamol associé à ibuprofène en cure courte de 48–72 heures en cas de douleur modérée, tramadol (si âge > 3 ans) ou morphine orale en cas de douleur sévère. L’adjonction d’un traitement local (bains de bouche antiseptiques) est difficile à administrer et n’a pas d’intérêt démontré. La surinfection cutanée locale est rare.
L’hospitalisation n’est requise qu’en cas de formes sévères ou compliquées.
Une nutrition entérale ou une hydratation IV peut être nécessaire lorsque l’alimentation est impossible.
La prise en charge de la douleur peut également nécessiter un recours hospitalier.
Mesures préventives
L’éviction de collectivité n’est pas obligatoire. La fréquentation d’une collectivité à la phase aiguë de la maladie n’est cependant pas souhaitable.
Une information sur le caractère transmissible de cette infection doit être donnée aux parents, notamment en cas de contact avec un enfant ayant une dermatite atopique en poussée.
Il n’existe pas à ce jour de vaccin dirigé contre ce virus.
Tableau classique : éruption vésiculeuse buccogingivale avec difficultés alimentaires.
Surveillance : capacités nutritionnelles, en lien avec l’intensité de la douleur.
Éviter tout contact avec un enfant atopique : risque de Kaposi-Juliusberg.
Avant de commencer…
Les infections cutanées bactériennes sont très fréquentes chez l’enfant.
Elles peuvent être superficielles (furoncle, impétigo) ou profondes (dermohypodermites).
Le terme « érysipèle » était utilisé chez l’adulte pour désigner la forme la plus commune de dermohypodermite bactérienne non nécrosante (DHBNN) due principalement au streptocoque β-hémolytique du groupe A (SGA). Ce terme est actuellement abandonné pour le terme plus général de DHBNN.
Chez l’enfant, le terme « érysipèle » n’est pas utilisé et la distinction des dermohypodermites bactériennes se fait entre formes non graves (DHB non compliquées) et formes graves (DHB compliquées incluant dermohypodermite et fasciite nécrosantes).
Les infections cutanées mycosiques sont traitées dans d’autres ouvrages de spécialité.
Pour bien comprendre
A Préambule
Les infections cutanées bactériennes superficielles sont fréquentes et bénignes :
*l’impétigo;
*le furoncle.
Les infections cutanées bactériennes profondes sont plus rares et comportent :
*les dermohypodermites bactériennes (anciennement cellulites) non compliquées;
*les dermohypodermites bactériennes compliquées de choc septique (ou de choc toxinique) ou de nécrose des tissus profonds (dermohypodermites nécrosantes et fasciites nécrosantes), pouvant mettre en jeu le pronostic vital.
B Épidémiologie
Les infections cutanées bactériennes sont très fréquentes chez l’enfant.
Le principal facteur favorisant des DHBNN est la varicelle.
Staphylococcus aureus et le streptocoque du groupe A sont les pathogènes responsables; ils peuvent être associés.
L’antibiothérapie doit tenir compte des données actualisées de résistance de ces bactéries aux antibiotiques.
S. aureus est naturellement résistant à l’amoxicilline; il est dans plus de 90 % des cas sensible à la méticilline en milieu communautaire, ce qui témoigne de sa sensibilité aux pénicillines M (oxacilline et cloxacilline), aux céphalosporines (C1G > C2G > C3G) et à l’association amoxicilline-acide clavulanique.
Le streptocoque de groupe A est toujours sensible à l’amoxicilline.
I Démarche diagnostique
A Infections cutanées bactériennes superficielles
1 Impétigos
A Impétigo :
*pustulose intradermique (S. aureus et/ou SGA);
*évolution en plusieurs phases : vésicule sous-cornée, pustule (ou bulle) fragile flasque fugace puis érosion recouverte d’une croÛte mélicérique;
*lésions souvent multiples près des orifices naturels ou sur le scalp;
*transmission directe par voie manuportée conduisant à l’extension de l’infection chez un même patient (auto-inoculation) ou à la contagion d’autres enfants;
*parfois adénite de voisinage; pas de fièvre;
*prélèvement bactériologique inutile.
Ecthyma :
*forme chronique et creusante de l’impétigo;
*ulcération témoignant de l’atteinte du derme, cicatrice résiduelle après guérison.
A Impétiginisation (fig. 39.1) :
*impétigo secondaire à la surinfection d’une dermatose primitive souvent prurigineuse;
*exemples : varicelle, piqÛres d’insecte, plaies post-traumatiques, eczéma, gale.
2 FuronclesFolliculite (fig. *inflammation superficielle d’un ou de plusieurs follicules pileux (S. aureus) ;
*prélèvement bactériologique inutile.
Furoncle :
*infection profonde et nécrosante du follicule pilosébacé (S. aureus) ;
*sites : dos, fesses, jambes, visage;
*formes compliquées de furoncles :
–conglomérat de furoncles groupés (anthrax);
–multiplication des lésions, dermohypodermite péri-lésionelle, abcédation secondaire, fièvre;
* furoncle à risque de complications : âge < 1 an, comorbidité, drainage difficile, localisation à la face : partie médiane du visage avec risque d’extension vers une infection sévère (thrombophlébite du sinus caverneux);
*prélèvement bactériologique :
–inutile si furoncle isolé vu en pratique de ville;
–utile avant antibiothérapie si furoncle compliqué ou à risque de complications;
–recherche de la LPV (leucocidine de Panton-Valentine) inutile dans tous les cas.Furonculose :
*répétition de furoncles (S. aureus) pendant des mois ou des années;
*prélèvement bactériologique recommandé avant de débuter le traitement antibiotique;
*n’effectuer le dépistage des gîtes bactériens (nez, gorge, anus, périnée) à la recherche d’un portage de S. aureus qu’après échec d’une première décolonisation de ces gîtes.
Infections cutanées bactériennes profondes
1 Dermohypodermites bactériennes non compliquées
Ce sont des infections bactériennes aiguës de la peau et du tissu sous-cutané habituellement caractérisées par un œdème, une augmentation de la chaleur locale, un érythème et une induration douloureuse de la peau, le plus souvent associés à de la fièvre (fig. 39.3). Elles sont rarement multifocales ou bilatérales.L’examen clinique recherche une porte d’entrée cutanée (plaie cutanée, intertrigo, brÛlure, piqÛre d’insecte, varicelle…) et une lymphangite associée. Le marquage au feutre ou la photographie des lésions permet de suivre l’évolution de l’infection.
De nombreuses entités cliniques (urticaire, dermite allergique de contact, dermohypodermite inflammatoire par exemple consécutive à une piqÛre d’insecte) peuvent revêtir des tableaux cliniques proches de ceux des dermohypodermites bactériennes. Ces tableaux sont à leur différence ni fébriles ni douloureux.
Dermohypodermites bactériennes compliquées
Elles regroupent les dermohypodermites bactériennes non nécrosantes avec choc septique et/ou toxinique, les dermohypodermites nécrosantes et les fasciites nécrosantes.
Elles peuvent engager le pronostic vital et nécessitent la mise en route rapide d’une antibiothérapie probabiliste ciblant S. aureus et le streptocoque de groupe A, après réalisation d’au moins deux hémocultures.
Ces infections sévères nécessitent une prise en charge médico-chirurgicale précoce en réanimation.
Le choc toxinique est classiquement associé aux infections invasives liées au streptocoque du groupe A producteur de toxines mais il peut également être lié à des infections à S. aureus.
Le tableau clinique du choc toxinique streptococcique associe une fièvre à un rash scarlatiniforme (exanthème sans intervalle de peau saine) avec une progression rapide vers le choc (souvent chaud et vasoplégique) et une défaillance multiviscérale.
Les dermohypodermites bactériennes nécrosantes sont définies par une nécrose des tissus conjonctifs et adipeux (derme et hypoderme). La douleur est intense et spontanée, disproportionnée par rapport aux signes locaux visibles.
La fasciite nécrosante correspond à une nécrose profonde des tissus (fascias intermusculaires) dépassant l’aponévrose superficielle. L’infection et la nécrose débutent initialement en profondeur entre le tissu sous-cutané et le fascia du muscle. La douleur est intense et spontanée, disproportionnée par rapport aux signes locaux visibles.
Infections cutanées bactériennes superficielles : impétigo, furoncle.
Infections cutanées bactériennes profondes : dermohypodermites bactériennes (anciennement cellulites) non compliquées, dermohypodermites bactériennes compliquées de choc septique ou toxinique, ou de nécrose des tissus profonds (dermohypodermites nécrosantes et fasciites nécrosantes).
II Prise en charge thérapeutique
A Infections cutanées bactériennes superficielles
1 Impétigo
Nettoyage des lésions cutanées à l’eau et au savon :
*le savonnage décolle les bactéries;
*le rinçage les élimine.
Antibiothérapie locale :
*formes peu graves : ≤ 6 lésions, absence d’extension rapide des lésions;
*mupirocine (active sur S. aureus et sur le SGA) 2 à 3 fois par jour pendant 5 jours.
Antibiothérapie par voie générale :
*formes plus graves : > 6 lésions ou surface corporelle atteinte > 2 % de la surface corporelle totale (chez l’enfant 1 % = surface d’une paume de main), ecthyma (forme nécrotique creusante), extension rapide des lésions;
*amoxicilline-acide clavulanique par voie orale, 80 mg/kg par jour d’amoxicilline pendant 7 jours (maximum 3 g par jour).
Il est inutile de prescrire une antibiothérapie locale en plus d’une antibiothérapie générale dans le cadre d’un impétigo. En cas de recours à une antibiothérapie générale, il faut prescrire des applications de vaseline 2 fois par jour (après les soins de toilette), afin de ramollir les croÛtes et de faciliter leur détersion.
Éviction d’une collectivité d’enfant (crèche, école) :
*non indiquée si les lésions peuvent être protégées par un pansement;
*indiquée si les lésions ne peuvent pas être protégées : 72 heures après le début de l’antibiothérapie.
2 Furoncle
2 Furoncle
Furoncle isolé :
*pas de manipulation du furoncle (pour limiter le risque de complications), changement de linge et lavage quotidien à l’eau et au savon, incision de l’extrémité et évacuation du bourbillon (si furoncle volumineux), protection de la lésion avec un pansement;
*pas d’antibiothérapie locale ni générale.
Furoncle compliqué ou à risque de complications :
*mesures précédentes;
*antibiothérapie orale par amoxicilline-acide clavulanique pendant 5 jours;
*pas d’antibiothérapie locale.
B Infections cutanées bactériennes profondes
1 Dermohypodermite non compliquée
Si pas de facteurs de risque d’évolution vers une forme compliquée (âge < 1 an, immunodépression), ni de signes cliniques de gravité (fièvre élevée, lésions cutanées étendues ou d’évolution rapide, localisation septique secondaire) :
*traitement ambulatoire possible;
*amoxicilline-acide clavulanique par voie orale, 80 mg/kg par jour (efficace sur S. aureus et le streptocoque de groupe A) en 2 ou 3 prises par jour pendant 7 jours (les pénicillines M, cloxacilline et oxacilline, ne peuvent pas être prescrites par voie orale en raison de leur mauvaise biodisponibilité).
Si facteur de risque ou signes de gravité :
*hospitalisation initiale;
*amoxicilline-acide clavulanique par voie IV, 100 mg/kg par jour en 3 injections pendant 2 à 3 jours puis relais oral selon évolution (durée totale d’antibiothérapie : 7 à 10 jours);
*surveillance rapprochée.
Dermohypodermite compliquée (nécrosante et/ou toxinique)
Hospitalisation initiale en réanimation pour traitement du choc septique :
*remplissage vasculaire, inotropes;
*prévention et surveillance des défaillances d’organes.
Antibiothérapie par voie intraveineuse en urgence :
*amoxicilline-acide clavulanique 150 mg/kg par jour;
*associée à clindamycine (action antitoxinique).
Exérèse chirurgicale des zones nécrotiques (primordiale dans les dermohypodermites nécrosantes et fasciites nécrosantes).
Antipyrétiques, antalgiques adaptés au seuil de douleur : paracétamol, morphiniques.
Surveillance rapprochée.
Avant de commencer…
Les enfants migrants primo-arrivants accompagnant leurs parents ou isolés et les enfants vus dans le cadre de consultations d’adoption sont une population pédiatrique particulièrement fragile. Dans les deux cas, ces enfants nécessitent un dépistage et une prise en charge de pathologies d’importation mais aussi de pathologies chroniques, de malnutrition, de psychotraumatismes et une mise à jour des vaccins.
Les voyages d’enfants en pays tropical nés en France sont redevenus fréquents après une diminution transitoire en lien avec la pandémie de COVID-19. Ces enfants, qui sont le plus souvent issus de familles de migrants, vont séjourner dans leur famille d’origine et sont très à risque par rapport au tourisme classique.
L’enfant voyageur requiert une prise en charge spécifique en cas de fièvre, diarrhée ou manifestations cutanées au retour.
Parmi les pathologies de retour, le paludisme est une des affections les plus sévères, dont il faut connaître les principaux aspects pédiatriques.
Il est important de souligner la nécessité de la prévention des risques en amont du voyage et de ses spécificités pédiatriques.
Pathologie infectieuse des enfants migrants
A Généralités
Selon l’UNESCO, on définit comme enfant migrant, tout enfant qui vit de manière temporaire ou permanente dans un pays dans lequel il n’est pas né et qui a acquis d’importants liens sociaux avec ce pays. Ce terme désigne les enfants réfugiés qui fuient les conflits de leur pays, ainsi que les migrants économiques et inclut les enfants migrant avec leurs parents, les enfants adoptés et les enfants migrant seuls, aussi appelés mineurs non accompagnés (MNA) ou mineurs isolés étrangers (MIE).
B Première consultation
Elle doit se dérouler au plus tôt, dans le mois suivant l’arrivée.
La recherche de pathologies sous-jacentes en particulier infectieuses et l’évaluation de la protection vaccinale sont essentielles, avec :
*un examen clinique détaillé;
*une courbe staturo-pondérale et une évaluation de l’état nutritionnel (IMC, poids, taille, poids pour l’âge, taille pour l’âge);
*une courbe de périmètre crânien et une évaluation du développement psychomoteur (en particulier pour l’enfant adopté);
*un bilan biologique de dépistage comportant : NFS-plaquettes, ferritinémie, ASAT et ALAT, glycémie, ionogramme sanguin, urée, créatinine, électrophorèse de l’hémoglobine (Afrique subsaharienne); un dosage de la plombémie (saturnisme);
*une recherche de maladies transmissibles par la mère : sérologies syphilis, VIH, hépatite B (antigène HBs, anticorps anti-HBs et anti-HBc) et hépatite C, ainsi qu’une recherche des IST chez l’adolescent (syphilis, gonocoque, Chlamydia, VIH);
*une recherche de grossesse chez l’adolescente;
*une recherche de tuberculose (radiographie de thorax, test immunologique);
*une parasitologie des selles; une sérologie anguillulose et bilharziose, une recherche de paludisme, en cas de provenance de zone d’endémie;
*l’évaluation d’un psychotraumatisme dans le cadre d’un parcours migratoire difficile, la recherche d’un antécédent de violences sexuelles ou de mutilations sexuelles féminines;
*le recueil des vaccinations réalisées dans le pays d’origine (le programme de vaccination de chaque pays est accessible sur le site internet de l’OMS) et, en cas de doute ou information incomplète (situation la plus fréquente), des sérologies vaccinales (notamment tétanos, hépatite B, hépatite A et varicelle) peuvent être réalisées (voir chapitre 41).
C Situations rencontrées
Des problèmes de santé peuvent ainsi être retrouvés dans près de la moitié des cas : problèmes nutritionnels, parasitoses digestives, pathologies dermatologiques, anémies, difficultés comportementales.
Dans certaines situations, l’enfant est porteur d’une pathologie chronique et est arrivé en France pour un diagnostic ou une prise en charge de cette pathologie (drépanocytose…).
Des pathologies infectieuses telles que la tuberculose, les infections osseuses chroniques, les hépatites, l’infection à VIH sont également possibles.
En dehors de la situation spécifique de l’adoption, il est important de prendre en compte rapidement la précarité très fréquente de ces familles qui peut considérablement alourdir la prise en charge des enfants migrants : permanence d’accès aux soins de santé (PASS), assistante sociale, demande d’aide médicale d’État, aide à la régularisation, aide à l’obtention d’un logement… Les mineurs non accompagnés doivent être mis à l’abri et protégés par l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Si une hospitalisation est nécessaire, un isolement en chambre seule jusqu’à la vérification de l’absence de portage de bactéries multirésistantes doit être effectué.
Orientation diagnostique devant une fièvre ou un autre symptôme chez l’enfant au retour d’un voyage en pays tropical
A Particularités des enfants voyageurs
1 Risques reliés à l’âge pédiatrique
Le comportement de l’enfant expose à de nombreux risques : exposition au péril orofécal par de nombreux contacts mains-bouche, aux infections parasitaires acquises par contact avec le sol (ascaridiose, ankylostomiase…), expositions liées aux animaux (morsures, rage…).
L’immaturité du système immunitaire, en particulier chez le nourrisson, expose ceux-ci à des risques d’infections plus sévères et d’évolution plus rapide (par exemple, paludisme).
Le diagnostic des pathologies tropicales est parfois difficile. Les signes cliniques sont chez l’enfant souvent peu spécifiques, difficiles à mettre en évidence en l’absence de coopération chez les plus jeunes enfants et peuvent varier avec l’âge. Ceci peut conduire à un accroissement des délais diagnostiques.
La prophylaxie de certaines infections est difficile à l’âge pédiatrique (formes galéniques mal adaptées, difficultés d’observance…).
2 Enfants séjournant dans leur famille d’origine
La plupart des enfants voyageurs quittant la France pour un pays tropical ou subtropical sont nés en France métropolitaine de parents migrants, et rendent visite à leur famille restée dans leur pays d’origine.
Les séjours sont souvent plus prolongés que ceux d’enfants voyageant dans un cadre touristique. Les enfants sont plus jeunes et ont des risques plus importants de contracter des maladies en rapport avec leur séjour.
Ces familles consultent fréquemment dans un délai court avant leur départ, ce qui rend difficile le suivi des recommandations (prophylaxie, vaccins…). Elles ont souvent des ressources financières limitées dans un contexte de vaccination et prophylaxie du voyage non remboursées. Elles n’ont pas toujours la perception des risques encourus, du temps nécessaire pour bien préparer le séjour et ont parfois des difficultés à respecter au sein de leur famille d’origine les règles de prévention, notamment hygiéno-diététiques préconisées avant le départ.
Épidémiologie des pathologies de retour chez l’enfant voyageur
Les pathologies varient en fonction du lieu de provenance. Les principales pathologies associées à de la fièvre sont les diarrhées, les infections respiratoires basses en provenance d’Afrique du Nord, le paludisme, les infections respiratoires basses, les diarrhées en provenance d’Afrique subsaharienne, les atteintes cutanées en provenance d’Amérique du Sud (en général non fébriles).
Les diarrhées peuvent être d’origine bactérienne à salmonelles (le plus souvent mineures), shigelles, Campylobacter, E. coli enterotoxinogène, Yersinia mais aussi à des virus (rotavirus, norovirus en particulier) ou des parasites (giardiase…).
Parmi les atteintes dermatologiques, les morsures, les piqÛres ou plaies impétiginisées, les larva migrans (infection sous-cutanée par une larve d’ankylostome du chien ou du chat souillant le sol) sont les plus fréquentes. La leishmaniose cutanée est moins fréquente.
Aucun signe clinique n’a de valeur prédictive positive significative d’une étiologie particulière mais l’ictère et l’hépatomégalie ont une bonne valeur prédictive positive d’hépatite virale aiguë.
Même si les affections cosmopolites (simples ou sévères) sont les plus fréquentes, les affections « tropicales » ou « importées » doivent être éliminées car elles sont potentiellement très sévères (par exemple, paludisme).
Démarche diagnostique devant une fièvre de retour chez l’enfant (fig. 40.1)
1 Anamnèse
La notion d’un voyage à l’étranger, en particulier en zone tropicale, est à systématiquement rechercher à l’interrogatoire devant toute fièvre quelle que soit la période de l’année.
L’anamnèse doit être rigoureuse, avec accès aux caractéristiques épidémiologiques actualisées des pays visités (sites internet OMS, CDC : épidémies en cours, pathologies endémiques).
Le délai entre le retour en métropole et le début de la fièvre ne doit pas être un argument pour éliminer formellement toute probabilité de maladie d’importation. Toutefois, ces pathologies surviennent le plus souvent dans les 3 mois suivant le retour.
Informations indispensables :
*la zone de séjour de l’enfant : si cette dernière est une zone d’endémie palustre, cela doit conduire immédiatement à effectuer une recherche de paludisme;
*les conditions de séjour (ville, campagne, mixte), saison;
*la prévention du péril orofécal (eau de boisson, baignade);
*le contact avec des animaux et les morsures et/ou piqÛres éventuelles, les éventuels traumatismes ou plaies;
*les vaccinations et prophylaxie antipalustre si séjour en zone d’endémie (prophylaxie adaptée, compliance à la prophylaxie…).
Examen physique
Recherche systématique des signes de gravité évoquant un sepsis.
Recherche de signes d’orientation clinique (bien que peu spécifiques) :
*un ictère peut être observé en cas d’hépatite virale aiguë, de paludisme, de leptospirose, d’arbovirose;
*une hépatomégalie doit faire évoquer la possibilité d’une fièvre typhoïde, d’une hépatite virale aiguë ou d’un paludisme;
*la mise en évidence d’une splénomégalie est possible en cas de paludisme, leishmaniose viscérale, brucellose, fièvre typhoïde ou dengue;
*une éruption est fréquente en cas d’arbovirose (dengue, Zika, chikungunya).
3 Enquête paraclinique
En dehors de la recherche de paludisme en cas de fièvre dans les 3 mois suivant le retour de zone d’endémie, un bilan paraclinique ne sera pas systématique.
Il sera effectué en fonction de la sévérité des symptômes et de points d’appel éventuels : NFS-plaquettes, CRP, hémoculture, bandelette urinaire, ponction lombaire en cas de signes méningés, bilan hépatique en cas d’ictère, coproculture et parasitologie des selles en cas de diarrhée, radiographie de thorax en cas de toux ou de signes de détresse respiratoire.
Il est important de répéter la recherche de paludisme 12 à 24 heures plus tard si la première recherche (négative) a été réalisée par frottis et/ou test de diagnostic rapide et que la fièvre persiste, car la sensibilité de ces tests est moins bonne que celle de la goutte épaisse et/ou de la PCR.
Bien que Plasmodium falciparum soit l’espèce la plus fréquemment retrouvée dans les cas de paludisme d’importation en France après un séjour en Afrique subsaharienne, d’autres espèces peuvent donner des fièvres récurrentes qui peuvent se révéler plusieurs mois après le retour (P. vivax, P. malariae et P. ovale).
En l’absence de pathologie « cosmopolite » retrouvée, des examens de deuxième intention pourront être réalisés en tenant compte du pays visité et du délai d’incubation des pathologies recherchées et des signes cliniques et paracliniques d’orientation (tableau 40.1 et fig. 40.1).
Caractéristiques des principales pathologies infectieuses spécifiques de zones tropicales et subtropicales. (Liste non exhaustive par ordre alphabétique.)
Pathologies Incubation Contamination Signes cliniques d’appel Signes biologiques d’appel Diagnostic
Amœbose hépatique 14 j-plusieurs mois Orofécale Hépatomégalie douloureuse Autres localisations viscérales Polynucléose Sérologie Imagerie
Borreliose 1–10 j Tiques Céphalées, troubles digestifs, splénomégalie Polynucléose, cytolyse hépatique, méningite lymphocytaire Frottis sanguin (QBC®)
Brucellose 7–28 j Lait, viandes d’ovins, caprins Rurale Hépatomégalie, splénomégalie, adénopathies Foyers tardifs ostéoarticulaires Leucopénie Hémoculture Sérologie de Wright
Fièvre hémorragique virale (sauf Ebola) : dengue ou autre arbovirose 4–8 j Moustiques (Aedes) Rurale Urbaine Syndrome pseudo-grippal Éruption Thrombopénie Leucopénie Sérologie Antigénémie NS1
Distomatose 1 mois Consommation de végétaux crus Ictère fébrile récurrent Hyperéosinophilie Sérologie
Hépatite A 28–30 j Orofécale Ictère Cytolyse hépatique Sérologie
Leishmaniose viscérale 2–6 mois Phlébotome Hépatomégalie, splénomégalie, adénopathies Anémie, leucopénie, thrombopénie, hyper-IgM Frottis moelle Leucoconcentration Sérologie
Leptospirose 7–12 j Morsures de rongeurs Baignades en eaux souillées Ictère Conjonctivite Myalgies Syndrome méningé Hyperpolynucléose Cytolyse hépatique Méningite à liquide clair Sérologie
Paludisme 6 j-plusieurs années Moustiques (anophèle) Troubles digestifs Splénomégalie Thrombopénie Antigénémie Frottis-goutte épaisse PCR si disponible
Rickettsiose 7–21 j Tiques Exanthème « Fièvre boutonneuse » Polynucléose Sérologie
Schistosomose 4–8 semaines Baignades en eau douce Phénomènes allergiques Hyperéosinophilie Sérologie
Trichinose 2 j-1 mois Ingestion de viande contaminée (porc) Myalgies Œdèmes (face, extrémités) Hyperéosinophilie Sérologie
Trypanosomose 5–20 j Glossines (forêts, savane) Hépatomégalie, splénomégalie, adénopathies Signes encéphalitiques Hyperlymphocytose Hyper-IgM Frottis sanguin et LCS Frottis-goutte épaisse, sérologie sang et LCS
Tuberculose 4 semaines-années Aérienne Signes respiratoires Amaigrissement Leucopénie Radio de thorax, IDR, IGRA
Typhoïde 7–18 j Orofécale Asthénie, céphalées, taches rosées Tuphos Leucopénie Hémoculture CoprocultureEn cas de fièvre, recherche d’un voyage en zone tropicale.
Rechercher un paludisme en cas de fièvre survenant dans les 3 mois suivant le retour de zone d’endémie et ce quels que soient les symptômes associés.
Paludisme chez l’enfant
A Généralités
La France est le pays européen le plus touché par le paludisme d’importation.
On dénombre chez l’enfant environ 1 000 accès palustres importés par an, dont 10 % chez les nourrissons. Plus de 80 % de ces accès palustres sont dus à P. falciparum.
Principales spécificités pédiatriques du paludisme d’importation :
*la difficulté du diagnostic clinique;
*le risque d’évolution vers un accès sévère;
*le caractère souvent inadapté des formulations galéniques des antipaludiques.
Seul le paludisme d’importation à Plasmodium falciparum (espèce plasmodiale potentiellement mortelle la plus fréquente) sera traité ici.
B Diagnostiquer un accès palustre
1 Rechercher un paludisme
Circonstances diagnostiques
En pratique, un accès palustre doit être évoqué chez tout enfant fébrile ayant séjourné récemment dans une zone d’endémie, habituellement dans les 15 jours suivant le retour, mais jusqu’à 3 mois voire au-delà.
Signes d’appel :
*la fièvre (90 % des cas) :
–pouvant être constatée ou « ressentie » par les parents (sans avoir été mesurée) au domicile et être absente au moment de la consultation médicale;
–parfois associée à une co-infection bactérienne ou virale bénigne (ORL, digestive…) pouvant entraîner une errance diagnostique, ou à une infection sévère (méningée);
*une hépatosplénomégalie (inconstante);
*des complications (parfois) :
–neurologiques : convulsions fébriles, prostration;
–pulmonaires : détresse respiratoire aiguë;
–autres : syndrome anémique sévère, ictère;
*une altération de l’état général.
Confirmation paraclinique
Le diagnostic doit pouvoir être effectué dans un délai de 2 heures suivant le prélèvement.
Principales méthodes :
*le frottis sanguin à la recherche de trophozoïtes de Plasmodium falciparum ;
*la goutte épaisse;
*les tests de diagnostic rapide sur bandelettes détectant des antigènes palustres (indispensables en urgence en attendant la confirmation du diagnostic microscopique par un laboratoire expérimenté);
*les techniques de PCR (très sensibles et de plus en plus utilisées).
2 Situations d’urgence
Critères cliniques et biologiques de gravité : voir infra figure 40.2 (recommandations 2017).Adapté de : SPILF, 2017.
Examens biologiques appréciant le retentissement :
*NFS, CRP;
*ionogramme sanguin (avec urée et créatinine);
*glycémie;
*bilan hépatique complet;
*± gaz du sang et lactates.
Toujours réaliser un ECG avant de débuter un traitement antipaludique à la recherche d’un QT long ou de troubles du rythme.
Prendre en charge un accès palustre à Plasmodium falciparum
1 Orientation
L’hospitalisation initiale est systématique en cas de diagnostic d’un accès palustre simple chez l’enfant pour s’assurer de la tolérance digestive des traitements et de l’absence d’évolution vers une forme grave. Elle peut se dérouler en unité d’hospitalisation de courte durée.
La prise en charge d’un accès grave doit s’effectuer en réanimation. Les enfants ayant un accès simple avec une intolérance digestive doivent être hospitalisés en unité de surveillance continue ou en réanimation pédiatrique et bénéficier d’un traitement antipaludique par voie intraveineuse.
2 Modalités thérapeutiques
La prise en charge initiale d’un accès palustre est synthétisée dans la figure 40.2.
Antipaludique oral
Médicaments de première ligne chez l’enfant :
*l’arthéméther-luméfantrine (Riamet® ou Coartem®) en six prises au total sur 3 jours;
*la dihydroartémisinine pipéraquine (Eurartesim®) en une prise par jour 3 jours de suite;
*l’atovaquone-proguanil (Malarone®) en une prise par jour pendant 3 jours;
*la méfloquine (Lariam®) en trois prises au total sur 1 jour.
Avant l’âge de 6 ans, les comprimés doivent être écrasés avant administration.
En cas de vomissements dans l’heure suivant la prise, le médicament doit être repris. S’ils persistent, un traitement IV doit être considéré.
L’halofantrine ne doit plus être prescrite.
Antipaludique IV
L’artésunate IV est le traitement de choix dans les accès graves.
Son obtention via une procédure d’ATU nécessite son prépositionnement à la pharmacie hospitalière afin de ne pas retarder la mise sous traitement. Sa prescription doit se faire en lien étroit avec le service de soins intensifs ou de réanimation pédiatrique, avec une surveillance initiale sous monitoring cardiorespiratoire et la réalisation d’un ECG pour éliminer un QT long. Un relais per os est envisagé dès que la prise orale est possible avec un traitement complet de 3 jours d’artéméther-luméfantrine (Riamet®) ou dihydroartémisinine pipéraquine (Eurartesim®).
La quinine IV, avec un relais par antipaludiques oraux dès que possible, est indiquée en cas d’accès palustre grave en l’absence d’artésunate IV disponible, ou éventuellement en cas d’intolérance digestive ne permettant pas la prise d’un antipaludique oral si la situation sort du cadre de l’ATU d’artésunate IV. Elle est toutefois de moins en moins utilisée au profit de l’artésunate IV.
Suivi de l’enfant et autres mesures
La surveillance du traitement est comparable à celle de l’adulte.
La tolérance digestive en cas de prise orale doit être évaluée.
Une surveillance clinique et biologique incluant un frottis sanguin et une goutte épaisse (associée à une NFS) est recommandée à J3 (la parasitémie doit être < 25 % de la valeur initiale) et J7 (en cas de parasitémie encore faiblement positive à J3, elle doit être négative à ce stade), ainsi qu’à J28 à la recherche d’une rechute liée à une résistance du parasite.
En cas d’utilisation de l’artésunate IV, il convient de réaliser NFS, réticulocytes, LDH et haptoglobine à J3, J7, J14 et J28 du fait d’un risque d’anémie hémolytique retardée.
Il n’y a pas lieu de reprendre une chimioprophylaxie après traitement (pour les schémas avec poursuite quelques jours après le retour), sauf en cas de nouveau séjour en zone d’endémie.
Le paludisme d’importation en France n’est pas une maladie à déclaration obligatoire.
Toute fièvre dans les 3 mois du retour d’une zone d’endémie est un paludisme jusqu’à preuve du contraire.
Hospitalisation initiale systématique en cas de paludisme chez l’enfant.
Antipaludiques oraux de première ligne pour un accès palustre simple : arthéméther-luméfantrine, atovaquone-proguanil, méfloquine. Apprécier la tolérance digestive.
Artésunate IV en cas d’accès palustre grave. Surveillance étroite.
Frottis sanguin + goutte épaisse à J3, (J7) et J28.
Mesures de prophylaxie
1 Prophylaxie antivectorielle personnelle
L’utilisation de moustiquaires de lit, berceau, poussette, imprégnées de pyréthrinoïdes est recommandée.
Le port de vêtements amples et couvrants est également utile pour prévenir les piqÛres de moustique. L’usage de sprays insecticides à base de pyréthrinoïdes pour l’imprégnation de vêtements et le port de tenues pré-imprégnées ne sont plus recommandés du fait d’une balance bénéfice-risque défavorable avec, entre autres, un risque de neurotoxicité chez le petit enfant.
Avant l’âge de 6 mois, aucun répulsif cutané ne peut être prescrit (toxicité potentielle encéphalique en raison de l’immaturité de la barrière hématoencéphalique). Entre les âges de 6–30 mois, il peut être prescrit : DEET, citriodiol, IR 3535 (âge ≥ 12 mois).
Le répulsif doit être appliqué sur la plus petite surface de peau découverte non lésée. Il ne faut pas enduire les lèvres, les paupières, les doigts, et les zones de peau lésées. Il est préférable de laver la peau enduite quand le risque de piqÛre s’est éloigné. Quel que soit le répulsif, il convient de limiter le nombre d’applications à une fois par jour avant 30 mois, deux fois par jour entre 30 mois et 12 ans, et trois fois par jour après 12 ans, ainsi que d’éviter les applications massives sur de longues périodes.
Chimioprophylaxie antipaludique
Elle doit tenir compte de l’âge et du poids, du terrain, de la zone visitée.
La répartition des pays en trois groupes de chloroquino-résistance a disparu.
Les prophylaxies à utiliser sont mentionnées en toutes lettres dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire remis à jour chaque année.
Prophylaxies disponibles :
*la chloroquine (Nivaquine®) : une prise par jour, pendant toute la durée du séjour, à poursuivre jusqu’à 4 semaines après le retour;
*le proguanil (Paludrine®) : une prise par jour en association avec la chloroquine, pendant toute la durée du séjour, à poursuivre jusqu’à 4 semaines après le retour; à partir de 1 an;
*la méfloquine (Lariam®) : une prise par semaine après recherche d’une contre-indication psychiatrique (rare chez l’enfant) ou neurologique, à débuter 10 jours avant le voyage, pendant toute la durée du séjour et à poursuivre jusqu’à 3 semaines après le retour; à partir de 15 kg mais utilisable dès 5 kg (recommandations OMS);
*l’atovaquone-proguanil (Malarone Enfants®) : une prise par jour, pendant toute la durée du séjour, à poursuivre jusqu’à 1 semaine après le retour; à partir de 11 kg mais utilisable dès 5 kg (hors AMM);
*la doxycycline (Doxypalu®) : une prise par jour si âge > 8 ans; pendant toute la durée du séjour, à poursuivre jusqu’à 4 semaines après le retour.
Prophylaxie antivectorielle = moustiquaires imprégnées, insectifuges-répulsifs (> 6 mois).
Chimioprophylaxie antipaludique selon poids, âge, pays visité(s), risque de transmission.
Conseils d’hygiène et de prévention pour les enfants voyageurs
A Évaluation des risques liés au voyage
État de santé de l’enfant :
*antécédents, terrain particulier;
*traitements habituels.
Paramètres reliés aux risques :
*la ou les régions visitées et l’environnement (campagne, ville, bord de mer, altitude);
*la date et la durée du séjour (séjour prolongé, saison sèche ou des pluies…);
*le type de voyage (itinérant, villégiature expatriée ou au village familial) et les conditions de transport et d’hébergement;
*le niveau de médicalisation locale et l’accessibilité aux soins.
B Prévention et conseils à l’enfant voyageur
1 Vaccinations
La mise à jour du calendrier vaccinal constitue la première étape et est indispensable.
Des vaccinations peuvent être spécifiques au voyage en pays tropical (tableau 40.2).
Tableau 40.2
Principaux vaccins de l’enfant voyageur.
Vaccins Âge minimal Modalités Régions Commentaires
Fièvre jaune
Vaccin vivant atténué 9 mois (6 mois si épidémie) > 10 j avant le départ Validité à vie Rappel à 6 ans si effectué avant l’âge de 2 ans Régions intertropicales d’Afrique et d’Amérique du Sud Principales contre-indications : immuno-dépression, allergie à l’œuf Vaccin obligatoire en zone d’endémie
Hépatite A
Vaccin inactivé 1 an > 15 j avant le départ Rappel à M6–M12 Toutes régions tropicales ou intertropicales ou pays où l’hygiène générale est précaire Vaccin à proposer largement
Méningocoque
ACYW* conjugué Vaccin sous-unitaire polyosidique conjugué 1 an > 10 j avant le départ Afrique subsaharienne en hiver et au printemps (saison sèche) Possibilité de vaccination sans délai particulier après un vaccin conjugué méningococcique C
Rage
Vaccin inactivé Dès l’âge de la marche J0–J7–J21 à 28 Asie, Afrique, Amérique du Sud Séjour en milieu isolé ou prolongé dans un pays à risque
Ne dispense pas d’un traitement curatif (deux rappels) en cas d’exposition
Fièvre typhoïde
Vaccin sous-unitaire polyosidique 2 ans > 15 j avant le départ Rappel à 3 ans Sous-continent indien, Asie du Sud-Est, Afrique Séjour prolongé Mauvaises conditions Facteurs de risque (drépanocytose…) Protection limitée (50–80 %)
Encéphalite japonaise
Vaccin inactivé 2 mois > 10 j avant le départ (dernière injection) J0–J28 (1/2 dose ≤ 3 ans) Rappel à 12–24 mois Asie du Sud-Est et sous-continent indien Séjour prolongé (> 30 j) Activités extérieures proches des rizières et marécages en saison des pluies
Encéphalite à tique Vaccin inactivé 1 an M0, M1 à 3, M5 à 12 Rappel à 5 ans Europe centrale, orientale, septentrionale, nord de l’Asie centrale, de la Chine et du Japon Séjour en région rurale ou boisée en zone d’endémie de mars à novembre
Il faut vacciner l’enfant à partir de l’âge de 9 mois contre la fièvre jaune s’il part en zone d’endémie et en fonction de la réglementation du pays visité et des contre-indications éventuelles (vaccin vivant).
La vaccination contre l’hépatite A est aussi particulièrement importante car les pays tropicaux ou subtropicaux sont souvent des régions de forte prévalence et il s’agit d’une infection potentiellement sévère, première cause dans le monde d’hépatite fulminante chez l’enfant.
Les autres vaccinations : rabique, méningoccique conjuguée ACYW, encéphalite japonaise et encéphalite à tiques, typhoïde, peuvent être considérées en fonction du pays visité, de la saison, de l’âge, du contexte et de la durée du voyage.
Prévention du paludisme en cas de séjour en zone d’endémie
Cette prévention comporte (voir § III. Paludisme chez l’enfant) la protection antivectorielle personnelle ainsi que la chimioprophylaxie.
3 Prévention et conseils de prise en charge initiale de la diarrhée du voyageur
Règles hygiéno-diététiques
L’hygiène des mains est essentielle.
Faire se laver les mains à l’eau et au savon avant le repas et après le passage aux toilettes.
Des précautions concernent les boissons et l’alimentation.
Ne pas consommer l’eau du robinet, les glaçons, les glaces artisanales, les boissons lactées coupées d’eau, les jus de fruit non pressés par soi-même. Utiliser une eau en bouteille capsulée ou une eau filtrée et désinfectée soit par microfiltration, ébullition pendant au moins 1 minute ou chloration avec du DCCNa. Encourager l’allaitement maternel chez les nourrissons.
Ne faire consommer que des aliments (viandes, œufs, poissons, crustacés légumes) cuits et chauds ou des crudités et des fruits lavés avec une eau potable ou pelés au dernier moment.
Éviter les laitages non pasteurisés, les plats refroidis, les coquillages, les charcuteries, les plats à base d’œufs crus (crèmes, entremets, glaces, mousses).
Donner une conduite à tenir aux parents en cas de diarrhée
Le risque est la survenue rapide d’une déshydratation en particulier chez le nourrisson.
Sa prévention repose sur l’administration précoce de soluté de réhydratation orale (SRO) selon les modalités décrites dans le chapitre Diarrhée aiguë (voir chapitre 35). L’enfant doit être rapidement réalimenté.
Les signes de gravité devant faire consulter immédiatement un médecin doivent être expliqués : fièvre ou selles glairosanglantes ou signes de déshydratation.
Une antibiothérapie probabiliste peut être proposée dans les formes cliniques moyennes ou sévères fébriles ou avec selles glairosanglantes en l’absence de possibilité de consultation rapide et de diagnostic étiologique.
4 Prévention des risques liés aux piqÛres d’arthropodes
En dehors du paludisme, les moustiques sont vecteurs d’autres infections dengue, chikungunya (piqÛres de jours de moustiques du genre Aedes). Les mesures de protection antivectorielle personnelle sont les mêmes que pour le paludisme.
La prévention des morsures de tiques repose sur les répulsifs, le port de vêtement longs et clairs, l’inspection cutanée des enfants après une promenade en forê
Avant de commencer…
Un chapitre incontournable pour les ED et la pratique médicale.
Le rationnel et les modalités des schémas vaccinaux doivent être compris avant d’être appris.
Les vaccinations constituent les moyens optimaux de prévention pour le contrôle voire (selon les situations) l’éradication de maladies infectieuses et contagieuses. La diminution de la perception du risque peut conduire à négliger l’importance de la vaccination (couverture vaccinale) et l’entretien d’une immunité suffisante (injections de rappel).
Le contenu actualisé du calendrier vaccinal du nourrisson (vaccins obligatoires et/ou recommandés) de l’année en cours doit être parfaitement mémorisé (site du ministère de la Santé). Le respect de ses modalités doit être évalué à chaque consultation de suivi de l’enfant.
Pour bien comprendre
A Généralités
1 Définition d’un vaccin
Les vaccins à usage humain sont des préparations contenant des substances antigéniques destinées à induire, chez le sujet auquel elles sont administrées, une immunité active spécifique (adaptative) contre un agent infectieux donné (bactérien, viral, voire parasitaire) et destinées à le protéger contre l’infection naturelle ou à en atténuer les conséquences.
2 Compositions des préparations vaccinales
Types de vaccin
Les préparations vaccinales ont des compositions variables selon le type de vaccin (tableau 41.1). Il peut s’agir de :
Tableau 41.1
Liste des noms (abréviations) et nature des principaux vaccins utilisés.
Nom : valence ou maladie Nature du vaccin
D = diphtérie (d : dose réduite adaptée à adolescent et l’adulte) Sous-unitaire protéique
T = tétanos Sous-unitaire protéique
Ca = coqueluche acellulaire (ca : dose réduite adaptée à l’adolescent et l’adulte) Sous-unitaire protéique
P = polio injectable Inactivé viral
Hib = Haemophilus influenzae b Sous-unitaire polyosidique
HB = hépatite B Sous-unitaire protéique
VPC13 = vaccin pneumococcique conjugué 13-valent Sous-unitaire polyosidique
VPNC23 = vaccin pneumococcique non conjugué 23-valent Sous-unitaire polyosidique
MenCC = vaccin méningococcique C polyosidique conjugué Sous-unitaire polyosidique
ROR (R = rougeole; O = oreillons; R = rubéole) Vivant viral
HPV = papillomavirus humains Sous-unitaire protéique assemblé en pseudoparticules virales
Men ACWY = vaccin méningococcique ACWY polyosidique conjugué Sous-unitaire polyosidique
Men B = vaccin méningococcique B protéique Sous-unitaire protéique
BCG = tuberculose Vivant bactérien
Rotavirus Vivant viral
Varicelle Vivant viral
Zona Vivant viral
Grippe saisonnière, nasal Vivant viral
Grippe saisonnière, injectable Sous-unitaire protéique
Hépatite A Inactivé
Typhoïde Sous-unitaire protéique
Rage Inactivé viral
Fièvre jaune Vivant viral
Leptospirose Inactivé bactérien
Covid-19 Sous-unitaire ARN à vecteur lipidique
Covid-19 Sous-unitaire ARN à vecteur viral
*l’agent infectieux en entier (virus ou bactéries) mais dont la virulence a été réduite après mutations → vaccins dits vivants ou atténués;
*l’agent infectieux entier (virus ou bactéries) mais inaptes à la multiplication du fait d’un traitement physique ou chimique préalable → vaccins dits inactivés ou tués;
*un ou plusieurs antigènes, spécifiques de l’agent infectieux → vaccins dits sous-unitaires.
Les antigènes des vaccins sous-unitaires peuvent être élaborés de diverses façons :
*antigènes protéiques extraits ou produits : anatoxines protéiques diphtérique et tétanique, protéines de membrane cellulaire des méningocoques (vaccins protéiques Bexsero® et Trumenba®);
*antigènes polyosidiques de surface fixés (conjugués) ou non sur des protéines : vaccins méningococciques conjugués A, C, W et Y, pneumococciques et Haemophilus influenzae b;
*antigènes protéiques de surface assemblés en pseudoparticules virales (papillomavirus humains);
*segments d’ARN codant une protéine immunisante : l’ARN est transporté via un vecteur lipidique ou viral (atténué ou inactivé) vers la cellule humaine où il est lu; les protéines vaccinales sont alors synthétisées et exprimées à la surface cellulaire du sujet vacciné (vaccins ARN Covid-19, Ebola).
Adjuvants vaccinaux
La purification de plus en plus poussée des vaccins sous-unitaires a permis d’améliorer leur tolérance et leur sécurité mais a eu pour effet de réduire leur immunogénicité. L’adjonction de substances dites adjuvantes est devenue indispensable.
Les préparations vaccinales contiennent le plus souvent un adjuvant (à l’exception des vaccins viraux vivants et des vaccins grippaux injectables saisonniers); il s’agit habituellement d’hydroxyde d’aluminium.
Les adjuvants accélèrent, augmentent, améliorent et/ou prolongent l’immunité adaptative induite en stimulant au préalable l’immunité innée et en mobilisant la cellule présentatrice d’antigène (cellule dendritique).
Associations vaccinales
Certains vaccins peuvent être mélangés dans une même seringue et administrés en une seule injection; on parle de vaccins combinés :
*combinaisons tétravalentes (diphtérie-tétanos-polio-coqueluche), pentavalentes (diphtérietétanos-polio-coqueluche-Haemophilus b) et hexavalentes (diphtérie-tétanos-polio-coqueluche, Haemophilus b-hépatite B);
*combinaison vaccinale trivalente rougeole-oreillons-rubéole (ROR);
*combinaison vaccinale pneumococcique conjuguée contenant 13 valences.
Les autres vaccins exigent d’être injectés en des sites séparés d’au moins 2,5 cm s’il s’agit du même membre ou sinon sur deux membres différents. On parle de vaccination simultanée.
Bases immunologiques de la protection vaccinale
1 Vaccins vivants ou atténués
Ces vaccins réalisent une infection a minima chez un sujet dont l’immunité est normale et induisent une réponse immune de type adaptative de même nature que celle conférée par la maladie, mixte (humorale et cellulaire). Ils ont par contre une virulence résiduelle importante en cas d’immunodépression ou de grossesse et sont donc contre-indiqués dans ces situations.
Ils n’exigent le plus souvent qu’une ou deux doses pour conférer une protection optimale et durable.
2 Vaccins tués ou inactivés et vaccins sous-unitaires
Ces vaccins induisent une réponse adaptative avant tout humorale. Une réponse cellulaire existe aussi pour certains vaccins comme Haemophilus influenzae b, hépatite B et coqueluche.
Ils nécessitent plusieurs injections successives, espacées d’au moins 1 mois, pour initier et amplifier la réponse immune initiale (réponse de type primaire, efficace mais limitée dans le temps). Ces premières injections constituent la primovaccination. Par la suite, des injections supplémentaires appelées rappels permettent de renforcer et maintenir une immunité efficace (réponse immune de type secondaire, plus puissante et durable). Le 1er rappel doit être espacé de 5 à 6 mois par rapport à la fin de la primovaccination. Les rappels ultérieurs sont espacés de plusieurs années. Le terme de rappel ne doit pas être confondu avec celui de rattrapage, qui correspond à la vaccination d’un sujet en retard de son calendrier normal.
Enfin, les contacts itératifs avec certains agents infectieux, lorsqu’ils continuent de circuler dans la population, réalisent autant de rappels dits naturels, permettant le maintien de l’immunité vaccinale (par exemple, vaccin Haemophilus influenzae b pour lequel les rappels vaccinaux tardifs ne sont pas nécessaires après l’âge de 5 ans). En cas de réduction importante de la circulation de l’agent infectieux, les rappels naturels deviennent aléatoires, rendant nécessaires des rappels vaccinaux tardifs pour certaines maladies (par exemple, coqueluche).
L’immunité cellulaire engendrée par le vaccin contre l’hépatite B est forte et durable et ne nécessite plus de rappel une fois le premier rappel effectué.
Spécificités des vaccins sous-unitaires
Les antigènes protéiques sont thymodépendants et donnent lieu à une réponse primaire initiale faible (IgM) puis secondaire forte (IgG) au moment du rappel. Cet effet rappel puissant est obtenu grâce à la constitution d’un pool de cellules mémoire lors de la primovaccination.
Les antigènes polyosidiques (ou polysaccharidiques) sont thymo-indépendants et donnent lieu à une réponse primaire faible et lente mais ici sans création de cellules mémoire et donc sans possibilité d’effet rappel ultérieur. Cette réponse immune est de surcroît médiocre et insuffisante avant l’âge de 2 ans.
La fixation des antigènes polyosidiques sur des antigènes protéiques thymodépendants (appelée conjugaison) augmente leur immunogénicité en réponse primaire et ce dès l’âge de 6 semaines. Elle leur confère par ailleurs un effet mémoire amplifiant de façon durable la réponse immune au moment du rappel (par exemple, vaccins Haemophilus influenzae b, méningococciques C et ACWY et pneumococcique conjugués).
L’efficacité vaccinale varie selon les types de vaccins utilisés :
*vaccins vivants : protection forte et durable après 1 ou 2 injections;
*vaccins inactivés et vaccins sous-unitaires : immunité efficace et durable assurée après plusieurs injections puis rappels.
L’efficacité vaccinale peut être réduite chez le jeune nourrisson par la présence d’anticorps maternels. Certains anticorps maternels transmis au nourrisson ont un effet protecteur vis-à-vis de la maladie, mais uniquement lorsque leur taux sérique est élevé (coqueluche, rougeole, tétanos). Ils peuvent également inactiver les vaccins vivants (anticorps neutralisants), entraînant ainsi un échec vaccinal. Par exemple, les anticorps rougeoleux maternels protègent le nourrisson au cours des 6 premiers mois, mais rendent inefficace la vaccination avant cet âge.
À l’inverse, en l’absence de vaccination récente maternelle, la protection du nourrisson par les anticorps maternels est quasi nulle pour la coqueluche (taux bas d’anticorps maternels) et est limitée à 2 mois pour le tétanos et la diphtérie.
Vacciner un enfant en pratique courante
A Recommandations vaccinales
1 Généralités
L’objectif d’une stratégie vaccinale peut être :
*l’élimination d’une maladie : arrêt de la circulation de l’agent infectieux (par exemple, rougeole);
*le contrôle de l’infection : réduction de la morbidité et de la mortalité à un niveau acceptable (par exemple, tétanos, coqueluche).
Toute vaccination est un acte médical qui doit être expliqué par le médecin et compris par la famille au terme d’un entretien adapté. Sa pratique doit être consignée sur les pages « Vaccinations » du carnet de santé qui tiennent lieu de certificat. Un calendrier vaccinal électronique est disponible sur le site MesVaccins.net.
2 Calendrier vaccinal
Généralités
Le calendrier vaccinal (tableau 41.2) définit la politique vaccinale d’un pays. Il s’applique aux enfants et aux adultes et répond à des choix stratégiques qui tiennent compte de l’épidémiologie des pathologies infectieuses, de la disponibilité des vaccins, des caractéristiques de ceux-ci (efficacité, durée de protection) et des rapports bénéfices/risques et coÛt/efficacité de la stratégie envisagée.
Tableau 41.2
Calendrier vaccinal 2023 : liste des vaccinations recommandées ou obligatoires.
Âge Vaccins
2 mois DTCaP-Hib-HB + VPC13 + Rotavirus oral
3 mois Méningococcique B + Rotavirus oral (RotaTeq uniquement)
4 mois DTCaP-Hib-HB + VPC13+ Rotavirus oral
5 mois MenCC + Méningococcique B
11 mois DTCaP-Hib-HB + VPC13
12 mois ROR + MenCC + Méningococcique B
16–18 mois ROR
6 ans DTCaP
11–13 ans dTcaP* + HPV (11–14 ans filles et garcons)
25 ans dTcaP (ou dTP)
45 ans dTP
65 ans dTP + grippe injectable**
75 ans dTP tous les 10 ans
Notes
DTCaP-Hib-Hépatite B : vaccin combiné hexavalent contenant les valences diphtérie (D), tétanos (T), coqueluche acellulaire (Ca), polio injectable 1, 2 et 3 (P), Haemophilus influenzae b (Hib), et hépatite B.
Une combinaison pentavalente DTCaP-Hib est également disponible pour le nourrisson; elle ne comporte pas la valence hépatite B.
Une combinaison tétravalente DTCaP est disponible pour l’enfant; elle ne comporte pas la valence Hib, inutile au-delà de l’âge de 5 ans.
Les combinaisons faiblement dosées en anatoxine diphtérique (d au lieu de D) sont réservées aux adolescents et adultes; elles ne sont pas indiquées chez le nourrisson. Les combinaisons faiblement dosées en antigène coquelucheux (ca au lieu de Ca) sont réservées aux adolescents et adultes; elles ne sont pas indiquées chez le nourrisson.
VPC13 : vaccin pneumococique conjugué à 13 valences.
MenCC : vaccin méningocccique conjugué de sérogroupe C.
ROR : vaccin combiné triple rougeole, oreillons, rubéole (il n’y a plus de vaccin monovalent disponible en France contre la rougeole, les oreillons ou la rubéole).
- Les doses de rappel diphtérie et coqueluche destinées à l’adolescent et l’adulte sont moins fortement dosées (doses réduites) que celles destinées aux nourrissons, d’où les signes d et ca au lieu de D et Ca (doses complètes).
** Vaccination grippe saisonnière injectable, recommandée chaque année chez les personnes âgées de 65 ans et plus.
Le calendrier est élaboré par la commission technique des vaccinations (CTV), commission permanente de la Haute Autorité de santé (HAS), et publié chaque année sur le site du ministère de la Santé et sur celui de Santé publique France1.
Nouveautés depuis la précédente édition de ce Référentiel
*La vaccination méningococcique protéique B (Bexsero®) a été recommandée en 2021 chez tous les nourrissons selon un schéma à 3 doses : primovaccination à 3 mois et 5 mois puis rappel à 11 mois.
*La vaccination orale rotavirus a été recommandée en 2022 chez tous les nourrissons selon un schéma à 2 ou 3 doses selon le vaccin. Elle doit être débutée à partir de l’âge de 6 semaines et terminée au plus tard à l’âge de 6 ou 8 mois selon le vaccin.
*La vaccination grippale saisonnière peut être également « proposée » depuis 2023 aux enfants de 2 ans à 17 ans selon le souhait des parents. Cette vaccination n’est pas à proprement parler « recommandée » et ne figure donc pas au tableau 41.2. Le vaccin nasal est privilégié par rapport au vaccin injectable pour son acceptabilité.
*Enfin, la stratégie de vaccination coqueluche a évolué en 2022 avec la recommandation de vaccination des femmes enceintes dans le but de protéger passivement et transitoirement les jeunes nourrissons (à risque de forme grave de coqueluche) grâce aux anticorps maternels transmis, en attendant qu’ils soient directement protégés par la vaccination (voir infra, au paragraphe « Recommandations particulières »).
Recommandations générales
ecommandations générales
Elles s’adressent à la totalité de la population.
Elles sont résumées dans le tableau 41.2.
Une stratégie de rattrapage des non-vaccinés est également recommandée pour les personnes non à jour de leur calendrier vaccinal ainsi que pour les personnes originaires de pays étrangers où les programmes vaccinaux sont différents ou difficilement appliqués (voir infra paragraphe « C. Rattrapage vaccinal »).
Recommandations particulières
Elles s’adressent à une partie seulement de la population soumise à des risques particuliers (risques accrus de complications, d’exposition ou de transmission) ou à des expositions professionnelles.
Vaccination coqueluche combinée dTcaP :
*recommandée depuis 2022 chez la femme enceinte dès le deuxième trimestre de grossesse et de préférence entre 20 et 36 SA (l’objectif est la protection passive du nourrisson pendant les 3 premiers mois de vie par les anticorps maternels, quel que soit le contaminateur) à chaque grossesse (le délai minimal après la dernière injection de vaccin dTPolio est de 1 mois);
*recommandée chez les personnes susceptibles d’être en contact étroit avec le nourrisson durant ses 6 premiers mois de vie (cocooning); ceci concerne ainsi :
–les mères, en post-partum, si elles n’ont pas été vaccinées pendant leur grossesse (vaccination avant la sortie de la maternité, même si elles allaitent);
–l’entourage du nouveau-né, si la mère n’a pas été vaccinée pendant la grossesse, ou si elle a accouché moins d’un mois après la vaccination;
–les personnels soignants dans leur ensemble;
*la vaccination est réalisée selon les modalités suivantes pour la stratégie de cocooning :
–les personnes non antérieurement vaccinées contre la coqueluche reçoivent une dose de vaccin dTcaPolio;
–pour les personnes antérieurement vaccinées :
–les adolescents et les jeunes adultes de 25 ans ou moins, reçoivent une dose de rappel si leur dernière injection date de plus de 5 ans;
–les adultes de plus de 25 ans reçoivent une dose de rappel de vaccin dTcaPolio si la vaccination coquelucheuse antérieure remonte à 10 ans ou plus;
–dans tous les cas, un délai minimal de 1 mois doit être respecté par rapport à la dernière vaccination dTPolio.
Vaccination contre la grippe saisonnière :
*recommandée pour les sujets atteints de maladies chroniques susceptibles d’être aggravées ou décompensées par une affection grippale, notamment respiratoires, cardiaques et neurologiques… (liste complète à consulter);
*recommandée pour l’entourage familial des nourrissons âgés de moins de 6 mois présentant des facteurs de risque de grippe grave, personnes séjournant dans un établissement de santé de moyen ou long séjour, quel que soit leur âge;
*proposée depuis 2023 aux enfants de 2 à 17 ans selon le souhait des parents.
Vaccination pneumococcique recommandée chez les sujets à risque élevé d’infection invasive pneumococcique (liste actualisée sur site du calendrier vaccinal) :
*sujets immunodéprimés, aspléniques, hypospléniques : 1 dose de vaccination conjuguée 13-valente, suivie de 1 dose de vaccination polyosidique non conjuguée 23-valente (à renouveler avec un délai d’au moins 5 ans si la situation de risque élevé perdure);
*autres sujets à risque :
–non antérieurement vaccinés contre pneumocoque : schéma de vaccination conjuguée 13-valente (2 doses pour les enfants de 2 à 5 ans et 1 dose au-delà de l’âge de 5 ans); suivi de 1 dose de vaccination polyosidique non conjuguée 23-valente (à renouveler avec un délai d’au moins 5 ans si la situation de risque élevé perdure);
–antérieurement vaccinés contre pneumocoque : 1 dose de vaccination polyosidique non conjuguée 23-valente (à renouveler avec un délai d’au moins 5 ans si la situation de risque élevé perdure).
Vaccination varicelle recommandée :
*pour tous les adolescents de 12 à 18 ans n’ayant pas d’antécédent clinique de varicelle ou dont l’histoire est douteuse, les femmes en âge de procréer, notamment celles ayant un projet de grossesse et sans antécédent clinique de varicelle; les femmes n’ayant pas d’antécédent clinique de varicelle (ou dont l’histoire est douteuse) dans les suites d’une première grossesse;
*pour tous les sujets de plus de 12 ans exposés à la varicelle, immunocompétents sans antécédent de varicelle (ou dont l’histoire est douteuse), la vaccination doit être effectuée dans les 3 jours suivant l’exposition à un patient avec éruption;
*pour toute personne sans antécédent de varicelle (ou dont l’histoire est douteuse) et dont la sérologie est négative, en contact étroit avec des personnes immunodéprimées; les enfants candidats receveurs, dans les 6 mois précédant une greffe d’organe solide, sans antécédent de varicelle (ou dont l’histoire est douteuse) et avec sérologie négative;
*enfin, toute vaccination chez une jeune femme en âge de procréer doit être précédée d’un test négatif de grossesse, et une contraception efficace de 3 mois est recommandée après chaque dose de vaccin.
Vaccination BCG recommandée chez les enfants appartenant aux groupes à risque suivants :
*né dans un pays de forte endémie tuberculeuse;
*dont au moins l’un des parents est originaire de l’un de ces pays;
*devant séjourner au moins un mois d’affilée dans l’un de ces pays;
*ayant des antécédents familiaux de tuberculose (collatéraux ou ascendants directs);
*résidant en Ile-de-France ou en Guyane;
*dans toute situation jugée par le médecin comme à risque élevé d’exposition au bacille tuberculeux, notamment enfant vivant dans des conditions de logement défavorables (habitat précaire ou surpeuplé) ou socioéconomiques défavorables ou précaires (en particulier parmi les bénéficiaires de la CMU, CMUc, AME…) ou en contact régulier avec des adultes originaires d’un pays de forte endémie.
Vaccination hépatite A recommandée :
*pour les jeunes accueillis dans les établissements et services pour l’enfance et la jeunesse handicapées;
*pour les patients atteints de mucoviscidose et/ou de pathologies hépatobiliaires chroniques susceptibles d’évoluer vers une hépatopathie chronique;
*pour les enfants, à partir de l’âge de 1 an, nés de familles dont l’un des membres (au moins) est originaire d’un pays de haute endémicité et qui sont susceptibles d’y séjourner;
*pour les sujets homosexuels masculins;
*dans l’entourage familial d’un patient atteint d’hépatite A.
Vaccination hépatite B obligatoire pour : les personnes exerçant une activité professionnelle les exposant à des risques de contamination dans un établissement ou organisme de soins ou de prévention, public ou privé ainsi que les étudiants des filières suivantes :
*professions médicales et pharmaceutiques (médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien, sage-femme);
*et autres professions de santé (infirmier, infirmier spécialisé, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, manipulateur d’électroradiologie médicale, aide-soignant, ambulancier, auxiliaire de puériculture, technicien en analyses biomédicales).
Vaccination tétravalente conjuguée méningococcique ACYW : recommandée chez les patients avec déficit en fraction terminale du complément, recevant un traitement anti-C5a, porteurs d’un déficit en properdine ou ayant une asplénie anatomique ou fonctionnelle.
Vaccinations du voyageur : selon les zones visitées, peuvent être recommandées les vaccinations suivantes : rage, typhoïde, hépatite A, méningococcique ACYW conjuguée, fièvre jaune, encéphalite japonaise, encéphalite à tiques… (voir chapitre 40).
Vaccinations des personnes immunodéprimées :
*rationnel :
–les vaccins vivants sont contre-indiqués en cas d’immunodépression;
–l’immunogénicité des vaccins est réduite chez les sujets immunodéprimés; donc schémas vaccinaux particuliers ou renforcés;
–le risque accru de complications associées à certaines infections justifie des vaccinations spécifiques ou des rappels supplémentaires;
*mesures générales :
–nécessité de renforcement des vaccinations du calendrier et d’extension de certaines indications; notamment avec pneumocoque, méningocoque, Haemophilus influenzae b, grippe injectable;
–intérêt d’effectuer des dosages d’anticorps post-vaccinaux.
3 Obligation vaccinale
Jusqu’en 2017, les seules vaccinations obligatoires en France étaient : diphtérie, tétanos et polio; l’obligation vaccinale concernant la variole ayant été levée en 1984 et celle de la vaccination BCG ayant été suspendue en 2007 au profit d’une recommandation de vaccination ciblée envers les nourrissons et enfants considérés comme à risque élevé de tuberculose.
Le 1er janvier 2018, l’obligation vaccinale a été étendue en France aux huit autres vaccins qui étaient recommandés au calendrier du nourrisson de l’époque, c’est-à-dire les vaccinations : coqueluche, Haemophilus influenzae b, hépatite B, pneumocoque conjugué, rougeole, oreillons, rubéole, et méningocoque C conjugué. Les rappels polio de l’enfant (6 et 11 ans) ne sont donc plus obligatoires mais restent fortement recommandés. Cette loi ne s’applique qu’aux nourrissons nés après le 1er janvier 2018. Pour les enfants nés avant le 1er janvier 2018, l’ancienne obligation, limitée à diphtérie, tétanos et polio, reste en vigueur.
Les vaccinations méningococcique protéique B et rotavirus oral ont été recommandées chez le nourrisson après 2017, date de la loi sur l’extension de l’obligation vaccinale; elles ne sont donc pas soumises à l’obligation mais simplement recommandées.
Les vaccinations recommandées et obligatoires justifient d’une prise en charge financière par la Sécurité sociale (remboursement à 65 % par l’Assurance maladie).
Les différents vaccins sont inscrits sur des pages spécifiques par le médecin en mentionnant systématiquement la date de vaccination, le type de vaccin, le numéro du lot, la date de péremption. La signature et le cachet du médecin vaccinateur authentifient l’acte vaccinal. Ces pages ont la valeur d’un certificat de vaccination et peuvent être photocopiées à cet effet.
Contre-indications et effets indésirables
Contre-indications
Contre-indications générales :
*les vaccins sont contre-indiqués en cas de survenue lors d’une vaccination antérieure de signes évoquant une réaction d’hypersensibilité de type anaphylactique (allergie grave) à l’un de ses composants; un avis allergologique spécialisé doit alors être pris;
*les vaccins vivants sont contre-indiqués en cas de : déficit immunitaire congénital ou acquis, immunosuppression thérapeutique, infection néoplasique en cours de traitement, infection à VIH, grossesse.
Contre-indications spécifiques :
*les vaccins anatoxiniques et polyosidiques n’ont pas de contre-indication spécifique;
*tous les vaccins coquelucheux acellulaires (combinaisons vaccinales avec D, T, P, Hib et hépatite B) ont comme contre-indication chez le nourrisson l’antécédent d’encéphalopathie d’étiologie inconnue dans les 7 jours suivant une vaccination antérieure avec un vaccin contenant la valence coquelucheuse; certaines de ces combinaisons (les plus récentes) ajoutent également l’existence de troubles neurologiques non contrôlés et/ou la notion d’épilepsie non contrôlée;
*la vaccination contre les rotavirus est contre-indiquée chez les nourrissons ayant des antécédents d’invagination intestinale aiguë (IIA) et chez ceux ayant une malformation congénitale de l’appareil gastro-intestinal pouvant prédisposer à une IIA;
*les contre-indications spécifiques de chaque vaccin sont régulièrement mises à jour au niveau du texte de l’AMM (voir dictionnaire Vidal ou site de l’ANSM).
Le calendrier vaccinal précise : « L’existence d’une maladie fébrile ou d’une infection aiguë modérée à sévère ne contre-indique pas la vaccination mais peut conduire à la différer de quelques jours. La présence d’une infection mineure et/ou d’une fièvre de faible intensité ne doit pas entraîner le report de la vaccination. »
Les néphropathies, l’insuffisance cardiaque ou respiratoire, les maladies dermatologiques (y compris l’eczéma) ne sont pas des contre-indications; en cas de doute, demander l’avis du spécialiste référent et éviter de vacciner lors d’une période de poussée de la maladie, afin de ne pas risquer d’attribuer à tort au vaccin des événements liés à la maladie.
Tolérance et complications
Les vaccins, comme tous les produits médicamenteux, sont susceptibles de donner des manifestations cliniques (ou biologiques) non voulues et qualifiées d’« effets indésirables », pouvant être :
*induites par le vaccin (par exemple, paralysie vaccinale et vaccin polio oral) et constituant alors les caractéristiques intrinsèques de la préparation vaccinale;
*potentialisées par le vaccin (par exemple, crise fébrile chez un enfant prédisposé);
*mais aussi liées à une erreur de programme vaccinal, comme une mauvaise conservation ou une erreur d’administration du vaccin (par exemple, BCG en IM au lieu de la voie intradermique).
Les effets indésirables sont listés dans le résumé des caractéristiques du produit vaccinal enregistré par les agences sanitaires internationales et figurent dans le Vidal.
Ils sont classés en fonction de leur fréquence : très fréquents (≥ 10 %), fréquents, (≥ 1 % à < 10 %), peu fréquents (≥ 0,1 à < 1 %), rares (≥ 0,01 à < 0,1 %), très rares (< 0,01 %).
Les principaux effets indésirables les plus fréquents sont :
*des réactions locales au site d’injection : douleurs, érythème, induration, tuméfaction;
*des réactions générales : fièvre, asthénie, irritabilité, troubles du sommeil chez le nourrisson; céphalées, malaise, arthromyalgies, rash chez l’adolescent et l’adulte…
Ces manifestations surviennent avec la plupart des vaccins et généralement dans les 24 à 48 heures suivant l’administration.
Certains événements sont observés plus spécifiquement :
*après certaines combinaisons vaccinales du nourrisson (DTCaPHib ± HB) :
–un syndrome hypotonie-hyporéactivité transitoire (effet indésirable très rare et impressionnant mais bénin et transitoire);
–un syndrome des cris persistants : plus de 3 heures dans les 48 heures après vaccination (effet indésirable rare également bénin);
–un œdème étendu du membre vacciné (effet indésirable rare, bénin et transitoire);
*après le vaccin contre la rougeole :
–fièvre ± éruption cutanée 5 à 12 jours suivant l’injection (5 à 10 %);
–crises fébriles chez l’enfant aux antécédents personnels ou familiaux de convulsions (très rare);
–thrombopénie (très rare);
–encéphalite (très rare versus 1 pour 1 000 après une infection naturelle);
*après la vaccination rotavirus : risque d’invagination intestinale aiguë dans les 7 jours suivant l’administration de la première dose de vaccin (très rare);
*après le vaccin BCG :
–induration puis ulcération locale < 1 cm avec adénopathie satellite dans les 3 à 5 mois après (fréquent : 1 à 4 %);
–adénite suppurée (rare : < 1 pour 1 000);
–bécégite généralisée chez l’immunodéprimé (très rare : 2 à 5 par million de vaccinés).
Certains événements indésirables ont pu être attribués à tort à la vaccination devant une relation chronologique. Ces allégations ont été déclarées comme non fondées après de multiples enquêtes et avis des agences sanitaires :
*vaccination coquelucheuse et mort inexpliquée du nourrisson (l’explication retrouvée est la position de couchage en décubitus ventral);
*vaccination hépatite B ou HPV et maladie démyélinisante (sclérose en plaques);
*vaccin ROR et autisme (au Royaume-Uni);
*myofasciite à macrophages et hydroxyde d’aluminium.
Argumentation de la balance bénéfices/risques des vaccins
Les maladies évitées par les vaccinations doivent pouvoir être expliquées aux familles pendant l’entretien, de même que les effets indésirables possibles des vaccins.
Les effets secondaires sévères et les complications des vaccins sont très rares et ne sauraient contre-indiquer la pratique des vaccinations habituelles de l’enfant, à toujours évaluer dans un contexte bénéfices/risques.
Il faut également lutter contre certaines « fausses idées » reçues. Par exemple, la vaccination du nourrisson ne représente pas une « surcharge » du système immunitaire, au contraire, et le nourrisson a toutes les capacités pour y répondre.
Toutefois, la conduite d’un entretien avec des parents réticents ou inquiets vis-à-vis de la vaccination est délicate car imposer son avis en tant que médecin « sachant » (risques infectieux et fausses allégations, par exemple) est souvent contre productif. Il faut alors savoir écouter et explorer les craintes et les croyances des parents et les conduire progressivement à prendre la bonne décision dans le cadre d’une relation de confiance restaurée avec le professionnel de santé (entretien motivationnel).
Évaluation du respect du calendrier vaccinal actualisé : à chaque consultation et à tout âge (notamment chez l’adolescent et chez les sujets atteints de maladies chroniques, encore trop souvent oubliés).
Obligation vaccinale pour les nourrissons nés après le 1er janvier 2018 : onze vaccins.
Contre-indications aux vaccins : rares chez l’enfant immunocompétent.
L’existence d’une maladie fébrile ou d’une infection aiguë modérée à sévère ne contre-indique pas la vaccination mais peut conduire à la différer de quelques jours; la présence d’une infection mineure et/ou d’une fièvre de faible intensité ne doit pas entraîner le report de la vaccination (nourrisson).
Modalités d’administration
1 Voies d’administration
Plusieurs voies d’administration sont possibles :
*voie intramusculaire (la plus souvent utilisée) :
–il est classiquement recommandé qu’avant l’âge de 2 ans la vaccination IM soit réalisée dans la face antérolatérale de la cuisse (vaste externe) et, après l’âge de 2 ans, dans le deltoïde;
–en réalité, la vaccination IM dans le deltoïde est possible plus tôt; elle doit être privilégiée dès que l’un des trois critères suivants est présent : âge > 1 an, marche acquise, poids > 10 kg;
*voie sous-cutanée profonde (désormais rarement utilisée, essentiellement en cas de trouble sévère de l’hémostase, suivie d’une compression de 5 à 10 minutes) :
–avant l’âge de 1 an : face antérolatérale de la cuisse;
–après l’âge de 1 an : face postérieure du bras;
*et selon les vaccins :
–intradermique (actuellement réservée au BCG, voir le lien vidéo infra);
–orale (vaccin rotavirus);
–intranasal (vaccin grippe saisonnier nasal).
2 Intervalles à respecter
Intervalles à respecter
Pour les vaccins inactivés combinés comportant les valences DTCaP-Hib et DTCaP-Hib-HB :
*lors d’une primovaccination, l’intervalle habituellement recommandé est de 4 semaines entre deux injections lorsque le schéma comporte trois doses, mais cet intervalle a été allongé à 2 mois en France depuis la réduction en 2013 du schéma de primovaccination à deux doses, administrées ainsi à 2 et 4 mois;
*le premier rappel doit avoir lieu au minimum 6 mois plus tard (rappel à l’âge de 11 mois en France après primovaccination à deux doses à 2 et 4 mois);
*en cas de retard : poursuivre le calendrier vaccinal en le complétant mais sans recommencer une vaccination complète.
Pour les vaccins viraux atténués : l’intervalle minimum est de 4 semaines entre deux injections (risque d’inactivation vaccinale par la sécrétion d’interféron en cas de délai inférieur).
Augmenter l’intervalle entre les injections est possible sans impact sur l’immunogénicité mais expose au risque de différer la protection de l’enfant.
Technique d’injection
La maîtrise de la technique d’injection permet de réduire la douleur liée au geste vaccinal, d’optimiser la réponse immune et de réduire les effets indésirables locaux :
*ne pas purger la seringue de son air, mais positionner la seringue verticalement, aiguille vers le bas et injecter la totalité du liquide ainsi poussé par la bulle d’air;
*obtenir un relâchement musculaire;
*utiliser une aiguille de longueur adaptée à l’âge (pas trop courte pour injecter en pleine masse musculaire et non en sous-cutané);
*libérer la pression manuelle sur le muscle pendant l’injection et en retirant l’aiguille;
*éviter de dilacérer le muscle en bougeant l’aiguille dans le muscle : réduire la durée du geste en enfonçant l’aiguille rapidement en une seule fois, sans aspirer avant d’injecter, et en injectant rapidement.
4 Méthodes d’analgésie
Elles permettent de réduire encore la douleur liée au geste vaccinal et sont cumulatives :
*à tous âges : distraire l’enfant;
*chez les nourrissons : vacciner pendant l’allaitement ou après quelques gouttes de saccharose à 24 %;
*chez les plus jeunes : positionner l’enfant de façon confortable = assis ou porté, pas couché; lui assurer un environnement rassurant avec le contact physique parental, un objet de transition (doudou); encourager une attitude parentale aidante et chaleureuse;
*chez les plus âgés : négociation, information et surtout distraction.
La HAS et certains médecins recommandent également l’anesthésie locale avec la crème EMLA posée en patch 1 heure auparavant sur le lieu d’injection. Elle n’agit que sur la douleur liée à la traversée de l’aiguille, mais pas sur celle liée au produit, qui est élevée avec le vaccin pneumococcique (et HPV) et notable avec ceux contre l’hépatite et la rougeole.
C Rattrapage vaccinal
1 Généralités
Le rattrapage consiste à compléter le calendrier vaccinal d’un sujet en retard du calendrier recommandé.
Une stratégie de rattrapage des non-vaccinés est recommandée pour les vaccinations suivantes :
*ROR : 2 doses à 1 mois d’intervalle pour les personnes nées depuis 1980;
*MenCC : 1 dose jusqu’à 24 ans révolus;
*Hib : 1 dose (après 1 an) jusqu’à 5 ans;
*vaccination pneumococcique conjuguée 13-valents : 1 dose (après 1 an) jusqu’à 2 ans;
*vaccination protéique méningococcique B : schéma complet de rattrapage possible jusqu’à l’âge de 2 ans (âge limite où elle peut être débutée);
*hépatite B : schéma complet jusqu’à 15 ans révolus;
*HPV : schéma complet jusqu’à 19 ans révolus (filles et garçons);
*coqueluche : rappel pour les personnes n’ayant pas reçu le rappel de 25 ans, jusqu’à 39 ans révolus.
Règles générales du rattrapage
*Protéger en priorité contre les infections les plus sévères (infections invasives, rougeole en période épidémique…).
*Réduire le nombre d’injections en utilisant les combinaisons disponibles, quitte à administrer une valence vaccinale de plus que nécessaire.
*Respecter la tolérance de l’enfant… et des parents (rarement plus de deux injections le même jour).
*Profiter de toutes les opportunités pour vacciner l’enfant (consultations pour un autre motif).
Données à prendre en compte
*Vaccinations déjà réalisées :
–comparer avec celles que l’enfant aurait dÛ recevoir selon le calendrier en vigueur;
–déterminer pour chaque antigène le nombre de doses que l’enfant aurait dÛ recevoir au jour de l’examen.
*Âge actuel de l’enfant et maladies contre lesquelles il est souhaitable qu’il soit protégé (certaines vaccinations sont essentielles à son âge, d’autres ne le sont pas ou ne sont plus nécessaires).
*Urgence de la protection infectieuse à assurer; priorité à accorder :
–aux infections à germes invasifs encapsulés avant l’âge de 2 ans (pneumocoque, Haemophilus influenzae b, méningocoque);
–à la coqueluche avant l’âge de 6 mois;
–aux pathologies épidémiques telles que la rougeole à tout âge;
–à l’hépatite B, aux infections à HPV et à nouveau la coqueluche à l’adolescence.
2 Modalités pratiques
Règles de base en vaccinologie :
*Chaque dose de vaccin déjà donnée compte, quel que soit son type; on ne reprend plus, comme cela a été fait dans le passé, la vaccination à son début; il faut simplement compléter (ou mettre à jour) le calendrier.
*Tous les vaccins inactivés et sous-unitaires peuvent être administrés simultanément (le même jour) mais dans des sites différents. L’intervalle optimal de temps à respecter entre deux injections d’un même vaccin dépend du temps vaccinal (primovaccination ou rappel) et du schéma recommandé.
*Deux vaccins viraux vivants différents peuvent être administrés simultanément (le même jour) ou avec un intervalle de 4 semaines (par exemple, fièvre jaune et ROR).
3 Particularités du rattrapage vaccinal chez l’adolescent
Le statut vaccinal de l’adolescent est trop souvent oublié lors des consultations pourtant fréquentes à cet âge (certificats divers, infection communautaire…) et la couverture vaccinale à cet âge est notoirement insuffisante (méningocoque C, HPV, hépatite B, rougeole…). Toute opportunité doit être saisie pour faire le point et mettre à jour son calendrier vaccinal.
La réponse immunitaire vaccinale de l’adolescent est excellente et autorise des schémas réduits à 2 doses pour les vaccinations suivantes :
*HPV : entre 11 et 14 ans révolus → deux doses espacées de 6 à 13 mois;
*Hépatite B : entre 11 et 15 ans révolus → deux doses (vaccin dosé à 20 μg) espacées de 6 mois.
4 Particularités du rattrapage chez l’enfant migrant (voir chapitre 40)
Pour les personnes migrantes, les recommandations spécifiques concernent les vaccinations contre l’hépatite B, l’hépatite A et la varicelle.
Pour les autres vaccinations (BCG, DTCaP-Hib, VPC 13, Men C, ROR, HPV et grippe), les recommandations générales s’appliquent.
Une sérologie tétanos effectuée 4 à 6 semaines après une dose de vaccin DTCaP-Hib permet, en cas de doute ou d’information incomplète sur le calendrier vaccinal antérieur, d’établir ou non l’existence d’une immunité mémoire (effet rappel) et de déterminer si l’enfant a été vacciné dans son pays d’origine et s’il est désormais protégé.
Les sérologies hépatite B, hépatite A et varicelle, quand elles sont indiquées, pourront également être utilement intégrées au « bilan de santé migrants » recommandé après l’arrivée.
Avant de commencer…
Les troubles des conduites alimentaires (TCA) les mieux caractérisés sont l’anorexie mentale, la boulimie nerveuse et l’hyperphagie boulimique. Il faut connaître également le trouble de restriction/évitement (ARFID), certaines formes de pica et le mérycisme.
Il s’agit de maladies chroniques altérant la santé dans sa globalité (physique, psychique, sociale).
Leur étiopathogénie est encore mal connue. Elles sont d’origines multifactorielles et en lien avec des facteurs de vulnérabilités (« terrain » génétique, facteurs socioculturels), des facteurs déclenchants (régimes alimentaires hypocaloriques, événements de vie, puberté) et des facteurs d’entretien (déséquilibres biologiques induits par le trouble, bénéfices relationnels dans l’environnement, « bénéfices » psychologiques).
Les définitions les plus utilisées sont celles du DSM-5.
Restriction, hyperphagie, vomissements, abus de laxatifs, potomanie peuvent se retrouver dans les trois grandes catégories de TCA.
L’anorexie est caractérisée par une diminution, souvent rapide, de l’indice de masse corporelle (IMC).
L’hyperphagie boulimique entraîne au contraire une augmentation trop rapide de l’IMC, avec changement
de couloir. Dans la boulimie nerveuse, l’IMC est relativement stable.
Le passage d’un TCA à l’autre est relativement fréquent.
Anorexie mentale
A Définition
L’anorexie mentale est définie par plusieurs critères selon le DSM-5 (Classification américaine des troubles mentaux retenue dans ce chapitre) (tableau 42.1). Pour faire le diagnostic, les trois critères (A, B, C) sont nécessaires.
Tableau 42.1
Anorexie mentale : définition selon le DSM-5.
A. Restriction des apports énergétiques par rapport aux besoins conduisant à un poids significativement bas
B. Peur intense de prendre du poids ou comportement persistant interférant avec la prise de poids, alors que le poids est bas
C. Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps (dysmorphophobie)
Le type est dit restrictif (par opposition au type accès hyperphagiques/purgatifs) si au cours des 3 derniers mois la personne n’a pas eu d’accès récurrents d’hyperphagie, ni recouru à des vomissements provoqués ou des comportements de purge (laxatifs, diurétiques)
D’après American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. 5e édition, Elsevier-Masson, 2015
Le diagnostic est parfois difficile en raison du déni du trouble par l’adolescent ou les parents.
La présence de douleurs abdominales, de maladie associée comme le diabète ou une MICI peut aussi gêner le diagnostic.
Épidémiologie
Prévalence de l’anorexie mentale sur la vie : de l’ordre de 1 %.
Population concernée :
*sex-ratio : 1 garçon pour 10 filles;
*début fréquent au cours de l’adolescence;
*population à risque : adolescentes, pratique de sport avec contrôle de poids (danse, gymnastique, boxe), mannequinat, maladie chronique avec régime, antécédents familiaux de TCA, antécédents de violences sexuelles.
Évolution :
- c’est une maladie chronique, évoluant le plus souvent sur quelques années (moins de 2 ans en population générale); une anorexie débutant à l’adolescence évolue favorablement dans 60 à 70 % des cas;
*des crises de boulimie sont assez fréquentes dans la période de reprise pondérale;
*la mortalité, en baisse, est de l’ordre de 1 %; elle est liée aux complications médicales (notamment troubles du rythme cardiaque sur hypokaliémie) et au suicide; elle est rare à l’adolescence mais augmente avec l’âge.
C Circonstances de découverte
*un amaigrissement ou un ralentissement de la croissance staturale : la surveillance de la croissance et de la corpulence (IMC) doit se poursuivre à l’adolescence;
*une aménorrhée primaire ou secondaire; un retard au développement pubertaire;
*des troubles évidents de l’alimentation;
*la découverte de vomissements provoqués;
*la recherche systématique par une question du type « Est-ce que tu as un problème avec ton alimentation ? » ou en utilisant un questionnaire SCOFF (tableau 42.2). Ce questionnement fait partie du questionnaire HEADSSS (cf. chapitre 43 consacré au risque et à la conduite suicidaire à l’adolescence) qui doit être réalisé systématiquement chez les adolescents.
Tableau 42.2
Questionnaire SCOFF.
Deux réponses positives sont fortement prédictives d’un trouble du comportement alimentaire
- Te fais-tu vomir parce que tu te sens mal d’avoir trop mangé ?
- T’inquiètes-tu d’avoir perdu le contrôle de ce que tu manges ?
- As-tu récemment perdu plus de 6 kg en 3 mois ?
- Penses-tu que tu es gros(se) alors que d’autres te trouvent trop mince ?
- Dirais-tu que la nourriture domine ta vie ?
D Évaluation médicale
Anamnèse :
*histoire pondérale (courbes de croissance staturo-pondérale et de corpulence);
*type de restriction alimentaire;
*conduites purgatives associées, potomanie, activité physique, autres conduites addictives;
antécédents médicaux, sociaux, psychologiques, traumatiques.
Évaluation somatique (fig. 42.1), recherche des critères d’urgence et des complications :constantes (température, FC et PA au repos et après station debout, poids, taille et IMC) et report sur les courbes de croissance;
*évaluation de l’état cutané (paleur, lanugo, acrocyanose, purpura, hématomes par fragilité vasculaire, signes d’automutilations);
*degré de fonte adipeuse et musculaire;
*recherche d’une constipation.
Évaluation psychiatrique :
*recherche des troubles anciens et/ou actuels (dépression, troubles anxieux, idées suicidaires);
*analyse du fonctionnement familial, notamment face à cette anorexie.
Le diagnostic d’anorexie mentale est un diagnostic positif et ne doit pas être un diagnostic d’élimination. L’interrogatoire (de l’adolescent et de ses parents) et l’examen clinique sont dans la plupart des cas suffisants pour porter le diagnostic. Un bilan médical (examens complémentaires) trop exhaustif laisse les familles dans l’expectative et retarde la prise en charge.
Principaux diagnostics différentiels :
*maladies inflammatoires du tube digestif (Crohn, RCH, maladie cœliaque);
*hyperthyroïdie, diabète insipide, diabète de type 1;
*tumeur du SNC;
*achalasie de l’œsophage;
*dépression avec perte d’appétit.
Les modalités d’annonce diagnostique sont essentielles.
L’établissement d’une alliance thérapeutique dès le début de la prise en charge limitera les parcours trop chaotiques.
Examens complémentaires
Bilan paraclinique minimal :
*NFS-plaquettes (diminution possible des trois lignées; neutropénie surtout);
*ionogramme sanguin avec glycémie, urée, créatininémie, phosphorémie (hypoglycémie d’adaptation, alcalose hypochlorémique et hypokaliémie possibles en cas de vomissements provoqués, insuffisance rénale, hyponatrémie en cas d’intoxication à l’eau);
*bilan hépatique (cytolyse de dénutrition ou de renutrition);
*CRP (normale);
*ECG (troubles ioniques, mesure du QTc).
Autres (non systématiques) :
*échographie cardiaque (épanchement péricardique, prolapsus mitral) en présence d’un souffle, de signes d’insuffisance cardiaque, d’IMC < 12;
*ostéodensitométrie : en cas d’aménorrhée supérieure à 6 mois (surveillance osseuse).
F Prise en charge thérapeutique
La prise en charge doit être pluridisciplinaire (au mieux transdisciplinaire). Un médecin pour adolescents (pédiatre, généraliste) ou un psychiatre/pédopsychiatre doit coordonner les soins.
Les objectifs sont la réhabilitation pondérale mais aussi la reprise d’un équilibre social et un assouplissement des conditions de rapport à l’alimentation. C’est une prise en charge individualisée et souvent contractualisée, prolongée.
Un suivi pédopsychiatrique sera systématique en cas de comorbidités à l’évaluation initiale mais aussi dans les formes n’évoluant pas favorablement après quelques mois.
Prise en charge médicale et nutritionnelle attentive :
*reprise progressive d’une alimentation diversifiée et normocalorique puis, à plus long terme, de la croissance staturale, des menstruations (filles);
*évitement du syndrome de renutrition inapproprié tout en apportant suffisamment de calories pour ne pas majorer la dénutrition;
*supplémentation en phosphore et vitamine B1 les premiers jours de réalimentation.
Prise en charge psychothérapeutique :
*thérapies de soutien, psychothérapies d’inspiration analytique, comportementales;
*thérapies familiales (seule psychothérapie ayant montré une efficacité dans des essais randomisés), groupes de parole de parents et d’adolescents, associations.
Il n’existe pas de traitements psychotropes ayant fait preuve d’efficacité dans l’anorexie. Ceux-ci sont éventuellement prescrits dans le cadre de comorbidités psychiatriques (dépression sévère, trouble anxieux, psychose).
En cas d’urgence somatique en lien avec la dénutrition, la prise en charge psychothérapeutique n’est pas recommandée dans l’immédiat.
Principaux critères d’hospitalisation
L’indication d’hospitalisation ne repose pas sur un seul critère mais sur leur association et leur évolutivité.
Les critères de gravité médicaux, psychiatriques, environnementaux ont été précisés dans les recommandations de la HAS, dont les principaux sont synthétisés dans le tableau 42.3.
Tableau 42.3
Principaux critères d’hospitalisation dans l’anorexie mentale.
Critères médicaux
–Aphagie totale ou refus de boire
–Malaises orthostatiques ou hypoglycémiques
–Épuisement musculaire
–IMC < 13 (tenir compte de l’âge, de la cinétique, de la corpulence initiale)
–Perturbations biologiques (hypokaliémie, hyponatrémie, cytolyse hépatique)
Critères psychiatriques
–Crise suicidaire
–Idées obsédantes intrusives et permanentes (cognitions anorexiques)
–Comorbidité psychiatrique sévère
Critères environnementaux
–Épuisement parental
–Conflits familiaux avec niveau de critique élevé
L’hospitalisation sous contrainte ne doit être utilisée que lorsque le risque vital est engagé et que des soins consentis par les parents sont impossibles.
On rappelle qu’il n’existe pas de soins psychiatriques à la demande de tiers (SPDT, qui a remplacé l’HDT) chez les mineurs.
Un signalement au procureur avec demande d’ordonnance de placement provisoire sur l’hôpital doit rester exceptionnel.
Complications
A À court terme, les complications médicales aiguës sont dominées par la dénutrition extrême et les conséquences des conduites purgatives.
Il faut également être attentif au syndrome de renutrition inappropriée.
Il peut apparaître en cas de réalimentation trop rapide. Il est secondaire à un apport trop rapide de calories, notamment glucidiques, chez un patient dénutri.
Il associe sur le plan clinique des œdèmes fréquents, des troubles cardiaques (tachycardie, insuffisance cardiaque) et des troubles neurologiques (confusion, convulsions).
La biologie peut retrouver une hypophosphorémie, une hypokaliémie, une hypomagnésémie, une hyponatrémie, une hyperglycémie.
Une réalimentation progressive, une surveillance clinique et biologique attentive et une supplémentation en phosphore systématique (en potassium et magnésium selon bilan biologique) permettent de prévenir et éviter cette complication.
Dans les dénutritions gravissimes, il faut également être attentif au risque d’hypoglycémies post-stimulatives (postprandiales) en surveillant les glycémies capillaires.
À long terme :
*retentissement sur la croissance et ostéopénie (d’autant plus que l’anorexie a débuté tôt et est prolongée);
*trouble de la fertilité (réversible si situation pondérale normalisée et stable);
*troubles digestifs persistants, insuffisance rénale;
*lésions dentaires (si vomissements ou reflux sévère sur plusieurs années);
*enkystement ou aggravations de troubles psychiatriques, addictions.
L’anorexie mentale est une des maladies chroniques les plus fréquentes à l’adolescence. Les critères diagnostiques sont à connaître. Le risque suicidaire est élevé.
Les conséquences physiques, psychologiques et sociales nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire avec un médecin coordinateur pour éviter tout clivage. Une bonne alliance permet au fil du temps de passer du déni à la prise de conscience d’être malade avec une coopération patient-médecin possible.
I Boulimie
A Définition
La boulimie est définie (tableau 42.4) par la survenue récurrente d’accès hyperphagiques (appelés aussi crises de boulimie) suivis de comportements compensateurs pour éviter une prise de poids (vomissements provoqués, jeÛne, prise de médicaments, exercice physique excessif, oubli volontaire d’insuline chez le diabétique).
Tableau 42.4
Boulimie : définition selon le DSM-5.
A. Survenue récurrente d’accès hyperphagiques :
1.Absorption rapide d’une quantité très importante de nourriture
2.Sentiment d’une perte de contrôle (incapacité à s’arrêter)
B. Comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir la prise de poids
C. Les accès hyperphagiques et les comportements compensatoires inappropriés surviennent au moins une fois par semaine pendant 3 mois
D. L’estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle
E. Le trouble ne survient pas exclusivement pendant des épisodes d’anorexie mentale
D’après American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. 5e édition, Elsevier-Masson, 2015.
Lorsque les crises se répètent de nombreuses fois par jour, voire la nuit, on parle d’état de mal boulimique.
Épidémiologie
La prévalence est proche de celle de l’anorexie mentale.
Il s’agit le plus souvent d’un(e) adolescent(e) plus âgé(e).
Il existe là aussi une prépondérance féminine (sex-ratio 1/3).
La population à risque est proche de celle de l’anorexie mentale. Le fait d’avoir eu une anorexie mentale est un facteur de risque important. Des antécédents de violences sexuelles doivent être recherchés.
L’absence de signe « visible » associée à un fréquent sentiment de honte conduisent souvent à une absence de prise en charge, d’où la nécessité d’un dépistage par l’interrogatoire et l’importance de lignes téléphoniques anonymes.
On retrouve une association fréquente à des troubles psychiatriques et addictifs, à des troubles de la personnalité. Le risque de passage à l’acte suicidaire est élevé.
C Identification
Elle peut se faire systématiquement devant une population à risque ou devant des signes :
*cliniques, tels que le signe de Russel (excoriations à la jonction métacarpophalangienne de la main dominante, fig. 42.2), parotidomégalie, troubles des règles, consommation excessive d’eau ou de laxatifs, propos excessifs autour de l’alimentation ou du poids, crise suicidaire, maladie psychiatrique;
*ou biologiques : hypokaliémie de découverte fortuite.
Une question simple telle que « Vous arrive-t-il de manger en cachette sans pouvoir vous arrêter ou quelqu’un de votre entourage pense-t-il que vous avez un problème avec l’alimentation ? » est discriminante. On peut aussi utiliser le questionnaire SCOFF (voir tableau 42.2).
D Prise en charge thérapeutique
Elle doit être multidisciplinaire et personnalisée.
Elle reprend les mêmes principes que ceux de l’anorexie mentale, à savoir une prise en charge transdisciplinaire : médecin référent coordinateur, suivi médical et nutritionnel, approches corporelles, psychothérapies individuelles et/ou familiales.
E Principaux critères d’hospitalisation
Critères médicaux :
*complications métaboliques (hypokaliémie surtout);
*sevrage boulimique en cas d’attaque boulimique (crises pluriquotidiennes).
Critères psychiatriques et environnementaux : les mêmes que ceux de l’anorexie mentale.
F Complications
L’hypokaliémie est la complication métabolique la plus fréquente avec un risque vital.
En cas de chronicité, la survenue de problèmes dentaires (anomalies de l’émail et des gencives) est fréquente.
Une œsophagite (syndrome de Mallory-Weiss) est à rechercher et à traiter par IPP en cas de douleurs rétro-sternales ou de vomissements sanglants.
La boulimie est une maladie qui ne se voit pas. Le dépistage par l’interrogatoire est donc essentiel.
Modèle d’addiction, elle nécessite une prise en charge spécialisée. Le pédiatre doit rechercher et traiter une éventuelle hypokaliémie et prévenir au mieux les possibles atteintes dentaires.
Hyperphagie boulimique
La principale différence avec la boulimie est qu’il n’existe pas ou peu de comportements visant à compenser la prise de poids.
Les patients avec une hyperphagie boulimique consultent encore moins que dans les autres troubles des conduites alimentaires.
Il faut savoir rechercher des crises de boulimie à l’interrogatoire chez tout adolescent changeant de couloir sur sa courbe de corpulence, avec une prise de poids trop rapide.
Sa prévalence sur la vie entière est estimée autour de 3 à 5 % mais elle est beaucoup plus rare chez l’adolescent que chez l’adulte.
Le sex-ratio est de 1 homme pour 2 femmes.
Les populations à risque sont assez similaires à celles de la boulimie.
La prise en charge thérapeutique est comparable à celle de la boulimie.
Les complications sont celles du surpoids ou de l’obésité.
Trouble de restriction/évitement de l’ingestion d’aliments
Dénommé ARFID en anglais (Avoidant and Restrictive Food Intake Disorder) (tableau 42.5).
Tableau 42.5
Trouble de restriction/évitement de l’ingestion d’aliments : définition selon le DSM-5.
A. Trouble de l’alimentation ou de l’ingestion d’aliments tel un manque d’intérêt, un évitement ou un dégoÛt qui se manifeste par une incapacité persistante à atteindre les besoins nutritionnels et/ou énergétiques appropriés, associés à un (ou plusieurs) des éléments suivants :
1.Perte de poids significative (ou incapacité d’atteindre le poids attendu ou fléchissement de la courbe de croissance chez l’enfant)
2.Déficit nutritionnel significatif
3.Nécessité d’une nutrition entérale par sonde ou de compléments alimentaires oraux
4.Altération nette du fonctionnement psychosocial
B. Cette perturbation n’est pas expliquée par un manque de nourriture disponible ou une pratique culturellement admise
C. Ce comportement ne survient pas exclusivement au cours d’une anorexie mentale, d’une boulimie, et il n’y a pas d’argument en faveur d’une perturbation de l’image du corps (perception du poids ou de la forme)
D. Le trouble alimentaire n’est pas expliqué par une affection médicale concomitante ou un autre problème mental
D’après American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. 5e édition, Elsevier-Masson, 2015.
Ce trouble touche généralement des enfants plus que des adolescents mais peut se poursuivre à l’adolescence.
Les aliments sont récusés pour leur aspect physique, leur couleur, leur caractéristique gustative.
Ce trouble peut être associé à un trouble anxieux ou oppositionnel.
Le trouble de restriction/évitement de l’ingestion d’aliments n’est associé ni à une dysmorphophobie, ni à une peur de prendre du poids, le rendant ainsi bien différent de l’anorexie mentale.
V Pica
Il s’agit de l’ingestion répétée de substances non nutritives pendant au moins 1 mois.
Ce comportement ne correspond pas au niveau de développement ni à une pratique culturellement ou socialement admise.
On peut retrouver ce trouble dans certaines affections psychiatriques comme l’autisme ou la schizophrénie.
La carence en fer est également pourvoyeuse de pica (et notamment de pagophagie, ou ingestion répétée de glaçons, mais aussi de riz cru, d’argile). Un dosage de la ferritinémie est nécessaire devant tout pica avant d’évoquer un trouble psychiatrique.
Mérycisme
Il s’agit de régurgitations répétées de nourriture pendant une période d’au moins 1 mois.
Les aliments peuvent être remastiqués, avalés de nouveau ou recrachés.
Très rare, il survient plus souvent chez le nourrisson ou chez les personnes présentant des TCA caractérisés (anorexie, boulimie).
Ces régurgitations ne sont pas associées à une affection gastro-intestinale ou à une autre maladie générale.ù
Avant de commencer…
Les conduites suicidaires chez l’enfant et l’adolescent sont un enjeu de santé publique en raison de leur fréquence, de leur possible gravité et des impacts sociaux et familiaux. Une crise suicidaire est toujours le témoin d’une souffrance psychique.
Le repérage des situations à risque et la prise en charge des tentatives de suicide sont essentiels.
Les conduites suicidaires ne doivent pas être banalisées et ne sont jamais à mettre sur le compte d’une « crise d’adolescence ».
Pour bien comprendre
A Définitions
La HAS a rappelé les définitions des conduites suicidaires dans un document de 2021.
On distingue :
*Idée suicidaire : fait de penser à mourir, qualifiée de :
–passive : vouloir être mort sans penser à se suicider;
–active : penser à se suicider.
*Tentative de suicide (TS) : comportement autodirigé, potentiellement préjudiciable, dont l’issue n’est pas fatale et pour lequel il existe des preuves explicites ou implicites de l’intention de mourir.
*Suicide : décès causé par un comportement autodirigé préjudiciable, pour lequel il existe des preuves explicites ou implicites de l’intention de mourir.
*Processus suicidaire : catégorie recouvrant l’ensemble du spectre allant des idées suicidaires au suicide, en passant par les tentatives de suicide et l’ensemble des comportements préparatoires au passage à l’acte.
*Comportement suicidaire : catégorie recouvrant la part agie du processus suicidaire, c’est-à-dire les tentatives de suicide et l’ensemble des comportements préparatoires au passage à l’acte.
*Suicidé : état d’une personne qui est décédée par suicide.
*Suicidaire : état d’une personne qui a des idées suicidaires.
*Suicidant : état d’une personne qui a fait une tentative de suicide.
*Réitération suicidaire : nouvelle tentative de suicide pour une personne qui a déjà un ou plusieurs antécédents de tentatives de suicide.
*Automutilation ou comportement autovulnérant : comportement autodirigé, potentiellement préjudiciable, pour lequel il existe des preuves implicites ou explicites que la personne n’avait pas l’intention de mourir.
Épidémiologie
Le taux de suicide en 2016 en France chez les 15 à 24 ans est de 4 pour 100 000 personnes (13 pour 100 000 tous âges confondus). Depuis plus de 30 ans, le suicide représente la deuxième cause de mortalité chez les 15 à 24 ans et la cinquième cause de mortalité chez les moins de 13 ans. Ces taux étaient en constante diminution dans toutes les tranches d’âge avant la pandémie de COVID-19.
Les moyens les plus utilisés pour se suicider sont la pendaison et la chute d’un lieu élevé.
Les tentatives de suicide chez les enfants apparaissent comme un phénomène rare mais non exceptionnel, puisque 10 à 15 % des TS de l’enfant et de l’adolescent concerneraient les moins de 13 ans. Pour les adolescents, 5 à 10 % déclarent avoir fait une tentative de suicide au cours de leur vie. C’est l’intoxication médicamenteuse volontaire qui est le moyen le plus fréquent (80 %). À l’inverse du suicide, les TS sont plus fréquentes chez la fille (sex-ratio 1/3).
La réitération après une première tentative de suicide concerne près de 1 adolescent sur 4. Le risque semble être majeur dans les 12 mois après la tentative index.
Concernant les idées suicidaires chez les jeunes en France, des enquêtes déclaratives suggèrent que 8 % des collégiens et 13 % des collégiennes ont eu des idées suicidaires dans les 12 derniers mois.
Les différences épidémiologiques entre suicide et tentative de suicide doivent être bien retenues.
Le suicide est rare à l’adolescence mais c’est une cause de mortalité évitable. Il augmente avec l’âge et concerne majoritairement les garçons.
Les tentatives de suicide sont au contraire fréquentes à l’adolescence et concernent plus les filles.
Risque suicidaire : repérage et conduite à tenir
A Préambule
La HAS recommande, lors de consultations pour des difficultés en lien avec la santé mentale ou lorsque de telles difficultés se révèlent au cours de l’entretien (notamment quand le motif de recours n’est pas clairement organique), d’interroger systématiquement l’enfant ou l’adolescent sur l’existence d’idées et de comportements suicidaires actuels, récents ou anciens.
Les questions posées doivent être claires et explicites.
Les auto- et hétéroquestionnaires représentent les principaux outils de dépistage du risque de suicide chez les adolescents.
Il en existe plusieurs dont le BITS proposé en soins primaires :
*Brimades : as-tu récemment été maltraité ou harcelé à l’école, y compris via ton téléphone ou internet ? (1 point si à l’école, 2 points si hors école);
*Insomnies : fréquentes (1 point), cauchemars (2 points);
*Tabac : irrégulier (1 point), quotidien (2 points);
*Stress : scolaire (travail) ou familial (1 point si scolaire (travail) et 2 points si familial).
Il faut approfondir l’évaluation à partir de 3 points.
À l’instar des acteurs de soins primaires en ville, il est préconisé de renforcer les capacités des services d’urgence à identifier les enfants et les adolescents à risque de conduites suicidaires.
Il est rappelé qu’en aucun cas, questionner un enfant ou un adolescent sur la présence d’idées suicidaires n’induira chez lui de telles idées ou ne provoquera de passage à l’acte. En revanche, lorsqu’un enfant ou un adolescent exprime des idées suicidaires à un adulte, en particulier s’il s’agit d’un professionnel, il est nécessaire qu’il reçoive de sa part une réponse réactive et adaptée, notamment en termes d’écoute et d’orientation.
Évaluation du risque
Aborder l’adolescent :
*permettre un climat de confiance en étant empathique et professionnel;
*prendre un temps seul avec l’adolescent;
*faire une évaluation biopsychosociale large (interview type HEAADSSSS, voir infra);
*ne pas oublier un examen clinique complet (regarder la peau);
*faire un retour aux parents devant l’adolescent en expliquant les inquiétudes et les mesures proposées.
L’échelle RUD (Risque / Urgence / Danger) évalue le potentiel suicidaire
Il s’agit d’un questionnaire de risque.
« R » : Facteurs de risque
*Antécédent personnel de tentative de suicide, d’idées suicidaires.
*Antécédents familiaux de suicide, tentative de suicide, maladies psychiatriques, addictions.
*Violences subies et notamment harcèlement dont cyberharcèlement.
*Violences sexuelles.
*TCA et notamment anorexie mentale.
*Adoption.
*LGBT (homosexualité, transidentité).
*Psychose.
*Dépression, troubles bipolaires, attaques de panique.
*Syndrome post-traumatique.
*Consommations de toxiques (dont ivresses).
*Symptômes flous : troubles du sommeil, maux de tête/de ventre, fléchissement scolaire.
Si R+ (présence de facteurs de risque), poser la question des idées suicidaires.
« U » : Urgence
L’urgence suicidaire est considérée comme faible lorsque l’adolescent pense au suicide mais qu’il n’a pas de scénario précis et peut trouver une alternative pour faire face à sa souffrance.
L’urgence est moyenne quand un scénario est envisagé mais qu’il est décalé dans l’avenir ou imprécis.
L’urgence est élevée lorsque la planification suicidaire est claire, avec un passage à l’acte programmé pour les jours ou même les heures à venir.
« D » : Dangerosité
L’estimation du danger suicidaire se réfère au potentiel létal des moyens à disposition (par exemple, types de médicaments, armes à feu), ainsi qu’à l’accès à ces moyens.
Sur cette base, le danger suicidaire peut être considéré comme faible, moyen ou élevé.
Conduite à tenir en urgence
La conduite à tenir passe par l’évaluation du potentiel suicidaire (RUD) pour orienter le jeune.
Un risque suicidaire faible, en l’absence d’autres motifs nécessitant une hospitalisation, ne relève pas d’une hospitalisation. On s’assurera que l’adolescent a dans son entourage un ou des adultes à qui se confier et on pourra lui laisser un numéro de téléphone « si besoin » tel celui de Fil Santé Jeune (0800 235 236). Un suivi auprès d’un psychologue peut être proposé.
Un risque suicidaire moyen nécessite une consultation d’évaluation rapide à programmer selon les possibilités locales (CMP, CMPP, psychiatre libéral, consultation post-urgence). Les parents doivent être informés des idées suicidaires. Si des moyens létaux ou dangereux sont présents au domicile (médicaments, notamment psychotropes et paracétamol, arme à feu…), ceux-ci devront être mis hors de portée de l’adolescent.
Un risque suicidaire élevé nécessite une hospitalisation, au minimum en UHCD, et une évaluation par un médecin d’adolescent et/ou un psychiatre.
Indications formelles d’hospitalisation :
*urgence et/ou dangerosité élevée évaluée par le RUD;
*non-possibilité de prise en charge à domicile : non-implication des parents, pas d’accès aux soins.
En cas d’hospitalisation, l’environnement doit être sécurisé et l’équipe prévenue du risque suicidaire. Les grandes causes de suicide à l’hôpital sont la défenestration/précipitation et la pendaison.
Un transfert en pédopsychiatrie doit être envisagé après évaluation médicale en cas de risque suicidaire très élevé, en cas d’impossibilité de sécuriser l’environnement ou en cas de passage à l’acte suicidaire pendant l’hospitalisation.
La fréquence élevée des pensées suicidaires à l’adolescence justifie leur recherche devant des symptômes de dépression, d’anxiété, de symptômes inexpliqués voire de manière systématique.
Repérer des idées suicidaires et orienter vers un professionnel compétent sauve des vies. L’échelle RUD évalue le risque de passage à l’acte.
Tentatives de suicide : principes de prise en charge
A Aux urgences
Évaluation initiale :
*examen clinique complet, recherche de scarifications (fig. 43.1);
*mesure des conséquences physiques de la TS pouvant faire l’objet d’une prise en charge : surveillance et traitement d’une intoxication (voir chapitre 69);
*aucune expression de jugement de valeur sur le geste suicidaire;
*prévention du risque de récidive immédiat par un environnement sécurisé, avec équipe prévenue du risque suicidaire.
La décision d’hospitalisation ou de prise en charge ambulatoire d’une crise suicidaire de l’enfant ou de l’adolescent relève de la décision d’un médecin dÛment formé et doit s’appuyer de façon intégrée sur différents critères :
*le niveau d’urgence et de vulnérabilité suicidaire;
*l’âge de l’enfant ou de l’adolescent;
*le souhait de l’enfant ou de l’adolescent et des titulaires de l’autorité parentale;
*les objectifs de prise en charge en termes de protection, d’évaluation, de soin, d’accompagnement et de maintien de la cohérence des parcours de soins (notamment en cas de tentatives de suicide multiples);
*la qualité de l’environnement et sa capacité à protéger l’enfant ou l’adolescent;
*les ressources ambulatoires disponibles, leur structuration et leur réactivité;
*l’existence d’un risque somatique pour les enfants et les adolescents suicidants.
Dans les situations où le risque vital est engagé, la décision médicale d’hospitalisation peut être prise quel que soit l’avis de l’enfant ou de l’adolescent mineur.
Si une hospitalisation est décidée, le service d’adressage dépend de l’âge du patient et d’un éventuel risque somatique :
*pour les enfants, l’hospitalisation en pédiatrie avec une prise en charge par la psychiatrie de liaison doit être privilégiée;
*pour les adolescents, l’hospitalisation dans des unités dédiées (pédiatrie, médecine ou psychiatrie de l’adolescent) doit être privilégiée. L’hospitalisation dans les unités psychiatriques pour adultes doit être évitée au maximum. Si elle était malgré tout nécessaire, une prise en charge spécifique devrait y être aménagée.
En cas de risque somatique, l’hospitalisation devrait systématiquement se faire dans un service de pédiatrie ou de médecine avec une prise en charge par la psychiatrie de liaison.
Si une prise en charge ambulatoire est décidée, il est préconisé :
*de demander à l’entourage à ce que l’ensemble des moyens létaux soient retirés ou mis hors de portée;
*d’informer le patient et sa famille sur la conduite à tenir en cas d’aggravation de la crise suicidaire actuelle ou de nouvelle crise suicidaire;
*de veiller à ce que des consultations de suivi soient fixées avant la sortie des urgences, d’autant plus rapprochées que l’urgence et/ou la vulnérabilité suicidaires sont élevées;
*de faire preuve de souplesse dans l’organisation des rendez-vous en cas de crise; au besoin, rappeler à la famille et au patient les rendez-vous à venir; contacter le patient et si besoin ses parents lorsqu’un rendez-vous est manqué.
B En hospitalisation
En hospitalisation
La prise en charge hospitalière des enfants et des adolescents suicidants ou suicidaires doit permettre :
*de sécuriser l’enfant ou l’adolescent en prévenant le passage à l’acte;
*de compléter l’évaluation somatique et, le cas échéant, de prendre en charge les conséquences physiques de la tentative de suicide;
*d’apaiser la symptomatologie et les idées suicidaires;
*de compléter l’évaluation psychologique et, le cas échéant, de prendre en charge les pathologies sous-jacentes;
*de compléter l’évaluation sociale, et, le cas échéant, de mettre en place les mesures d’accompagnement et de protection nécessaires;
*de renouer les liens et de restaurer la communication entre l’adolescent et son entourage, notamment les parents, ainsi que de développer le réseau de soutien social;
*de débuter un travail psychothérapeutique individuel et familial;
*de préparer la sortie d’hospitalisation en particulier en impliquant l’entourage par un plan de sécurité.
Évaluation clinique multidisciplinaire :
*bilan d’une éventuelle maladie chronique;
*appréciation de la croissance, du développement pubertaire, d’une acné;
*recherche d’une consommation de toxiques;
*recherche d’une sexualité à risque, bilan d’IST;
*évaluation d’une contraception.
Évaluation psychique :
*antécédents de traumatisme psychique ou physique : maltraitance sexuelle, psychologique ou physique, carences, événements douloureux;
*pathologie psychiatrique personnelle et familiale (dépression, TCA, psychose, syndrome post-traumatique), antécédents personnels et familiaux de TS;
*facteurs de risque de récidive à court terme : forte intentionnalité suicidaire, préméditation et dissimulation du geste suicidaire, persistance d’idées suicidaires, moyen violent utilisé et encore disponible.
Évaluation sociale toujours nécessaire, en lien si possible avec le service social.
V Prévention
A Prévention primaire
Elle concerne les adolescents sans risque suicidaire immédiat mais avec facteur(s) de risque.
La période de l’adolescence est une période de remaniements importants qui peuvent fragiliser et exposer à des risques. Tout professionnel de santé travaillant auprès d’adolescents doit savoir repérer la souffrance psychique des adolescents et les facteurs de risque suicidaire.
On recherchera tout particulièrement l’appartenance à un groupe à risque (par exemple minorité sexuelle), un infléchissement des résultats scolaires, une hyperactivité, des troubles du comportement alimentaire, des prises de risque notamment sexuelles, une violence sur soi et sur autrui, des fugues.
L’utilisation d’un guide d’entretien psychosocial type HEAADSSSS est très utile (tableau 43.1).
Tableau 43.1
Guide d’entretien psychosocial : HEAADSSSSS.
Habitation (Home) Conditions de vie familiale
École (Education) Scolarité, difficultés, projets
Alimentation (Eating) Recherche de TCA
Activités (Activities) Relations avec les pairs, activités extrascolaires, usages d’internet
Drogues (Drugs) Consommation de toxiques, alcool, tabac
Sexualité (Sexuality) Relations amoureuses, sexuelles, prévention des IST et grossesse
Suicide Idées suicidaires, antécédents de TS, signes de dépression
Sécurité, sévices subis (Safety) Recherche de violences physiques, verbales, sexuelles, sur internet, de traumatismes familiaux
Symptômes flous (Sleep) Douleurs abdominales, céphalées, insomnie
Suivis Médecin traitant, psychologue, psychiatre, éducateur, juge…
Prévention secondaire
C’est la prise en charge du risque suicidaire avant sa concrétisation en acte.
Dès l’idéation suicidaire, la prise en charge doit être organisée à partir du premier médecin ou professionnel de santé qui a recueilli la plainte de l’adolescent. Cela nécessite une formation suffisante et une connaissance du réseau local d’aide et de soins pour les adolescents (réseau local propre, services de santé mentale, Maisons des adolescents, etc.).
Les moyens de prise en charge sont les mêmes qu’après une TS mais la mobilisation familiale est souvent moins forte qu’en cas de TS.
C Prévention tertiaire
C’est éviter le risque de récidive après un geste suicidaire et donc le risque de mortalité par suicide à court ou moyen terme.
Cela nécessite une évaluation globale de l’adolescent et de la famille pour mise en place d’un projet de soins.
L’adolescent doit avoir à sa disposition un plan de sécurité qui comprend entre autres le numéro national de prévention du suicide (31 14) et un rendez-vous fixé avec un professionnel.
La prise en charge du risque suicidaire est un enjeu de santé publique.
Le modèle d’interview HEAADSSSS est important à connaître, à bien maîtriser et à pratiquer pour tout adolescent.
Avant de commencer…
Le nouveau-né est un enfant âgé de moins de 28 jours.
La naissance est marquée par le passage de la vie intra-utérine à la vie aérienne, et d’un état de dépendance totale à l’autonomie. Cette transition met en jeu des phénomènes d’adaptation, rapides et vitaux pour la respiration et la circulation, plus progressifs pour d’autres fonctions.
Objectifs principaux de la prise en charge du nouveau-né :
*prévenir des risques spécifiques par l’anamnèse obstétricale;
*vérifier la qualité de l’adaptation à la vie extra-utérine et s’assurer de la normalité des grandes fonctions physiologiques;
*apprécier la maturité et la trophicité;
*dépister d’éventuelles anomalies ou malformations congénitales;
*repérer des facteurs de risque individuels;
*diagnostiquer et traiter les pathologies de la période néonatale précoce;
*s’assurer du développement d’une relation mère-enfant satisfaisante;
*donner des conseils de puériculture appropriés et répondre aux questions des parents.
Évaluation clinique du nouveau-né à terme
A Prise en charge en salle de naissance
1 Généralités
L’anticipation de toute situation susceptible d’être à risque immédiat est la règle.
Le dossier obstétrical comporte des données indispensables : les antécédents familiaux et particulièrement ceux de la mère (gynéco-obstétricaux et médicaux, notamment affections chroniques susceptibles de retentir sur la santé de l’enfant, sérologies, groupe sanguin), le suivi de la grossesse, les échographies, le terme (= âge gestationnel), les éventuelles anomalies dépistées par un diagnostic anténatal, l’état clinique de la mère (dont signes d’infection) et le monitoring cardiaque fœtal durant l’accouchement.
Chaque naissance nécessite la présence d’au moins une personne entraînée (sage-femme ou pédiatre) aux premiers gestes de prise en charge, et s’occupant uniquement de ce nouveau-né (une personne par enfant en cas de naissances multiples).
Un examen clinique précoce, appareil par appareil, est effectué systématiquement. Il a pour objectif d’apprécier non seulement la qualité de l’adaptation à la vie extra-utérine, mais aussi d’éliminer une anomalie morphologique, nécessitant une prise en charge rapide.
2 Évaluation de l’adaptation à la vie extra-utérine
Le score d’Apgar (tableau 44.1) est établi à 1, 5 et 10 minutes de vie.
Tableau 44.1
Score d’Apgar.
Paramètres 0 1 2
Battements cardiaques Absents < 100/min ≥ 100/min
Mouvements respiratoires Absents Lents, irréguliers Vigoureux, avec cris
Tonus musculaire Nul Faible (légère flexion des extrémités) Fort (quadriflexion, mouvements actifs)
Coloration Globalement bleue ou pâle Corps rose Extrémités bleues Globalement rose
Réactivité à la stimulation Nulle Faible (grimace) Vive (cris, toux)
La cotation de ce score comprend cinq paramètres chiffrés de 0 à 2, permettant d’évaluer la qualité de l’adaptation du nouveau-né à la vie extra-utérine : fréquence cardiaque (pouls au cordon), mouvements respiratoires, réactivité, tonus musculaire, coloration. Le nouveau-né normal a un score d’Apgar ≥ 7.
En cas de difficultés d’adaptation à la vie extra-utérine (mouvements respiratoires inefficaces ou absents, bradycardie), l’enfant nécessite des manœuvres de réanimation (fig. 44.1). Cette situation concerne 6 à 10 % des nouveau-nés.
3 Soins initiaux au nouveau né
Certains gestes sont systématiques (tableau 44.2).
Tableau 44.2
Soins systématiques en salle de naissance du nouveau-né à terme bien portant.
Dans un premier temps, à la naissance de l’enfant
–Clampage et section du cordon (après les premiers cris si l’enfant est vigoureux)
–Séchage soigneux, bonnet (prévention de l’hypothermie)
–Évaluation de la vitalité de l’enfant (score d’Apgar à 1, 5 et 10 minutes)
–Placement sur le ventre de la mère en peau à peau (si l’état de l’enfant et celui de la mère le permettent)
–Mise au sein dans la première heure de vie si la mère souhaite allaiter
Dans un deuxième temps, mais avant le départ de la salle de naissance pour les suites de couches
–Examen clinique initial, qui sera répété au cours du séjour en maternité
–Mesure des paramètres de naissance (TN, PN, PCN) et consignation dans le carnet de santé
–Soins du cordon et vérification de la présence de deux artères et une veine ombilicales
–Désinfection oculaire par collyre antibiotique si antécédent et/ou facteur de risque d’IST chez les parents
–Administration de vitamine K1 per os
–Mise en place de bracelets d’identification
La prévention de l’hypothermie est essentielle.
L’enfant doit naître dans une atmosphère chaude ( 24 °C), et bénéficier d’un séchage soigneux avec un linge propre stérile. Le nouveau-né normal est ensuite placé en peau à peau sur la poitrine de sa mère (avec surveillance); si son état nécessite des soins urgents, il est placé sur une table radiante (fig. 44.1).
Les soins du cordon ombilical consistent en la pose d’un clamp, la section avec ciseaux stériles et désinfection de la zone de section, la vérification de la présence de deux artères et d’une veine ombilicales (fig. 44.2), puis éventuellement la protection par une compresse stérile.
D’autres gestes dépendent du contexte anamnestique ou clinique.
Une antibioprophylaxie conjonctivale est recommandée, en cas d’antécédents et/ou de facteurs de risque d’IST (grossesse non ou mal suivie) chez les parents.
La recherche d’une atrésie des choanes par une sonde d’aspiration n’est effectuée qu’en présence d’une dyspnée inspiratoire et/ou d’une désaturation qui se lève aux cris.
Le test à la seringue, qui consiste à injecter rapidement de l’air dans une sonde orogastrique à la recherche d’un bruit aérique au niveau du creux épigastrique et qui permet d’éliminer une atrésie de l’œsophage, est effectué sur signes d’appel : hydramnios ou malformation congénitale diagnostiqués en anténatal, hypersialorrhée, gêne respiratoire.
La perméabilité anale est vérifiée par l’inspection et l’émission de méconium dans un délai normal (≤ 48 heures).
Soins systématiques du nouveau-né : retenir le tableau 44.2.
Mauvaise adaptation à la vie extra-utérine : nécessité de manœuvres de réanimation.
B Examen clinique du nouveau-né
1 Généralités
Tout nouveau-né bénéficie d’un examen clinique complet en salle de naissance avant son transfert dans le service des suites de couches avec sa mère.
Au moins un autre examen complet est effectué pendant le séjour à la maternité. Obligatoire avant le 8e jour de vie, ce dernier est consigné dans le carnet de santé et permet d’établir le premier certificat de santé (certificat du 8e jour).
Il est effectué en présence de la mère ou des deux parents, dans une pièce claire, suffisamment chauffée, avant un repas de préférence ou au moment d’un soin, lorsque l’enfant est bien éveillé, et en respectant les règles d’hygiène.
2 Aspect général
La température axillaire doit être prise à chaque examen. La définition de la fièvre est la même que chez tout enfant, soit une température ≥ 38 °C. Une fièvre à cet âge est une urgence diagnostique, et nécessite de débuter une antibiothérapie probabiliste (voir infra).
Les mensurations de naissance – poids, taille et périmètre crânien (PC) – sont essentielles à prendre et à reporter sur les courbes de croissance pour déterminer la trophicité, en les comparant aux courbes de croissance de référence pour la population ou à des courbes personnalisées prenant en compte la parité, le poids et la taille de la mère (courbes AUDIPOG en France).
Un nouveau-né à terme pèse en moyenne 3 500 g, a une taille de 50 cm et un PC de 35 cm. On considère comme normaux les poids compris entre 2 500 et 4 200 g, et les tailles comprises entre 46 et 52 cm.
L’inspection de l’enfant est très informative.
La coloration est un excellent reflet du fonctionnement des appareils cardiovasculaire et respiratoire. La peau du nouveau-né est généralement rose vif voire érythrosique, à l’exception des extrémités qui peuvent garder un aspect cyanique dans les heures qui suivent la naissance (acrocyanose, fig. 44.3).Au repos, l’enfant est en flexion des quatre membres (fig. 44.4). La gesticulation spontanée est symétrique, les mouvements sont harmonieux. Le cri est clair et vigoureux. Le nouveau-né normal est vigilant, actif, tonique, capable d’interactions visuelles et auditives.Un syndrome dysmorphique peut être constaté; des anomalies échographiques anténatales ont pu être révélatrices (par exemple, trisomie 21).
Examen cardiovasculaire
La fréquence cardiaque à l’éveil et au repos (en l’absence de pleurs) varie entre 120 et 160 par minute.
Le temps de recoloration cutanée (évalué au niveau du thorax) doit être strictement inférieur à 3 secondes.
La palpation des pouls, notamment fémoraux, doit être systématique. La perception plus faible voire l’absence des pouls fémoraux doit faire chercher une coarctation de l’aorte.
L’audition d’un souffle cardiaque systolique dans les 2 premiers jours de vie n’est pas rare. Elle nécessite une échographie cardiaque et une surveillance spécifique (voir chapitre 65).
L’auscultation du crâne, au niveau de la fontanelle antérieure, recherche un souffle vasculaire qui doit faire évoquer une malformation artérioveineuse.
4 Examen pulmonaire
La respiration normale est nasale, silencieuse, régulière, parfois périodique, sans signes de lutte respiratoire (évalués par le score de Silverman, voir infra tableau 44.6).
Tableau 44.6
Score de Silverman.
Critères 0 1 2
Battement des ailes du nez (BAN) Absent Modéré Intense
Balancement thoraco-abdominal (BTA) Soulèvement synchrone Thorax immobile Respiration paradoxale
Tirage intercostal (TIC) Absent Modéré Intense
Entonnoir xiphoïdien Absent Modéré Intense
Geignement expiratoire Absent Audible au stéthoscope Audible à l’oreilleLa fréquence respiratoire au repos (en l’absence de pleurs) varie entre 40 et 60 par minute.
5 Examen du tronc, de l’abdomen et des orifices herniaires
Une hypertrophie mammaire (avec éventuellement une sécrétion lactée) n’est pas pathologique (crise génitale liée à l’imprégnation hormonale passive in utero).
L’abdomen est souple, souvent un peu météorisé.
Le foie est souvent palpable et peut dépasser le rebord costal de 1 à 2 cm. Le pôle inférieur de la rate et les reins peuvent être parfois perçus.
Un diastasis des muscles droits est banal. La présence d’une hernie ombilicale ne justifie aucun traitement, la fermeture de l’anneau s’effectuant spontanément avant l’âge de 2 ans.
On doit noter l’absence de globe vésical, l’heure de la première miction, et la qualité du jet urinaire chez le garçon (une miction en goutte à goutte évoque une malformation urétrale). Les premières urines sont normalement émises avant 24 heures de vie.
Le méconium (fig. 44.5) correspond aux premières selles du nouveau-né. Épais et collant, de couleur noirâtre, il est normalement émis avant 48 heures de vie. La marge anale (aspect, position de l’anus) doit être soigneusement examinée pour éliminer une malformation anorectale. En cas de doute, ou de retard à l’émission du méconium, le passage d’une sonde permet de vérifier la perméabilité de l’anus.
Le cordon ombilical comprend deux artères et une veine.
La chute du cordon ombilical intervient dans un délai variable, en moyenne vers le 10e jour.
Une chute retardée (au-delà de 1 mois de vie) doit faire rechercher un déficit immunitaire.
6 Examen des organes génitaux externes
Un examen attentif vérifie l’absence d’anomalie des organes génitaux (on parle alors de variation du développement des organes génitaux; le terme d’ambiguïté sexuelle est à proscrire). Toute anomalie doit être reconnue et prise en charge dès les premières heures de vie, afin de ne pas déclarer de façon erronée un sexe déterminé ni méconnaître une hyperplasie congénitale des surrénales susceptible de mettre la vie de l’enfant en danger (voir chapitre 6).
Chez le garçon, le prépuce est rarement rétractable dans les premières années de vie. Le décalottage ne doit pas être forcé en raison du risque de paraphimosis et phimosis cicatriciel (voir chapitre 22).
La conduite à tenir en cas de testicule non descendu est précisée dans le chapitre 22.
Une hydrocèle (tuméfaction scrotale transilluminable) est fréquente. La régression spontanée est observée dans la majorité des cas (voir chapitre 22).
Chez la fille, l’inspection vérifie la présence de l’orifice vaginal. Leucorrhées et métrorragies sont possibles (crise génitale).
7 Examen cutané
La peau du nouveau-né à terme est rose voire érythrosique. Elle est recouverte dans les premières heures de vie du vernix caseosa, enduit blanc graisseux et adhérent, visible surtout dans les plis (fig. 44.6A). Une desquamation modérée est possible au cours des premiers jours, notamment chez les nouveau-nés post-termes.Un ictère doit être recherché (voir chapitre 45).
Des particularités sémiologiques non pathologiques, transitoires, sont à connaître.
Des œdèmes peuvent être observés à la naissance au niveau des paupières, du dos des mains et des pieds et du pubis ou du scrotum. Ils régressent en quelques jours.
Le lanugo est un fin duvet, présent au niveau du front, du dos et des épaules (fig. 44.6B). Il disparaît en quelques jours. Les grains de milium sont des microkystes sébacés punctiformes blancs, siégeant sur le nez et la face (fig. 44.6C). L’érythème dit toxique est une éruption maculopapuleuse voire pustuleuse transitoire survenant le plus souvent entre H12 et J4.
Un livedo (aspect marbré par immaturité de la vasorégulation périphérique) peut être visible au niveau des membres et du thorax. La tache ethnique dite mongoloïde est un placard bleu ardoisé siégeant dans la région lombosacrée (voir fig. 44.10). Fréquente dans les populations originaires d’Asie et du pourtour méditerranéen, elle s’atténue en général dans les premières années de vie.
Un ou plusieurs angiomes plans de la glabelle, des paupières, du nez et de la nuque peuvent être observés (fig. 44.6D). Ils s’atténuent en quelques mois, sauf celui de la nuque qui peut persister jusqu’à l’âge adulte.
Ils sont à distinguer d’un hémangiome, apparaissant après quelques jours de vie. Il peut se présenter en relief et de coloration rouge vif (fig. 44.7) ou être de type dermique profond.
Examen de la tête et de la face
Les fontanelles ont des tailles variables. Elles sont normalement souples, ni déprimées ni bombées. La fontanelle antérieure a une forme losangique et se ferme entre les âges de 8 mois et 18 mois; la fontanelle postérieure est palpable dans les 2 ou 3 premières semaines de vie. Les sutures sont normalement bord à bord, mobiles, mais elles peuvent se chevaucher dans les premiers jours de vie (fig. 44.8).
Une bosse sérosanguine est souvent observée. Il s’agit d’une collection sous-cutanée, molle, mal limitée, chevauchant les sutures et se résorbant en 2 à 6 jours. Le céphalhématome, plus rare, est une collection sous-périostée, limitée par les sutures, pouvant évoluer vers la calcification en 4 à 6 semaines.
L’examen du cou doit apprécier ses mobilités passive et active. La constatation d’un torticolis doit faire préciser son caractère réductible ou non. La palpation des muscles sternocléidomastoïdiens permet de mettre en évidence un éventuel hématome. L’examen du cou recherche aussi une masse anormale ou un orifice cutané.
L’examen de la bouche permet de dépister une fente (vélo-)palatine (fig. 44.9) ou une brièveté du frein de langue. L’intégrité du palais est vérifiée à la palpation (petit doigt).
L’examen des yeux vérifie l’aspect des conjonctives, des iris et des pupilles, ainsi que la symétrie des reflets cornéens. Un strabisme (asymétrie des reflets) modéré et intermittent peut être observé; sa persistance au-delà de l’âge de 3 mois doit conduire à un examen ophtalmologique (voir chapitre 4). L’examen, à l’aide d’un ophtalmoscope, vérifie aussi la présence des lueurs pupillaires, témoignant de l’absence de cataracte congénitale.
Examen neurosensoriel
L’examen neurologique (tonus passif et actif, automatismes primaires) permet de vérifier les compétences motrices, témoins de l’intégrité du système nerveux, et les capacités neurosensorielles du nouveau-né. Il est influencé par l’âge gestationnel, dont il est un critère de maturation (détails infra).
Le comportement global d’un nouveau-né est caractérisé par un éveil calme facile à obtenir, une réactivité à la stimulation vive, avec cri franc, et une capacité à être consolé facilement (enfant se calmant à la voix, s’apaisant dans les bras ou à la succion). La motricité spontanée est riche, symétrique et harmonieuse, avec une bonne ouverture des mains, des mouvements indépendants des doigts. Les réflexes ostéotendineux sont présents et symétriques.
L’efficience des fonctions sensorielles doit être vérifiée afin de dépister précocement toute anomalie.
Un nouveau-né à terme est capable de fixation oculaire puis de poursuite oculaire horizontale (qui doit être acquise à 2-3 mois de vie) en s’aidant d’un objet contrasté comme une cible noir/blanc placée à environ 30 cm; il cligne des paupières à la lumière vive.
Le nouveau-né réagit aux bruits et à la voix. En dehors d’anomalies du pavillon de l’oreille, il n’y a pas de signe clinique spécifique qui permette d’évoquer une surdité, ce qui justifie un dépistage systématique (voir au chapitre 4 § II. Dépistage des troubles auditifs).
Examen ostéoarticulaire
Le rachis doit être palpé sur toute sa hauteur à la recherche d’une anomalie cutanée et/ou osseuse (par exemple une angulation).
Une anomalie de fermeture du tube neural (spina bifida) doit être suspectée devant la présence dans la région lombosacrée d’un lipome sous-cutané, d’une touffe de poils, d’une fossette sacrococcygienne profonde (fig. 44.10) et/ou avec pertuis ou encore d’une déviation du sillon interfessier. Ces signes imposent une échographie médullaire.
L’examen vérifie également l’intégrité morphologique des membres et le bon fonctionnement et la souplesse des articulations (amplitudes normales et symétriques).
Les principales malformations sont surtout localisées aux extrémités (syndactylie = accolement de deux doigts ou orteils; polydactylie = doigts surnuméraires; hypoplasies et aplasies des doigts ou orteils). Les malpositions des pieds, fréquentes et bénignes, sont des déformations simples, réductibles (pathologie posturale secondaire aux contraintes utérines), comme les pieds varus ou la clinodactylie (chevauchement des orteils). Il faut les distinguer des déformations rigides (non réductibles), malformatives, comme les pieds bots varus équins.
L’examen des hanches doit être soigneux et répété les premiers mois de vie, à la recherche de signes évoquant une luxation congénitale des hanches (voir au chapitre 4, § III. Dépistage des anomalies orthopédiques).
Enfin, l’examen recherche des lésions traumatiques du per-partum : bosse sérosanguine, céphalhématome, hématomes cutanés, paralysie faciale (forceps), paralysie du plexus brachial (asymétrie de la gesticulation spontanée des membres supérieurs), fracture de clavicule, exceptionnellement fracture de membre ou du crâne. Un purpura d’origine mécanique peut être observé au niveau de la face ou du vertex à la suite d’une extraction difficile, d’une circulaire serrée du cordon ou encore d’une présentation de la face.
Données indispensables de l’examen d’un nouveau-né : température et évolution pondérale des premiers jours de vie, coloration et ictère, souffle cardiaque et pouls fémoraux, tonus et réflexes archaïques, hépatomégalie et splénomégalie, malformations, organes génitaux externes et orifices herniaires, dépistages sensoriels et de la luxation congénitale de hanche.
Critères pédiatriques de maturation d’un nouveau-né à terme
1 Âge gestationnel
L’âge gestationnel est exprimé en semaines d’aménorrhée révolues (SA).
Il est déterminé avant la naissance (critères obstétricaux) à l’échographie de 10–12 SA (précision de 3 à 5 jours près) ou à défaut grâce à la date des dernières règles (imprécise dans 20 à 30 % des cas). Par définition, le nouveau-né est à terme quand il est né entre 37 et 41 SA; un nouveau-né est prématuré quand il est né avant 37 SA.
En l’absence de ces paramètres, la maturation peut être appréciée par des critères morphologiques cliniques (par exemple, tissu mammaire, plis plantaires, cartilage auriculaire, aspects des organes génitaux externes; fig. 44.11) et par des éléments de l’examen neurologique : le tonus et les automatismes primaires.
2 Tonus passif et actif
Tonus passif
Plus l’enfant est mature, plus sa posture passive est en flexion; l’analyse de la posture spontanée chez l’enfant à terme est normalement en quadriflexion (prépondérance des fléchisseurs).
Le tonus passif est évalué par les manœuvres suivantes :
*retour en flexion (après extension des membres supérieurs par l’examinateur);
*signe du foulard (quand l’examinateur rapproche une main vers l’épaule controlatérale, le coude ne dépasse pas la ligne médiane);
*et l’examen des angles (fig. 44.12) : angle poplité ≤ 90° (angle d’extension passive de la jambe sur la cuisse), angle de dorsiflexion du pied entre 0 et 20° (flexion du pied sur la jambe), angle talon-oreille ≤ 90° (mouvement de rapprochement du talon vers le visage), angle des adducteurs entre 40 et 70° (mouvement d’abduction des hanches).
Tonus actif
La manœuvre du tiré-assis (en tenant l’enfant par les épaules) teste la réponse motrice des muscles fléchisseurs du cou (tiré) puis des extenseurs du cou (assis); la tête est normalement maintenue dans l’axe pendant quelques secondes, la réponse est symétrique (fig. 44.13).Celle du redressement global la complète : maintenu en suspension ventrale (thorax soutenu par les mains de l’examinateur), le nouveau-né redresse ses membres inférieurs puis son tronc et sa tête pendant quelques secondes.
Automatismes primaires
Les automatismes primaires (ou réflexes archaïques) sont des réactions motrices propres aux premiers mois de vie (tableau 44.3). Ils sont tous présents chez le nouveau-né à terme.
Tableau 44.3
Automatismes primaires.
Succion Elle est intense, rythmée, sans fatigue ni changement de teint
Points cardinaux La stimulation des commissures labiales entraîne la rotation de la tête et l’ouverture de la bouche du nouveau-né, qui cherche ainsi à téter
Agrippement (grasping) La stimulation de la paume des mains (ou de la plante des pieds) entraîne une flexion spontanée des doigts (ou des orteils) et l’agrippement du doigt de l’examinateur (fig. 44.14A)
Réflexe de Moro Une extension brutale de la nuque entraîne une extension des quatre membres, une ouverture des mains, ± suivies d’un cri (fig. 44.14B)
Allongement croisé La stimulation de la plante d’un pied, le membre inférieur étant maintenu en extension, entraîne le retrait (la flexion) puis l’extension du membre inférieur controlatéral
Marche automatique Chez un nouveau-né soutenu au niveau du tronc en position debout et penchée en avant, le contact des plantes des pieds avec la table d’examen entraîne un réflexe de retrait en alternance des membres inférieurs donnant une impression de marche (fig. 44.14C)
Leur absence chez un nouveau-né à terme est toujours pathologique; leur présence en revanche ne témoigne pas pour autant de l’intégrité du système nerveux central. Ils disparaissent habituellement entre 2 et 4 mois de vie.
II Dépistages systématiques néonatals
A Dépistage sanguin (« Guthrie »)
1 Généralités
Le programme national de dépistage néonatal répond aux critères OMS (Organisation mondiale de la santé) du dépistage :
*problème de santé publique, maladie fréquente et/ou grave;
*physiopathologie connue, évolution grave en l’absence de traitement précoce;
*test fiable et reproductible, peu coÛteux, acceptable par la population.
Le dépistage néonatal est réalisé de manière systématique autour de 72 heures de vie et impérativement au-delà de 48 heures, au mieux avant la sortie de la maternité. Le prélèvement consiste à déposer sur un papier buvard nominatif 8 à 10 gouttes de sang.
Anciennement appelé « Guthrie » (premier test dépistant uniquement la phénylcétonurie), il concerne aujourd’hui treize maladies et est intégralement financé par l’Assurance maladie.
Une information claire et compréhensible doit être donnée aux parents. Leur consentement écrit est sollicité avant le prélèvement. Le dépistage de la mucoviscidose requiert en effet, si le taux de trypsine immunoréactive est élevé, une étude génétique.
Les parents ne sont avertis qu’en cas de résultat anormal, nécessitant alors un test de contrôle et éventuellement une confirmation diagnostique par des examens orientés.
2 Maladies dépistées
Phénylcétonurie
Elle concerne 1/16 000 nouveau-nés en France.
C’est une maladie génétique autosomique récessive, liée à un déficit en phénylalanine hydroxylase, enzyme permettant la transformation de la phénylalanine en tyrosine.
Elle est responsable, en l’absence de traitement, d’un retard psychomoteur sévère.
Le marqueur utilisé pour le dépistage est le dosage sanguin de la phénylalanine, suspect si élevé.
Hypothyroïdie congénitale (voir chapitre 1)
Elle concerne 1/3 000 nouveau-nés en France.
Elle est liée à une sécrétion insuffisante d’hormones thyroïdiennes (T4L et T3L) par la thyroïde, soit par dysgénésie thyroïdienne (athyréose, ectopie thyroïdienne, hémi-agénésie; 60 % des cas), soit par trouble de l’hormonosynthèse thyroïdienne (hypothyroïdie avec glande en place; 40 % des cas).
Elle est responsable, en l’absence de traitement, d’un retard psychomoteur irréversible et d’un retard de croissance sévère. Les signes cliniques pouvant être observés en période néonatale sont une macroglossie, des fontanelles et des sutures larges, un ictère (à bilirubine libre) prolongé, une constipation, une hypotonie et une mauvaise prise de poids.
Le marqueur utilisé pour le dépistage est le dosage sanguin de la TSH. En cas de TSH élevée (évocatrice d’hypothyroïdie périphérique), le bilan hormonal (T4L, T3L et TSH) permet de confirmer le diagnostic d’hypothyroïdie, une échographie et une scintigraphie de la thyroïde permettent d’en déterminer l’étiologie. Les hypothyroïdies d’origine centrale (T3L et T4L basses associées à une TSH basse) ne sont donc pas dépistées, mais elles sont beaucoup plus rares et souvent associées à d’autres déficits hormonaux qui permettent le diagnostic.
Hyperplasie congénitale des surrénales (voir chapitre 6)
Elle concerne 1/15 000 nouveau-nés en France.
La cause la plus fréquente est le déficit enzymatique en 21-hydroxylase qui se manifeste par une augmentation du métabolite en amont, la 17-hydroxyprogestérone (17-OHP).
Chez les filles, la production excessive d’androgènes surrénaliens peut se manifester par une virilisation des organes génitaux externes visible dès la naissance (hyperplasie du clitoris, fusion des grandes lèvres). Dans les deux sexes, en l’absence de traitement, elle se manifeste vers la fin de la première semaine de vie par des signes de déficit en aldostérone (syndrome de perte de sel avec déshydratation et signes digestifs, hyponatrémie et hyperkaliémie) et en cortisol (hypoglycémie).
Le marqueur utilisé pour le dépistage est le dosage sanguin de la 17-OHP, suspect si élevée.
Le dépistage ne permet le diagnostic que des formes sévères (« classiques ») de la maladie.
Mucoviscidose (voir chapitre 63)
La mucoviscidose peut être symptomatique dès la naissance (iléus méconial).
Le marqueur utilisé pour le dépistage est le dosage sanguin de la trypsine (TIR, trypsine immunoréactive), suspect si élevé au-delà d’un seuil fixé. En cas d’hypertrypsinémie, une analyse génétique est effectuée (consentement écrit des parents indispensable).
Drépanocytose (voir chapitre 23)
Seule une population ciblée était jusqu’alors concernée par ce dépistage, lorsque les parents sont originaires de pays considérés comme à risque (Afrique avant tout subsaharienne, Antilles,
Guyane, Réunion, bassin méditerranéen); mais la HAS a demandé sa généralisation à toute la population.
Le marqueur utilisé pour le dépistage est l’électrophorèse de l’hémoglobine S, permettant la mise en évidence d’une bande spécifique HbS et l’absence d’une bande HbA.
Déficit en MCAD
Il concerne 1/15 000 nouveau-nés en France.
Le déficit en MCAD (acyl-coenzyme A déshydrogénase des acides gras à chaînes moyennes) est l’anomalie la plus fréquente de la β-oxydation des acides gras, processus biochimique indispensable pour le métabolisme énergétique de l’organisme. Il s’agit d’une maladie auto-somique récessive liée à des mutations du gène ACADM.
Il se traduit par un défaut d’utilisation des acides gras responsable d’une hypoglycémie de jeÛne dès que la néoglucogenèse est insuffisante pour couvrir les besoins énergétiques. Il s’agit d’une maladie potentiellement grave, qui se manifeste par des malaises hypoglycémiques hypocétosiques (voir chapitre 8).
Le dépistage repose sur la mesure de l’octanoyl-carnitine (C8) par spectrométrie de masse.
Autres maladies dépistées
Depuis le 1er janvier 2023, sept autres erreurs innées du métabolisme sont également recherchées par spectrométrie de masse :
*trois amino-acidopathies : homocystinurie, leucinose, tyrosinémie de type 1;
*deux aciduries organiques : acidurie glutarique de type 1, acidurie isovalérique;
*deux autres déficits de la β-oxydation des acides gras : déficit en LCHAD (3-hydroxy acylcoenzyme A déshydrogénase des acides gras à chaînes longues) et déficit en captation de carnitine.
Autres dépistages
Les autres dépistages sont détaillés dans le chapitre 4.
La recherche d’une luxation congénitale de hanche est systématique à la maternité puis lors des examens de suivi les premiers mois.
Les OEAP et/ou PEAA permettent le dépistage de la surdité congénitale. Ils sont effectués à partir de J3, idéalement avant la sortie de maternité.
La recherche d’anomalies de l’examen des yeux et de la fonction visuelle est aussi un impératif de dépistage dès cet âge.
Dépistage néonatal :
*papier buvard : phénylcétonurie, hypothyroïdie, hyperplasie congénitale des surrénales, mucoviscidose (si + : recherche de mutations génétiques, avec accord écrit parental), drépanocytose, déficit en MCAD, homocystinurie, leucinose, tyrosinémie de type 1, acidurie glutarique de type 1, acidurie isovalérique, déficit en LCHAD, déficit en captation de carnitine;
*autres dépistages : luxation congénitale de hanche, surdité congénitale, anomalies visuelles.
I Promouvoir la qualité des premiers liens affectifs entre parents et enfant et expliquer les bases de la puériculture
A Liens affectifs entre parents et enfant
En salle de naissance, après s’être assuré que l’adaptation néonatale est normale, le contact physique mère-enfant doit être privilégié quel que soit le mode d’accouchement : poser le nouveau-né sur le ventre de la mère tout en s’assurant de sa surveillance, effectuer une première mise au sein précoce si la mère souhaite allaiter, faire les premiers soins en présence des parents.
Les suites de couches sont un lieu d’apprentissage, d’échanges, où les parents et l’enfant font connaissance. L’accompagnement à l’apprentissage des soins au nouveau-né permet de faire découvrir les compétences du nouveau-né et d’accroître la confiance des parents dans leurs capacités. Il permet l’expression des difficultés éventuelles, l’observation des comportements et la mise en place d’une véritable éducation pour la santé.
B Allaitement maternel
1 Bénéfices de l’allaitement maternel
Le choix du mode d’alimentation du nourrisson a des répercussions sur sa santé et son développement, sur la santé de la mère et sur la relation mère-enfant.
Le lait maternel est le lait le plus adapté pour la croissance et le développement du nourrisson. L’OMS recommande un allaitement maternel exclusif pendant une durée de 6 mois. L’alimentation doit être diversifiée, chez les enfants allaités comme ceux qui ne sont pas allaités, entre 4 et 6 mois.
Pour l’enfant, les avantages de l’allaitement maternel (d’autant plus significatifs qu’il est exclusif et prolongé) sont de :
*correspondre à un véritable modèle nutritionnel et être adapté constamment aux besoins physiologiques de l’enfant (modification de sa composition avec le nycthémère, le moment de la tétée, l’âge de l’enfant et son terme);
*diminuer le risque infectieux (gastro-entérites, otites, infections respiratoires);
*participer à prévenir les maladies atopiques (asthme, dermatite atopique);
*favoriser les interactions mère-enfant;
*constituer un avantage socio-économique (meilleure protection contre la dénutrition dans les pays en voie de développement).
Chez l’enfant prématuré, les bénéfices spécifiques de l’allaitement sont l’amélioration de la tolérance digestive, la réduction du risque d’entérocolite ulcéro-nécrosante et l’amélioration du développement cognitif.
Pour la mère, les avantages de l’allaitement maternel sont de diminuer le risque de diabète de type 2, de cancer du sein et de l’ovaire, de faciliter une perte de poids progressive après la grossesse chez les mères en surcharge pondérale avant la grossesse, de diminuer la réponse au stress et d’améliorer le bien-être et l’estime de soi.
La promotion de l’allaitement maternel en France est l’un des objectifs du Programme national Nutrition Santé. Le Code du travail prévoit des mesures pour encourager la poursuite de l’allaitement maternel (pauses sur le temps de travail, réduction journalière du temps de travail ou horaires de travail souples, lieux appropriés pour exprimer le lait).
Les données épidémiologiques indiquent que 70 % des mères françaises allaitent à la sortie de la maternité. L’implication des soignants (notamment en maternité) doit être exemplaire pour la promotion de l’allaitement.
L’OMS recommande un allaitement maternel exclusif pendant une durée de 6 mois.
Promotion de l’allaitement, notamment en maternité.
2 Modalités pratiques
Une information sur l’allaitement maternel doit être délivrée pendant la grossesse. Un démarrage précoce est crucial pour la mise en place d’une lactation efficace. Une première tétée doit être ainsi favorisée dans l’heure qui suit la naissance.
La mère doit être informée sur la bonne position du nouveau-né (ventre de l’enfant contre le sien, avec oreille, épaule et hanche alignées) et la prise correcte du sein par l’enfant, qui permettent une succion efficace (rythme lent et régulier, déglutition audible) et un transfert de lait optimal tout en prévenant les tétées douloureuses et les lésions du mamelon.
L’hygiène des mamelons requiert simplement une toilette quotidienne à l’eau et au savon. Il n’existe aucun médicament ou régime influençant favorablement la sécrétion lactée. L’arrêt du tabagisme doit être encouragé et la consommation d’alcool évitée.
Chez le nouveau-né à terme bien portant, le rythme et la durée des tétées sont déterminés par l’enfant selon ses besoins (allaitement à l’éveil), avec une moyenne de 8 à 12 tétées par jour les premières semaines, sur les deux seins.
Il n’est pas nécessaire de peser quotidiennement le nouveau-né (en dehors des premiers jours de vie) ni avant et après les tétées pour évaluer la quantité bue. La satisfaction de l’enfant, des mictions abondantes (au moins 5–6 couches lourdes par jour), des selles pluriquotidiennes et une prise pondérale de 200–250 g par semaine témoignent du succès de l’allaitement.
Une perte de poids est physiologique au cours de la première semaine de vie; elle est en moyenne de 7,5 % du poids de naissance (et ne doit pas dépasser 10 %). Le poids de naissance doit être repris avant J10 de vie.
Pour prévenir le risque de maladie hémorragique, de la vitamine K (2 mg per os) est prescrite à l’âge de 1 mois en cas d’allaitement maternel exclusif, sans oublier une supplémentation en vitamine D (400 à 800 UI par jour).
Allaitement maternel exclusif : penser à la vitamine K à 1 mois de vie.
3 Complications de l’allaitement
L’ictère au lait de mère est sans gravité (voir chapitre 45).
Les difficultés de succion de l’enfant, plus fréquentes s’il est immature, peuvent rendre nécessaire l’utilisation temporaire d’un tire-lait.
L’insuffisance de lait est le plus souvent la conséquence d’une conduite inappropriée de l’allaitement (tétées inefficaces et/ou trop peu nombreuses) à l’origine d’une diminution du transfert de lait au nourrisson et de la sécrétion lactée. Elle nécessite des conseils et un soutien visant à restaurer la confiance de la mère dans ses compétences, et, pour stimuler la sécrétion lactée, des mises au sein plus fréquentes.
Les douleurs et crevasses des mamelons sont fréquentes. Elles sont secondaires à une friction anormale du mamelon avec la cavité buccale de l’enfant en relation avec un mauvais positionnement qu’il faut rechercher et s’attacher à corriger.
L’engorgement correspond à une tension très douloureuse des seins contemporaine de la montée de lait avec œdème résultant d’une stase capillaire et lymphatique, qui devient pathologique lorsqu’elle s’accompagne de fièvre, douleur et gêne à l’écoulement du lait. Il faut préconiser l’expression du lait (manuelle ou à l’aide d’un tire-lait) qui réduit la stase lactée, suivie d’une tétée par le bébé. La restriction hydrique, le bandage des seins aggravent l’inconfort de la mère et ne sont pas recommandés.
La lymphangite (anciennement mastite) est une inflammation du sein pouvant évoluer vers une infection. Les signes cliniques sont habituellement unilatéraux, allant de la simple inflammation localisée d’un segment du sein avec rougeur, douleur et augmentation de la chaleur locale, à un aspect beaucoup plus sévère de cellulite avec « peau d’orange ». Ces signes locaux peuvent précéder ou s’associer à des signes généraux (fièvre ou symptômes pseudogrippaux). Le traitement repose sur un drainage du sein efficace (tétées sans restriction de durée ni de fréquence, extraction avec un tire-lait). Suspendre l’allaitement expose au développement d’un abcès du sein. Un antibiotique est indiqué si les symptômes sont graves d’emblée, si une lésion du mamelon est visible ou encore si les symptômes ne s’améliorent pas en 12 à 24 heures. L’antibiotique prescrit sera compatible avec l’allaitement et à visée antistaphylococcique et antistreptococcique.
Contre-indications : allaitement et médicaments, infections et toxiques
Les véritables contre-indications permanentes à l’allaitement sont peu nombreuses : infection maternelle par le VIH (pays industrialisés uniquement), cardiopathie ou néphropathie sévère chez la mère, galactosémie chez l’enfant, ou encore certains médicaments sans alternative thérapeutique présentant un risque pour l’enfant (antimitotiques, lithium). Le centre de référence sur les agents tératogènes1 ou encore les lactariums2 mettent à disposition des professionnels de santé des données exhaustives concernant les risques des médicaments en cas d’allaitement.
Ictère au lait de mère : ne pas interrompre l’allaitement maternel.
C Conseils pratiques aux parents
1 Conseils de base de puériculture
Le change doit être effectué après chaque tétée. Chez la fille, la toilette vulvaire doit se faire de haut en bas pour éviter la contamination par les selles.
La toilette est un moment privilégié qui permet aux parents de prendre soin du corps de leur enfant, en établissant avec lui les premières relations affectives.
Ne pas utiliser de coton-tige pour les oreilles, mais recueillir les sécrétions au niveau du pavillon. Ne pas essayer de décalotter le petit garçon.
2 Suivi médical
Les parents doivent être informés de la nécessité d’un suivi médical régulier (voir chapitre 5).
Il permet de vérifier la normalité du développement psychomoteur, de la croissance staturopondérale et du PC, d’effectuer des dépistages (notamment neurosensoriels), de donner des conseils pour l’alimentation et la diversification, et d’effectuer les vaccinations.
3 Mesures de prévention dans les premières années de vie
Les mesures de prévention de la mort inattendue du nourrisson (MIN) doivent être expliquées (voir chapitre 9).
Des mesures de prévention de la transmission des infections doivent également être mises en œuvre (lavage des mains avant chaque soin à l’enfant et avant la préparation des repas, évitement du contact rapproché du visage et des mains des personnes enrhumées).
Les parents doivent être informés des risques du tabagisme passif (MIN, asthme du nourrisson), de la nécessité de consulter rapidement en cas de problème médical (fièvre avant 3 mois, difficultés alimentaires, gêne respiratoire, diarrhée, vomissements, comportement inhabituel) et d’apporter toujours le carnet de santé.
Il est important de prévenir les accidents domestiques : chutes (fenêtres, escaliers), noyade (bain, piscine), asphyxie (sacs plastiques), inhalation de corps étrangers (petits aliments et objets), brÛlures (bain trop chaud, lait chauffé au four à micro-ondes, prises électriques) et intoxications (médicaments, produits d’entretien).
L’exposition aux écrans avant 3 ans doit être proscrite.
Il ne faut jamais secouer un nourrisson pour le faire taire ou pour jouer, ni laisser un bébé seul à domicile ou dans une voiture.
L’enfant doit être protégé du soleil.
Conseils : prévention de la MIN, arrêt du tabagisme parental, conduite à tenir en cas de fièvre.
Sortie de la maternité
La mise à jour du carnet de santé est obligatoire à la sortie de la maternité.
Celui-ci précise les informations apportées par l’examen clinique en maternité, la date de réalisation des dépistages obligatoires, le régime choisi (allaitement maternel ou artificiel), ainsi que le poids de sortie.
L’ordonnance de sortie de maternité comporte la prescription des supplémentations vitaminiques recommandées, les soins du cordon ombilical jusqu’à sa chute.
Une consultation par un pédiatre est recommandée au cours de la 2e semaine de vie (d’autant plus rapidement que la sortie de maternité est précoce).
Une pesée hebdomadaire est recommandée le premier mois en cas d’allaitement maternel.
Remise du carnet de santé et explication du suivi médical systématique.
Reconnaître les situations à risque et les situations pathologiques nécessitant une prise en charge spécialisée
Les situations à risque et les situations pathologiques pour le nouveau-né sont récapitulées dans le tableau 44.4.
Tableau 44.4
Situations à risque et situations pathologiques pour le nouveau-né en maternité.
Situations à risque
–Prématurité
–PAG (petit poids pour l’âge gestationnel), RCIU (retard de croissance intra-utérin)
–Pathologies ou traitements maternels pouvant retentir sur la santé du nouveau-né : diabète, prééclampsie, infections, pathologies psychiatriques, certains traitements
–Autres
Situations pathologiques
–Infection (néonatale)
–Détresse respiratoire néonatale
–Certains ictères
–Asphyxie périnatale (improprement appelée « souffrance fœtale aiguë »)
–Malformations congénitales diagnostiquées en anténatal ou lors du 1er examen à la naissance (cardiopathie, hernie de coupole diaphragmatique, malformations pulmonaires, défects de la paroi abdominale, anomalies de fermeture du tube neural, etc.)
–Autres
Prématurité
1 Définition
La prématurité est définie par un terme de naissance inférieur à 37 SA.
On distingue (définitions OMS) la prématurité moyenne, voire tardive (naissance entre 32 et 36 SA + 6 jours), la grande prématurité (naissance entre 28 et 31 SA + 6 jours) et la très grande prématurité (ou prématurité extrême) (naissance entre 22 SA et 27 SA + 6 jours). La limite de viabilité est un terme ≥ 22 SA ou un poids ≥ 500 g.
On distingue également la prématurité spontanée et la prématurité induite (ou consentie) résultant d’une décision médicale d’arrêter la grossesse avant son terme pour une pathologie maternelle ou fœtale.
La prévalence de la prématurité est estimée à 7–8 % des naissances.
La très grande majorité des nouveau-nés prématurés naît entre 32 et 36 SA.
La très grande prématurité (< 28 SA) est la plus forte cause de morbidité (50 % des infirmités motrices d’origine cérébrale, IMOC) et de mortalité périnatales (50 % des décès).
Prématurité = naissance avant 37 SA.
2 Causes
Il existe le plus souvent plusieurs facteurs de risque et étiologiques intriqués (traités par le Collège des enseignants en obstétrique).
3 Complications
Généralités
Le nouveau-né prématuré est caractérisé par l’immaturité de toutes ses fonctions physiologiques, à l’origine des pathologies spécifiques de la prématurité (tableau 44.5).
Tableau 44.5
Risques et complications liés à l’immaturité.
Immaturité générale Thermique
–Hypothermie
Immunitaire
–Infections néonatales bactériennes précoces et nosocomiales
Métabolique
–Anémie
–Hypoglycémie, hypocalcémie
Immaturité d’organes Cérébrale
–Hémorragies intraventriculaires
–Leucomalacie périventriculaire
–Apnées
Pulmonaire
–Maladie des membranes hyalines
–Apnées
–Dysplasie bronchopulmonaire
Cardiaque
–Persistance d’un canal artériel perméable
Digestive
–Entérocolite ulcéronécrosante
–Difficultés d’alimentation (dues à l’immaturité de la succion-déglutition avant 34 SA et à celle de la motricité digestive)
Hépatique
–Ictère
–Hypoglycémie
Ophtalmique
–Rétinopathie du prématuré
Maladie des membranes hyalines (MMH)
Apnées et bradycardies
Les apnées sont secondaires à une immaturité de la commande respiratoire du SNC.
Elles sont prévenues par l’administration quotidienne de caféine, systématique avant 32 SA d’âge post-conceptionnel (terme + nombre de semaines de vie extra-utérine).
Dysplasie bronchopulmonaire
Elle résulte d’une altération de la croissance alvéolaire liée à l’immaturité pulmonaire et aggravée par des facteurs comme la ventilation assistée et l’hyperoxie. Elle est d’autant plus fréquente que l’enfant est plus immature.
Elle est définie par la persistance d’une oxygénodépendance (ou de la nécessité d’un soutien ventilatoire) à 36 SA d’âge post-conceptionnel.
Conséquences de l’immaturité digestive
L’immaturité de la coordination succion-déglutition-respiration rend nécessaire l’alimentation par sonde gastrique jusqu’aux alentours de 35 SA d’âge post-conceptionnel.
L’immaturité des fonctions digestives et du péristaltisme rend nécessaire la progression prudente des rations alimentaires et une nutrition parentérale de complément prolongée chez les enfants les plus immatures.
Entérocolite ulcéro-nécrosante (ECUN)
L’ECUN est une pathologie d’origine multifactorielle potentiellement gravissime, caractérisée par une nécrose ischémo-hémorragique plus ou moins étendue des parois du côlon et/ou du grêle, pouvant se compliquer de perforation.
Leucomalacie périventriculaire cavitaire
Devenue rare, elle est définie par des lésions de nécrose de la substance blanche périventriculaire.
Elle représente un facteur de risque majeur de séquelles neurodéveloppementales à long terme (voir infra).
Les formes d’atteinte diffuse de la substance blanche secondaires à des anomalies des oligodendrocytes sont plus fréquentes.
Le nouveau-né prématuré est caractérisé par l’immaturité de toutes ses fonctions physiologiques, à l’origine de pathologies spécifiques, notamment respiratoires (maladie des membranes hyalines, dysplasie bronchopulmonaire) et neurosensorielles (hémorragies intraventriculaires, leucomalacie périventriculaire et rétinopathie du prématuré).
Devenir à long terme
Le risque de décès concerne surtout les extrêmes prématurés.
Le risque de séquelles est d’autant plus important que l’enfant est prématuré. Le risque de séquelles graves et de handicap concerne essentiellement les enfants nés avant 28 SA. Ainsi, la majorité des prématurés qui naissent après 32 SA ont une évolution favorable. Le risque de troubles des apprentissages à l’âge scolaire reste possible en cas de naissance avant 34 SA.
Suivi médical prolongé pour l’ancien prématuré en particulier neurodéveloppemental.
Retard de croissance intra-utérin (RCIU)
1 Définitions
Le petit poids pour l’âge gestationnel, ou PAG (équivalent français de Small for Gestational Age, SGA) est défini par un poids isolé (estimation pondérale in utero ou poids de naissance) inférieur au 10e percentile. Le PAG sévère correspond à un PAG inférieur au 3e percentile.
Le retard de croissance intra-utérin, ou RCIU (équivalent français de fetal growth restriction ou intra-uterine growth retardation) correspond le plus souvent à un PAG associé à des arguments en faveur d’un défaut de croissance pathologique : arrêt ou infléchissement de la croissance de manière longitudinale (au moins deux mesures à 3 semaines d’intervalle).
Plus rarement, un RCIU peut correspondre à un défaut de croissance, avec un poids proche du 10e percentile sans être PAG.
Dans les situations de PAG sur une mesure isolée, l’existence de signes d’altération du bienêtre fœtal (diminution des mouvements fœtaux, anomalies du doppler, oligoamnios) doit faire évoquer un RCIU. Les enfants PAG sont soit des enfants constitutionnellement petits, soit d’authentiques RCIU. Les recommandations précisent qu’il est souhaitable de supprimer du vocabulaire les dénominations « hypotrophe » et « RCIU symétrique/asymétrique ».
RCIU : PAG associé à des arguments en faveur d’un défaut de croissance pathologique ou défaut de croissance avec poids proche du 10e percentile (sans PAG)
Causes
Les causes des RCIU relèvent de l’enseignement du Collège d’obstétrique.
3 Complications
Principales complications néonatales :
*asphyxie périnatale, par moins bonne tolérance des contractions utérines (risque d’encéphalopathie anoxo-ischémique et d’inhalation de liquide amniotique méconial);
*hypothermie et troubles métaboliques (hypoglycémie, hypocalcémie) par insuffisance de réserves;
*polyglobulie (risque augmenté de thrombose vasculaire et d’ictère), secondaire à l’hypoxie fœtale chronique;
*surmortalité et augmentation du risque de morbidité respiratoire et digestive (ECUN) en cas de prématurité associée.
À long terme :
*augmentation du risque de troubles du neurodéveloppement, surtout en cas de mauvaise croissance du périmètre crânien;
*absence de rattrapage de croissance et retard de croissance persistant (10 à 15 %);
*augmentation du risque de syndrome métabolique (diabète, obésité) et d’HTA à l’âge adulte.
4 Prise en charge, suivi, facteurs pronostiques
Éléments de prise en charge à la naissance
La prise en charge d’un nouveau-né PAG non prématuré comporte des mesures de prévention de l’hypothermie (mise en incubateur) et de l’hypoglycémie (nutrition entérale précoce, éventuellement complétée par voie intraveineuse).
Suivi
Les modalités de suivi à distance sont proches de celles des prématurés.
La surveillance de la croissance staturo-pondérale est essentielle et repose sur l’analyse des courbes (carnet de santé). Le rattrapage staturo-pondéral est habituel avant la fin de la deuxième année de vie, avec une croissance rapide du PC. Les enfants présentant un retard statural persistant peuvent bénéficier d’un traitement par hormone de croissance.
Principaux facteurs pronostiques
Les principaux facteurs pronostiques associés à un risque de morbidité et de séquelles neurodéveloppementales accru sont la prématurité associée, un retard de croissance de la taille et du périmètre crânien associé, certaines complications néonatales (asphyxie, hypoglycémie), certaines causes de RCIU (causes génétiques, infectieuses, alcoolisation fœtale), des anomalies de la croissance postnatale (périmètre crânien avant tout, mais aussi poids).
Le RCIU expose le nouveau-né à une mortalité et à une morbidité respiratoire, digestive et neurologique accrues, et à l’augmentation du risque de syndrome métabolique et de maladies cardiovasculaires à l’âge adulte.
C Situations à risque liées à des pathologies maternelles
1 Diabète au cours de la grossesse
Diabète préalable à la grossesse
Le diabète expose à des risques fœtaux et néonatals nombreux.
L’hyperglycémie maternelle périconC-9782294779831eptionnelle et pendant le premier trimestre de grossesse majore le risque de malformations congénitales graves, qui touchent électivement le SNC, le cœur et le squelette. Le risque de prématurité et de mort fœtale in utero est augmenté.
Le fœtus est exposé à un risque de macrosomie (poids > + 2 DS) (fig. 44.16), plus fréquente en cas de mauvais équilibre du diabète en fin de grossesse. Celle-ci est responsable d’une augmentation du risque de complications obstétricales (dystocie des épaules, lésions du plexus brachial, fracture, asphyxie périnatale).Au cours des premiers jours de vie, le nouveau-né est exposé à un risque élevé d’hypoglycémie néonatale par hyperinsulinisme, d’hypocalcémie, de polyglobulie et d’ictère. Il peut présenter une cardiomyopathie hypertrophique, parfois responsable d’une insuffisance cardiaque. Enfin, le risque de détresse respiratoire, notamment de MMH, est augmenté.
À long terme, l’enfant est exposé à un risque accru d’obésité et d’intolérance au glucose.
La prise en charge de la grossesse est multidisciplinaire, et impose de la programmer afin d’obtenir une normoglycémie en période périconC-9782294779831eptionnelle.
Régime, insulinothérapie (contre-indication des antidiabétiques oraux) et autosurveillance des objectifs glycémiques constituent les points essentiels du traitement maternel.
Diabète gestationnel
Il s’agit d’un état d’intolérance au glucose survenant pendant la grossesse chez une femme sans antécédent de diabète préalablement.
Mal équilibré, il peut exposer aux mêmes complications qu’un diabète préalable à la grossesse, à l’exclusion des malformations congénitales (sa survenue est postérieure aux étapes d’organogenèse).
Nouveau-né de mère diabétique : risque majoré de malformations, de macrosomie, de complications obstétricales, d’hypoglycémie, d’hypocalcémie, de cardiomyopathie hypertrophique, de polyglobulie et d’ictère. Tout diabète pendant la grossesse doit faire l’objet d’une prise en charge rigoureuse visant à atteindre le meilleur équilibre glycémique possible.
Herpès génital au cours de la grossesse
Définition et épidémiologie
Un herpès génital maternel doit faire craindre un herpès néonatal, mais ce dernier survient le plus souvent en l’absence d’antécédent, la primo-infection maternelle étant souvent asymptomatique.
L’herpès néonatal est rare mais grave (risque de séquelles neurosensorielles lourdes, décès).
Il s’agit d’une infection à HSV-2 le plus souvent, dont le mode de contamination le plus fréquent est le contact direct avec les sécrétions cervicovaginales maternelles à l’accouchement (autres modes plus rares : passage transplacentaire in utero, période postnatale).
Le risque de contamination est maximal en cas de lésion maternelle évolutive : primo-infection dans le mois précédant l’accouchement, récurrence dans les 7 jours précédant l’accouchement.
Diagnostic
L’herpès néonatal se présente sous trois formes cliniques principales de gravité croissante : cutanéomuqueuse, neurologique, et systémique.
Chez un nouveau-né asymptomatique à la naissance, les signes cliniques sont retardés (entre le 5e et le 12e jour de vie).
La forme cutanéomuqueuse se traduit par une éruption cutanée vésiculopustuleuse, des ulcérations de la muqueuse buccale et une kératoconjonctivite.
La forme neurologique est responsable d’un tableau de méningo-encéphalite, avec des troubles du comportement, des convulsions, et une méningite lymphocytaire.
La forme systémique, de gravité extrême, se traduit par un tableau d’infection sévère avec atteinte multiviscérale notamment hépatique, cardiaque, neurologique et cutanée.
Il est impératif d’assurer la preuve d’une suspicion clinique d’herpès génital en cours de grossesse par des examens virologiques (culture).
La constatation en début de travail de lésions évocatrices d’herpès chez la mère doit conduire à des prélèvements chez elle (lésions cervicovaginales) et chez le nouveau-né (prélèvements oculaires et pharyngés à J2 et J3 de vie) pour détection d’antigènes (immunofluorescence) et/ou culture.
Chez le nouveau-né suspect d’atteinte herpétique, le diagnostic repose sur la mise en évidence du génome viral par PCR dans le LCS et le sang, associée au dosage d’interféron α.
Les sérologies herpétiques ne sont d’aucune utilité.
Prise en charge
En cas de primo-infection maternelle ou de récurrence pendant la grossesse, la prévention de la transmission à l’enfant repose sur un traitement maternel par aciclovir ou valaciclovir, associé une désinfection oculaire chez le nouveau-né (aciclovir en collyre).
Une césarienne est recommandée en cas de lésions herpétiques maternelles au début du travail, et discutée en cas de primo-infection datant de moins de 1 mois ou de récurrence datant de moins de 1 semaine avant l’accouchement.
En cas de suspicion d’herpès néonatal, la gravité et les risques élevés de mortalité ou de séquelles neurologiques imposent d’instaurer un traitement précoce par aciclovir IV sans attendre la confirmation virologique.
Herpès maternel à risque : primo-infection < 1 mois, récurrence < 1 semaine avant l’accouchement.
Herpès néonatal clinique ou simple suspicion : aciclovir IV en urgence chez le nouveau-né.
3 Sérologies VHB, VIH positives chez la mère
Sérologie VHB positive
Environ 1 % des femmes enceintes sont atteintes d’hépatite B.
Le dépistage (recherche d’antigènes HBs) est obligatoire au 6e mois de grossesse.
La transmission à l’enfant survient à l’accouchement essentiellement (contact avec du sang maternel). Il n’y a pas d’embryofœtopathie. En cas d’infection, 80 à 90 % des nouveau-nés développent une hépatite B chronique.
Ce n’est pas une cause d’ictère néonatal, compte tenu du délai d’incubation de l’hépatite B.
Le risque de transmission à l’enfant, élevé en l’absence de mesures préventives, est augmenté en cas de positivité de l’antigène HBe avec ADN VHB détectable chez la mère.
La prévention de la transmission à l’enfant repose sur une sérovaccination dès la naissance, avant H12 de vie : administration intramusculaire d’immunoglobulines anti-HBs et 1re dose de vaccin contre le VHB. Le schéma vaccinal doit ensuite être poursuivi, avec une injection à 1 et 6 mois de vie. L’efficacité de ces mesures de prévention doit être évaluée par la recherche de l’antigène HBs et le titrage des anticorps anti-HBs à partir de l’âge de 9 mois, et si possible 1 à 4 mois après la dernière dose vaccinale.
Le VHB est excrété dans le lait maternel mais l’allaitement maternel est autorisé après sérovaccination car l’enfant est protégé.
Sérologie VIH positive
Environ 1 400 grossesses par an de femmes vivant avec le VIH sont menées à terme en France.
Le dépistage du VIH chez la femme enceinte n’est pas obligatoire, mais systématiquement proposé lors de la première consultation obstétricale ainsi qu’au troisième trimestre de grossesse en cas de facteur de risque et/ou si une autre IST coexiste.
Cette situation expose le nouveau-né au risque de contamination, notamment en fin de grossesse et surtout au cours de l’accouchement en l’absence de traitement antirétro viral de la mère. La transmission est possible au cours de l’allaitement maternel. Il n’y a pas d’embryofœtopathie.
Le traitement préventif de la transmission mère-enfant (PTME) a pour objectif d’éviter la transmission du VIH. Un traitement antirétroviral pendant toute la durée de la grossesse permet un contrôle précoce de la charge virale maternelle, qui doit être indétectable au moment de l’accouchement. Le risque global de transmission mère-enfant du VIH-1 est de 0,6 % lorsque la charge virale maternelle à l’accouchement est inférieure à 50 copies/ml. Plus le traitement est débuté précocement, plus ce risque est faible. Il est à 0 % quand la mère est traitée depuis la conception.
La PTME est poursuivie chez le nouveau-né par un traitement prophylactique postnatal comportant de la névirapine per os pendant 15 jours. Certaines situations à risque de transmission mère-enfant élevé (absence de traitement maternel durant la grossesse, charge virale élevée de la mère à l’accouchement, durée de traitement courte pendant la grossesse) peuvent nécessiter un traitement prophylactique postnatal renforcé (trithérapie).
L’allaitement maternel n’est jusqu’à présent pas recommandé en France. Cette recommandation est amenée à évoluer dans certaines situations de faible risque d’infection et de possibilité d’un suivi étroit.
L’absence d’infection par le VIH est confirmée si deux prélèvements (charge virale ARN VIH plasmatique) sont négatifs en dehors de la période de prophylaxie, en général observée vers l’âge de 3 mois.
Le calendrier vaccinal est débuté sans délai dans les premiers mois de vie, à l’exception du BCG (vaccin vivant) qui doit être reporté jusqu’à confirmation de l’absence d’infection.
VHB : sérovaccination contre l’hépatite B dès la naissance.
VIH : névirapine prophylactique dès la naissance.
4 Séroconversions maternelles pendant la grossesse
Toxoplasmose
Près de 50 % des femmes enceintes ne sont pas immunisées contre la toxoplasmose.
Environ 1 à 2 % font une primo-infection au cours de la grossesse. Celle-ci expose l’enfant au risque de toxoplasmose congénitale par passage transplacentaire de Toxoplasma gondii. L’atteinte fœtale est d’autant plus sévère que la primo-infection est précoce (premier trimestre : tératogenèse, avortement spontané), mais d’autant plus fréquente que la primo-infection est tardive.
La toxoplasmose congénitale se manifeste par une atteinte neuro-oculaire prédominante (microcéphalie, hydrocéphalie obstructive, calcifications intracrâniennes, choriorétinite). Elle peut être asymptomatique (et diagnostiquée au fond d’œil et à l’échographie transfontanellaire à la naissance).
Le dépistage du statut sérologique est obligatoire lors de la première consultation prénatale, puis tous les mois jusqu’à l’accouchement en cas de sérologie négative.
Des recommandations hygiéno-diététiques (consommation de viande bien cuite, lavage des légumes et fruits consommés crus, éviction du contact avec les chats) sont proposées pour limiter le risque de séroconversion. Il n’existe pas de vaccin contre la toxoplasmose.
La prise en charge en cas de primo-infection maternelle confirmée (séroconversion) repose actuellement sur le traitement prophylactique systématique de la mère par spiramycine en attendant les résultats du diagnostic de contamination fœtale (efficacité contestée).
Le diagnostic d’atteinte fœtale est possible par amniocentèse à partir de 18 SA et 4 semaines après la date d’infection maternelle, estimée à mi-temps entre la dernière sérologie négative et la première positive et seulement si la séroconversion est confirmée avec apparition d’IgG spécifiques.
En cas de toxoplasmose congénitale prouvée (amniocentèse positive), la spiramycine est remplacée par un traitement parasiticide (pyriméthamine et sulfadiazine associées à de l’acide folinique), poursuivi jusqu’à l’accouchement. Un suivi échographique bimensuel permet de déceler les signes de fœtopathie dont la présence fait discuter une interruption médicale de grossesse. Si la grossesse est poursuivie, le nouveau-né doit recevoir un traitement curatif pendant au moins 1 an.
En l’absence de preuve de toxoplasmose congénitale (amniocentèse négative), le traitement prophylactique maternel est maintenu jusqu’à la fin de la grossesse (risque de faux négatifs de l’amniocentèse), avec un suivi échographique mensuel.
Dans tous les cas, un suivi postnatal (neurologique, ophtalmologique) est indispensable.
Rougeole
La survenue d’une rougeole chez une femme enceinte expose à une rougeole congénitale, pouvant être sévère, avec une mortalité néonatale qui était élevée avant la généralisation des immunoglobulines et l’usage des antibiotiques (pneumopathies bactériennes de surinfection).
Elle est associée à un risque accru de panencéphalite subaiguë sclérosante de survenue précoce (avant 2 ans) et d’évolution fulminante. Le risque de rougeole congénitale est maximal quand l’éruption maternelle survient dans les 10 jours précédant l’accouchement.
Chez le nouveau-né, la prévention de la rougeole congénitale et de ses complications repose sur l’administration d’immunoglobulines polyvalentes intraveineuses dès la naissance, sauf si la mère a débuté son éruption rougeoleuse plus de 10 jours avant l’accouchement.
Rubéole
Environ 10 % des femmes enceintes ne sont pas immunisées contre la rubéole. On compte moins de 40 cas par an en France de rubéole pendant la grossesse.
Le dépistage du statut sérologique de toute femme enceinte est obligatoire lors de la première consultation, avec un contrôle vers 20 SA en cas de sérologie négative.
Le risque d’atteinte fœtale par passage viral transplacentaire est important en cas de rubéole maternelle avant 18 SA.
La rubéole congénitale est une embryofœtopathie associant un RCIU et une atteinte neurosensorielle (surdité, microcéphalie, retard psychomoteur), cardiaque (malformations) et oculaire (microphtalmie, cataracte, rétinite).
En cas de séroconversion maternelle, le diagnostic anténatal de rubéole congénitale par amniocentèse au moins 4 semaines après la séroconversion est possible.
Il n’existe pas de traitement. Seule une surveillance échographique mensuelle à la recherche d’anomalies évocatrices est mise en place.
Une atteinte fœtale peut faire l’objet d’une autorisation d’IMG.
La prévention repose sur la vaccination des femmes non immunisées en âge de procréer et celle des enfants dans le cadre du calendrier vaccinal. Une femme enceinte séronégative devra être vaccinée en post-partum (le vaccin vivant atténué est contre-indiqué au cours de la grossesse).
CMV
CMV
Une infection congénitale à CMV après séroconversion maternelle concerne 0,7 % des naissances vivantes.
Le dépistage du statut sérologique n’est pas obligatoire.
Environ 15 à 20 % des enfants infectés développent des séquelles neurodéveloppementales à long terme, avec notamment un risque de surdité (voir chapitre 4) et de déficit cognitif. Une séroconversion en périconC-9782294779831eptionnel ou pendant le premier trimestre et la présence d’anomalies cérébrales sévères à l’échographie anténatale sont de mauvais pronostic.
Le suivi postnatal des enfants atteints est prolongé (neurodéveloppement, audition); un traitement par valganciclovir est indiqué dans certains cas.
Varicelle
Environ 5 % des femmes enceintes ne sont pas immunisées contre la varicelle. On compte environ 700 cas par an en France de varicelle en cours de grossesse.
Le dépistage du statut sérologique n’est pas obligatoire.
Le diagnostic de varicelle maternelle est posé devant une éruption vésiculeuse prurigineuse avec éléments d’âges différents (voir chapitre 38).
Le risque pour le fœtus dépend du terme à la primo-infection maternelle. Avant 20 SA, le risque est celui d’une varicelle congénitale (2 %), de pronostic sévère, associant un RCIU et une atteinte cutanée, oculaire, neurologique et squelettique. Après 20 SA, le risque d’embryofœtopathie est faible.
En cas de varicelle maternelle en fin de grossesse, dans les 5 jours précédant ou les 3 jours suivant l’accouchement, le risque est celui d’une varicelle néonatale, mortelle dans 20 à 30 % des cas. Celle-ci, survenant entre le 5e et le 10e jour de vie, associe une éruption cutanée généralisée, volontiers ulcéronécrotique ou hémorragique, et une atteinte pulmonaire et neurologique (méningo-encéphalite).
La prise en charge d’une femme enceinte en contact avec un sujet varicelleux repose sur la vérification de son statut immunitaire (anamnèse, IgG anti-varicelle).
En cas de séronégativité, l’administration IV d’immunoglobulines spécifiques anti-VZV est recommandée. La vaccination contre VZV est contre-indiquée chez la femme enceinte.
En cas de varicelle maternelle survenant entre 5 jours avant l’accouchement et 2 jours après celui-ci, la prophylaxie de la varicelle chez le nouveau-né repose sur l’administration IV d’immunoglobulines spécifiques anti-VZV et un traitement par aciclovir IV.
Toxoplasme et rubéole : suivi sérologique en cas de séronégativité maternelle.
Varicelle maternelle per-partum : administration d’immunoglobulines anti-VZV chez la mère et traitement du nouveau-né par immunoglobulines anti-VZV et aciclovir IV en prophylaxie.
Infections bactériennes néonatales
1 Définitions
Anciennement dénommées infections maternofœtales (IMF), les infections néonatales bactériennes précoces (INBP) consistent en une transmission verticale de l’infection bactérienne entre la mère et son enfant. Elles sont le plus souvent prénatales. La contamination se fait rarement par voie hématogène transplacentaire (Listeria). Les INBP sont le plus souvent d’origine ascendante à partir des voies génitales colonisées par un agent infectieux pathogène, avec ou sans rupture de la poche des eaux, et souvent associées à des lésions de chorioamniotite clinique et/ou histologique. Elles surviennent dans les 7 premiers jours de vie, le plus souvent dans les 48 premières heures. Les deux bactéries les plus fréquents des INBP sont le streptocoque du groupe B (Streptococcus agalactiae, SGB) et Escherichia coli.
2 Diagnostic d’infection néonatale bactérienne précoce
Enquête clinique
Données anamnestiques
Les informations concernant la grossesse ou l’accouchement sont essentielles.
Le dépistage systématique du portage vaginal de SGB (prévalence d’environ 10 %) est recommandé à partir du terme de 34 SA.
Les facteurs de risque anténatals associés à une augmentation du risque de développer une INBP sont :
*un antécédent d’infection néonatale à SGB lors d’une précédente grossesse;
*une colonisation maternelle à SGB durant la grossesse actuelle (PV de dépistage de SGB positif soit par culture, soit par PCR rapide en per-partum, et/ou bactériurie à SGB);
*la prématurité (dès < 37 SA);
*la rupture prolongée des membranes amniotiques (dès 12 heures de rupture);
*la fièvre maternelle > 38 °C en per-partum ou dans les 2 heures suivant l’accouchement (marqueur indirect de chorioamniotite dont la définition n’est pas consensuelle selon qu’il s’agit d’une définition clinique, microbiologique ou histologique).
Une antibioprophylaxie maternelle per-partum est recommandée dans les situations précédentes.
Le pédiatre doit s’assurer des indications et du caractère adéquat de cette antibioprophylaxie per-partum (ou de l’antibiothérapie maternelle) afin d’apprécier le niveau de risque d’INBP.
Les critères d’une antibioprophylaxie per-partum adéquate sont les suivants : l’antibiothérapie maternelle doit avoir été administrée par voie parentérale (IV), plus de 4 heures avant la naissance, en utilisant la pénicilline G, l’ampicilline ou l’amoxicilline, ou la céfazoline.
En cas d’antibioprophylaxie per-partum inadéquate ou de fièvre maternelle per-partum ou dans les 2 heures après l’accouchement, le nouveau-né doit bénéficier d’une surveillance clinique spécifique de 48 heures en maternité.
Évaluation clinique
Il n’existe pas de signe clinique spécifique de l’INBP, ce qui constitue une difficulté diagnostique majeure. Les symptômes possibles sont nombreux, mais rarement tous réunis. Chacun d’entre eux doit attirer l’attention, en particulier la fièvre qui ne doit jamais être banalisée à cet âge.
A Signes cliniques pouvant faire évoquer une INBP :
*signes généraux : fièvre (température ≥ 38 °C) ou hypothermie (température < 36 °C);
*signes respiratoires : détresse respiratoire (geignement, battement des ailes du nez, signes de rétraction) et tachypnée (FR > 60/min) d’emblée ou qui apparaissent après 4 heures de vie, apnée;
*signes hémodynamiques : tachycardie (> 160 bpm) ou bradycardie (< 100 bpm), signes de choc (augmentation du TRC, pâleur, hypotension artérielle, oligurie);
*signes neurologiques : somnolence, irritabilité, hypotonie, convulsions;
*signes digestifs : refus de boire, vomissements.
La majorité de ces signes cliniques ne sont pas spécifiques d’une infection, néanmoins leur présence dans les 48 premières heures de vie doit faire évoquer une INBP.
Le sepsis néonatal ne constitue pas la présentation clinique la plus fréquente de l’INBP.
Il est défini par la présence d’au moins deux critères parmi les quatre suivants :
*température > 38,5 °C ou < 36,0 °C;
*tachycardie (> 180/min) ou bradycardie (< 100/min);
*FR > 50/min ou nécessité de ventilation mécanique;
*leucocytose > 34 000/mm3.
Parmi les deux critères retenus, un doit être la température anormale ou l’hyperleucocytose.
Enquête paraclinique
Le diagnostic de certitude repose sur l’identification d’une bactérie pathogène dans le sang (hémoculture) ou le LCS.
La réalisation d’une hémoculture est recommandée pour tout nouveau-né qui présente des signes cliniques d’INBP ou de sepsis avant l’instauration d’une antibiothérapie probabiliste. Parce que la sensibilité des hémocultures est médiocre à cet âge, il est recommandé d’ensemencer 2 ml de sang (1 ml minimum) systématiquement avant toute antibiothérapie.
La ponction lombaire est indiquée chez un nouveau-né avec altération de l’état général ou signes cliniques neurologiques ou de sepsis néonatal et dont l’état clinique est compatible avec la réalisation du geste.
Une PL est également indiquée en cas d’hémoculture positive à un germe pathogène ou en cas de réponse partielle ou en l’absence d’amélioration clinique 48 heures après le début du traitement antibiotique.
Les autres examens complémentaires servent à étayer la probabilité d’une infection.
Un dosage de CRP peut être pratiqué à distance de la naissance (H12 ou H24) compte tenu de la cinétique retardée par rapport au début de l’infection. L’intérêt de la procalcitonine dosée au sang du cordon est en cours d’évaluation.
La réalisation d’une NFS n’est plus recommandée systématiquement du fait de sa valeur diagnostique médiocre.
L’ECBU n’est pas utile dans les premiers jours de vie mais uniquement en cas de suspicion d’infection néonatale bactérienne tardive (après J7).
Les prélèvements périphériques (gastriques et orificiels) ne sont plus recommandés.
3 Prise en charge en cas de suspicion d’INBP
Quand l’enfant est symptomatique, une antibiothérapie probabiliste par voie IV doit être administrée en urgence (dans l’heure) après bilan clinique, biologique et bactériologique.
Si un nouveau-né est asymptomatique, les indications d’antibiothérapie doivent être exceptionnelles. Ces nouveau-nés doivent faire l’objet d’une surveillance clinique codifiée et adaptée à leur niveau de risque infectieux en maternité.
L’infection bactérienne néonatale doit être suspectée sur des critères cliniques, éventuellement confortée par certaines données biologiques (CRP) et affirmée par les examens bactériologiques les plus utiles.
Détresses respiratoires
1 Caractériser la détresse respiratoire
Signes à rechercher chez le nouveau-né :
*polypnée : FR > 60/min;
*signes de lutte respiratoire : intensité appréciée par le score de Silverman (tableau 44.6);
*cyanose : généralisée, intense ou modérée (en général reconnue pour une SpO2 < 85 %); une cyanose réfractaire, sans détresse respiratoire associée, doit faire évoquer soit une cardiopathie cyanogène soit une hypertension pulmonaire;
*signes de gravité : pauses respiratoires (épuisement), troubles hémodynamiques.
Score de Silverman (nouveau-né) : BAN, BAT, TIC, entonnoir xiphoïdien, geignement expiratoire.
2 Synthèse des causes médicales de détresse respiratoire
Elle est proposée dans le tableau 44.7.
Tableau 44.7
C Synthèse des principales causes médicales de détresse respiratoire.
Retard de résorption du liquide pulmonaire Inhalation méconiale Infection néonatale Maladie des membranes hyalines (MMH)
Contexte Césarienne (surtout avant travail) Nouveau-né à terme ou post-terme Liquide amniotique méconial Asphyxie périnatale Facteurs de risque d’INBP Prématurité (< 32 SA) Absence de corticothérapie anténatale Parfois diabète maternel
Clinique Détresse respiratoire immédiate s’améliorant progressivement en quelques heures Polypnée prédominante Détresse respiratoire immédiate, d’évolution potentiellement grave Non spécifique Détresse respiratoire apparue très rapidement après la naissance et d’aggravation progressive
Radio du thorax Syndrome interstitiel Scissurite Épanchement interlobaire Opacités alvéolaires grossières, asymétriques Troubles de ventilation ± Opacités alvéolaires irrégulières Syndrome alvéolaire bilatéral
Gaz du sang Normaux Hypoxie, hypercapnie Variables Hypoxie, hypercapnie
Traitement PEP par canules nasales Rarement ventilation mécanique avec PEP Ventilation mécanique avec PEP Antibiothérapie Soutien ventilatoire adapté Surfactant exogène Ventilation non invasive (PEP) de préférence; ventilation mécanique parfois nécessaire
Pronostic Excellent Celui de l’asphyxie périnatale Celui de l’infection Celui de la prématurité Dysplasie bronchopulmonaire
PEP : pression expiratoire positive.
Trois causes principales de détresse respiratoire néonatale : retard de résorption du liquide pulmonaire, maladie des membranes hyalines, inhalation de liquide amniotique méconial.
Toujours évoquer une infection.
Avant de commencer…
L’ictère néonatal est un signe clinique fréquent chez le nouveau-né.
Souvent d’évolution bénigne, il doit cependant être suivi de façon attentive.
Les indices anamnestiques et cliniques devant faire suspecter un ictère pathologique sont :
*âge gestationnel < 37 SA;
*situations d’incompatibilité ABO, RAI maternelles positives, hémolyse familiale;
*antécédent d’ictère traité dans la fratrie;
*survenue précoce avant 24 heures de vie;
*signes d’hémolyse (syndrome anémique, hépatomégalie, splénomégalie, ecchymoses et hématomes);
*perte pondérale > 8 %;
*signes de cholestase (hépatomégalie, selles décolorées, urines foncées);
*durée supérieure à 10 jours;
*examen neurologique anormal.
Les examens complémentaires pertinents sont fonction :
*de la sévérité redoutée en cas de valeur très élevée de bilirubinémie libre;
*de la cause suspectée.
Diagnostiquer un ictère néonatal
A Identifier un ictère
1 Suspicion clinique
L’ictère est une coloration jaune de la peau et des conjonctives (fig. 45.1).Il s’agit de la traduction clinique d’une concentration sanguine élevée de bilirubine.
Il doit être recherché à chaque examen clinique dès les premiers jours de vie à la maternité ou lors des premières consultations de suivi médical.
L’enfant doit être totalement déshabillé et observé à la lumière naturelle. Chez les nouveaunés à peau pigmentée, le dépistage est plus difficile et l’étude des conjonctives alors très informative.
Ictère du nouveau-né : fréquent, souvent bénin, mais à ne jamais négliger.2 Confirmation diagnostique
La détection clinique de l’ictère par l’inspection n’est pas suffisamment sensible. Son intensité et sa sévérité sont parfois sous-estimées par l’examen.
En maternité, le dépistage de l’ictère est assuré par un bilirubinomètre transcutané.
Cet appareil, appliqué sur le front et le sternum du nouveau-né, estime, par mesure optique, la concentration de bilirubine totale. La mesure doit être effectuée au moins une fois par jour à la maternité. Lorsque la bilirubine transcutanée est élevée, un dosage sanguin de la bilirubine, méthode de mesure de référence diagnostique, doit être effectué.
En pratique, un ictère doit être exploré par un bilan sanguin en cas de :
*facteurs de risque d’infection néonatale;
*terrain favorisant une hyperbilirubinémie libre prolongée ou récidivante (prématurité);
*bilirubine transcutanée élevée d’après les courbes de référence;
*signes fonctionnels ou d’examen orientant vers un ictère pathologique (voir infra);
*prolongation anormale au-delà de 10 jours de vie chez l’enfant né à terme, ou 2e semaine de vie chez le prématuré (y compris si allaitement maternel).
Connaître les circonstances où le dosage biologique de la bilirubine est indiqué.
Conduire l’enquête diagnostique
1 Identifier les situations d’urgence
Schématiquement, il faut distinguer :
*les ictères « bénins » (par ailleurs à bilirubine libre) : ictère simple, ictère au lait de mère;
*les ictères « pathologiques » : à bilirubine libre ou à bilirubine conjuguée.
Deux types d’urgence sont à identifier :
*urgence symptomatique de l’ictère à bilirubine libre : encéphalopathie hyperbilirubinémique (ictère nucléaire);
*urgence liée à la cause : allo-immunisation érythrocytaire maternofœtale (ictère à bilirubine libre), atrésie des voies biliaires (ictère à bilirubine conjuguée).
Il faut aussi savoir reconnaître les situations augmentant le risque d’ictère nucléaire :
*prématurité, jeÛne, médicaments fixés à l’albumine (aminosides);
*infection, acidose, hypoxie, hypothermie, hypoglycémie;
*déshydratation, hypo-osmolarité, hypoalbuminémie.
Les signes orientant vers un ictère pathologique sont présentés dans le tableau 45.1.
Tableau 45.1
Principaux signes orientant vers un ictère pathologique.
Anamnestiques
–Âge gestationnel < 37 SA
–Situation d’incompatibilité ABO
–RAI maternelles positives
–Hémolyse familiale
–Antécédent d’ictère traité dans la fratrie
–Origine géographique des parents ou grands-parents : Asie, Afrique, Antilles
–Survenue précoce de l’ictère avant 24 h de vie (fréquente au cours d’une hémolyse par allo-immunisation érythrocytaire maternofœtale)
–Durée de l’ictère supérieure à 10 jours
Examen physique
–Retentissement sur l’état général, perte pondérale > 8 %
–Bosse sérosanguine, ecchymoses, hématomes
–Intensité de l’ictère, s’étendant jusqu’aux plantes de pied
–Anomalies de l’examen neurologique
–Signes d’hémolyse : syndrome anémique, splénomégalie, hépatomégalie
–Signes de cholestase : hépatomégalie, urines foncées et selles décolorées (en cas d’obstacle complet sur les voies biliaires extrahépatiques)
La décoloration progressive des selles doit alerter car elle témoigne d’une cholestase.
Des repères colorimétriques des selles aident au repérage de ce signe et sont disponibles dans le carnet de santé ou sur le site de l’Association Maladies Foie Enfants (fig. 45.2).
Connaître les principaux signes orientant vers un ictère pathologique.
Identifier les urgences : survenue précoce, syndrome anémique, selles décolorées.
Connaître la stratégie diagnostique
Enquête paraclinique
Confirmer et évaluer quantitativement l’hyperbilirubinémie :
*bilirubinémie totale (calcul de la bilirubine libre);
*bilirubine conjuguée (chez le nouveau-né, sa valeur ne doit s’interpréter qu’avec la clinique : foie, couleur des selles et des urines);
En cas d’ictère à bilirubine libre : éliminer une allo-immunisation érythrocytaire maternofœtale (ictère précoce, signes d’hémolyse) :
*NFS, réticulocytes;
*groupe sanguin de l’enfant et de sa mère;
*Coombs direct;
*NB : le dosage de l’haptoglobine n’a aucun intérêt chez le nouveau-né, car elle est toujours basse en raison de l’hémolyse physiologique.
Écarter certaines causes infectieuses (systématique) :
*données bactériologiques maternelles;
*CRP;
*hémoculture;
*ECBU (ictère au-delà de J7).
En cas d’ictère à bilirubine conjuguée :
*bilan hépatique : PAL et γGT, transaminases, facteurs de l’hémostase;
*échographie abdominale :
–obstacle et/ou dilatation des voies biliaires → évoquer une cholestase extrahépatique; – absence de vésicule biliaire (élément d’orientation) → évoquer une atrésie des voies biliaires.
Selon le contexte (plus rare) :
*dosages enzymatiques : G6PD, pyruvate kinase;
*bilan thyroïdien : TSH, T4.
Bilan de première intention en cas d’ictère néonatal : bilirubinémie, NFS et réticulocytes, groupe sanguin et Coombs, CRP ± ECBU (après J7).
Principales causes
L’arbre diagnostique (fig. 45.3) synthétise les principales causes d’ictère néonatal.
Connaître les principes de la prise en charge
A Rationnel
La prise en charge fait appel :
*au traitement étiologique éventuel d’un ictère pathologique (voir § IV.B. Ictères pathologiques);
*au traitement symptomatique d’un ictère sévère à bilirubine libre (photothérapie);
*à la planification du suivi : surveillance clinique (neurologique, syndrome anémique…) et paraclinique (bilirubine, hémoglobine…).
B Principes de la photothérapie
L’utilisation d’abaques permet d’évaluer le risque d’ictère nucléaire en fonction de l’âge gestationnel et l’âge postnatal, le poids, et l’évolution de la courbe de bilirubine; ainsi que d’entreprendre des mesures thérapeutiques et/ou de surveillance éventuelles.
La photothérapie est le traitement de base des ictères à bilirubine libre dont l’intensité laisse craindre un risque d’ictère nucléaire (fig. 45.4).L’exposition à la lumière bleue permet de convertir la bilirubine en produits de dégradation hydrosolubles éliminables par voie rénale. Les complications de cette technique doivent être prévenues : hyperthermie et déshydratation (température, surveillance cardiorespiratoire, allaitement ou biberon de lait toutes les 3 heures), conséquences oculaires (port de lunettes) et gonadiques (protection par la couche).
En cas d’ictère à bilirubine libre très sévère, une exsanguinotransfusion peut être nécessaire, dont les indications sont devenues rares.
Des perfusions d’albumine peuvent compléter la photothérapie chez des enfants vulnérables (hypotrophie, prématurité, acidose, déshydratation, polymédication pouvant interférer avec la liaison bilirubine-albumine) ou dans l’attente d’une exsanguinotransfusion.
Les immunoglobulines polyvalentes IV sont recommandées comme adjuvant à la photothérapie intensive en cas d’ictère lié à une allo-immunisation maternofœtale rhésus ou ABO documentée.
Photothérapie = traitement symptomatique de l’ictère sévère à bilirubine libre.
Points clés à propos de certaines causes
A Ictères bénins
1 Ictère simple
L’ictère simple (anciennement ictère physiologique) est l’ictère néonatal le plus fréquent.
Il concerne 30 à 50 % des nouveau-nés sains, et est lié à un défaut physiologique néonatal de maturité de la glycuroconjugaison de la bilirubine.
Caractéristiques :
*début après 24 heures de vie;
*isolé (examen clinique strictement normal);
*valeurs de bilirubine transcutanée restant modérées d’après les courbes de références;
*décroissance vers J5-J6 de vie.
La disparition de l’ictère est spontanée, souvent avant J10 de vie, sans risque séquellaire.
Il convient d’être particulièrement vigilant chez le prématuré pour lequel l’ictère est plus fréquent, plus prolongé, et plus intense, avec un risque neurologique plus élevé. Cette sévérité est liée à l’immaturité hépatique, à une concentration basse d’albumine, à une perméabilité élevée de la barrière hématocérébrale, et à un seuil de toxicité de bilirubine libre plus bas.
2 Ictère au lait de mère
L’ictère au lait de mère survient chez environ 3 % des enfants allaités.
Il concerne habituellement des nouveau-nés à terme bénéficiant dès les premiers jours de vie d’une lactation maternelle abondante, et est lié entre autres à l’activité lipoprotéine lipase importante du lait maternel entraînant une libération importante d’acides gras, responsables d’une inhibition de la glycuroconjugaison.
Caractéristiques :
*début vers J5-J6 de vie (ou faisant suite à un ictère simple);
*isolé (examen clinique strictement normal);
*valeurs de bilirubine transcutanée restant modérées d’après les courbes de références;
*persistance plusieurs semaines.
L’abstention thérapeutique est la règle (pas d’interruption de l’allaitement maternel). Les bénéfices de l’allaitement prédominent sur le préjudice d’une coloration ictérique prolongée.
La disparition de l’ictère survient entre 4 et 6 semaines après la naissance.
Deux causes bénignes d’ictères à bilirubine libre : ictère simple et ictère au lait de mère.
Comme toute cause fréquente et bénigne : diagnostics d’élimination.
Principaux ictères pathologiques à retenir
1 Hémolyses
Généralités
L’ictère par hyperhémolyse est la première cause d’ictère pathologique.
Il est lié à la production anormalement élevée de bilirubine, consécutive à la lyse des globules rouges.
Il répond à de nombreuses causes, notamment les allo-immunisations érythrocytaires maternofœtales et les hémolyses constitutionnelles. Les hémoglobinopathies (drépanocytose, thalassémie) ne se révèlent pas en période néonatale.
Caractéristiques :
*début précoce avant 24 heures de vie (le plus souvent);
*en cas d’hémolyse sévère : syndrome anémique, hépatosplénomégalie;
*valeurs de bilirubine sanguine supérieures au seuil de photothérapie sur les courbes;
*anémie (normo-)macrocytaire, hyper-réticulocytose.
Le risque d’ictère nucléaire est plus important.
Allo-immunisations érythrocytaires maternofœtales
L’allo-immunisation ABO est la plus fréquente actuellement.
Elle peut survenir lorsque la mère est de groupe O et le nouveau-né de groupe A ou B.
Le test de Coombs peut être négatif. Les anticorps maternels anti-A ou anti-B sont alors mis en évidence par élution.
L’allo-immunisation rhésus devient plus rare (prévention maternelle par immunoglobulines humaines anti-D (Rh)).
Elle survient lorsque la mère est rhésus négatif et le nouveau-né rhésus positif.
L’hémolyse est souvent très intense et débute pendant la grossesse.
Le test de Coombs est en général positif.
Hémolyses constitutionnelles
La sphérocytose héréditaire (maladie de Minkowski-Chauffard) est responsable d’une anémie hémolytique corpusculaire liée à une anomalie de membrane, de transmission autosomique dominante.
Le frottis sanguin met en évidence des globules rouges de forme sphérique.
Le déficit en G6PD peut induire une anémie hémolytique corpusculaire par déficit enzymatique, de transmission liée à l’X (expression chez tous les garçons atteints mais aussi chez certaines filles). Il concerne notamment les enfants originaires du pourtour méditerranéen et d’Afrique et d’Asie.
Le frottis sanguin met en évidence des corps de Heinz (hémoglobine non réduite ayant précipité); le dosage du G6PD à distance de toute transfusion confirme le diagnostic.
2 Infections
Il faut savoir évoquer le diagnostic d’infection néonatale, notamment l’infection à E. coli (voir chapitre 36), devant un ictère tardif à bilirubine conjuguée ou mixte – l’ictère est moins souvent un signe d’appel dans les INBP.
3 Atrésie des voies biliaires extra-hépatiques
L’atrésie des voies biliaires concerne environ 1 nouveau-né sur 10 000.
Le diagnostic doit être évoqué systématiquement devant l’apparition progressive d’un tableau de cholestase dans les jours ou semaines suivant la naissance : hépatomégalie ferme, urines foncées, selles décolorées (fig. 45.5). Ces signes doivent conduire sans délai à la réalisation d’une échographie hépatique et à solliciter un avis spécialisé.L’administration de vitamine K par voie parentérale est indispensable dès la constatation de ces signes, en raison du risque hémorragique relié à la cholestase.
Le pronostic (évolution vers la cirrhose) est conditionné par la précocité de l’intervention chirurgicale.
Urgences : allo-immunisations érythrocytaires maternofœtales (ictère à bilirubine libre); atrésie des voies biliaires (ictère à bilirubine conjuguée), infection postnatale tardive à E. coli (ictère à bilirubine conjuguée ou mixte)
Avant de commencer…
Les soins palliatifs sont définis comme des soins actifs et continus qui visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage dans un contexte où la survie ou la guérison ne sont plus l’objectif principal.
Ils constituent par eux-mêmes un projet de vie, qui peut être brève.
Les circonstances des soins palliatifs en anténatal puis en postnatal seront évoquées ainsi que les principes de prise en charge centrée sur l’enfant et sa famille.
Pour bien comprendre
Les soins palliatifs peuvent être définis comme des soins actifs et continus qui visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage.
La survie ou la guérison ne sont plus l’objectif principal : l’accompagnement priorise l’effacement des souffrances, en particulier le traitement de la douleur et de l’inconfort de l’enfant, et l’intégration dans une histoire familiale (préoccupations bien entendu déjà présentes lors d’une prise en charge intensive).
Les soins palliatifs constituent un projet de vie qui concerne toute la période qui suit la décision d’orientation vers des soins palliatifs.
II Circonstances des soins palliatifs en pé
I Circonstances des soins palliatifs en période périnatale
A En anténatal
En anténatal, la question des soins palliatifs concerne la prise en charge des extrêmes prématurés aux limites de la viabilité (entre 23 et 25 SA) et celle des enfants atteints de malformations fœtales incurables et d’une particulière gravité, lorsque les parents ne demandent pas d’interruption médicale de grossesse et souhaitent poursuivre la grossesse pour rencontrer leur enfant vivant.
Pour les prématurés aux limites de la viabilité, il est admis que les risques importants de mortalité et de morbidité à court et long termes présentés puissent faire envisager qu’une prise en charge intensive (de réanimation) constitue une obstination déraisonnable. En cas de menace sévère d’accouchement extrêmement prématuré (< 25 SA), la plupart des équipes discutent avec les parents de la possibilité d’une prise en charge palliative plutôt qu’une prise en charge active de réanimation.
Cette décision prise en anténatal peut évoluer avec le temps et lors de discussions ultérieures avec les parents avant l’accouchement, mais ensuite elle doit être respectée à la naissance.
Il est important de préciser que la décision est prise à un moment donné et que si la grossesse se poursuit, donc que la prématurité sort de ces limites de viabilité, la prise en charge sera identique à celle de tout grand prématuré.
Pour les fœtus présentant une malformation grave sans demande d’IMG, il convient d’informer les parents que la notion de malformation grave et incurable n’implique pas que celle-ci sera létale à court terme. Cela signifie que l’enfant peut vivre plusieurs jours, semaines voire années et que le projet de soins, même palliatif, doit chercher un équilibre entre soins invasifs et douloureux, et l’espoir d’une amélioration (qualité, confort de vie). Enfin, il convient de prévenir également qu’une réévaluation pronostique sera faite à la naissance.
Si l’enfant vit et peut sortir à domicile, le recours à une collaboration entre une équipe ressource de soins palliatifs pédiatriques et le réseau de santé périnatal est précieux.
Dans ces deux circonstances, une discussion approfondie doit avoir lieu avec les parents et aboutir à l’élaboration d’un projet de soins postnatal. La qualité des explications et des entretiens avec les parents est primordiale pour parvenir à une décision partagée. Les entretiens doivent être organisés, pluriprofessionnels et tracés dans le dossier.
B En postnatal
En postnatal, la question des soins palliatifs est posée lorsque, après une prise en charge intensive, l’état de l’enfant évolue soit vers une situation d’impasse thérapeutique; soit, circonstance plus fréquente, vers des lésions cérébrales graves qui semblent compromettre gravement le développement ultérieur, comme des lésions liées à la grande prématurité ou secondaires à une asphyxie périnatale. Dans ce cas, il s’agit d’arrêter ou de limiter les traitements de support vital et de réorienter la prise en charge vers des soins palliatifs.
Les règles établies par les lois Leonetti (2005) et Claeys-Leonetti (2016) sont applicables en néonatologie. En effet, si le fœtus n’a pas d’existence individuelle légale, le nouveau-né est une personne avec tous les droits qui s’y rattachent. La loi ne reconnaît que deux justifications à la limitation ou l’absence de mise en œuvre d’un traitement : le respect de la volonté du patient et le refus de l’obstination déraisonnable.
Seule cette dernière justification peut être invoquée devant l’incapacité du nouveau-né à s’exprimer; la loi prévoit que l’évaluation de ce qui est déraisonnable soit laissée au jugement du médecin. C’est à l’équipe médicale soignante qu’incombe la décision de limiter ou de suspendre les soins de support vital et elle ne peut reposer sur les parents. Une telle décision répond à plusieurs règles, parmi lesquelles le recueil de l’avis des parents, l’importance de la réunion collégiale, qui implique les soignants et un médecin extérieur à l’équipe, ainsi que l’information sur la décision prise, sa nature et ses motivations.
Enfin, même si la loi semble donner la prééminence au médecin pour la prise d’une telle décision, les équipes ne l’appliquent généralement pas si les parents s’y opposent. Des entretiens multiples avec les parents, en respectant leur temporalité, et un deuxième avis permettent souvent d’aboutir à une décision partagée, qui ne sera pas forcément une suspension des traitements de support vital mais un projet de soins proportionnés et non douloureux.
Principes de la prise en charge
Les principes qui guident ces soins sont la prise en charge de la douleur et de l’inconfort dans le meilleur environnement possible. Cela implique de penser ces soins comme centrés sur l’enfant et sa famille et de soutenir les parents dans des circonstances très difficiles pour eux.
Nous ne séparerons pas ici les soins palliatifs en salle de naissance et après.
Globalement, ces soins font appel à des stratégies environnementales et comportementales, en particulier la mise en peau à peau à la naissance et dans les bras des parents plus tard, et à des moyens pharmacologiques que sont l’utilisation d’anesthésiques et celle de sédatifs dont l’ajustement posologique doit reposer sur l’observation et l’utilisation d’échelles de douleur et d’inconfort adaptées au nouveau-né.
La place de la famille est essentielle pour l’accompagnement de l’enfant, sans que cela soit imposé. Il convient de prévoir un accompagnement ultérieur des parents, et parfois des fratries, car quel que soit l’âge auquel survient le décès (à la naissance ou plus tard), le deuil périnatal est une expérience extrêmement traumatique, en particulier parce que la mort de l’enfant avant ses parents porte atteinte à l’ordre des générations et parce que la mort survient au moment du renouvellement de la vie.
Un suivi psychologique devra être proposé.
Avant de commencer…
Une protéinurie est découverte le plus souvent dans un contexte clinique comportant œdèmes et prise de poids, parfois lors d’un dépistage systématique.
Toute protéinurie permanente doit être confirmée par le rapport protéines/créatinine urinaires sur une miction et explorée par un bilan paraclinique.
La cause la plus fréquente de protéinurie pathologique est le syndrome néphrotique idiopathique.
Certaines protéinuries sont dites physiologiques : protéinurie orthostatique, protéinurie associée à la fièvre ou à l’effort.
Une hématurie peut être une porte d’entrée dans de multiples pathologies.
Une fois l’hématurie confirmée, trois grands cadres sont à distinguer : les hématuries d’origine urologique, les hématuries d’origine rénale et les exceptionnelles hématuries d’origine systémique (troubles de la coagulation).
Le raisonnement diagnostique et étiologique repose sur un interrogatoire minutieux (couleur des urines, symptômes associés…), un examen clinique approfondi et, souvent, des examens biologiques simples ainsi qu’une échographie rénale et des voies urinaires (vessie pleine).
Protéinurie
I Pour bien comprendre
A Définitions
Il existe une élimination urinaire physiologique de protéines.
Le terme de protéinurie désigne une élimination excessive des protéines dans les urines excédant 30 mg/mmol de créatinine urinaire. La limite supérieure de la protéinurie est influencée par la position, l’activité physique, la température corporelle, mais dépend peu de l’âge ou du gabarit de l’enfant.
La mise en évidence d’une protéinurie peut être faite en présence de signes cliniques évocateurs ou de manière fortuite. Le dépistage n’est pas obligatoire, mais recommandé par la médecine scolaire lors de l’entrée au CP (à l’âge de 6 ans) et en classe de 6e (11 ans).
La protéinurie est détectée par une bandelette urinaire (BU) réactive.
Le résultat est exprimé de manière semi-quantitative, avec : « – » (pas de protéinurie), « traces » (< 0,3 g/l), « + » (0,3 g/l), « ++ » (1 g/l), « +++ » (3 g/l), « ++++ » (> 20 g/l).
La BU repère avant tout l’albumine; elle est moins sensible pour les autres protéines (protéines de faible masse moléculaire, immunoglobulines). La BU peut être faussement positive lorsque les urines sont concentrées ou contiennent de la chlorhexidine, en cas d’hématurie macroscopique ou si le pH urinaire est > 8. Elle peut être faussement négative lorsque les urines sont diluées ou en présence de protéines de faible masse moléculaire.
Toute protéinurie doit être confirmée par le rapport protéines sur créatinine urinaires (N < 30 mg/mmol) sur une miction.
Toute protéinurie permanente doit être explorée.
Protéinurie : dépistage par BU, confirmation par le rapport protéines/créatinine urinaires sur une miction.
Classification des protéinuries
Elle est présentée dans le tableau 47.1.
Tableau 47.1
Classification des protéinuries.
Protéinuries physiologiques (ou intermittentes) Protéinuries pathologiques (ou permanentes)
–Protéinurie orthostatique
–Protéinurie associée à la fièvre
–Protéinurie d’effort
–Avant tout : glomérulopathies
–Parfois : tubulopathies
–Rarement : malformations rénales et urinaires Orientation diagnostique
A Protéinuries physiologiques
La découverte de la protéinurie est presque toujours fortuite.
La protéinurie n’excède habituellement pas « ++ » à la BU. Elle n’entraîne jamais d’œdème ni d’HTA, ni d’hypoalbuminémie, ni d’insuffisance rénale.
Le mécanisme impliqué reflète vraisemblablement une tolérance individuelle aux variations de l’hémodynamique intrarénale.
Protéinuries associées à la fièvre ou à l’effort :
*disparition après régression de la fièvre ou 48 heures après l’effort;
*pas de bilan nécessaire si normalisation après un délai de 1 à 2 semaines.
Protéinurie orthostatique :
*absente sur la première miction du matin au lever et présente sur une miction en fin de journée;
*surtout chez les adolescents longilignes;
*pas de bilan nécessaire si diagnostic confirmé.
B Protéinuries pathologiques
Le groupe des glomérulopathies en est la principale étiologie.
La protéinurie d’origine tubulaire doit être recherchée en deuxième intention.
1 Protéinuries d’origine glomérulaire
- Caractéristiques : albumine abondante, > 1 g/l voire de débit néphrotique (> 200 mg/mmol de créatininurie ou > 50 mg/kg par jour).
*Signes : ± hypoalbuminémie, œdèmes, hématurie glomérulaire, HTA. - Causes :
–syndrome néphrotique idiopathique (SNI) : voir infra;
–glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse (GNA) : syndrome néphritique avec surcharge hydrosodée, œdèmes, HTA, protéinurie et hématurie glomérulaires, ± insuffisance rénale organique, C3 initialement bas; diagnostic confirmé par sa normalisation dans les 2 mois, avec amélioration clinicobiologique;
–néphropathie à IgA (purpura rhumatoïde, Berger), syndrome d’Alport, lupus, vascularite à ANCA, glomérulonéphrite membranoproliférative (GNMP), glomérulonéphrite extramembraneuse (GEM), diabète.
2 Protéinuries d’origine tubulaire - Caractéristiques : protéines de masse moléculaire inférieure à celle de l’albumine (β2-microglobuline, Retinol Binding Protein) ; peu abondante, < 1 g/l.
*Signes : pas d’œdème; ± autres signes d’atteinte tubulaire : polyurie, fuite urinaire de sodium, potassium, calcium, phosphate, glycosurie normoglycémique, acidose métaboique à trou anionique plasmatique normal, amino-acidurie. - Causes : tubulopathies congénitales ou acquises (nécrose tubulaire aiguë, néphrite interstitielle infectieuse ou médicamenteuse : AINS…), généralement identifiées; protéinurie rarement révélatrice.
3 Protéinuries associées à des malformations de l’appareil urinaire
*Caractéristiques : protéinurie tubulaire ou de réduction néphronique (lésions secondaires de hyalinose segmentaire et focale).
*Causes : hypodysplasies rénales, uropathies, maladies kystiques…
*Diagnostic : apport de l’échographie rénale et des voies urinaires.
Protéinuries physiologiques : circonstances connues, protéinurie isolée, pas d’œdème.
Protéinuries pathologiques : glomérulopathies, tubulopathies, malformations urinaires.
C Bilan étiologique de première intention
1 Données cliniques
- Anamnèse : antécédents personnels et familiaux, infection récente, prise médicamenteuse.
*Examen clinique : œdèmes, PA, recherche d’une infection, signes généraux.
2 Enquête paraclinique
En cas de fièvre ou effort prolongé : contrôler à distance (1 à 2 semaines).
En l’absence de contexte et de signes cliniques, rechercher une protéinurie orthostatique : sur la première miction du matin au lever (en ayant vidé la vessie au coucher) et sur une miction en fin de journée.
Selon signes et/ou en cas de protéinurie permanente :
*ionogramme sanguin avec créatininémie, albuminémie et/ou protidémie;
*albuminurie, β2-microglobuline urinaire (ou autre protéine de bas poids moléculaire);
*dosage du complément (fraction C3);
*échographie rénale en deuxième intention, si une glomérulopathie est éliminée ou avant biopsie.
Indications de la ponction-biopsie rénale (PBR) en l’absence de contre-indication (rein unique, trouble de l’hémostase, HTA mal équilibrée) et hors contexte de malformation urologique ou maladies kystiques :
*protéinurie glomérulaire permanente non orthostatique (sauf syndrome néphrotique pur corticosensible chez un enfant âgé de 1 à 12 ans ou GNA typique avec baisse transitoire du C3);
*protéinurie tubulaire, si associée à :
–insuffisance rénale organique;
–et/ou signes systémiques, atteintes extrarénales.
Avis néphrologique dans les cas où une PBR est indiquée ou au moindre doute au cours de la démarche diagnostique.
D Synthèse
La figure 47.1 propose un arbre décisionnel.
Pour bien comprendre
A Définitions
Le syndrome néphrotique (SN) est défini par :
*un rapport protéinurie/créatininurie > 200 mg/mmol;
*et une hypoalbuminémie < 30 g/l et/ou une hypoprotidémie < 60 g/l.
B Généralités sur le syndrome néphrotique idiopathique
1 Épidémiologie
Le syndrome néphrotique idiopathique (SNI) est la principale cause de syndrome néphrotique chez l’enfant (90 % des SN avant l’âge de 8 ans).
2 Physiopathologie
Il s’agit d’une maladie systémique dont le rein est la cible.
Un dysfonctionnement des lymphocytes (T et B) entraîne la production d’un facteur plasmatique circulant qui altère la barrière de filtration glomérulaire. Ceci cause une protéinurie et ainsi une hypoalbuminémie/protidémie, responsable d’une baisse de la pression oncotique et d’une hypovolémie efficace. C’est à l’origine du syndrome œdémateux par passage de sodium et d’eau vers le secteur interstitiel et stimulation des mécanismes de la rétention hydrosodée. Des désordres biologiques sont associés tels qu’hypercoagulabilité, hyperlipémie, fausse hypocalcémie et fausse hyponatrémie.
II Diagnostic du syndrome néphrotique en poussée
A Tableau clinique
Circonstances :
*terrain : enfant âgé de 1 à 10 ans (surtout < 6 ans), plus fréquent chez le garçon;
*facteurs déclenchants possibles : infection, allergie;
*début : souvent brutal, diagnostic fortuit rarissime.
Signes :
*syndrome œdémateux :
–œdèmes blancs, mous et indolores (fig. 47.2), déclives, prédominant au visage au réveil (bouffissures des paupières) et aux chevilles en fin de journée;
–prise de poids;
–possible tableau d’anasarque (hydrocèle, épanchement pleural transsudatif, ascite);
*hématurie microscopique, pression artérielle à la limite supérieure de la normale ou insuffisance rénale fonctionnelle possibles dans le SN « pur ».
Complications parfois révélatrices :
*hypovolémie : douleurs abdominales, asthénie, tachycardie; voire collapsus, insuffisance rénale aiguë fonctionnelle, hémoconcentration, diminution de l’index cardiothoracique; œdème aigu pulmonaire rarissime en dehors de prescriptions inappropriées de perfusions d’albumine;
*thromboses de tous les territoires veineux et artériels : embolie pulmonaire, thrombose des veines rénales ou des sinus cérébraux; risque majoré par l’utilisation inadéquate des diurétiques;
*infections bactériennes à germes encapsulés (pneumocoque, méningocoque, Haemophilus) du fait de la fuite urinaire d’opsonines du complément : infection du liquide d’ascite (notamment à pneumocoque), pneumopathie, méningite, septicémie;
*infections virales du fait de l’hypogammaglobulinémie et des immunosuppresseurs : grippe, varicelle maligne.
Bilan étiologique
1 Données cliniques
- Anamnèse : antécédents personnels et familiaux, infection récente, allergie, prise médicamenteuse, ancienneté des œdèmes.
*Examen clinique : œdèmes, PA, angine, infection cutanée, purpura, signes généraux.
2 Enquête paraclinique
Examens diagnostiques :
*urinaires : BU (recherche de protéinurie et d’hématurie), rapport protéinurie/créatininurie sur échantillon d’urines le matin;
*sanguins : albuminémie et/ou protidémie.
Évaluation de certaines complications :
*ionogramme sanguin, créatininémie, urée sanguine;
*radiographie de thorax : parfois utile en cas de difficulté à évaluer cliniquement la volémie (index cardiothoracique).
Examens à visée étiologique :
*dosage du complément (C3, C4, CH50); sa normalité permet d’éliminer d’autres syndromes néphrotiques présentant un tableau initial voisin : GNA, lupus, GNMP;
*biopsie rénale (après échographie rénale, en l’absence de contre-indication) :
–non indiquée (la corticosensibilité confirmant le diagnostic) sauf chez les enfants < 1 an ou > 12 ans et/ou en cas d’atypie : insuffisance rénale aiguë organique, hématurie macroscopique, atteinte extrarénale ou baisse prolongée du complément; et secondairement en cas de corticorésistance;
–description caractéristique : lésions glomérulaires minimes (LGM : glomérules normaux en microscopie optique, sans dépôt en immunofluorescence, avec fusion des pieds des podocytes en microscopie électronique) ou plus rarement une hyalinose segmentaire et focale (HSF).
Diagnostic différentiel
Évoquer :
*autres causes d’œdèmes : allergie, insuffisance cardiaque, insuffisance hépatique;
*autres glomérulonéphrites : GNA post-infectieuse, purpura rhumatoïde, Berger, lupus, vascularite à ANCA, GNMP, GEM…
Un syndrome néphrotique peut être le mode de révélation de toute glomérulopathie primitive.
Syndrome néphrotique = rapport protéinurie/créatininurie > 200 mg/mmol et hypoalbuminémie < 30 g/l et/ou hypoprotidémie < 60 g/l.
Complications : hypovolémie, infections bactériennes, thromboses.
Biopsie rénale non indiquée en cas de syndrome néphrotique idiopathique typique.
II Prise en charge thérapeutique
A Orientation
Une hospitalisation peut être nécessaire à la phase initiale du traitement pour une éducation thérapeutique ou en cas de complications.
Un avis néphropédiatrique est nécessaire en cas de rechute ou au moindre doute dans la prise en charge diagnostique ou thérapeutique.
C Mesures associées et autres traitements symptomatiques
Mesures associées :
*prévention des thromboses : mobilisation, maintien d’une euvolémie; parfois héparine de bas poids moléculaire et/ou aspirine;
*régime alimentaire : limité en sel, en sucres rapides et en calories;
*restriction hydrique : seulement si hyponatrémie;
*protecteur gastrique et supplémentation en potassium : non systématiques;
*mise à jour du calendrier vaccinal :
–vaccination pneumococcique 23-valente, vaccination antigrippale annuelle;
–vaccins vivants : contre-indiqués sous corticothérapie forte dose ou immunosuppresseur;
*prise en charge à 100 % (ALD 30) et PAI;
*éducation thérapeutique.
Traitements symptomatiques :
*perfusion d’albumine : uniquement si complication (hypovolémie, œdèmes/épanchements symptomatiques);
*diurétiques : à éviter car risque de majoration de l’hypovolémie et de l’état d’hyper-coagulabilité; seulement après avis spécialisé en cas d’œdèmes et/ou d’épanchements très importants ayant un retentissement clinique, avec perfusion d’albumine.
Suivi et évolution
A Suivi :
*BU quotidienne (carnet de suivi) pour dépister et traiter au plus vite les rechutes;
*surveillance des complications :
–aiguës : voir supra ;
–iatrogènes : complications cortico-induites (retard de croissance staturale surtout; surpoids, vergetures, HTA, glaucome, cataracte, ostéopénie) et complications des traitements d’épargne cortisonique;
*évaluation de l’adhésion thérapeutique.
Évolution de la maladie :
*la réponse à la corticothérapie est le principal élément pronostique;
*90 % de corticosensibilité (bon pronostic rénal à long terme) :
–poussée unique ou rare : 20 %;
–rechutes : 80 % (parfois multiples), corticodépendance;
*10 % de corticorésistance (parfois d’origine génétique) : risque d’insuffisance rénale chronique et terminale et de récidive sur le greffon; complications du SN prolongé : dénutrition, retard de croissance staturale, ostéoporose, hyperlipémie, anémie hypochrome, anomalies de la pharmacocinétique des médicaments liés à l’albumine.
Corticothérapie à fortes doses et mesures associées.
Prévention et traitement des complications (thromboses et infections).
Suivi clinique avec BU pour dépistage des rechutes, éducation thérapeutique.
Hématurie
I Pour bien comprendre
Il s’agit d’un motif de consultation fréquent en pédiatrie : 4 % des enfants ont une hématurie microscopique isolée, souvent de découverte fortuite, qui peut être transitoire.
Première étape de la prise en charge diagnostique d’une suspicion d’hématurie : confirmer l’hématurie → cytologie urinaire sur miction > 5 à 10 hématies par μl; en règle, l’hématurie devient macroscopique au-delà de 500/μl.
Trois grands cadres sont à distinguer : les hématuries d’origine urologique, les hématuries d’origine rénale et les exceptionnelles hématuries secondaires à des troubles de la coagulation.
II Orientation diagnostique
A Anamnèse
Différencier une hématurie urologique d’une hématurie rénale (d’autant plus difficile que l’enfant est jeune) :
*chronologie de l’hématurie = valeur localisatrice : hématurie initiale plutôt d’origine urétroprostatique, hématurie terminale d’origine vésicale et hématurie totale d’origine urétérale (ou rénale);
*caractéristiques de l’hématurie (figure 47.3) :–hématurie de sang rouge, avec des caillots, parfois accompagnée de signes fonctionnels urinaires et/ou de douleurs vésicales : cause urologique;
–hématurie de couleur marron (« bouillon de bœuf » ou « coca-cola »), totale et persistant sur plusieurs mictions, sans caillots, sans signes fonctionnels urinaires : cause rénale ;
*contexte et signes en faveur d’une :
–atteinte urologique : signes fonctionnels urinaires, douleur vésicale ou de type colique néphrétique, traumatisme lombaire ou abdominal récent, pyurie;
–atteinte rénale : infection cutanée ou ORL récente, prise de poids récente, œdèmes, signes extrarénaux de maladies systémiques.
Autres données à rechercher :
*antécédents personnels et familiaux d’hématurie, lithiase rénale, surdité, néphropathie, tumeur, drépanocytose et maladies auto-immunes;
*prise récente de médicaments (notamment AINS);
*effort physique intense récent;
*voyage en zone à risque de bilharziose;
*contexte à risque de tuberculose.
Bilan étiologique de première intention
1 Données d’examen clinique
- Poids, taille, température, PA (voir chapitre 50).
*Examen clinique complet : œdèmes, signes extrarénaux, masse abdominale, examen des organes génitaux externes.
2 Enquête paraclinique
Examens biologiques
*ECBU : cytologie et recherche d’infection.
*Protéinurie et créatininurie sur miction (protéinurie souvent positive en cas d’hématurie macroscopique : contrôle à distance nécessaire).
*Estimation de la fonction rénale (débit de filtration glomérulaire) : formule de Schwartz.
*Selon l’orientation étiologique (rénale, urologique) : dosage du complément (C3), bilan de lithiase (rapport calciurie/créatiniurie), recherche de bilharziose…
Examens radiologiques
*Échographie rénale et des voies urinaires : traumatisme, abcès, lithiase, tumeur.
*Autres examens (uro-scanner, IRM, cystoscopie) à discuter après avis spécialisé.
Causes principales
1 Hématuries d’origine urologique
- Cystites bactériennes (voir chapitre 36), plus rarement mycobactériennes (tuberculose), virales ou parasitaires (bilharziose), toxiques (cyclophosphamide).
*Lithiase.
*Traumatisme rénal ou des voies urinaires.
*Tumeurs rénales et des voies urinaires.
*Saignement d’un kyste rénal.
*Hématurie d’effort.
2 Hématuries d’origine néphrologique
*Glomérulopathies : elles peuvent toutes être associées à une hématurie.
*Syndrome néphritique aigu : glomérulonéphrite aiguë (GNA) post-infectieuse (voir supra section « Protéinurie »).
*Syndrome hémolytique et urémique (SHU), avec ou sans diarrhée prodromique.
*Syndrome des hématuries récidivantes : néphropathie à IgA et syndrome d’Alport.
*Plus rarement : néphrites tubulo-interstitielles immuno-allergiques, infarctus rénaux ou nécroses papillaires (drépanocytose).
*Syndrome « casse-noisette » (lié à la compression de la veine rénale gauche entre l’aorte et l’artère mésentérique supérieure).
Cas de l’hématurie en période néonatale
*Toute hématurie doit faire suspecter une thrombose des veines rénales, ce d’autant plus qu’il existe des facteurs de risque (souffrance fœtale).
*Diagnostic différentiel : cristaux d’urate, sous forme de cristaux orange dans la couche (fig. 47.4) avec BU négative (bénin).
Avant de commencer…
La créatininémie est plus basse chez l’enfant que chez l’adulte.
On utilise la formule de Schwartz pour évaluer le débit de filtration glomérulaire (DFG) chez l’enfant.
Les grandes causes d’insuffisance rénale aiguë (IRA) et de maladie rénale chronique (MRC) sont les mêmes que chez l’adulte, mais leur épidémiologie est différente.
La première cause d’IRA chez l’enfant âgé de moins de 3 ans est le syndrome hémolytique et urémique (SHU) typique.
Les causes principales de MRC de l’enfant sont les hypodysplasies rénales, les uropathies et les maladies génétiques.
La MRC est en rapport avec une réduction congénitale ou acquise du nombre de néphrons avec ou sans altération du débit de filtration glomérulaire (DFG).
Ses deux risques majeurs sont la progression vers l’insuffisance rénale chronique puis terminale dans l’enfance, et la mortalité cardiovasculaire à l’âge adulte.
Pour bien comprendre
Le rein a de multiples fonctions qui comprennent l’homéostasie et l’équilibre du volume du compartiment extracellulaire, l’équilibre acidobasique, l’équilibre phosphocalcique, le métabolisme osseux et somatotrope ainsi que la production des globules rouges.
Chez l’enfant, la créatininémie augmente avec l’âge (tableau 48.1).
Tableau 48.1
Repères de créatininémie chez l’enfant.
Jusqu’à 5 ans < 35 μmol/l
6 à 10 ans < 50 μmol/l
Après la puberté < 90 μmol/l
À la naissance, la créatininémie est celle de la mère (environ 80 μmol/l), puis elle diminue jusqu’à 20 à 30 μmol/l à 1 semaine de vie et réaugmente avec l’âge et la masse musculaire.
Le débit de filtration glomérulaire (DFG) est le même que celui de l’adulte à partir de l’âge de 2 mois. Il est exprimé en ml/min/1,73 m2.
Il est estimé chez l’enfant par la formule de Schwartz (révisée en 2019) :
Chez l’enfant, la créatininémie augmente avec l’âge.
II Insuffisance rénale aiguë
A Diagnostic
L’insuffisance rénale aiguë est définie par une altération de la fonction rénale < 3 mois : élévation de la créatininémie, diminution du DFG et/ou oligurie ou anurie (inconstantes en pédiatrie).
1 Signes d’appel
Évoquer une IRA :
*oligurie ou anurie;
*nausées, vomissements;
*pâleur (anémie);
*signes de surcharge hydrosodée : œdèmes, HTA, voire œdème aigu pulmonaire (OAP), insuffisance cardiaque, convulsions;
*complications des troubles ioniques : hyperkaliémie (paresthésies, troubles du rythme mettant en jeu le pronostic vital), hypocalcémie (paresthésies, fasciculations, tétanie, signes de Chvosteck et de Trousseau), acidose métabolique (dyspnée de Kussmaul).
Lors de la découverte d’une insuffisance rénale, certains éléments permettent d’orienter vers une IRC plutôt que vers une IRA :
*cassure staturo-pondérale;
*polyuropolydipsie ancienne, énurésie;
*créatininémie antérieure élevée;
*anémie;
*hypocalcémie;
*petits reins sur l’échographie anténatale et/ou postnatale;
*signes osseux d’hyperparathyroïdie;
*HTA.
2 Orientation diagnostique
IRA fonctionnelle, ou « pré-rénale » (baisse de la perfusion rénale)
*Caractéristiques : urines concentrées avec urée urinaire/urée plasmatique > 10.
*Évaluer : hydratation et volémie, prise de néphrotoxiques.
*Causes : hypovolémie (déshydratation, hypotension, choc, troisième secteur, hémorragie), pathologie vasculaire ou toxique ou iatrogène (par exemple, AINS, diurétiques).
*Prise en charge : restauration de la volémie et/ou arrêt du médicament en cause.
IRA parenchymateuses
*Caractéristiques : IRA organique avec urée urinaire/urée plasmatique < 10.
*Causes :
–nécrose tubulaire aiguë : diurèse variable, protéinurie tubulaire (< 1 g/l, protéines de bas poids moléculaire);
–néphrites tubulo-interstielles aiguës (toxiques, immunoallergiques, infectieuses) : signes généraux, protéinurie tubulaire, leucocyturie, ± éosinophilurie, éosinophilie;
–glomérulonéphrites aiguës :
–post-infectieuses : infection récente à streptocoque A ou staphylocoque, syndrome néphritique : œdèmes voire OAP, HTA, IRA organique, hématurie glomérulaire marron sans caillot ni douleur, protéinurie glomérulaire (> 1 g/l, albumine); diagnostic : C3 effondré puis normalisation dans les 2 mois;
–purpura rhumatoïde, néphropathie à IgA (Berger), lupus…;
–syndrome hémolytique et urémique.
IRA post-rénales (obstruction bilatérale ou sur rein unique)
*Évaluer : présence d’un globe, d’un contact lombaire.
*Diagnostic : échographie rénale et des voies urinaires.
Retenir surtout : IRA fonctionnelles par hypovolémie, glomérulonéphrites aiguës.
Points clés sur le syndrome hémolytique et urémique typique
1 Généralités
Le syndrome hémolytique et urémique (SHU) typique est le SHU post-diarrhéique secondaire à une infection à E. coli producteur de shigatoxine (STEC) ou plus rarement à Shigella dysenteriae.
Il s’agit de la première cause d’IRA avant l’âge de 3 ans, avec une centaine de cas par an en France. Il existe une mortalité de 1 à 2 % et une évolution vers la MRC dans 30 % des cas.
2 Diagnostic
Triade biologique :
*anémie hémolytique mécanique : anémie pour l’âge, haptoglobine effondrée, bilirubine libre et LDH élevées, schizocytes > 2 % (Coombs négatif);
*thrombopénie (< 150 G/l);
*IRA organique.
Signes cliniques :
*prodromes digestifs : diarrhées glairo-sanglantes fréquentes, vomissements, douleurs abdominales survenant quelques jours avant le SHU;
*phase d’état de début brutal avec triade biologique du SHU : pâleur ± ictère, oligo-/anurie (50 % des enfants), hématurie et protéinurie glomérulaires, HTA;
*atteintes extrarénales plus rares : atteinte du système nerveux central (déficit neurologique), digestive (pancréatite, colite, etc.), hépatique, cardiaque; convulsions secondaires à l’atteinte neurologique, à l’HTA ou aux désordres électrolytiques.
Examens complémentaires :
- diagnostiques : NFS-plaquettes, recherche de schizocytes, haptoglobine, bilirubine, LDH, urée, créatinine, ionogramme sanguin, albuminémie, protéinurie, hématurie.
*préthérapeutiques : bilan prétransfusionnel.
*étiologiques : recherche de la bactérie sécrétrice de shigatoxine par analyse de selles ou écouvillonnage rectal, culture et détection par PCR des shigatoxines.
*du retentissement (atteintes extrarénales) : bilans pancréatique et hépatique, troponine et ECG; IRM cérébrale si symptomatologie neurologique.
*à visée de diagnostic différentiel (pour rechercher un SHU atypique) : étude du complément, dosage de l’ADAMTS13.
Prise en charge thérapeutique et suivi
Hospitalisation en milieu spécialisé.
Pas de traitement étiologique du SHU.
Traitement symptomatique :
*maintien d’une euvolémie;
*éviter les apports potassiques;
*traitement de l’HTA et des troubles hydroélectrolytiques;
*épuration extrarénale si : oligo-/anurie prolongée, surcharge hydrique, hyperkaliémie et/ou acidose menaçantes;
*transfusion de CGR si anémie mal tolérée.
Traitements non recommandés sauf exception :
*pas de transfusion de plaquettes (risque de surcharge, de majoration de la MAT, d’immunisation anti-HLA; efficacité limitée à quelques heures) sauf saignement actif;
*pas d’antibiothérapie à large spectre sauf sepsis sévère;
*pas de ralentisseurs du transit.
Suivi régulier :
*surveillance annuelle de la BU et de la PA;
*néphroprotection pour tous (voir § III.C);
*IEC en cas de protéinurie et/ou d’HTA.
4 Prévention
Mesures de prévention à diffuser aux familles :
*pas de laitages non pasteurisés ni de viande bovine peu cuite avant l’âge de 5 ans;
*éviction du contact avec les bovins/ovins et leur environnement avant l’âge de 3 ans;
*lavage des fruits et légumes, consommation d’eau traitée;
*lavage des mains avant de préparer le repas et en sortant des toilettes, lavage des ustensiles de cuisine;
*en cas de gastroentérite aiguë : éviction de baignades dans les lieux publics.
Mesures administratives :
*déclaration des cas de SHU à Santé Publique France;
*et déclaration obligatoire de toxi-infection alimentaire en cas de cas groupés.
Triade biologique de SHU : anémie hémolytique mécanique, thrombopénie, IRA organique.
Mesures de prévention à retenir.
Maladie rénale chronique
A Généralités
La maladie rénale chronique (MRC) est définie par la présence, pendant plus de 3 mois, de marqueurs d’atteinte rénale : anomalies morphologiques, histologiques et/ou biologiques (protéinurie, albuminurie, hématurie, leucocyturie, DFG < 60 ml/min/1,73 m2).
Elle est classée en stades de sévérité croissante selon le niveau de DFG (tableau 48.2).
Tableau 48.2
Stades de la maladie rénale chronique.
Stade DFG (ml/min/1,73 m2)
1 ≥ 90
2 60–89
3 30–59
4 15–29
5 < 15
Le stade 1 est équivalent à une fonction rénale normale. Il correspond à toutes les situations de réduction néphronique sans modification du DFG.
B Diagnostic
Situations à risque nécessitant un dépistage de la MRC :
*antécédent de prématurité, de retard de croissance intra-utérin;
*antécédent de cancer, de cardiopathie, obésité, maladie de système, maladie chronique;
*néphropathie, uropathie, traitement néphrotoxique.
Causes de MRC de l’enfant :
*anomalies congénitales du rein et des voies urinaires : hypodysplasies rénales et uropathies (50 à 60 % des cas);
*néphropathies acquises glomérulaires (5 à 15 %) ou interstitielles;
*néphropathies héréditaires (10 à 20 %).
Dépistage :
*mesure de la PA : tous les ans chez les enfants de plus 3 ans, à chaque consultation dans les situations à risque de MRC quel que soit l’âge, dans de bonnes conditions (au repos, brassard adapté);
*recherche de protéinurie par bandelette urinaire : dépistage chez tout enfant recommandé par la médecine scolaire lors de l’entrée au CP (6 ans) et en classe de 6e (11 ans), tous les ans dans les situations à risque de MRC.
Évoquer une MRC devant :
*retard de croissance, polyuropolydipsie (réveils nocturnes pour boire ± énurésie), déformations osseuses mal expliquées;
*HTA : majorité des HTA chez l’enfant = secondaire; faire un bilan étiologique extensif en cas d’HTA avérée (voir chapitre 50).
Causes principales de MRC de l’enfant : hypodysplasies rénales, uropathies et maladies génétiques.
Dépistage : mesure de la PA et de la protéinurie par bandelette urinaire.
Principes de la prise en charge de la MRC
Les facteurs de progression de la MRC (HTA, protéinurie, néphrotoxiques, infections, facteurs de risque cardiovasculaire…) seront pris en charge comme chez l’adulte.
La néphroprotection repose sur un régime équilibré sans excès de protéines animales ni de sel, la pratique régulière du sport, l’éviction des médicaments néphrotoxiques (AINS), l’adaptation des doses de médicaments à la fonction rénale, la mise à jour des vaccinations (dont celle contre l’hépatite B), ainsi que la prévention du capital vasculaire et la protection du bras non dominant en vue de la création d’une fistule artérioveineuse.
La prise en charge de la MRC en pédiatrie tient compte d’un indicateur spécifique : la vitesse de croissance staturale. Le retard de croissance et le retard pubertaire secondaires à la MRC doivent être pris en charge précocement, avant la greffe.
Cela nécessite de contrôler plusieurs paramètres : l’hydratation extracellulaire, l’équilibre acidobasique, les apports caloriques et la nutrition, l’équilibre phosphocalcique et vitaminique, l’anémie, l’hormone de croissance.
Le traitement symptomatique de l’insuffisance rénale chronique (correction de la déshydratation, de l’acidose et de l’anémie, prévention de l’ostéodystrophie rénale et optimisation des apports nutritionnels) devra être optimisé avant l’instauration du traitement par hormone de croissance recombinante et sera maintenu pendant toute la durée du traitement.
Le traitement de suppléance de la fonction rénale fait appel aux mêmes techniques que chez l’adulte. La transplantation rénale est le meilleur traitement de la MRC de l’enfant et doit être privilégiée.
Le suivi de la MRC est multidisciplinaire et individualisé.
La MRC doit être surveillée à vie même si le DFG est normal lors de l’évaluation initiale. À l’autre extrême, cette surveillance ne s’arrête pas avec la transplantation rénale.
La surveillance du développement psychologique et social de l’enfant, l’adaptation au rythme scolaire et l’encadrement éducatif sont nécessaires pour donner la meilleure chance de développement scolaire et professionnel aux malades pédiatriques avec handicap rénal.
La très grande majorité des enfants ayant une MRC parvient à l’âge adulte. La transition correspond à la période de passage d’une prise en charge pédiatrique vers une prise en charge adulte pour de jeunes patients atteints de pathologies chroniques. Ce processus doit être bien organisé et structuré, afin d’éviter le risque de rupture du suivi médical et réduire celui des complications de la maladie chronique.
Avant de commencer…
Les troubles de la miction constituent un motif fréquent de consultation.
Entre les âges de 6 et 8 ans, 10 à 15 % des enfants présentent des fuites urinaires diurnes ou nocturnes.
Une démarche clinique simple permet, le plus souvent, de retenir une cause fonctionnelle en relation avec une perturbation de l’acquisition du contrôle mictionnel et/ou des mauvaises habitudes mictionnelles.
Dans certains cas, une cause neurologique ou urologique peut être à l’origine de ces anomalies mictionnelles. Dans ces situations, une évaluation spécialisée est nécessaire.
Si, le plus souvent, une prise en charge adaptée conduit à une guérison ou une amélioration, il faut savoir qu’un trouble de la vidange vésicale s’intègre fréquemment dans un trouble global de l’élimination (associé à une constipation).
Pour bien comprendre
Le fonctionnement vésicosphinctérien normal permet de stocker l’urine produite continuellement par les reins et de l’éliminer volontairement à un moment et dans un endroit adéquats.
Une miction « normale » doit aboutir à une vidange complète de la vessie. Elle repose sur la coordination parfaite entre la contraction du détrusor et le relâchement de l’appareil vésicosphinctérien. Ce contrôle nécessite l’intégrité d’une commande neurologique et une anatomie normale de l’appareil urinaire.
L’acquisition du contrôle mictionnel par l’enfant est un phénomène physiologique de maturation progressive de la vessie et des commandes nerveuses du bas appareil urinaire. Comme l’acquisition de la marche, celle-ci a une chronologie variable et se fait généralement entre les âges de 18 mois et 3 ans.
Les anomalies de la miction peuvent résulter de troubles du remplissage vésical (phase de stockage) ou de troubles de la vidange vésicale (miction). Il est classiquement admis de différencier les symptômes ressentis pendant la phase de remplissage et les symptômes de la phase de miction.
Le diagnostic d’un trouble mictionnel est clinique et repose essentiellement sur l’interrogatoire et l’examen physique.
Dans l’immense majorité des cas, ces troubles sont fonctionnels en relation avec une perturbation de l’acquisition du contrôle mictionnel et les mauvaises habitudes mictionnelles liées aux conditions d’accès aux toilettes scolaires.
L’examen clinique a pour objectif d’éliminer une étiologie organiqu
Démarche diagnostique en cas de trouble mictionnel
A Enquête clinique
Données anamnestiques essentielles :
*modalités d’apprentissage et d’acquisition de la propreté;
*habitudes mictionnelles : nombre de mictions quotidiennes, modalités d’utilisation des toilettes scolaires (disponibilité, propreté, papier hygiénique) et apports hydriques quotidiens;
*symptomatologie actuelle/passée, caractère récent/ancien des troubles;
*utilisation éventuelle de protections et retentissement psychosocial;
*antécédents de troubles fonctionnels similaires, chez les parents ou dans la fratrie;
*développements psychomoteur et statural;
*mesures thérapeutiques déjà mises en place.
Afin d’objectiver certains troubles urinaires et quantifier la sévérité d’une incontinence urinaire par urgenturie, on demandera de remplir un catalogue mictionnel. Il comporte l’heure et le volume de chaque miction, la quantité de prise de boissons et les épisodes de fuites pendant 48 heures.
Troubles associés à rechercher :
*notions d’uropathie malformative (valves de l’urètre postérieur, système urinaire double avec un uretère ectopique ou une urétérocèle, un épispadias, une exstrophie vésicale), pathologies organiques (diabète, insuffisance rénale);
*antécédents d’infection urinaire faisant redouter un reflux vésico-urétéral associé;
*douleurs abdominales et troubles ano-rectaux (constipation, encoprésie);
*troubles de la motricité des membres inférieurs, retard d’acquisition de la marche, chutes fréquentes, fatigabilité;
*sommeil : profondeur et durée, difficultés d’éveil, ronflement nocturne, apnées évocatrices de SAOS (voir chapitre 62);
*environnement socio-familial (maltraitance) et scolaire, contexte psychologique de l’enfant.
A Données d’examen :
*inspection de la culotte à la recherche de stigmates de fuites urinaires ou de selles;
*recherche d’un globe vésical (principales causes de rétention aiguë d’urine : inflammation locale ou infection urinaire, fécalome, obstruction organique des voies urinaires, atteinte médullaire, effets secondaires de médicaments);
*examen des organes génitaux externes : palpation des testicules, aspect de la verge et du méat urétral, recherche d’une vulvite;
*aspect du jet urinaire;
*recherche d’un encombrement stercoral (fécalome) à la palpation abdominale;
*examen neurologique complet (motricité des membres inférieurs et sensibilité périnéale) et recherche de stigmate cutané au niveau de la région dorsolombaire (lipome, angiome, « touffe » de poils) hautement suspect d’une maladie médullaire congénitale;
*examen neuro-orthopédique (pied creux, inégalité de longueur des membres inférieurs, scoliose, troubles trophiques).
Au terme de cette enquête clinique, réaliser une bandelette urinaire pour exclure une infection.
B Examens paracliniques
L’examen clinique bien conduit suffit, le plus souvent, pour retenir une cause fonctionnelle accessible à des mesures thérapeutiques simples. Cependant, devant des troubles persistants ou atypiques, les examens complémentaires permettent d’objectiver des troubles vésicosphinctériens et d’éliminer une origine organique.
Aucun examen complémentaire n’est nécessaire pour des fuites d’urines isolées sans dysurie.
L’échographie rénale et vésicale avec étude du résidu post-mictionnel est réservée aux fuites non isolées ou résistant au traitement d’épreuve. D’autres examens pourront être proposés après avis spécialisé.
C Orientation diagnostique
La démarche diagnostique est résumée dans la figure 49.1.
D Principales causes à évoquer
1 Dysfonction du bas appareil urinaire diurne de l’enfant
L’appellation « dysfonction du bas appareil urinaire diurne » (Lower Urinary Tract Symptoms), ou troubles urinaires du bas appareil (TUBA), est le terme à utiliser pour les problèmes d’incontinence fonctionnelle chez l’enfant. La dysfonction du bas appareil urinaire représente l’étiologie la plus fréquente et regroupe des situations variées.
Ce trouble peut être réparti en deux groupes : les anomalies de la phase de remplissage et celles de la phase mictionnelle.
Anomalies de la phase de remplissage
Une contraction désinhibée du détrusor primitive pendant le remplissage peut augmenter la pression vésicale au-delà de la pression de clôture sphinctérienne et provoquer la fuite urinaire.
La persistance d’une hyperactivité détrusorienne au-delà de l’âge de 5 ans (anciennement dénommée « vessie hyperactive » ou « instabilité vésicale ») est une cause fréquente de fuites urinaires diurnes et éventuellement nocturnes, d’urgenturie et de pollakiurie due à une immaturité vésicale. Elle peut favoriser la survenue d’infections urinaires et/ou de reflux vésico-urétéral.
Une hyperactivité détrusorienne peut aussi être secondaire à une « épine irritative » telle qu’une infection urinaire, une constipation ou la présence d’un résidu postmictionnel.
Anomalies de la phase de vidange
La dyssynergie vésico-sphinctérienne est caractérisée par l’absence de relâchement sphinctérien au moment de la miction. Cette hypertonie sphinctérienne est due à de mauvaises habitudes mictionnelles mais peut également apparaître dans l’évolution d’une immaturité vésicale (contraction excessive du sphincter pour éviter les fuites).
Elle survient parfois dans un contexte psychologique particulier ou en cas d’abus sexuels.
Ce défaut de relâchement périnéal lors de la miction favorise l’apparition d’un résidu postmictionnel. Sa persistance peut aboutir à une grande vessie rétentionniste à mictions rares par hypocontractilité détrusorienne.
Complications
La dysfonction du bas appareil urinaire diurne est souvent associée à des troubles ano-rectaux (constipation, douleur défécatoire, encoprésie).
Elle peut être à l’origine de complications urologiques parfois sévères : vessie de lutte, reflux vésico-urétéral, insuffisance rénale dans les formes les plus graves.
Implantation ectopique d’uretère chez la fille
Dans le cadre d’une duplication de la voie urinaire, l’uretère du pyélon supérieur peut s’implanter en dehors de la vessie et court-circuiter le système sphinctérien. L’abouchement se fait soit dans la partie terminale de l’urètre, soit dans le vagin, soit dans la vulve.
Ceci est responsable de fuites d’urines permanentes, mais entrecoupées de mictions normales, et de vulvovaginites à répétition.
Les examens complémentaires préciseront la disposition anatomique.
Valves de l’urètre postérieur chez le garçon
Il s’agit d’une pathologie qui correspond à la persistance d’un (ou plusieurs) repli muqueux urétrogénital au-dessous du veru montanum. Ces valves réalisent un obstacle urétral à l’écoulement de l’urine.
Suivant le degré d’obstruction, elles peuvent entraîner l’apparition d’une vessie de lutte et une dégradation de la fonction rénale.
3 Causes neurologiques
Le diagnostic de vessie neurologique doit systématiquement être évoqué lorsque la situation et l’évolution clinique ne correspondent pas à l’hypothèse étiologique proposée et que les troubles persistent malgré une prise en charge thérapeutique adaptée.
Ainsi, devant tout trouble mictionnel, il faut rechercher systématiquement une anomalie médullaire congénitale occulte.
Énurésie primaire nocturne isolée
Il s’agit d’une miction involontaire pendant le sommeil survenant chez un enfant âgé d’au moins 5 ans. Environ 10 % de ces enfants ont un trouble avec déficit d’attention et hyper-activité (TDAH).
L’énurésie est dite primaire si l’enfant n’a pas eu de période sèche de plus de 6 mois depuis la naissance.
L’énurésie primaire est dite isolée ou monosymptomatique s’il n’existe aucun autre symptôme associé, en particulier diurne.
Le diagnostic positif est clinique. Aucun examen complémentaire d’imagerie n’est nécessaire en première intention.
Avant de commencer…
La pression artérielle doit être mesurée annuellement chez tout enfant à partir de l’âge de 3 ans et à chaque consultation quel que soit l’âge chez les enfants à risque (maladie rénale chronique, antécédent de coarctation de l’aorte, diabète, obésité, prise de traitement augmentant la pression artérielle, grande prématurité).
L’hypertension artérielle est définie par une valeur supérieure au 95e percentile des références pour le sexe, la taille et l’âge. La pression artérielle normale est inférieure au 90e percentile.
Avant l’âge de 10 ans, les causes secondaires sont les plus fréquentes; le bilan doit s’acharner à trouver une étiologie, d’autant plus que les valeurs de pression artérielle sont élevées et que l’enfant est jeune.
Après l’âge de 10 ans, l’HTA essentielle (primaire) prédomine mais il s’agit d’un diagnostic d’élimination.
La Société française d’hypertension artérielle et la Société de néphrologie pédiatrique ont publié des recommandations sur le dépistage et la prise en charge de l’HTA de l’enfant en 2021.
Pour bien commencer
A Définitions
La pression artérielle (PA) augmente normalement avec l’âge.
Des abaques en ligne (notamment celles du Baylor College of Medicine) permettent de calculer rapidement le percentile de la PA systolique et de la PA diastolique en fonction du sexe, de l’âge et de la taille. Des courbes simplifiées pour le dépistage ont été proposées dans les nouvelles recommandations françaises de 2021(voir références) et sont reprises dans le tableau 50.1 (données chiffrées à ne pas connaître pour l’ENCi).La PA normale est inférieure au 90e percentile.
L’hypertension artérielle (HTA) chez l’enfant est définie par une mesure de PA supérieure au 95e percentile (ou supérieure à 130/80 mmHg chez l’adolescent) pour le sexe, l’âge et la taille de l’enfant.
Entre le 90e et le 94e percentile (ou entre 120/80 et 130/80 mmHg chez l’adolescent), il s’agit d’une PA élevée persistante.
Afin de fournir une estimation grossière mais pratique pour l’étudiant, le tableau 50.2 présente une formule estimant une référence tensionnelle limite normale (90e percentile) et limite HTA (95e percentile). Un contrôle avec l’un des abaques précités est indispensable en cas de valeur d’alerte et/ou de signes cliniques évocateurs d’HTA.Références tensionnelles (en mmHg).
90e percentile (limite normotension) 0,95 × 95e percentile
95e percentile (limite HTA) PA systolique 100 + 2 × Âge (ans)
PA diastolique 1–10 ans 60 + 2 × Âge (ans)
11–17 ans 70 + 2 × Âge (ans)
B Mesure de la pression artérielle chez l’enfant
La PA doit être mesurée annuellement chez tout enfant à partir de l’âge de 3 ans et à chaque consultation chez les enfants à risque quel que soit l’âge (maladie rénale chronique, antécédent de coarctation de l’aorte, diabète, obésité, prise de traitement augmentant la PA, grande prématurité).
Le manomètre à mercure et le stéthoscope restent les instruments de référence, bien que le mercure soit progressivement retiré en raison du risque toxique.
La mesure oscillométrique avec des appareils automatiques est la plus largement diffusée, mais le brassard doit être adapté au bras de l’enfant. Les appareils d’automesure peuvent être utilisés s’ils sont adaptés à la taille du poignet ou du bras de l’enfant. Un brassard trop grand sous-estime la PA (et vice versa); idéalement la hauteur du brassard sera des deux tiers de la hauteur du bras.
La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) est définie comme la mesure intermittente de la PA pendant 24 heures, chez les sujets ambulatoires, dans le cadre de leurs activités habituelles. Cet examen est utile pour évaluer la moyenne tensionnelle sur les 24 heures, y compris la nuit.
Tous les appareils automatiques doivent être validés pour l’usage chez l’enfant, et faire l’objet de révisions et de calibrations régulières.
C Épidémiologie
La prévalence de l’HTA chez l’enfant est estimée à 3,5 %.
Contrairement à la population adulte, en pédiatrie, l’HTA est toujours a priori secondaire et doit conduire à la réalisation d’un bilan étiologique, qui doit être d’autant plus exhaustif que l’HTA est de niveau élevé et que l’enfant est jeune.
Diagnostic d’hypertension artérielle
A Circonstances diagnostiques et urgences
Les circonstances diagnostiques sont très variées lorsque la prise de la PA fait partie de l’examen clinique. Les points d’appel cliniques sont peu spécifiques mais doivent alerter le clinicien. Des céphalées d’apparition récente, une nycturie ou une épistaxis récidivante doivent inciter à faire mesurer la PA, sans renoncer aux explorations spécifiques à chaque signe.
L’urgence est en rapport avec le retentissement clinique et la rapidité d’installation des symptômes. Les premiers signes, mineurs (céphalées matinales en « casque » parfois pulsatiles, douleurs abdominales, anorexie, vomissements, crampes, vertiges, bourdonnements d’oreille [acouphènes], impressions de mouches volantes ou brouillard visuel [myodésopsies]) doivent conduire à une prise en charge adaptée afin d’éviter l’apparition de signes plus sévères (amaigrissement rapide, syndrome polyuropolydipsique, cassure de la courbe de croissance staturopondérale, syndrome hémorragique [épistaxis], paralysie faciale récidivante), qui justifient une hospitalisation en milieu spécialisé urgente. Sans traitement urgent, des manifestations encore plus graves (encéphalopathie hypertensive, œdème aigu du poumon, insuffisance cardiaque) peuvent entraîner un risque vital.
Conduite diagnostique
Le bilan étiologique dépend avant tout des symptômes cliniques d’orientation éventuels.
La conduite diagnostique repose sur un interrogatoire et un examen clinique soigneux, ainsi que des examens complémentaires simples (ionogramme sanguin, créatinémie, bilan phosphocalcique, bandelette urinaire, échographie rénale) qui seront complétés en milieu spécialisé.
C Causes (tableau 50.3)
Avant l’âge de 10 ans, les causes secondaires sont les plus fréquentes; le bilan doit s’acharner à trouver une étiologie. Après l’âge de 10 ans, l’HTA essentielle (primaire) prédomine mais il s’agit d’un diagnostic d’élimination.
Tableau 50.3
C Principales étiologies secondaires de l’HTA chez l’enfant.
Causes rénales parenchymateuses HTA aiguë ou transitoire Glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse
Nécrose tubulaire aiguë
Syndrome hémolytique et urémique
Microangiopathie thrombotique
HTA chronique Maladie rénale chronique : IRC, IRT, transplantation
Polykystose rénale dominante/récessive
Glomérulopathies chroniques acquises ou héréditaires
Vascularite des petits vaisseaux : purpura rhumatoïde
CAKUT
Causes rénovasculaires Atteinte de la paroi Dysplasie fibromusculaire
Neurofibromatose de type 1
Syndrome d’Alagille
Syndrome de Williams-Beuren
Syndrome médio-aortique
Vascularite des gros vaisseaux : maladie de Kawasaki
Atteinte extrinsèque Neuroblastome
Tumeur de Wilms
Autres tumeurs
Atteinte de la lumière Thrombose rénale artérielle ou veineuse
Invasion tumorale
Autres Cathéter ombilical en période néonatale
Traumatisme
Transplantation rénale : sténose de l’anastomose artérielle
Coarctation de l’aorte
Causes endocriniennes Excès de cortisol : syndrome de Cushing
Excès de minéralocorticoïdes : hyperplasie congénitale des surrénales
Excès de cathécholamines
Excès d’hormones thyroïdiennes : hyperthyroïdie
Tumeur à rénine
Causes toxiques et médicamenteuses Médicaments : glucocorticoïdes, anticalcineurines, vasoconstricteurs nasaux
Surcharge volémique
Mercure et métaux lourds, plomb
Drogues : amphétamines, cocaïne
Réglisse
Causes neurologiques Traumatisme crânien
Hypertension intracrânienne
Douleur
Convulsions
Causes orthopédiques Traction
Fracture des os longs, fracture du bassin
Syndrome d’apnées obstructives du sommeil
Causes métaboliques Obésité
Hypercalcémie
Porphyrie
Dans 80 % des cas, une cause secondaire est identifiée.
Les causes chez l’enfant peuvent être classées de la façon suivante : rénales (les plus fréquentes),
vasculaires, endocriniennes, toxiques et médicamenteuses, neurologiques, métaboliques.
Les causes rénales sont les plus fréquentes. Les anomalies rénales parenchymateuses sont responsables de 80 % des causes, les anomalies vasculaires rénales d’environ 10 %. Les maladies glomérulaires, la maladie rénale chronique à un stade avancé et les reins dysplasiques ou cicatriciels liés aux uropathies malformatives, ou CAKUT (Congenital Anomalies of the Kidney and the Urinary Tract), ou à des pyélonéphrites peuvent s’accompagner d’une HTA.
Les causes rénovasculaires sont dominées par la dysplasie fibromusculaire (70 % d’entre elles). Un bilan d’extension de cette maladie doit être effectué pour rechercher des sténoses d’autres artères (troncs supra-aortiques, artères mésentériques) associées à d’autres pathologies générales (par exemple, phacomatose).
La coarctation de l’aorte est le plus souvent découverte chez le nouveau-né après la fermeture du canal artériel; cependant, des formes moins sévères peuvent être découvertes chez l’enfant et même chez l’adolescent. La recherche des pouls fémoraux doit être systématique lors de l’examen clinique d’un jeune nourrisson.
Les causes endocriniennes sont beaucoup moins fréquentes, estimées entre 0,5 et 6 % des causes d’HTA. Il s’agit des pathologies entraînant un excès de catécholamines, de minéralocorticoïdes, de cortisol, d’hormones thyroïdiennes, des tumeurs à rénine, et des HTA dites monogéniques.
Les intoxications au mercure, plomb, cadmium et phtalates peuvent être responsables d’HTA, tout comme certains médicaments.
Concernant les causes métaboliques, la prévalence de l’HTA est un peu plus fréquente en cas d’obésité, mais bien moins que chez l’adulte. Ainsi, devant la découverte d’une HTA chez un enfant obèse, il est nécessaire d’éliminer les autres causes avant de l’attribuer à la surcharge pondérale.
L’HTA essentielle (primaire) reste un diagnostic d’élimination.
III Principes de prise en charge thérapeutique
La mesure régulière de la PA chez l’enfant permet de repérer les enfants hypertendus chez qui une démarche rigoureuse clinique et paraclinique permet d’aboutir à un diagnostic étiologique.
La découverte de la cause permet d’adapter au mieux le traitement, certaines étiologies requérant un traitement très spécifique. La normalisation des chiffres de PA dans l’enfance a pour but de préserver l’état cardiovasculaire futur.
Sur le plan thérapeutique, les traitements intraveineux sont réservés aux HTA menaçantes et non contrôlées (anticalciques ou bêtabloquants). Les traitements oraux (anticalciques, bêta-bloquants, IEC) visent à normaliser la pression artérielle qui doit être contrôlée par des mesures ambulatoires continues (MAPA).
Lorsqu’il est possible, le traitement de la cause doit toujours être privilégié au traitement médicamenteux. La maîtrise des apports sodés doit être réalisée préalablement à toute prescription médicamenteuse.
L’HTA chronique est responsable de lésions cardiaques, cérébrales, vasculaires et ophtalmiques. Il s’agit d’un tueur silencieux. Les anomalies cardiovasculaires s’installent dès l’enfance et sont associées à une morbi-mortalité à l’âge adulte. Non contrôlée, l’HTA est un facteur de progression de la MRC.
Avant de commencer…
Les céphalées avant l’âge de 15 ans sont fréquentes.
Un grand nombre de diagnostics sont possibles, souvent reliés à des causes non sévères. Toutefois, des céphalées peuvent, rarement, révéler un processus expansif, une malformation artérioveineuse, une HTIC.
L’enjeu est donc d’identifier le plus précocement possible les céphalées qui nécessitent investigation et intervention. Il est habituellement possible d’y parvenir par les seuls anamnèse et examen clinique.
I Démarche diagnostique
Elle ne diffère pas sensiblement de la démarche diagnostique chez un patient adulte (voir le référentiel de Neurologie); les particularités pédiatriques sont soulignées ici.
A Enquête clinique
1 Anamnèse
L’interrogatoire est conditionné par le développement cognitif et psychique de l’enfant.
Il est partagé entre l’enfant, qui analyse plus ou moins bien ses symptômes, et le(s) parent(s) qui voi(en)t des signes.
Chez le nourrisson et le petit enfant, c’est le parent qui pense au diagnostic : aspect douloureux, mal-être, agitation ou abattement, vomissements, pâleur, etc.
L’enfant plus âgé est souvent capable de décrire sa céphalée (le médecin ne doit pas sousestimer ses capacités), le dessin permettant parfois de contourner l’impossibilité d’une verbalisation des céphalées.
La consultation est structurée par le patron temporel des céphalées : céphalées récentes à début soudain, céphalées récentes d’aggravation progressive, céphalées chroniques paroxystiques, céphalées chroniques non progressives (fig. 51.1). Celui-ci oriente vers les étiologies à évoquer, donc vers les questions pertinentes, en étant attentif à la présence de « drapeaux rouges » (red flags), évocateurs de céphalées secondaires (tableau 51.1).
Tableau 51.1
« Drapeaux rouges ».
À l’interrogatoire
–Céphalée
*Aggravation la nuit ou au petit matin (provoquant le réveil)
*Aggravation progressive en fréquence et/ou en intensité
*Survenue à la toux ou à l’effort ou à la position penchée en avant
*Survenue extrêmement brutale en « coup de poignard »
*Intensité inhabituelle pour le patient (« pire » céphalée)
*Localisation unilatérale persistante
*Modification du caractère des céphalées
–Nausées ou vomissements matinaux, persistants ou augmentant en fréquence
–Aura atypique
–Crises épileptiques, en particulier focales
–Signes endocriniens/auxologiques (accélération ou infléchissement staturo-pondéral)
–Maladresse d’apparition récente
–Troubles du comportement
–Baisse des résultats scolaires
–Crainte parentale (écouter les parents)
–Âge ≤ 3 ans
À l’examen
–Augmentation rapide du PC
–Anomalie du schème de marche et/ou de l’examen neurologique
–Souffle à l’auscultation de la fontanelle
–Troubles visuels :
*Strabisme et/ou autre trouble de l’oculomotricité d’apparition récente
*Baisse de l’acuité visuelle sans trouble de réfraction
*Œdème papillaire
–Latérocolis, torticolis
–Signes évocateurs d’une atteinte hypothalamo-hypophysaire, diabète insipide
L’interrogatoire doit ainsi détailler :
*la céphalée (6 paramètres) :
–localisation (attention si postérieure, cervicalgies);
–typologie (pressive, pulsatile, en « coup de poignard »…);
–intensité (échelles selon l’âge, retentissement sur les activités en cours);
–durée;
–fréquence;
–symptômes associés (digestifs, visuels, torticolis, photo-phonophobie, neurovégétatifs, etc.);
*l’évolution temporelle des céphalées :
–modalités de début;
–modifications des céphalées depuis leur apparition initiale (intensité, fréquence);
*comment est l’enfant dans l’intervalle des céphalées :
–croissance staturo-pondérale (pathologie de la région sellaire) et du PC (courbes);
–signes endocriniens;
–signes d’HTIC;
–pathologie chronique, fièvre, asthénie;
–comportement alimentaire;
–retentissement sur les résultats scolaires, l’absentéisme, les loisirs, le sommeil;
–caractère, état psychoaffectif (comorbidité anxieuse et/ou dépressive);
–relations parents-enfant, amicales;
–prise chronique de médicaments;
*les antécédents personnels (traumatisme crânien récent), familiaux (céphalées, malformation vasculaire, tumeur cérébrale);
*les traitements médicamenteux essayés (molécule, posologie, efficacité, effets indésirables, abus d’antalgiques).
Examen clinique
Il est souhaitable d’avoir une orientation diagnostique à l’issue de l’interrogatoire (fig. 51.1) car elle guide les points de l’examen qui réclament une attention particulière.
Les étiologies à évoquer sont différentes selon qu’il s’agira de céphalées récentes de début soudain (fièvre, pression artérielle, raideur méningée, conscience) ou de céphalées récentes d’aggravation progressive (signes de localisation, HTIC, signes endocriniens).
Examen neurologique
Il est influencé par l’âge, qui dicte à la fois la norme (en particulier pour le tonus) mais aussi la méthodologie à adopter, conditionnée par la participation de l’enfant.
Regarder est irremplaçable, particulièrement quand l’enfant ne se sent pas examiné (entrée/sortie de la salle d’examen); intérêt du schème de marche (manière dont marche l’enfant), avec manœuvres de sensibilisation : sur les talons, en ligne, cloche-pied…
Se souvenir que les tumeurs de l’enfant sont le plus souvent situées au niveau de la fosse postérieure (syndrome cérébelleux, atteinte des paires crâniennes, en particulier oculomotricité) et beaucoup surviennent avant 5 ans (voir chapitre 27).
Ausculter la fontanelle quand elle est encore ouverte (souffle révélateur d’une malformation artérioveineuse).
Chez le nourrisson :
*fontanelle (bombement ?), périmètre crânien;
*examen neurologique complet avec repérarge d’éventuels troubles du développement psychomoteur (voir chapitre 3);
*fond d’œil (selon les cas).
Chez le grand enfant et l’adolescent :
*chercher une asymétrie (schème de marche, tonus, force, réflexes ostéotendineux, etc.);
*examen de l’oculomotricité, réflexe photomoteur;
*langage, affect, comportement.
Examen somatique
*Fièvre, hypertension artérielle (HTA).
*Douleurs à la palpation des sinus.
*Examens cutané (signes en faveur d’une neurofibromatose, ecchymoses), stomatologique, visuel, ORL.
Examen somatique
*Fièvre, hypertension artérielle (HTA).
*Douleurs à la palpation des sinus.
*Examens cutané (signes en faveur d’une neurofibromatose, ecchymoses), stomatologique, visuel, ORL.
B Enquête paraclinique
La nécessité de prescrire des explorations paracliniques et leur nature sont conditionnées par les diagnostics évoqués.
La question cruciale est de sélectionner les enfants chez qui on demandera une imagerie cérébrale (tableau 51.2).
Tableau 51.2
Indications d’imagerie cérébrale en cas de céphalées.
–Anomalie de l’examen neurologique
–Signes d’HTIC
–Trouble visuel et/ou de l’oculomotricité
–Vomissements persistants ou augmentant en fréquence
–Signes évocateurs d’une atteinte hypothalamo-hypophysaire
–Retard ou infléchissement statural
–Modification du caractère des céphalées
La TDM avec injection est l’imagerie cérébrale la plus facile à obtenir dans l’urgence.
L’IRM lui est supérieure dans l’analyse de la moelle spinale cervicale, de la fosse postérieure ou de la charnière.
Plus rarement, selon l’orientation diagnostique :
*glycémie capillaire;
*dosage de CO;
*sérologies virales;
*étude du LCS si suspicion d’infection neuroméningée ou d’HTIC bénigne (mesure de la pression d’ouverture);
*fond d’œil (œdème papillaire).
Un entretien psychologique voire un avis pédopsychiatrique peuvent être demandés.
Retenir les signes d’alerte face à des céphalées de l’enfant.
Connaître les indications d’une imagerie cérébrale en urgence.
I Principales causes à évoquer
A Céphalées récentes à début soudain
1 En contexte fébrile
Rechercher des signes évocateurs (trouble de conscience, signes méningés, signes de focalisation) d’une infection neuroméningée (voir chapitre 37), mais une infection virale banale sera le plus souvent en cause.
2 En l’absence de fièvre
L’obsession est de ne pas rater la rarissime hémorragie méningée, mais des céphalées traumatiques/post-traumatiques (voir chapitre 72), une première crise migraineuse, une HTA, une intoxication au CO seront des étiologies plus fréquentes.
B Céphalées récentes d’aggravation progressive
La recherche d’un processus expansif intracrânien est prioritaire.
Les céphalées sont le signe révélateur d’une tumeur cérébrale dans 70 % des cas.
Des signes d’HTIC (céphalées à prédominance matinale ou en seconde partie de nuit avec réveils nocturnes, exagérées par l’effort ou la position couchée, résistant aux antalgiques, accompagnées de vomissements matinaux pouvant les soulager temporairement) sont en général présents mais leur absence ne permet pas d’écarter cette hypothèse.
Le fond d’œil (œdème papillaire) peut être normal (jeunes enfants).
L’imagerie contribuera au diagnostic final et à la prise en charge thérapeutique.
Parmi les causes possibles autres qu’une tumeur cérébrale, on retrouve une malformation vasculaire, une hydrocéphalie, un hématome sous-dural chronique.
La normalité de l’imagerie cérébrale couplée à l’étude du LCS conduisent au diagnostic d’HTIC idiopathique (obésité, photopsies, médicaments : œstroprogestatifs, cycline, dérivés de la vitamine A, corticoïdes).
Céphalées chroniques paroxystiques
1 Généralités
En population générale, les céphalées de type tension épisodiques (CTTE) sont la cause la plus fréquente de céphalées, mais en consultation hospitalière c’est la migraine.
Les céphalées trigéminovasculaires (algies vasculaires de la face) sont exceptionnelles avant 10 ans.
2 Migraine
Diagnostic
La crise de migraine de l’enfant se distingue de celle de l’adulte par :
*des crises plus courtes (2–4 heures);
*une céphalée plus souvent frontale que temporale, plus souvent bilatérale qu’unilatérale (céphalée bifrontale);
*des troubles digestifs marqués et une pâleur.
Le diagnostic de migraine est clinique (description, absence de drapeaux rouges, examen clinique normal) et est facilité par l’utilisation des critères de l’ICHD-3 bêta (tableau 51.3).
Tableau 51.3
Critères de l’ICHD-3 de migraine sans aura chez l’enfant.
A. Au moins 5 crises vérifiant les critères B–D
B. Céphalées durant de 2 à 72 heures (non traitées ou traitées sans succès)
C. Céphalées ayant au moins 2 des caractéristiques suivantes :
1.Caractère bilatéral*
2.Pulsatilité
3.Intensité modérée à sévère
4.Aggravation par ou provoquant l’évitement des activités physiques de routine
D. Durant les céphalées, au moins l’un des caractères suivants :
1.Nausées et/ou vomissements
2.Photo- et phonophobie
E. Pas mieux expliqué par un autre diagnostic de l’ICHD-3
* La migraine chez l’enfant et l’adolescent (âgés de moins de 18 ans) est plus souvent bilatérale que chez les adultes; la douleur unilatérale apparaît généralement à la fin de l’adolescence ou au début de la vie adulte.
Chez l’enfant, la limite inférieure de durée des crises est ramenée à 2 heures.
La sémiologie se modifie avec l’âge pour se rapprocher de celle de l’adulte. La douleur unilatérale apparaît généralement à la fin de l’adolescence ou au début de la vie adulte.
Seuls les auras non typiques (aura motrice ou du tronc cérébral) et les jeunes enfants (< 3 ans) nécessitent une imagerie (IRM cérébrale avec injection de gadolinium).
Si les critères ICHD-3 de migraine avec aura ne diffèrent pas de ceux de l’adulte, la chronologie « aura puis céphalée » est moins souvent respectée que chez l’adulte.
La migraine avec aura du tronc cérébral débute classiquement à l’adolescence (premières règles). La migraine hémiplégique est une canalopathie.
Les syndromes périodiques susceptibles d’être associés à la migraine constituent la forme la plus précoce de migraine.
Les épisodes paroxystiques sont le plus souvent non céphalalgiques : torticolis (torticolis paroxystique bénin), vertiges (vertige paroxystique bénin), vomissements (syndrome des vomissements cycliques) ou douleurs abdominales (migraine abdominale).
Principes de prise en charge thérapeutique
Règles générales
- Informations sur la maladie, réassurance, éducation thérapeutique (bien expliquer les modalités d’administration des traitements : le plus tôt possible dans l’épisode migraineux).
*Hygiène de vie saine : alimentation équilibrée (ne pas sauter de repas); activité physique régulière; bonne hygiène de sommeil.
*Recherche et gestion des facteurs déclenchants : éviction si possible, sinon « coping » (savoir/apprendre à gérer la situation en présence du facteur déclenchant).
Traitement de la crise migraineuse - Repos au calme, dans l’obscurité.
*Trois règles de base pour l’administration du médicament de crise : prise dès le début de la crise (de la céphalée pour les triptans); posologie adaptée : 10 mg/kg pour l’ibuprofène per os; 15 mg/kg pour le paracétamol per os; 10 à 20 mg pour le sumatriptan en spray nasal (AMM > 12 ans); prévention de l’abus d’antalgiques : pas plus de 2 jours de prise par semaine ou 6 jours de prise par mois, de façon régulière.
*L’objectif du traitement de crise est de soulager le patient en 2 heures au plus; une deuxième prise est possible à ce moment si échec.
Traitement préventif
*Concerne 30 à 40 % des patients. Habituellement proposé si ≥ 3–4 crises par mois.
*En première intention, privilégier la relaxation (biofeedback, autohypnose, thérapie cognitivo-comportementale), de disponibilité problématique en France.
*Si échec ou indisponibilité, traitement préventif médicamenteux après avis spécialisé : par exemple, amitriptyline, propranolol, topiramate, flunarizine, pizotifène.
Migraine de l’enfant : critères diagnostiques à connaître.
La prise en charge ne se limite pas au seul soulagement des céphalées mais vise à la restauration d’un fonctionnement scolaire, familial et social satisfaisant.
D Céphalées chroniques non progressives
1 Céphalées chroniques quotidiennes
Elles sont définies par ≥ 15 jours de céphalées par mois pendant ≥ 3 mois.
La cause la plus fréquente est la migraine chronique (à partir d’une migraine épisodique, sous l’effet d’une comorbidité psychiatrique et/ou d’un abus d’antalgiques), suivie des céphalées quotidiennes nouvelles persistantes (CCQ de novo).
2 Autres céphalées chroniques non progressives
Les céphalées post-traumatiques persistantes surviennent après un intervalle libre qui peut aller jusqu’à 7 jours, chez un tiers environ des enfants ayant eu un traumatisme crânien mineur.
Les céphalées psychogènes sont fréquentes, allant d’une exagération des difficultés habituelles de l’adolescence à une dépression sévère, se manifestent par des plaintes fonctionnelles diverses et floues, avec une tolérance et un détachement qui contrastent avec leur ancienneté. Elles sont un diagnostic d’exclusion.
Les céphalées de cause extracrânienne (œil, sinus, dents, rachis cervical) constituent les céphalées projetées et sont surestimées par les médecins.
La simple coexistence de céphalées et d’un trouble de réfraction ou d’une atteinte sinusienne sur une imagerie ne suffit pas pour retenir ce diagnostic et, outre des arguments de présomption clinique convaincants, il faut exiger leur disparition avec la correction de l’anomalie causale supposée.
Avant de commencer…
À propos des convulsions / crises épileptiques
Le terme « convulsions » est utilisé pour désigner les manifestations motrices d’une crise épileptique.
Il existe également des crises sans manifestation motrice.
Le terme actuellement utilisé est « crise d’épilepsie » car il comprend les convulsions et les crises sans manifestation motrice.
L’interrogatoire de l’enfant et de l’entourage a une place primordiale puisque l’enfant est vu dans la très grande majorité des cas à distance de l’épisode paroxystique.
Si ce n’est pas le cas et qu’il y a persistance de convulsions, de troubles de la vigilance, de déficit neurologique ou de signes hémodynamiques ou respiratoires, il s’agit d’une situation de gravité qui nécessite une prise en charge spécifique : traitement d’un état de mal épileptique, d’un coma, d’un choc hémodynamique, d’une détresse respiratoire…
Il faut distinguer les crises épileptiques occasionnelles qui sont provoquées par un facteur intercurrent (manifestation « normale » du cerveau en réponse à une situation « anormale ») de la maladie épileptique où les crises surviennent de manière spontanée et/ou récurrente (manifestation « anormale » du cerveau en situation « normale »).
Les crises épileptiques les plus fréquentes chez le nourrisson et le jeune enfant sont les crises fébriles (appelées par le passé crises convulsives hyperthermiques). Ce sont des crises occasionnelles déclenchées par l’élévation de la température corporelle en dehors de toute infection neuroméningée et de toute affection neurologique.
En cas de récidive chez un enfant ayant une épilepsie, il faut savoir s’il s’agit des crises habituelles ou non, rechercher des facteurs favorisants (mauvaise observance du traitement, modification du traitement en cours, manque de sommeil…), sans oublier d’éliminer une crise occasionnelle révélatrice d’une cause aiguë surajoutée.
À propos de l’épilepsie
L’épilepsie est une maladie neurologique chronique. Le diagnostic peut être posé dans trois situations :
*la survenue de plusieurs crises épileptiques spontanées (au moins deux séparées de 24 heures);
*la survenue d’une crise spontanée dont le bilan étiologique permet de prédire que le risque de récidive est élevé;
*la survenue de crise(s) d’épilepsie dont le bilan permet de poser le diagnostic d’un syndrome épileptique donné.
On distingue deux types de crises :
*les crises épileptiques généralisées, qui impliquent rapidement les deux hémisphères avec des signes moteurs et/ou des troubles de la conscience; les principaux types sont : les crises tonicocloniques, les absences, les myoclonies;
*les crises épileptiques à début focal (anciennement appelées partielles), qui débutent initialement dans une seule partie du cerveau; ces crises peuvent avoir une diffusion dans les deux hémisphères. On parle alors d’évolution tonico-clonique bilatérale (anciennement appelées « secondairement généralisées »).
La conduite diagnostique pour les épilepsies est une démarche à trois niveaux : type de crise, type d’épilepsie et éventuellement type de syndrome épileptique.
À chaque étape de la démarche, la cause est envisagée selon six catégories : structurale, génétique, métabolique, inflammatoire, infectieuse et de cause inconnue.
L’examen central du diagnostic syndromique est l’EEG.
Lorsque le traitement est envisagé, on privilégie une monothérapie avec surveillance de l’efficacité, de l’observance et de la tolérance.
L’éducation thérapeutique de l’enfant et de ses parents est fondamentale.
Un projet d’accueil individualisé établi avec le médecin scolaire permet une gestion optimale en cas de crise survenant en collectivités.
Convulsions / crises épileptiques du nourrisson et du jeune enfant
A Analyser les convulsions/crises
1 Identifier et analyser les convulsions/crises
La crise d’épilepsie a le plus souvent cédé lors de la première évaluation médicale.
Si elle persiste au-delà de 5 minutes, il s’agit d’un état de mal au sens opérationnel, c’est-à-dire qu’il nécessite la plupart du temps une prise en charge spécifique urgente pour faire céder la crise.
Le diagnostic repose sur l’interrogatoire de l’enfant et des personnes ayant été témoins de l’épisode. Aucun examen complémentaire ne permet de confirmer ou d’infirmer le diagnostic de crise d’épilepsie a posteriori. Le risque de diagnostic par excès est important.
L’interrogatoire devra recueillir le plus précisément possible la description des phénomènes observés et leur déroulement dans le temps (signes avant-coureurs, signes au début de l’épisode, évolution, modalité de fin de l’épisode avec signes post-critiques, durée approximative…).
La sémiologie peut être très variée mais certaines crises sont plus spécifiques :
*crises généralisées tonicocloniques : rares avant l’âge de 2 ans, elles se traduisent par une phase tonique de contraction musculaire soutenue avec blocage respiratoire, suivie d’une phase clonique de secousses rythmiques des membres; en post-critique, la respiration est bruyante, il existe une hypotonie et une confusion de résolution progressive;
*crises cloniques : elles débutent d’emblée par des secousses rythmiques;
*crises toniques : elles sont caractérisées par une contraction tonique des membres et de l’axe, avec révulsion oculaire et trismus;
*crises atoniques : elles correspondent à une résolution complète du tonus avec chute si l’enfant est assis ou debout.
Il faut distinguer une convulsion des diagnostics différentiels suivants :
*frissons : à l’ascension thermique ou en cas de décharge bactérienne; généralement les secousses sont moins amples et plus rapides;
*trémulations : tremblements fins des extrémités disparaissant à l’immobilisation forcée;
*myoclonies du sommeil : survenant à l’endormissement et exclusivement dans le sommeil;
*spasmes du sanglot : séquence pleurs/apnée/cyanose en cas de frustration, de colère ou de peur, survenant généralement entre 6 mois et 3 ans (plus rares après 5 ans);
*syncopes vagales convulsivantes : perte de connaissance puis secousses des quatre membres survenant au décours d’un traumatisme ou en cas de contrariété;
*mouvements anormaux : effets secondaires possibles de certains médicaments;
*malaises autres : épisode brusque de changement de teint (cyanose, pâleur…) avec rupture de contact et hypotonie, sans mouvement anormal (voir chapitre 66).
Repérer les situations d’urgence
Urgence liée à la crise d’épilepsie en elle-même et à ses conséquences :
*signes neurologiques :
–durée de crise d’épilepsie supérieure à 15 minutes, sachant qu’après 5 minutes la crise a plus de risque de durer que de s’arrêter, justifiant l’utilisation d’un traitement de secours par benzodiazépine (définition opérationnelle de l’état de mal);
–crise récidivant sans que la conscience ne soit revenue à la normale;
–déficit focal et/ou trouble de la conscience ne s’améliorant pas rapidement et durablement entre deux examens séparés d’au moins 30 minutes;
*signes respiratoires :
–bradypnées, irrégularités respiratoires, apnées;
–cyanose, encombrement bronchique majeur;
*signes hémodynamiques :
–tachycardie, temps de recoloration cutanée allongé;
–marbrures, extrémités froides, pouls périphériques mal perçus;
Urgence liée à la cause de la crise d’épilepsie :
*contexte infectieux :
–sepsis sévère, purpura fébrile;
–cris geignards, syndrome méningé, signes encéphalitiques;
*autres contextes sévères :
–pâleur, hématomes multiples (maltraitance ?);
–coma, possibilité d’intoxication médicamenteuse.
Urgence liée au terrain :
*crise épileptique sans fièvre avant l’âge de 12 mois, du fait de la fréquence des causes symptomatiques graves à cet âge (hématome sous-dural, troubles ioniques);
*crise épileptique fébrile avant l’âge de 6 mois du fait de la fréquence des encéphalites et méningites à cet âge.
Préciser le contexte de survenue de la crise
Données d’interrogatoire :
*antécédents anténatals et périnatals de l’enfant;
*antécédents neurologiques personnels et familiaux :
–crises fébriles chez des apparentés;
–épilepsie connue chez l’enfant ou un membre de la famille;
–maladie chronique (diabète sous insuline, maladie néphrologique ou hématologique);
*circonstances particulières :
–contage infectieux ou signes inhabituels dans l’entourage, voyage;
–traumatisme crânien récent, traitement médicamenteux en cours;
–facteurs de risque de maltraitance;
*développement psychomoteur de l’enfant.
Au terme de l’interrogatoire, sont consignés :
*la description de la crise par l’entourage de l’enfant, en n’oubliant pas de commencer par les premiers signes visibles, puis la phase d’état et les symptômes post-critiques;
*l’interprétation médicale : s’agit-il d’une crise certaine, probable, possible ? de quel type (à début généralisé, à début focal ou à début inconnu) ?
*l’existence d’une fièvre;
*les éventuels facteurs de gravité;
*une orientation étiologique possible.
4 Enquête diagnostique
Enquête clinique
Elle complète les données anamnestiques déjà précisées ainsi que les signes orientant vers une situation urgente.
Constantes vitales : température, fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, pression artérielle, temps de recoloration cutanée, diurèse.
Examen neurologique :
*état de conscience et de vigilance : Glasgow pédiatrique; qualité du contact ou des pleurs;
*mesure du périmètre crânien et report sur la courbe de PC (par exemple, augmentation récente sur la courbe en faveur d’un hématome sous-dural aigu);
*palpation de la fontanelle antérieure (caractère bombant en faveur d’un hématome sousdural aigu, d’une méningite);
*signes neurologiques focaux : déficit moteur durable, troubles de conscience prolongés, en particulier le caractère stable ou s’aggravant du déficit et/ou de la conscience entre deux examens séparés de 15 à 30 minutes, qui sont des signes de gravité.
Examen cutané :
*purpura, exanthème maculopapuleux;
*ecchymoses ou hématomes (maltraitance);
*pâleur conjonctivale (hématome sous-dural aigu, SHU).
Examen général :
*auscultation cardiopulmonaire (cardiopathie congénitale);
*douleurs de reliefs osseux (fractures), masse abdominale (traumatisme).
Interrogatoire essentiel pour le diagnostic positif de crise d’épilepsie.
Urgence : état de mal convulsif, sepsis, purpura, syndrome méningé, pâleur, hématome, coma.
Évaluer : fièvre, Glasgow, périmètre crânien et fontanelle, développement psychomoteur.
Enquête paraclinique
Dans la majorité des cas, un interrogatoire et un examen clinique complets permettent d’éliminer les causes nécessitant un traitement en urgence (méningite ou encéphalite, hématome intracrânien, troubles ioniques) et de décider de réaliser ou non une ponction lombaire, une imagerie cérébrale ou un ionogramme sanguin. En l’absence de contexte évocateur (diabète traité par insuline, réveil après resucrage…), la glycémie capillaire n’a pas d’intérêt chez l’enfant de plus de 1 an ayant fait une crise d’épilepsie sans critère de gravité.
Devant une crise d’épilepsie survenant en climat fébrile, une ponction lombaire est indiquée dans les situations suivantes : suspicion de méningite (syndrome méningé, fontanelle bombante, anomalie du tonus…), suspicion d’encéphalite (trouble du comportement, crise focale et/ou prolongée au-delà de 15 minutes ou suivie d’un déficit post-critique) et systématiquement avant l’âge de 6 mois même si isolée et résolutive.
Après 6 mois, l’âge ne doit pas, à lui seul, faire réaliser une ponction lombaire. La PL n’est donc pas recommandée après l’âge de 6 mois sans aucun signe de méningite ou d’encéphalite (syndrome méningé, trouble du comportement et syndrome septique). Une surveillance hospitalière de courte durée (4 heures) peut être envisagée pour les crises fébriles simples chez les nourrissons âgés de moins de 12 mois.
La réalisation d’un scanner cérébral avant ponction lombaire n’est pas systématique chez l’enfant. Son indication repose sur le contexte étiologique suspecté et la clinique. Un scanner cérébral est notamment conseillé en l’absence d’amélioration de troubles de conscience ou en l’absence d’amélioration d’une anomalie neurologique focale entre deux examens séparés d’au moins 30 minutes. Il faudra tenir compte du contexte clinique (administration de benzodiazépines ou autres antiépileptiques de secours et/ou crise prolongée qui peuvent décaler le retour à la conscience normale) pour le délai entre deux évaluations cliniques. La réalisation d’un scanner cérébral ne doit pas retarder la prescription d’antibiotiques et d’antiviraux.
Devant une première crise d’épilepsie sans fièvre, il faut réaliser un scanner cérébral (avec IV) en urgence en cas de : signe de localisation à l’examen et/ou troubles de conscience persistant plus de 30 minutes après la fin de la crise, âge < 1 an.
En cas de contexte particulier (déshydratation, diarrhée glairosanglante, diabète), de signes de gravité ou avant l’âge de 12 mois, il faut pratiquer un bilan biologique comprenant ionogramme sanguin (natrémie), calcémie, glycémie, NFS-plaquettes.
L’EEG n’est pas un examen urgent (sauf s’il y a un doute sur la persistance de crises) mais doit être fait après une première crise non fébrile ou inhabituelle pour un patient épileptique connu. Il sera suivi d’une demande d’avis spécialisé. Il est inutile en cas de crise fébrile simple.
Crise fébrile simple : aucun examen complémentaire nécessaire (en dehors du bilan de fièvre éventuellement indiqué).
Connaître les indications de la PL et de l’imagerie cérébrale en urgence.
L’EEG est systématique en cas de crise d’épilepsie sans fièvre et sera suivi d’un avis spécialisé.
Rechercher une cause
1 Orientation diagnostique devant une première crise d’épilepsie (tableau 52.1, voir infra fig. 52.1)
En pratique, on distingue :
Tableau 52.1
Causes de crises épileptiques chez le nourrisson et le jeune enfant.
Crises épileptiques avec fièvre Crises épileptiques sans fièvre
–Avant tout :
*Crise fébrile
*Infection neuroméningée : méningite bactérienne, encéphalite herpétique
–Plus rarement :
*Neuropaludisme
*Abcès cérébral
*Thrombophlébite cérébrale
*SHU
–Avant tout :
*Événement occasionnel sans suite, traumatisme crânien, hématome sous-dural
*Première crise d’une épilepsie débutante
–Plus rarement :
*Causes métaboliques (surtout âge < 6 mois) : hypo/hypernatrémie, hypoglycémie, hypocalcémie…
*AVC (hémorragique ou ischémique)
*Tumeurs
*HTA
*SHU
*Cause toxique
*les crises épileptiques aiguës, fébriles ou non;
*les crises épileptiques récidivantes sans cause identifiée (possible épilepsie débutante).
Bien retenir : crise fébrile, infection neuroméningée, hématome sous-dural aigu, hypoglycémie, SHU.
Causes de crises épileptiques occasionnelles avec fièvre
Crises fébriles
Ce sont les crises épileptiques occasionnelles les plus fréquentes. Elles concernent 2 à 5 % des enfants, avec une fréquence majorée en cas d’antécédent familial.
Une crise fébrile est définie comme :
*une crise épileptique liée à la fièvre;
*survenant chez un nourrisson ou un enfant :
–âgé de 6 mois à 5 ans (le plus souvent de 1 à 3 ans);
–dont le développement psychomoteur est normal;
–en dehors de toute atteinte (infectieuse ou non) du SNC.
Toute pathologie fébrile peut en être à l’origine, en particulier les infections virales du petit enfant (par exemple, l’exanthème subit). En pratique, la fièvre est souvent retrouvée au moment de l’examen suivant la crise d’épilepsie; elle peut parfois être objectivée dans les 24 heures, ce qui permet rétrospectivement de porter le diagnostic de crise fébrile.
La cause de la fièvre doit être recherchée comme devant toute fièvre de l’enfant, avec une attention particulière sur les signes d’infection cérébroméningée.
La crainte d’une méningite purulente ou d’une encéphalite révélée par une crise d’épilepsie fébrile conduit à recommander quel que soit le tableau clinique associé, de pratiquer une ponction lombaire chez un nourrisson âgé de moins de 6 mois ou en cas de crise fébrile prolongée (> 15 minutes), focale ou avec un déficit focal post-critique.
En l’absence de signe clinique de méningite (syndrome méningé, fontanelle bombée, trouble du tonus, fièvre mal tolérée) ou d’encéphalite (trouble du comportement, de la conscience) associé à la crise d’épilepsie fébrile, la PL est toujours normale lorsque la crise fébrile est simple.
On distingue les crises fébriles simples et les crises fébriles complexes (tableau 52.2).
Tableau 52.2
Caractéristiques des crises fébriles : simples et complexes.
Crises fébriles simples Crises fébriles complexes
Âge 1 an-5 ans < 1 an
Durée Brèves (< 15 min)
Et 1 seul épisode sur 24 heures Longues (≥ 15 min)
Plus de 1 épisode sur 24 heures
Type Généralisées À début localisé
Déficit post-critique Non Oui
Antécédents neurologiques Non Oui
Examen neurologique Normal Anormal
Examens complémentaires Non Oui
Hospitalisation Non systématique Systématique
Traitement spécifique Non Selon les cas
La présence d’un seul critère des crises fébriles complexes permet de définir la crise fébrile comme complexe.
Ces critères de crise fébrile complexe sont utiles pour répondre aux trois questions pratiques que posent les crises d’épilepsie fébriles :
*Sont-elles révélatrices d’une infection cérébroméningée ?
*Quel est le risque de récidive et de faire une crise prolongée ?
*Quel est le risque d’épilepsie ultérieure ?
Mais chacun de ces critères peut avoir une valeur prédictive différente.
Un seul élément est suffisant pour constituer un facteur de risque (tableau 52.3)
Facteurs de risque reliés à une crise fébrile.
Facteurs prédictifs d’avoir une méningite
–Syndrome méningé ou encéphalitique
–Crise focale et/ou prolongée et/ou répétitive (sur les 24 heures)
Facteurs de risque de refaire une crise fébrile après en avoir fait une première (20 à 30 % des enfants)
–Crise d’épilepsie fébrile survenue avant 15 mois
–Antécédent familial au premier degré de crises fébriles
–Fièvre < 38,5 °C lors de la crise fébrile
–Crise fébrile survenue tôt dans l’histoire de la maladie fébrile
NB : Risque : 10 % de risque de récidive si zéro critère; 25 % si un critère; 50 % si deux critères; 80 % si trois critères
Facteurs de risque de faire une crise fébrile prolongée
–Première crise (donc non prédictible)
–Avoir déjà eu une crise de plus de 10 minutes
–Avoir fait une 1re crise fébrile avant l’âge de 1 an
Facteurs de risque de débuter une épilepsie après une convulsion en contexte fébrile
–Antécédent neurologique : retard psychomoteur
–Examen neurologique antérieurement anormal : déficit focal (hémiparésie)
–Crises fébriles complexes (focale, prolongée, répétitive sur 24 heures)
Atteintes infectieuses du SNC
Des signes de méningite bactérienne doivent toujours être recherchés et la ponction lombaire réalisée au moindre doute (voir au chapitre 37, Méningites bactériennes).
Une crise convulsive fébrile focale et/ou prolongée, ce d’autant qu’il existe des anomalies neurologiques intercritiques, doit faire redouter jusqu’à preuve du contraire une méningoencéphalite herpétique et conduire à un traitement probabiliste en urgence par aciclovir (voir chapitre 37, Méningo-encéphalites infectieuses).
Autres causes plus rares
Le diagnostic de neuropaludisme doit être évoqué dans les régions d’endémie paludéenne ou dans les 3 mois suivant le retour d’un séjour dans un pays à risque (voir chapitre 40).
Le syndrome hémolytique et urémique (SHU) doit être évoqué en cas de : diarrhée ± sanglante avec fièvre, syndrome anémique (pâleur), HTA, insuffisance rénale aiguë (voir chapitre 38).
Les thrombophlébites cérébrales surviennent le plus souvent en contexte infectieux local (ORL) chez l’enfant et sont associées à des signes d’HTIC.
Les abcès cérébraux peuvent ne pas être fébriles; il existe souvent une altération marquée de l’état général et un foyer infectieux local, plus rarement des crises d’épilepsie.
Connaître les critères de crise fébrile complexe et leur application pratique.
Toujours rechercher des signes évocateurs d’une infection du SNC et débuter un traitement dans le doute.
Crises épileptiques aiguës occasionnelles hors contexte fébrile
Hématomes cérébraux
Un hématome sous-dural ou extradural aigu peut compliquer un traumatisme crânien accidentel de l’enfant (voir chapitre 72). L’anamnèse oriente le diagnostic.
Un hématome sous-dural aigu peut s’intégrer dans un tableau clinique de maltraitance, notamment chez le jeune nourrisson (voir chapitre 10).
Autres causes
L’interrogatoire et l’examen clinique permettent d’éliminer : les causes tumorales (signes d’HTIC, augmentation du PC, anomalie de l’examen neurologique), les causes neurovasculaires (accident vasculaire cérébral sur cardiopathie emboligène, rupture de malformation artérioveineuse ou d’anévrisme, HTA), mais également les causes toxiques (intoxication : CO, antidépresseurs, alcool, anti-H2).
Une anomalie du ionogramme sanguin (natrémie, calcémie) et de la glycémie sera systématiquement recherchée avant l’âge de 12 mois.
Après cet âge, le bilan biologique n’est utile qu’en cas de point d’appel (antécédents médicaux, histoire clinique, signes de gravité).
Crise d’épilepsie hors contexte infectieux chez un jeune nourrisson : évoquer un hématome sous-dural aigu.
Épilepsie du nourrisson
Généralités
Les épilepsies constituent un groupe hétérogène de maladies qui partagent la caractéristique de crises épileptiques se répétant sans facteur déclenchant. Une première crise d’épilepsie peut être inaugurale d’une épilepsie. Il est important de vérifier qu’il n’y a pas eu de crises passées inaperçues ou non diagnostiquées comme telles avant l’épisode amenant à consulter. Un avis neuropédiatrique est indispensable en cas d’épilepsie du nourrisson.
Parmi les épilepsies débutant chez le nourrisson, le syndrome des spasmes infantiles doit être connu, car les crises caractéristiques de ce syndrome, les spasmes épileptiques, peuvent être frustes, avec un risque d’errance diagnostique et de retard de prise en soins préjudiciables.
D’autres syndromes épileptiques peuvent débuter chez le nourrisson, comme par exemple, la plupart des épilepsies focales secondaires à une dysplasie corticale focale, qui sont responsables de crises focales, stéréotypées, souvent résistantes au traitement médical.
De manière exceptionnelle, l’épilepsie du nourrisson peut être d’origine monogénique. Une des causes d’épilepsie monogénique la plus fréquente est le syndrome de Dravet. À ce jour, plus de 50 causes monogéniques d’épilepsie ont été décrites, dont le pronostic est très variable.
Syndrome des spasmes épileptiques infantiles (anciennement syndrome de West)
Il s’agit d’une épilepsie grave du nourrisson, débutant entre 3 et 12 mois (habituellement vers l’âge de 6 mois) associant un type particulier de crises : les spasmes épileptiques, qui surviennent le plus souvent en cluster, un EEG intercritique anormal pouvant aller jusqu’à un tracé hypsarythmique (ondes lentes et pointes multifocales diffuses et asynchrones de grande amplitude, disparition de l’activité de fond), ainsi qu’une stagnation ou régression psychomotrice, parfois absentes si le diagnostic est précoce. La reconnaissance clinique des spasmes est essentielle pour une prise en charge thérapeutique précoce; leur sémiologie doit être connue (voir vidéo 52.1, lien en fin de chapitre).
Ce syndrome a le plus souvent une cause sous-jacente (séquelles d’encéphalopathie anoxoischémique ou sequelles d’infections neuroméningées, sclérose tubéreuse de Bourneville, malformation cérébrale, plus rarement anomalie métabolique ou génétique).
Syndrome des spasmes épileptiques infantiles = spasmes épileptiques, EEG intercritique anormal et arrêt de développement ou régression psychomotrice.
Principes de prise en charge thérapeutique
1 Mesures immédiates
La crise épileptique a souvent cédé spontanément lors de l’évaluation médicale.
Un traitement antipyrétique (en cas de fièvre) et un traitement étiologique (en cas crise aiguë occasionnelle identifiée) doivent être prescrits le plus rapidement possible.
L’état de mal épileptique établi est défini par des crises continues ou par la succession de crises sans amélioration de la conscience sur une période de 30 minutes. Il est précédé d’un état de mal « menaçant », défini par des crises de plus de 5 minutes dont on sait qu’elles ont moins de probabilité de s’arrêter d’elles-mêmes. Il existe donc une définition « opérationnelle » de l’état de mal qui justifie l’administration du traitement d’arrêt de crise après 5 minutes de crise.
En cas de crises épileptiques persistantes ou récidivantes :
*mettre en conditions :
–assurer la liberté des voies aériennes (pas de canule de Guedel);
–mettre en position latérale de sécurité;
–monitoring cardiorespiratoire, constantes (avec température);
*administrer une benzodiazépine :
–si la crise n’a pas cédé après 5 minutes d’évolution;
–par exemple : diazépam en intrarectal ou midazolam buccal.
En cas de crise épileptique persistante au terme de 10 minutes (soit 5 minutes après la première administration de benzodiazépine) :
*une seconde dose de benzodiazépine doit être administrée, de préférence par voie IV en milieu hospitalier : clonazépam IVL;
*en cas de nouvel échec, le traitement anticonvulsivant repose sur : phénytoïne ou lévétiracétam ou phénobarbital par voie IV, au mieux en unité de réanimation.
Le suivi immédiat repose sur la surveillance des constantes vitales, l’évaluation de la conscience et l’examen neurologique à la recherche de signes neurologiques focaux durables.
Urgence en cas de crise d’épilepsie : noter l’heure, préparer benzodiazepine.
Prise en charge thérapeutique des crises fébriles
A En cas de crise fébrile simple, il convient de rassurer les parents sur sa bénignité.
Le médecin traitant a un rôle important à jouer pour dédramatiser la situation vécue et donner des conseils pour la conduite à tenir lors d’un prochain accès fébrile.
Un avis spécialisé (neuropédiatre) est requis principalement dans les cas suivants : crise fébrile prolongée avant l’âge d’1 an, crise fébrile focale et prolongée ou focale et répétitive, répétition d’une crise fébrile complexe (focale ou prolongée ou multiple), présence d’un retard de développement ou d’une anomalie de l’examen neurologique.
Il permettra d’établir les facteurs de risque d’un début d’épilepsie, de décider des explorations paracliniques éventuellement utiles ainsi que de poser l’indication d’un traitement antiépileptique.
Le risque principal est la récidive d’un épisode de crise fébrile ultérieurement (20 à 30 %).
Les traitements antipyrétiques n’ont pas montré d’efficacité dans la prévention de la récurrence de crises fébriles au cours d’un épisode fébrile.
En cas de survenue d’une récidive de crise fébrile à domicile, une dose de diazépam intrarectal doit être administrée si celle-ci n’a pas cédé au terme de 5 minutes. En cas de persistance de la crise épileptique malgré ces mesures, les secours médicalisés doivent être prévenus.
Une consultation médicale systématique (même si la crise a cédé) permet de rechercher une cause à l’épisode fébrile et de s’assurer de l’état neurologique de l’enfant.
Messages aux parents : reconnaître la crise, l’état post-critique, diazépam intrarectal si ≥ 5 minutes.
Épilepsies de l’enfant
A Analyser une épilepsie
1 Évoquer une épilepsie et en évaluer la sémiologie
Généralités
L’identification d’une épilepsie est avant tout clinique.
Le diagnostic est précisé à partir des données anamnestiques recueillies auprès de l’entourage de l’enfant (ayant été témoin) au décours de chacune des crises épileptiques.
Arguments cliniques en faveur :
*le caractère paroxystique de la crise, en particulier le début clairement identifiable;
*la similarité d’une crise à l’autre.
Analyse sémiologique via un interrogatoire rigoureux :
*description par l’enfant et son entourage des crises, en insistant sur le premier symptôme ressenti ou vu, les signes observés, la phase post-critique immédiate, les éventuels facteurs favorisants (description à consigner telle quelle dans le dossier);
*raisonnement médical : de quel type de crise s’agit-il (à début généralisé ou à début focal) ? quelles régions cérébrales semblent impliquées en cas de crises focales ? peut-on évoquer un syndrome ? une étiologie ?
Crises épileptiques à début généralisé
Les crises généralisées tonicocloniques débutent de manière brutale, avec une perte de connaissance et une chute si l’enfant est en position verticale sans qu’il ne puisse prévenir ou se protéger.
Se succèdent : une phase tonique (contraction soutenue des quatre membres avec pause respiratoire) de 10 à 20 secondes, une phase clonique (secousses rythmiques et synchrones des quatre membres) de 30 secondes à 2 minutes (avec parfois morsure de langue), puis une phase de relâchement musculaire (avec perte d’urine fréquente). On observe enfin une phase post-critique de quelques minutes à 2–3 heures, avec amnésie complète de la crise.
Les absences surviennent de manière pluriquotidienne, avec un début et une fin brusques.
Elles sont marquées par une suspension brève de la conscience (2 à 20 secondes), avec interruption des activités en cours. Le regard de l’enfant est fixe, avec parfois des myoclonies de faible intensité des paupières et des globes oculaires. L’enfant reprend ensuite son activité où il l’avait arrêtée. Elles peuvent être déclenchées par l’hyperpnée.
Les myoclonies entraînent un sursaut brutal et une chute secondaire à une contraction brève de la musculature axiale, sans rupture de contact, avec récupération rapide. Un enregistrement EEG est nécessaire pour confirmer la nature épileptique.
rises épileptiques à début focal
Elles se caractérisent par des signes focaux (moteurs, sensitifs, sensoriels…) stéréotypés, suivis d’un déficit post-critique, en rapport avec la région cérébrale en cause. Par exemple, une crise partielle occipitale se traduira par des hallucinations visuelles. Elles peuvent être à conscience conservée ou altérée. Elles peuvent avoir une évolution tonico-clonique bilatérale.
2 Apprécier la gravité de l’épilepsie
Gravité de l’épilepsie reliée :
*essentiellement à sa cause : épilepsie avec anomalie structurale à l’IRM, telle qu’une malformation cérébrale, une lésion anoxo-ischémique, ou génétique s’intégrant dans une anomalie chromosomique ou génique; ces étiologies conditionnent souvent la coexistence de troubles majeurs du développement intellectuel ou de troubles du spectre autistique;
*aux caractéristiques des crises épileptiques :
–crises entraînant des chutes traumatisantes;
–crises prolongées;
–crises cyanosantes;
*aux comorbidités : difficultés de développement cognitif et de comportement de l’enfant (TDAH, troubles attentionnels) avec retentissement sur la vie quotidienne (vie familiale, scolarité);
*à la réponse thérapeutique (pharmacorésistance : persistance des crises malgré deux stratégies thérapeutiques bien menées et adaptées au diagnostic du syndrome épileptique).
Crises à début généralisé : crises généralisées tonicocloniques, absences, myoclonies.
Crises à début focal : à conscience conservée ou altérée.
Gravité de l’épilepsie reliée à l’étiologie en premier lieu.
3 Enquête diagnostique
Enquête clinique
Elle complète les données sémiologiques déjà précisées.
Contexte de survenue des crises : voir § I.A.3.
Examen physique :
*appréciation des traits morphologiques (dysmorphie);
*examen neurologique complet;
*examen général : hépatomégalie, taches cutanées, souffle cardiaque…
Enquête paraclinique
Électroencéphalogramme (EEG) :
*systématique, veille et sommeil;
*enregistre l’activité cérébrale intercritique :
–un EEG intercritique normal n’élimine pas le diagnostic d’épilepsie;
–inversement, des anomalies EEG peuvent être observées en l’absence de toute épilepsie;
*si les crises sont fréquentes (pluriquotidiennes) : possibilité d’enregistrement EEG/vidéo prolongé pour enregistrer une crise.
Imagerie cérébrale = IRM (avant tout) :
*non systématique (selon le syndrome et la cause suspectée);
*inutile dans les épilepsies idiopathiques;
*indiquée si : épilepsies partielles non idiopathiques, épilepsies associées à un retard psychomoteur et à des signes neurologiques focaux, épilepsie comportant des critères de gravité ou mal contrôlée par un traitement bien conduit.
Données cliniques essentielles : antécédents neurologiques, évolution du périmètre crânien, développement psychomoteur, syndrome dysmorphique.
EEG : seul examen indispensable pour le bilan initial et le suivi d’une épilepsie de l’enfant.
Retenir que l’on traite un enfant ayant des crises épileptiques et non des anomalies EEG.
B Classification des crises épileptiques, syndromes épileptiques
1 Orientation diagnostique
La démarche diagnostique repose sur les étapes suivantes :
*description du ou des types de crises épileptiques;
*analyse médicale : s’agit-il de crises à début focal ou à début généralisé ?
*diagnostic syndromique;
*recherche de la cause de l’épilepsie.
Les crises épileptiques (dont la répétition définit l’épilepsie) s’intègrent dans un syndrome épileptique, dont le diagnostic tient compte des paramètres suivants :
*âge de survenue des premières crises épileptiques;
*sémiologie des crises et circonstances de survenue;
*résultats EEG (intercritique et parfois critique) et éventuellement neuroradiologiques.
La classification des épilepsies comprend trois niveaux :
*le type de crise épileptique : à début focal, à début généralisé, à début indéterminé;
*le type d’épilepsie : les épilepsies avec crises à début focal, les épilepsies avec crises à début généralisé, les épilepsies avec des crises à début focal et à début généralisé, les épilepsies avec des crises à début indéterminé;
*le syndrome épileptique, quand cela est possible.
La classification des épilepsies, quel que soit le niveau, demande de considérer :
*la cause, répartie en six catégories : structurelle, génétique, infectieuse, métabolique, immune, inconnue;
*les comorbidités.
Des exemples de syndromes épileptiques de l’enfant sont détaillés ci-après.
Syndromes épileptiques les plus fréquents
Épilepsie-absence de l’enfant (épilepsie généralisée idiopathique)
Elle représente 5 à 10 % des épilepsies de l’enfant. Elle débute vers l’âge de 5–7 ans et disparaît souvent avant l’adolescence.
Elle se manifeste par des absences pluriquotidiennes, favorisées par l’hyperpnée (déclenchement aisé d’une absence en consultation par une épreuve d’hyperpnée). Au moment du diagnostic, les absences sont le seul type de crise observée, sinon il s’agit d’un autre diagnostic.
L’EEG est indispensable pour établir le diagnostic; il montre, de façon concomitante des absences, des bouffées de pointes-ondes généralisées, synchrones à 3 cycles/s, de début et fin brutaux. Attention aux troubles attentionnels qui est une comorbidité fréquemment associée.
Le pronostic est le plus souvent bon dès l’institution d’un traitement.
pilepsie-absence de l’enfant : absences pluriquotidiennes favorisées par l’hyperpnée, de bon pronost
Prise en charge au long cours de l’épilepsie
1 Stratégie thérapeutique
Le traitement ne doit être introduit que si le diagnostic d’épilepsie est confirmé.
La molécule doit être choisie en fonction du type de crise épileptique, du syndrome épileptique et parfois de l’étiologie. Il ne faut pas utiliser de traitement d’épreuve en cas de doute diagnostique sur la nature épileptique des phénomènes.
Il est important aussi de tenir compte du profil du patient et des contre-indications et effets secondaires potentiels des traitements.
Il faut débuter par une monothérapie et chercher la dose minimale efficace en introduisant progressivement le traitement. Le traitement ne devra pas être arrêté brutalement.
L’enfant devra être revu 1 à 2 mois après l’introduction pour vérifier l’efficacité sur les crises et les effets indésirables, puis tous les 6 mois. Le bilan initial et le suivi comprendront systématiquement l’évaluation du retentissement cognitif, point majeur dans les épilepsies de l’enfant.
Autres éléments de prise en charge
Il est important que les éléments suivants soient pris en compte : la connaissance de la maladie et la connaissance des éventuels facteurs déclenchants des crises et des risques liés aux crises (qui dépendent du type d’épilepsie et de son contrôle). La plupart des enfants épileptiques peuvent avoir une vie normale, mais il peut arriver que certains sports soient contre-indiqués.
L’orientation professionnelle doit être anticipée en cas d’épilepsie qui persiste à l’âge adulte.
L’information sur le traitement (molécules, observance, effets secondaires…) et la conduite à tenir en cas de crise, par l’enfant, et par l’entourrage, est indispensable.
Cela passe par de l’éducation thérapeutique de l’enfant et de ses parents.
Dans les épilepsies graves du fait du retentissement cognitif, psychoaffectif, familial, éducatif et scolaire pour l’enfant, de crises fréquentes ou sévères, d’effets indésirables importants, un projet éducatif (dont PAI) est à mettre en place ainsi qu’une demande de prise en charge en ALD.
L’épilepsie est une maladie chronique avec un vécu souvent difficile pour l’enfant et pour la famille. Un soutien psychologique peut être utile pour l’enfant épileptique et ses parents.
Traitement de fond uniquement si le diagnostic d’épilepsie est confirmé.
Monothérapie avec évaluation de l’efficacité, de l’observance et de la tolérance.
Éducation thérapeutique de l’enfant et de ses parents.
Avant de commencer…
Le handicap répond à une définition inscrite dans un texte législatif.
La connaissance de la prise en charge globale d’un enfant handicapé est utile pour tout médecin.
I Pour bien comprendre
A Définition du handicap
D’après la loi du 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le terme de handicap est défini ainsi : « Constitue un handicap toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »
Le polyhandicap correspond à un handicap grave à expressions multiples, avec restriction extrême de l’autonomie et déficience intellectuelle sévère.
Ces dispositions législatives concernent également les enfants porteurs de maladies chroniques (trouble invalidant de la santé).
L’OMS a adopté en 2001 une nouvelle classification du handicap, la CIF (Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé), qui représente le handicap comme le résultat de l’interaction des caractéristiques de santé personnelles de l’individu et des facteurs environnementaux.
B Épidémiologie
La prévalence des handicaps de l’enfant n’a pas diminué ces dernières décennies.
La proportion d’enfants déficients est proche de 2,5 % tous handicaps confondus.
Les donnés chiffrées ci-dessous sont données à titre indicatif et ne sont pas à retenir.
Ce taux se situe ainsi autour de 6,6 enfants pour 1 000 naissances pour les handicaps neurosensoriels sévères (trisomie 21, retards mentaux sévères, paralysies cérébrales, surdités sévères, autisme et troubles du spectre autistique); de 3 pour 1 000 pour les déficiences motrices comme pour les déficiences intellectuelles sévères; de 2,5 pour 1 000 pour les troubles psychiatriques; et de 1,5 pour 1 000 pour les déficiences sensorielles sévères.
Par ailleurs plus de 1 % des enfants sont atteints d’autres anomalies responsables de handicaps (maladies somatiques, malformations). Ce taux est beaucoup plus élevé chez les enfants nés prématurément (< 32 SA) où il est montré que 3 à 9 % seront porteurs d’une paralysie cérébrale, 15 à 20 % présenteront une déficience intellectuelle modérée ou profonde et 3 à 4 % seront porteurs d’une déficience visuelle ou auditive sévère.
Enfin, les troubles du neurodéveloppement, toutes causes confondues, représentent environ 45 % des maladies chroniques de l’enfant (source CNAMTS).
Dispositions législatives
Elles posent le principe d’un droit pour la personne handicapée, le droit à compensation des conséquences de son handicap, quelles que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie.
La compensation du handicap de l’enfant est assurée par l’allocation pour l’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et la prestation de compensation du handicap (PCH), mais également par l’offre de services et de places dans les établissements du secteur médicosocial.
Selon le principe d’un lieu unique destiné à faciliter les démarches des personnes handicapées, il existe dans chaque département une Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) offrant un accès unique aux droits et prestations. Elle informe et accompagne les personnes handicapées et leurs familles dès l’annonce du handicap et tout au long de son évolution.
Elle assure l’organisation de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) et le suivi de la mise en œuvre de ses décisions, ainsi que la gestion du fonds départemental de compensation du handicap.
Retenir la définition du handicap.
Connaître les rôles principaux de la MDPH.
ilières de prise en charge médicale, médicosociale et de scolarisation de l’enfant handicapé
A Préambule
1 Prise en charge d’un enfant ayant un trouble du neurodéveloppement
La découverte d’un trouble du neurodéveloppement chez un enfant justifie une recherche systématique des différentes causes connues à ce jour.
Lorsque le diagnostic causal est porté, l’annonce du diagnostic et de ses conséquences doit être clairement faite selon des règles de bonne pratique, telles que :
*annonce faite par un médecin expérimenté qui connaît le handicap de l’enfant;
*aux deux parents ensemble ou en présence d’un proche;
*au cours d’un colloque singulier dans un lieu tranquille (temps et disponibilité);
*le plus précocement possible pour éviter des périodes de doute;
*avec un langage simple et accessible (notion de filtrage sélectif, de sidération);
*en évitant les veilles de week-end ou de vacances, prévision d’entretiens ultérieurs;
*possibilités de prise en charge et de soutien dès l’annonce.
Cette étape est essentielle. Elle permet la mise en place d’un accompagnement pluridisciplinaire de l’enfant en situation de handicap et de sa famille.
Parfois, dans les situations les plus sévères, où le pronostic vital est mis en jeu, la mise en place d’un accompagnement de fin de vie sera nécessaire.
Les objectifs de la prise en charge reposent avant tout sur la prévention du surhandicap en aidant ces enfants, qui ne guériront pas de leurs troubles mais pourront développer des stratégies pour les contourner.
Principes d’orientation de l’enfant handicapé
Un enfant reconnu handicapé doit pouvoir bénéficier d’une éducation spéciale, gratuite qui associe des actions médicales, paramédicales, sociales, pédagogiques et psychologiques.
B Scolarisation
1 Généralités
Tout enfant handicapé peut être inscrit dans « l’école ou l’établissement du second degré de son quartier », qui constitue son établissement scolaire de référence.
Le droit à la scolarité s’intègre dans le projet personnalisé de scolarisation (PPS) qui s’établit en lien avec l’équipe éducative (au sein de laquelle le médecin scolaire doit avoir une place essentielle), les parents, un enseignant référent de la MDPH et les équipes de soins. Les parents sont étroitement associés à l’élaboration de ce projet personnalisé ainsi qu’à la décision d’orientation, prise en accord avec eux par la CDAPH.
Le PPS est un projet individualisé dynamique adapté aux besoins réels de l’enfant.
La scolarisation comporte pour tout enfant deux volets : celui des apprentissages proprement dits et celui de la vie en groupe. À côté du PPS, l’enfant porteur de handicap doit pouvoir participer à des activités de loisirs (centres de loisirs, centres aérés et colonies de vacances).
Intégration individuelle en classe scolaire
Elle peut se faire avec le soutien d’un accompagnant de l’enfant en situation de handicap (AESH) anciennement appelé auxilaire de vie scolaire (AVS), ce qui permet à un certain nombre d’enfants handicapés de trouver leur place dans la classe.
Les AESH sont des personnels non enseignants, mis à disposition des établissements pour intervenir auprès d’un enfant porteur d’un handicap. Cette mesure est décidée sur étude de dossier par la commission des droits à l’autonomie de la MDPH.
Enfin, tous les examens et concours organisés par l’Éducation nationale offrent des possibilités d’aménagements étendus et renforcés pour les candidats handicapés (tiers temps supplémentaire, assistant de secrétariat…).
3 Classes d’intégration collective
En primaire, les ULIS École (unités localisées pour l’inclusion scolaire) accueillent 12 enfants au maximum. Elles sont spécialisées par types de handicap et destinées à accueillir des élèves ayant :
*des troubles des fonctions cognitives ou mentales;
*des troubles spécifiques du langage et des apprentissages;
*des troubles envahissants du développement (dont l’autisme);
*des troubles des fonctions motrices;
*des troubles de la fonction auditive;
*des troubles de la fonction visuelle;
*des troubles multiples associés (pluri-handicap ou maladies invalidantes).
Les ULIS Collège et Lycée assurent une continuité avec les ULIS École à partir de 11 ans.
Au collège, les SEGPA (sections d’enseignement général et professionnel adapté) accueillent les élèves ayant des difficultés d’apprentissage graves et persistantes. Il s’agit d’un enseignement adapté qui vise une qualification professionnelle.
Dispositifs d’accompagnement de l’intégration en milieu ordinaire
1 Généralités
Plusieurs structures apportent un soutien à l’intégration scolaire.
Pluridisciplinaires, elles définissent et mettent en œuvre pour chaque enfant un projet éducatif, pédagogique et thérapeutique en association avec les parents.
2 CAMSP
Pour les enfants âgés de 0 à 6 ans, les CAMSP (centres d’action médicosociale précoce) ont pour objet le dépistage, la prise en charge et la rééducation en ambulatoire des enfants ayant des déficits sensoriels, intellectuels ou moteurs, en vue d’une adaptation sociale et éducative dans leur milieu naturel et avec la participation de leurs familles.
Ils fonctionnent avec une équipe pluridisciplinaire, tant au niveau médical (pédiatres, pédopsychiatres) que paramédical (kinésithérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, psychologues, etc.).
Ce type de prise en charge ne nécessite pas d’orientation par la MDPH; l’accès y est direct à la demande de la famille ou de médecins.
3 Autres services ne nécessitant pas d’orientation MDPH
D’autres services peuvent également intervenir :
*pour les enfants âgés de 3 à 18 ans ayant des troubles psychoaffectifs, psychomoteurs ou des troubles des apprentissages : les CMPP (centres médico-psycho-pédagogiques);
*pour les enfants ayant des troubles psychiques : les CMP (centres médico-psychologiques) ayant un rôle essentiellement thérapeutique.
Des prises en charge peuvent également être réalisées en secteur libéral (séances de kinésithérapie, d’orthophonie, suivi pédopsychiatrique, neuropédiatrique, de rééducation fonctionnelle).
Les frais de rééducations par des psychologues, psychomotriciens et ergothérapeutes en libéral ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale et ne sont compensables que par les allocations versées par la MDPH (AEEH).
Services médicosociaux d’accompagnement nécessitant une orientation MDPH
Pour les enfants âgés de 0 à 20 ans, différents services d’accompagnement existent.
Ils se répartissent en plusieurs catégories selon le handicap :
*SESSAD (services d’éducation spéciale et de soins à domicile) pour les enfants atteints de déficiences intellectuelles et motrices, mais aussi de polyhandicap;
*SAFEP (services d’accompagnement familial et d’éducation précoce) pour les enfants âgés de 0 à 3 ans ayant une déficience auditive et visuelle;
*SSEFIS (services de soutien à l’éducation familiale et à l’intégration scolaire) pour les enfants déficients auditifs âgés de plus de 3 ans;
*SAAAIS (services d’aide à l’acquisition de l’autonomie et à l’intégration scolaire) pour les enfants déficients visuels âgés de plus de 3 ans.
Intégration en établissement médicosocial
1 Généralités
Si tout enfant handicapé peut être inscrit dans « l’école ou l’établissement du second degré de son quartier », il peut exister des limites à cette intégration.
Le pédiatre doit veiller à ce que l’enfant ne paye pas son adaptation scolaire à un prix méconnu : efforts incessants, sentiment de ne jamais en faire assez et devoir en faire toujours plus.
Ce sentiment risque de le conduire à une profonde dévalorisation allant jusqu’à la phobie scolaire. Il faudra évaluer la souffrance éventuelle de l’enfant et la faire admettre aux parents dans l’intérêt de l’enfant; ce qui peut dans un premier temps être vécu comme une source de conflit avec ceux-ci.
Dès lors, une orientation en milieu spécialisé ne doit pas être ressentie comme un échec mais comme un passage pour atteindre d’autres objectifs, mais dont la finalité est toujours la même : donner l’autonomie et l’intégration sociale les meilleures possible.
2 Structures
Différentes structures proposent une prise en charge au long cours de la totalité ou d’une partie des besoins de l’enfant handicapé tant au niveau éducatif que rééducatif et psychologique. L’accès se fait par l’intermédiaire de la CDAPH de la MDPH.
Il s’agit principalement :
*d’IME (instituts médico-éducatifs) pour les enfants âgés de 0 et 20 ans, en distinguant les établissements pour enfants ayant une déficience intellectuelle, de ceux pour enfants ayant une déficience motrice, de ceux pour enfants polyhandicapés, de ceux pour enfants ayant une déficience auditive grave, et de ceux pour enfants ayant une déficience visuelle grave ou cécité;
*d’IMPRO (instituts médico-professionnels) après l’âge de 14 ans afin de donner une formation professionnelle;
*d’IR (instituts de rééducation) pour des enfants ayant des difficultés scolaires sévères associées à des troubles du comportement;
*des IEM (instituts d’éducation motrice) pour les enfants atteints de déficience motrice sévère.
Aides financières et sociales
La prise en charge sociale repose avant tout sur la rédaction de certificats médicaux qui doivent être précis, clairs, synthétiques et contenir des éléments pertinents (certificat MDPH et ALD [affections longue durée]). Ces certificats sont soumis au secret médical.
Les enfants handicapés bénéficient d’une exonération du ticket modérateur, avec prise en charge à 100 % des frais de santé. Il faut être assuré social ou ayant droit.
Les causes de handicap entrent soit dans la définition d’une des trente affections de longue durée, soit dans la définition de la 31e maladie (maladie longue et coÛteuse hors liste).
Cette prise en charge recouvre les soins médicamenteux et autres, les régimes spécifiques, les séjours hospitaliers, les frais de transport relatifs aux soins, les aides techniques.
L’attribution de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et de ses compléments repose sur les conditions suivantes : toute personne qui assure la charge d’un enfant handicapé âgé de moins de 20 ans si l’incapacité de l’enfant est au moins égale à 80 % (perte de l’autonomie pour la plupart des actes de la vie quotidienne), ou entre 50 et 80 % s’il est placé en externat ou en semi-internat dans un établissement spécialisé ou pris en charge par un SESSAD. Seule l’AEEH permet l’exonération du forfait hospitalier.
Les compléments sont attribués aux personnes dont la nature ou la gravité du handicap exige des dépenses particulièrement coÛteuses ou le recours fréquent à une tierce personne. Il existe des compléments de six catégories différentes.
Cette attribution relève de la compétence de la CDAPH de la MDPH.
La carte d’invalidité est attribuée lorsque le taux d’incapacité est égal ou supérieur à 80 %.
Les avantages obtenus sont divers : macaron GIC, frais d’aide à domicile, gratuité des transports pour l’accompagnant.
Elle relève de la compétence de la MDPH.
L’allocation journalière de présence parentale (AJPP) est attribuée lorsque l’enfant est atteint d’une maladie, d’un handicap, ou victime d’un accident rendant indispensable une présence parentale soutenue et des soins contraignants. Le congé est d’une durée de 310 jours à prendre sur 3 ans en fonction des besoins d’accompagnement de l’enfant. L’obtention du congé n’est pas cumulable avec le complément d’éducation spéciale perçu pour le même enfant. L’AJPP est par contre cumulable avec l’AEEH simple.
Des aides à domicile sont également possibles.
Toute prescription de soins médicaux ou paramédicaux à domicile peut être assurée soit par des professionnels libéraux payés à l’acte, soit par des services de soins infirmiers à domicile dans les conditions habituelles de prise en charge de l’Assurance maladie.
Diverses interventions sociales (auxiliaires de vie, aides ménagères, travailleuses familiales) peuvent être assurées à domicile; elles ne sont pas prises en charge par l’Assurance maladie mais peuvent relever d’autres aides (collectivités locales, État…).
Retenir les différentes possibilités éducatives pour l’enfant handicapé.
Certificats médicaux, 100 %, AEEH, carte d’invalidité, AJPP, aides à domicile.
Avant de commencer…
Une gêne respiratoire est un motif fréquent, parfois urgent, de consultation chez les enfants.
La démarche d’analyse sémiologique, centrée sur l’inspection, suffit le plus souvent à :
*porter le diagnostic de détresse respiratoire aiguë;
*évaluer sa tolérance;
*apprécier son mécanisme et sa topographie.
L’urgence est d’assurer le maintien des fonctions vitales et d’identifier la cause.
Le plus souvent, il s’agit d’une infection des voies aériennes ou d’une crise d’asthme.
La recherche de signes d’insuffisance cardiaque aiguë doit être systématique.
Toute dyspnée d’installation brutale après 6 mois doit faire évoquer une inhalation de corps étranger.
Pour bien comprendre
A Définitions
La dyspnée caractérise une perception anormale et désagréable de la respiration qu’est susceptible de rapporter un patient. Ceci n’est évidemment pas possible chez le nourrisson et le jeune enfant. À ces âges, c’est l’entourage immédiat qui est alerté par une respiration jugée rapide ou une irrégularité du rythme respiratoire, des accès de toux, des bruits respiratoires, des signes de lutte, parfois des difficultés alimentaires. L’enfant plus âgé peut exprimer des difficultés à parler ou à la reprise inspiratoire.
La détresse respiratoire aiguë (DRA) est la manifestation clinique de la gravité d’une affection de l’appareil respiratoire, traduisant la difficulté de répondre à la demande ventilatoire (polypnée, signes de lutte respiratoire).
L’insuffisance respiratoire aiguë correspond à l’existence d’une hypoxie tissulaire, dont les causes possibles sont l’hypoxémie (diminution de la PaO2 reliée possiblement à une baisse de la fraction inspirée en oxygène, une hypoventilation alvéolaire, une anomalie de diffusion ou de ventilation/perfusion, un shunt anatomique), un défaut de transport de l’oxygène (anémie), un débit sanguin insuffisant (choc), une anomalie d’extraction cellulaire.
Normes de fréquence respiratoire
Les normes de fréquence respiratoire (FR) chez l’enfant varient avec l’âge, la fièvre, l’agitation, l’anxiété (tableau 54.1). Elles sont à connaître pour la pratique médicale et les EDN.
Tableau 54.1
Normes de fréquence respiratoire chez l’enfant.
Âge FR (/min)
< 1 mois 35–60
1–12 mois 30–50
1–2 ans 20–40
2–4 ans 20–35
5–18 ans 12–20
Ainsi, un nouveau-né qui respire à une FR de 15/min est en détresse respiratoire aiguë avec épuisement, alors qu’un adolescent avec la même FR est eupnéique.
Détresse respiratoire aiguë
A Évaluer la détresse respiratoire
1 Reconnaître un enfant en détresse respiratoire
L’analyse de la ventilation d’un enfant repose sur 4 paramètres :
*fréquence respiratoire : comparaison aux normes pour l’âge, qui permettra de mettre en évidence une tachypnée (FR trop élevée avec volume courant conservé), une polypnée (respiration trop rapide et superficielle) ou une bradypnée (FR trop basse);
*travail respiratoire : recherche des signes de lutte respiratoire :
–balancement thoraco-abdominal (mouvement paradoxal de l’abdomen pendant l’inspiration : contraction du diaphragme, expansion de l’abdomen et rétraction de la cage thoracique; responsable d’une respiration inefficace);
–tirage (valeur localisatrice du siège de l’obstruction : sus-sternal, intercostal, sous-sternal);
–battement des ailes du nez;
–entonnoir xiphoïdien;
–geignement expiratoire (traduisant souvent une atteinte alvéolaire);
*volumes pulmonaires : inspection de l’expansion thoracique et auscultation;
*oxygénation : appréciation de la coloration de l’enfant, et prise de la SpO2.
2 Apprécier les facteurs de gravité et la tolérance de la DRA
Terrains spécifiques à risque :
*prématurité, âge < 8 semaines;
*cardiopathie ou maladie respiratoire sous-jacente (mucoviscidose);
*drépanocytose, immunosuppression.
L’évaluation des capacités de compréhension des parents et de la qualité du suivi à domicile est essentielle en cas de décision de prise en charge ambulatoire.
Signes de mauvaise tolérance symptomatique :
*signes de gravité respiratoires :
–difficultés à parler (si en âge);
–bradypnée secondaire (épuisement), apnées;
–signes d’hypoxie (pâleur, cyanose, SpO2 < 92 %) ou d’hypercapnie (sueurs);
*troubles hémodynamiques (retentissement ou cause) :
–tachycardie, TRC ≥ 3 secondes, pouls filants;
–hépatomégalie, souffle cardiaque;
*retentissement neurologique :
–épuisement avec hyporéactivité;
–agitation, somnolence;
*retentissement sur l’alimentation :
–difficultés à la prise alimentaire;
–signes de déshydratation.
Examens complémentaires potentiellement utiles à ce stade :
*radiographie de thorax de face : identifier parfois une cause à la DRA;
*gaz du sang veineux : chiffrer la capnie dans les DRA les plus sévères (norme de PCO2 chez l’enfant < 46 mm Hg).
Chiffrage de la fréquence respiratoire, signes de lutte.
Identifier : apnées, signes d’insuffisance cardiaque, difficultés alimentaires, terrain à risque.
Identifier la cause de la détresse respiratoire
1 Orientation clinique (fig. 54.1)
L’inspection va permettre de mesurer la fréquence respiratoire, de préciser le temps de la dyspnée (inspiratoire, expiratoire ou aux 2 temps), de définir si la dyspnée est « bruyante » avec des sons perceptibles à l’oreille des parents et du clinicien, témoignant d’une obstruction (stridor, cornage, wheezing, frein expiratoire), et de rechercher la présence ou non de signes de lutte associés.
Ces éléments, associés aux données de l’auscultation pulmonaire et cardiaque vont permettre dans un très grand nombre de cas d’identifier la cause de la détresse respiratoire aiguë. Un examen général complètera l’analyse sémiologique et permettra également d’apprécier le retentissement de la détresse (cf. supra).
Les causes de DRA du nourrisson et de l’enfant sont classées et résumées dans la figure 54.1 selon les caractéristiques cliniques de la dyspnée.
La plupart de ces pathologies sont détaillées dans d’autres chapitres.
La laryngite aiguë, l’inhalation de corps étranger et l’insuffisance cardiaque sont abordées ici.
2 Indications d’éventuels examens complémentaires
Radiographie du thorax de face :
*indications détaillées dans chaque chapitre spécifique;
*systématique dès qu’il existe un doute diagnostique, ou dès que la DRA est sévère.
Gaz du sang veineux :
*signes d’hypoventilation :
–apnées, pauses respiratoires;
–sueurs, troubles de conscience;
*acidocétose diabétique.
Autres (selon le contexte) :
*glycémie capillaire : dyspnée sine materia;
*NFS : pâleur, tachycardie, sepsis, fièvre avant l’âge de 6 semaines, drépanocytose;
*endoscopie bronchique : suspicion de corps étranger inhalé (voir infra).
Orientation diagnostique : quasi exclusivement clinique.
C Prendre en charge une détresse respiratoire aiguë
Mesures urgentes, quel que soit le diagnostic :
*libération des VAS : retrait d’un corps étranger, aspiration, désobtruction rhinopharyngée (DRP) ou mouchage;
*mise en proclive (nourrisson) ou position semi-assise (enfant);
*initiation du traitement spécifique si cause évidente (par exemple, crise d’asthme);
*si hors milieu hospitalier : évaluer la nécessité d’un transfert médicalisé (Samu);
*si en service d’urgences :
–surveillance scopée selon les cas;
–oxygénothérapie adaptée à la SpO2;
–voie veineuse périphérique si altération de l’état hémodynamique ou général;
–évaluer la nécessité d’un transfert en USI;
*réévaluation clinique régulière.
Mesures spécifiques :
*en poursuivant la prise en charge symptomatique;
*se référer à chaque chapitre spécifique.
Ne pas allonger un enfant en détresse respiratoire.
I Points clés à propos de certaines causes
A Laryngite aiguë sous-glottique
1 Généralités
La laryngite aiguë sous-glottique est la cause la plus fréquente de dyspnée laryngée de l’enfant.
Elle concerne avant tout l’enfant entre les âges de 1 et 3 ans.
Elle succède volontiers à une rhinopharyngite aiguë virale.
2 Diagnostic
Les signes respiratoires s’installent de manière progressive, souvent la nuit.
Il s’agit le plus souvent d’une toux rauque, accompagnée d’un cornage (bruit laryngé attestant du siège sous-glottique). Une détresse respiratoire peut être présente, habituellement une bradypnée inspiratoire, parfois une tachypnée chez le nourrisson, avec des signes de lutte respiratoire hauts.
L’enfant peut avoir une fièvre modérément élevée.
Diagnostics différentiels à évoquer :
*angiome sous-glottique : dyspnée laryngée avant l’âge de 6 mois;
*corps étranger laryngé ou trachéal : atypies cliniques pour une « laryngite » : début très brutal, début diurne (jeux sans surveillance), absence de contexte viral;
*anaphylaxie alimentaire : apparition brutale au décours d’un repas, autres signes potentiellement présents (douleurs abdominales, urticaire…);
*épiglottite aiguë (rarissime depuis la généralisation de la vaccination Haemophilus influenzae b) : tableau clinique alarmant avec sepsis et asphyxie; classiquement voix disparue et hypersalivation; appel immédiat du Samu.
Prise en charge thérapeutique
En l’absence de signes de détresse respiratoire = toux rauque isolée :
*prise en charge ambulatoire;
*corticothérapie per os pendant 1 à 3 jours.
En cas de détresse respiratoire = signes de lutte respiratoire au repos :
*en urgence : nébulisation(s) de corticoïdes et/ou d’adrénaline :
–surveillance de 4 heures souhaitable après une nébulisation d’adrénaline;
–hospitalisation en cas de mauvaise réponse aux nébulisations;
*corticothérapie per os pendant 1 à 3 jours.
Un avis ORL (à moyen terme) est indiqué en cas de dyspnée laryngée avant 6 mois ou de laryngites récidivantes.
Laryngite avec détresse respiratoire : nébulisations de corticoïdes et/ou d’adrénaline + corticothérapie orale.
Dyspnée laryngée avant l’âge de 6 mois → évoquer un angiome sous-glottique.
Corps étranger des voies aériennes
1 Généralités
L’incidence est maximale entre les âges de 1 et 2 ans, lorsque l’enfant commence à porter les objets à sa bouche (pas avant 6 mois).
Les contextes de l’accident sont les apéritifs ou repas, les périodes de jeux. Le corps étranger (CE) est souvent alimentaire (fruits à coque). Plus rarement, il s’agit de petits morceaux de jouets en plastique ou d’objets métalliques variés.
L’accident se traduit le plus souvent par un syndrome d’inhalation (accès asphyxique brutal, avec toux et cyanose). Le CE peut rester enclavé dans le larynx ou la partie haute de la trachée, responsable de signes cliniques persistants immédiats (tableau d’asphyxie ou signes de DRA). Dans la très grande majorité des cas, le CE est mobilisé par les efforts de toux. Il peut soit être expulsé des voies aériennes (absence de CE intrabronchique), soit être inhalé et se bloquer dans une bronche souche, une bronche lobaire, ou une bronche segmentaire. Dans ce dernier cas, l’enfant peut rester symptomatique, avec toux et polypnée. Si l’inhalation est méconnue, le CE se révèle à distance par une infection du territoire pulmonaire obstrué.
2 Enquête diagnostique et mesures immédiates
Enquête clinique
Le diagnostic de CE inhalé peut être évoqué dans trois circonstances :
*asphyxie brutale chez un enfant sans pathologie respiratoire connue;
*syndrome d’inhalation typique rapporté par les parents (accès brutal de suffocation avec toux quinteuse puis cyanose, chez un enfant antérieurement sain, survenant au cours d’un repas ou d’un jeu, habituellement résolutif en quelques minutes);
*toux chronique ou pneumopathie prolongée ou récidivante malgré une antibiothérapie adaptée.
Le diagnostic topographique de l’enclavement du CE est aidé par la sémiologie :
*CE laryngé : dyspnée inspiratoire, toux permanente, dysphonie;
*CE trachéal : dyspnée aux deux temps variable suivant la position;
*CE bronchique : dyspnée expiratoire modérée, asymétrie/anomalie auscultatoire.
Mesures immédiates
La figure 54.2 synthétise les mesures urgentes en cas d’asphyxie.Un tableau d’asphyxie ou de dyspnée sévère impose l’hospitalisation en réanimation. Le transfert doit être médicalisé, en évitant toute mobilisation accidentelle du CE lors du transport.
En cas de DRA sévère, une intubation immédiate permet de refouler le CE dans une bronche souche, de ventiler ainsi le côté libre, en attendant l’extraction du CE par un endoscopiste dans les plus brefs délais.
Enquête paraclinique
La seule notion de syndrome d’inhalation doit conduire à rechercher un CE.
La radiographie du thorax de face en inspiration et en expiration (fig. 54.3) peut :*objectiver un CE radio-opaque;
*repérer des signes indirects de CE enclavé (créant un obstacle) :
–atélectasie (obstacle complet, en phase tardive) : opacité dense rétractile homogène et systématisée, attraction du médiastin du côté de l’opacité;
–emphysème obstructif localisé (obstacle incomplet, en phase précoce) : hyperclarté, élargissement des espaces intercostaux, refoulement médiastinal du côté opposé;
*apparaître faussement normale dans les premières heures.
Prise en charge selon les circonstances
Le diagnostic repose sur la fibroscopie bronchique. Lorsque la probabilité diagnostique d’un CE récent est élevée (par exemple syndrome d’inhalation typique et radiographie évocatrice), une endoscopie bronchique avec tube rigide est justifiée en première intention, car elle permet l’extraction du CE dans de bonnes conditions. Dans les autres situations une endoscopie bronchique diagnostique au tube souple est réalisée en première intention, car moins invasive.
Dyspnée brutale chez un enfant → évoquer une inhalation de corps étranger.
Pas de manœuvres d’expulsion en cas de toux efficace.
Radiographie du thorax en inspiration et en expiration.
C Insuffisance cardiaque aiguë
1 Généralités
L’insuffisance cardiaque aiguë est une cause possible de détresse respiratoire et peut constituer un piège diagnostique. Deux grand entités cliniques existent.
La première entité, la plus fréquente, résulte d’une congestion pulmonaire par hyperdébit pulmonaire. C’est le cas des cardiopathies avec shunt gauche-droit de type communication interventriculaire large (CIV), canal atrioventriculaire (CAV) ou persistance de canal artériel (PCA) large.
La deuxième entité correspond à une incapacité du cœur à assurer un débit sanguin adéquat et une oxygénation suffisante des différents organes.
Les trois paramètres conditionnant le fonctionnement normal du cœur sont la précharge (qualité du remplissage des ventricules), la post-charge (résistances à l’éjection des ventricules) et la contractilité myocardique.
La dysfonction myocardique peut être secondaire (myocardite, trouble du rythme, ischémie par anomalie coronaire, maladie métabolique) ou primitive (génétique). Elle peut être due à des anomalies de post-charge comme la coarctation de l’aorte ou la sténose aortique serrée.
La symptomatologie est liée aux signes de congestion pulmonaire (polypnée superficielle ou à l’effort, crépitants/sibilants, tachycardie, sudation) et/ou aux signes de congestion veineuse par stase droite (hépatomégalie, œdèmes, turgescence jugulaire).
Les formes graves associent des signes d’insuffisance circulatoire (teint gris, marbrures, pouls filants, hypotension artérielle, froideur des extrémités, troubles de conscience, oligurie).
2 Diagnostic
Identification des signes d’insuffisance cardiaque aiguë
Chez le nourrisson, la présentation clinique peut être variable :
*symptômes digestifs :
–refus alimentaire, vomissements;
–mauvaise prise pondérale;
*symptômes respiratoires :
–polypnée parfois isolée, essoufflement aux biberons avec sueurs;
–détresse respiratoire aiguë avec crépitants et/ou sibilants;
*symptômes cardiovasculaires :
–tachycardie;
–hépatomégalie;
–souffle cardiaque (inconstant);
–œdèmes (inconstant).
Une insuffisance cardiaque peut être facilement confondue avec une bronchiolite aiguë. Tachycardie en l’absence de fièvre, mauvaise prise pondérale depuis quelques semaines, hépatomégalie et/ou souffle doivent impérativement faire évoquer l’insuffisance cardiaque.
Chez le nouveau-né, le tableau est souvent celui d’un choc cardiogénique.
Chez l’enfant, la symptomatologie cardiorespiratoire domine à l’effort ou la nuit, avec des douleurs abdominales possibles (par hépatalgie ou bas débit mésentérique).
Enquête paraclinique
Avant tout :
*radiographie du thorax (cardiomégalie, opacités alvéolo-interstitielles, pleurésie);
*ECG (troubles du rythme, hypertrophie ventriculaire, ischémie myocardique);
* échocardiographie (cardiopathie, fonction ventriculaire, épanchement péricardique);
*marqueurs BNP, NT-proBNP, troponine.
Causes à évoquer chez le nourrisson
Avant tout :
*shunts gauche-droite : CIV, CAV, PCA large;
*myocardites infectieuses;
*troubles du rythme cardiaque (notamment les tachycardies supraventriculaires).
Plus rarement :
*coarctation de l’aorte (absence des pouls fémoraux);
*sténose aortique serrée (nouveau-né);
*cardiomyopathie sur anomalie de naissance de la coronaire gauche;
*cardiomyopathies métaboliques ou génétiques.
3 Prise en charge thérapeutique
Le respect de la séquence « ABC » est fondamental (voir chapitre 65).
En cas de congestion pulmonaire sans signes de mauvaise perfusion périphérique ou de choc, un diagnostic cardiologique doit être rapidement établi (cardiopédiatre) pour orienter la prise en charge thérapeutique.
En cas de signes évocateur de choc cardiogénique, un service de réanimation pédiatrique doit être contacté et un diagnostic cardiologique rapidement établi.
Le traitement symptomatique consiste à réduire la congestion et à augmenter le débit cardiaque.
Le traitement étiologique est essentiel.
Le pronostic est fonction de la cause diagnostiquée et de la rapidité de la prise en charge.
Symptômes d’insuffisance cardiaque chez le nourrisson : dyspnée aux biberons, sueurs, tachycardie, hépatomégalie, stagnation pondérale.
Données cliniques à évaluer prioritairement : cyanose, souffle cardiaque, pouls périphériques.
Détresse respiratoire + troubles hémodynamiques → palper le foie avant un remplissage vasculaire.
Avant de commencer…
La toux est un symptôme fréquent, notamment chez les jeunes enfants.
En cas de toux aiguë, il s’agit le plus souvent d’une toux reliée à une infection des voies aériennes.
Il importe de repérer des signes de sévérité clinique nécessitant une prise en charge thérapeutique urgente (détresse respiratoire secondaire à une crise d’asthme, une pneumonie, une laryngite, une inhalation de corps étranger…).
En cas de toux chronique, une enquête clinique exhaustive complétée d’une radiographie du thorax de face systématique permet d’orienter le diagnostic.
L’identification de signes d’alerte et l’analyse du caractère de la toux (sèche ou grasse), de sa périodicité sont fondamentales, afin de guider la conduite à tenir et ne pas méconnaître une pathologie nécessitant plus d’investigations.
Pour bien comprendre
A Généralités
La toux est un symptôme souvent rapporté chez le jeune enfant.
Il s’agit d’un phénomène réflexe et physiologique, nécessaire à l’épuration et à la protection des voies aériennes. La toux est principalement médiée par des afférences provenant du nerf vague. Elle peut être déclenchée par stimulation du larynx, de la trachée, des bronches, mais aussi de l’œsophage distal ou des conduits auditifs externes. Il n’y a pas de déclenchement de la toux à partir des alvéoles.
B Définitions
La toux est qualifiée de :
*aiguë si durée < 3 semaines;
*aiguë prolongée si durée entre 3 et 8 semaines (habituellement reliée au temps de résolution au décours d’une infection virale);
*chronique si durée ≥ 8 semaines.
Toux aiguë : durée < 3 semaines.
Toux chronique : durée ≥ 8 semaines.
II Argumenter les principales hypothèses diagnostiques
A Toux aiguë
La toux aiguë est le plus souvent liée à une infection virale des voies aériennes supérieures.
Son apparente banalité ne doit pas dispenser d’une enquête clinique rigoureuse (tableau 55.1), le plus souvent suffisante pour poser un diagnostic.
Tableau 55.1
Orientation clinique en cas de toux aiguë.
Caractéristiques de la toux Signes associés Diagnostic probable
Grasse
Majorée au décubitus Rhinite
± Fébricule Rhinopharyngite
Infection ORL
Sèche ± Wheezing
± Dyspnée Asthme (voir chapitre 57)
Bronchiolite (voir chapitre 56)
Sèche Fièvre
Polypnée
Crépitants en foyer Pneumonie (voir chapitre 59)
Sèche
Quinteuse ± Vaccination incomplète Coqueluche (voir chapitre 34)
Rauque Rhinite
± Dyspnée inspiratoire
± Fébricule Laryngite (voir chapitre 54)
Sèche
Apparition brutale Syndrome d’inhalation
± Dyspnée Corps étranger inhalé (voir chapitre 54)
Les causes les plus fréquente de toux aiguë prolongée sont les toux post-infectieuses (disparaissant en général en moins de 8 semaines, ce qui correspond au délai de régénération de l’épithélium cilié permettant une épuration mucociliaire efficace, hors coqueluche).
B Toux chronique
1 Démarche diagnostique
La stratégie diagnostique est orientée par les données cliniques qui peuvent argumenter pour une cause de toux spécifique déterminée (tableau 55.2).
Tableau 55.2
Orientation clinique en cas de toux chronique.
Caractéristiques de la toux Contexte Signes associés Diagnostic probable
Sèche
Récurrente Aucun Viroses hivernales Hyperréactivité bronchique post-virale
Sèche
Récurrente
Prédominance en deuxième
partie de nuit Atopie Wheezing
Saisonnalité
Réponse aux β2 Asthme
Sèche
Quinteuse Contage (entourage)
Vaccination incomplète Auscultation normale Coqueluche
Grasse Aucun Jetage postérieur
Obstruction nasale
Auscultation normale Infection ORL chronique
Grasse Enfant d’âge préscolaire État général conservé
Râles bronchiques Bronchite bactérienne persistante
Grasse
Expectoration Début précoce Cassure pondérale
Hippocratisme digital
Crépitants Mucoviscidose
Autres causes de dilatations des bronches
Variable Début précoce
Rythmés par l’alimentation Fausses routes
± Cyanose
± Malaise Pathologie laryngée
Fistule œsotrachéale
Aboyante
Uniquement diurne Terrain anxieux
Pas de facteur déclenchant évident Tics Toux psychogène possible
Une radiographie thoracique de face doit toujours être pratiquée.
Des signes cliniques d’alerte sont à rechercher à chaque évaluation (tableau 55.3).
Principaux signes cliniques d’alerte en cas de toux chronique, imposant de rechercher une pathologie sous-jacente.
–Encombrement bronchique permanent ou récurrent
–Fausses routes alimentaires
–Malaise avec cyanose
–Stridor, dyspnée aux deux temps
–Wheezing permanent, sans effet des bronchodilatateurs
–Souffle cardiaque
–Altération de l’état général, limitation des activités
–Cassure ou retard de croissance pondérale voire staturale, diarrhée chronique
–Infections à répétition, infections opportunistes
–Déformation thoracique
–Hippocratisme digital
En cas d’orientation diagnostique pour une toux spécifique : le bilan de confirmation diagnostique et la prise en charge thérapeutique seront adaptés à chaque situation.
En l’absence d’orientation diagnostique initiale et de signes d’alerte (nécessitant le cas échéant un avis spécialisé pour investigations plus complètes d’emblée) : un premier bilan peut être proposé, associant en plus de la radiographie thoracique, des EFR (selon l’âge), un bilan allergologique et un avis ORL.
2 Causes à évoquer
En cas de toux sèche, les causes les plus fréquentes sont l’asthme (voir chapitre 57) et l’hyper-ractivité bronchique post-infectieuse prolongée.
Les autres causes sont beaucoup plus rares et s’accompagnent de signes d’alerte cliniques ou radiographiques : pneumopathie interstitielle diffuse, cardiopathie…
En cas de toux grasse, la normalité de l’examen respiratoire et l’identification d’une rhinorrhée postérieure permettent d’évoquer fréquemment une cause ORL : rhinite chronique allergique ou non, sinusite.
En cas d’encombrement bronchique ou d’autres signes d’alerte, une bronchopathie chronique obstructive, responsable de dilatations des bronches (DDB) doit être évoquée. En dehors de la mucoviscidose (voir chapitre 63), ces pathologies relèvent de l’ultraspécialisation : dyskinésie ciliaire primitive, séquelles d’infection virale, complications des déficits immunitaires.
En l’absence de rhinite et de signes d’alerte, c’est-à-dire dans le cas d’une toux grasse isolée et continue d’au moins 4 semaines, le diagnostic de bronchite bactérienne persistante peut être suspecté.
Les autres causes de toux chronique sont les obstructions trachéobronchiques. En dehors du corps étranger inhalé (voir chapitre 54), leur connaissance ne relève pas du domaine du deuxième cycle : trachéomalacie, anomalie vasculaire, fistule œsotrachéale, tumeur, pathologies d’inhalation (troubles de déglutition).
Les troubles respiratoires somatoformes doivent être évoqués selon les situations et l’enquête diagnostique : toux psychogène, raclement de gorge, dyskinésie des cordes vocales, syndrome d’hyperventilation. La présence de toux nocturne plaide le plus souvent contre ces diagnostics.
Connaître les signes cliniques d’alerte.
Radiographie thoracique indispensable.
I Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi
A Traitement étiologique
Le traitement d’une toux est avant tout celui de sa cause.
Un traitement spécifique est habituellement commencé après confirmation diagnostique.
En cas de toux chronique (fig. 55.1), un traitement d’épreuve probabiliste peut être instauré en cas de toux non spécifique isolée :
*toux sèche → corticoïde inhalé dans l’éventualité d’un asthme;
*toux grasse → antibiothérapie dans l’éventualité d’une bronchite bactérienne persistante.
Une réévaluation clinique (avec recherche de signes d’alerte) et l’appréciation de la réponse au traitement (et d’une éventuelle reprise des signes à son arrêt) sont indispensables.
B Traitement symptomatique
Les antitussifs ont une place très limitée en pédiatrie.
Aucune spécialité n’a démontré son efficacité dans la diminution de la durée et de l’intensité de la toux.
Toutes ces molécules présentent des effets indésirables et sont contre-indiquées chez le nourrisson.
Le respect d’une toux productive permet l’évacuation des sécrétions.
En cas d’encombrement nasal associé, la désobstruction rhinopharyngée avec du sérum physiologique est utile afin d’éviter un écoulement nasal postérieur responsable de toux.
En cas d’encombrement bronchique associé, des séances de kinésithérapie respiratoire peuvent être un traitement d’appoint efficace.
Le contrôle d’éventuels facteurs environnementaux est utile (allergènes, exposition au tabac et/ou à la pollution atmosphérique, humidité).
Pas d’antitussifs chez le nourrisson.
Avant de commencer…
La bronchiolite aiguë est une pathologie infectieuse virale très fréquente avant l’âge de 12 mois.
Le diagnostic est exclusivement clinique.
Les situations d’urgence sont liées à la gravité des symptômes et à la vulnérabilité liée au terrain.
L’attitude thérapeutique repose avant tout sur des mesures symptomatiques (désobstructions rhinopharyngées et fractionnement alimentaire).
La prise en charge est le plus souvent ambulatoire, avec des consignes de surveillance délivrées aux parents sur les signes devant conduire à une nouvelle évaluation médicale. La prise en charge des formes modérées à graves peut faire appel à des supports ventilatoires et à l’oxygénothérapie.
La récidive doit faire évoquer un asthme viro-induit.
I Pour bien comprendre A. Épidémiologie
Cette pathologie infectieuse virale est très fréquente chez les nourrissons âgés de moins de 12 mois, avec environ 30 % d’entre eux atteints chaque année. Le taux d’hospitalisation fluctue selon les épidémies aux alentours de 3,5 %, les moins de 6 mois étant plus fréquemment hospitalisés, pour la plupart sans comorbidités.
Le VRS est l’agent infectieux principal (60–70 %). Il a une incubation de 2 à 8 jours et est associé aux formes les plus graves donc hospitalisées. L’élimination du virus se prolonge sur 3 à 7 jours, parfois jusqu’à 4 semaines.
D’autres virus peuvent être identifiés, notamment le métapneumovirus (10–12 %), les rhinovirus (environ 20 %, souvent en co-infection avec un autre virus), les virus parainfluenzae, le virus influenzae (grippe), les coronavirus et les adénovirus. En période de fin de printemps et début d’été, ce sont les entérovirus qui sont le plus fréquemment rencontrés.
B Physiopathologie
La contamination est interhumaine, par gouttelettes et de façon manuportée, favorisée par la mise en collectivité.
La multiplication virale débute dans les cellules des voies aériennes supérieures (rhinite) et se poursuit dans les cellules épithéliales des bronchioles. La réaction inflammatoire, essentiellement à polynucléaires neutrophiles, entraîne une obstruction des voies aériennes, à la fois endoluminale (bouchon muqueux) et murale (inflammation pariétale). La réduction de calibre conduit à un sifflement expiratoire souvent audible (wheezing) et l’atteinte bronchiolo-alvéolaire à des crépitants. Il existe une hyperréactivité bronchique inconstante.
Il existe une augmentation considérable du travail respiratoire qui amène à un épuisement des nourrissons les plus jeunes (hypercapnie), des effets shunt par apparition d’atélectasies ou des troubles des échanges gazeux (hypoxémie).
La deuxième phase est sécrétoire avec l’apparition de râles bronchiques bulleux.
La troisième phase est réparatrice avec une guérison devant être obtenue à 1 mois.
Infection virale (VRS surtout), épidémique et saisonnière, contagieuse.
I Diagnostiquer une bronchiolite
A Diagnostic clinique
1 Identifier une bronchiolite aiguë
Définition proposée par les recommandations de 2019 :
*premier épisode aigu de gêne respiratoire expiratoire chez un nourrisson de moins de 12 mois, à toute période de l’année;
*se déroulant selon la séquence : rhinite suivie de signes respiratoires : toux, sibilants et/ou crépitants, accompagnés ou non d’une polypnée et/ou de signes de lutte respiratoire (mise en jeu des muscles accessoires intercostaux inférieurs, sternocléidomastoïdiens, asynchronisme thoraco-abdominal, battement des ailes du nez);
*fièvre inconstante et ne faisant pas partie de la définition.
Il est important de toujours évoquer les autres causes de détresse respiratoire, particulièrement chez le nouveau-né.
2 Écarter l’éventualité d’un autre diagnostic ou d’une pathologie associée
Un premier épisode de dyspnée sifflante peut être le mode de révélation d’autres diagnostics que celui d’une bronchiolite aiguë.
Signes devant faire particulièrement rechercher un autre diagnostic :
*manifestations respiratoires préalables (toux chronique, encombrement permanent) orientant vers une pathologie respiratoire chronique (par exemple, mucoviscidose);
*stridor, orientant vers une obstruction des voies aériennes, congénitale (trachéobronchomalacie, sténose congénitale) ou acquise (par exemple, angiome sous-glottique);
*souffle cardiaque, tachycardie, parfois hépatomégalie et œdèmes, orientant vers une insuffisance cardiaque;
*mauvaise prise pondérale, orientant vers une pathologie chronique (cardiaque ou respiratoire);
*fièvre élevée devant évoquer une atteinte bactérienne, surtout chez le nouveau-né.
Bronchiolite aiguë : 1er épisode de gêne respiratoire avant l’âge de 12 mois répondant au cadre syndromique défini par les recommandations.
Évoquer une myocardite aiguë en cas de dyspnée avec tachycardie et hépatomégalie.
B Évaluation de la gravité clinique et des facteurs de risque associés
1 Gravité clinique (tableau 56.1)
L’évaluation se fait toujours après une désobstruction rhinopharyngée (DRP).
Tableau 56.1
A Critères de gravité de la bronchiolite aiguë (d’après HAS, 2019).
Forme clinique Légère Modérée Grave État général altéré (dont comportement) Non Non Oui Fréquence respiratoire (mesure recommandée sur 1 minute) < 60/min 60–69/min ≥ 70/min ou respiration superficielle ou bradypnée (< 30/min) ou apnée Fréquence cardiaque > 180/min ou < 80/min Non Non Oui Utilisation des muscles accessoires Absente ou légère Modérée Intense SpO2 à l’éveil en air ambiant > 92 % 90 %< SpO2 ≤ 92 % ≤ 90 % ou cyanose Alimentation* > 50 % < 50 % sur 3 prises consécutives Réduction importante ou refus Interprétation Les formes légères sont définies par la présence de tous les critères Les formes modérées sont définies par la présence d’au moins un des critères (non retrouvés dans les formes graves) Les formes graves sont définies par la présence d’au moins un des critères gravesLa date du début des signes de lutte ou de la toux est à prendre en compte en raison du risque d’aggravation pendant les premières 48 heures.
2 Facteurs de risque associés
Il existe des critères de vulnérabilité et environnementaux nécessitant une vigilance accrue lors de l’évaluation initiale. Ils apparaissent comme des facteurs associés à un risque d’hospitalisation plus élevé.
Critères de vulnérabilité :
*prématurité < 36 SA;
*âge < 2 mois en tenant compte de l’âge corrigé (risque d’apnées);
*comorbidités :
–dysplasie bronchopulmonaire;
–ventilation néonatale prolongée;
–cardiopathie congénitale avec shunt non opérée (retentissement hémodynamique);
–déficits immunitaires;
–pathologies avec un risque accru de toux inefficace et fatigabilité musculaire (maladies neuromusculaires, polyhandicap, trisomie 21, etc.);
*contexte social ou économique défavorable;
*capacité de recours aux soins ne permettant pas un retour au domicile.
Enquête paraclinique
1 Généralités
Le diagnostic de bronchiolite aiguë est exclusivement clinique.
Aucun examen complémentaire n’est nécessaire pour le diagnostic positif. Leur prescription se justifie en cas de doute diagnostique et peut être utile selon les situations en cas de bronchiolite sévère.
2 Rationnel des explorations complémentaires
Radiographie de thorax de face
Prescription utile en cas de :
*signes de gravité clinique;
*suspicion d’un diagnostic différentiel ou forme inhabituelle.
Signes radiographiques possibles (fig. 56.1) :
*distension thoracique :
–hyperclarté des deux champs pulmonaires;
–élargissement des espaces intercostaux, horizontalisation des côtes;
–abaissement des coupoles diaphragmatiques;
–cœur apparaissant souvent comme de petit volume;
*atélectasie(s), le plus souvent en lobaire supérieur droit;
*pneumopathie souvent bilatérale, non systématisée, liée au virus.
Repérer des éléments sémiologiques en rapport avec un diagnostic différentiel :
*cardiomégalie (pouvant argumenter le diagnostic de myocardite aiguë);
*anomalies vasculaires…;
*rarement pneumothorax ou pneumomédiastin.
Virologie respiratoire
La recherche du VRS dans les sécrétions rhinopharyngées est possible soit par des tests rapides, soit par des tests multiplex recherchant plusieurs virus sur un écouvillon nasal.
La virologie respiratoire ne doit pas être systématique. La seule exception concerne la recherche du virus grippal en période épidémique, qui peut conduire à la prescription d’un antiviral spécifique.
Autres examens
Ils ne sont indiqués qu’au cas par cas, en fonction des données cliniques.
Un bilan infectieux ne doit pas être systématique, y compris en cas de fièvre, même chez un nourrisson âgé de moins de 3 mois, à condition que le tableau soit typique et l’état général parfaitement conservé.
Une gazométrie veineuse n’a d’utilité que dans les formes les plus graves afin de mesurer le degré d’hypercapnie.
Prescription d’examens complémentaires utile uniquement en cas de doute diagnostique ou de signes de sévérité clinique selon les situations.
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient
A Principes de prise en charge
L’orientation initiale et les premières mesures thérapeutiques (tableau 56.2) sont fonction de la gravité clinique de la bronchiolite (forme légère, modérée ou sévère), ainsi que des facteurs de risque associés.
Tableau 56.2
Prise en charge initiale (d’après HAS, 2019).
Forme clinique Légère Modérée Grave Examens complémentaires Aucun de manière systématique Aucun de manière systématique Peuvent se discuter : radiographies de thorax, mesure de la capnie, ionogramme sanguin, NFS Orientation (domicile, hospitalisation, USI, réanimation) Retour au domicile avec conseils de surveillance Hospitalisation si : *SpO2 < 92 % (indication oxygène) *Support nutritionnel nécessaire *Âge < 2 mois (en tenant compte de l’âge corrigé) Hospitalisation à discuter si : critères de vulnérabilité ou d’environnement Hospitalisation systématique en USI/réanimation si : *Apnée(s) *Épuisement respiratoire, capnie > 46–50 mm Hg, pH < 7,34 *Augmentation rapide des besoins en oxygène Transfert médicalisé Oxygène Non indiqué Si SpO2 < 92 % Objectif SpO2 > 90 % au sommeil et 92 % à l’éveil Si SpO2 < 94 % à l’éveil Objectif SpO2 > 90 % au sommeil et > 94 % à l’éveil Nutrition Fractionnement Fractionnement Si difficultés alimentaires : alimentation entérale en 1re intention puis si échec hydratation IV Fractionnement Si difficultés alimentaires : alimentation entérale en 1re intention puis si échec hydratation IV Désobstruction des VAS Systématique (aspirations nasopharyngées non recommandées), pluriquotidienne Kinésithérapie respiratoire de désencombrement bronchique Non recommandée Non recommandée Contre-indiquée À discuter selon comorbidités (par exemple, pathologie respiratoire chronique, pathologie neuromusculaire, toux inefficace) Traitements médicamenteux Pas d’indication : bronchodilatateur, adrénaline, sérum salé hypertonique, corticothérapie, antibiothérapie systématique Contre-indication : sirop antitussif, fluidifiant bronchique
Aucun traitement spécifique n’a montré son efficacité sur la guériso
B Prise en charge des formes ambulatoires
La prise en charge des formes ambulatoires repose essentiellement sur la libération des voies aériennes supérieures (DRP, lavages de nez) et sur le fractionnement de l’alimentation.
La surveillance nécessite une information et une éducation des parents, un lien avec les médecins traitants ainsi que les réseaux de ville.
Les parents ou aidants doivent être formés pour réaliser correctement un lavage de nez (encadré 56.1).
Encadré 56.1Technique de lavage du nez (désobstruction rhinopharyngée, DRP)
La désobstruction rhinopharyngée est un lavage de nez qui consiste à instiller du sérum physiologique dans les narines pour évacuer les sécrétions nasales. Ce geste est indolore, même s’il peut se révéler désagréable.
Avant de commencer, lavez-vous les mains et munissez-vous de dosettes de sérum physiologique à usage unique.
Ensuite, procédez en cinq étapes
*Allongez votre bébé sur le dos ou sur le côté, et maintenez impérativement sa tête sur le côté. Cela est très important, pour éviter les risques de « fausse route » (passage involontaire de sérum dans les voies respiratoires). Si nécessaire, faites-vous aider pour maintenir votre enfant dans cette position.
*Placez doucement l’embout de la dosette à l’entrée de la narine située le plus haut, par rapport à la position de votre bébé.
*En appuyant sur la dosette, introduisez entièrement son contenu dans la narine. En même temps, fermez la bouche de votre enfant, afin que le sérum ressorte par l’autre narine avec les sécrétions nasales.
*Attendez que votre bébé ait dégluti correctement.
*Essuyez son nez à l’aide d’un mouchoir jetable.
Répétez cette opération pour l’autre narine en utilisant une autre dosette, en couchant votre bébé et en lui tournant la tête de l’autre côté.Les conseils de surveillance donnés aux parents doivent être clairs et compréhensibles (encadré 56.2).
Encadré 56.2Conseils aux parents en cas de premier épisode de bronchiolite aiguë
A Nouvelle consultation médicale de l’enfant si:
*son comportement change et vous paraît inhabituel (fatigué, moins réactif ou très agité, geint un peu);
*sa respiration est devenue plus rapide;
*il devient gêné pour respirer et il creuse son thorax;
*il boit moins bien sur plusieurs repas consécutifs.
Appel du 15 d’emblée si
*il devient bleu autour de la bouche;
*il fait un malaise;
*il fait des pauses respiratoires;
*sa respiration devient lente tout en restant très gêné pour respirer;
*il ne réagit plus, est très fatigué, dort tout le temps, geint;
*il refuse de boire les biberons ou de prendre le sein.
Une forme légère avec des critères de vulnérabilité ou environnementaux (notamment : âge < 2 mois, prématurité, comorbidité, contexte social défavorable…) justifiera d’une vigilance accrue avec consultation quotidienne par un des acteurs du réseau de premier recours.
D Évolution
L’évolution habituelle d’une bronchiolite conduit le plus souvent vers la guérison, qui doit être obtenue à 1 mois.
La persistance de signes respiratoires quotidiens après ce délai doit faire demander un avis spécialisé pour éliminer une bronchiolite oblitérante ou une évolution vers un asthme viro-induit.
La mortalité est rare, suite à des évolutions de type syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte.
Le risque de présenter une deuxième bronchiolite a été évalué à 50 % sur des études anciennes.
La survenue d’un troisième épisode sifflant doit faire porter le diagnostic d’asthme.
En cas de deuxième épisode de bronchiolite, l’existence d’un terrain atopique familial ou personnel peut rendre licite un traitement d’épreuve par des bronchodilatateurs avec nécessité d’une évaluation systématique de son efficacité (auscultation et évaluation des signes de lutte avant/après) avant de poursuivre la prescription.
Troisième épisode de dyspnée sifflante → évoquer un asthme.
Avant de commencer…
Spécificités de l’asthme pédiatrique :
*toujours évoquer les diagnostics différentiels :
–recherche de signes d’alerte, notamment : ralentissement staturo-pondéral, absence d’intervalles libres et résistance à un traitement bien conduit;
–prescription systématique d’une radiographie de thorax;
*réalisation d’EFR (VEMS ou DEP possible à partir de l’âge de 6 ans) et de tests cutanés allergologiques (systématique dès l’âge de 3 ans car fréquence élevée des comorbidités allergiques);
*nécessité absolue d’adapter la méthode d’inhalation aux capacités de l’enfant;
*traitement de fond de première intention par une corticothérapie inhalée à faible dose;
*absence d’AMM pour les bronchodilatateurs de longue durée d’action avant l’âge de 4 ans;
*grande fréquence des non-prises (défaut d’observance) ou des mauvaises prises (défauts techniques) médicamenteuses dans les échecs apparents de traitement.
Particularités supplémentaires pour l’enfant préscolaire (moins de 5 ans) :
*vigilance accrue vis-à-vis des diagnostics différentiels;
*rôle majeur des infections virales dans le déclenchement des exacerbations;
*critères de mise sous traitement et de contrôle différents;
*nécessité d’ajouter un masque facial à la chambre d’inhalation avant 4 ans, possible recours à des nébulisations à domicile.
Généralités
A Définition
La définition de l’asthme est commune aux adultes et aux enfants.
Il s’agit d’une maladie hétérogène, caractérisée par une inflammation chronique des voies aériennes. Elle se définit par des épisodes récidivants de symptômes respiratoires tels que sifflements, dyspnée, toux et oppression thoracique, qui varient dans le temps et en intensité, et s’accompagnent d’une limitation variable des débits expiratoires (trouble ventilatoire obstructif variable) (GINA 2022).
L’intensité et la durée des symptômes permettent de distinguer les crises ou exacerbations (symptômes aigus intenses et/ou prolongés), de symptômes moins intenses et moins prolongés, présents dans le quotidien ou à l’effort, et reflétant le contrôle de l’asthme.
B Épidémiologie et facteurs de risque
1 Épidémiologie
L’asthme est la maladie chronique la plus fréquente chez l’enfant.
En France, la prévalence de l’asthme chez les enfants est d’environ 10 %. Chez le jeune enfant, elle est plus élevée chez les garçons que chez les filles. Cette tendance s’inverse à l’adolescence.
L’exacerbation (ou crise) d’asthme est l’une des premières causes de consultation aux urgences pédiatriques et d’hospitalisation.
La mortalité par asthme chez les enfants est de 10 à 15 décès par an.
2 Facteurs de risque
L’existence d’antécédents familiaux au premier degré d’asthme ou de maladies atopiques (dermatite atopique, allergie alimentaire IgE-médiée, rhinoconjonctivite allergique) est un facteur de risque d’asthme.
Le tabagisme in utero et dans la petite enfance, l’obésité de la femme enceinte, l’obésité de l’enfant et l’exposition aux moisissures sont des facteurs de risque d’asthme à l’âge scolaire.
La présence de sensibilisations et celle d’allergies respiratoires (rhinite allergique) et alimentaires sont associées au développement, à la persistance et à la sévérité de l’asthme de l’enfant.
L’hyperréactivité bronchique, le sexe féminin et un tabagisme actif précoce sont les autres facteurs principaux de persistance de l’asthme après l’adolescence.
De nombreux facteurs jouent un rôle dans le déclenchement des symptômes.
Les infections respiratoires, surtout virales, sont reconnues comme un facteur déclenchant les symptômes d’asthme et comme un facteur induisant une hyperréactivité bronchique durable, notamment chez le nourrisson.
Concernant les allergies respiratoires : les pneumallergènes le plus souvent impliqués dans les manifestations asthmatiques sont les acariens, les animaux domestiques (chats, chiens) et les pollens (bouleau, graminées en particulier).
L’exercice entraîne un bronchospasme chez plus de 80 % des enfants asthmatiques; l’inhalation buccale d’air froid et sec joue un rôle important dans son déclenchement.
Les polluants de l’environnement intérieur (au premier rang desquels le tabagisme parental) et extérieur, les changements de climat peuvent également favoriser le déclenchement des symptômes d’asthme.
Asthme : obstruction diffuse et variable des voies aériennes (bronches, bronchioles), réversible sous bronchodilatateurs.
II Démarche diagnostique
A Établir le diagnostic d’asthme
Le diagnostic d’asthme repose sur un faisceau d’arguments.
1 Symptômes évocateurs
Il s’agit notamment des symptômes suivants : toux, dyspnée expiratoire, sifflements, sensation d’oppression thoracique. Leurs caractéristiques sont résumées dans le tableau 57.1.
Tableau 57.1
Arguments pour un diagnostic d’asthme chez l’enfant.
Symptômes Caractéristiques suggérant un asthme
Toux
–Sèche (non productive) en dehors des épisodes aigus
–Variable dans le temps
–Majoration nocturne, à l’effort (ou équivalent : rires, pleurs)
–Majoration en cas d’exposition (tabac, polluants)
–Sifflements ou dyspnée associés
–Survenue hors contexte infectieux
Sifflement (wheezing)
–Récurrent (mêmes circonstances que la toux)
Dyspnée
–Survenue à l’occasion d’efforts, de rires ou de pleurs
Limitation des activités
–Capacité moindre que les autres enfants lors des courses, des jeux
–Fatigue précoce lors des marches (veut être porté)
Examen clinique
–Normal en dehors des épisodes aigus : auscultation pulmonaire et croissance normales
Épreuve thérapeutique
–Régression ou amélioration des symptômes aigus sous bronchodilatateurs ou spontanément
–Amélioration clinique durant le traitement par corticoïdes inhalés pendant 2–3 mois et reprise des signes à l’arrêt
Variabilité dans le temps
–Symptômes chroniques, avec alternance de périodes d’aggravation et de périodes sans symptômes (notamment les périodes estivales)
Ces derniers sont particulièrement évocateurs lorsqu’il existe un terrain atopique personnel et/ou familial au premier degré (antécédents d’asthme allergique, de dermatite atopique, de rhinoconjonctivite allergique, d’allergie alimentaire IgE-médiée).
Éléments évocateurs : dyspnée expiratoire, toux, wheezing (sifflements), sibilants auscultatoires.
Facteurs déclenchants principaux des symptômes d’asthme chez l’enfant : infections virales et exposition aux allergènes.
Rechercher : périodes intercritiques asymptomatiques (notamment en été).
2 Syndrome obstructif variable
La réalisation d’épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) est importante dès que l’enfant est capable de coopérer, c’est-à-dire à partir de l’âge de 3 ou 4 ans. Avant cet âge, seuls les arguments cliniques et la réponse au traitement vont permettre d’affirmer le diagnostic d’asthme.
Les EFR peuvent apporter des arguments positifs pour le diagnostic d’asthme (tableau 57.2). Les anomalies ne sont pas systématiques chez l’enfant et il est important de noter que les EFR sont le plus souvent normales chez l’enfant asthmatique en dehors d’un épisode aigu.
Tableau 57.2
Mise en évidence d’un trouble ventilatoire obstructif et de sa variabilité (d’après : ERS Guidelines 2021).
Trouble ventilatoire obstructif VEMS et VEMS/CVF < limite inférieure de la normale (= 5e percentile ou – 1,64 Z-score)
Réversibilité après inhalation d’un bronchodilatateur Augmentation du VEMS > 10 % par rapport à la valeur théorique
Test de provocation bronchique non spécifique (métacholine ou histamine) Chute du VEMS d’au moins 20 % par rapport à la valeur basale
Test d’exercice Chute du VEMS d’au moins 12 % par rapport à la valeur basale
À partir de l’âge de 6 ans, l’enfant est capable de réaliser des manœuvres respiratoires forcées comme l’adulte. Une courbe débit-volume peut donc être effectuée.
Entre les âges de 3 et 6 ans, l’enfant est le plus souvent incapable de réaliser des manœuvres respiratoires forcées. Une obstruction des voies aériennes peut néanmoins être recherchée, en situation spontanée ou après provocation, par la mesure des résistances des voies aériennes (techniques de pléthysmographie corporelle, interruption du débit aérien, oscillations forcées). Ces techniques se font au cours de la ventilation spontanée, sont facilement réalisables, mais ne souvent disponibles en ambulatoire que chez les pneumopédiatres ou dans les laboratoires hospitaliers d’explorations pédiatriques.
Les EFR sont en faveur du diagnostic d’asthme en cas de mise en évidence d’un syndrome obstructif variable dans le temps (voir supra). Le test de provocation à la métacholine est rarement utile au diagnostic lorsque les symptômes sont typiques et en l’absence d’argument pour un diagnostic différentiel. Il peut être utile pour aider au diagnostic d’asthme lorsque celui-ci est douteux. La positivité du test à la métacholine indique l’existence d’une hyperréactivité bronchique.
Exclure les diagnostics différentiels
Des épisodes de dyspnée sifflante peuvent révéler d’autres pathologies que l’asthme.
Les signes d’alerte évocateurs de diagnostics différentiels à rechercher à tout âge sont :
*un terrain particulier :
–prématurité → dysplasie bronchopulmonaire;
–cardiopathie connue;
–début très précoce, dès le 1er mois de vie → anomalie congénitale;
*l’absence d’intervalles libres entre les exacerbations, avec des signes intercritiques de type « asthmatique » ou non :
–toux sans rémission, wheezing continu;
–stridor, cornage → atteinte laryngée ou trachéale;
–dyspnée aux deux temps → atteinte trachéale;
–bronchorrhée → bronchopathie chronique;
*l’absence de rythmicité des symptômes par les déclencheurs habituels de l’asthme;
*une déformation thoracique;
*un hippocratisme digital → mucoviscidose, autre cause d’insuffisance respiratoire chronique;
*des signes extrarespiratoires associés :
–souffle cardiaque, dyspnée d’effort → cardiopathie congénitale;
–ralentissement pondéral et/ou statural, diarrhée chronique → mucoviscidose;
–fausses routes → fistule œsotrachéale, troubles de déglutition;
–infections ORL bactériennes fréquentes → dyskinésie ciliaire primitive, déficit immunitaire;
*l’échec des mesures thérapeutiques bien conduites (absence de réponse aux bronchodilatateurs ou aux corticoïdes inhalés);
*l’existence d’anomalie de la radiographie de thorax, qui doit être systématiquement réalisée à tout âge (cliché de face en inspiration ± cliché en expiration en cas de doute sur une asymétrie).
Les données de l’anamnèse et du carnet de santé, l’examen physique vont souvent permettre de s’orienter vers ces diagnostics différentiels (tableau 57.3).
Tableau 57.3
Principaux diagnostics différentiels de l’asthme de l’enfant.
Atteinte des voies aériennes hautes (ORL)
–Syndrome d’hyperventilation
–Dyskinésie des cordes vocales
–Anomalies dynamiques (laryngomalacie)
Obstruction des voies aériennes proximales
–Anomalies dynamiques ou constitutionnelles des voies aériennes (trachéomalacie, bronchomalacie, sténose)
–Corps étranger inhalé
–Compression extrinsèque par processus malformatifs (anomalie des arcs aortiques, kyste bronchogénique)
–Compression extrinsèque par processus acquis (tumeur, adénopathie notamment tuberculeuse)
Obstruction des petites voies aériennes
–Mucoviscidose
–Dysplasie bronchopulmonaire
–Dyskinésie ciliaire primitive
–Bronchiolite oblitérante (séquelle de virose)
–Autre bronchopneumopathie chronique obstructive de l’enfant
Pathologie d’inhalation
–Reflux gastro-œsophagien
–Fistule œsotrachéale
–Troubles de déglutition
Déficits immunitaires
–Bronchopathies chroniques avec exacerbations à type de surinfections fréquentes
–Pneumopathies chroniques
Cardiopathie congénitale
–Shunt gauche-droite
–Cardiomégalie
Poser le diagnostic d’asthme de l’enfant nécessite l’exclusion des diagnostics différentiels.
Rechercher les signes d’alerte évocateurs d’un diagnostic différentiel et faire une radiographie du thorax systématiquement.
C Prescrire les examens complémentaires utiles
1 Radiographie thoracique
Une radiographie de thorax est effectuée chez tout enfant asthmatique. Elle doit être normale en période intercritique. L’existence d’anomalie peut orienter vers un diagnostic différentiel.
2 Enquête et tests immuno-allergologiques
L’asthme de l’enfant scolaire a majoritairement un profil allergique et est fréquemment associé aux autres comorbidités allergiques (rhinite allergique, allergie alimentaire IgE-médiée, dermatite atopique).
L’exploration allergologique est susceptible d’identifier des facteurs déclenchants.
L’anamnèse permet d’établir un lien entre exposition allergénique et la survenue de symptômes, et elle oriente le bilan allergologique.
Recommandations de réalisation d’une enquête allergologique :
*chez tout asthmatique âgé de plus de 3 ans;
*chez l’asthmatique âgé de moins de 3 ans ayant : des signes respiratoires persistants et/ou récidivants et/ou sévères, et/ou nécessitant un traitement continu, et/ou associés à des signes extrarespiratoires compatibles avec une origine allergique.
Les prick-tests aux pneumallergènes courants (acariens, animaux domestiques, pollens) sont recommandés en première intention (voir chapitre 58).
Le dosage des IgE spécifiques des pneumallergènes n’est recommandé qu’en cas de discordance entre la clinique et les résultats des prick-tests ou en l’absence de prick-tests.
3 Autres examens complémentaires
En cas de doute avec un diagnostic différentiel, d’autres examens paracliniques orientés sont réalisés :
*TDM thoracique injectée : bronchopathie, séquelle de virose, dilatation des bronches, compression;
*pH-métrie : RGO (facteur aggravant possible);
*test de la sueur : environ 3 et 3,5 % de faux négatifs au test de dépistage;
*endoscopie bronchique : lavage broncho-alvéolaire et biopsie de muqueuse bronchique pour analyse de l’inflammation et du remodelage;
*bilan de première intention de déficit immunitaire : NFS, IgG/IgA/IgM, sérologies vaccinales.
Enquête allergologique : anamnèse et prick-tests cutanés en première intention.
I Évaluation de l’asthme
Elle repose sur une évaluation clinique et fonctionnelle (EFR). Cette évaluation détermine le niveau de sévérité de l’asthme ainsi que le niveau thérapeutique nécessaire.
A Évaluation clinique (tableau 57.4)
Elle est fondée sur :
Tableau 57.4
B Évaluation du contrôle de l’asthme (4 dernières semaines) chez l’enfant (adapté de GINA 2022) et recherche des facteurs de risque d’exacerbation ultérieure.
Bon contrôle Contrôle partiel Mauvais contrôle
Contrôle des symptômes
Symptôme Critère de non-contrôle
Symptômes d’asthme dans la journée > 1/semaine (0 à 5 ans) » 2/semaine (≥ 6 ans) Aucun de ces critères 1–2 critères 3–4 critères
Symptômes nocturnes Au moins 1 réveil nocturne lié à l’asthme (tous âges)
Au moins 1 accès de toux liée à l’asthme (0 à 5 ans)
Utilisation d’un bronchodilatateur de secours > 1/semaine (0 à 5 ans) » 2/semaine (≥ 6 ans)
Comportement lors d’activités Toute limitation aux activités liée à l’asthme
Recherche des facteurs de risque d’exacerbation ultérieure
–Persistance de symptômes
–Asthme non contrôlé
–Début de la saison à risque (notamment automne) chez le préscolaire
–Antécédent d’exacerbation sévère dans les 12 mois précédents
–Antécédent d’exacerbation ayant nécessité une admission en soins critiques
–Anomalies fonctionnelles
–Syndrome obstructif
–Réversibilité
–Comorbidités
–Allergiques : rhinoconjonctivite, allergie alimentaire IgE-médiée
–Non allergiques : obésité, rhinosinusite, reflux gastro-œsophagien, syndrome d’hyperventilation, dyskinésie des cordes vocales, SAHOS
–Traitement inadapté
–Observance et technique d’inhalation incorrectes
–Posologie inadaptée des corticoïdes inhalés
–Utilisation importante des traitements de secours
–Expositions persistantes
–Allergéniques en cas de sensibilisation
–Tabagisme, moisissures, pollution
–Problèmes psychologiques ou socio-économiques associés
–Éosinophilie sanguine ou dans l’expectoration
*l’évaluation des symptômes :
–nombre et sévérité des crises d’asthme au cours des derniers mois ou depuis la précédente consultation;
–évaluation du contrôle de l’asthme sur les 4 semaines précédant la consultation; des scores de contrôle type ACT (Asthma Control Test) sont utiles; les critères de non-contrôle sont différents chez l’enfant préscolaire et celui d’âge scolaire;
*l’estimation du risque d’exacerbations ultérieures.
B Évaluation fonctionnelle
Au cours du suivi, les EFR sont répétées 3 à 6 mois après la mise en route ou la modification d’un traitement, puis au moins une à deux fois par an selon la sévérité de l’asthme. Elles permettent de suivre l’évolution du VEMS et de rechercher une réversibilité.
L’existence d’une obstruction et/ou celle d’une réversibilité sont des facteurs de risque de survenue de crises d’asthme (tableau 57.4).
IV Prise en charge d’une crise (ou exacerbation) d’asthme
A Diagnostic
La crise d’asthme (ou exacerbation) représente une aggravation des symptômes et de la fonction respiratoire par rapport à l’état habituel du patient, suffisamment importante pour nécessiter une modification du traitement habituel.
Les crises sont caractérisées par une augmentation plus ou moins brutale ou progressive des symptômes (toux, dyspnée, sifflements, oppression thoracique). La dyspnée est expiratoire, avec sibilants, récidivante, variable dans le temps, et partiellement ou totalement réversible sous bronchodilatateur. La crise se prolonge habituellement plus de 24 heures.
Les facteurs déclenchants sont : les infections virales, les allergènes, l’exposition à des polluants ou irritants, les changements de climat, la mauvaise observance du traitement de fond.
La crise d’asthme peut survenir chez un asthmatique déjà connu, quelle que soit la sévérité de l’asthme, et peut aussi être la manifestation révélatrice de l’asthme.
B Appréciation de la gravité des signes cliniques
L’évaluation initiale permet de définir la gravité de la crise.
Les éléments à évaluer sont : les symptômes et leur sévérité (voir infra), leur moment d’apparition, leur cinétique d’aggravation, les facteurs déclenchants, la réponse aux bronchodilatateurs. Cette évaluation permet de déterminer si l’exacerbation peut être gérée dans un contexte de soins primaires ou si un transfert en milieu hospitalier est nécessaire.
Les éléments cliniques imposant un transfert hospitalier (GINA 2022) sont :
*troubles de conscience;
*silence auscultatoire;
*difficulté d’élocution : parle par mots, assis penché en avant, agité;
*polypnée : FR > 40/min avant 6 ans, FR > 30/min à partir de 6 ans;
*mobilisation des muscles accessoires;
*tachycardie : FC > 180/min jusqu’à 3 ans; FC > 150/min à 4–5 ans; FC > 120/min à partir de 6 ans;
*SpO2 (en air) < 92 % avant 6 ans; < 90 % à partir de 6 ans;
*DEP ≤ 50 % de la valeur théorique ou optimale de l’enfant; la mesure du débit expiratoire de pointe (DEP, ou peak-flow) est théoriquement réalisable à partir de 6 ans, mais en pratique rarement utilisée en situation aiguë chez l’enfant.
La présence de signes de crise grave nécessite une évaluation médicale, hospitalière, avec surveillance de plusieurs heures pour juger de l’évolution.
Une hospitalisation est nécessaire lorsqu’une amélioration franche n’est pas observée après une prise en charge thérapeutique aux urgences pédiatriques. Les critères d’hospitalisation doivent également tenir compte du terrain de l’enfant et de ses antécédents (notamment des facteurs de risque d’exacerbation), ainsi que des critères non spécifiques de recours aux soins et d’environnement social.
C Indications des examens complémentaires
Leur prescription n’est pas systématique lors d’une crise d’asthme.
La radiographie du thorax de face est indiquée en cas :
*de premier épisode inaugural (réalisation immédiate ou à distance selon évolution);
*de fièvre associée;
*d’anomalies auscultatoires persistantes après prise en charge (crépitants localisés, asymétrie auscultatoire);
*de crise sévère justifiant une hospitalisation.
Elle peut montrer : une distension thoracique, une complication (atélectasie, pneumopathie, pneumothorax, pneunomédiastin) ou des arguments pour un diagnostic différentiel.
Des examens biologiques ne sont pratiqués que s’ils ont un intérêt pour la prise en charge : NFS, CRP en cas de sepsis, ionogramme sanguin à la recherche de troubles d’hydratation et d’hypokaliémie (administration importante de β2-mimétiques en cas d’asthme aigu grave), recherche d’une hypercapnie par gazométrie en cas d’indication de transfert en réanimation.
D Initiation du traitement de la crise d’asthme
La prise en charge d’une crise d’asthme constitue une urgence thérapeutique.
- β2-mimétiques de courte durée d’action (β2CA)
C’est le traitement de première intention de la crise d’asthme quel que soit le niveau de gravité.
Les principales molécules utilisées sont le salbutamol et la terbutaline.
Modes d’administration possibles :
*aérosols-doseurs avec chambre d’inhalation : 2–6 bouffées chez l’enfant d’âge préscolaire (< 6 ans) et 4–10 bouffées chez l’enfant d’âge scolaire (6 ans et plus);
*nébulisations avec 6–8 litres d’oxygène (a l’avantage de ne nécessiter aucune coopération de l’enfant et est à privilégier en cas de crise sévère avec hypoxémie) : 1 dosette de 2,5 mg (≤ 16 kg) ou 5 mg (> 16 kg) équivalent salbutamol.
L’administration est répétée toutes les 20 minutes pendant 1 heure. La situation clinique doit ensuite être réévaluée, et ce même schéma thérapeutique répété selon l’amélioration ou non des symptômes.
2 Corticothérapie générale
Les indications de la corticothérapie générale sont la persistance de la crise depuis 2 ou 3 jours ou la mauvaise réponse aux bronchodilatateurs, la cinétique d’aggravation rapide, les antécédents de crise brutales (GINA 2022).
La voie préférentielle est la voie orale. La voie parentérale est utilisée chez les enfants incapables d’ingérer ce traitement (vomissements, troubles de la conscience).
Les principales molécules utilisées sont : la bétaméthasone chez les nourrissons, la prednisolone chez les enfants plus âgés. La durée de traitement est de 3 à 5 jours.
La corticothérapie inhalée n’est pas le traitement de la crise d’asthme.
3 Autres traitements
Traitement symptomatique
La mise en condition d’une crise grave évaluée en milieu hospitalier impose : une libération des voies aériennes, la mise en position semi-assise, un monitoring cardiorespiratoire, une oxygénothérapie adaptée à la saturation en oxygène.
Des signes de gravité extrêmes doivent faire poser un abord veineux et prévenir le réanimateur.
Anticholinergiques de synthèse
Le bromure d’ipratropium est un bronchodilatateur indiqué dans les crises graves comme traitement additionnel aux β2CA, et dans la 1re heure de traitement.
Autres ressources thérapeutiques
Certains traitements sont réservés aux crises sévères, avec indication de passage en unité de soins critiques : sulfate de magnésium IV, salbutamol en nébulisations continues ou en IV.
La kinésithérapie respiratoire n’est pas indiquée dans la crise d’asthme.
Les agents mucolytiques ne sont pas recommandés, et même contre-indiqués chez le nourrisson. Les sédatifs sont contre-indiqués.
L’antibiothérapie est rarement indiquée, même si la crise d’asthme est sévère ou fébrile. En effet, les virus représentent le facteur déclenchant principal de la crise d’asthme chez l’enfant.
Urgence thérapeutique.
Traitement de crise de première intention = β2-mimétiques de courte durée d’action.
Corticothérapie orale immédiate indispensable si crise d’asthme grave.
4 Conduite pratique
L’algorithme proposé (fig. 57.1) synthétise la conduite à tenir en pratique en cas de crise d’asthme chez l’enfant d’âge ≥ 6 ans (GINA 2022).
Critères de retour au domicile après un traitement initial :
*FR ≤ 30/min (si âge ≥ 2 ans), absence de signes de lutte respiratoire, ventilation spontanée en air ambiant;
*enfant exprimant qu’il se sent bien (si en âge de parler);
*DEP ≥ 70 % de la théorique de l’enfant (si maîtrise de la technique);
*compréhension du traitement de sortie, proximité d’un hôpital en cas de récidive.
L’ordonnance de sortie pour une crise d’asthme non hospitalisée comprend la poursuite des inhalations de β2CA pendant 5 à 7 jours (jusqu’à disparition des symptômes) et des corticoïdes oraux (si prescrits).
Un traitement de fond doit être commencé au décours d’une crise d’asthme hospitalisée et poursuivi pour une durée d’au moins 3 mois.
La décision de retour à domicile doit s’accompagner d’explications à propos des techniques d’inhalation, de conseils de prévention de futures crises (éviction des facteurs déclenchants) et de la conduite à tenir en cas de réapparition des symptômes (plan d’action).
β2CA ± corticoïdes per os, consignes de surveillance et plan d’action expliqués.
Éducation thérapeutique indispensable. PAI en collectivité.
5 Plan d’action d’autogestion de l’exacerbation d’asthme
Un plan d’action écrit doit être remis à tous les enfants et adolescents asthmatiques dans le but de guider l’enfant ou sa famille à reconnaître et traiter une crise d’asthme.
Il doit être individualisé, prenant en compte le niveau de contrôle.
Contenu du plan d’action :
*les signes cliniques à identifier, dont ceux nécessitant d’appeler des secours;
*les médicaments de secours à utiliser (posologie);
*les indications de recours à une consultation médicale urgente.
Avis médical en cas de crise ne cédant pas après application du plan d’action personnalisé.
Crise grave en cas de : silence auscultatoire, troubles d’élocution, SpO2< 92 % avant 6 ans ou < 90 % à partir de 6 ans.
V Traitement de fond de l’asthme
A Objectifs
Objectifs de la prise en charge au long cours de l’asthme :
*contrôler les symptômes;
*éviter les crises d’asthme;
*préserver la fonction respiratoire;
*maintenir des activités normales (scolarité, activité physique);
*avoir une qualité de vie optimale (sommeil compris);
*utiliser la dose minimale efficace de corticoïdes inhalés pour limiter les effets secondaires liés aux traitements.
B Principes (fig. 57.2)
La prise en charge au long cours de l’asthme repose sur la prescription de traitements médicamenteux (médicaments de secours en cas de symptômes, traitement de fond dès que les symptômes intercritiques sont suffisamment importants), l’éducation du patient et de sa famille, et sur l’utilisation d’un plan d’action écrit aidant à reconnaître et traiter une crise.
Une évaluation régulière est nécessaire pour adapter le traitement de fond, en fonction du contrôle obtenu.
1 Corticostéroïdes inhalés
Ils constituent, par leur action anti-inflammatoire, la base du traitement de fond.
Chez l’enfant d’âge scolaire, une corticothérapie inhalée est débutée lorsque l’asthme est symptomatique, c’est-à-dire partiellement ou non contrôlé sans traitement de fond.
Lorsque l’asthme est bien contrôlé, un traitement de fond peut néanmoins être commencé en présence de facteurs de risque de crises (voir tableau 57.4).
Chez l’enfant d’âge préscolaire, une corticothérapie inhalée au long cours doit être proposée en présence de critère(s) de non-contrôle (voir tableau 57.4) ou en cas d’antécédents d’au moins trois crises dans l’année précédente.
La dose minimale efficace doit toujours être recherchée. Celle-ci dépend de l’âge de l’enfant et de la molécule utilisée. Les doses faibles à modérées permettent d’obtenir un bon contrôle de l’asthme chez l’immense majorité des enfants. Lorsque le contrôle de l’asthme n’est pas obtenu avec des doses moyennes à élevées de CSI, une évaluation spécialisée est indispensable pour guider la stratégie thérapeutique.
Les effets secondaires locaux de la corticothérapie inhalée sont : la candidose (prévenue par le rinçage de la bouche après administration) et la dermite péri-orale.
Les effets secondaires systémiques sont plus rares, en particulier aux doses faibles et modérées, en raison de la faible absorption systémique des corticoïdes inhalés. Il s’agit principalement d’un ralentissement transitoire de la vitesse de croissance de la taille en début de traitement, dose-dépendant, avec rattrapage secondaire, et un risque de perte de taille d’environ 1 cm à l’âge adulte.
Ce potentiel passage systémique justifie néanmoins, une fois les manifestations d’asthme contrôlées, d’utiliser la dose minimale de corticoïdes inhalés efficace sur les plans clinique et fonctionnel respiratoire, et de surveiller la croissance staturale.
La corticothérapie par voie générale n’a pas sa place dans le traitement de fond de l’asthme de l’enfant.
À partir de l’âge de 12 ans, la stratégie « fond et demande », reposant sur l’association corticoïde inhalé-formotérol, peut être utilisée comme chez l’adulte. Elle est recommandée comme la stratégie préférentielle par le GINA 2022. Dans cette stratégie, l’association corticoïde inhalé-formotérol est utilisée à la fois en traitement de fond et en traitement de secours car le formotérol à un délai d’action court comparable à celui du salbutamol.
2 Autres traitements médicamenteux
Lorsqu’un contrôle optimal de l’asthme n’est pas obtenu avec une dose faible de corticoïdes inhalés, il est recommandé d’associer en première intention une autre classe médicamenteuse, plutôt que d’augmenter les doses de corticoïdes inhalés.
Les bronchodilatateurs à longue durée d’action (BDLA) sont préférés. Ce sont des médicaments inhalés, avec une AMM à partir de l’âge de 4 ans. Les principaux BLDA sont le salmétérol et le formotérol. Les associations combinant corticoïde inhalé et BDLA sont à privilégier en cas de prescription conjointe des deux molécules, afin de faciliter l’observance : fluticasonesalmétérol, budésonide-formotérol, fluticasone-formotérol.
Les antagonistes des récepteurs aux leucotriènes (ou antileucotriènes, ALT) peuvent être utilisés comme alternative aux BLDA. Les ALT sont disponibles sous forme orale. Seul le montélukast a l’AMM à partir de l’âge de 6 mois.
Les effets indésirables neuropsychiatriques liés aux ALT sont fréquents et imposent l’arrêt du traitement : cauchemars, troubles de l’attention, dépression.
Une biothérapie peut être prescrite après l’âge de 6 ans, en cas d’asthme sévère.
C Modalités d’utilisation des traitements inhalés chez l’enfant
Les médicaments de l’asthme sont contenus dans des dispositifs de type aérosol-doseurs pressurisés ou inhalateurs de poudre sèche. Le choix de la méthode d’inhalation est fonction de la molécule, de l’âge et des préférences de l’enfant (fig. 57.3).
Les chambres d’inhalation avec masque facial sont adaptées aux enfants de la naissance à l’âge de 3 ou 4 ans. Avec ce type de chambre, le dépôt nasal des médicaments est important, le dépôt bronchique limité.
Les chambres d’inhalation avec embout buccal (fig. 57.4) sont généralement utilisables à partir de 3 ou 4 ans. Leur utilisation permet d’augmenter le dépôt bronchique du médicament.
Les inhalateurs de poudre sèche sont utilisables à partir de 6 ou 7 ans, après vérification que la technique d’inhalation soit maîtrisée par l’enfant; certains enfants ne réaliseront bien cette technique qu’à 8 voire 10 ans.
Les nébulisations (aérosols) avec un générateur pneumatique sont seulement utilisées dans l’asthme sévère chez les enfants d’âge préscolaire.
D Contrôle de l’environnement et des comorbidités
1 Environnement
La persistance d’expositions à des allergènes ou à des polluants/irritants augmente le risque de crise d’asthme. L’environnement du patient doit donc être évalué et contrôlé au mieux.
Les éléments à analyser sont l’existence d’une exposition tabagique, la salubrité du logement (humidité, moisissures), la présence d’animaux domestiques, la présence de tapis, moquette, peluches, poussière (acariens).
Contrôler l’environnement est d’autant plus important qu’il existe un allergène responsable de symptômes (éviction de l’animal présent au domicile, mesures anti-acariens).
2 Comorbidités
Certaines comorbidités fréquemment associées à l’asthme doivent être recherchées et prises en charge car elles augmentent le risque de persistance et/ou la sévérité de l’asthme.
Les comorbidités allergiques sont : la rhinite allergique, l’allergie alimentaire IgE-médiée.
Les comorbidités non allergiques sont : l’obésité, la rhinosinusite, le reflux gastro-œsophagien, un syndrome d’hyperventilation, la dyskinésie des cordes vocales, un SAHOS.
La vaccination contre la grippe saisonnière est recommandée chez l’enfant asthmatique âgé de plus de 6 mois.
E Modalités de surveillance
Le niveau de sévérité de l’asthme est évalué rétrospectivement à chaque consultation par le niveau de traitement médicamenteux nécessaire à l’obtention d’un bon contrôle.
Un asthme est qualifié de léger s’il est bien contrôlé au palier 1 ou au palier 2 de l’escalade thérapeutique (voir fig. 57.2). Il est qualifié de modéré s’il est bien contrôlé aux paliers 3 ou 4. Il est qualifié de sévère s’il nécessite un palier 5.
Une démarche systématique doit être respectée devant un asthme qui reste symptomatique : évaluation de l’observance et de la technique d’inhalation, contrôle de l’environnement et des comorbidités (fig. 57.5). Un avis spécialisé doit aussi être demandé en cas d’asthme sévère.
La fréquence des consultations est fonction de la sévérité de l’asthme et de son contrôle. Les consultations de suivi ont lieu environ tous les 3 à 6 mois, avec réalisation d’EFR (si en âge) au moins une fois par an.
Objectifs des consultations de suivi :
*évaluer l’observance des traitements et la technique d’inhalation;
*évaluer les symptômes (crise, contrôle) et la fonction respiratoire (EFR) et ainsi le niveau de sévérité de l’asthme;
*évaluer le retentissement sur la qualité de vie;
*optimiser la prise en charge de l’environnement et des comorbidités;
*réaliser l’éducation thérapeutique (techniques inhalation, prise en charge des crises);
*adapter le traitement.
Objectifs de l’éducation thérapeutique de l’enfant asthmatique :
*la compréhension de la maladie;
*l’identification des facteurs d’exacerbation;
*la connaissance des moyens de prévention des crises;
*la maîtrise des techniques d’inhalation;
*la reconnaissance des signes requérant une consultation médicale urgente;
*la prise de mesures adaptées d’autogestion d’une crise;
*la connaissance et la bonne observance du traitement de fond.
Le plan d’action pour la gestion d’une crise d’asthme à domicile indique le traitement de secours à administrer en cas de symptômes, les doses d’une éventuelle corticothérapie orale, ainsi que les signes imposant un avis médical urgent.
La mise en place d’un projet d’accueil individualisé (PAI) est nécessaire pour organiser la gestion d’une crise d’asthme à l’école ou en collectivité.
Une prise en charge à 100 % peut être demandée pour les cas d’asthme les plus sévères.
Objectif du traitement de fond = « contrôle » de la maladie asthmatique : CSI à dose minimale efficace, BDLA autorisés seulement à partir de 4 ans.
Non-contrôle de l’asthme : vérifier l’observance thérapeutique et les techniques d’inhalation adaptées à l’âge de l’enfant, évoquer un diagnostic différentiel.
Mesures associées : contrôle de l’environnement et prise en charge des comorbidités, arrêt du tabagisme passif, vaccination antigrippale.
Suivi régulier : évaluation clinique et EFR, éducation thérapeutique de l’enfant et de son entourage, surveillance des effets secondaires des traitements.
Avant de commencer…
Les allergies correspondent à une hypersensibilité à une substance (allergène) médiée par des mécanismes immunologiques spécifiques.
Elles se caractérisent par leur chronologie (immédiate ou non immédiate) et la nature des symptômes.
Les symptômes d’allergie varient selon le mécanisme impliqué.
Les allergies IgE-médiées surviennent immédiatement après l’exposition, avec un risque d’anaphylaxie.
Les allergies non IgE-médiée surviennent de façon retardée et n’exposent pas au risque d’anaphylaxie.
Les allergies concernent environ 30 % des enfants âgés de moins de 15 ans.
La positivité d’un test cutané ou des IgE spécifiques témoigne d’une sensibilisation et non d’une allergie.
Le diagnostic d’allergie est porté en cas de manifestations cliniques évocatrices associées à une sensibilisation permettant d’identifier l’allergène responsable.
L’éducation thérapeutique et le contrôle de l’environnement sont essentiels.
Pour bien comprendre
A Définitions
L’hypersensibilité est une réaction adverse à une substance donnée. L’hypersensibilité peut être allergique ou non allergique.
L’allergie est une hypersensibilité médiée par des mécanismes immunologiques spécifiques contre une substance donnée.
Les mécanismes immunologiques à l’origine des allergies impliquent classiquement les IgE spécifiques (allergie IgE-médiée) et les lymphocytes T mémoires (allergie non IgE-médiée), mais d’autres mécanismes sont possibles.
L’atopie correspond à la synthèse anormale d’IgE spécifiques contre une substance donnée chez un individu prédisposé. Les maladies dites atopiques sont : la dermatite atopique, l’asthme allergique, l’allergie alimentaire IgE-médiée et la rhinoconjonctivite allergique.
La prédisposition à l’atopie est en partie d’origine génétique. Les patients ayant des antécédents familiaux au premier degré de maladie atopique sont à risque d’atopie.
La présence d’une maladie atopique chez un patient doit faire rechercher systématiquement l’existence des autres maladies atopiques.
L’allergène est la substance à l’origine d’une allergie. Il s’agit, sauf exception, d’une protéine végétale ou animale.
L’allergie implique l’existence d’une sensibilisation préalable.
La sensibilisation correspond à la fabrication d’une réponse immunologique spécifique (IgE spécifiques, lymphocytes T mémoires spécifiques…) lors d’un contact avec un allergène. La réaction allergique survient lors d’une exposition ultérieure à l’allergène chez un patient sensibilisé, c’est-à-dire ayant préalablement fabriqué des IgE spécifiques ou des lymphocytes T mémoires contre un allergène. Le mécanisme de passage de la sensibilisation à l’allergie n’est pas connu.
Une réaction allergique ne peut donc pas survenir lors d’une première exposition, à l’exception des réactions allergiques croisées à des substances de structure chimique très proche (par exemple, allergies IgE-médiées aux protéines de lait de vache/brebis/chèvre).
Alors que l’exposition orale précoce est tolérogène pour les allergènes alimentaires, l’exposition par voie transcutanée est une voie de sensibilisation, notamment chez les enfants atteints d’une dermatite atopique. Cette pathologie se caractérise par une perméabilité anormale de la peau vis-à-vis des substances de l’environnement. Le passage transcutané de ces substances pourrait favoriser la synthèse d’IgE spécifiques. Des expositions respiratoires ou pendant la période anténatale (alimentation maternelle et passage transplacentaire) ou encore lors de l’allaitement pourraient également être en cause.
En cas d’allergie, les réactions sont systématiques en cas d’exposition. Il peut néanmoins exister un effet seuil (réaction au-delà d’une certaine quantité d’allergène).
Toute réaction suite à la prise d’une substance n’est pas une allergie. Par exemple, l’intolérance au gluten, l’intolérance au lactose ou encore les intoxications alimentaires ne sont pas des allergies.
L’allergie est une hypersensibilité médiée par des mécanismes immunologiques spécifiques.
B Épidémiologie de l’allergie
La prévalence de l’allergie augmente : 30 % des enfants d’âge < 15 ans ont une pathologie allergique.
En France, la prévalence de l’allergie alimentaire est d’environ 5 % chez l’enfant. L’asthme concerne 10 % des enfants, la rhinite allergique touche 7 à 15 % des enfants et des adolescents et la dermatite atopique environ 20 % des enfants.
De nombreux pays rapportent une augmentation des hospitalisations pour anaphylaxie. On estime la mortalité par allergie alimentaire à moins de 1 enfant par an en France.
L’histoire naturelle des maladies allergiques est variable :
*l’évolution de l’allergie alimentaire dépend de l’aliment et du mécanisme en cause : les allergies au lait de vache et à l’œuf disparaissent dans 80 % des cas environ dans les premières années; les allergies à l’arachide et aux fruits à coque guérissent dans seulement 20 % des cas; l’allergie aux poissons persiste le plus souvent;
*les rhinoconjonctivites allergiques persistent généralement;
*l’asthme allergique a tendance à persister;
*la dermatite atopique disparaît dans la majorité des cas dans la petite enfance;
*l’évolution des allergies médicamenteuses est moins bien connue et varie selon les mécanismes impliqués.
C Principaux allergènes
Les allergènes sont des protéines d’origine animale ou végétale. Sauf exception, les glucides (lactose notamment) et les lipides ne sont pas allergisants.
1 Allergènes respiratoires (pneumallergènes)
Les allergènes respiratoires peuvent être classés en deux groupes (perannuels et saisonniers).
Les allergènes perannuels sont présents tout au long de l’année :
*acariens (Dermatophagoïdes pteronyssinus et D. farinae) dans la poussière de maison;
*animaux domestiques : chat, chien;
*moisissures (Alternaria);
*blattes.
Les allergènes saisonniers sont les pollens, responsables d’allergies saisonnières selon le calendrier de floraison, variable d’une région à l’autre :
*pollens de graminées;
*pollens d’arbres : bétulacées (bouleau, aulne, charme, noisetier), cyprès (sud de la France);
*pollens d’herbacées (armoise, ambroisie).
2 Allergènes alimentaires (trophallergènes)
Les allergènes les plus fréquents sont les protéines de :
*lait de vache (caséine, α-lactalbumine, β-lactoglobuline);
*l’œuf (ovalbumine, ovomucoïde);
*l’arachide (= cacahuète);
*fruits à coque : noix de cajou/pistache, noisette, noix, amande…;
*poisson;
*crustacés, mollusques;
*kiwi;
*fruits crus;
*graines : sésame, moutarde;
*blé.
3 Autres allergènes
*Médicaments : bêtalactamines, AINS.
*Venin d’hyménoptères (abeilles, guêpes).
*Latex (plus rare depuis l’abandon du latex dans le matériel médical).
Les allergies de contact sont rares chez l’enfant et l’adolescent. Elles sont essentiellement rencontrées en milieu professionnel (formation par apprentissage, cosmétiques).
II Diagnostiquer une allergie
Le diagnostic d’allergie est porté :
*lorsqu’il existe des manifestations cliniques évocatrices;
*et qu’un mécanisme immunologique spécifique est mis en évidence par des tests (bilan allergologique positif).
La première étape du diagnostic est de déterminer par un interrogatoire rigoureux que l’anamnèse est compatible avec le diagnostic en analysant la chronologie et la nature des symptômes.
La deuxième étape est de mettre en évidence l’allergène impliqué et le mécanisme immunologique spécifique.
A Recherche d’une anamnèse évocatrice
Les réactions allergiques se caractérisent par :
*la chronologie d’apparition des symptômes par rapport à l’exposition;
*et la nature des symptômes présentés.
La chronologie d’apparition est :
*immédiate : de quelques minutes à quelques heures après exposition à l’allergène; une réaction immédiate évoque un mécanisme IgE-médié;
*non immédiate (ou retardée) : dans les heures ou jours suivant l’exposition; une réaction non immédiate évoque un mécanisme médié par les lymphocytes T.
Les symptômes présentés dépendent du mécanisme impliqué (tableau 58.1) :
Tableau 58.1
Manifestations selon le mécanisme allergique.
Manifestations immédiates, aiguës évocatrices d’une allergie IgE-médiée Cutanéo-muqueuses Urticaire (fig. 58.1), (angio)œdème, prurit, rhinoconjonctivite Respiratoires Bronchospasme, dyspnée laryngée Digestives Vomissement, douleurs abdominales, diarrhée Anaphylaxie Voir § III.F Manifestations retardées et chroniques évocatrices d’une allergie non IgE-médiée Cutanées Eczéma, toxidermie Digestives Vomissements chroniques, RGO pathologique persistant, troubles du transit chroniques (diarrhée en particulier), rectorragies Retard de croissance *allergies IgE-médiées : symptômes aigus cutanéo-muqueux, respiratoires, digestifs, anaphylaxie; *allergies non IgE-médiées : symptômes retardés, chroniques, principalement cutanés ou digestifs.
Les allergies IgE-médiées surviennent immédiatement après exposition, avec un risque d’anaphylaxie, tandis que les allergies non IgE-médiées n’exposent pas au risque d’anaphylaxie.
B Mise en évidence d’un allergène et d’un mécanisme immunologique spécifique
Les tests effectués sont ciblés contre des allergènes suspectés par l’anamnèse :
*mécanisme IgE-médié : tests cutanés à lecture immédiate (prick-tests pour tout type d’allergène et intradermoréactions uniquement pour les médicaments injectables et venins), dosage des IgE spécifiques plasmatiques;
*mécanisme médié par les lymphocytes T : patch-tests éventuellement, intradermoréactions avec lecture tardive pour les toxidermies médicamenteuses.
1 Prick-tests
Les prick-tests sont effectués en première intention en cas de suspicion d’allergie IgE-médiée, car ils sont sensibles et spécifiques pour les allergènes courants, faciles à réaliser et peu coÛteux.
Ils peuvent être effectués à tout âge et consistent en une micropiqÛre épidermique à travers une goutte d’allergène déposée sur la peau ou à partir de l’aliment natif (avant-bras, dos). Un témoin positif (histamine) et un témoin négatif (solvant sans allergène) sont systématiquement effectués. La lecture du prick-test s’effectue à 15 ou 20 minutes.
En cas de positivité du test (apparition d’une papule urticarienne), la sensibilisation à l’allergène est confirmée (fig. 58.2).
2 Dosage des IgE spécifiques plasmatiques
Le dosage des IgE spécifiques est utilisé en deuxième intention pour préciser le diagnostic d’une allergie IgE-médiée, notamment quand les prick-tests sont négatifs et que l’anamnèse est évocatrice ou pour améliorer la précision diagnostique.
Les IgE spécifiques sont également particulièrement utiles pour le suivi des allergies alimentaires : leur décroissance suggère l’acquisition d’une tolérance.
On distingue deux types d’IgE spécifiques :
*celles dirigées contre l’extrait d’allergène (par exemple, bouleau, arachide);
*celles dirigées contre des protéines spécifiques de l’allergène (IgE dits recombinants); prescrites lors d’une consultation spécialisée, elles améliorent la précision diagnostique et pourraient avoir une valeur prédictive de réactivité ou de sévérité.
3 Intradermoréactions (IDR)
Les IDR sont réalisées dans un environnement médicalisé avec une surveillance adaptée.
Les IDR sont utilisées pour l’exploration des allergies médicamenteuses ou aux venins d’hyménoptères. Elles consistent en l’injection intradermique d’une solution plus ou moins diluée de l’allergène suspecté avec lecture de la taille de la papule induite 20 minutes après l’injection.
Des lectures plus tardives peuvent se faire en cas d’exploration d’allergies médicamenteuses non IgE médiées (toxidermie).
4 Patch-tests
Les patch-tests sont effectués pour l’exploration d’une allergie retardée.
Ils sont validés pour l’exploration des toxidermies retardées et des eczémas de contact (cosmétiques, métaux). Ils ne sont pas recommandés pour explorer les allergies alimentaires retardées.
5 Autres tests
*Tests multiallergéniques : outil de dépistage, il n’a pas vocation à porter un diagnostic; pour le non-allergologue, il peut permettre de dépister un terrain allergique; test donnant une réponse qualitative (positif : le patient est sensibilisé à un ou plusieurs des allergènes du mélange).
*Dosage plasmatique des IgE totales : non indiqué pour porter le diagnostic d’allergie.
*IgG spécifiques : aucune indication pour le diagnostic d’une allergie.
*Éosinophilie sanguine : inutile au diagnostic d’allergie, souvent présente en cas de terrain atopique ou d’allergie IgE-médiée.
Allergie IgE-médiée : prick-tests en première intention, IgE spécifiques utiles si prick-tests négatifs, ou pour précision diagnostique et suivi.
Allergie non IgE-médiée : prick-tests ou dosage d’IgE spécifiques non indiqués.
Interprétation
Le diagnostic d’allergie est confirmé lorsqu’un patient présente des manifestations cliniques évocatrices et des tests allergologiques positifs à la substance suspectée.
La positivité isolée d’un test allergologique ne fait pas le diagnostic d’allergie. La positivité d’un test indique l’existence d’une sensibilisation à la substance testée.
Tous les patients sensibilisés ne sont pas allergiques. Néanmoins, plus la taille de la papule observée et/ou la concentration des IgE spécifiques est importante, plus la probabilité d’être allergique à la substance testée est élevée.
Le diagnostic d’allergie est porté lorsque :
*la présentation clinique est évocatrice (chronologie et nature des symptômes);
*et que les tests allergologiques contre la substance suspectée sont positifs.
D Test de provocation et épreuve d’éviction-réintroduction
1 Test de provocation
Le test de provocation consiste à exposer le patient à des doses généralement progressivement croissantes d’un allergène, jusqu’à une dose cible, proche de celle prise habituellement, afin de vérifier la réactivité clinique à la substance.
Il peut être réalisé avec des aliments ou des médicaments, par voie orale (TPO : test de provocation par voie orale) ou, pour les médicaments, par voie IM, SC, IV.
Le risque en particulier anaphylactique justifie son déroulement en hospitalisation de jour, dans un environnement adapté et sécurisé.
Lorsque l’anamnèse est évocatrice d’une allergie IgE-médiée et que les prick-tests et/ou le dosage des IgE spécifiques est positif, le test de provocation est inutile pour porter le diagnostic d’allergie. En revanche, il est indiqué lorsque le diagnostic d’allergie IgE-médiée n’est pas établi formellement, afin de confirmer ou d’exclure ce diagnostic. Il est donc pratiqué en cas de discordance entre l’anamnèse et les résultats des tests allergologiques (prick-tests, IgE spécifiques) ou en cas de situation douteuse, ce qui est rarement le cas pour les allergènes alimentaires les plus fréquents.
Il est également utile pour confirmer l’acquisition de la tolérance d’aliments lors du suivi ou pour établir un seuil de réactivité, notamment avant une immunothérapie allergénique alimentaire.
Dans le SEIPA (syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires), il est principalement effectué pour contrôler la tolérance à l’aliment après plusieurs mois d’éviction
Épreuve d’éviction-réintroduction
Elle est indiquée en cas de suspicion d’allergie alimentaire non IgE-médiée, en dehors des SEIPA. Elle est effectuée en ambulatoire, au domicile.
Elle consiste en une éviction de 2 à 4 semaines de l’aliment suspect, puis en une réintroduction.
En cas d’amélioration des symptômes lors de l’éviction et de récidive des symptômes lors de la réintroduction, la responsabilité de l’aliment est confirmée, sans que le mécanisme impliqué ne soit pour autant déterminé.
I Prendre en charge l’enfant allergique
A Prévention primaire de l’allergie
Quelques mesures sont documentées :
*aucun régime d’éviction chez la femme enceinte;
*allaitement maternel pendant 4 à 6 mois, sans exclusion chez la femme allaitante;
*traitement actif de l’eczéma, ne pas appliquer de topique à base de protéines chez le nouveau-né et le nourrisson;
*en cas d’utilisation de lait artificiel ou en complément régulier de l’allaitement maternel, un lait adapté à l’âge est prescrit (les laits HA n’ont pas fait la preuve de leur efficacité); en cas d’allaitement exclusif, éviter de donner des suppléments ponctuels de lait 1er âge s’ils ne sont pas poursuivis après;
*diversification entre les âges de 4 à 6 mois, sans différer l’introduction d’un quelconque aliment y compris ceux réputés allergisants, en respectant les habitudes culturelles et familiales;
*pas d’éviction préventive systématique des animaux de compagnie;
*pas d’éviction préventive systématique de la crèche.
B Éviction allergénique, contrôle de l’environnement
Chez le sujet allergique, il faut limiter au maximum, si possible, les contacts avec les allergènes déclenchants.
Des mesures physiques permettent de diminuer l’exposition aux allergènes domestiques, comme les acariens : aération quotidienne des pièces, lavage régulier des draps et couettes à 60 °C, housses antiacariens pour les matelas, acaricides et élimination des acariens morts (aspirateur). Des conseillers médicaux en environnement peuvent parfois aider à la mise en place de ces mesures.
Pour réduire l’exposition aux pollens lors des saisons polliniques, il est conseillé aux patients de se rincer les yeux et le nez régulièrement avec du sérum physiologique par exemple, de se changer ou de se laver après une forte exposition comme dans les parcs.
En cas d’allergies alimentaires, la diététicienne a toute sa place pour l’explication du régime d’éviction ainsi que l’éducation à la lecture des étiquetages alimentaires.
C Traitements médicamenteux
Rhinite allergique :
*lavage du nez;
*antihistaminiques per os en première intention en cas de symptômes intermittents;
*corticoïdes nasaux en cas de symptômes persistants, d’obstruction nasale.
Conjonctivite allergique :
*lavage des yeux;
*antihistaminiques per os;
*antihistaminiques et/ou antiallergiques locaux;
*corticoïdes locaux : ils ne doivent être prescrits que si certitude diagnostique, après échec des traitements précédents et après avis d’un ophtalmologue.
Dermatite atopique :
*émollients quotidiennement sur tout le corps;
*dermocorticoïdes sur les lésions en cas de poussée.
Allergie alimentaire IgE-médiée :
*antihistaminiques en cas de réaction modérée;
*adrénaline IM en cas d’anaphylaxie.
Asthme : voir chapitre 57.
Importance du contrôle de l’environnement et de l’éducation thérapeutique.
D Éducation thérapeutique
L’éducation thérapeutique du patient et de son entourage est un élément fondamental de la prise en charge de ces pathologies chroniques.
En cas d’allergie alimentaire, les patients doivent apprendre à identifier le ou les allergènes impliqués, reconnaître et traiter les réactions allergiques même sévères. Ils doivent disposer d’une trousse d’urgence comprenant un antihistaminique et l’adrénaline auto-injectable par voie IM selon les cas. L’utilisation de l’auto-injecteur d’adrénaline doit être maîtrisée par l’enfant (selon son âge) et sa famille.
À l’école, les enfants allergiques bénéficient de la mise en place d’un projet d’accueil individualisé (PAI) permettant d’informer le personnel scolaire et de donner les traitements d’urgence. Le médecin rédige le plan d’action et indique la liste des allergènes à exclure ainsi que les modalités possibles de repas en collectivité.
Expliquer les règles d’étiquetage aux parents : 14 allergènes sont à déclaration obligatoire et sont mentionnés sur les emballages des produits industriels dans la liste des ingrédients. Les mentions « traces », « peut contenir » sont des étiquetages de précaution, la consommation de produits portant ces mentions est autorisée, sauf exception.
E Points clés sur l’anaphylaxie
1 Généralités
L’anaphylaxie est la manifestation la plus grave des allergies IgE-médiées.
C’est une réaction systémique potentiellement fatale. Elle survient brutalement et associe de manière variable des signes cutanéomuqueux, respiratoires, digestifs, neurologiques et cardiovasculaires.
Chez l’enfant, la première cause est l’allergie alimentaire, suivie par les piqÛres d’hyménoptères et les médicaments.
Facteurs de risque d’anaphylaxie :
*allergène : lait de vache, chèvre ou brebis; arachide, fruits à coque (dont cajou, noisette);
*âge (10–20 ans);
*asthme non contrôlé;
*désordres mastocytaires.
Des cofacteurs peuvent aggraver une réaction allergique IgE-médiée en abaissant le seuil de tolérance (effort, infection en cours, menstruations, alcool, AINS, privation de sommeil). Ils doivent être recherchés systématiquement en cas de réaction sévère.
Identifier l’anaphylaxie
Il s’agit d’une réaction brutale, intense, rapidement progressive et menaçant le pronostic vital.
Elle se caractérise par l’association de symptômes cutanéo-muqueux à des symptômes respiratoires et/ou digestifs et/ou hémodynamiques et/ou neurologiques. Cependant, les signes cutanés peuvent être absents et l’anaphylaxie peut se manifester par des symptômes respiratoires sévères (dyspnée, bronchospasme, œdème de Quincke), neurologiques (malaise, modification du comportement chez les plus jeunes), digestifs (douleurs abdominales intenses, vomissements) ou cardiovasculaires (chute de la pression artérielle : choc anaphylactique). L’œdème de Quincke est causé par un angiœdème laryngé et se manifeste une dyspnée inspiratoire, un stridor, une dysphonie, une odynophagie, des difficultés à avaler la salive.
Une urticaire généralisée isolée ne suffit pas à porter le diagnostic d’anaphylaxie.
Le diagnostic d’anaphylaxie est clinique. Aucun bilan n’est indiqué pour porter le diagnostic.
Le dosage sanguin de la tryptase, enzyme contenue dans les granules des mastocytes et libérée lors de la dégranulation de ces cellules, est utile en cas de suspicion d’anaphylaxie, particulièrement pour les réactions survenant au bloc opératoire et en cas de doute diagnostique. La concentration plasmatique de tryptase atteint un pic 30 minutes à 2 heures après une réaction allergique puis redescend à un taux de base.
3 Prise en charge thérapeutique
Adrénaline immédiatement en première intention :
*par voie intramusculaire, adrénaline 1 mg/ml, 0,01 mg/kg sans dilution préalable, max. 0,50 mg; il existe des stylos auto-injecteurs dont la posologie est 0,15 mg si < 25 kg, 0,30 mg si ≥ 25 kg, 0,50 mg si ≥ 60 kg;
*l’injection d’adrénaline IM peut être répétée à 5–10 minutes en cas d’aggravation ou de réponse clinique insuffisante.
L’adrénaline a une demi-vie courte et est bien tolérée chez l’enfant par voie IM.
Il n’y a pas de contre-indication absolue à l’adrénaline IM puisque le pronostic vital est engagé, et rien ne doit retarder son administration car le retard à l’administration de l’adrénaline est associé à une plus grande morbi-mortalité.
Traitements d’urgence associés en seconde intention après l’injection d’adrénaline IM :
*libération des voies aériennes supérieures;
*bronchodilatateurs de courte durée d’action en cas de bronchospasme;
*remplissage vasculaire en cas de collapsus.
Les corticoïdes systémiques n’ont pas de place à la phase aiguë de l’anaphylaxie.
Surveillance médicale au décours immédiat d’une réaction anaphylactique : au minimum 6 heures en milieu hospitalier, dépendant de la gravité initiale et de l’évolution.
4 Prévention de l’anaphylaxie
Éviction du ou des allergènes suspectés.
Prescription d’une trousse d’urgence comprenant :
*un stylo auto-injectable d’adrénaline (avec démonstration pratique);
*un bronchodilatateur de courte durée d’action, en particulier si asthme associé;
*un antihistaminique (efficace sur les réactions cutanéo-muqueuses).
Un plan d’action écrit doit être remis au patient (fig. 58.3
Un projet d’accueil individualisé est mis en place à la demande des parents auprès de l’établissement scolaire ou de la crèche, une trousse d’urgence et un plan d’action écrit sont remis à l’établissement d’accueil.
Orientation vers une consultation d’allergologie : rédaction d’un courrier précisant les circonstances ayant précédé les signes pour aider à identifier un ou des possibles facteurs déclenchants (repas et composition des repas), la chronologie de la réaction, la sévérité de la réaction (symptômes, traitements).
Retenir le plan d’action « Allergie alimentaire ».
Anaphylaxie : adrénaline IM en traitement de première ligne.
F Désensibilisation ou immunothérapie allergénique (ITA)
C’est le seul traitement qui permet de modifier l’histoire naturelle de l’allergie, en limitant le développement de nouvelles sensibilisations ou l’expression de nouvelles manifestations allergiques.
L’ITA consiste à exposer le patient allergique à des doses d’allergène contrôlées de façon prolongée, dans le but de modifier la réponse immunitaire et d’induire une diminution de la réactivité à l’allergène.
L’ITA aux pneumallergènes :
*est autorisée à partir de l’âge de 5 ans;
*est indiquée en cas de rhinoconjonctivite allergique persistante modérée à sévère malgré un traitement par corticoïde intranasal et antihistaminique; elle pourrait également avoir un bénéfice sur l’asthme associé à la rhinoconjonctivite allergique;
*s’effectue par voie sublinguale quotidiennement pendant 3 ans.
L’ITA aux hyménoptères :
*est indiquée en cas de réactions systémiques dépassant le cadre cutané (malaise, anaphylaxie);
*s’effectue par voie sous-cutanée mensuellement et dure habituellement 5 ans.
L’ITA alimentaire s’effectue par voie orale dans des centres spécialisés.
IV Points clés sur certaines allergies
A Aliments : lait de vache et arachide
1 Allergie aux protéines de lait de vache (APLV)
Éléments diagnostiques
Allergie IgE-médiée :
*manifestations immédiates, cutanéo-muqueuses, respiratoires, digestives, anaphylactiques;
*positivité des prick-tests et/ou dosage des IgE spécifiques au lait de vache;
*test de provocation par voie orale si doute diagnostique.
Allergies non IgE-médiées :
*manifestations digestives (diarrhée sévère ou constipation opiniâtre, RGO sévère, retard de croissance pondérale) ou cutanées (eczéma modéré à sévère persistant malgré un traitement par dermocorticoïdes bien conduit) notables et traînantes;
*syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires (SEIPA) :
–forme aiguë : vomissements répétés et incoercibles 1–4 heures après l’ingestion de l’allergène, avec pâleur, léthargie, déshydratation, nécessitant souvent un recours aux urgences pour réhydratation et expansion volémique; diarrhée possible 5–10 heures plus tard;
–symptômes chroniques aspécifiques : vomissements et diarrhée chroniques, retard de croissance staturo-pondérale;
*proctocolite hémorragique : filets de sang voire rectorragies par colite hémorragique chez le nourrisson allaité ou non et par ailleurs bien portant;
*aucun test diagnostique validé; épreuve d’éviction (2–4 semaines) puis réintroduction pour confirmer la responsabilité du lait (sauf en cas de SEIPA); en cas d’amélioration franche des symptômes lors de l’éviction et de la récidive en cas de réintroduction, la responsabilité du lait de vache est confirmée.
Principes spécifiques de prise en charge
Régime d’éviction des protéines du lait de vache sous forme cuite (biscuits industriels, viennoiserie, beurre) et crue (lait, yaourt, fromages, crème) ainsi que des laits de chèvre et de brebis; les viandes de bœuf et de veau sont autorisées.
En cas d’allaitement maternel :
*poursuivre de manière exclusive si possible jusqu’à la diversification;
*en cas de persistance des signes sous allaitement, évoquer une rare allergie via le lait de mère, nécessitant alors une éviction des produits laitiers chez la mère avec supplémentation calcique pour la mère, et proposer une formule à base d’acides aminés à l’enfant en cas de compléments.
En cas d’alimentation par lait artificiel :
*hydrolysat poussé de PLV en 1re intention, hors cas spécifiques ci-dessous (alternative possible : formule à base de protéines de riz hydrolysées);
*formule à base d’acides aminés indiquée prioritairement dans les cas suivants : anaphylaxie, SEIPA avec forme aiguë sévère, symptômes sous allaitement maternel, cassure staturopondérale, échec de l’hydrolysat poussé (moins de 10 % des cas).
Suivi à adapter selon la forme clinique.
Réintroduction après plusieurs mois d’éviction; en milieu hospitalier en cas de forme IgE-médiée et/ou sévère.
Trousse d’urgence avec antihistaminique en cas d’APLV IgE-médiée et adrénaline si antécédent d’anaphylaxie.
APLV : éviction de tout produit contenant des protéines de lait de vache, substitution par hydrolysat poussé en première intention.
2 Allergie à l’arachide
Éléments diagnostiques
- Allergie IgE-médiée quasi exclusivement.
*Positivité des prick-tests et/ou dosage des IgE spécifiques contre l’arachide.
*Test de provocation par voie orale si doute diagnostique.
Principes spécifiques de prise en charge
*Régime d’éviction de tout produit contenant de l’arachide; l’arachide est à étiquetage obligatoire; les produits contenant la mention « traces », « peut contenir » sont autorisées sauf exception, ainsi que l’huile d’arachide.
*Suivi en milieu spécialisé.
*Trousse d’urgence comprenant de l’adrénaline auto-injectable du fait de la fréquente sévérité de cette allergie.
*Enquête allergologique pour les légumineuses et les fruits à coque à prévoir.
*Immunothérapie orale discutée en centre expert.
B Rhinoconjonctivite allergique (RCA)
1 Interrogatoire
Les symptômes sont :
*rhinite : rhinorrhée claire, obstruction nasale, prurit nasal, éternuements;
*conjonctivite : larmoiement, prurit, hyperhémie conjonctivale, œdème des paupières.
L’interrogatoire recherche les facteurs déclenchants :
*caractère perannuel ou saisonnier;
*majoration en cas d’exposition à la poussière, prédominance au domicile ou lors des changements d’habitat (vacances, nuits à l’extérieur du domicile), en intérieur, dans la chambre, recrudescence nocturne ou matinale, majoration lors du ménage;
*exposition aux chats, chiens;
*exposition aux pollens : recrudescence dans les parcs, jardins.
Il est indispensable d’apprécier l’intensité de la RCA :
*intermittente si moins de 4 jours par semaine ou moins de 4 semaines par an;
*persistante si plus de 4 jours par semaine ou plus de 4 semaines par an.
Une RCA saisonnière peut être persistante si, pendant la période symptomatique, les symptômes sont quotidiens ou durent pendant plus d’un mois.
Il faut apprécier son retentissement :
*sur le sommeil (difficulté d’endormissement, réveils fréquents, sécheresse buccale lorsque l’enfant dort la bouche ouverte du fait de l’obstruction nasale, ronflements);
*sur les activités (école, attention, activités sportives).
En l’absence de retentissement, la RCA est légère; en présence d’un retentissement sur le sommeil ou les activités, elle est modérée à sévère.
Il faut rechercher des complications : SAHOS, hypo-anosmie.
Un syndrome d’allergie pollen-aliment (SAPA) peut être présent en cas de RCA saisonnière (ou même précéder la RCA saisonnière).
Il résulte d’une allergie croisée entre les protéines de pollens et les protéines alimentaires végétales, en raison des similitudes de structure entre les allergènes. Le plus classique est le syndrome pollen de bouleau-rosacées (pomme, pêche, poire, abricot…).
Le SAPA se manifeste le plus fréquemment par un syndrome oral. Les symptômes surviennent dès la mise en bouche du fruit ou du légume souvent cru. Il se traduit par un prurit oropharyngé, un œdème labial. L’aliment sous forme cuite est bien toléré car cette famille de protéines est détruite par la chaleur. Des réactions systémiques, plus rares, sont néanmoins possibles.
2 Tests allergologiques
- Prick-tests orientés par l’interrogatoire : à réaliser en première intention.
*Dosage d’IgE spécifiques : en cas de prick-tests négatifs.
3 Prise en charge - Traitements symptomatiques (mesures d’éviction et médicaments) : voir supra.
*Immunothérapie allergénique (ITA) ou désensibilisation, pour la RCA saisonnière (graminées, bouleau, ambroisie) ou aux acariens. Indiquée en cas de RCA modérée à sévère persistante malgré un traitement symptomatique.
éactions aux venins d’hyménoptères
Les hyménoptères comprennent les abeilles, bourdons, guêpes, frelons.
Les réactions allergiques IgE-médiées sont dues le plus souvent aux piqÛres de guêpe et d’abeille.
Réactions locales ou régionales : une piqÛre déclenche rapidement une réaction inflammatoire locale, parfois douloureuse qui peut durer quelques heures ou quelques jours. Elles peuvent s’étendre à tout un membre même chez un sujet non allergique. Ces réactions sont à très faible risque d’anaphylaxie en cas de piqÛre ultérieure. L’adrénaline auto-injectable n’est pas indiquée. La désensibilisation n’est pas indiquée.
Anaphylaxie : rare chez l’enfant. Elle nécessite la prescription d’adrénaline auto-injectable. Le risque de récidive grave lors de piqÛres ultérieures justifie une désensibilisation, avec bilan allergologique préalable (IDR, dosage d’IgE spécifiques) permettant de confirmer le diagnostic d’allergie et d’identifier l’allergène responsable.
D Réactions aux médicaments
La suspicion d’allergie aux médicaments est un motif fréquent de consultation mais les allergies médicamenteuses confirmées sont rares chez l’enfant.
Les molécules le plus souvent suspectées sont les antibiotiques (bêtalactamines) et les antalgiques antipyrétiques (AINS).
Toute suspicion d’allergie médicamenteuse doit conduire le plus rapidement possible à un bilan allergologique pour limiter les évictions médicamenteuses inutiles.
La très grande majorité des urticaires et exanthèmes non sévères isolés de l’enfant sont d’origine infectieuse et non allergique.
Réactions aux antibiotiques
Éléments diagnostiques
Les réactions se caractérisent par leur chronologie et leur nature.
Les réactions évocatrices d’un mécanisme IgE-médiée surviennent dans l’heure suivant la prise et se caractérisent par des atteintes cutanées (urticaire, œdème), respiratoires, anaphylactiques et plus rarement digestives.
Les réactions non IgE-médiées surviennent classiquement dans les heures ou jours après le début du traitement. Elles sont le plus souvent uniquement cutanées isolées et non sévères (urticaire, exanthème maculopapuleux isolés).
Dans de très rares cas, elles sont graves : nécroépidermolyse toxique, pustulose exanthématique aiguë généralisée et DRESS (Drug-induced Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms).
Des formes rares de syndrome d’entérocolite induite par les médicaments (SEIM) sont aussi possibles.
Conduite à tenir
En cas de suspicion d’allergie IgE-médiée aux antibiotiques, le diagnostic repose sur l’histoire clinique et la mise en évidence d’une sensibilisation par tests allergologiques (prick-tests, IDR).
Ces tests ont toutefois une faible sensibilité. Lorsqu’ils sont négatifs, un test de provocation en milieu hospitalier est effectué pour confirmer ou exclure le diagnostic.
En cas de réaction retardée non sévère aux antibiotiques, les tests allergologiques ne sont pas sensibles et ne sont donc pas recommandés. Un test de provocation par voie orale, direct, c’est-à-dire sans bilan allergologique préalable, est recommandé chez l’enfant.
Les réactions retardées sévères requièrent une prise en charge très spécialisée.
Éruption cutanée chez un enfant traité par antibiotique : étiologie infectieuse dans la majorité des cas, plus rarement allergique.
Avant de commencer…
La suspicion du diagnostic de pneumonie aiguë est clinique.
Le diagnostic est confirmé par l’imagerie (radiographie, échographie).
L’approche étiologique et thérapeutique des pneumonies communautaires est probabiliste.
Les streptocoques (pneumocoque et streptocoque du groupe A) restent les germes à redouter à tout âge.
Les situations d’urgence sont liées à la sévérité de la détresse respiratoire aiguë.
Le suivi immédiat est relié à l’évolution des signes infectieux et respiratoires.
La conduite à tenir en cas d’échec thérapeutique à 48–72 heures doit être connue.
Les pleurésies purulentes sont la complication évolutive la plus fréquente chez l’enfant.
I Pour bien comprendre
A Préambule
ALe terme de pneumopathie traduit une pathologie pulmonaire, pas forcément d’origine infectieuse, par exemple : pneumopathie d’inhalation, pneumopathie interstitielle, pneumopathie d’hypersensibilité.
Les pneumonies aiguës traduisent une atteinte infectieuse du parenchyme pulmonaire.
Le qualificatif de « communautaires » concerne les infections acquises en ambulatoire, par opposition au terme de « nosocomiales » définissant celles acquises en milieu hospitalier.
Les pneumonies aiguës de l’enfant se caractérisent par plusieurs points forts :
*la possibilité de tableaux cliniques atypiques avec des signes extrathoraciques parfois au premier plan : douleurs abdominales, syndrome pseudo-méningé;
*la grande fréquence des pneumonies virales, notamment chez le jeune enfant;
*la nécessité d’évoquer la responsabilité possible du pneumocoque à tout âge;
*la responsabilité possible de Mycoplasma pneumoniae après 3 ans, et surtout après 5 ans;
*l’absence d’indication habituelle des fluoroquinolones.
B Épidémiologie
1 Prévalence
Les pneumonies aiguës représentent une cause majeure de mortalité chez les enfants âgés de moins de 5 ans dans les pays en développement (près de 800 000 décès par an).
Les données épidémiologiques sont à évaluer selon l’âge de l’enfant et le pays. En France, la majorité des pneumonies ou des pleuropneumopathies à pneumocoque de l’enfant survient avant l’âge de 5 ans.
2 Agents infectieux
Virus à tropisme respiratoire le plus souvent : virus respiratoire syncitial (VRS), virus influenza A et B, virus parainfluenza, métapneumovirus, rhinovirus, adénovirus, coronavirus SARS-CoV-2.
Bactéries :
*avant tout :
–Streptococcus pneumoniae (pneumocoque) : observé à tout âge;
–Mycoplasma pneumoniae (mycoplasme) : principalement après 3 ans;
*plus rarement :
–Staphylococcus aureus : pleuropneumopathie bulleuse du nourrisson et pneumonie nécrosante possiblement reliées à la leucocidine de Panton et Valentine;
–streptocoque β-hémolytique du groupe A : tableau clinique volontiers sévère;
–Haemophilus influenzae b : exceptionnellement en cause depuis la généralisation de la vaccination anti-Haemophilus influenzae b.
Co-infections (virus + bactérie; pneumocoque + mycoplasme) fréquentes.
3 Impact de la vaccination pneumococcique
La vaccination pneumococcique est détaillée dans le chapitre 41.
Il existe deux types de vaccins : vaccin pneumococcique conjugué à 13 valences obligatoire chez le nourrisson depuis janvier 2018 et le vaccin polyosidique 23-valent recommandé (en rappel) après l’âge de 2 ans pour certains terrains à risque.
Aucun de ces vaccins ne contient tous les sérotypes de pneumocoque. Une couverture vaccinale même correcte ne remet donc pas en cause les indications antibiotiques proposées.
Redouter en premier lieu le pneumocoque à tout âge.
II Diagnostiquer une pneumonie aiguë
A Diagnostic positif
1 Évocation clinique
L’origine basse d’une infection des voies aériennes est cliniquement évoquée devant l’association :
*d’une fièvre;
*et d’au moins un des paramètres suivants :
–augmentation de fréquence respiratoire (parfois reliée à la fièvre);
–existence de signes de lutte;
–anomalies à l’auscultation pulmonaire (diminution du murmure vésiculaire, crépitants en foyer, souffle tubaire).
Une toux fébrile isolée n’est pas suffisante pour établir un diagnostic clinique de pneumonie.
L’imagerie du thorax permet d’affirmer le diagnostic.
La prescription systématique d’une radiographie de thorax fait néanmoins débat dans les formes ambulatoires, sans gravité.
Une imagerie du thorax reste indispensable si la présentation clinique initiale n’est pas typique, s’il existe des critères de gravité (voir infra) ou si l’évolution clinique n’est pas favorable.
2 Confirmation radiographique
La radiographie du thorax de face en inspiration est l’imagerie de première intention.
Un cliché de profil est exceptionnellement nécessaire pour le diagnostic des opacités parenchymateuses.
Les images évoquant la pneumonie sont habituellement précoces.
La pneumonie se traduit par une opacité. Il est important de préciser son caractère systématisé ou non, la présence en son sein d’un éventuel bronchogramme aérien (qui permet d’en affirmer la nature alvéolaire), son éventuel caractère rétractile ou expansif (qui devra faire évoquer un autre diagnostic), l’association à des complications (épanchement, abcès), et sa localisation.
La localisation de la pneumonie peut être parfois précisée grâce à des règles simples (fig. 59.1) :
*une opacité de la base droite effaçant le bord droit du cœur mais pas la ligne diaphragmatique droite siège dans le lobe moyen;
*une opacité de la base droite effaçant la ligne diaphragmatique droite, mais pas le bord droit du cœur siège dans le lobe inférieur droit;
*une opacité de la base gauche effaçant le bord gauche du cœur mais pas la ligne diaphragmatique gauche siège dans la lingula;
*une opacité de la base gauche effaçant la ligne diaphragmatique gauche, mais pas le bord gauche du cœur siège dans le lobe inférieur gauche; elle peut-être entièrement rétrocardiaque et identifiable seulement par la perte de la ligne diaphragmatique.
L’imagerie ne permet pas en revanche de poser un diagnostic étiologique discriminant entre infection virale, bactérienne ou mixte.
L’échographie pulmonaire est un bon examen pour confirmer le diagnostic de pneumonie et identifier des complications comme l’épanchement pleural.
Elle est réalisable en première intention, en ambulatoire ou au lit du malade, non irradiante. Bien que simple à pratiquer, elle nécessite toutefois un apprentissage pour une bonne interprétation.
Toute toux fébrile n’est pas une pneumonie. Chiffrer la FR.
La confirmation diagnostique de certitude repose sur un cliché thoracique de face.
Un diagnostic différentiel doit être évoqué en cas d’opacité expansive.
B Appréciation de la gravité
Le tableau 59.1 présente les critères de gravité d’une pneumonie aiguë.
Tableau 59.1
Critères de gravité d’une pneumonie aiguë.
Terrain
–Âge < 6 mois
–Cardiopathie sous-jacente, pathologie pulmonaire chronique
–Drépanocytose, immunosuppression
Sévérité clinique
–Aspect toxique, troubles hémodynamiques
–FR très élevée pour l’âge, intensité des signes de lutte
–Cyanose, SpO2 < 95 % sous air
–Sueurs, troubles de conscience
–Difficultés à s’alimenter
–Pneumonie très étendue (≥ deux lobes), adénopathies intertrachéobronchiques
–Épanchement pleural (en dehors d’un comblement du cul-de-sac), abcès
Retenir : terrain, dyspnée à la prise des biberons, oxygénodépendance, pneumopathie étendue.
C Orientation étiologique
1 Principaux germes
Certains arguments cliniques et radiographiques peuvent orienter le diagnostic étiologique. Ils ne sont proposés qu’à titre de « repères » pour les trois principaux agents infectieux en cause (tableau 59.2).
Tableau 59.2
Orientation étiologique des pneumonies aiguës.
Virus Pneumocoque Mycoplasme
Âge Tout âge Tout âge > 3 ans
Contexte Épidémique Sporadique Épidémique
Mode de début Progressif Brutal Progressif
Fièvre ++ +++ +
Signes respiratoires Rhinopharyngite, toux
Ronchus ± sibilants
Pas de foyer auscultatoire Toux parfois différée
Douleur thoracique
Foyer auscultatoire Toux sèche durable
± Foyer auscultatoire
Signes associés État général conservé
Diarrhée
Éruption, myalgies Altération de l’état général
Tableau pseudo-appendiculaire
Signes pseudo-méningés État général conservé
Éruption, érythème polymorphe
Myalgies
Conjonctivite
Tolérance clinique Bonne Mauvaise Souvent bonne
Radiologie Opacités mal limitées et bilatérales Opacité systématisée habituellement unilobaire et avec bronchogramme aérien Opacités mal limitées et bilatérales
Biologie Syndrome inflammatoire absent ou modéré Syndrome inflammatoire franc Syndrome inflammatoire modéré
Radiologiquement, les foyers de condensation segmentaire ou lobaire sont évocateurs mais non spécifiques d’une pneumonie à pneumocoque (fig. 59.2). Un syndrome interstitiel peut orienter vers une pneumonie à mycoplasme. Les pneumonies rondes (fig. 59.3) sont particulières à l’enfant.
2 Staphylococcie pleuropulmonaire du nourrisson
C’est une infection rare mais nécessitant une prise en charge urgente.
Le germe en cause est Staphylococcus aureus.
La porte d’entrée est avant tout respiratoire, parfois par voie hématogène à point de départ cutané. En cas d’allaitement au sein, un abcès mammaire doit être recherché.
Le tableau clinique n’est pas spécifique mais volontiers sévère.
Il existe fréquemment des signes de détresse respiratoire et des signes généraux marqués témoignant souvent d’un sepsis grave (tachycardie, TRC allongé). Les signes digestifs peuvent être au premier plan notamment chez le jeune nourrisson avec un météorisme abdominal « pseudo-occlusif ».
Radiologiquement, des images bulleuses doivent faire suspecter ce diagnostic (fig. 59.4).
D Enquête paraclinique
1 Généralités
La radiographie du thorax (ou l’échographie thoracique dans certains centres) permet la confirmation diagnostique.
Les marqueurs inflammatoires (CRP ou PCT) lorsqu’ils sont élevés, peuvent conforter le clinicien dans son hypothèse d’infection bactérienne devant une pneumonie. Toutefois, ils n’ont pas fait la preuve à ce jour d’une fiabilité suffisante au sein d’algorithmes décisionnels de prise en charge ambulatoire des pneumonies de l’enfant. Ils ne sont donc pas nécessaires à l’initiation d’une antibiothérapie devant une pneumonie aigüe fébrile de l’enfant sans signe de sévérité.
L’antibiothérapie ne doit pas être différée. Elle demeure aujourd’hui initialement probabiliste, adaptée selon l’âge, le contexte clinique et les données épidémiologiques bactériennes du pays. En pratique, il est d’usage de traiter en première intention par antibiotique (amoxicilline) les pneumonies aiguës de l’enfant pour couvrir le pneumocoque, principal agent responsable des infections sévères en milieu communautaire. Les examens paracliniques autres que l’imagerie (hémoculture, marqueurs inflammatoires…) sont en revanche nécessaires en cas de formes sévères justifiant d’une prise en charge hospitalière.
2 Autres examens paracliniques chez un enfant hospitalisé pour pneumonie
Examens biologiques
NFS, CRP ou PCT permettent d’apprécier le syndrome infectieux biologique. Leur répétition au cours de l’évolution est intéressante pour juger de l’efficacité thérapeutique.
D’autres anomalies biologiques peuvent être vues. Le mycoplasme peut s’accompagner d’une anémie hémolytique. Exceptionnellement, anémie et thrombopénie peuvent être présentes, secondaires à un SHU post-pneumococcique.
L’ionogramme sanguin peut parfois montrer des conséquences de troubles digestifs, un possible SIADH associé au pneumocoque (hyponatrémie), ou exceptionnellement une insuffisance rénale par SHU post-pneumococcique.
Examens microbiologiques
En cas de pneumonie aiguë :
*hémoculture : systématique dans les formes sévères (sensibilité < 10 %);
*recherches virales par test antigénique ou PCR sur sécrétions nasopharyngées (surtout chez le nourrisson) : intérêt uniquement si modification attendue de la prise en charge (abstention d’antibiothérapie et/ou traitement antiviral précoce en cas de diagnostic de grippe, par exemple);
*recherche d’antigène pneumococcique dans les urines (test BinaxNOW®) : non recommandée chez l’enfant < 5 ans, du fait de faux positifs fréquents liés au portage pharyngé de pneumocoque; utile chez le plus âgé dans les formes sévères.
En cas d’épanchement pleural :
*ponction pleurale systématique, au mieux après repérage échographique, avec examen direct et culture;
*recherche d’antigène pneumococcique sur liquide pleural : excellentes VPN et VPP; confirmation possible par PCR pneumocoque lorsque la culture reste négative;
*PCR d’ADNr 16S sur liquide pleural, augmentant la sensibilité de la culture pour une identification d’autres bactéries (à faire si culture négative).
E Autres diagnostics
Il s’agit des diagnostics différentiels d’opacités radiologiques en climat fébrile.
Éléments sémiologiques devant attirer l’attention :
*opacité expansive, refoulant les organes de voisinage, et sans bronchogramme aérien, orientant vers un processus tumoral ou malformatif;
*images aériques multiples au sein de l’opacité, faisant évoquer un processus malformatif;
*antécédent récent de pneumopathie au même site, ou absence de guérison de l’épisode actuel, faisant évoquer un processus malformatif ou une obstruction endobronchique (corps étranger notamment).
F Complications
1 Épanchement pleural
Diagnostic
Il est le plus souvent unilatéral :
*soit inflammation pleurale réactionnelle avec exsudat stérile;
*soit infection pleurale avec épanchement purulent riche en bactéries.
Suspicion clinique :
*fièvre persistante malgré l’antibiothérapie initiale;
*douleur thoracique;
*immobilité d’un hémithorax;
*diminution ou abolition du murmure vésiculaire du côté de l’épanchement;
*matité du côté de l’épanchement;
Confirmation radiographique (fig. 59.5) :
*opacité effaçant l’ensemble des lignes de voisinage (parfois limitée à un comblement d’un cul-de-sac pleural);
*ligne pleurale surnuméraire témoignant de l’épaississement pleural;
classique ligne de Damoiseau lorsque l’épanchement n’est pas cloisonné.
Échographie pleurale utile en complément du cliché thoraciqueévaluation quantitative du volume de l’épanchement (épaisseur);
*identification de l’existence de cloisons parfois précoce (pneumocoque);
*repérage initial avant ponction.
Scanner thoracique (injecté) réservé à certaines situations :
*évaluation des parts respectives de l’atteinte pleurale et des lésions parenchymateuses;
*élimination d’un diagnostic différentiel;
*guide pour la mise en place éventuelle d’un drain.
Ponction pleurale
Elle s’impose devant tout épanchement pleural fébrile.
Les analyses à faire sur le liquide pleural sont : biochimie (protides, glucose, LDH, pH), cytologie (numération cellulaire et formule), anatomopathologie (recherche de cellules anormales), bactériologie (examen direct, cultures, antigènes pneumococciques, PCR).
A. Radiographie de thorax de face. Opacité basale droite effaçant à la fois le bord droit du cœur et la coupole diaphragmatique droite. Ligne bordante pleurale droite (flèche) confirmant la présence de liquide. B. TDM thoracique. Coupe axiale de l’opacité basale droite (ligne pointillée), confirmant une composante pleurale liquidienne (*) et une opacité parenchymateuse alvéolaire.
Dans le cadre d’un épanchement d’origine infectieuse, l’analyse montre un exsudat défini par des protides dans le liquide pleural > 35 g/l ou, si les protides pleuraux sont entre 25 à 35 g/l, par 1 des 3 critères de Light : taux protides pleural/protides sérique > 0,5 ou taux LDH pleural/LDH sérique > 0,6 ou LDH pleural > 2/3 de la limite supérieure normale du plasma. L’épanchement réactionnel est d’aspect citrin, sans germe au direct ou à la culture. Le caractère purulent est affirmé sur au moins l’un des critères suivants : aspect macroscopique purulent, glucose dans le liquide pleural < 0,4 g/l, LDH pleural > 1 000 U/l, présence de bactéries. La présence d’une lymphocytose pleurale doit faire évoquer d’autres diagnostics : tuberculose, lymphome.
Hémoculture systématique chez un enfant hospitalisé pour pneumonie aiguë.
Ponction pleurale avec recherche bactériologique indispensable en cas d’épanchement.
2 Abcès
Il témoigne d’une nécrose tissulaire induite par l’infection.
Il est suspecté par la persistance de la fièvre malgré l’antibiothérapie initiale.
Il est confirmé par la radiographie de thorax : image aérique à paroi épaisse et irrégulière, avec ou sans niveau horizontal liquidien.
Une évaluation spécialisée est indispensable.
III Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi de l’enfant
A Orientation
Critères d’hospitalisation :
*terrain à risque (voir tableau 59.1), l’âge étant un critère relatif en fonction du contexte et des signes associés (hors période néonatale);
*sévérité clinique (voir tableau 59.1);
*capacités de surveillance limitées de l’entourage.
En l’absence de ces critères, un traitement ambulatoire peut être proposé.
Le médecin doit néanmoins dispenser à la famille une information précise sur l’histoire naturelle de la maladie, et s’assurer de la bonne compréhension des signes d’aggravation devant conduire à une nouvelle consultation médicale urgente (libérale ou hospitalière).
Aucun isolement n’est recommandé en cas de pneumonie bactérienne communautaire.
En pratique, la fréquence des co-infections virales rend nécessaire un isolement de type respiratoire chez les enfants hospitalisés.
B Prise en charge thérapeutique
1 Antibiothérapie
Rationnel
Du fait de la difficulté d’éliminer la responsabilité d’une étiologie bactérienne, une antibiothérapie probabiliste est justifiée pour tout diagnostic de pneumonie aiguë.
Les profils de résistance aux antibiotiques sont actuellement :*pour le pneumocoque : disparition quasi complète des souches résistantes à l’amoxicilline, persistance de 30 % de souches résistantes aux macrolides;
*pour le mycoplasme : résistance naturelle aux bêtalactamines (car absence de paroi bactérienne), sensibilité presque constante aux macrolides.
Les C1G, C2G et C3G orales, le cotrimoxazole, les fluoroquinolones et les tétracyclines ne sont pas indiqués.
Pneumonies sans signes de gravité : avant l’âge de 3 ans
Le pneumocoque est l’agent bactérien en cause le plus fréquent avant l’âge de 3 ans.
L’antibiothérapie recommandée en première intention est l’amoxicilline 80–100 mg/kg par jour per os (sans dépasser 3 g par jour) en trois prises, pendant 5 jours.
En cas d’allergie aux pénicillines sans contre-indication aux céphalosporines, il peut être prescrit une C3G injectable (céfotaxime, ceftriaxone).
En cas de contre-indication à l’ensemble des bêtalactamines (situation exceptionnelle), l’hospitalisation est souhaitable pour instituer une antibiothérapie adaptée par voie injectable.
En cas de souche supposée de PSDP (antécédents de pneumonie avant l’âge de 1 an, traitements antérieurs par bêtalactamines, hospitalisation récente il y a moins de 3 mois), il est inutile de prescrire des posologies plus élevées d’amoxicilline.
Dans de rares cas, seules l’absence de vaccination ou une vaccination incomplète contre Haemophilus influenzae de type b peuvent conduire à proposer l’association amoxicilline + acide clavulanique dosée à 80 mg/kg par jour d’amoxicilline.
Pneumonies sans signes de gravité : après l’âge de 3 ans
Le pneumocoque et le mycoplasme sont les principaux agents bactériens en cause à partir de l’âge de 3 ans.
Le choix antibiotique initial probabiliste s’appuie sur l’analyse du tableau clinique et radiographique, bien que ceux-ci n’aient pas de valeur prédictive étiologique.
Chez un enfant sans terrain à risque, une bithérapie n’est pas indiquée d’emblée.
En cas de tableau évocateur d’une infection à pneumocoque, l’antibiothérapie recommandée est l’amoxicilline 80–100 mg/kg par jour per os (sans dépasser 3 g par jour) en trois prises, pendant 5 jours.
En cas de contre-indication à l’ensemble des bêtalactamines, la pristinamycine peut être utilisée après l’âge de 6 ans (sinon l’hospitalisation est souhaitable).
En cas de tableau évocateur d’une infection à mycoplasme, l’antibiothérapie recommandée est un macrolide.
Lorsque le tableau n’est pas franc, il faut toujours privilégier l’amoxicilline, le pneumocoque restant le germe le plus redouté.
Pneumonies avec signes de gravité
Le pneumocoque est toujours pris en compte en premier lieu.
En cas de vomissements ou d’altération de l’état général, la voie IV est nécessaire.
En cas de pneumonie aiguë chez un enfant drépanocytaire, il peut être prescrit une bithérapie : amoxicilline et macrolide. La bêtalactamine peut être modifiée pour une C3G injectable dans les formes sévères.
En cas de pleurésie purulente, une antibiothérapie intraveineuse forte dose est débutée, couvrant pneumocoque, staphylocoque doré et streptocoque A.
Pneumonie avant l’âge de 3 ans : amoxicilline.
Pneumonie après l’âge de 3 ans : amoxicilline voire macrolide.
Pneumonie avec signes de gravité : élargissement possible aux associations couvrant pneumocoque, staphylocoque doré et streptocoque du groupe A.
2 Traitements symptomatiques
En cas de détresse respiratoire (selon sa sévérité) :
*libération des voies aériennes supérieures;
*mise en position proclive ou demi-assise;
*oxygénation adaptée à la SpO2.
Drainage pleural en cas d’épanchement : en aucun cas systématique; discussion spécialisée nécessaire.
Kinésithérapie respiratoire : pas d’indication habituelle.
Traitement de la fièvre et de la douleur : paracétamol 15 mg/kg/6 heures.
AINS non recommandés, car favorisant la survenue d’épanchement pleural.
C Suivi
1 Critères de surveillance
Surveillance de l’enfant hospitalisé :
*scope cardiorespiratoire, température, FR, SpO2, FC, conscience;
*signes de lutte respiratoire, auscultation pulmonaire;
*poids, hydratation, aptitude à la prise alimentaire.
Consignes de surveillance en cas de prise en charge ambulatoire :
*évolution symptomatique;
*température, état général, prise alimentaire.
Une prise en charge ambulatoire doit être « encadrée ».
Les conseils de surveillance doivent être notés sur l’ordonnance et/ou dans le carnet de santé (signes de détresse respiratoire, difficultés à la prise alimentaire, fièvre mal tolérée).
Une réévaluation médicale à 48–72 heures de prise en charge est recommandée, et ce quelle que soit l’évolution.
2 Évolution habituelle d’une pneumonie
La normalisation thermique est le principal critère d’efficacité thérapeutique.
L’apyrexie est obtenue en 24–48 heures sous amoxicilline pour une pneumonie à pneumocoque (critère diagnostique indirect), en 3 à 5 jours pour une pneumonie virale, parfois plus pour une pneumonie à mycoplasme.
La toux se réduit habituellement en quelques jours; elle peut persister plus durablement en cas de pneumonie à mycoplasme (par hyperréactivité bronchique). La fréquence respiratoire et les signes de lutte se réduisent de façon parallèle.
L’évolution est beaucoup plus longue en cas d’épanchement pleural associé.
La fièvre peut ici être présente pendant 7 à 10 jours. Sa persistance inhabituelle ou sa réascension importante doivent faire évoquer soit une infection bactérienne non contrôlée avec épanchement enkysté, soit un syndrome inflammatoire durable (éventualité plus fréquente).
Les radiographies pulmonaires ne doivent pas être multipliées en cas de normalisation des signes cliniques et de stabilité des images radiologiques initiales. La normalisation complète n’est pas observée avant plusieurs semaines.
3 Échec de l’antibiothérapie initiale
La permanence de la fièvre ou sa réascension à 48–72 heures laisse craindre :
*une inadaptation de l’antibiothérapie initiale à l’agent microbien en cause;
*une mauvaise compliance thérapeutique, une erreur de posologie, ou une non-prise (par exemple en raison de vomissements);
*une complication à type de pleuropneumopathie infectieuse ou d’abcès;
*un diagnostic différentiel.
Cette situation d’échec impose la prescription de nouveaux examens (fig. 59.7) :
*un cliché thoracique;
*une hémoculture et un bilan inflammatoire (NFS, CRP ± PCT).
La radiographie de thorax recherche avant tout une complication pleurale :
*si le cliché thoracique est inchangé :
–éventualité d’une bactérie atypique (mycoplasme);
–possible remplacement de l’amoxicilline par un macrolide en monothérapie;
*si le cliché thoracique montre un épanchement pleural :
–hospitalisation pour poursuite des explorations;
–antibiothérapie IV selon les modalités détaillées.
Si un diagnostic différentiel est suspecté, un scanner thoracique peut être indiqué.
Craindre une pleurésie purulente en cas d’échec à 48–72 heures du début de l’antibiothérapie.
4 Suivi à long terme et pronostic
La pneumonie à pneumocoque n’induit pas généralement de séquelles à long terme.
La pneumonie à Mycoplasma pneumoniae peut parfois être responsable d’une hyperréactivité bronchique résiduelle avec toux prolongée et, rarement, de dilatations des bronches.
La normalisation du cliché thoracique est habituelle en 1 mois.
Un premier épisode de pneumonie d’allure pneumococcique facilement résolutif, chez un enfant sans facteur de risque, ne justifie pas de contrôle radiographique à 1 mois (Afssaps).
En pratique, un cliché est régulièrement effectué afin de s’assurer qu’un nouvel épisode ultérieur de pneumonie soit bien considéré comme une authentique récidive.
5 Prise en charge des récidives
Principales causes à évoquer :
*un équivalent d’asthme (très fréquent, signes évocateurs d’hyperréactivité bronchique, normalisation radiologique entre deux épisodes, atteinte fréquente du lobe moyen);
*une pathologie sous-jacente pulmonaire :
–malformation pulmonaire congénitale (même localisation des récidives, absence de normalisation radiologique entre deux épisodes, images kystiques);
–dilatation des bronches, pathologie mucociliaire, mucoviscidose;
*une cause obstructive :
–corps étranger inhalé (même localisation des récidives);
–compression extrinsèque des voies aériennes, notamment par des adénopathies tuberculeuses;
*un possible déficit immunitaire (si ≥ 2 pneumonies/an).
Ces récidives de pneumonies doivent motiver des explorations et un avis spécialisé :
*selon l’orientation clinique et radiologique : TDM thoracique;
*endoscopie bronchique;
*explorations fonctionnelles respiratoires;
*enquête immunitaire (voir chapitre 26).
Pneumonies récidivantes dans un même territoire : évoquer un corps étranger intrabronchique.
Avant de commencer…
Chez l’enfant, les circonstances de découverte d’une opacité ou d’une masse intrathoracique varient beaucoup avec l’âge. Les symptômes associés (fièvre, altération de l’état général, dyspnée, signes neurologiques…) orientent souvent le diagnostic.
Parmi les examens d’imagerie, certains ont une place de choix, en raison des particularités pédiatriques (échographie notamment), ou de leur caractère non irradiant (IRM). Les examens biologiques sont demandés en fonction de la symptomatologie et des caractéristiques radiologiques.
Par rapport à l’adulte, la pathologie tumorale maligne est plus rare alors que les causes malformatives doivent être évoquées en priorité, en particulier dans la pathologie médiastinale du petit enfant.
I Pour bien comprendre
A Rappels de sémiologie radiologique1
Le thymus est assez volumineux chez le nourrisson avec des présentations très variées (fig. 60.1). Il disparaît sur le plan radiologique le plus souvent entre 2 et 3 ans, mais on peut parfois observer chez le grand enfant un résidu thymique dans la fenêtre aortopulmonaire, faisant évoquer une masse médiastinale.
B Démarche diagnostique
La connaissance des manifestations révélatrices d’opacités et masses intrathoraciques est importante, car elle permet de motiver la réalisation rapide d’une radiographie de thorax.
L’aspect de l’opacité intrathoracique sera ensuite précisé le plus souvent par scanner thoracique avec injection.
L’IRM est également informative pour le médiastin, notamment pour préciser les rapports des masses tissulaires ou liquidiennes avec les vaisseaux. Elle a l’avantage d’être un examen non irradiant, mais reste actuellement plus difficile d’accès. Elle ne permet toutefois pas l’analyse du parenchyme pulmonaire.
Une échographie peut être suffisante pour affirmer l’hyperplasie bénigne du thymus devant une masse antérieure.
1 Circonstances de découverte
Manifestations respiratoires
Ces manifestations constituent le motif de découverte le plus fréquent mais sont peu spécifiques :
*toux sèche, parfois productive, voire hémoptoïque, devant inquiéter par sa persistance et sa résistance aux traitements symptomatiques habituels (bronchodilatateurs, corticoïdes);
*stridor, dyspnée aux deux temps, détresse respiratoire, imposant la pratique d’explorations radiologiques;
*wheezing, parfois étiqueté « asthme », sans efficacité des traitements antiasthmatiques;
*syndrome pleural (douleur thoracique, toux d’irritation), plus rarement.
Manifestations neurologiques
Elles peuvent être la conséquence d’une simple irritation du trajet nerveux ou être occasionnées par une compression nerveuse. Tout trajet nerveux dans l’espace cervicothoracique peut être concerné.
Elles sont très variables dans leur expression et heureusement plus rares :
*paralysie récurrentielle;
*syndrome de Claude Bernard-Horner (myosis, ptosis, énophtalmie);
*compressions médullaires (tumeurs en sablier);
*syndrome opsomyoclonique (neuroblastome).
Manifestations digestives
Elles sont exceptionnelles.
En cas de compression œsophagienne :
*régurgitations, pyrosis, vomissements;
*dysphagie ou hypersialorrhée.
En cas de sécrétion tumorale d’une hormone digestive (peptide vasoactif intestinal) :
*syndrome diarrhéique.
Manifestations circulatoires
Elles sont le fait d’une pathologie maligne le plus souvent.
Compression de la veine cave supérieure avant tout :
*au début : bouffissure du visage, œdème des paupières, empattement de la base du cou;
*ensuite : œdème en pèlerine touchant la face, le cou, les membres supérieurs;
*circulation collatérale avec cyanose du visage et céphalées pulsatiles.
Autres manifestations plus exceptionnellement :
*syndrome cave inférieur;
*compression du tronc artériel pulmonaire, obstruction des veines pulmonaires;
*chylothorax (érosion du canal thoracique).
Manifestations générales
État général et constantes :
*fièvre isolée;
*asthénie, anorexie, perte de poids ou stagnation pondérale.
Syndrome paranéoplasique :
*puberté précoce;
*Cushing, myasthénie, dysthyroïdie;
*hypertension artérielle.
Manifestations pariétales
Principalement :
*point douloureux costal;
*névralgie intercostale;
*tuméfaction palpable.
2 Examens complémentaires pertinents pour orienter le diagnostic étiologique
Le tableau 60.1 n’est pas exhaustif : il ne comporte que les diagnostics les plus fréquents ou à éliminer de principe du fait de leur gravité.
Tableau 60.1
Opacités médiastinales : étiologies indispensables à retenir selon la localisation et les caractéristiques radiologiques.
Loge médiastinale Diagnostics principaux Caractéristiques radiologiques évocatrices (si présentes) Examens complémentaires utiles
Antérieure Hyperplasie simple du thymus (fig. 60.2) Masse molle (modifications de position et de contour sur cliché positionnel ou en expiration) Échographie
Tumeurs germinales : tératome (fig. 60.3), kystes dermoïdes, séminome, choriocarcinome Tératome : calcifications, dérivés mésodermiques (dents, os, graisse) TDM/IRM α-fœtoprotéine et β-hCG
Lymphomes (fig. 60.4) Épanchement pleural associé TDM/IRM NFS, frottis, LDH, myélogramme
Moyenne Adénopathies : infections, dont tuberculose (fig. 60.5), lymphome Tuberculose : nécrose (possible aussi mais rare dans le lymphome de Hodgkin) TDM/IRM
Tuberculose : IDR ou IGRA
Autres infections : sérologies, PCR.
Lymphome : NFS, frottis, LDH, myélogramme
Postérieure Tumeurs neurogènes : neuroblastome, ganglioneurome, neurofibrome Calcifications punctiformes Lésions osseuses associées Neuroblastome : IRM médullaire, catécholamines urinaires
Le diagnostic de certitude ne sera souvent apporté que par l’analyse histologique d’un prélèvement tissulaire (ponction transpariétale ou biopsie chirurgicale).
A. Radiographie de thorax. Volumineuse masse de densité hydrique occupant l’hémithorax droit, contenant des éléments calcifiés, refoulant le médiastin vers la gauche. B. TDM thoracique, injectée. Volumineuse masse refoulant la masse cardiaque vers la gauche, contenant des éléments hydriques, calcifiés et graisseux affirmant le diagnostic de tératome; épanchement pleural liquidien gauche, parenchyme pulmonaire droit tassé vers l’arrière.
I Principales hypothèses diagnostiques
A Orientation diagnostique devant des opacités pulmonaires
1 Nodules et masses (tableau 60.2)
Chez l’enfant, on a rarement à faire le diagnostic d’un nodule pulmonaire solitaire.
Tableau 60.2
Principales causes de nodules et de masses pulmonaires chez l’enfant.
Aspect radiologique Étiologie Éléments d’orientation
Miliaires pulmonaires diffuses (diamètre < 6 mm) Tuberculose Contage
Adénopathies médiastinales
Test immunologique positif
Opacités nodulaires multiples(diamètre ≥ 6 mm) Tuberculose Nodules bien limités ou à bords flous
Contage
Adénopathies médiastinales
Test immunologique positif
Métastases pulmonaires (ostéosarcome, néphroblastome, sarcome d’Ewing, rhabdomyosarcome, tumeurs germinales) Nodules bien limités
Orientation selon la tumeur d’origine (voir chapitre 27)
Lymphome thoracique Nodules bien limités ou à bords flous
Frottis sanguin, myélogramme, cytoponction d’adénopathie périphérique
Nodule ou masse thoracique unique (diamètre > 3 cm) Tuberculose Contage
Adénopathies médiastinales
Test immunologique positif
Malformation pulmonaire (MAKP, séquestration) Rare et très spécialisé
Identification prénatale fréquente
Surinfection possible (diagnostic différentiel d’une opacité thoracique fébrile)
Tumeur intrathoracique bénigne ou maligne Rare et très spécialisé
Orientation selon la tumeur
Révélation possible en climat fébrile (diagnostic différentiel d’une opacité thoracique fébrile)
Les nodules parenchymateux multiples évoquent avant tout des métastases dont le point d’origine est souvent évoqué par la présentation clinique.
Les masses pulmonaires peuvent correspondre à des tumeurs bénignes ou malignes, plus rarement à des malformations de type séquestration, malformation adénomatoïde kystique pulmonaire (MAKP).
Tumeurs et malformations pulmonaires peuvent se révéler en climat fébrile. L’opacité radiologique peut alors être interprétée comme une simple pneumopathie infectieuse.
Des éléments sémiologiques doivent faire douter du diagnostic de pneumonie simple :
*opacité expansive, refoulant les organes de voisinage et sans bronchogramme aérien → oriente vers un processus tumoral ou malformatif;
*images aériques multiples au sein de l’opacité → fait évoquer un processus malformatif.
2 Images cavitaires
Elles sont plus faciles à relier à une étiologie, notamment les abcès du poumon (fièvre, toux, altération de l’état général, images de contours flous à cavité nette avec souvent un niveau hydroaérique).
Les cavernes tuberculeuses siègent avec prédilection au sommet (contamination familiale, IDR ou IGRA positif, asthénie). Le kyste hydatique est surtout fréquent chez les enfants originaires du Maghreb et y séjournant; il peut être très volumineux.
Les images en grelot sont évocatrices d’un aspergillome (cavité plus ou moins volumineuse au sein de laquelle on observe une masse dense à la partie déclive surmontée d’un croissant clair).
3 Opacités alvéolaires
Le syndrome alvéolaire radiologique témoigne du comblement des lumières alvéolaires par du matériel liquidien ou cellulaire. La présence d’un bronchogramme aérien affirme la nature alvéolaire d’une opacité, mais est inconstante. Elles peuvent être uniques ou multiples (tableau 60.3).
Tableau 60.3
Principales causes d’opacités alvéolaires chez l’enfant.
Aspect radiologique Étiologie Éléments d’orientation
Unique et systématisée Pneumopathie infectieuse (virale ou bactérienne) Fréquence chez l’enfant
Début aigu
Fièvre, syndrome inflammatoire biologique
Embolie pulmonaire Rare chez l’enfant
Terrain à risque
Tachycardie, dyspnée
Hémoptysie, douleur thoracique
Unique, systématisée et rétractile Pneumopathie infectieuse (virale ou bactérienne) Début aigu
Fièvre, syndrome inflammatoire biologique
Obstruction bronchique par corps étranger Syndrome d’inhalation
Pneumonies récidivantes dans le même territoire
Obstruction bronchique par tuberculose Contage
Adénopathies médiastinales
Test immunologique positif
Dilatations des bronches Pneumonies récidivantes dans le même territoire Terrain à risque (déficit immunitaire humoral, mucoviscidose…)
Disséminées Pneumopathie infectieuse (virale ou M. pneumoniae) Début aigu
Fièvre, syndrome inflammatoire biologique
Œdème pulmonaire Terrain sous-jacent : cardiopathie, syndrome néphrotique
Hémorragies pulmonaires Rare et très spécialisé chez l’enfant
À évoquer si déglobulisation associée
Chez l’enfant, les opacités alvéolaires sont essentiellement d’origine infectieuse (voir chapitre 59).
4 Calcifications
Les calcifications (de nodules) sont fréquentes dans la tuberculose mais aussi possibles dans les tératomes et les neuroblastomes.
Orientation diagnostique devant une opacité médiastinale
Une masse médiastinale est caractérisée sur le cliché standard par une opacité hydrique le plus souvent homogène, convexe vers le poumon, à limite externe nette, et à limite interne noyée dans le médiastin.
L’étiologie des opacités médiastinales est d’abord évoquée par la localisation antéropostérieure dans le médiastin (voir tableau 60.1).
En plus de la localisation antéropostérieure, certains éléments sémiologiques peuvent fortement orienter le diagnostic étiologique (tableau 60.4).
Tableau 60.4
Éléments sémiologiques d’orientation et principales étiologies des opacités médiastinales chez l’enfant.
Éléments sémiologiques d’orientation Principales étiologies des opacités
Masses molles (modifications de position et de contour sur cliché positionnel ou en expiration) Hyperplasie bénigne du thymus
Lymphangiome kystique
Calcifications Tumeur neurogène (punctiformes)
Tératome (irrégulières)
Adénopathies tuberculeuses
Présence de dérivés mésodermiques (dents, os, graisse) Tératome
Aspect kystique Malformation bronchopulmonaire kystique
Lymphangiome kystique (si cloisonnement)
Nécrose Tuberculose
Hodgkin (adolescent)
Neuroblastome
Association à un épanchement pleural Lymphome (hodgkinien ou non hodgkinien)
Leucémie aiguë lymphoblastique
Tuberculose
Association à des lésions osseuses Tumeur neurogène
Tumeur osseuse
Piège classique chez l’enfant : le thymus qui est bien visible chez le nourrisson (voir fig. 60.2).
Opacités pulmonaires
*Le cliché thoracique ± l’échographie sont proposés en première intention.
*Une miliaire doit faire penser en premier lieu à une tuberculose.
*Une opacité cavitaire doit conduire à rechercher trois causes principales : la tuberculose, l’aspergillome, le kyste hydatique.
*Les opacités alvéolaires sont le plus souvent d’origine infectieuse.
*Une hyperclarté sur le cliché en expiration signe un piégeage de l’air lié à un obstacle bronchique.
Masse médiastinale
*Le diagnostic est fondé sur la localisation dans une des loges.
*La TDM thoracique est l’examen clé pour le médiastin antérieur et moyen, alors que c’est l’IRM pour le médiastin postérieur.
*Le dosage de l’α-fœtoprotéine et des β-hCG est systématique devant une tumeur du médiastin antérieur.
*La tuberculose est à évoquer en premier lieu devant des adénopathies du médiastin moyen comprimant les axes bronchiques principaux ou la trachée, a fortiori si elles sont nécrosées.
*Un élargissement du médiastin antérieur et supérieur chez un adolescent doit faire évoquer en premier lieu un lymphome malin non hodgkinien ou une maladie de Hodgkin.
Avant de commencer…
La tuberculose-maladie de l’enfant diffère de celle de l’adulte par quelques points essentiels :
*il s’agit habituellement du premier contact infectant; l’imagerie est dominée par l’hypertrophie ganglionnaire et les compressions associées des voies aériennes;
*la confirmation microbiologique est rarement obtenue; la décision de traitement est le plus souvent fondée sur un faisceau d’arguments intégrant la notion d’exposition, l’imagerie et la réponse immunitaire aux antigènes mycobactériens;
*le risque d’évolution vers une tuberculose-maladie après exposition à un cas contaminant est majoré avant l’âge de 5 ans (surtout avant 2 ans).
La prévention de la tuberculose-maladie repose sur deux stratégies :
*la vaccination par le BCG des populations à risque;
*le dépistage rapide des enfants exposés à un cas de tuberculose pulmonaire, afin de repérer et traiter les infections tuberculeuses latentes avant toute évolution vers la tuberculose-maladie.
Pour bien comprendre
A Définitions
L’infection tuberculeuse se définit par une multiplication bacillaire induisant une réponse immunitaire spécifique. La positivité d’un test de l’immunité anti-mycobactérienne en est la marque : intradermoréaction à la tuberculine (IDR) ou test in vitro mesurant la libération de l’interféron gamma (IGRA).
L’infection tuberculeuse de l’enfant correspond habituellement au premier contact infectant de l’hôte avec le bacille de la tuberculose (primo-infection).
La contamination de l’enfant est presque toujours secondaire au contact avec un adulte ayant une tuberculose pulmonaire.
L’infection tuberculeuse latente (ITL) est une infection au cours de laquelle la multiplication bacillaire est contrôlée efficacement par la réponse immunitaire spécifique : il n’y a ni signe radiologique ni signe clinique. L’ITL n’est jamais contagieuse.
La tuberculose-maladie est une infection au cours de laquelle la multiplication bacillaire se poursuit malgré la réponse immunitaire spécifique, aboutissant à des signes radiologiques, accompagnés ou non de signes cliniques.
Le risque de progression immédiate de l’infection tuberculeuse vers la tuberculose-maladie est majoré chez les enfants âgés de moins de 5 ans (surtout ceux de moins de 2 ans), ainsi que chez les immunodéprimés.
On parle de tuberculose « disséminée » si la maladie s’accompagne d’une dissémination hématogène d’un grand nombre de bacilles, avec le plus souvent des localisations extrapulmonaires, en particulier neuroméningées chez l’enfant.
Épidémiologie
La tuberculose reste un problème majeur de santé publique au niveau mondial : 10 millions de nouveaux cas de tuberculose-maladie sont identifiés chaque année dans le monde, occasionnant 1,4 million de décès (chiffres OMS 2022). Parmi ces nouveaux cas, le nombre de tuberculoses multirésistantes (MDR, Multiple Drug Resistance), c’est-à-dire résistantes au moins à l’isoniazide et à la rifampicine, est estimé autour de 450 000. Près de 60 % de ces cas MDR sont concentrés en Inde, en Chine et dans la Fédération de Russie.
Concernant l’enfant, il est estimé qu’environ 1 million d’enfants sont atteints de tuberculose chaque année dans le monde, occasionnant plus de 200 000 décès. La quasi-totalité de ces décès sont liés à un retard de diagnostic et à l’absence d’initiation d’un traitement adapté; 80 % de ces décès sont chez l’enfant de moins de 5 ans.
En France, il y a environ 4 500 nouveaux cas de tuberculose-maladie chaque année (données Santé publique France 2021), dont plus du tiers en Ile-de-France. Les cas pédiatriques (< 15 ans) représentent environ 4 % des cas déclarés (moins de 250 cas annuels), la moitié de ces cas étant observée chez l’enfant de moins de 5 ans. Les formes graves de l’enfant (méningées ou miliaires) restent stable avec 9 cas déclarés par an en 2020.
L’arrêt de l’obligation vaccinale par le BCG au niveau national et la pénurie de vaccins des 6 dernières années n’ont pas impacté l’épidémiologie de la tuberculose de l’enfant.
C Facteurs de risque d’infection tuberculeuse chez l’enfant
L’exposition de l’enfant à une personne contagieuse est une condition indispensable au développement d’une infection tuberculeuse chez un enfant.
Le risque d’infection chez l’enfant exposé augmente avec la contagiosité de la personne malade, dont les deux principaux marqueurs sont la présence de bacilles à l’examen direct et la présence de cavernes à la radiographie de thorax. Toutefois, l’absence de ces deux critères n’élimine pas le risque de contamination autour d’un cas de tuberculose pulmonaire et justifie au minimum le dépistage des enfants du domicile du cas index.
Le risque d’infection chez l’enfant est aussi modulé par les conditions d’exposition :
*proximité avec le cas malade : même domicile, même chambre, même lit;
*durée et répétition des contacts;
*confinement des lieux de contacts (voiture, habitats exigus, pièce non aérée…);
*tabagisme actif ou passif associé.
Enfin, certains enfants du fait de leur terrain vont avoir un risque augmenté de progression immédiate vers la tuberculose-maladie en cas d’infection :
*âge < 5 ans et surtout < 2 ans;
*immunodéprimés (quelle que soit la cause de l’immunodépression);
*insuffisance rénale chronique avec hémodialyse.
Ces facteurs sont cumulatifs.
Il est souvent proposé de considérer le risque d’infection comme significatif lorsque la durée de contact cumulée sur les 3 derniers mois est supérieure à 8 heures si le cas index est BAAR (+) et supérieure à 40 heures si le cas index est BAAR (–) et culture (+).
Des facteurs génétiques de susceptibilité jouent également un rôle significatif. Ces facteurs pourraient notamment contribuer à la grande variabilité de l’histoire naturelle de l’infection tuberculeuse selon les individus.
Les premières approches concluantes ont été la découverte de gènes de susceptibilité aux infections mycobactériennes graves, sur la voie IL-12/interféron γ.
La vaccination par le BCG diminue le risque d’évolution vers la tuberculose-maladie et, surtout, le risque d’évolution vers une forme disséminée. Il n’est pas certain que le BCG prévienne l’infection elle-même (voir chapitre 41).
Enjeu : dépistage des enfants exposés à un cas de tuberculose pulmonaire.
Facteurs de risque d’infection et de progression de la maladie liés à : contagiosité du cas index, conditions d’exposition, enfant lui-même.
I Faire le diagnostic d’infection tuberculeuse
A Contage tuberculeux chez un enfant et ITL
1 Généralités
La stratégie de dépistage a été actualisée et simplifiée (HCSP, 2019).
Le dépistage doit être initié le plus rapidement possible, moins de 2 semaines après l’identification du cas index. Les enfants âgés de moins de 5 ans exposés au domicile du cas index doivent être évalués en priorité.
L’enquête autour d’un cas est coordonnée par le centre de lutte antituberculeuse (CLAT) du département, auquel doit être rapidement signalé tout cas d’infection tuberculeuse.
2 Étapes du dépistage (fig. 61.1)
À la première évaluation, quel que soit l’âge de l’enfant :*examen clinique complet;
*radiographie du thorax de face, éventuellement complétée par un profil si âge < 5 ans.
Chez l’enfant immunocompétent âgé de moins de 5 ans, un test de l’immunité anti-mycobactérienne (IDR ou IGRA) est systématiquement fait lors de cette première évaluation.
La tuberculine utilisée pour l’IDR contient de très nombreux antigènes mycobactériens, incluant ceux des souches vaccinales BCG. Une positivité n’est donc pas spécifique d’une infection à M. tuberculosis. Par conséquent, les règles d’interprétation de l’IDR dépendent de la vaccination par le BCG (tableau 61.1).
Tableau 61.1
Critères d’ITL chez un enfant exposé avec radiographie du thorax normale (SPLF, 2004).
Enfant non vacciné par le BCG
–IDR ≥ 10 mm (ou phlyctène)
–IDR ≥ 5 mm en cas de très fort risque de contamination (contage étroit avec un patient ayant des cavernes et/ou très bacillifère)
Enfant vacciné par le BCG
–IDR ≥ 15 mm (ou phlyctène)
–IDR ≥ 10 mm en cas de très fort risque de contamination (contage étroit avec un patient ayant des cavernes et/ou très bacillifère)
Contrairement à l’IDR, tout IGRA positif témoigne d’une infection par une mycobactérie du complexe M. tuberculosis, car les antigènes utilisés sont spécifiques des mycobactéries de cette famille et non présents sur les souches vaccinales BCG. L’interprétation des IGRA est uniquement qualitative : positif ou négatif selon un seuil établi par le fabricant.
La sensibilité de ces tests n’est toutefois pas de 100 % : une IDR ou un IGRA négatif n’élimine pas une infection tuberculeuse.
En l’absence de critères d’infection, une nouvelle évaluation par test immunologique (IDR ou IGRA) et radiographie de thorax sera réalisée 8 à 12 semaines après le dernier contact avec le cas index.
Durant cet intervalle, les enfants âgés de moins de 2 ans doivent bénéficier d’une prophylaxie, c’est-à-dire en pratique d’un traitement identique à celui d’une infection tuberculeuse latente.
Chez l’enfant immunocompétent âgé de 5 ans ou plus, du fait du très faible risque de progression rapide vers la tuberculose-maladie, le test immunologique (IDR ou IGRA) n’est pas réalisé initialement si la radiographie de thorax est normale, mais seulement après un délai de 8 à 12 semaines après le dernier contact avec le cas index.
Chez l’enfant immunodéprimé, le risque de progression rapide vers la tuberculose-maladie est élevé. La stratégie de dépistage est donc superposable à celle réalisée chez l’enfant âgé de moins de 5 ans. Les tests immunologiques ont souvent une sensibilité diminuée dans ces situations, mais doivent néanmoins être réalisés. Une prophylaxie est indiquée systématiquement entre les deux évaluations.
Quel que soit l’âge de l’enfant, toute ITL à bacille supposé sensible doit être traitée.
Toute radiographie anormale doit faire considérer le diagnostic de tuberculose-maladie, quel que soit le résultat des tests immunologiques.
Le dépistage des enfants exposés doit être rapidement mis en place, les enfants âgés de moins de 5 ans exposés au domicile du cas index étant prioritaires.
Chez un enfant exposé à un cas de tuberculose pulmonaire, toute radiographie anormale doit faire considérer le diagnostic de tuberculose-maladie, quel que soit le résultat des tests immunologiques.
Tout enfant ayant un diagnostic d’ITL doit bénéficier d’un traitement. En l’absence de critère d’ITL, tout enfant âgé de moins de 2 ans ou immunodéprimé doit bénéficier d’une prophylaxie jusqu’à la deuxième évaluation, 8 à 12 semaines après le dernier contact.
B Tuberculose-maladie
1 Généralités
Le diagnostic de tuberculose-maladie peut être difficile chez l’enfant, particulièrement chez le nourrisson. La tuberculose-maladie de l’enfant étant le plus souvent pauvre en bacilles, la preuve microbiologique fait souvent défaut, contrairement à la tuberculose de l’adulte.
Le diagnostic est donc le plus souvent posé sur un faisceau d’arguments intégrant la notion de contage, la présence de signes cliniques, une réponse immunitaire spécifique positive (IDR ou IGRA), et des anomalies radiologiques évocatrices.
2 Circonstances diagnostiques
La tuberculose-maladie de l’enfant peut être asymptomatique. Elle est alors suspectée devant des anomalies radiologiques évocatrices, découvertes lors d’un dépistage après exposition à un cas contaminant.
Lorsque des symptômes sont présents, ils sont souvent peu spécifiques, mais attirent l’attention par leur installation progressive et leur caractère traînant :
*une infection bronchopulmonaire persistante, résistante aux antibiotiques usuels;
*une cassure pondérale inexpliquée dans un contexte à risque;
*un état subfébrile prolongé (surtout si associé à des sueurs nocturnes);
*une asthénie, avec léthargie ou baisse d’activité inexpliquée;
*un aspect pseudo-septique, avec hépatosplénomégalie parfois observé chez le nourrisson âgé de moins de 3 mois.
Toute suspicion de tuberculose-maladie doit faire réaliser un bilan en milieu hospitalier.
Un isolement respiratoire (type « air ») est initialement nécessaire afin d’éviter tout cas secondaire.
3 Enquête paraclinique au diagnostic
Elle associe test immunologique (IDR ou IGRA), examens microbiologiques, imagerie thoracique et, souvent, endoscopie bronchique.
Examens microbiologiques
Le diagnostic de certitude de la tuberculose pulmonaire repose sur l’identification du bacille tuberculeux. Ces recherches sont systématiques et réalisées sur 3 prélèvements.
L’expectoration spontanée doit être privilégiée. Lorsque l’enfant ne crache pas spontanément, les méthodes alternatives de recueil sont l’aspiration nasopharyngée, l’expectoration induite ou le tubage gastrique, avec un rendement microbiologique équivalent pour ces différentes techniques.
Du fait du caractère le plus souvent pauci-bacillaire de la tuberculose pédiatrique, l’examen microscopique est positif chez moins de 20 % des enfants avec une tuberculose-maladie. La culture est positive dans moins de 50 % des cas.
La positivité d’une recherche microbiologique témoigne d’une possible contagiosité et impose un dépistage autour de l’enfant.
Imagerie thoracique
La radiographie de thorax peut être d’emblée très évocatrice, en montrant des adénopathies latérotrachéales droites, médiastinales et hilaires, typiques de la tuberculose de l’enfant (voir fig. 60.5 au chapitre 60). Ces adénopathies peuvent comprimer les voies aériennes adjacentes avec éventuellement atélectasie ou emphysème obstructif. Des opacités parenchymateuses alvéolaires sont également fréquentes.
Le classique complexe primaire, associant nodule parenchymateux d’un sommet et adénopathie satellite, est rarement objectivé. La présence de cavernes est rare chez l’enfant (sauf chez l’adolescent).
Une extension locorégionale à la plèvre se traduit par un épanchement unilatéral non cloisonné de la grande cavité. La dissémination hématogène se traduit au niveau thoracique par un aspect de miliaire (micronodules à contours nets, de distribution diffuse).
Le scanner thoracique avec injection permet de préciser les aspects radiologiques.
Les adénopathies tuberculeuses ont typiquement un centre hypodense (nécrose) et une périphérie discrètement rehaussée lors de l’injection de produit de contraste, cet aspect étant toutefois inconstant chez l’enfant (fig. 61.2).
Endoscopie bronchique
Elle est nécessaire pour objectiver l’atteinte endobronchique, et est réalisée dès que le scanner suggère une compression des voies aériennes.
Elle permet la mise en évidence de compressions extrinsèques par les adénopathies, les réactions inflammatoires de la paroi bronchique sous forme de granulome, et une éventuelle fistulisation ganglionnaire avec irruption de caséum dans la bronche.
Les prélèvements endobronchiques, ou le lavage bronchoalvéolaire, n’ont pas de meilleur rendement microbiologique chez l’enfant que trois tubages gastriques consécutifs. L’endoscopie bronchique n’est donc pas réalisée à but uniquement microbiologique.
Autres examens
*Bilan préthérapeutique : NFS, CRP, ASAT, ALAT.
*Sérologie VIH : systématique chez l’adolescent, ou si statut sérologique VIH maternel inconnu chez le nourrisson et le jeune enfant, ou chez l’enfant migrant.
*Recherche d’une atteinte extrapulmonaire orientée par les données cliniques.
Bilan de tuberculose-maladie : notion de contage, tests immunologiques (IDR ou IGRA), examens microbiologiques, imagerie thoracique, ± endoscopie bronchique.
II Prendre en charge une infection tuberculeuse
A Traitements médicamenteux
1 Contage et infection tuberculeuse latente
Une ITL de l’enfant doit être traitée par une bithérapie pendant 3 mois :
*isoniazide;
*rifampicine.
Pour mémoire, chez les enfants âgés de moins de 2 ans ou les immunodéprimés exposés mais sans critère initial d’infection, cette même bithérapie est proposée à titre prophylactique, jusqu’à la deuxième évaluation, 8 à 12 semaines après le dernier contact.
Le traitement doit être administré en une prise unique par jour le matin à jeun.
La dose des antituberculeux est à adapter au poids de l’enfant, n’autorisant que rarement l’utilisation des formulations combinées (possible chez l’adolescent).
Bithérapie si critères d’ITL ainsi qu’en prophylaxie chez le nourrisson ou l’immunodéprimé.
2 Tuberculose-maladie
Une tuberculose-maladie non compliquée de l’enfant, à bacille sensible, doit être traitée par :
*une trithérapie pendant 2 mois :
–isoniazide;
–rifampicine;
–pyrazinamide;
*suivie d’une bithérapie pendant 2 à 4 mois :
–isoniazide;
–rifampicine.
Selon l’OMS, on définit comme une tuberculose non compliquée (ou non sévère) de l’enfant : une tuberculose ganglionnaire périphérique, une tuberculose ganglionnaire intrathoracique sans obstruction des voies respiratoires, un épanchement pleural tuberculeux non compliqué, une maladie paucibacillaire (BAAR négatif), non cavitaire, confinée à un seul lobe des poumons et sans aspect miliaire.
Dans cette situation, l’OMS recommande depuis 2022 de diminuer la 2e phase par isoniazide et rifampicine à seulement 2 mois chez les enfants âgés de 3 mois à 16 ans, soit un traitement de 4 mois au total.
Les recommandations OMS de 2022 recommandent l’adjonction d’éthambutol pendant les 2 premiers mois dans toutes les situations qui ne répondent pas aux critères de tuberculose non compliquée. La deuxième phase est alors toujours de 4 mois, avec une durée totale du traitement de 6 mois.
L’utilisation d’une corticothérapie pendant les premières semaines est réservée aux formes avec compression des voies aériennes avec réduction de plus de 50 % du calibre bronchique et aux localisations méningées ou péricardiques.
Traitement de la tuberculose-maladie en deux phases, pendant 6 mois.
B Suivi et mesures associées
1 ITL
La surveillance clinique mensuelle est indispensable.
Les accidents hépatiques secondaires à la bithérapie isoniazide + rifampicine sont exceptionnels, et ne justifient pas de surveillance biologique systématique, initialement ou lors du suivi, sous réserve de l’absence de pathologie hépatique connue et de la compréhension par la famille des signes d’appel d’une éventuelle toxicité.
L’éducation thérapeutique concernant les modalités d’administration des antituberculeux et la nécessité d’une stricte observance du traitement est fondamentale.
Les parents sont informés des éventuels signes de toxicité devant faire consulter en urgence : douleurs abdominales, vomissements, ictère. L’apparition de ces signes impose l’arrêt du traitement et la réalisation urgente d’un dosage de transaminases.
L’ITL chez l’enfant âgé de moins de 18 ans est une maladie à déclaration obligatoire à l’ARS.
2 Tuberculose-maladie
La fréquence du suivi clinique et radiologique doit être adaptée au tableau initial. Il peut être bimensuel initialement lorsque le risque de compression bronchique est important.
Du fait de l’adjonction du pyrazinamide, la surveillance biologique des transaminases toutes les 2 semaines est impérative.
Une information sur la transmissibilité de la maladie doit être donnée à l’entourage.
L’éviction de collectivité est obligatoire jusqu’à présentation d’un certificat médical de non-contagiosité. Il peut être donné après négativation de l’examen direct sous traitement lorsque celui-ci était positif initialement, ou après 2 semaines de traitement lorsque l’examen direct était négatif – dans ces formes les moins riches en bacilles, cette durée est suffisante pour négativer les cultures.
Le contaminateur doit être recherché dans l’entourage. Tous les enfants de la fratrie doivent être évalués.
La tuberculose-maladie est prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale (ALD). Un accompagnement social peut être nécessaire, pour s’assurer d’une bonne délivrance ainsi que de l’observance du traitement antituberculeux.
La procédure de déclaration obligatoire comporte deux éléments : le signalement immédiat nominatif à visée opérationnelle et urgente (CLAT) et la notification anonyme (formulaire type Cerfa) répondant au besoin du recueil de données épidémiologiques (ARS).
Surveillance clinique régulière. Compliance thérapeutique. Déclaration obligatoire.
Avant de commencer…
Troubles du sommeil de l’enfant
Les troubles du sommeil les plus fréquents sont les insomnies, définies par un trouble de l’initiation ou du maintien du sommeil, généralement secondaires à des difficultés éducatives au sein de la famille.
Ce chapitre traite particulièrement du syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS).
SAHOS de l’enfant
La principale cause est l’hypertrophie amygdalienne et/ou adénoïdienne.
Les signes cliniques associés regroupent des symptômes nocturnes et diurnes qui sont très variables d’un enfant à l’autre et qui sont peu corrélés aux résultats de l’examen du sommeil.
La polysomnographie est l’examen de référence pour poser le diagnostic et pour apprécier la sévérité du SAHOS, mais sa réalisation n’est pas systématique. Elle est inutile lorsque l’hypertrophie amygdalienne est évidente chez un enfant âgé de plus de 3 ans, par ailleurs bien portant.
L’adénoïdo-amygdalectomie est le traitement de première intention. Son efficacité est moindre en cas d’obésité ou lors d’une pathologie malformative cranio-maxillo-faciale associée.
I Pour bien comprendre
A Sommeil normal
1 Spécificités pédiatriques
Un enfant dort plus qu’un adulte et à des moments différents (tableau 62.1).
Tableau 62.1
Quantité normale de sommeil en fonction de l’âge.
Âge Durée idéale de sommeil
0–2 mois 10–19 h
2–12 mois 9–10 h (nuit) + 3–4 h (siestes)
1–3 ans 9,5–10,5 h (nuit) + 2–3 h (siestes)
3–6 ans 9–10 h
6–12 ans 9–10 h
13–18 ans Besoins : 9–9,5 h; durée réelle : 7–7,5 h
La durée normale du sommeil diminue avec l’âge; la sieste de l’après-midi disparaît vers l’âge de 3 à 5 ans.
L’architecture du sommeil évolue en fonction de l’âge : le pourcentage de sommeil paradoxal (ou agité) diminue pendant la première année pour se stabiliser ensuite, tout comme le sommeil léger.
2 Modifications physiologiques de la respiration au cours du sommeil
La respiration étant moins efficace pendant le sommeil, on observe une augmentation physiologique d’environ 5 à 10 mmHg de la pression partielle en CO2 et une diminution d’environ 2 à 3 % de l’oxymétrie de pouls (SpO2) pendant le sommeil chez le sujet sain.
3 Quelques règles d’hygiène du sommeil
Conseils pouvant être donnés aux familles :
*régularité des horaires de coucher, de lever, de sieste et de repas;
*sortir dans la journée et s’exposer à la lumière du jour;
*faire des activités physiques dans la journée, avant 18 heures;
*limiter au maximum tous les objets connectés, surtout en fin de journée;
*la chambre à coucher doit être confortable, calme, propre, bien aérée avant le coucher avec une température optimale autour de 18 °C;
*le lit ne doit servir qu’à dormir et ne doit pas servir à manger ou travailler;
*une activité rituelle le soir avant de se coucher favorise l’endormissement;
*le dîner doit être léger mais consistant : il doit privilégier les sucres lents, éviter les protéines et les aliments trop gras; il faut éviter les aliments excitants après 14 heures (café, thé, cola).
B Troubles du sommeil : généralités
1 Définitions
Un trouble du sommeil est un phénomène perturbant le cycle du sommeil et susceptible d’entraîner des conséquences chez l’enfant.
Les dysomnies correspondent à la perturbation de la quantité, de la qualité ou des horaires du sommeil.
On y classe les insomnies et troubles du rythme circadien ainsi que les hypersomnies.
Les parasomnies correspondent aux phénomènes anormaux survenant lors du sommeil.
On y classe par exemple les cauchemars, les terreurs nocturnes et le somnambulisme.
2 Quand y penser chez un enfant ?
*Difficultés à l’endormissement ou au maintien du sommeil, pleurs nocturnes.
*Réveil difficile, réapparition ou persistance de siestes après l’âge de 6 ans.
*Endormissement en classe, agitation ou irritabilité, troubles de l’humeur.
C Troubles du sommeil : étiologie
1 Dyssomnies
Insomnies
Les insomnies du nourrisson et du jeune enfant peuvent traduire des difficultés éducatives : conditionnement anormal à l’endormissement, prise alimentaire nocturne, insuffisance de limites. Certains troubles correspondent à des comportements non pathologiques : la peur du noir et le désir de dormir avec les parents sont habituels chez le jeune enfant et transitoires.
Parfois, des causes médicales peuvent expliquer ces insomnies. Certaines sont bénignes : coliques du nourrisson, erreurs alimentaires. D’autres nécessitent d’être diagnostiquées : rhinite et asthme, diabète (énurésie secondaire), maladie neurologique (rarement).
Certains enfants ont une insomnie idiopathique durable. Ce type d’insomnie pédiatrique a des liens avec le déficit d’attention-hyperactivité ou des troubles du comportement.
Les insomnies du grand enfant et de l’adolescent correspondent généralement à un syndrome de retard de phase. Ce trouble du sommeil est la conséquence d’un coucher et d’un lever trop tardifs. Il est conditionné par des facteurs environnementaux et sociaux (activités scolaires et parascolaires, pression scolaire, utilisation excessive des tablettes, ordinateurs, portables, diminution de la surveillance parentale).
Il convient de dépister également à ces âges des symptômes de dépression car l’insomnie peut en être un symptôme révélateur.
Le diagnostic différentiel d’une insomnie chronique est l’enfant « petit dormeur »; il existe naturellement des sujets « courts » et « grands » dormeurs.
À rechercher devant une insomnie chronique :
*une privation du sommeil;
*des causes favorisantes : traumatisme psychologique, événement familial;
*un déficit d’attention-hyperactivité;
*une étiologie organique.
La prise en charge repose sur des principes d’hygiène de sommeil (voir supra) et un abord comportemental; la prescription de médicaments doit rester exceptionnelle.
Hypersomnies
L’hypersomnie idiopathique survient après l’âge de 10 ans. Elle se caractérise par une somnolence diurne excessive sans attaque de sommeil ni accès de cataplexie, sans hallucinations hypnagogiques (hallucinations visuelles et auditives à l’endormissement) ni paralysie du sommeil.
Ces caractéristiques sont en revanche présentes au cours de la narcolepsie, survenant chez des enfants habituellement plus âgés.
Les causes principales d’hypersomnie sont le syndrome d’insuffisance du sommeil induit par le comportement, l’hypersomnie non due à la prise d’une substance ou d’une maladie (hypersomnie non organique), beaucoup plus rarement les hypersomnies d’origine centrale (narcolepsie, hypersomnie idiopathique) et, enfin, les hypersomnies liées à des causes médicales, chirurgicales, post-traumatiques ou liées à la prise d’une substance, alcool ou drogue.
L’interrogatoire recherche un temps de sommeil ou passé au lit > 3 heures par rapport au temps moyen pour l’âge, la persistance ou la réapparition de siestes, l’apparition de troubles comportementaux ou émotionnels, un sommeil anormalement agité avec terreurs ou somnambulisme.
L’échelle d’Epworth adaptée à la pédiatrie permet de quantifier la somnolence subjective (score anormal si > 15).
La polysomnographie élimine une pathologie associée comme le SAHOS. Des tests itératifs de latence d’endomissement (TILE) permettent de confirmer le diagnostic d’une hypersomnie. La présence de deux endormissements en sommeil paradoxal (REM) caractérise la narcolepsie.
Le diagnostic différentiel principal de ces hypersomnies est le SAHOS (justifiant donc la réalisation d’une polysomnographie).
2 Parasomnies
Les cauchemars surviennent chez l’enfant âgé de 3 à 6 ans, durant le sommeil paradoxal.
L’enfant est réveillé par des rêves angoissants. Il n’y a pas d’amnésie au décours.
Les terreurs nocturnes surviennent chez l’enfant prépubère, avec un réveil brutal quelques heures après l’endormissement. L’enfant est retrouvé en train de crier, avec une peur intense non apaisée par les parents. Il a une amnésie totale de l’épisode le lendemain matin.
Le somnambulisme survient le plus souvent chez le garçon âgé de 7 à 12 ans, au cours de la première moitié de nuit. L’enfant se lève et déambule, a parfois une activité plus complexe, puis se recouche. Il a une amnésie totale de l’épisode le lendemain matin.
Il convient également d’évoquer dans ce contexte l’éventualité d’un autre diagnostic : une épilepsie focale (frontale, temporale) ou une prise de toxiques en cas de présentation atypique ou de survenue durant l’éveil.
Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) est un trouble sensorimoteur caractérisé par une urgence irrésistible à bouger les jambes, accompagné par des sensations d’inconfort des jambes qui sont soulagées par le mouvement et sont accentuées le soir ou la nuit au repos. Le déficit en fer est impliqué dans la physiopathologie du SJSR, nécessitant le dosage systématique de la ferritine et un traitement substitutif en cas de carence en fer.
Insomnies : difficultés éducatives familiales chez le nourrisson et le jeune enfant, syndrome de retard de phase chez le grand enfant et l’adolescent.
Parasomnies : cauchemars, terreurs nocturnes, somnambulisme.
Ne pas méconnaître une cause organique.
II Syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil
A Généralités
1 Définition
Le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) de l’enfant est caractérisé par des épisodes répétés de fermeture complète des voies aériennes supérieures (apnée : diminution ≥ 90 % du débit respiratoire) ou partielle (hypopnée : diminution ≥ 30 % du débit respiratoire) pendant le sommeil.
Le SAHOS est défini par un index d’apnées-hypopnées obstructives (IAOH) ≥ 1,5 événements/heure de sommeil.
Sa sévérité est évaluée sur la valeur de l’IAOH :
*IAOH < 1,5/heure : absence de SAHOS;
*1,5 ≤ IAOH < 5/heure : SAHOS léger;
*5 ≤ IAOH < 10/heure : SAHOS modéré;
*IAOH ≥ 10/heure : SAHOS sévère.
3 Facteurs de risque
Un terrain à risque doit être systématiquement recherché : obésité, allergie, anomalie orthodontique.
L’enfant ayant une malformation ou une déformation maxillofaciale ou des voies aériennes supérieures rétrécissant les voies aériennes est plus à risque de SAHOS (cranio-facio-sténose, achondroplasie, hypoplasie ou microsomie faciale, syndrome de Pierre Robin, mucopolysac-charidose, trisomie 21, syndrome de Prader-Willi), ce qui en justifie la recherche systématique.
4 Conséquences du SAHOS
La morbidité neurocognitive est la conséquence la plus fréquente et la plus sévère du SAHOS.
Elle se traduit par une hyperactivité, une irritabilité, voire un déficit d’attention-hyperactivité (TDAH). L’agitation, un défaut de concentration ou de mémoire sont souvent au premier plan et peuvent être responsables de difficultés ou d’un retard scolaire. En effet, les épisodes répétés d’apnées ou d’hypopnées sont responsables de réveils et microréveils, entraînant une fragmentation et une mauvaise qualité du sommeil. Une amélioration des troubles neurocognitifs est observée après traitement du SAHOS dans la très grande majorité des cas.
La morbidité cardiovasculaire est moins importante que chez l’adulte. Les épisodes répétés d’obstruction des voies aériennes sont associés à une hyperactivation sympathique avec augmentation de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle.
La morbidité métabolique consiste en une dysrégulation du système glucidique et lipidique.
Ces perturbations sont très variables d’un enfant à l’autre. Une susceptibilité spécifique liée à l’âge, au terrain, à la durée et l’importance du SAHOS, peut expliquer ces différences.
B Diagnostic
1 Enquête clinique
Symptômes cliniques
Le SAHOS est associé à des symptômes cliniques nocturnes et diurnes dont la présence et la sévérité sont variables (tableau 62.2).
Tableau 62.2
Symptômes évocateurs d’un SAHOS.
Symptômes nocturnes Symptômes diurnes Signes ORL et dento-faciaux
Critères majeurs
–Ronflements
–fréquents (> 3 nuits/semaine)
–sonores (porte fermée)
–durée (≥ 3 mois)
–Irrégularités respiratoires ou apnées
–Reprise inspiratoire bruyante
–Nécessité de secouer l’enfant pour qu’il respire de nouveau
–Troubles du comportement
–agitation
–irritabilité
–Troubles de l’attention
–Troubles de la croissance staturo-pondérale
–Examen ORL avec nasofibroscopie :
–hypertrophie des végétations
–hypertrophie des amygdales
–Face longue, adénoïdienne (fig. 62.1)
–Dysharmonie des trois tiers du visage
Critères mineurs
–Respiration bruyante, difficile, buccale
–Sommeil agité
–Réveils nocturnes brefs répétés
–Parasomnies
–Hypersudation
–Position anormale de sommeil
–Énurésie
–Troubles des apprentissages
–Diminution des performances scolaires
–Réveils difficiles, fatigue au réveil
–Céphalées matinales
–Somnolence diurne
–Respiration buccale
–Rhinite chronique, obstruction nasale
–Cernes
–Posture anormale
–Rétromaxillie, rétromandibulie
–Hypoplasie du massif facial moyen
–Respiration buccale
–Palais étroit
–Malposition dentaire
–Macroglossie
–Position de langue anormale
–Frein de langue court
–Déviation de la cloison nasaleAucun symptôme n’est spécifique ou pathognomonique du SAHOS et aucune association de signes, même si on y intègre l’examen physique, n’est suffisamment informative pour poser ou infirmer le diagnostic de SAHOS chez l’enfant.
Il est important de réaliser un recueil d’informations le plus complet possible afin de contrôler au mieux les modifications cliniques observées sous traitement.
Examen physique
Il est indispensable mais est insuffisant pour poser le diagnostic de SAHOS.
Il s’accompagne de la réalisation d’une nasofibroscopie.
Cet examen doit être fait par un médecin ORL qui analyse les fosses nasales à la recherche d’une hypertrophie adénoïdienne, le pharynx à la recherche d’une hypertrophie amygdalienne (fig. 62.2), et d’éventuelles anomalies ou malformations associées des voies aériennes supérieures. L’examen recherche une malposition dentaire ou une anomalie maxillo-faciale.
2 Enquête paraclinique
Polysomnographie
La polysomnographie en milieu hospitalier est l’examen de référence pour le diagnostic des SAHOS de l’enfant.
Elle est également indiquée pour le dépistage d’un SAHOS dans certaines pathologies de la tête et du cou (malformations) et maladies génétiques entraînant des anomalies des voies aériennes supérieures (par exemple, trisomie 21).
Cet examen se déroule la nuit dans une chambre-laboratoire d’un centre des troubles du sommeil. La polysomnographie peut éventuellement être réalisée à domicile ou pendant une sieste dans la journée chez le jeune nourrisson.
Elle est définie par la HAS comme comportant l’enregistrement des six signaux de quantification des stades du sommeil (au minimum trois EEG, deux EOG, un EMG mentonnier), auxquels sont ajoutés les signaux de la respiration et des échanges gazeux : débit aérien naso-buccal avec le ronflement, mouvements thoraco-abdominaux, position, actigraphie, oxymétrie de pouls et gaz carbonique transcutané.
Elle se justifie lors d’un SAHOS potentiellement lié à une hypertrophie amygdalienne lorsque :
*l’amygdalectomie risque de ne pas être suffisante pour corriger le trouble obstructif du sommeil : existence d’une pathologie associée (obésité morbide, anomalie craniofaciale ou des voies aériennes supérieures, maladie neuromusculaire);
*il y a discordance entre l’examen clinique et les troubles respiratoires : obstacle amygdalien ou adénoïdien cliniquement modeste;
*il existe un risque opératoire élevé : troubles de l’hémostase, hypertension artérielle.
Il n’y a pas de corrélation entre le volume des amygdales noté à l’examen, l’importance des signes cliniques, et les résultats de la polysomnographie.
En l’absence d’accès simple à une polysomnographie, la réalisation d’une polygraphie respiratoire est possible lorsqu’elle est réalisée et interprétée par une équipe spécialisée.
Elle est définie par la HAS comme comportant au minimum cinq signaux enregistrés, dont le débit aérien naso-buccal, les mouvements respiratoires thoraco-abdominaux, l’oxymétrie, la fréquence cardiaque ou l’ECG, et la position corporelle.
Examens radiologiques
Aucun examen radiologique n’a sa place dans la prise en charge de première intention d’un enfant suspect de troubles respiratoires du sommeil.
La nasofibroscopie, indispensable à l’évaluation clinique, permet de se passer de la radiographie de cavum, qui ne doit plus être réalisée. L’examen tomodensitométrique n’a pas d’indication dans le SAHOS typique de l’enfant.
C Prise en charge
1 Adénoïdo-amygdalectomie
L’adénoïdo-amygdalectomie est le traitement de première intention du SAHOS en cas d’hypertrophie modérée à importante des tissus lymphoïdes.
2 Traitement anti-inflammatoire
L’association d’un corticoïde nasal et d’un antileucotriène pendant 3 mois a montré dans certains cas son efficacité. Des antihistaminiques peuvent être utilisés, même en l’absence d’allergie.
Aucun médicament n’a d’AMM en France dans cette indication.
3 Particularités thérapeutiques chez l’enfant avec comorbidités
Une prise en charge multidisciplinaire spécialisée est indispensable pour limiter l’impact de la comorbidité (par exemple, prise en charge de l’obésité de l’enfant).
La pression positive continue (PPC) est le traitement de choix du SAHOS sévère persistant après la chirurgie ORL. Elle consiste en la délivrance d’une pression positive pendant tout le cycle respiratoire par un masque nasal, facial ou par des canules nasales en fonction de l’âge, de la tolérance, et de la morphologie faciale. Sa mise en route relève d’un centre spécialisé.
Un traitement orthodontique est indiqué lorsqu’il existe une malposition dentaire ou une anomalie orthodontique. Selon les cas, il est réalisé soit isolément, soit associé à une adénoïdo-amygdalectomie.
La neurochirurgie, ou la chirurgie maxillo-faciale sont réservées à des cas bien particuliers.
SAHOS de l’enfant jeune sans comorbidité sévère
Physiopathologie : hypertrophie (isolée) des amygdales ± végétations adénoïdes.
*Sévérité : variable.
*Évolution : amélioration spontanée dans 30–50 % cas.
* Facteurs de risque : obésité; allergie respiratoire, prématurité, asthme.
* Diagnostic : interrogatoire et examen clinique; pas de polysomnographie.
*Conséquences : dysfonction neurocognitive; stress cardiovasculaire; syndrome métabolique.
*Traitement : adénoïdo-amygdalectomie.
Avant de commencer…
La mucoviscidose est la plus fréquente des maladies génétiques autosomiques récessives dans la population caucasienne. Elle est due à des mutations du gène CFTR, dont la plus fréquente en France est F508del.
Le dépistage néonatal généralisé en France depuis 2002 est réalisé à J3 de vie sur papier buvard. En l’absence de dépistage, le diagnostic postnatal est retardé, car les manifestations cliniques (principalement pulmonaires et digestives) peuvent survenir plus tardivement.
Le test de la sueur est l’examen diagnostique de référence. Il doit être complété par la mise en évidence de mutations pathogènes associées à la mucoviscidose sur chaque allèle.
La mucoviscidose est une maladie chronique d’aggravation progressive avec l’âge, qui met en jeu le pronostic vital. Le suivi multidisciplinaire est assuré dans des centres spécialisés.
La prise en charge thérapeutique repose sur une thérapie ciblée sur les symptômes et sur une thérapie corrigeant la protéine CFTR défectueuse. La prise en charge respiratoire repose avant tout sur une kinésithérapie respiratoire quotidienne et le traitement des surinfections bronchopulmonaires. La prise en charge digestive repose sur le recours aux extraits pancréatiques gastroprotégés et aux vitamines liposolubles ainsi que sur des recommandations nutritionnelles. Depuis 2012, des traitements ciblant la protéine CFTR défecteuse, appelés modulateurs de CFTR, sont disponibles pour près de 90 % des patients; ils ont profondément amélioré le pronostic.
I Pour bien comprendre
A Épidémiologie
La mucoviscidose est la plus fréquente des maladies génétiques autosomiques récessives létales dans la population caucasienne.
En France, sa fréquence est de 1/4 700 naissances et la proportion des sujets hétérozygotes porteurs sains estimée à 1/34. En 2023, plus de 7 200 patients sont suivis en France avec 60 % des patients suivis dans des centres de ressources et de compétences pour la mucoviscidose (CRCM) adultes.
La survie des patients s’est considérablement améliorée puisque l’on considère que la médiane de survie d’un patient né en 2010 est de l’ordre de 50 ans.
Les récents modulateurs de CFTR vont certainement permettre d’améliorer encore plus la survie des patients mais le recul n’est pas encore suffisant en 2023 pour l’apprécier.
1/4 700 naissances, transmission autosomique récessive, hétérozygotie 1/34, gène CFTR, F508del.
II Diagnostiquer une mucoviscidose
A Quand évoquer le diagnostic ?
1 Diagnostic anténatal ciblé
Histoire familiale
Le diagnostic peut être évoqué d’emblée si un enfant du couple est atteint de mucoviscidose ou en cas d’identification d’un couple à risque 1/4 dans un contexte familial.
Un conseil génétique se justifie notamment dans les situations suivantes :
*antécédent de mucoviscidose chez un enfant du couple (les deux parents, sains, sont obligatoirement hétérozygotes);
*situation d’hétérozygotie connue chez l’un des deux parents (recherche d’une mutation fréquente chez l’autre parent);
*couples ayant des apparentés proches avec enfant atteint (recherche d’hétérozygotie chez les deux parents).
Absence d’histoire familiale
Le diagnostic peut être suspecté devant une anomalie échographique :
*hyperéchogénicité intestinale;
*dilatation digestive;
*non-visualisation de la vésicule biliaire;
*images évoquant une péritonite méconiale.
La conduite diagnostique consiste à réaliser une étude génétique chez les deux parents, avec tracé de l’arbre généalogique et recherche des mutations les plus fréquentes en fonction de l’origine géographique ou ethnique des parents, après information éclairée et consentement signé de chacun des parents.
Si les deux parents sont hétérozygotes, le risque très élevé d’atteinte fœtale conduit à proposer un diagnostic prénatal.
Si aucun des deux parents n’est porteur des mutations fréquentes, le couple peut être rassuré; le risque résiduel que le fœtus soit atteint de mucoviscidose est établi en fonction des signes échographiques et de la sensibilité de la recherche génétique dans la population d’origine des parents.
En revanche, si l’un des deux parents est hétérozygote pour une mutation fréquente, il existe un risque que l’autre parent soit porteur d’une mutation rare, ce qui justifie le recours au séquençage complet du gène chez ce dernier. Si une mutation rare est identifiée, un diagnostic prénatal est proposé. Si aucune mutation n’est identifiée, le couple peut être rassuré.
Modalités du diagnostic prénatal
Lorsque les mutations parentales sont identifiées, elles sont recherchées chez le fœtus sur une biopsie de trophoblaste dès 12 SA.
Dans la situation rare d’un premier enfant avec mucoviscidose et de mutations non identifiées, des dosages biologiques (immunoenzymes intestinales, PAL, γGT, leucine aminopeptidase) par amniocentèse au terme de 18 SA apportent des arguments diagnostiques.
Enjeux éthiques
Un diagnostic anténatal de mucoviscidose peut motiver une demande d’interruption médicale de grossesse, au titre de « maladie d’une particulière gravité et incurable au moment du diagnostic ».
Comme dans toute démarche de diagnostic anténatal, les parents doivent avoir reçu une information claire, objective, complète et adaptée à leur compréhension.
Le médecin doit évaluer avec eux le rapport bénéfices/risques du diagnostic anténatal (risque de fausse couche iatrogène de 0,5 % en cas d’amniocentèse, 1 % en cas de biopsie de trophoblaste).
Les objectifs du conseil génétique sont d’aider les couples à comprendre les solutions qui s’offrent à eux en l’état actuel des connaissances médicales, de façon qu’ils puissent prendre des décisions « éclairées tout en amoindrissant le sentiment de culpabilité ou l’anxiété ». Les impératifs de soins quotidiens, d’évolution de la maladie doivent être expliqués. Les décisions concernant le fait d’avoir un enfant malade ou de mener à terme une grossesse lorsque le fœtus est atteint appartiennent aux deux parents en fonction de leur perception sur le retentissement personnel et familial de la maladie chronique. Le respect du choix est primordial.
Dans ce contexte, l’objectif d’avoir « un bébé en bonne santé » ne constitue pas une forme d’eugénisme, c’est-à-dire « une politique coercitive visant à poursuivre un objectif de procréation allant à l’encontre des droits, des libertés et des choix de l’individu » (Problèmes éthiques rencontrés en génétique médicale; rapport de l’OMS 2001).
Diagnostic anténatal = ciblé : histoire familiale et conseil génétique, signes évocateurs échographiques.
2 Dépistage néonatal
Le dépistage néonatal pour la mucoviscidose est généralisé en France depuis 2002.
L’intérêt de ce dépistage réside dans la prise en charge précoce des manifestations pulmonaires et digestives de la mucoviscidose, qui ralentit l’évolution de la maladie et améliore son pronostic en termes de survie.
Le dépistage est réalisé à partir du sang recueilli à J3 de vie sur papier buvard, après recueil du consentement signé des parents (pour la recherche génétique éventuelle).
Il repose sur le dosage de la trypsine immunoréactive (TIR), enzyme pancréatique dont un taux élevé reflète une souffrance pancréatique. Si ce dosage est élevé, un diagnostic moléculaire à la recherche des 29 mutations du gène GFTR les plus fréquentes dans la population française est mené.
En cas de mutation identifiée sur au moins un allèle, l’enfant est convoqué au CRCM (centre de ressources et de compétences pour la mucoviscidose) régional pour confirmation diagnostique par un test de la sueur. En l’absence de mutation retrouvée, l’enfant ne sera convoqué au CRCM que si un nouveau dosage de TIR prélevé à 3 semaines reste élevé.
Ce mode de dépistage est assez sensible mais peu spécifique (4 enfants sur 5 convoqués au CRCM suite à un dépistage positif n’ont pas la mucoviscidose). Le taux de faux négatifs du dépistage (= proportion d’enfants avec mucoviscidose et non reconnus par le dépistage néonatal) est entre 3 et 3,5 %.
Dépistage néonatal = généralisé : TIR à J3 de vie + biologie moléculaire si TIR élevée.
3 Diagnostic chez l’enfant sur des manifestations cliniques évocatrices
Malgré la mise en place du dépistage, le diagnostic de mucoviscidose peut aussi être fait sur des symptômes au cours de l’enfance, voire à l’âge adulte (enfants nés avant le dépistage néonatal ou faux négatifs du dépistage néonatal).
Manifestations respiratoires et infectieuses
Elles sont responsables de 90 % de la morbidité et conditionnent le pronostic et la qualité de vie.
Les manifestations initiales ne sont pas spécifiques :
*dyspnées sifflantes à répétition;
*encombrement bronchique persistant.
L’évolution est marquée chez l’enfant plus âgé par la bronchopathie chronique :
*avec : toux chronique et bronchorrhée permanente; exacerbations récurrentes avec expectorations mucopurulentes, pendant lesquelles la toux se majore, les crachats se modifient (augmentation du volume et de leur viscosité), la tolérance à l’effort diminue et l’appétit s’altère;
et au stade évolué : dilatations des bronches (fig. 63.1) pouvant saigner (hémoptysie), distension thoracique majeure, avec emphysème et risque de pneumothorax :et à long terme : insuffisance respiratoire chronique avec dyspnée d’effort devenant permanente, hypoxie nocturne puis diurne, se décompensant tardivement avec une hypercapnie et une hypertension artérielle pulmonaire.
Sur le plan fonctionnel, le syndrome obstructif s’aggrave progressivement (diminution du VEMS). Il est associé à une distension pulmonaire (augmentation du volume résiduel).
La colonisation bactérienne chronique des sécrétions bronchiques a lieu dès les premières années de vie. Il s’agit d’un signe cardinal de la maladie. Elle doit être dépistée régulièrement par examen cytobactériologique des crachats (ECBC), recueilli au cours d’une expectoration profonde ou d’un crachat induit si l’enfant n’est pas sécrétant. Les germes retrouvés initialement sont le plus souvent : H. influenzae et S. aureus sensible à la méthicilline (SAMS).
L’identification du Pseudomonas aeruginosa dans les sécrétions bronchiques peut survenir précocément. La primo-colonisation correspond au premier isolement de P. aeruginosa dans l’arbre bronchique. L’enjeu thérapeutique est l’éradication de P. aeruginosa au moment de la primo-infection ou des infections intermittentes pour éviter une colonisation chronique. La colonisation chronique est associée à un déclin plus rapide de la fonction respiratoire.
Des infections à mycobactéries atypiques (Mycobacterium abscessus ou M. avium), aspergillaires (avec des manifestations immunoallergiques, notamment dans le cadre d’une aspergillose bronchopulmonaire allergique) peuvent également survenir, comme des infections à bactéries multirésistantes : S. aureus résistant à la méthicilline (SARM), Stenotrophomonas maltophilia, Achromobacter xylososidans.
Manifestations digestives
Le nouveau-né peut présenter :
*un iléus méconial : syndrome occlusif, retard d’élimination du méconium;
*un ictère cholestatique rétentionnel.
Le nourrisson et l’enfant associent :
*une insuffisance pancréatique exocrine (85 % des nourrissons) :
–stéatorrhée (diarrhée chronique avec selles graisseuses et nauséabondes, responsable d’une maldigestion des graisses);
–avec pour conséquence (si non compensée), un retard pondéral puis statural et une dénutrition, malgré une hyperphagie initiale;
*du fait d’une malabsorption digestive, des carences en :
–vitamines liposolubles A, D, E, K;
–oligoéléments du fait d’une malabsorption digestive;
*une atteinte hépatobiliaire (dont l’incidence augmente avec l’âge) :
–stéatose hépatique (asymptomatique);
–lithiases biliaires;
–cirrhose biliaire multifocale (5 à 15 % des patients), pouvant évoluer vers l’hypertension portale et plus rarement l’insuffisance hépatocellulaire;
*d’autres atteintes :
–RGO;
–prolapsus rectal;
–constipation ± épisodes de subocclusion répétés par obstruction distale du grêle.
La dénutrition, lorsqu’elle est présente, résulte de l’inadéquation entre les besoins importants liés à l’hypercatabolisme principalement en rapport avec l’insuffisance respiratoire et les infections. Chez l’enfant non diagnostiqué, elle peut être expliquée par les pertes digestives liées à une mauvaise compensation de la maldigestion et des ingesta souvent insuffisants.
Autres manifestations
D’autres manifestations cliniques sont évocatrices mais plus rares :
*ORL : sinusite maxillaire, polypose nasale;
*endocriniennes : insuffisance pancréatique endocrine dont l’incidence augmente avec l’âge, entraînant une intolérance glucidique puis un diabète insulinodépendant;
*métaboliques : déshydratation aiguë hyponatrémique lors des pics de chaleur;
*génitales : infécondité masculine par atrésie bilatérale des canaux déférents systématique chez le garçon, retard pubertaire, hypofertilité féminine;
*osseuses : ostéopénie et ostéoporose.
Évoquer la mucoviscidose en cas de symptômes bronchiques récidivants avec cassure pondérale.
Colonisation à Pseudomonas aeruginosa = tournant évolutif péjoratif de la maladie.
B Comment confirmer le diagnostic ?
1 Test de la sueur
Le test de la sueur constitue l’examen de confirmation diagnostique de référence.
L’anomalie fonctionnelle de la protéine CFTR se traduit au niveau de la glande sudoripare par un syndrome de perte de sel, principe de cet examen biologique.
La sueur contient normalement moins de 30 mmol/l de chlorure. Le test est pathologique si la valeur mesurée est supérieure à 60 mmol/l. Le diagnostic de mucoviscidose est affirmé après deux examens positifs.
En cas de valeurs intermédiaires (30–59 mmol/l), il faut répéter ultérieurement le test, demander une étude génétique complète du CFTR et réaliser des mesures électrophysiologiques du transport des ions chlorures en centre spécialisé pour dépister des pathologies apparentées aux anomalies du CFTR.
2 Biologie moléculaire
L’étude du gène CFTR en biologie moléculaire est le complément nécessaire du test de la sueur.
Elle a pour objectif de déterminer le génotype chez le patient : tout d’abord recherche de mutations les plus fréquentes, puis étude plus extensive si besoin.
Le sujet malade est soit homozygote pour la même mutation, soit hétérozygote composite (porteur de deux mutations différentes).
Cette étude génétique est d’autant plus nécessaire pour mettre en place les modulateurs du CFTR.
Confirmation diagnostique = test de la sueur.
III Principes de prise en charge thérapeutique
A Généralités
La prise en charge doit être multidisciplinaire, avec des infirmières, kinésithérapeutes, psychologues, diététiciennes, assistantes sociales, pharmaciens, médecins.
Des centres hospitaliers coordonnent ce suivi spécialisé dans le cadre des CRCM. L’organisation des soins doit se faire au maximum au domicile. La qualité et l’acceptation d’un suivi prolongé reposent sur une collaboration étroite entre l’équipe du CRCM, le médecin traitant, l’infirmière à domicile, le kinésithérapeute en ville. Elle permet la mise en place d’un suivi régulier pour une prise en charge de qualité.
L’éducation thérapeutique des parents puis de l’enfant et de l’adolescent est fondamentale, garant de l’autonomie de l’adulte.
Il est recommandé de voir l’enfant en consultation tous les 3 mois et de faire une évaluation paraclinique annuelle.
B Traitement des principales manifestations
1 Prise en charge respiratoire
La diminution de l’encombrement des voies aériennes est assurée par :
*la kinésithérapie respiratoire, systématique;
*pouvant être précédée d’aérosols de mucolytiques (rhDNase ou sérum salé hypertonique).
Des recommandations ont pour objectifs d’améliorer la qualité de l’environnement respiratoire : éviction du tabac, mode de garde visant à éviter au mieux les viroses respiratoires pendant la 1re année de vie, conseils d’hygiène pour éviter les réservoirs potentiellement à risque pour le P. aeruginosa.
La poursuite d’une activité physique, adaptée aux performances respiratoires est recommandée.
Une oxygénothérapie de longue durée (nocturne ou continue) est indiquée au stade de l’insuffisance respiratoire chronique. On peut y associer éventuellement une ventilation non invasive (VNI) en cas d’hypercapnie chronique.
La transplantation pulmonaire est discutée en cas d’insuffisance respiratoire chronique sévère.
2 Prise en charge anti-infectieuse
L’antibiothérapie doit être adaptée aux germes isolés sur l’ECBC.
Selon le germe visé, elle peut être orale, inhalée et/ou intraveineuse. Les cures antibiotiques orales et intraveineuses durent habituellement 2 semaines, alors que les cures antibiotiques inhalées sont souvent prolongées pendant plusieurs mois.
La mise à disposition de diffuseurs portables et de sets de perfusion prêts à l’emploi facilite la pratique ambulatoire de l’antibiothérapie intraveineuse.
Le respect du calendrier vaccinal et des vaccinations ciblées est essentiel.
Les enfants atteints de mucoviscidose doivent notamment être vaccinés contre la grippe (tous les ans), l’hépatite A et éventuellement la varicelle après 1 an (en l’absence d’antécédent clinique). La vaccination polyosidique non conjuguée 23-valente est recommandée à partir de l’âge de 2 ans en complément de la vaccination pneumococcique conjuguée.
3 Prise en charge digestive
L’opothérapie pancréatique est la compensation de l’insuffisance pancréatique exocrine par des extraits pancréatiques gastroprotégés.
Le traitement de l’atteinte hépatobiliaire fait appel à l’acide ursodésoxycholique.
4 Prise en charge nutritionnelle
Les apports énergétiques totaux doivent dans la majorité des cas être supérieurs aux apports journaliers recommandés pour un enfant sain (120–150 %). En cas de défaillance nutritionnelle, il convient de débuter une nutrition entérale.
Une supplémentation en vitamines liposolubles est indispensable (vitamines A, E, D et K), ainsi que des compléments en sodium.
En contexte d’hypersudation (été, sport, fièvre…), la déperdition sodée par la sueur nécessite d’augmenter l’apport sodé de façon systématique.
Le lait ayant un apport protidique et sodé insuffisant, il est nécessaire d’apporter du sel de manière systématique chez le nourrisson avant la diversification. L’apport adéquat peut être contrôlé par ionogramme urinaire.
5 Modulateurs de CFTR
Ces dernières années, une meilleure compréhension de la physiopathologie de la maladie a permis des avancées thérapeutiques majeures, au premier rang desquelles se situent les modulateurs de CFTR. Ciblant en particulier la protéine mutée F508del, ils améliorent considérablement la survie des patients et illustrent à quel point la mucoviscidose est l’exemple type de maladie où les avancées en recherche fondamentale conduisent à des applications thérapeutiques directes.
Lorsqu’il existe une mutation F508del, les nouvelles thérapeutiques vont avoir une triple action sur la protéine CFTR : amélioration de la maturation de la protéine et du transport intracellulaire de la protéine, amélioration de l’ouverture du canal CFTR. Actuellement l’accès à ces thérapeutiques est possible dès l’âge de 2 ans.
Ces stratégies thérapeutiques ouvrent des perspectives passionnantes et très encourageantes à l’heure où les politiques nationales de dépistage néonatal mises en place par de nombreux pays permettent une prise en charge très précoce de la maladie.
Prise en charge multidisciplinaire, CRCM.
Kinésithérapie respiratoire systématique, contrôle de l’environnement, activité physique.
Cure d’antibiothérapie adaptée aux germes de l’ECBC, vaccinations.
Extraits pancréatiques gastroprotégés, régime hypercalorique, supplémentation en vitamines liposolubles et en sodium.
Modulateurs de CFTR.
C Autres mesures
*Éducation thérapeutique.
*Soutien psychologique.
*Aide d’associations (par exemple, Vaincre la Mucoviscidose).
*Prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale.
*Mise en place éventuelle d’un PAI (projet d’accueil individualisé).
Avant de commencer…
La découverte d’un souffle cardiaque est une situation très fréquente chez l’enfant.
Ce souffle est le plus souvent « fonctionnel » (synonymes : « innocent », « bénin » ou « anorganique ») et résulte de turbulences liées à l’écoulement normal du sang à travers le cœur et les vaisseaux, en l’absence d’anomalie anatomique cardiovasculaire.
Néanmoins, ce souffle est parfois créé par une anomalie morphologique cardiaque le plus souvent congénitale.
L’examen clinique, au premier rang duquel l’auscultation cardiaque, permet le diagnostic de souffle et précise ses caractéristiques.
Au moindre doute sur son origine, une échocardiographie par un médecin cardiologue expérimenté permet de porter le plus souvent un diagnostic précis.
I Pour bien comprendre
A Généralités
1 Nouveau-né et nourrisson
La naissance est marquée par une adaptation cardiocirculatoire transitionnelle :
*suppression brutale de la circulation placentaire;
*début d’une ventilation pulmonaire avec déplissement alvéolaire et résorption du liquide alvéolaire;
*accroissement du débit artériel pulmonaire lié à la diminution des résistances artériolaires pulmonaires, secondaire à la ventilation pulmonaire;
*fermeture progressive des shunts conditionnant l’oxygénation fœtale : canal artériel, foramen ovale inter-atrial.
La recherche d’un souffle cardiaque en période néonatale et chez le nourrisson doit être systématique et répétée. Les souffles persistants en période néonatale et jusqu’à l’âge de 1 an sont le plus souvent organiques.
Les résistances pulmonaires étant encore élevées durant les premiers jours de vie, les souffles liés aux communications anormales (shunts) ne s’expriment souvent qu’après un délai de quelques jours de vie.
2 Grand enfant
La découverte d’un souffle est plus fréquente que chez l’adulte :
*vitesse du sang dans les gros vaisseaux plus élevée;
*diamètre de l’aorte plus réduit;
*paroi thoracique peu épaisse (stéthoscope très proche des structures cardiovasculaires).
Les souffles fonctionnels (anorganiques) sont les plus fréquents à cette période.
B Cardiopathies congénitales
1 Généralités
Les cardiopathies congénitales sont fréquentes, avec une prévalence de 0,8 % des naissances vivantes.
La plupart de ces malformations cardiaques s’expriment par un souffle cardiaque organique découvert le plus souvent au cours du 1er mois de vie. Toutefois, l’absence de souffle ne suffit pas à écarter le diagnostic. D’autres signes cliniques, comme la cyanose, peuvent orienter vers le diagnostic d’une cardiopathie congénitale.
Les malformations cardiaques congénitales les plus fréquentes sont présentées dans le tableau 64.1 et la figure 64.1.
Tableau 64.1
Principales malformations cardiaques congénitales.
Shunts gauche-droit
–Communication interventriculaire (CIV)
–Communication inter-atriale (CIA)
–Persistance du canal artériel (PCA)
–Canal atrioventriculaire (CAV)
Obstacles du cœur droit
–Tétralogie de Fallot (T4F)
–Sténose valvulaire pulmonaire (SVP)
Obstacles du cœur gauche
–Coarctation aortique (CoA)
–Rétrécissement aortique congénital (Rao)
Malconnexions
–Transposition des gros vaisseaux (TGV)
2 Points clés sur les principales cardiopathies congénitales
Communication interventriculaire (CIV)
*Physiopathologie : shunt VG vers artère pulmonaire (AP), avec surcharge des poumons et des cavités gauches.
*Auscultation : souffle holosystolique, maximal en parasternal gauche et irradiant en « rayons de roue » (d’intensité décroissante plus on s’éloigne du sternum); il est plus intense si la CIV est petite.
*Symptomatologie :
–CIV large : signes d’hyperdébit pulmonaire apparaissant progressivement après la naissance (baisse de résistances pulmonaires) : sueurs, difficultés alimentaires, stagnation ou cassure staturo-pondérale, polypnée, tachycardie, hépatomégalie;
–CIV petite et moyenne : enfant peu ou asymptomatique.
*Radiographie pulmonaire : cardiomégalie, vascularisation pulmonaire accentuée (CIV large).
Communication inter-atriale (CIA)
*Physiopathologie : shunt OG vers OD, avec surcharge des cavités droites et des poumons.
*Auscultation : souffle systolique doux au foyer pulmonaire, peu intense avec dédoublement fixe et constant du B2.
*Symptomatologie : enfant le plus souvent a- ou peu symptomatique (dyspnée d’effort, infections respiratoires récidivantes, parfois retard pondéral).
*Radiographie pulmonaire : cardiomégalie, vascularisation pulmonaire accentuée (CIA large).
Persistance du canal artériel (PCA)
*Physiopathologie : shunt aorte (Ao) vers artère pulmonaire (AP) avec surcharge des poumons et des cavités gauches.
*Auscultation : souffle continu sous-claviculaire gauche.
*Palpation : pouls fémoraux et huméraux bondissants (pression diastolique basse).
*Symptomatologie :
–CA large : signes d’hyperdébit pulmonaire apparaissant progressivement après la naissance (baisse de résistances pulmonaires) : sueurs, difficultés alimentaires, stagnation ou cassure staturo-pondérale, polypnée, tachycardie, hépatomégalie;
–CA de petite taille : enfant peu ou asymptomatique.
*Radiographie pulmonaire : cardiomégalie et vascularisation pulmonaire accentuée (CA large).
Tétralogie de Fallot (T4F)
Cardiopathie cyanogène la plus fréquente, associant quatre éléments : CIV, aorte à cheval sur la CIV, sténose de la voie pulmonaire, hypertrophie ventriculaire droite.
*Physiopathologie : la sténose de la voie pulmonaire avec CIV favorise le passage droitgauche du sang désoxygéné à travers la CIV, d’autant plus marqué que la sténose pulmonaire est serrée.
*Auscultation : souffle systolique intense au foyer pulmonaire (sténose pulmonaire).
*Symptomatologie : selon l’importance de la sténose pulmonaire :
–T4F rose : la sténose pulmonaire est peu serrée; l’enfant est asymptomatique et est normalement (ou quasi normalement) saturé;
–T4F bleue : la sténose pulmonaire est serrée; il y a cyanose réfractaire;
–la complication aiguë de la T4F est le malaise de Fallot : il survient lors d’une tachycardie engendrée par des pleurs, un effort… : l’obstacle sous-valvulaire pulmonaire se majore et augmente le shunt droite-gauche par la CIV, avec cyanose majeure; c’est une urgence médicale voire chirurgicale.
*Radiographie pulmonaire : cœur de taille normale, en « sabot » (arc moyen creux et pointe relevée); la vascularisation pulmonaire sera pauvre en cas de forme bleue.
Sténose valvulaire pulmonaire (SVP)
*Physiopathologie : obstacle à l’éjection du VD; dans les formes néonatales très sévères, l’obstacle à l’éjection du VD engendre un shunt droite-gauche au niveau du foramen ovale avec cyanose (sténose « critique »).
*Auscultation : souffle systolique au foyer pulmonaire; le souffle est d’autant plus intense que la sténose est serrée.
*Symptomatologie :
–sténose critique du nouveau-né : cyanose réfractaire se majorant à la fermeture du canal artériel;
–sténose modérée : enfant asymptomatique; – sténose sévère hors contexte néonatal : dyspnée à l’effort pouvant évoluer vers l’insuffisance cardiaque droite, syncope.
*Radiographie pulmonaire : cœur de taille normale, arc moyen convexe (dilatation post-sténotique du tronc de l’artère pulmonaire).
Coarctation de l’aorte (CoA)
*Physiopathologie : le rétrécissement de l’aorte descendante engendre une hypertension artérielle en amont, elle-même engendrant une hypertrophie ventriculaire gauche. Chez le nouveau-né avec CoA sévère, la fermeture du canal artériel majore l’obstacle avec réduction critique de la perfusion de l’hémicorps inférieur évoluant vers le choc cardiogénique.
*Auscultation : souffle typiquement systolique, perçu dans le dos, parfois en sous-claviculaire gauche et dans l’aisselle gauche.
*Palpation : pouls fémoraux diminués; existence d’un gradient de PA entre les membres supérieurs (plus élevée) et les membres inférieurs.
*Symptomatologie :
–enfant ou adulte : HTA, éventuellement dyspnée ou crampes dans les membres inférieurs lors des efforts;
–nouveau-né : choc cardiogénique lors de la fermeture du canal artériel.
Rétrécissement aortique congénital (Rao)
*Physiopathologie : obstacle à l’éjection du VG, engendrant une hypertrophie du VG.
*Auscultation : souffle systolique au foyer aortique, proportionnel au degré de sténose.
*Palpation : pouls faiblement perçus (pincés) en cas de sténose serrée.
*Symptomatologie :
–enfant ou adulte avec Rao sévère : dyspnée ou douleur thoracique à l’effort;
–nouveau-né avec Rao sévère : choc cardiogénique lors de la fermeture du canal artériel.
Transposition des gros vaisseaux (TGV)
*Physiopathologie : l’aorte naît du VD et l’artère pulmonaire naît du VG. Les deux circulations sont donc en parallèle et la survie n’est possible que s’il existe des communications entre les deux circuits, via le foramen ovale perméable et le canal artériel.
*Auscultation : cyanose réfractaire isolée à la naissance, sans souffle cardiaque.
*Radiographie pulmonaire : pas de cardiomégalie, vascularisation pulmonaire normale ou augmentée.
Les cardiopathies congénitales sont nombreuses et les tableaux cliniques variés.
La sévérité et la tolérance clinique peuvent varier d’un enfant à l’autre et évoluer dans le temps.
La compréhension des principes physiopathologiques de base permet de mieux repérer les symptômes.
II Sémiologie cardiovasculaire chez l’enfant
La découverte d’un souffle impose d’évaluer l’examen clinique cardiovasculaire complet de l’enfant à la recherche de signe(s) associé(s).
A Interrogatoire des parents
Marqueurs de risque de cardiopathie congénitale :
*antécédents familiaux de cardiopathies congénitales : incidence d’une cardiopathie congénitale plus élevée lorsqu’un parent au premier degré est atteint;
*antécédents familiaux de mort subite;
*déroulement de la grossesse : médicaments ou toxiques, alcool, diabète, infections maternelles durant la grossesse comme la rubéole, fécondation in vitro;
*anomalies chromosomiques, syndromes.
Évaluation de la limitation fonctionnelle et du retentissement :
*nourrisson : évaluation des prises alimentaires et des difficultés (par exemple, tétées ou prises de biberon longues, laborieuses, fréquentes, sudation pendant ou en dehors, endormissement après prise peu importante, vomissements alimentaires itératifs);
*enfant : asthénie aux jeux et à l’école (par exemple, enfant décrit comme anormalement sage ou fatigable), dyspnée à l’effort.
*à tout âge : retard de croissance (courbes, voir chapitre 1).
La douleur ou gêne thoracique est un symptôme fréquemment décrit par les enfants mais l’étiologie cardiovasculaire est très rare (< 1 %). Les syncopes sont également fréquentes chez l’enfant, le plus souvent d’origine vaso-vagale, et donc non spécifiques d’atteinte cardiaque. La survenue de ces symptômes à l’effort doit toutefois alerter !
B Examen physique
1 Inspection
L’examen commence par l’observation de l’enfant à la recherche d’anomalies morphologiques, de difficultés de la respiration et d’anomalies de la coloration.
Dysmorphie :
*recherche de dysmorphie faciale, anomalie des extrémités et/ou anomalie des organes génitaux externes pouvant orienter vers un syndrome génétique;
*syndromes le plus fréquemment associés aux cardiopathies congénitales :
–trisomie 21 (voir chapitre 12) : cardiopathies congénitales présentes dans 1 cas sur 2, dont 50 % de canal atrioventriculaire;
–syndrome de Turner (voir chapitre 1) : risque accru de coarctation de l’aorte;
–syndrome de Di George (microdélétion 22q11) : cardiopathies congénitales très fréquentes, en particulier la tétralogie de Fallot;
–syndrome de Marfan (mutation génétique d’un gène de l’élastine) : maladie du tissu élastique avec risque de dilatation, anévrisme et rupture de l’aorte ascendante, insuffisance valvulaire aortique ou mitrale;
–syndrome de Williams-Beuren (microdélétion du chromosome 7) : sténoses susvalvulaires aortique et/ou pulmonaire.
Respiration :
*observation de la dynamique respiratoire, recherche de polypnée superficielle, tirage intercostal, balancement thoraco-abdominal;
*observation de la forme du thorax : un thorax bombant en « tonneau » est un élément d’orientation vers une cardiopathie avec dilatation ventriculaire.
Cyanose :
*l’aspect bleuté des téguments et des muqueuses oriente vers la cyanose. Elle est confirmée par l’oxymétrie de pouls (saturation normale > 96 %);
*lorsque la cyanose est prolongée, elle peut s’accompagner d’autres signes chez l’enfant comme l’hippocratisme digital;
*causes :
–cardiopathies congénitales : par shunt droite-gauche (par exemple, T4F) ou par malconnexion (par exemple, TGV) → l’hypoxie ne répond pas à l’oxygénothérapie : on parle d’hypoxie réfractaire;
–maladies respiratoires : elle est liée à un défaut de l’hématose pulmonaire → l’hypoxie répond à l’oxygénothérapie.
Palpation
Palpation du thorax
Elle est effectuée avec la paume de la main pour localiser la pointe du cœur et rechercher un éventuel frémissement.
Palpation des pouls
La palpation des pouls fémoraux et axillaires est systématique.
Les caractéristiques à rechercher sont : fréquence, régularité, intensité.
Particularités et anomalies des pouls chez l’enfant :
*la palpation des pouls peut être difficile chez le nourrisson;
*en cas de suspicion d’anomalie, l’examen doit être complété par une prise de pression artérielle aux quatre membres avec un brassard de taille adaptée.
Principales causes d’anomalies d’intensité des pouls :
*pouls mal perçus aux quatre membres : insuffisance circulatoire, sténose aortique sévère;
*pouls des membres supérieurs mieux perçus que les pouls fémoraux : coarctation de l’aorte;
*pouls bondissants : large canal artériel persistant, insuffisance aortique sévère.
3 Auscultation
Une bonne auscultation d’un nourrisson ou petit enfant nécessite de bonnes conditions d’examen, un enfant calme et rassuré par la présence des parents, une membrane de stéthoscope de diamètre adapté à la taille de l’enfant.
Analyse des bruits et recherche de souffle :
*identification des bruits cardiaques :
–le B1 correspond à la fermeture des valves tricuspide et mitrale;
–le B2 correspond à la fermeture des valves aortique et pulmonaire;
–des bruits surajoutés B3 et B4 signent un galop et sont audibles dans une myocardiopathie dilatée hypokinétique;
*caractérisation d’un souffle : voir encadré 64.1;
Encadré 64.1Caractéristiques d’un souffle à l’auscultation
*A Timing au sein du cycle cardiaque
–systolique ou/et diastolique; continu (systolo-diastolique);
–au début, au milieu ou à la fin de la période (proto-, méso-, télé- respectivement).
*Localisation : le foyer où le souffle est le mieux perçu.
*Timbre : aigu, grave, doux, râpeux, aspiratif, humide, sec, rude…
*Intensité, cotée de 1 à 6 :
–1 : souffle difficilement audible;
–2 : souffle léger mais entendu immédiatement, dans toutes les positions;
–3 : souffle très distinct, sans frémissement;
–4 : souffle très distinct, avec frémissement palpable;
–5 : souffle très intense, avec frémissement et restant audible avec le stéthoscope partiellement décollé;
–6 : souffle très intense, avec frémissement et restant audible avec le stéthoscope complètement décollé.
*Irradiation : espace de diffusion où le souffle est étendu : en « rayon de roue », en « écharpe », dans le dos…
*Variabilité : caractéristique très importante à évaluer, en fonction de la respiration (inspiration, expiration), de la position (couché, assis, debout), de la compression vasculaire (carotide ou jugulaire).
*autres éléments à rechercher à l’ausculation :
–clicks valvulaires;
–dédoublement constant du B2;
–éclat du B2;
–galop : B3 ou B4.
4 Autres points de l’examen physique
Signes congestifs : signes évocateurs d’insuffisance cardiaque
Particularités chez le nourrisson :
*l’hépatomégalie doit être recherchée car marqueur constant d’insuffisance cardiaque par hyperdébit pulmonaire ou d’insuffisance cardiaque droite; la présence d’un débord hépatique pouvant atteindre 1 à 2 cm est toutefois habituelle et normale à cet âge;
*la turgescence jugulaire et le reflux hépatojugulaire sont moins marqués que chez l’adulte;
*les œdèmes des membres inférieurs sont rares et tardifs;
*une prise de poids paradoxale à évaluer, malgré des prises alimentaires insuffisantes et/ou des vomissements itératifs;
*les signes d’intolérance respiratoire avec crépitants à l’auscultation se retrouvent en cas de tableaux d’hypervascularisation pulmonaire (shunts gauche-droite larges) ou en cas de pathologies du cœur gauche avec augmentation des pressions de remplissage.
Pression artérielle
La pression artérielle augmente normalement avec l’âge. Les mesures doivent être comparées aux normes pour l’âge, la taille et le sexe (voir chapitre 50).
La prise de pression artérielle doit être faite avec un brassard de taille adaptée.
Anomalies de la pression artérielle chez l’enfant :
*un gradient tensionnel > 20 mm Hg entre le membre supérieur (plus élevé) et le membre inférieur (moins élevé) est très évocateur d’une coarctation de l’aorte;
*une HTA chez l’enfant doit toujours faire rechercher une cause secondaire (voir chapitre 50); elle est le plus souvent d’origine néphrologique ou endocrinologique mais doit faire rechercher une coarctation de l’aorte.
L’interrogatoire et l’examen clinique en période néonatale et chez le nourrisson permettent le diagnostic de la majorité des cardiopathies congénitales.
Le souffle est un élément clé du diagnostic mais peut être absent même dans des cardiopathies graves (par exemple, TGV). La recherche d’autres signes comme la cyanose, les difficultés alimentaires, une symptomatologie à l’effort est indispensable à tout âge.
III Distinguer un souffle organique d’un souffle fonctionnel
A Le souffle fonctionnel
Un souffle fonctionnel est un souffle produit par l’écoulement normal du sang à travers le cœur et les vaisseaux. Une variation de débit, par exemple en cas de fièvre ou anémie, augmente l’intensité du souffle.
Les caractéristiques du souffle fonctionnel sont résumées dans le tableau 64.2.
Tableau 64.2
Caractéristiques du souffle fonctionnel.
Symptomatologie Pas de symptomatologie fonctionnelle
Temps Bref, mésosystolique
Intensité Faible (< 3/6), non frémissant
Variabilité ↓ si orthostatisme ou repos
↑ si fièvre, effort ou anémie
Localisation maximale Endapexien, foyer pulmonaire
Irradiations Pas ou peu d’irradiation
Anomalies auscultatoires associées B1 et B2 normaux, diastole libre
Reste de l’examen cardiovasculaire Normal (pouls, PA, circulation périphérique)
On peut décrire sémiologiquement 6 types de souffle fonctionnel :
*souffle musical ou vibratoire : bref et piaulant;
*souffle pulmonaire : maximal au foyer pulmonaire, avec dédoublement variable de B2;
*souffle carotidien : disparaissant à la compression carotidienne;
*souffle veineux (« hum veineux ») : continu, disparaissant à la compression veineuse jugulaire;
*souffle de branche pulmonaire;
*souffle cardiorespiratoire (variant avec la respiration).
Caractéristiques stétho-acoustiques excluant le diagnostic de souffle fonctionnel = « drapeaux rouges » :
*souffle holosystolique → CIV, insuffisance mitrale;
*souffle frémissant avec tonalité râpeuse → obstacle valvulaire, aortique ou pulmonaire;
*présence d’un dédoublement fixe et constant du B2 → CIA;
*souffle d’intensité maximale au bord gauche du thorax → coarctation;
*présence d’un click systolique → obstacle valvulaire;
*souffle diastolique → jamais fonctionnel.
B Points clés sur les souffles organiques
Le tableau 64.3 reprend les principales caractéristiques cliniques et stétho-acoustiques des malformations cardiaques congénitales les plus fréquentes.
Tableau 64.3
Type de souffle cardiaque des cinq cardiopathies congénitales les plus fréquentes.
Type de souffle cardiaque Intensité du souffle
CIV Petite Holosystolique, maximal en parasternal gauche, irradiant en « rayon de roue » ++
Large +
CIA Petite Systolique, au foyer pulmonaire +
Large ++
PCA Petit Continu, sous-claviculaire gauche +
Large ++
T4F Rose Systolique, au foyer pulmonaire ++
Bleue ++
SVP Modérée Systolique, au foyer pulmonaire +
Serrée ++
Critique + ou 0
CIV : communication interventriculaire; CIA : communication inter-atriale; PCA : persistance du canal artériel; T4F : tétralogie de Fallot; SVP : sténose valvulaire pulmonaire; HTP : hypertension pulmonaire.
C Quand demander une expertise cardiopédiatrique ?
Avant l’âge de 1 an, la découverte d’un souffle cardiaque même isolé doit faire demander un avis cardiopédiatrique avec une échographie cardiaque.
Après l’âge de 1 an, un souffle isolé est le plus souvent fonctionnel.
La figure 64.2 synthétise l’attitude à avoir face à un souffle cardiaque.
Examens complémentaires et avis spécialisé
L’avis cardiopédiatrique avec échocardiographie transthoracique est la démarche diagnostique de choix lorsqu’une cardiopathie congénitale est suspectée.
Un bilan biologique (troponine, BNP) n’a pas d’intérêt dans l’évaluation initiale d’un souffle du nourrisson ou de l’enfant. Il pourra être utile dans l’évaluation d’une cardiopathie congénitale.
L’électrocardiogramme n’est pas systématique en cas de souffle cardiaque. Un tracé complètement normal est rassurant, mais il ne permet pas d’écarter une anomalie cardiaque mineure (petite CIV ou petite CIA, fuite ou sténose valvulaire de faible degré).
La radiographie du thorax n’est pas recommandée en cas de souffle cardiaque isolé. Elle sera réalisée en cas de signes d’insuffisance cardiaque ou pour un autre motif. Elle pourra alors orienter vers une cardiopathie en révélant une cardiomégalie ou une vascularisation pulmonaire accentuée (fig. 64.3). Les souffles fonctionnels sont très fréquents surtout chez le plus grand enfant; il est important d’en connaître les caractéristiques sémiologiques.
Les principales cardiopathies se caractérisent par des souffles organiques aux caractéristiques très différentes (« drapeaux rouges »).
Tout souffle chez l’enfant âgé de moins de 1 an justifie une expertise cardiopédiatrique.
B Cardiopathies congénitales
La plupart des cardiopathies congénitales sont accessibles à un traitement curatif ou palliatif par chirurgie cardiaque ou cathétérisme interventionnel.
Même après traitement curatif, des lésions résiduelles peuvent exister ou apparaître avec le temps. Un suivi « à vie », d’intensité variable en fonction des lésions, est nécessaire et habituellement planifié par le spécialiste référent.
La plupart des enfants peuvent participer aux activités sportives. Ceci doit toutefois toujours être discuté avec le spécialiste référent.
C Prophylaxie de l’endocardite
Le risque d’endocardite est élevé dans quatre situations et nécessite une antibioprophylaxie lors des gestes dentaires à risque :
*présence d’un corps étranger intracavitaire (prothèse valvulaire, tube, pacemaker…);
*antécédent d’endocardite infectieuse;
*cardiopathie cyanogène;
*dans les 6 mois suivant la fermeture d’un shunt par patch ou prothèse, ou après 6 mois en cas de persistance d’un shunt.
Dans les autres cardiopathies, le risque est plus faible et requiert « simplement » une bonne hygiène cutanée et dentaire.
Avant de commencer…
Ce chapitre propose une conduite systématique (acronyme « ABC-DE ») et raisonnée de l’examen clinique lors des situations urgentes, ainsi que les valeurs normales des principaux paramètres d’évaluation.
Cette conduite systématique, fondée sur les recommandations européennes, est applicable pour évaluer la gravité de tout enfant malade. En effet, seules la reconnaissance précoce et la prise en charge des enfants gravement malades permettent d’éviter la survenue d’un arrêt cardiorespiratoire (ACR) et d’en prévenir les conséquences. Le pronostic de l’ACR est très sévère.
I Reconnaissance de la gravité d’un enfant malade
A Généralités
La reconnaissance de la gravité d’un enfant malade repose sur :
*une première évaluation rapide Quick Look, aussi appelée « CRC », réalisée dans les premières 30 secondes :
–C = Comportement : normal ou anormal;
–R = Respiration : normale ou anormale;
–C = Coloration : normale ou anormale;
*une seule évaluation anormale de l’un de ces 3 critères justifie la poursuite de l’évaluation de la tolérance clinique selon la séquence ABC-DE :
–A = Airway (voies aériennes);
–B = Breathing (respiration);
–C = Circulation (circulation);
–D = Disability (neurologique);
–E = Exposition (exposition).
B Séquence « ABC-DE »
Après la mise en sécurité, l’appel d’une aide ou d’un renfort doit être effectué au plus tôt lors de la séquence ABC-DE en cas de signe de gravité ou de décompensation.
Les phases ABC de la procédure ABC-DE se composent successivement :
*d’une phase d’évaluation;
*d’une phase d’action;
*d’une réévaluation après chaque action effectuée.
« A » = Voies aériennes
Évaluation
Les voies aériennes supérieures (VAS) sont évaluées et classées en :
1.libres et sÛres;
2.à risque d’obstruction (si somnolence, troubles de la conscience);
3.obstruées (partiellement ou complètement par des sécrétions, un corps étranger…).
Actions
*Actions non spécifiques :
–ouvrir les VAS : on peut utiliser pour cela la manœuvre universelle; les nourrissons sont mis en position neutre, tandis que les enfants plus âgés (> 1 an) sont mis en légère hyperextension (astuce : billot sous les épaules);
–désobstruer les VAS si nécessaire : aspiration, désobstruction rhinopharyngée…
*Actions spécifiques liées à l’étiologie :
–enlever un corps étranger visible;
–administrer de l’adrénaline IM en cas d’œdème de Quincke…
Réévaluation
Une réévaluation est faite en repartant du début de l’algorithme en évaluant le « C –Comportement » du CRC puis le « A – Voies aériennes ». En l’absence de nouvelles actions nécessaires, la séquence ABC-DE est poursuivie.
« B » = Ventilation
Évaluation
Quatre paramètres doivent être évalués, qui répondent à l’acronyme « F-T-V-O » :
*F : Fréquence respiratoire;
*T : Travail respiratoire;
*V : Volume pulmonaire;
*O : Oxygénation.
F
La fréquence respiratoire (FR) varie avec l’âge, la fièvre, l’agitation, l’anxiété, la douleur (tableau 65.1).
Tableau 65.1
Valeurs normales de la fréquence respiratoire et de la fréquence cardiaque de l’enfant et limites inférieures de la pression artérielle systolique (PAS) et moyenne (PAM) de l’enfant définissant l’hypotension.
Âge FR normale (par min) FC normale (par min) PAS hypotension (mm Hg) PAM hypotension (mm Hg)
1 mois 35–60 110–180 < 50 < 40
1 an 30–50 100–170 < 70 < 50
5 ans 17–30 70–140 < 75 < 55
10 ans 14–25 60–120 < 80 < 55
T
Le travail respiratoire apprécie la mise en jeu des muscles accessoires et est évalué par la recherche de signes de lutte respiratoire : balancement thoraco-abdominal, battement des ailes du nez, tirage (sus-sternal, sous-costal, intercostal), entonnoir xiphoïdien, geignement expiratoire. Il convient également de repérer des bruits respiratoires anormaux : stridor, wheezing, grunting.
V
Le volume pulmonaire est évalué par l’inspection et l’auscultation. L’inspection apprécie le caractère symétrique ou non de l’expansion thoracique. L’auscultation pulmonaire recherche une asymétrie du murmure vésiculaire, la présence de bruits anormaux (sibilants, crépitants), la situation médiane ou non de la trachée.
O
L’oxygénation est évaluée par la coloration de l’enfant (rose, pâle, cyanose) et la mesure de la SpO2. L’oxymétrie est normale si ≥ 94 %.
Ces quatre paramètres doivent être interprétés; on distingue ainsi :
*un enfant eupnéique;
*une détresse respiratoire aiguë : augmentation du travail respiratoire avec oxymétrie normale;
*une insuffisance respiratoire aiguë : incapacité respiratoire à maintenir une oxymétrie normale ± PCO2 anormale.
L’insuffisance respiratoire est dite décompensée si elle s’accompagne : de troubles de la vigilance/conscience ou d’une tachycardie supérieure aux limites supérieures de fréquence cardiaque selon l’âge (tableau 65.1) ou d’une bradycardie (tableau 65.1) ou encore de cyanose (hypoxie), persistante malgré une oxygénothérapie, ou de sueurs (hypercapnie) ou de signes d’épuisement respiratoire (apnées, diminution du travail respiratoire et des volumes pulmonaires).
Actions
*Actions non spécifiques : oxygénothérapie avec technique adaptée (lunettes à oxygène, masque à oxygène simple, masque à haute concentration) et/ou si besoin ventilation avec masque et ballon.
*Actions spécifiques liées à l’étiologie :
–corticothérapie, β2-mimétiques de courte durée d’action à visée bronchodilatatrice (salbutamol);
–antibiothérapie…
Réévaluation
Une réévaluation est faite en évaluant le « C – Comportement » du CRC puis le « A – Voies aériennes » puis le « B ». En l’absence de nouvelles actions nécessaires, la séquence ABC-DE est poursuivie.
« C » = Circulation
Évaluation
Cinq paramètres doivent être évalués répondant à l’acronyme « F + 4 P » :
*F : Fréquence cardiaque;
*P1 : Pression artérielle;
*P2 : Perfusion périphérique;
*P3 : volume des Pouls;
*P4 : Précharge.
F
La fréquence cardiaque varie avec l’âge (tableau 65.1), la fièvre, l’agitation, la douleur.
P1
La pression artérielle systolique (PAS) et moyenne (PAM) varie avec l’âge de l’enfant (tableau 65.1).
P2
La perfusion périphérique est appréciée par la couleur et la chaleur des extrémités, le temps de recoloration cutanée (TRC) normal ≤ 2 secondes (à mesurer en central idéalement face antérieure et supérieure du thorax après 5 secondes de pression), la recherche de marbrures, la présence d’une ligne chaud-froid.
P3
Les pouls centraux (huméral si < 1 an, fémoral ou carotidien si >1 an) et périphériques (pédieux, radial) peuvent être normaux, filants, ou absents.
P4
L’évaluation de la précharge est essentielle : recherche d’une hépatomégalie et d’une turgescence des veines jugulaires (précharge droite), des crépitants à l’auscultation (précharge gauche).
Ces 5 paramètres doivent être interprétés; on distingue ainsi :
*une hémodynamique normale;
*une insuffisance circulatoire aiguë = état de choc.
L’insuffisance circulatoire compensée est définie par l’anomalie d’au moins 2 des 5 critères ci-dessus. L’insuffisance circulatoire est dite décompensée s’il existe une hypotension. (tableau 65.1) ou si elle est associée à des troubles de la vigilance/conscience.
Actions
*Actions par examen rapide pour aider le monitorage de la circulation (dès que possible) :
–mesure de la lactatémie (gazométrie sanguine);
–échographie cardiaque (évaluation de la fonction cardiaque et de la volémie).
*Actions non spécifiques :
–poser un accès vasculaire intraveineux, ou intraosseux en cas d’urgence;
–effectuer une expansion volémique de solutés balancés de préférence (type Ringer lactate), par bolus de 10 ml/kg (max. 500 ml par bolus) répétés au besoin, selon les réévaluations cliniques successives (max. 40 à 60 ml/kg dans la première heure de prise en charge), en l’absence de signe d’insuffisance cardiaque;
–commencer rapidement les médicaments vasoactifs et/ou inotropes, en perfusion continue (diluée selon le protocole local) via une ligne centrale ou périphérique, chez les enfants souffrant d’insuffisance circulatoire lorsqu’il n’y a pas d’amélioration de l’état clinique après plusieurs bolus de fluides.
*Actions spécifiques liées à l’étiologie :
–le contexte (diarrhée, purpura fébrile, hémorragie, anaphylaxie…) permet de distinguer l’étiologie : choc septique, choc hémorragique, choc distributif, obstructif ou cardiogénique;
–effectuer le traitement spécifique selon le type de choc : antibiothérapie, transfusion, anticoagulation, évacuation d’un épanchement pleural ou péricardique, diurétiques…
Réévaluation
Une réévaluation est faite en évaluant le « C – Comportement » du CRC puis le « ABC ». En l’absence de nouvelles actions nécessaires, la séquence ABC-DE est poursuivie.
« D » = Neurologique
Évaluation
Paramètres à évaluer :
*Glasgow « rapide » selon l’acronyme A-V-D-I :
–Alerte;
–répond à la Voix;
–répond à la Douleur;
–Inconscient;
*réactivité pupillaire;
*mouvements anormaux, tonus;
*température;
*glycémie.
A et V correspondant à un Glasgow ≥ 8; D et I à un Glasgow < 8.
Actions
Des actions spécifiques sont effectuées selon les anomalies constatées.
« E » = Exposition (environnement)
Évaluation
Paramètres à évaluer répondant à l’acronyme A-M-P-L-E :
*llergie ?
*Médicament ?
*Passé médical : antécédents ?
*Longueur du jeÛne ?
*Exposition : contexte de l’histoire ?
Actions
Des actions spécifiques sont effectuées selon les anomalies constatées.
Reconnaissance de la gravité d’un enfant malade
*Quick look (acronyme CRC).
*Puis séquence ABC-DE :
–A = voies aériennes : libres et sÛres / à risque / obstruées;
–B = acronyme F-T-V-O;
–C = acronyme F + 4 P;
–D = neurologique;
–E = environnement, acronyme A-M-P-L-E.
II Arrêt cardiorespiratoire chez l’enfant
A Épidémiologie
Le pronostic de l’arrêt cardiorespiratoire (ACR) est très sombre (< 5 % de survie à 1 an). Les étiologies d’ACR ne sont pas les mêmes chez l’enfant que chez l’adulte.
L’ACR de l’adulte est généralement un ACR primaire, lié à une ischémie myocardique ou un trouble du rythme ventriculaire (FV, TV sans pouls), dont la prise en charge précoce est la défibrillation.
L’ACR de l’enfant est le plus souvent un ACR secondaire, lié à une insuffisance respiratoire et/ou circulatoire avec rythme préterminal non défibrillable (asystolie, activité électrique sans pouls).
B Spécificités pédiatriques de la réanimation cardiopulmonaire (RCP)
L’algorithme de prise en charge générale est reproduit figure 65.1.
1 RCP de base
Reconnaissance rapide (< 10 secondes) : rechercher l’absence de signe de vie.
Acromyme « 3 S » : Sécurité – Stimulation – Secours :
*Sécuriser le lieu et la victime;
*Stimuler, en appelant l’enfant (si possible par son prénom) :
–enfant non réveillable;
–absence de respiration spontanée ou présence de gasps;
–absence de toux.
*Secours, avec appel à l’aide :
–demander de prévenir le SAMU/réanimation si deuxième personne présente;
–demander de rechercher un chariot d’urgence et un défibrillateur externe automatique.
Séquence « ABC » à débuter le plus rapidement possible :
A : Voies aériennes (Airway) :
–action : ouvrir, désobstruer, sécuriser les voies aériennes (fig. 65.B : Ventilation (Breath) :
–évaluation (maximum 10 secondes) : respiration normale ? si non :
–action : 5 ventilations initiales;
*C : Circulation :
–évaluation : présence de signes de vie ? si non :
–action : 15 compressions thoraciques (CT), puis cycles de 15 CT/2 ventilations.
Les ventilations sont effectuées idéalement à l’aide d’un ballon autoremplisseur et d’un masque avec de l’oxygène dès que possible, à défaut par des insufflations bouche-à-bouche/nez. En cas d’impossibilité à réaliser les ventilations/insufflations, passer tout de suite à l’étape de la « Circulation ».
Les compressions thoraciques (fig. 65.3 et 65.4) sont réalisées selon des techniques propres à l’âge. L’enfant est placé sur un plan dur. Les compressions sont délivrées dans la moitié inférieure du sternum, avec dépression du thorax d’environ un tiers de son diamètre antéropostérieur, et selon un rythme de 100 à 120/min. Chez le nourrisson d’âge < 1 an, un sauveteur seul utilise les extrémités de deux doigts ou la technique à deux mains par encerclement du thorax. Au-delà de 1 an, les compressions sont réalisées avec le talon d’une ou de deux mains selon la taille de l’enfant et du sauveteur.
Enfin :
*donner l’alerte au SAMU/réanimation par téléphone si non fait;
*mettre en place un défibrillateur externe automatique (DEA) dès que possible.
2 RCP avancée
Mise en place d’un scope pour analyse du rythme cardiaque.
En cas de rythme non défibrillable = asystolie, activité électrique sans pouls (AESP) ou bradycardie extrême :
–en l’absence de voie IV préalablement en place, poser une voie intraosseuse (IO);
–T0 = 0 : adrénaline 10 μg/kg (= 0,1 ml/kg de solution à 1/10 000) IV/IO;
–T0 + 2 minutes : réévaluer le rythme sur scope : si rythme inchangé non perfusant → RCP 2 minutes;
–T0 + 4 minutes : réévaluer le rythme sur scope : si rythme inchangé non perfusant → adrénaline 10 μg/kg puis RCP 2 minutes;
–répéter les évaluations et ces actions par 2 et 4 minutes.
En cas de rythme défibrillable = fibrillation ventriculaire ou tachycardie ventriculaire :
–T0 = 0 : choc électrique externe (CCE) n° 1 : 4 J/kg, puis RCP 2 minutes, poser une voie IV/IO;
–T0 + 2 minutes : réévaluer le rythme sur scope : si rythme inchangé non perfusant → CCE n° 2 : 4 J/kg puis RCP 2 minutes;
–T0 + 4 minutes : réévaluer le rythme sur scope : si rythme inchangé non perfusant → CCE n° 3 : 4 J/kg puis adrénaline 10 μg/kg et amiodarone 5 mg/kg puis RCP 2 minutes;
–répéter les évaluations et ces actions par 2 et 4 minutes (sans amiodarone après CCE n° 5); voir figure 65.1.
Évoquer dès que possible les 8 causes traitables d’ACR :
–4 « H » : Hypovolémie, Hypoxie, Hyper/hypo-kaliémie-magnésémie-calcémie-hypoglycémie, Hypo/hyperthermie;
–4 « T » : pneumothorax sous Tension, Tamponnade, Toxique, Thromboembolique.
En cas d’apparition d’un rythme organisé sur le scope > 60/min, il faut chercher un pouls.
La présence d’un pouls signifie le retour à une circulation spontanée.
Continuer la RCP jusqu’à reprise d’un rythme perfusant (présence d’un pouls) ou échec de la réanimation (décision collégiale).
L’absence de geste de réanimation de base ou avancée constitue une période de « no flow ».
La réalisation adéquate de gestes de réanimation de base et/ou avancée constitue une période de « bas débit » ou « low flow ».
*ACR de l’enfant = secondaire.
*RCP de base :
–à débuter le plus rapidement possible;
–ne pas l’interrompre avant l’arrivée d’une équipe formée à la RCP avancée.
*RCP avancée :
–analyse du rythme le plus rapidement possible;
–rythme non défibrillable : adrénaline;
–rythme défibrillable : CEE.
Avant de commencer…
Le malaise du nourrisson est un motif fréquent de consultation aux urgences pédiatriques.
Il se définit par un accident inopiné et brutal entraînant des modifications du tonus et de la coloration des téguments, avec ou sans perte de connaissance.
Les nourrissons d’âge < 6 mois sont les plus concernés, avec une prédominance masculine.
L’analyse anamnestique du malaise doit être rigoureuse et chronologique :
*avant : circonstances ayant précédé l’épisode;
*pendant : description des signes observés durant le malaise;
*après : rapidité et qualité du retour à l’état antérieur.
Symptôme relevant d’étiologies diverses, le malaise est souvent bénin, mais source d’une anxiété parentale.
Le nourrisson est habituellement hospitalisé pendant au moins 24–48 heures au décours d’un malaise authentifié et récent.
Cela permet de prescrire quelques examens complémentaires à titre systématique voire d’autres orientés par les données cliniques, de surveiller l’évolution à court terme, et de rassurer les parents dans la majorité des cas.
Faire le diagnostic de malaise
A Identifier un malaise
Le malaise se définit comme un accident inopiné et brutal associant à des degrés variables :
*des modifications du tonus : hypotonie, hypertonie;
*des modifications de la coloration des téguments : pâleur, cyanose, parfois érythrose;
*avec ou sans modification du rythme respiratoire : bradypnée, tachypnée, apnées;
*avec ou sans perte de connaissance.
La description du malaise est souvent rapportée par les parents, seuls témoins de l’épisode.
Les signes fonctionnels décrits sont transitoires, et le premier examen clinique est souvent normal. L’anamnèse est essentielle, tant pour évaluer la gravité du malaise que sa cause.
Malaise : accident inopiné et brutal entraînant des modifications du tonus et de la coloration des téguments, avec ou sans perte de connaissance.
B Identifier les situations d’urgence
1 Généralités
Le malaise est fréquemment bénin, mais souvent considéré comme grave par les parents.
L’impression de mort imminente conduit les parents à pratiquer parfois des manœuvres de réanimation sur leur enfant (bouche-à-bouche, secouage, percussions dorsales…).
Il importe donc de distinguer le vécu dramatique de l’épisode par l’entourage, du réel degré de gravité sur des critères objectifs cliniques et paracliniques.
Être systématique dans sa démarche diagnostique, pour pouvoir rassurer à bon escient les parents… sans méconnaître une cause potentiellement sévère.
2 Critères cliniques de gravité
L’examen clinique du nourrisson doit être rigoureux et orienté. Il recherche avant tout des signes de gravité (tableau 66.1).
Tableau 66.1
Critères cliniques de gravité d’un malaise du nourrisson.
Hémodynamiques
–Teint gris
–Bradycardie ou tachycardie, hypotension ou hypertension
–Allongement du temps de recoloration cutanée, état de choc
–Signes d’insuffisance cardiaque
Ventilatoires
–Cyanose
–Irrégularités du rythme respiratoire persistantes (bradypnée, apnées)
–Signes de lutte respiratoire
–SpO2 < 90 % sous air
Neurologiques
–Geignement, bombement de la fontanelle, augmentation du PC
–Troubles de conscience (perte de contact prolongée ou répétée, somnolence, coma)
–Déficit focalisé, hypotonie ou hypertonie axiale/périphérique
–Mouvements anormaux (clonies, mâchonnements, pédalage)
La sévérité symptomatique est appréciée au domicile par la famille, mais aussi lors de la prise en charge médicale susceptible de mettre en œuvre des mesures de réanimation.
Malaise « grave » : détresse brutale hémodynamique, ventilatoire, neurologique.
3 Examens paracliniques systématiques
Ces examens (tableau 66.2) sont à prescrire en urgence pour :
Tableau 66.2
Examens complémentaires systématiques.
Bilan sanguin
–Glycémie capillaire puis veineuse
–NFS-plaquettes
–CRP, PCT (si disponible)
–Ionogramme sanguin (+ créatininémie, urée)
–Calcémie, transaminases
–Lactate
Autres
–BU
–ECG avec mesure du QT corrigé (fig. 66.1)
–Radiographie de thorax (face)
*attester a posteriori de la bénignité ou au contraire de la gravité du malaise;
*rechercher les très rares causes susceptibles d’induire un traitement immédiat.
Faire une glycémie capillaire dès l’arrivée.
II Planifier la prise en charge
A Orientation
Tout nourrisson ayant fait un malaise authentifié et récent (≤ 24 heures) doit être orienté vers des urgences pédiatriques pour être évalué (fig. 66.2).n QTc > 440 ms doit faire suspecter un syndrome du QT long.
Une hospitalisation d’au moins 24–48 heures se justifie si :
*anamnèse faisant redouter une cause grave (sémiologie, circonstances);
*et/ou critères de gravité lors de l’évaluation clinique initiale et/ou sur le bilan réalisé;
*et/ou inquiétude parentale majeure et/ou conditions difficiles de retour au domicile.
Ce maintien en observation a pour objectifs de :
*traiter en urgence une cause de détresse vitale (exceptionnellement);
*poursuivre les investigations à visée étiologique;
*surveiller le nourrisson avec monitoring cardiorespiratoire;
*s’assurer de la bonne évolution clinique et rassurer les parents.
Certains malaises évoquant de manière évidente une origine bénigne (régurgitations avec faciès érythrosique, par exemple), ne s’accompagnant d’aucun signe de gravité clinique et/ou paraclinique, peuvent bénéficier d’un suivi ambulatoire après une courte surveillance de 6–12 heures.
Orientation aux urgences pédiatriques en cas de malaise authentifié et récent chez un nourrisson.
B Enquête étiologique
1 Causes de malaise
Il importe de « hiérarchiser » ces causes (tableau 66.3) selon leur fréquence et les données cliniques.
Tableau 66.3
B Causes de malaise chez un nourrisson.
Reflux gastro-œsophagien
Douleur aiguë
–Œsophagite
–Invagination intestinale aiguë
–Sévices physiques
–Ischémie myocardique (anomalie d’implantation des coronaires)
Causes obstructives mécaniques hautes
–Rhinite obstructive
–Vomissements, fausses routes (bébé glouton, médicament à la pipette)
–Inhalation de corps étranger (mobile)
Causes neurologiques
–Crise fébrile, crise épileptique
–Hémorragies intra- ou péricérébrales, syndrome du bébé secoué
Causes infectieuses
–Apnées : bronchiolite, coqueluche, grippe, adénovirus
–Sepsis
Autres causes
–Cardiaques : tachycardie supraventriculaire, syndrome du QT long, cardiopathie malformative
–Métaboliques : hypoglycémie, hypocalcémie, anomalie de la β-oxydation des acides gras
–Intoxications : CO, médicaments, drogues (cannabis…)
–Allergie : anaphylaxie, SEIPA
–Mécaniques : asphyxie par enfouissement facial, trachéomalacie, fistules
–Spasme du sanglot
–Syndrome de Münchhausen
En fonction du contexte, l’épisode de malaise peut être rapporté à une cause infectieuse, digestive, respiratoire, cardiaque, neurologique, ou encore métabolique. Leur intrication est néanmoins possible. Sur un plan physiopathologique, une hypertonie vagale sous-tend fréquemment les malaises compliquant un RGO ou une douleur aiguë.
2 Enquête clinique
Anamnèse
Antécédents familiaux :
*MIN, décès en bas âge, malaises;
*terrain vagal familial;
*consanguinité, cardiopathie, troubles neurologiques;
*traitements maternels (si allaitement) et médicaments présents au domicile.
Antécédents personnels et terrain :
*déroulement de la grossesse, prématurité;
*courbes (croissance staturopondérale, périmètre crânien);
*RGO, autre pathologie connue;
*développement psychomoteur, vaccinations;
*malaises antérieurs, hospitalisations.
Mode de vie et entourage :
*modalités de couchage/chauffage, alimentation (introduction d’un nouvel aliment);
*environnement familial (tabagisme, maltraitance, conditions psychosociales), contage infectieux.
Description sémiologique du malaise : avant/pendant/après (tableau 66.4).
Tableau 66.4
Description sémiologique du malaise.
Avant
–Contexte : prise de biberon ou change (RGO), repas (corps étranger, allergie), coucher, sommeil
–Environnement : témoins, lieu, position de l’enfant
–Prodromes : fièvre et/ou syndrome infectieux, troubles digestifs, modification du comportement
Pendant
–Signes fonctionnels d’orientation
–Signes de gravité clinique éventuels
–Chronologie, durée des symptômes
Après
–Récupération : spontanée ou aidée, rapide ou lente
–Suivi : stabilisation ou récidive immédiate
–Délai écoulé entre l’épisode et la consultationExamen clinique
L’examen clinique doit être complet, avec notamment : la mesure du périmètre crânien, la recherche de bruits respiratoires, d’hématomes, d’ecchymoses, de rétrognathisme, de palais ogival. L’enfant est observé durant son sommeil et durant un repas lacté (succion-déglutition).
Cet examen est le plus souvent normal à distance de l’épisode (au moment de la consultation); ce qui ne permet d’exclure aucune cause, notamment neurologique
3 Enquête paraclinique
Aucun bilan paraclinique (en dehors des examens à l’arrivée de l’enfant aux urgences) ne doit être prescrit de manière systématique. L’enquête paraclinique à visée étiologique doit être orientée par les données anamnestiques et cliniques. Un dosage de toxiques (prélèvements urinaires et/ou sanguins) peut être réalisé selon contexte et/ou si l’enfant a des troubles du comportement ou de la conscience.
En cas d’orientation vers une cause neurologique, il faut discuter :
*ammoniémie et gaz du sang + lactate (si possible dès l’admission);
*EEG;
*imagerie cérébrale : TDM/IRM;
*fond d’œil.
Un holter cardiaque est indiqué en cas de :
*existence d’anomalies à l’ECG (troubles du rythme, troubles de conduction);
*récidives de malaise sans étiologie retrouvée.
Raisonner selon : « avant/pendant/après » le malaise.
C Mesures préventives
Identifier la cause du malaise a un intérêt pronostique majeur.
Le pronostic du malaise est celui de l’affection sous-jacente, qu’il faut traiter pour prévenir les récidives. Dans tous les cas, les parents doivent avoir compris les mécanismes physiopathologiques de l’événement, la cause retenue et le traitement prescrit.
On rappellera de manière systématique les consignes de prévention de la MIN.
Le pronostic de l’épisode est celui de l’affection causale.
Avant de commencer…
Le choc septique est une affection rare du nourrisson et de l’enfant, dont la mortalité reste élevée, dépendant de l’étiologie mais aussi des caractéristiques (comorbidités) de chaque patient.
En pratique, il faut considérer le choc septique comme un processus physiopathologique d’inadéquation entre les apports et la consommation d’oxygène par les organes, l’hypotension ne constituant que le stade tardif et décompensé de l’insuffisance circulatoire.
Sa reconnaissance précoce, essentiellement clinique, et la mise en route rapide d’un traitement adapté diminuent significativement la mortalité.
La prise en charge thérapeutique initiale, pré- ou intra-hospitalière, repose sur l’oxygénothérapie, l’expansion volémique et l’antibiothérapie probabiliste, synergique et bactéricide la plus précoce possible.
I Pour bien comprendre
A Préambule
Malgré les progrès thérapeutiques des dernières décennies, la mortalité du choc septique chez l’enfant reste encore comprise entre 10 et 20 % dans les pays à ressources économiques élevées mais a tendance à diminuer globalement, ainsi qu’avec l’âge.
Le choc septique est l’une des étapes ultimes d’un continuum physiopathologique conduisant de l’effraction d’une structure normalement stérile par un organisme pathogène (bactérie, parasite, virus, champignon) à la défaillance multiviscérale et au décès.
Anticiper une possible aggravation, c’est intégrer la nécessité d’un traitement précoce afin de tenter de rompre au plus tôt la cascade évolutive. Ce traitement, dont la première heure est essentielle (golden hour), repose sur une antibiothérapie probabiliste bactéricide et synergique, prescrite selon les données bactériologiques épidémiologiques de chaque tranche d’âge, et des mesures symptomatiques pour empêcher ou corriger l’insuffisance circulatoire.
Des recommandations internationales pédiatriques (Surviving Sepsis Campaign, 2020) ont été proposées et distinguent deux types d’insuffisance circulatoire chez l’enfant :
*choc septique : infection sévère associée à une dysfonction cardiovasculaire, incluant l’hypotension OU le besoin de drogues vasoactives OU une insuffisance circulatoire (l’hypotension n’est donc pas nécessaire pour définir le choc septique en pédiatrie);
*dysfonction d’organe associée au sepsis : infection sévère associée à une dysfonction cardiovasculaire ET/OU une dysfonction d’organe autre.
B Épidémiologie
1 Principales infections
En plus des infections communautaires survenant chez des enfants sans passé médical (bronchopneumonies, infections urinaires, infections neuroméningées, purpura fulminans), les comorbidités prennent une place importante en pédiatrie (immunodépression sévère, syndrome polymalformatif, hospitalisations prolongées et répétées, nutrition parentérale prolongée sur cathéter central) en particulier dans les formes les plus graves.
Principaux sites d’infection par ordre de fréquence décroissante = arbre bronchopulmonaire : pneumonies (40 %); sang : bactériémies (25 %); arbre urinaire : pyélonéphrites; abdomen : péritonite; tissus mous : dermohypodermites et fasciites nécrosantes; système nerveux central : encéphalite, méningite; cœur : endocardite.
2 Principaux germes
De la naissance à l’âge de 3 mois
Les principaux germes sont : Streptococcus agalactiae et Escherichia coli.
Listeria monocytogenes est devenue exceptionnelle.
Le nourrisson âgé de moins de 3 mois et a fortiori celui de moins de 6 semaines, fébrile, sans point d’appel, est à haut risque d’infection bactérienne sévère. Ces situations requièrent une prise en charge spécifique avec une enquête infectieuse minutieuse et, selon le contexte, une enquête paraclinique ± antibiothérapie parentérale probabiliste (voir chapitre 29).
Entre les âges de 3 mois et 2 ans
Les germes les plus souvent rencontrés dans les infections communautaires sont : Streptococcus pneumoniae, Nesseiria meningitidis B.
Haemophilus influenzae b a pratiquement été éradiqué par la vaccination.
Les infections fongiques occupent une place prépondérante chez l’immunodéprimé. Dans 20 à 30 % des cas, l’infection reste non identifiée.
Tout nourrisson fébrile doit être déshabillé entièrement lors de l’examen à la recherche d’une tâche purpurique (voir § IV. Particularités du choc méningococcique de type purpura fulminans).
Après l’âge de 2 ans
Les bactéries le plus souvent isolées sont : Neisseiria meningitidis, les entérobactéries comme Escherichia coli, ainsi que Streptococcus pneumoniae, les streptocoques β-hémolytiques du groupe A et Staphylococcus aureus.
Streptococcus pneumoniae est impliqué dans des pathologies infectieuses sévères (méningites, pleuropneumonies) en lien surtout avec des sérotypes non inclus dans le vaccin.
Streptocoque β-hémolytique du groupe A est responsable d’un nombre important de pathologies sévères (fasciites nécrosantes, choc toxique streptococcique, septicémies, etc.).
Staphylococcus aureus d’origine communautaire est susceptible de sécréter une toxine très pathogène (Panton-Valentine) et d’être responsable de choc toxinique et de pneumonies nécrosantes sévères caractérisées par une érythrose diffuse, une grande vasoplégie (pression artérielle diastolique effondrée, inférieure à la moitié de la pression artérielle systolique) aggravée par une importante hypovolémie par pertes liquidiennes abondantes (fièvre élevée, diarrhée et vomissements).
C Physiopathologie
Comme tout état de choc, le choc septique est caractérisé par une dysoxie, c’est-à-dire une inadéquation entre les apports et les besoins en oxygène de l’organisme.
On considère que la survenue d’un état de choc septique est liée à une réponse antiinflammatoire de l’hôte trop importante au regard du foyer infectieux initial et de la stimulation inflammatoire localisée. Cette réponse anti-inflammatoire devenue rapidement systémique et non plus localisée au seul foyer infectieux va stimuler la cascade de l’hémostase en entraînant une coagulation intravasculaire disséminée qui va modifier les qualités de la microcirculation et donc de l’extraction d’oxygène.
Cette carence énergétique cellulaire, si elle se prolonge, conduit à des lésions tissulaires irréversibles et à la défaillance multiviscérale. Comme chez l’adulte, le risque de décès lors d’un choc septique est nettement augmenté au-delà de trois défaillances d’organe simultanées.
Mortalité du choc septique chez l’enfant : 10 à 20 %.
Considérer le choc septique comme un processus physiopathologique d’inadéquation entre les apports et la consommation d’oxygène par les organes, l’hypotension ne constituant que le stade tardif et décompensé de cette insuffisance circulatoire.
III Prise en charge d’un choc septique
A Premières mesures urgentes
1 Mesures générales
- Monitorage non invasif : FR, FC, PA, SpO2.
*Oxygénothérapie systématique au masque à haute concentration quelle que soit la SpO2 afin d’optimiser la délivrance tissulaire d’O2.
2 Points cardinaux de la prise en charge du choc septique
Obtention rapide de deux voies d’abord veineux de bon calibre ou voie intraosseuse
Une voie d’abord doit être obtenue dès les premières minutes de prise en charge. Si le délai d’obtention de la voie est jugé trop long ou difficile (nourrisson ou vasoplégie périphérique) ou en cas de temps de pose supérieur à 5 minutes, il faut mettre en place une voie d’abord intraosseuse.
La voie intraosseuse a tous les avantages d’une voie centrale, mais est plus rapide et plus simple à poser. Une seconde voie d’abord, veineuse, est ensuite posée dès que possible.
Obtention d’une hémoculture avant toute antibiothérapie
Initiation d’une antibiothérapie
Antibiothérapie probabiliste intraveineuse synergique et bactéricide : C3G ± aminoside.
Elle doit être débutée le plus rapidement possible, dans l’heure en cas de choc septique ou dans les 3 heures en cas de dysfonction d’organe associée au sepsis.
Mesure du lactate artériel ou veineux
Le lactate est un marqueur de la dysoxie tissulaire, mais il n’est pas spécifique du choc septique. On visera une normalisation du lactate au cours de la prise en charge (< 2 mmol/l).
Expansion volémique
Elle doit se faire avec un soluté cristalloïde isotonique, en utilisant préférentiellement un soluté balancé (Ringer lactate, PlasmaLyte, Isofundine) plutôt que le sérum physiologique NaCl 0,9 %. Les solutés balancés sont des solutés avec une composition plus proche de celle du plasma humain en termes de chlore que les solutés non balancés, qui sont susceptibles d’induire une acidose hyperchlorémique, elle-même facteur de risque de mortalité. La dose de chaque remplissage est de 10 ml/kg (sans dépasser 500 ml). Dans la première heure de prise en charge, une expansion volémique de 40 à 60 ml/kg doit être entreprise aussi rapidement que la voie d’abord le permet, à renouveler selon l’efficacité de la réponse thérapeutique et la tolérance hémodynamique (réserve de précharge, échographie cardiaque).
Soutien hémodynamique par amines vasopressives
Il faut débuter des drogues vasoactives en cas de persistance de signes d’insuffisance circulatoire après 40 ml/kg d’expansion volémique ou d’emblée en cas d’hypotension initiale. Il ne faut pas retarder l’administration de drogues vasoactives en l’absence de voie veineuse centrale. Les médicaments privilégiés sont l’adrénaline et la noradrénaline. Leur administration est possible en cas d’urgence sur une VVP ou une intraosseuse. Elle doit être titrée de manière très rapprochée (3 à 5 minutes) jusqu’à obtenir une PAS et une PAM supérieure au 5e percentile pour l’âge (cf. chapitre 65).
B Examens complémentaires de première ligne
Examens biologiques :
*glycémie capillaire puis plasmatique : recherche d’une hypoglycémie, facteur de très mauvais pronostic chez l’enfant, en particulier chez le nourrisson;
*NFS et bilan d’hémostase : leuconeutropénie ou leucocytose importante, thrombopénie, coagulation intravasculaire disséminée (CIVD);
*ionogramme sanguin : hypo- ou hypernatrémie en cas de déshydratation aiguë, hypocalcémie (calcémie ionisée), hyperkaliémie en cas d’insuffisance rénale aiguë;
*urée et créatinine plasmatiques : insuffisance rénale aiguë fonctionnelle;
*gaz du sang : acidose métabolique plus ou moins compensée avec lactates plasmatiques augmentés;
*lactatémie : meilleur témoin actuel de la dysoxie et de l’hypoperfusion tissulaire et important marqueur évolutif en cours de traitement;
*CRP, ± PCT : syndrome inflammatoire.
Examens bactériologiques systématiques et orientés selon la clinique, idéalement quand cela est possible avant toute injection d’antibiotiques :
*hémocultures, PCR, antigénémie;
*examen du LCS : ponction lombaire formellement contre-indiquée si état de choc; l’antibiothérapie probabiliste sera initiée à doses méningées et la PL différée;
*ECBU dès récupération d’une diurèse (recueil des urines essentiel également pour rechercher une décompensation de maladie sous-jacente : maladie métabolique, par exemple);
*coproculture;
*selon le point d’appel : prélèvement de lésion cutanée, écouvillonnage du point d’insertion d’un cathéter central, prélèvement intrapéritonéal lors du passage au bloc opératoire.
Imagerie :
*radiographie du thorax : recherche d’un foyer infectieux, très fréquente réduction de l’index cardiothoracique confirmant l’importance de la composante hypovolémique de l’état de choc septique;
*échographie cardiaque dès l’admission en réanimation si nécessité de drogues vasoactives.
C Modalités de surveillance
Principes généraux :
*transfert médicalisé systématique;
*hospitalisation en surveillance continue ou en réanimation pédiatrique;
*diurèse horaire, FC, FR, PA, SpO2, score de Glasgow adapté à l’âge;
*évaluation de l’efficacité et de la tolérance des traitements entrepris.
Un examen clinique identique à celui à l’admission et ayant permis de confirmer l’état de choc doit être réalisé à la fin de chaque remplissage vasculaire, afin de vérifier la correction des signes de choc et démasquer des signes d’insuffisance cardiaque. On recherche l’apparition d’un galop, de râles crépitants et d’une hépatomégalie avec reflux hépatojugulaire.
Il est indispensable de fixer des objectifs d’efficacité de la prise en charge : normalisation de la conscience en cas d’altération, normalisation de la FC et de la PA (moyenne et systolique) pour l’âge, pH > 7,2 et lactatémie < 2 mmol/l, diurèse > 1 ml/kg/heure (idéalement 2 ml/kg/heure), glycémie > 3 mmol/l, calcémie > 2 mmol/l, dépistage de complications (CIVD ou autres défaillance d’organes).
Concernant l’antibiothérapie probabiliste, celle-ci sera adaptée en cas d’éventuelle identification bactériologique puis à l’aide de l’antibiogramme. Cette réévaluation secondaire (adaptation, arrêt) est essentielle pour optimiser son utilisation et limiter la pression de sélection.
Points cardinaux de la prise en charge du choc septique chez l’enfant : voie d’abord veineuse rapide ou voie intraosseuse, hémoculture, mesure du lactate artériel ou veineux, antibiothérapie probabiliste intraveineuse dès la 1re heure de prise en charge, expansion volémique par soluté cristalloïde isotonique balancé, soutien hémodynamique par amines vasopressives.
Vérifier la correction des signes de choc et chercher les signes de démasquage d’une insuffisance cardiaque après chaque remplissage.
Répétition régulière de l’examen clinique et de certains examens complémentaires pour évaluer la réponse aux traitements entrepris
IV Particularités du choc méningococcique de type purpura fulminans
A Généralités
Le purpura fulminans est une situation clinique exigeant un traitement antibiotique instantané sans chercher à réunir au préalable les éléments biologiques en faveur du diagnostic. Il s’agit habituellement d’un choc septique très grave engageant le pronostic vital mais aussi fonctionnel (amputation possible sur nécrose des membres).
Les deux pics d’incidence du purpura fulminans sont le nourrisson âgé de moins de 1 an et le jeune adulte de 15 à 20 ans.
Essentiellement dÛ à Neisseria meningitidis dont les sérogroupes les plus fréquents sont A, B, C, Y, W135, il peut aussi survenir suite à une infection à Streptococcus pneumoniae, parfois même à Staphylococcus aureus. En France, les sérogroupes les plus fréquemment responsables d’infections invasives à méningocoque (essentiellement les méningites et le purpura fulminans) sont, par ordre décroissant, les sérogroupes B, C et W135. Les purpuras fulminans à méningocoque C seraient potentiellement plus sévères.
Il existe une vaccination contre les sérogroupes A, C, Y, W135 (vaccin conjugué tétravalent) recommandée par la Société américaine de pédiatrie. En France, les vaccinations contre le sérogroupe C (vaccin conjugué monovalent) et contre le sérogroupe B (vaccin sous-unitaire protéique) sont recommandées en population générale.
C Mesures de prophylaxie
L’enquête des sujets contacts sera faite par l’Agence régionale de santé qui doit être prévenue au plus tôt par le médecin en charge de l’enfant, c’est-à-dire dès la suspicion de l’origine méningococcique du purpura fulminans, même si celle-ci n’est pas confirmée.
Seules les personnes en contact étroit avec les sécrétions oropharyngées du patient (bouche-à-bouche, intubation sans masque avant la première dose d’antibiotique) ou ayant demeuré longuement (plus de 2 heures) à moins de 1 mètre du patient sont à risque de contamination et doivent bénéficier d’une prophylaxie (circulaire DGS/5C n° 2006-458 du 23 octobre 2006 relative à la prophylaxie des infections invasives à méningocoque).
Le purpura fulminans, comme toutes les infections invasives à méningocoque, est une maladie à déclaration obligatoire.
Purpura fulminans : urgence diagnostique et thérapeutique.
Antibiothérapie immédiate IV ou IM à la moindre suspicion clinique (purpura nécrotique en son centre d’au moins 3 mm de diamètre et/ou rapidement extensif dans un contexte d’altération générale fébrile) avant toute confirmation bactériologique (C3G, doses à connaître).
Transfert médicalisé vers un centre de réanimation pédiatrique.
Avant de commencer…
Les troubles de conscience correspondent à une altération aiguë et globale des fonctions mentales se caractérisant essentiellement par un état confusionnel.
Le coma est une abolition prolongée (plus de 1 heure) de la vigilance ou de l’éveil avec disparition des activités de veille et incapacité de se réveiller (à la différence du sommeil).
Dans ces deux situations, la prise en charge hospitalière urgente implique :
*la recherche de signes de gravité menaçant le pronostic vital à court terme;
*une démarche étiologique rationnelle selon le contexte, la fréquence et/ou l’existence d’un traitement urgent.
Cet item est très transversal avec d’autres chapitres, par exemple :
*nourrisson comateux au décours d’une maltraitance (syndrome du bébé secoué) ou après un traumatisme crânien accidentel;
*enfant confus dans le cadre d’une méningo-encéphalite;
*adolescent comateux suite à une intoxication endogène (acidocétose diabétique) ou exogène (intoxication médicamenteuse volontaire).
Pour bien comprendre
A Généralités
Les causes de coma sont dominées par les infections neuroméningées, les intoxications et troubles métaboliques, et les atteintes du système nerveux central dont la fréquence augmente avec l’âge. La mortalité dépend de l’âge et de l’étiologie.
B Définitions
L’éveil est commandé par la formation réticulée du tronc cérébral, noradrénergique, qui, via l’hypothalamus, les thalamus et les structures hémisphériques sous-corticales, permet la restauration et le maintien de la vigilance.
La perception consciente désigne la conscience de soi-même et de son environnement et dépend des hémisphères cérébraux et des noyaux profonds.
L’état confusionnel est une altération aiguë ou subaiguë de la conscience prédominant sur la perception consciente, perturbant la vie de relation, avec désorientation temporospatiale, troubles de la mémoire, ralentissement idéomoteur, perte de contrôle de soi.
Le coma est une abolition prolongée de la vigilance ou de l’éveil, définie par l’absence d’éveil spontané ou provoqué, et prolongé pendant au moins une heure. Il peut résulter d’une lésion anatomique ou de lésions fonctionnelles touchant le tronc et/ou les hémisphères cérébraux.
C Diagnostics différentiels
ls sont généralement précisés par un examen clinique complet, parfois associé à un électroencéphalogramme : mutisme akinétique, état végétatif, paralysies centrales (locked-in syndrome) ou périphériques (botulisme), troubles psychogènes (simulation, hystérie).
II Prise en charge d’un état confusionnel et de troubles de la conscience
A Examen clinique
1 Recherche de signes de gravité menaçant le pronostic vital
Signes de défaillance cardiorespiratoire
État de choc
Peut être en partie responsable d’une confusion ou coma par baisse du débit sanguin cérébral.
L’apparition de troubles de conscience dans un état de choc signe que le choc est décompensé et requiert une action thérapeutique immédiate et un renfort réanimatoire.
Insuffisance respiratoire
Tout trouble de conscience menace la liberté et l’ouverture des voies aériennes. Les premiers gestes consistent à ouvrir, libérer et sécuriser les voies aériennes.
Recherche de signes d’épuisement hypercapnique (HTA, alternance agitation-somnolence, sueurs), parfois d’apnées ou de pauses respiratoires, de dyspnée de Kussmaul évocatrice d’acidose métabolique (respiration ample), à l’inverse d’hypoventilation évocatrice d’une intoxication par des médicaments dépresseurs des centres respiratoires.
Anomalies neurologiques
Perte de l’intégrité des commandes vitales, signes d’HTIC, coma Glasgow < 8.
Respirations pathologiques
Certains types de respirations pathologiques peuvent avoir une valeur et sont toujours le signe d’un dysfonctionnement sévère : respiration de Cheynes-Stokes (mouvements respiratoires d’amplitude variable avec alternance régulière de périodes d’apnée et d’hyperpnée), hyper-ventilation centrale, respiration apneustique (pauses en inspiration ou en expiration) ou ataxique (irrégulière, anarchique).
Anomalies des réflexes du tronc cérébral
Réflexes photomoteurs direct et consensuel, oculomotricité, réflexe cornéen, réflexes de protection des voies aériennes supérieures.
Asymétrie pupillaire fixe = signe de gravité : anomalie lésionnelle + coma = HTIC possible + retentissement sur le tronc cérébral.
Anomalies du contrôle de la motricité
Une réactivité stéréotypée en « décortication » (flexion bilatérale des membres supérieurs et extension bilatérale des membres inférieurs) signe une lésion extensive hémisphérique bilatérale. Une réactivité stéréotypée en « décérébration » (extension des quatre membres) évoque une lésion extensive du mésencéphale.
Signes d’hypertension intracrânienne
Chez le nourrisson : augmentation du périmètre crânien, disjonction des sutures, phénomène des yeux en « coucher de soleil », bombement de la fontanelle antérieure.
Chez l’enfant plus âgé : céphalées, vomissements répétés, ophtalmoplégie, irritabilité, confusion ou agitation, ophtalmoplégie externe (VI) non localisatrice, convulsions.
À un stade décompensé : aggravation rapide des troubles de la vigilance, anomalies pupillaires, troubles respiratoires, troubles circulatoires (association très évocatrice de bradycardie et d’HTA ± troubles respiratoires = triade de Cushing).
À un stade plus ultime, signes d’engagement menaçant le pronostic vital immédiat et justifiant une prise en charge en extrême urgence : temporal (mydriase unilatérale aréactive), occipital avec signes dépendant du niveau de souffrance (diencéphalique : myosis, réactivité motrice en décortication, respiration de Cheynes-Stokes et mouvements pendulaires des yeux; mésencéphalique : semi-mydriase aréactive, réactivité motrice en décérébration, hyperventilation centrale; bulbaire : mydriase bilatérale aréactive, absence de réactivité motrice, apnée ou respiration apneustique).
Profondeur du coma
Évaluation possible grâce à plusieurs échelles semi-quantitatives, la plus utilisée étant le score de Glasgow (voir tableau 71.1), dont il existe une version adaptée aux plus jeunes enfants.
Peu précises et reproductibles aux valeurs intermédiaires, elles gardent un intérêt certain dans l’évaluation initiale et le suivi évolutif. Certaines intègrent les réflexes du tronc cérébral (FOUR score).
2 Examen somatique complet
Examen neurologique :
*score de Glasgow;
*périmètre crânien, examen de la fontanelle (âge < 12 mois); signes d’HTIC (voir supra);
*ROT, signes de localisation;
*symétrie et réactivité pupillaire, oculomotricité;
*syndrome méningé.
Examen général :
*pathologie cardiovasculaire connue (crise hypertensive, cardiopathie congénitale);
*constantes dont SpO2, signes d’hypoventilation alvéolaire;
*signes de mauvaise perfusion périphérique, signes de choc;
*signes cutanéomuqueux (pâleur, ictère, purpura); identification de traumatismes extériorisés (hématomes, fractures, déformations, brÛlures);
*toxidromes orientant vers une classe spécifique de toxiques (médicaments au domicile).
Premiers examens au lit du patient : glycémie et cétonémie capillaires; BU; ECG.
Signes de gravité majeurs : défaillance cardiorespiratoire, perte de l’intégrité des commandes vitales, HTIC et coma profond.
B Mesures thérapeutiques urgentes
La prise en charge des défaillances vitales doit viser à maintenir les fonctions vitales, respiratoires, hémodynamiques et neurologiques. La séquence ABCDE (« A » = Airways : voies aériennes, « B » = Breath : respiration, « C » = Circulation : circulation, « D » = Disability : état neurologique, « E » = Exposure : environnement) guide l’évaluation systématique du patient (fig. 68.1).
La décision de mettre en place une ventilation invasive chez un enfant comateux repose sur : la capacité à protéger ses voies aériennes supérieures, le délai estimé de récupération, la profondeur du coma (Glasgow < 8), l’HTIC, l’existence d’un état de choc.
La prise en charge d’un engagement cérébral est une extrême urgence : utilisation d’agents hyperosmolaires et d’un traitement étiologique rapide.
Maintien des fonctions vitales, réévaluation régulière, ventilation invasive si nécessaire. Cerner ensuite rapidement les causes fréquentes et/ou traitables.
C Enquête paraclinique
1 Examens biologiques
Bilan de première ligne :
*glycémie veineuse;
*ionogramme plasmatique, fonction rénale;
*CPK, bilan phosphocalcique;
*NFS-plaquettes, bilan d’hémostase;
*bilan infectieux avec hémocultures si fièvre;
*gaz du sang avec mesure de la carboxyhémoglobine, lactate sanguin, ammoniémie;
*dosage des toxiques urinaires et sanguins.
L’examen du LCS doit être systématique en cas de fièvre à la recherche d’une méningite ou d’une encéphalite, et doit être discuté devant un patient apyrétique sans diagnostic immédiat ni symptôme d’HTIC ou autres contre-indications (cf. chapitre 37 « Méningites et méningoencéphalites »).
Une bilan de seconde ligne est à discuter après avis spécialisé (bilan infectieux, métabolique et toxique plus large).
2 Imagerie cérébrale
L’imagerie cérébrale s’impose en première intention devant un traumatisme crânien, mais également en cas de signes d’HTIC ou de localisation persistants.
L’examen de choix est la TDM cérébrale, sans puis avec injection de produit de contraste en
l’absence de contre-indications et toujours chez un patient stabilisé.
Une IRM cérébrale et parfois médullaire doit être discutée au cas par cas.
Le doppler transcrânien, bien qu’uniquement validé pour la prise en charge des traumatisés crâniens, est de plus en plus utilisé pour évaluer un trouble de la vigilance quelle que soit l’étiologie.
3 Électroencéphalogramme
En urgence, cet examen peut mettre en évidence un état de mal convulsif infraclinique.
Bilan étiologique minimum chez un patient stabilisé : glycémie capillaire, BU, bilan biologique de première ligne, examen du LCS au moindre doute en l’absence de contre-indication, TDM cérébrale en cas de traumatisme crânien, de signes d’HTIC ou de signes de localisation persistants.
Orientation diagnostique (fig. 68.1)
1 Principales causes de troubles de la conscience chez l’enfant
Pathologies extraneurologiques
Des signes de défaillance vitale telle qu’une insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique ou hypoxique, un état de choc, une crise hypertensive maligne peuvent conduire à un coma.
Les désordres métaboliques sont fréquents chez l’enfant : hypoglycémies (voir chapitre 8), dysnatrémies, acidocétose diabétique (voir chapitre 7), états hyperosmolaires.
Les intoxications exogènes ont deux pics de fréquence, avant l’âge de 5 ans et à l’adolescence (voir chapitre 69).
Les autres causes sont plus rares : anomalies héréditaires du métabolisme, pathologies endocriniennes, rénales, hépatiques, hématologiques ou générales.
Les pathologies psychiatriques, rares chez l’enfant, doivent rester un diagnostic d’élimination.
Pathologies neurologiques
Les traumatismes crâniens sont de diagnostic le plus souvent évident (voir chapitre 71). Il faut toujours évoquer l’éventualité d’un traumatisme crânien accidentel ou infligé (avec ou non secouement) chez le nourrisson (voir chapitre 10).
Les infections neuroméningées (bactérie, virus, champignon, parasite) constituent le prototype du trouble de la conscience d’origine non traumatique.
L’état de mal épileptique s’accompagne toujours de troubles de la conscience. Le coma postcritique est classique, mais doit être rapidement résolutif. Un état de mal convulsif infraclinique peut être responsable d’un coma prolongé. Des crises convulsives focales peuvent avoir une expression confusionnelle ou psychiatrique (voir chapitre 52).
Les crises fébriles simples n’occasionnent pas de troubles de conscience prolongés.
L’anoxo-ischémie cérébrale est une cause rare mais possible chez le nourrisson et l’enfant.
On retrouve parmi les causes, les jeux de non-oxygénation ou d’évanouissement (voir chapitre 5, V. C)
Les tumeurs cérébrales et accidents vasculaires cérébraux peuvent se révéler par une confusion ou un coma, mais s’accompagnent souvent de signes focaux et/ou d’HTIC (voir chapitre 27).
Causes les plus fréquentes : traumatismes crâniens, infections neuroméningées, intoxications exogènes, troubles hydroélectrolytiques, anoxo-ischémie, convulsions.
2 Conduite pratique
L’enquête étiologique immédiate, fondée sur le contexte, les antécédents, l’âge, l’examen clinique et des examens biologiques de première ligne, peut permettre un diagnostic rapide : hypoglycémie, intoxication exogène, infection neuroméningée, troubles hydroélectrolytiques, anoxo-ischémie. Lorsqu’une infection neuroméningée est suspectée et qu’il existe des contre-indications à la ponction lombaire, un traitement anti-infectieux probabiliste sera entrepris.
L’étape suivante fera appel à des examens complémentaires qui devront être discutés au cas par cas mais toujours chez un patient stabilisé sous surveillance étroite : imagerie cérébrale, EEG, examen du LCS selon les cas.
Avant de commencer…
Ce chapitre aborde les spécificités pédiatriques des situations d’intoxications : particularités épidémiologiques (âge, produits ingérés, circonstances), repérage précoce des signes d’appel souvent peu spécifiques, orientation optimale et premières mesures thérapeutiques.
Deux situations fréquentes seront détaillées : l’intoxication au CO et l’intoxication au paracétamol, pour illustrer l’importance de la prise en charge pré-hospitalière et hospitalière.
I Épidémiologie
A L’enfant
Les intoxications constituent la seconde cause d’accidents de la vie courante chez l’enfant après les traumatismes et devant les brÛlures.
La mortalité infantile par intoxication accidentelle est encore aujourd’hui de 10 à 12 cas par an, essentiellement dans la tranche d’âge des 1 à 4 ans.
B Les produits ingérés
Les produits le plus fréquemment en cause sont répertoriés dans le tableau 69.1.
Tableau 69.1
Produits en cause les plus fréquents.
Médicaments (60 %)
–Paracétamol, benzodiazépines, analgésiques, anti-inflammatoires, antihistaminiques, œstroprogestatifs, antitussifs, décongestionnants
–Antihypertenseurs, antiarythmiques, neuroleptiques
Produits ménagers (25 %)
–Produits javellisant et eau de Javel, liquides vaisselle, produits de lessive
–Produits caustiques
Produits cosmétiques (5–10 %)
Environnement
–Monoxyde de carbone (chauffe-eau mal réglé, chauffage d’appoint)
–Chlore
–Alcool, tabac, produits pour e-cigarettes
–Métaux lourds
–Dérivés pétroliers (white spirit, par exemple)
–Hydrocarbures
–Insecticides, raticides, taupicides
Stupéfiants
–Cannabis
–Cocaïne
–Ecstasy
–Drogues de synthèse
Produits végétaux
–Champignons, baies, plantes
Le produit ingéré accidentellement par le jeune enfant est le plus souvent unique (mais pas toujours); alors que l’intoxication volontaire de l’adolescent(e) (plus fréquente chez la fille) est volontiers polymédicamenteuse. Certaines intoxications sont iatrogènes (surdosage médicamenteux).
Une particularité pédiatrique réside aussi dans le fait que certains produits sont particulièrement dangereux à des posologies faibles (inhibiteurs calciques, clonidine, tricycliques, opiacés, salicylés, sulfamides hypoglycémiants).
C Les circonstances
Le tableau 69.2 situe les principales circonstances identifiées.
Tableau 69.2
Principales circonstances d’intoxication.
Entourage
–Surveillance insuffisante de l’enfant malgré la présence d’un adulte à proximité immédiate (ce qui évite l’ingestion de grandes quantités de produit)
–Mode de garde hors du domicile habituel : amis ou grands-parents
Circonstances
–Horaires : 11–13 h et 18–20 h (préparation des repas)
–Pièces à risque : cuisine, salle de bains et toilettes pour les produits ménagers; salle de bains, chambres avec sacs à main sur le sol, tiroirs de toutes pièces à la portée de l’enfant pour les médicaments
–Situation de maltraitances : administration intentionnelle, Münchhausen
Conditionnement
–Absence de rangement des produits ménagers, avant, pendant ou après utilisation
–Accessibilité des produits stupéfiants
–Transvasement d’un nettoyant dans un récipient à usage alimentaire
–Produits d’entretien parfumés, colorés qui attirent l’attention de l’enfant (par exemple, capsules de lessives)
Le mode d’intoxication est accidentel entre les âges de 1 et 8 ans et plutôt intentionnel après l’âge de 10 ans. Avant 1 an, une erreur d’administration d’un médicament commise par un parent représente 25 % des cas d’intoxications (erreur de dose, médicament inapproprié).
Dans notre cadre professionnel, il est essentiel de prendre en compte les possibles intoxications médicamenteuses iatrogènes.
Intoxication = deuxième cause d’accident de la vie courante chez l’enfant.
Interroger à propos de la liste des médicaments disponibles au domicile.
I Prise en charge d’une intoxication chez l’enfant
A Identifier les situations d’urgence
La majorité des intoxications accidentelles sont bénignes et le plus souvent asymptomatiques (exposition).
Dans plus de 60 % des cas, les situations sont gérées au téléphone par les centres antipoison et les enfants ne requièrent pas de consultation médicale.
Face à une intoxication supposée, il est indispensable d’identifier des signes évocateurs de décompensation respiratoire, hémodynamique et/ou neurologique. La séquence ABCDE (« A » = Airways : voies aériennes, « B » = Breath : respiration, « C » = Circulation : circulation, « D » = Disability : état neurologique, « E » = Exposure : environnement) permet une évaluation systématique du patient et contribue à la prévention d’une décompensation cardiorespiratoire à l’origine d’un possible arrêt cardiaque (voir chapitre 65).
L’intoxication est connue : la prise en charge ambulatoire ou hospitalière conduira à adopter le schéma le plus opportun le plus rapidement possible, aidé par le centre antipoison.
L’intoxication n’est pas connue : garder à l’esprit la possibilité d’une intoxication aiguë devant des symptômes inexpliqués brutaux (notamment neurologique : malaise, somnolence, coma, convulsions, syndrome cérébelleux), des troubles du rythme inexpliqués, une acidose métabolique sans autre cause, un décès inattendu (dont MIN). Passer du temps à interroger la famille. Regarder dans la bouche de l’enfant s’il existe des traces suspectes (sentir, observer les dents et lèvres). Y penser en cas de manifestations collectives.
B Planifier la prise en charge
Règles de base devant une intoxication chez l’enfant :
*avant toute action : appeler le centre antipoison;
*ne rien faire boire, ne pas faire vomir;
*tenir compte de la dose la plus élevée possible qu’a pu prendre l’enfant;
*toujours se méfier d’un autre produit non identifié.
Selon les situations, des prélèvements de sang et d’urines voire de cheveux ou de phanères seront adressés au laboratoire de toxicologie, avec une fiche de renseignements.
Selon le toxique ingéré, un antidote peut être disponible.
C Prévention
*Rangement des produits d’entretien et des médicaments hors de portée des enfants.
*Conditionnements pédiatriques, emballage unitaire des médicaments.
*Généralisation des fermetures sécurisées pour les produits caustiques.
*Distinction des conditionnements pour les aliments et les produits ménagers.
Malaise, somnolence, coma, épisode de convulsions, syndrome cérebelleux, coma chez l’enfant : évoquer une intoxication.
Avis du centre antipoison. Connaître le poids de l’enfant.
Toujours rappeler à la famille les mesures de prévention des accidentsdomestiques.
III Points clés à propos de certaines causes
A Intoxication au CO
1 Généralités
L’intoxication au CO (8 000 cas annuels, dont près de 20 % d’enfants) représente la première cause de décès par intoxication en France.
2 Diagnostic
À évoquer sur des signes d’appel peu spécifiques :
*céphalées, nausées, vertiges, ataxie;
*asthénie, pâleur et agitation chez le nourrisson;
*convulsions, malaise précédé de vomissements, trouble de la conscience;
*chez plusieurs membres de l’entourage;
*à proximité d’une source identifiée de CO, dans la salle de bains ou un garage.
3 Prise en charge
Au domicile :
*appel du 15, envoi d’une équipe médicalisée avec dispositif de détection du CO;
*aération des pièces.
À l’arrivée des secours :
*approche « ABCDE » systématique;
*mesure du CO expiré (à partir de 8 ans);
*mise en condition :
–scope, SpO2 (chiffre sans valeur dans cette intoxication);
–pose d’une voie veineuse périphérique;
*oxygénothérapie immédiate :
–masque à haute concentration (> 8 litres/min) systématique, quelle que soit la SpO2;
–ou intubation/ventilation si troubles de conscience (FiO2 100 %);
Évaluation médicale :
*recherche des signes de gravité :
–troubles de conscience avec trismus, comas, convulsions;
–HTA, hyperthermie, tachycardie;
–détresse respiratoire;
–signes ECG : trouble du rythme ou de la repolarisation;
*identification de facteurs aggravants :
–intoxication aux fumées d’incendie;
–grossesse en cours (adolescente);
–lésions traumatiques associées;
–perte de connaissance;
–HbCO > 15 %.
Prise en charge hospitalière :
*transport médicalisé;
*poursuite de l’oxygénothérapie au masque pendant au moins 12 heures;
*ECG (si non fait), gaz du sang;
*dosage des enzymes cardiaques (troponine) à partir de 8 ans;
*dosage des β-hCG chez l’adolescente pubère.
Indications d’une oxygénothérapie hyperbare, en urgence avant H6 :
*perte de connaissance même brève;
*troubles de la conscience, convulsions, anomalies de l’examen neurologique;
*défaillance cardiocirculatoire, troubles du rythme cardiaque, anomalies ECG;
*persistance des symptômes initiaux malgré 90 minutes sous O2 normobare;
*grossesse.
Suivi neurologique à 1 mois systématique :
*possibilité d’un syndrome post-intervallaire entre 2 et 40 jours (rarissime chez l’enfant non pubère) :
–troubles de l’humeur et/ou du comportement, troubles du sommeil;
–céphalées chroniques, crises convulsives;
*séquelles possibles : troubles cognitifs, trouble de la mémoire, céphalées intermittentes.
Malaise et/ou céphalées et symptômes dans l’entourage : toujours évoquer une intoxication au CO.
Prise en charge : oxygénothérapie au masque et suivi neurologique systématiques.
B Intoxication au paracétamol
1 Généralités
Le paracétamol est le traitement antipyrétique et antalgique le plus prescrit chez l’enfant, d’où sa grande disponibilité au domicile.
Le paracétamol est métabolisé par le foie en métabolites conjugués non toxiques. Environ 5 à 10 % du paracétamol sont oxydés par le cytochrome P450 en un métabolite appelé NAPQI, toxique mais inactivé en situation physiologique par le glutathion.
À doses toxiques, la fonction protectrice du glutathion est débordée et le NAPQI dénature les protéines de l’hépatocyte induisant une hépatite centrolobulaire. Le risque toxique est plus élevé chez le grand enfant et l’adolescent par saturation de la glycuronoconjugaison, comparé au nourrisson (sulfoconjugaison plus développée).
2 Diagnostic
La dose toxique théorique est, pour une dose ingérée unique, supérieure à 150 mg/kg chez l’enfant d’âge ≥ 6 ans (voire 100 mg/kg en cas de facteurs de risque ou autre médicament ingéré) ou à 250 mg/kg chez l’enfant d’âge < 6 ans en l’absence d’atteinte hépatique antérieure connue.
Un surdosage non pris en charge conduit à une évolution en deux phases :
*phase initiale (jusqu’à H6) paucisymptomatique : signes digestifs non spécifiques (vomissements, hépatalgie);
*phase secondaire (début après H12, maximale à H48) : majoration des signes digestifs, neurologiques et désordres biologiques (transaminases, coagulation).
Moins de 1 % des enfants intoxiqués développent une hépatite fulminante.
Le dosage biologique doit idéalement être effectué à H4 de la prise médicamenteuse (H2 pour les formes liquides chez le jeune enfant). Un bilan hépatique complet avec TP et un dosage de la fonction rénale doivent être réalisés.
3 Prise en charge
Dès le début de prise en charge :
*approche « ABCDE » systématique;
*mise en condition et surveillance régulière.
Le traitement spécifique repose sur la reconstitution des stocks hépatiques de glutathion par l’administration d’un précurseur : la N-acétylcystéine (NAC), par voie orale ou intraveineuse.
L’indication de son administration dépend du délai post-ingestion :
*en cas d’ingestion inférieure à 8 heures : la NAC est administrée après l’obtention de la paracétamolémie et la vérification qu’elle se situe en zone toxique sur le nomogramme de Rumack-Matthew :
–âge < 6 ans, cas d’une dose ingérée toxique (≥ 250 mg/kg) :
–paracétamolémie à H2 de la prise (forme liquide) ou H4 sinon;
–si paracétamolémie à H2 > 225 μg/ml ou si paracétamolémie en zone toxique à H4 sur le nomogramme : commencer le protocole NAC;
–âge ≥ 6 ans, cas d’une dose ingérée toxique (≥ 150 mg/kg) :
–si enfant vu avant H2 par rapport à la prise : charbon activé;
–si paracétamolémie en zone toxique à H4 sur le nomogramme : commencer le protocole NAC;
–si poly-intoxication avec inducteurs enzymatiques associés : commencer le protocole NAC jusqu’au résultat de la paracétamolémie de H4 et si la paracétamolémie est non toxique, stopper la NAC;
*en cas d’ingestion supérieure à 8 heures ou d’heure inconnue : commencer le protocole NAC dans tous les cas et l’arrêter si la paracétamolémie, faite entre H4 et H15, est en zone non toxique sur le nomogramme.
La NAC doit être poursuivie tant que la paracétamolémie est en zone toxique (par rapport à l’heure de prélèvement) et/ou que persiste une augmentation des transaminases hépatiques.
La durée du traitement est de 21 ou 48 heures en IV selon les schémas, 72 heures en per os, en cas d’intoxication avérée par les dosages sanguins, interprétés selon le nomogramme.
Dose toxique théorique chez l’enfant = dose ingérée unique > 150 à 250 mg/kg en fonction de l’âge.
Prise en charge urgente : N-acétylcystéine, réévaluation en fonction de la paracétamolémie à H4.
Avant de commencer…
La boiterie correspond à une anomalie récente de la marche (à distinguer des troubles de la démarche anciens ou apparus depuis l’acquisition de la marche), qui devient asymétrique.
Elle témoigne, le plus souvent, d’une pathologie sous-jacente responsable d’une douleur à l’appui sur le membre inférieur (boiterie d’esquive).
L’orientation étiologique repose sur l’anamnèse, une observation de la boiterie et un examen physique des membres inférieurs et du tronc. Les examens complémentaires seront demandés en fonction des données cliniques.
L’urgence est d’éliminer les causes les plus graves ou nécessitant un traitement urgent (fracture, infection ostéoarticulaire à tout âge surtout en cas de syndrome infectieux, épiphysiolyse de hanche chez l’adolescent, très rarement tumeur osseuse ou hémopathie).
L’âge de l’enfant est déterminant, la majorité des pathologies orthopédiques de l’enfant (infectieuses ou non) ayant leur âge de prédilection.
I Stratégie diagnostique
A Interrogatoire
Concernant l’enfant :
*âge : essentiel à l’orientation;
*antécédents (pathologie néonatale de type prématurité ou asphyxie périnatale, drépanocytose, obésité);
*évaluation de l’impotence fonctionnelle en fonction du développement neuromoteur attendu compte tenu de son âge (voir chapitre 3).
Circonstances :
*contexte infectieux : fièvre, porte d’entrée cutanée (plaie, varicelle), infection ORL récente;
*traumatisme récent (chute), corps étranger du pied.
Symptomatologie :
*caractéristiques de la boiterie : survenue brutale ou progressive, ancienneté, évolution, caractère permanent ou intermittent;
*si douleur : date d’apparition; localisation parfois difficile à préciser chez le nourrisson;
*si fièvre : caractéristiques évolutives de la fièvre et état général.
Pièges diagnostiques :
*douleurs du genou secondaires à une atteinte de la hanche (douleurs projetées);
*un épisode traumatique antérieur (chute et/ou coup), banal et quotidien chez les enfants, est souvent évoqué par les parents comme cause de l’impotence fonctionnelle : le médecin doit rester vigilant dans sa démarche diagnostique;
*un psoïtis est susceptible d’entraîner des difficultés à la marche (par exemple, appendicite).
B Examen clinique
1 Chez le petit enfant
L’origine précise de la boiterie ou de la douleur n’est pas facilement repérable. L’examen doit donc adopter une méthode très systématique à la recherche du siège de la douleur chez un enfant dévêtu et déchaussé.
L’observation de la boiterie est essentielle :
*dans la boiterie d’épaule ou d’équilibration, qui traduit une pathologie chronique de la hanche avec souvent insuffisance des muscles fessiers, les épaules basculent à chaque appui du côté pathologique;
*dans la boiterie d’esquive, qui est antalgique, l’enfant évite ou raccourcit le temps d’appui du côté pathologique et déporte le poids de son corps du côté opposé.
On recherche ensuite une attitude vicieuse du membre inférieur (position anormale en statique ou à la marche), une lésion cutanée, en particulier au niveau de la plante du pied.
Une amyotrophie quadricipitale est un signe d’organicité et d’ancienneté.
La palpation de tout le membre inférieur doit être méthodique, en commençant par son extrémité distale et en remontant jusqu’à la hanche.
La diaphyse tibiale est palpée avec une attention particulière (possible fracture sous-périostée); on lui imprime aussi un mouvement de torsion. Les métaphyses sont toutes examinées (douleur à la palpation, augmentation de la chaleur locale, voire rougeur, mais aussi découverte d’une tuméfaction). La douleur osseuse de l’infection est dite « exquise », c’est-à-dire qu’elle peut être aussi intense qu’une douleur de fracture à la palpation.
La mobilisation des articulations recherche une douleur provoquée ou un déficit d’amplitude comparativement au côté opposé. Dans les atteintes de hanche, l’abduction et la rotation interne sont limitées. Un épanchement du genou se traduira par un comblement du cul-de-sac sous-quadricipital et un choc rotulien.
On recherche enfin une douleur à la palpation ou une raideur au niveau du rachis. Le refus de la station assise est parfois le seul signe objectif d’atteinte du rachis chez le petit enfant; une rigidité segmentaire du rachis est un excellent signe d’orientation.
L’examen neurologique, systématique dans le cadre d’une boiterie, recherche une marche en équin, teste le tonus musculaire, la force musculaire, les réflexes ostéotendineux.
L’examen cutané recherche des ecchymoses, une porte d’entrée infectieuse, une plaie.
L’examen général est systématique (état septique, palpation abdominale…).
2 Chez le grand enfant et l’adolescent
L’examen, mené selon la même chronologie, peut se focaliser sur la région douloureuse identifiée. Ne jamais oublier que les douleurs de hanche peuvent être projetées vers le genou.
C Enquête paraclinique
Le bilan complémentaire est fonction des données de l’examen clinique.
1 Imagerie
Les radiographies (face et profil) sont centrées sur la zone douloureuse identifiée; si la clinique ne peut localiser la douleur, l’ensemble du membre sera radiographié (pas de clichés comparatifs).
Dans les ostéomyélites aiguës, elles sont normales au stade initial.
Dans les arthrites septiques, les radiographies peuvent montrer des signes indirects d’épanchement intra-articulaire (épaississement des parties molles, élargissement de l’interligne articulaire).
L’échographie (comparative) peut objectiver un épanchement articulaire de la hanche (fig. 70.1) ou de la cheville si ces articulations sont douloureuses ou que l’examen est difficile.Dans le cadre d’une ostéomyélite, elle peut retrouver un épaississement des parties molles ou un abcès sous-périosté.
En dehors d’une situation d’urgence, la scintigraphie osseuse au technétium 99 ou l’IRM seront demandées pour confirmer le diagnostic d’infection ostéoarticulaire.
La scintigraphie osseuse est surtout utile chez le jeune enfant difficile à examiner car elle permet de localiser le site de la lésion osseuse ou articulaire responsable de l’impotence fonctionnelle (recherche d’une hyperfixation osseuse pathologique). Si la zone douloureuse est identifiée, l’IRM permet le diagnostic d’ostoémyélite à la phase précoce de l’infection; elle visualise les complications (arhrite associée, abcès sous-périosté, thrombophlébite…) en cas de gravité initiale ou de mauvaise évolution sous antibiothérapie.
2 Biologie
Un bilan infectieux est indispensable en urgence en cas de suspicion d’infection ostéoarticulaire : NFS, CRP.
En cas de suspicion d’infection ostéoarticulaire, les prélèvements bactériologiques sont à effectuer en urgence, avant de débuter l’antibiothérapie :
*hémocultures (en faire deux avant antibiothérapie);
*prélèvements au bloc opératoire sous anesthésie générale de liquide articulaire en cas d’arthrite ou du pus d’un abcès sous-périosté.Diagnostic étiologique : anamnèse précise (âge ? fièvre ? traumatisme ?), observation de la marche pour préciser la boiterie, examen physique des membres inférieurs et du tronc.
II Boiterie fébrile : toujours rechercher une infection ostéoarticulaire
A Pour bien comprendre
1 Préambule
Les infections ostéoarticulaires (IOA), arthrite septique et ostéomyélite, doivent être suspectées devant une impotence fonctionnelle partielle (boiterie) ou totale d’un membre, le plus souvent fébrile, à tout âge.
La fièvre peut être modérée, en particulier chez le nourrisson ou dans les localisations rachidiennes (spondylodiscite). La CRP est le plus souvent > 20 mg/l mais peut être normale; la polynucléose peut être modérée ou absente.
Les IOA constituent une urgence diagnostique et thérapeutique. En effet, le pronostic de ces infections est lié à la qualité et à la rapidité de la prise en charge.
En cas de suspicion clinique d’IOA, tous les moyens doivent être mis en œuvre pour débuter le traitement rapidement, qui comprend éventuellement le drainage chirurgical des collections (arthrite, abcès sous-périosté) sous anesthésie générale et une antibiothérapie débutée par voie IV une fois les prélèvements faits (hémocultures, ponction).
Le retard diagnostique et/ou thérapeutique de ces infections peut être sanctionné, à court terme, par des complications dans les premières heures (choc septique à Staphylococcus aureus ou à streptocoque de groupe A), après quelques jours de traitement (abcès souspériosté, abcès des parties molles, arthrite septique) et enfin, à distance, par des séquelles orthopédiques définitives : atteinte du cartilage de croissance responsable de sa stérilisation puis de déformation ou d’inégalité de longueur des membres inférieurs, destruction du cartilage articulaire responsable de coxarthrose précoce (fig. 70.3).
2 Physiopathologie
Chez l’enfant, une IOA se développe par voie hématogène.
Elle atteint les membres inférieurs dans plus de 50 % des cas, en particulier les zones fortement vascularisées.
Les bactéries véhiculées par voie sanguine se fixent et se développent :
*soit directement dans l’os, en zone métaphysaire, au front d’ossification de la plaque (cartilage) de croissance conduisant à une ostéomyélite aiguë;
*soit dans la synoviale d’une articulation, produisant une arthrite septique avec épanchement articulaire.
La physiopathologie explique les tableaux cliniques différents en fonction de l’âge :
*chez l’enfant âgé de moins de 18 mois : les réseaux vasculaires sont encore présents entre la métaphyse et l’épiphyse; l’infection peut ainsi diffuser à travers le cartilage de croissance, de la métaphyse à l’articulation adjacente, générant une ostéoarthrite;
*chez l’enfant plus âgé : les réseaux vasculaires sont séparés et le cartilage de croissance est avasculaire, conduisant à des tableaux d’ostéomyélites ou d’arthrites isolées.
3 Épidémiologie clinique et bactérienne
L’IOA survient le plus souvent chez un enfant sain.
Les principaux germes impliqués sont :
*chez le jeune nourrisson (âge < 3 mois) : streptocoque de groupe B et Escherichia coli (penser à l’infection néonatale), Staphylococcus aureus ;
*chez l’enfant entre 6 mois et 4 ans : Kingella kingae (majoritaire), Staphylococcus aureus, rarement pneumocoque ou streptocoque de groupe A;
*chez l’enfant de plus de 4 ans : Staphylococcus aureus (majoritaire); rarement streptocoque de groupe A;
*chez l’enfant drépanocytaire : Salmonella sp. (en plus des autres germes impliqués, selon l’âge).
Les portes d’entrée à rechercher sont cutanées (traumatisme, plaie) pour S. aureus et le streptocoque de groupe A, et ORL (rhinopharyngite, stomatite, angine) pour Kingella kingae et le streptocoque de groupe A.
B Arguments diagnostiques
1 Données cliniques et d’imagerie
Ostéomyélite aiguë
A Tableau clinique habituel :
*début brutal avec fièvre ou présentation subaiguë (fièvre absente ou enfant subfébrile);
*localisation préférentielle à l’extrémité inférieure du fémur ou supérieure du tibia (métaphyses osseuses les plus vascularisées : « près du genou, loin du coude »);
*boiterie douloureuse ou appui impossible;
*augmentation de la chaleur locale (rougeur et tuméfaction à un stade tardif);
*palpation métaphysaire très douloureuse (douleur « exquise »).
Examens d’imagerie en urgence :
*systématiquement : radiographies osseuses initiales de la zone concernée à la recherche d’un diagnostic différentiel (fracture…); en cas d’ostéomyélite aiguë, les radiographies initiales sont normales; des anomalies osseuses (appositions périostées, abcès de Brodie…) peuvent apparaître après 10 jours à 3 semaines d’évolution;
*si doute sur une arthrite ou un abcès sous-périosté : échographie de la zone concernée.
L’infection osseuse est suspectée sur ces éléments mais le diagnostic devra être confirmé dans les premiers jours de prise en charge par une IRM ou une scintigraphie osseuse.
L’IRM est le meilleur examen pour le diagnostic d’ostéomyélite (plus sensible et plus spécifique que la scintigraphie osseuse) en montrant un hyposignal T1 et un hypersignal T2 osseux (fig. 70.4). Elle permet aussi de visualiser les complications (abcès sous-périosté, abcès des parties molles, arthrite associée, thrombose septique…).
La scintigraphie osseuse (fig. 70.5) est utile surtout chez les jeunes enfants pour lesquels une IRM est difficilement réalisable (besoin de sédation) ou en cas de difficultés cliniques à localiser le site de l’infection. Elle montre un foyer d’hyperfixation osseuse.
Arthrite septique
Tableau clinique habituel :
*survenue brutale d’un syndrome douloureux fébrile avec impotence fonctionnelle partielle ou totale;
*localisations les plus fréquentes : hanche ou genou, mais aussi épaule et cheville chez le nourrisson;
*mobilisation de l’articulation extrêmement douloureuse; attitude « figée », « pseudoparalytique » d’une articulation;
*épanchement articulaire (par exemple, choc rotulien au niveau du genou);
*parfois gonflement et aspect inflammatoire local.
Examens d’imagerie en urgence :
*radiographies : normales, parfois gonflement des parties molles;
*échographie : pour objectiver un épanchement intra-articulaire de hanche ou cheville; ’examen clinique (choc rotulien) est suffisant pour le diagnostic d’arthrite du genou et ne nécessite pas, le plus souvent, une échographie.
Spondylodiscite
A Tableau clinique habituel :
*douleur rachidienne spontanée ou à la palpation/percussion des épineuses, parfois simple raideur rachidienne segmentaire;
*impossibilité de s’asseoir chez le petit enfant;
*fièvre modérée ou absente.
Chez le nourrisson, la présentation subaiguë de la spondylodiscite peut rendre le diagnostic difficile et conduire à un retard diagnostique.
Examens d’imagerie en urgence :
*radiographies du rachis face et profil centrées sur la zone douloureuse : recherche d’un diagnostic différentiel; en cas de spondylodiscite, on note une raideur du rachis souvent isolée mais, après quelques semaines d’évolution, on peut observer des irrégularités du plateau vertébral, un pincement discal ou, plus tardivement, une ostéolyse vertébrale de part et d’autre du disque;
*scintigraphie osseuse : hyperfixation osseuse de deux vertèbres contiguës;
*IRM : examen de référence pour le diagnostic positif avec un hypersignal osseux de deux vertèbres contiguës, disparition du signal aqueux du disque; mise en évidence de complications telles qu’un abcès paravertébral, plus rarement une compression nerveuse.
2 Données biologiques
NFS, CRP peuvent montrer une polynucléose (à polynucléaires) et un syndrome inflammatoire mais le bilan inflammatoire peut parfois être normal.
Les prélèvements bactériologiques (hémocultures, prélèvements bactériologiques profonds), réalisés avant antibiothérapie, permettent dans près d’un cas sur deux la confirmation étiologique et l’adaptation secondaire de l’antibiothérapie.
La rentabilité des cultures microbiologiques standards dépend du germe impliqué, des conditions de prélèvement et d’acheminement des prélèvements.
La biologie moléculaire (PCR dans le liquide de ponction articulaire) améliore l’identification des arthrites septiques à K. kingae (bactérie de culture difficile, prélèvements souvent stériles).
C Prise en charge thérapeutique
1 Orientation
En cas de suspicion d’IOA, l’enfant doit être hospitalisé, avec avis auprès d’un chirurgien pédiatrique. Si l’indication d’un drainage chirurgical est retenue, l’enfant est maintenu à jeun.
2 Indications d’un drainage chirurgical
Le drainage chirurgical et le lavage mécanique d’une collection purulente (abcès sous-périosté ou des parties molles) ou d’une arthrite septique sont recommandés. Chez l’enfant, ces gestes sont toujours pratiqués au bloc opératoire sous anesthésie générale.
Une analyse bactériologique doit être réalisée sur ces prélèvements profonds.
L’antibiothérapie est commencée immédiatement après ces prélèvements bactériologiques.
3 Antibiothérapie
L’antibiothérapie initiale est urgente, intraveineuse et probabiliste :
*efficace sur S. aureus sensible à la méticilline et K. kingae (germes les plus fréquents);
*céfazoline ou amoxicilline-acide clavulanique.
Sous traitement adapté, dans les cas d’évolution favorable (disparition de la fièvre et des douleurs en 48 heures), le relais antibiotique per os est possible 3 jours après le début du traitement IV.
L’antibiothérapie est secondairement adaptée au germe retrouvé et à son antibiogramme. Si le germe n’est pas identifié, l’antibiothérapie orale sera préférentiellement l’amoxicilline-acide clavulanique chez l’enfant de moins de 6 ans, efficace sur S. aureus sensible à la méticilline et K. kingae.
La durée totale (IV puis orale) de l’antibiothérapie des IOA d’évolution rapidement favorable est de 3 semaines pour les ostéomyélites et de 2 semaines pour les arthrites septiques.
4 Autres mesures thérapeutiques
Le traitement des douleurs constitue une priorité du traitement symptomatique.
Pour les arthrites septiques, l’immobilisation par une attelle peut avoir un intérêt antalgique à la phase initiale du traitement (2 à 3 jours). Chez le nouveau-né, l’arthrite de hanche doit être immobilisée en plâtre pelvi-pédieux pendant 4 à 6 semaines en raison du risque de luxation de hanche liée à l’épanchement.
Boiterie en contexte fébrile : infection ostéoarticulaire jusqu’à preuve du contraire.
Retenir comme germes : S. aureus à tout âge et K. kingae entre 6 mois et 4 ans.
Confirmation diagnostique : IRM ou scintigraphie osseuse.
Prélèvements bactériologiques : indispensables avant le début de l’antibiothérapie.
III Boiterie non fébrile
A Avant l’âge de 3 ans
1 Luxation congénitale de hanche
La boiterie est observée dès l’acquisition de la marche.
Un diagnostic tardif est la conséquence d’un échec du dépistage précoce (fig. 70.6). La limitation de l’abduction de la hanche est toujours nette.Le dépistage de la LCH est traité dans le chapitre 4.
2 Fracture sous-périostée du tibia (fracture « en cheveu »)
Cette lésion est très particulière pour plusieurs raisons :
*elle est liée à un traumatisme bénin par torsion du membre, souvent passé inaperçu : simple chute de sa hauteur ou pied pris entre les barreaux du lit;
*le périoste est, chez le jeune enfant, un fourreau très solide qui ne se déchire pas facilement; il assure donc la tenue mécanique de l’os, malgré la fracture.
L’image radiologique initiale est celle du « cheveu », trait de fracture oblique ou en spire, fin, à peine visible (fig. 70.7). Un cal osseux est observé 15 jours plus tard.Une immobilisation plâtrée pendant 3 à 4 semaines est suffisante.
Fracture sous-périostée du tibia : première cause de boiterie non fébrile avant 3 ans.
B Entre les âges de 3 et 8 ans
1 Synovite aiguë transitoire (« rhume de hanche »)
Elle survient habituellement entre 3 et 8 ans.
C’est une boiterie aiguë non fébrile observée souvent au réveil.
La douleur, variable, peut être absente ou importante.
L’examen clinique trouve une limitation de la rotation interne et de l’abduction de la hanche.
La radiographie de bassin de face et de profil est normale; l’échographie de hanche met en évidence un épanchement intra-articulaire le plus souvent.
Il n’y a pas de syndrome infectieux biologique (CRP normale, pas d’hyperleucocytose).
Le retour à la normale est obtenu en quelques jours, sans traitement autre qu’une mise au repos de la hanche (maintien en poussette).
L’apparition d’une fièvre, l’augmentation des douleurs ou leur persistance plus de 10 jours doivent faire remettre en cause le diagnostic.
La famille doit être prévenue de la possibilité diagnostique d’une ostéochondrite primitive de hanche; la persistance de la boiterie après quelques semaines doit ainsi conduire à réaliser une radiographie des hanches.
2 Ostéonécrose de la tête fémorale (ostéochondrite primitive de hanche ou maladie de Legg-Calvé-Perthes)
Elle concerne habituellement le garçon (80 % des cas) âgé de 3 à 9 ans.
Il s’agit d’une nécrose vasculaire de l’épiphyse fémorale supérieure survenant au cours de la période de croissance.
La boiterie est d’installation insidieuse, augmentant à l’effort et en fin de journée.
Elle a la particularité de n’être ni permanente ni toujours douloureuse, de sorte que le diagnostic peut être retardé de quelques semaines.
Une limitation de la rotation interne et de l’abduction de la hanche est habituelle. L’amyotrophie quadricipitale est un signe fréquent témoignant de l’ancienneté de l’affection.
La radiographie de face du bassin et de la hanche de profil montre des signes variables en fonction du stade évolutif de la maladie et de son extension. Au début, les signes sont discrets : diminution de la hauteur, aplatissement du noyau épiphysaire ou image en « coup d’ongle » sous-chondral. À un stade plus avancé, le diagnostic devient évident (fig. 70.8) avec une nécrose de tout ou partie du noyau épiphysaire (aspect « blanc » à la radiographie).
L’évolution obéit à un véritable cycle radiologique qui traduit les stades évolutifs de la maladie. La revascularisation et le remplacement de l’os nécrosé par des bourgeons cartilagineux donnent une image fragmentée de l’os nécrotique (aspect inhomogène du noyau épiphysaire) puis une guérison avec plus ou moins de déformation du noyau (réapparition d’une trame osseuse normale et, au minimum, un noyau plus volumineux voire aplati).
La guérison est constante et spontanée, mais elle survient avec des séquelles morphologiques plus ou moins graves. C’est pour limiter ces séquelles que les méthodes thérapeutiques orthopédiques ou chirurgicales ont été développées. Le diagnostic d’une ostéochondrite primitive de hanche doit conduire dans tous les cas à un avis orthopédique pédiatrique.
Quand une hanche « souffre », la rotation interne et l’abduction sont presque toujours réduites, quelle que soit la cause.
C Chez le préadolescent et l’adolescent
1 Épiphysiolyse fémorale supérieure (EFS)
Généralités
C’est la principale cause de boiterie de hanche de la période pubertaire. C’est une maladie du cartilage de croissance responsable du glissement de l’épiphyse fémorale supérieure sur la métaphyse. L’étiologie est encore non identifiée avec certitude (hormonale, mécanique…).
Dans plus de la moitié des cas, les patients présentent une surcharge pondérale.
Il s’agit d’une maladie non exceptionnelle mais trop souvent méconnue : le délai moyen entre les premiers signes et le diagnostic est encore actuellement de 3 mois. Pourtant, le diagnostic tardif expose au risque de séquelles. La maladie est bilatérale dans 20 % des cas.
Elle se manifeste sous deux formes cliniques complètement différentes : stable ou instable.
EFS : forme stable
L’épiphyse reste solidaire du col du fémur. L’appui est possible mais la boiterie est permanente, avec rotation externe et adduction du membre inférieur lors de la marche.
La douleur est plutôt inguinale, antérieure, mais elle peut être projetée au niveau du genou.
La rotation interne et l’abduction de la hanche sont toujours diminuées (en raison du déplacement relatif entre noyau épiphysaire et fémur). La mise en rotation interne et en abduction réveille une douleur vive. La flexion de hanche entraîne une rotation externe automatique.
Les incidences radiologiques nécessaires et suffisantes pour confirmer le diagnostic sont bassin de face et deux hanches de profil.
Le glissement apparent du noyau est au début postérieur de sorte que la radiographie de bassin de face peut paraître normale. Celle-ci met en évidence les signes directs de la maladie du cartilage de croissance (aspect élargi, feuilleté et mal dessiné) ou les signes indirects du glissement postérieur (diminution de la hauteur de l’épiphyse fémorale supérieure; fig. 70.9A).
C’est le cliché de profil qui met en évidence le signe direct du glissement : bascule postérieure de l’épiphyse fémorale supérieure (fig. 70.9B). À un stade plus évolué, la bascule épiphysaire est évidente sur les clichés de face : la ligne de Klein, tangente au bord supérieur du col fémoral, ne croise plus le pôle supérieur de l’épiphyse.
EFS : forme instable
Les circonstances du diagnostic sont complètement différentes.
L’adolescent présente une impotence fonctionnelle complète et hyperalgique du membre inférieur évoquant une fracture. Mais le traumatisme causal est minime, voire inexistant.
Presque constamment, on retrouve un antécédent de boiterie douloureuse, négligée depuis plusieurs semaines.
La radiographie de bassin de face est suffisante pour porter le diagnostic; il n’est le plus souvent pas possible ni souhaitable d’obtenir un cliché de profil en raison de la douleur provoquée et du risque vasculaire augmenté pour l’épiphyse.
Dans tous les cas, un retard thérapeutique expose à de graves complications, principalement la nécrose fémorale supérieure.
Cinq critères cliniques pour diagnostiquer une épiphysiolyse fémorale supérieure :
*il s’agit d’un adolescent ou préadolescent;
*qui se plaint de douleurs chroniques de la hanche ou du genou;
*qui marche en rotation externe;
*avec une impotence fonctionnelle (impossibilité d’appui) douloureuse dans les formes instables;
*et qui présente à l’examen une douleur et une limitation en abduction et rotation interne.2 Affections du genou
Les affections du genou chez l’adolescent sont, hormis l’ostéochondrite disséquante, rarement responsables de boiterie.
D Pathologies pouvant être observées à tout âge
1 Tumeurs osseuses
La boiterie n’a pas de caractère spécifique.
Le diagnostic repose sur l’imagerie et l’anatomopathologie.
Les tumeurs osseuses bénignes, rarement douloureuses, peuvent fragiliser l’os qui, en se fissurant, peut entraîner une boiterie.
Les tumeurs osseuses malignes de l’enfant sont dominées par les sarcomes osseux (voir chapitre 27). Ils sont plus souvent localisés au niveau du genou (extrémité inférieure du fémur ou supérieure du tibia).
Malheureusement, leur diagnostic est trop souvent retardé alors qu’une tendinite ou une douleur de croissance ont été d’abord évoquées.
Les localisations osseuses des hémopathies malignes peuvent être révélées par des douleurs osseuses à l’origine d’une boiterie.
2 Pathologies malformatives ou congénitales
Les inégalités de longueur des membres inférieurs ne peuvent être une cause de boiterie que si elles sont importantes (plus de 3 à 5 cm selon l’âge).
Une asymétrie de hauteur des hanches de 1 ou 2 cm sur une radiographie de bassin de face est courante et ne suffit pas à expliquer une boiterie. La radiomensuration des membres inférieurs permet, seule, de mesurer valablement une inégalité des membres inférieurs.
3 Pathologies neuromusculaires
Une myopathie (voire une amyotrophie spinale) peut être révélée par une perturbation de la démarche plus qu’une boiterie au sens strict, puisque l’atteinte est diffuse.
Une paralysie cérébrale dans une forme fruste peut être révélée par une boiterie.
La perturbation est ici ancienne, parfois associée à un retard d’acquisition de la marche.
Une tumeur médullaire peut entraîner une compression médullaire ou radiculaire. Les signes sont un syndrome rachidien (raideur du rachis) plus qu’une douleur chez l’enfant, et des signes neurologiques déficitaires.
4 Arthrites juvéniles idiopathiques
Les arthrites juvéniles idiopathiques regroupent plusieurs maladies rhumatismales débutant avant l’âge de 16 ans.
La forme la plus fréquente d’arthrite juvénile idiopathique concerne le plus souvent la petite fille d’âge < 6 ans. Elle se manifeste par une arthrite chronique d’une ou plusieurs grosses articulations (genoux, chevilles et très rarement la hanche). L’examen retrouve une articulation en flessum avec souvent une amyotrophie homolatérale qui signe la chronicité de l’atteinte. La douleur n’est que rarement au premier plan. On peut retrouver un dérouillage matinal qui se manifeste chez les plus jeunes par la demande des bras dès le réveil, ainsi que des réveils nocturnes (douleur inflammatoire). La fièvre est absente. Le syndrome inflammatoire biologique est souvent modéré voire absent.
Le problème diagnostique ne se pose que lors du premier épisode d’arthrite. La guérison lente et les récidives ultérieures argumenteront l’hypothèse d’arthrite juvénile idiopathique.
La hanche est identifiée à l’origine de moins de 40 % des boiteries de l’enfant.
L’examen du rachis et l’examen neurologique font partie intégrante de l’examen clinique de tout enfant présentant un trouble de la démarche.
Avant de commencer…
L’item « Fractures » exige de connaître les particularités pédiatriques.
Ce chapitre répond strictement à cet objectif et n’a pas pour but de détailler de manière exhaustive la prise en charge des fractures de l’enfant, qui relève des spécialistes. Seules les spécificités des fractures du coude et de la cheville sont précisées.
Retenir les particularités des fractures chez l’enfant :
*les terrains et l’épidémiologie des fractures qui ont une importance dans la compréhension des lésions;
*les types de fractures spécifiques à l’âge pédiatrique;
*les complications des décollements épiphysaires en cas d’atteinte du cartilage de croissance;
*la place prépondérante du traitement non chirurgical.
Les items concernant les « Traumatismes cranio-faciaux » sont vastes.
Les spécificités pédiatriques de la conduite à tenir en cas de traumatisme crânien (motif de recours fréquent aux urgences) seront détaillées ici.
Connaître la conduite à tenir aux urgences en cas de traumatisme crânien :
*repérer les rares situations de gravité;
*assurer le maintien des fonctions vitales;
*prescrire si nécessaire une imagerie cérébrale;
*savoir expliquer les consignes de surveillance aux parents.
Fractures
I Épidémiologie
Les traumatismes sont la première cause de consultation chirurgicale en urgence pédiatrique.
La traumatologie est la première cause de mortalité entre 1 an et 19 ans. Le sex-ratio est de 2 garçons pour 1 fille.
Les causes de fracture varient en fonction de l’âge :
*avant l’âge de la marche : il peut s’agir d’une chute accidentelle, mais il importe de ne pas sous-estimer le risque de maltraitance dont les enfants peuvent être victimes à tout âge;
*de l’âge de la marche à l’adolescence : la traumatologie domestique domine chez les jeunes enfants, elle est suivie chez les plus âgés de la traumatologie sportive puis, à l’approche de l’adolescence, de la traumatologie de la voie publique;
*à l’adolescence : les comportements deviennent plus à risque et les activités deviennent plus violentes (gymnastique aux agrès, trampoline, équitation, sports collectifs) ou à plus haute vélocité (deux-roues motorisés ou non).
II Particularités des traumatismes de l’enfant
A Généralités
L’organisation de la trame osseuse de l’os de l’enfant lui confère une plus grande plasticité, qui diminue au cours du temps en raison de la densification osseuse. Elle varie aussi en fonction des régions anatomiques : métaphyse ou diaphyse. Cette modification des propriétés mécaniques au cours du temps conduit à ce qu’un traumatisme donné provoquera, en fonction de son énergie et de l’âge de l’enfant, d’abord une incurvation plastique (fig. 71.1) puis une fracture en « bois vert » (fig. 71.2) et enfin une fracture complète. Un traumatisme axial provoquera une fracture en « motte de beurre » métaphysaire (fig. 71.3). Un mécanisme en torsion sera responsable d’une fracture spiroïde, d’abord sous-périostée (cf. fig. 70.7) puis complète.La survenue d’une fracture chez un nourrisson avant l’âge de la marche ou qui n’a pas présenté de traumatisme particulier, tout comme la discordance entre le mécanisme traumatique annoncé et la fracture observée à tout âge (fig. 71.4) doit faire suspecter une maltraitance. Plus la découverte est fortuite, plus la probabilité de traumatisme infligé est élevée (voir chapitre 10).
On doit aussi rechercher une fracture pathologique sur un os fragilisé par une maladie osseuse constitutionnelle ou une tumeur osseuse bénigne ou maligne.
Retenir les fractures types de l’enfant.
La maltraitance doit être évoquée en cas de fracture avant l’âge de la marche et à tout âge en cas de discordance entre le mécanisme invoqué et la lésion observée.
B Traumatismes du cartilage de croissance
1 Classification
Le cartilage de croissance (physe) est plus fragile que les ligaments et capsules articulaires.
On observe donc plus souvent des décollements épiphysaires (traumatismes des cartilages de croissance) que des fractures diaphysaires ou métaphysaires.
La description de ces traumatismes a été simplifiée et systématisée par Salter et Harris qui ont décrit différents types de décollement épiphysaire en fonction du type de trait (fig. 71.5).Les risques de complications sont directement liés à l’atteinte ou au respect de la couche germinative du cartilage de croissance qui se trouve située sur le versant épiphysaire du cartilage :
*Type I : le trait passe intégralement par la physe au niveau du front d’ossification et respecte la couche germinative.
*Type II : le trait passe par la physe avec un refend vers la métaphyse; la couche germinative a peu de chance d’être touchée.
*Type III : le trait passe par la physe avec un refend vers l’épiphyse; la couche germinative est obligatoirement traversée par le trait.
*Type IV : le trait de fracture va de la métaphyse à l’épiphyse et transfixie la physe; la couche germinative est obligatoirement traversée par le trait.
*Type V : il résulte d’un traumatisme axial qui lèse la couche germinative; le fragment métaphysaire vient s’impacter dans la physe (diagnostic rétrospectif à distance du traumatisme initial).
Une atteinte de la couche germinative du cartilage de croissance menace gravement le pronostic de croissance, et ce d’autant plus que l’enfant est jeune.
2 Épiphysiodèse
C’est la complication la plus grave des traumatismes du cartilage de croissance, qu’ils soient accidentels (liés au traumatisme) ou liés à un traitement inapproprié (ostéosynthèse traversant la physe).
Elle entraîne un arrêt de croissance en créant un pont osseux définitif. La conséquence est un raccourcissement associé le plus souvent à un défaut d’axe (fig. 71.6). Sa prise en charge varie en fonction de l’âge de survenue et de la surface de physe concernée.
3 Rôle du périoste
Il contribue à la croissance en épaisseur de l’os, assure la consolidation rapide des fractures des os longs et permet le remodelage des cals osseux (passage du cal périosté à un os cortical de type haversien).
Pour une fracture proche d’une physe fertile et chez le jeune enfant, il peut corriger un cal vicieux angulaire par une action combinée avec celle de la physe (fig. 71.7).
En revanche, il ne faut en aucun cas compter sur son aptitude à corriger des cals vicieux rotationnels ou dans des zones à faible potentiel de croissance.
Tout défaut ne se corrige pas avec la croissance. La reconstruction anatomique des traumatismes du cartilage de croissance et des fractures épiphysaires est obligatoire.
III Prise en charge initiale
A Interrogatoire
Le recueil précis des circonstances traumatiques est fondamental pour comprendre les lésions observées et rechercher des lésions associées éventuelles. Toute discordance est suspecte de fracture pathologique ou de maltraitance.
En prévision d’une éventuelle anesthésie générale, on précise l’heure du dernier repas et l’enfant doit être maintenu à jeun.
B Examen clinique et antalgie
L’examen clinique identifie une attitude antalgique, recherche des points douloureux exquis et des déformations du membre (fig. 71.8).Il faut toujours rechercher une lésion cutanée (plaie même punctiforme) en regard des déformations, et des complications vasculo-nerveuses.
La palpation des pouls distaux, l’évaluation comparative de la température et de la coloration cutanée, la recherche d’un déficit sensitif ou moteur sont essentiels à l’établissement du pronostic et du plan de prise en charge. Ces éléments doivent être consignés dans l’observation médicale.
Toute suspicion de fracture impose une immobilisation transitoire par attelle, première étape du traitement antalgique.
Une antalgie utilisant un ou plusieurs antalgiques adaptés (voir chapitre 11) et une immobilisation du membre douloureux sont pratiquées dès l’accueil et avant les mobilisations pour réaliser l’imagerie.
C Imagerie
Le bilan radiographique doit porter sur tous les segments de membres suspects et englobe systématiquement les articulations sus- et sous-jacentes. Il s’efforce de donner des incidences orthogonales.
Si l’enfant est trop douloureux et qu’il présente à l’évidence une fracture déplacée, la radiographie pourra se limiter à une incidence simple confirmant le diagnostic qui sera affiné sous anesthésie par les incidences complémentaires.
Le cartilage de croissance est radiotransparent. Un décollement Salter I non déplacé ne sera identifiable que sur la localisation de la douleur et sur l’épaississement des parties molles en regard (œdème).
Ne pas retarder le traitement de la douleur à l’arrivée de l’enfant (antalgiques et immobilisation provisoire).
IV Principes thérapeutiques
A Traitement orthopédique
1 Généralités
Le traitement orthopédique (immobilisation par attelle ou appareillage circulaire en plâtre) est privilégié chez le jeune enfant, avant 6 ans, pour toutes les fractures diaphysaires ou métaphysaires. Il n’y a pas d’enraidissement articulaire au terme d’une immobilisation orthopédique même prolongée pour une fracture chez l’enfant. Il faut souligner que le plâtre en résine se rétracte plus et augmente le risque de syndrome compartimental; son utilisation est donc à éviter en traumatisme récent.
En revanche, les fractures articulaires ont un risque plus élevé à long terme (arthrose, épiphysiodèse). C’est une des raisons pour lesquelles les solutions chirurgicales auront une place importante.
Les complications thromboemboliques sont exceptionnelles. L’indication d’un traitement anticoagulant en traumatologie concerne l’enfant pubère.
La rééducation est inutile voire dangereuse dans la très grande majorité des cas. En effet, la mobilisation forcée voire les massages génèrent de l’inflammation, elle-même responsable de l’aggravation de la raideur. On préférera le recours très large à l’autorééducation (reprise d’activités physiques non violentes, idéalement la natation) et le refroidissement par glaçage, qui permettent de récupérer les amplitudes articulaires physiologiques sans retard.
2 Réalisation et surveillance
Une réduction de la fracture peut avoir lieu en cas de déplacement important.
Qu’elle soit réalisée avec du plâtre (initialement) ou de la résine (secondairement), une contention circulaire impose d’avoir protégé tous les reliefs osseux avec une bande ouatée. Celle-ci apporte un meilleur confort et prévient le risque d’escarre sous plâtre. En outre, elle facilite l’ablation de l’appareillage (risque de brÛlure en particulier avec la résine).
Le membre est immobilisé dans la position inverse de celle qui a provoqué la fracture (= position de réduction : poignet fléchi, par exemple pour une fracture déplacée en extension). Il faut toujours immobiliser les articulations sus-jacente et sous-jacente; une fracture de jambe nécessite l’immobilisation du pied et du genou, une fracture de l’humérus nécessite l’immobilisation de l’épaule et du coude…
Dans les heures qui suivent la réalisation d’une contention circulaire, l’œdème peut s’accentuer, responsable de compression sous plâtre (plus de risque avec la résine).
La surveillance de la mobilité des doigts ou des orteils, du temps de recoloration pulpaire et l’évaluation de la douleur sont indispensables. Toute modification d’une seule des trois composantes doit faire évoquer le syndrome compartimental (ou syndrome de loge) et conduire à l’ablation de l’appareillage.
3 Durée d’immobilisation
La consolidation des fractures ou des décollements épiphysaires est plus rapide chez le petit enfant, en moyenne 45 jours. Les fractures non déplacées (« cheveu d’ange » ou « motte de beurre ») justifient une immobilisation antalgique de 3 à 4 semaines.
En revanche, après l’âge de 5 ans, les délais de consolidation des fractures diaphysaires sont identiques à ceux de l’adulte. Il est donc nécessaire d’immobiliser un segment de membre fracturé jusqu’à 90 jours, par exemple pour l’avant-bras.
Les résultats anatomiques sont excellents à tout âge, mais la préoccupation de la préservation de la scolarité amène à reconsidérer ce type de traitement pour les enfants d’âge scolaire.
B Traitement chirurgical
1 Indications
Il est discuté, voire obligatoire dans plusieurs situations :
*chez le polytraumatisé pour éviter les contentions qui compliquent le nursing de l’enfant;
*pour certaines fractures pathologiques dont la consolidation risque d’être retardée (fragilité osseuse ou lésions kystiques);
*pour les fractures articulaires ou les décollements épiphysaires dont la réduction doit être anatomique;
*pour les enfants d’âge scolaire qui pourront plus rapidement écrire (fracture des deux os de l’avant-bras) ou marcher (fracture du fémur) avec une ostéosynthèse interne.
2 Principes d’ostéosynthèse
Les différentes stratégies d’ostéosynthèse doivent respecter les cartilages de croissance, le périoste et l’hématome fracturaire.
Les deux principaux moyens sont l’embrochage centromédullaire élastique stable (ECMES) des fractures diaphysaires et l’ostéosynthèse par broches fines.
L’utilisation des moyens d’ostéosynthèse plus rigides utilisés chez l’adulte (clous, ostéosynthèse par vis) est possible chez l’adolescent dès lors que les cartilages de croissance arrivent à maturité.
La fixation externe est précieuse pour les fractures ouvertes ou avec perte de substance.
Prépondérance du traitement orthopédique : réduction sous sédation et contention circulaire.
Connaître la surveillance d’un patient sous plâtre.
V Particularités des fractures du coude
A Généralités
Les fractures du coude sont les plus fréquentes après celles du poignet. Les cartilages de croissance de cette région sont peu fertiles, de sorte que les capacités de remodelage sont faibles.
Elles sont dominées par les fractures supracondyliennes (extra-articulaires et ne concernant pas la plaque de croissance), suivies par les fractures du condyle latéral (articulaires).
La rééducation de ces fractures est dangereuse et peut conduire à l’enraidissement du coude.
La sémiologie radiologique du coude est difficile d’analyse en raison de l’apparition au cours du temps des noyaux d’ossification.
Une fracture articulaire peut parfois être suspectée sur la présence d’un épanchement articulaire (hémarthrose). Celui-ci refoule la ligne graisseuse antérieure (soulevée) et la ligne graisseuse postérieure (alors visible) à distance de la corticale humérale (fig. 71.9).En cas de doute clinique et en l’absence de trait de fracture visible, immobiliser et demander un avis orthopédique.
B Fracture supracondylienne
Sa fréquence s’explique par la fragilité de la palette humérale des enfants. Le déplacement est en grande majorité (95 %) postérieur lors d’une chute sur le membre supérieur coude fléchi (fig. 71.10).
Le risque de complications vasculo-nerveuses et de syndrome compartimental doit être présent à l’esprit à chaque étape de la prise en charge.
L’enfant est hyperalgique, le membre supérieur est soutenu par l’autre membre. Le coude est augmenté de volume et déformé.
Les complications vasculaires sont recherchées par la coloration des doigts. Des doigts blancs ou un temps de recoloration ≥ 3 secondes traduisent une urgence vasculaire. La palpation du pouls radial est impérative. Une absence de pouls signe une compression de l’artère humérale.
L’ischémie aiguë est exceptionnelle en raison des suppléances vasculaires très développées chez l’enfant. Cependant une sub-ischémie, non identifiable cliniquement, peut favoriser la survenue d’un syndrome compartimental à l’avant-bras. Il est donc nécessaire d’être très vigilant et rapide dans la prise en charge.
Les complications neurologiques peuvent toucher les trois nerfs avec une prédilection pour le nerf interosseux antérieur, branche du nerf médian.
Le nerf médian est testé par la flexion de l’interphalangienne du pouce et la flexion de l’interphalangienne distale de l’index; le nerf radial par l’extension du poignet et des doigts; le nerf ulnaire par l’écartement volontaire des doigts (fig. 71.11). Ces manœuvres sont simples et non ou peu douloureuses; elle sont indispensables et leur résultat est consigné dans le dossier.
Manœuvres de tests neurologiques fonctionnels lors d’un traumatisme du membre supérieur.
On demande à l’enfant de réaliser séquentiellement les figures suivantes : « cercle – étoile – moto ». A. Cercle : l’opposition des deux premiers doigts, avec flexion des phalanges distales de DI et DII, explore le nerf médian. B. Étoile : la fermeture/ouverture latérale volontaire des espaces interdigitaux des doigts longs explore le nerf ulnaire. C. Moto : l’extension (flexion dorsale) du poignet explore le nerf radial. Un déficit de force ou l’absence de fonction lors de ces tests indique la possibilité d’une lésion nerveuse post-traumatique.Les territoires sensitifs sont pour le nerf médian : l’éminence thénar; pour le nerf radial : la face dorsale de la main; pour le nerf ulnaire : le bord latéral de la main.
Le risque de complications en fait une urgence thérapeutique.
Le traitement repose sur la réduction anatomique de la fracture, sa fixation le plus souvent par bandage en flexion (méthode de Blount) ou par broches (méthode de Judet). Après chirurgie, l’immobilisation sera confectionnée en attelle pour minimiser le risque de syndrome compartimental.
C Fractures du condyle latéral
Il s’agit d’une fracture articulaire, décollement épiphysaire Salter 3 ou 4. La plus grosse difficulté est de diagnostiquer une forme non ou peu déplacée (fig. 71.12). C’est la douleur clinique qui doit faire rechercher le diagnostic.Fracture du condyle latéral de l’humérus.
Cette fracture est peu déplacée mais une immobilisation inappropriée sera responsable d’un déplacement secondaire difficile à corriger.
La fixation chirurgicale par broches à ciel ouvert est toujours nécessaire pour éviter le risque de déplacement secondaire quasi systématique en raison de l’insertion des muscles épicondyliens.
Toute fracture supracondylienne déplacée est une urgence en raison de son risque majeur de complications vasculo-nerveuses.
VI Particularités des fractures de cheville
Les traumatismes en varus de cheville peuvent être responsables de lésions du cartilage de croissance de la malléole latérale avec une douleur élective à la palpation de la malléole (Salter 1 de la fibula et Salter 2 du tibia).
Les entorses sont des lésions ligamentaires pures (étirement ligamentaire) fréquentes. Une douleur élective est retrouvée à la palpation sur le trajet du ligament latéral externe sous la maléolle externe. Il faut se méfier des arrachements osseux du ligament talofibulaire, visibles sur les clichés de trois quarts de cheville, pouvant être de traitement chirugical. Les entorses graves avec ecchymose immédiate (rupture du ligament latéral) sont l’apanage des adolescents.
Le score d’Ottawa peut être utilisé à partir de l’âge de 6 ans, afin d’identifier les situations justifiant une imagerie : impossibilité de faire quatre pas, ecchymose immédiate, douleur malléolaire latérale ou médiale, douleur de la base du 5e métatarsien, douleur de l’os naviculaire.
Les décollements épiphysaires sont classés selon les stades de Salter :
*Décollement épiphysaire Salter I de la malléole latérale : il est habituellement non déplacé; l’examen clinique confirme la douleur en regard du cartilage de croissance avec œdème en regard sur la radiographie de face; le traitement est le plus souvent orthopédique.
*Décollement épiphysaire Salter II de l’extrémité inférieure du tibia :
–le refend métaphysaire est habituellement postérieur;
– le traitement est le plus souvent orthopédique;
–le risque de composante Salter V (important en cas de cinétique élevée) par écrasement partiel lors de l’accident impose une surveillance de la croissance à distance.
* Décollements épiphysaires de l’extrémité inférieure du tibia Salter III et Salter IV :
–les lésions plus fréquentes portent sur la malléole médiale (fracture de MacFarland) mais aussi sur le tubercule tibio-péronier;
– leur risque de complication par épiphysiodèse plus important justifie une surveillance prolongée (risque plus rare chez le petit enfant en raison de traumatismes à faible cinétique mais troubles de croissance graves, risque plus élevé chez les adolescents mais conséquences souvent plus bénignes); leur traitement est toujours chirurgical, afin d’obtenir une restitution anatomique.
I Généralités
Le traumatisme crânien (TC) est un motif fréquent de recours aux urgences.
Les mécanismes de TC chez l’enfant sont multiples : chute de sa hauteur lors de l’apprentissage de la marche, chute de la table à langer ou d’un lit superposé, chute lors de jeux ou d’activités sportives, accident de la voie publique, situation de maltraitance.
Les lésions intracrâniennes font la gravité potentielle de la pathologie : fractures du crâne, hématomes sous-duraux et extraduraux, contusions hémorragiques, lésions axonales diffuses.
Les TC légers (TCL) représentent 95 % des TC de l’enfant. Ils sont définis par un score de Glasgow entre 13 et 15. Parmi les enfants ayant un TCL, moins de 10 % ont une lésion intracrânienne et moins de 1 % ont besoin d’une intervention chirurgicale.
La problématique est d’identifier parmi les enfants ayant eu un TCL ceux à risque de lésions intracrâniennes et qui doivent donc bénéficier rapidement d’un scanner cérébral, afin de ne pas exposer inutilement les autres à des radiations potentiellement iatrogènes.
Savoir identifier les éléments de gravité conduisant à la réalisation d’une imagerie cérébrale ainsi qu’à des mesures de surveillance et de prise en charge thérapeutique.
II Évaluation de la gravité et des complications précoces
A Anamnèse
Contexte :
*âge, traumatismes antérieurs, arguments pour une maltraitance;
*trouble connu de l’hémostase, prise d’aspirine ou d’anticoagulants.
Au moment du TC :
*heure de survenue, mécanisme et cinétique, hauteur de chute, nature du sol, présence d’un témoin;
*pleurs immédiats, perte de connaissance (et durée), amnésie de l’épisode.
Au décours du TC :
*somnolence, troubles du contact ou du comportement;
*vomissements (délai et nombre par rapport au traumatisme), convulsions, céphalées, troubles visuels.
B Examen physique
Évaluation des fonctions vitales en priorité :
*séquence « ABCDE » et notamment la pression artérielle (voir chapitre 65);
*correction d’éventuelles défaillances vitales avant la poursuite de la prise en charge.
Examen neurologique rigoureux :
*score de Glasgow pédiatrique (tableau 71.1);
Tableau 71.1mesure du périmètre crânien (report sur courbe), palpation de la fontanelle (chez le nourrisson);
*examen du scalp : embarrure (ressaut douloureux), œdème, hématome, fracture ouverte de la voÛte du crâne;
*réflexe pupillaire, examen moteur (tonus, signes de localisation), équilibre, paires crâniennes (en particulier l’oculomotricité);
*recherche de signes évocateurs d’une fracture de la base du crâne : hématome rétroauriculaire ou péri-orbitaire, hémotympan, otorrhée ou rhinorrhée de LCS.
Recherche de lésions associées si polytraumatisme :
*palpation abdominale, inspection des urines dans la couche (hématurie);
*palpation des reliefs osseux (cage thoracique, clavicules, rachis, bassin, membres, mandibule).
C Imagerie cérébrale
Le scanner cérébral sans injection est l’imagerie de choix pour apprécier l’importance des lésions intracrâniennes. Il est à réserver aux seuls TC considérés à « risque élevé » de complications (voir infra).
La radiographie du crâne et l’échographie transfontanellaire n’ont pas leur place dans l’évaluation diagnostique de lésions intracrâniennes post-traumatiques.
Des biomarqueurs prédictifs de lésions intracrâniennes (protéine S100ß) peuvent s’intégrer dans des règles de décision clinique pour limiter le recours à l’imagerie cérébrale (et donc l’irradiation).
Points forts : Glasgow, PC, embarrure, réflexe pupillaire, signes de localisation.
Pas de prescription de radiographie du crâne pour un TC accidentel de l’enfant.
III Modalités de prise en charge
A Mesures thérapeutiques urgentes
Le maintien des fonctions vitales est une priorité en cas de TC grave (Glasgow ≤ 8) :
*libération des voies aériennes, oxygénation au masque, intubation précoce;
*décubitus dorsal à 30°, tête dans l’axe, monitoring cardiorespiratoire, pose d’une VVP et perfusion de sérum physiologique (surveillance régulière de la glycémie, surtout chez le nourrisson);
*mannitol IV en cas de signes d’HTIC;
*antalgiques;
*prévention des agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS) : euthermie, eutensionnel, eunatrémique, euglycémique, eucapnique, non hypoxémique.
Un transfert en réanimation pédiatrique est envisagé dès que nécessaire.
B Algorithme décisionnel
On distingue trois niveaux de risque de lésions intracrâniennes (tableau 71.2) :
Tableau 71.2
Niveaux de risque dans les TC de l’enfant*.
Risque élevé Risque intermédiaire
–Glasgow pédiatrique ≤ 14
–Signes neurologiques de localisation
–Persistance d’anomalies de l’interaction, du tonus
–Fontanelle bombée, augmentation du PC
–Convulsion persistante ou à distance de l’impact
–Signes de fracture de la base du crâne (hématome rétro-auriculaire ou péri-orbitaire, hémotympan, rhinorhée ou otorhée de LCS)
–Embarrure, plaie pénétrante
–Âge < 3 mois
–Perte de connaissance initiale d’au moins 5 s
–Convulsion brève à l’impact
–Vomissements répétés
–Anomalie de l’interaction ou du tonus
–Hématome du scalp non frontal
–Céphalées intenses
–Mécanisme lésionnel sévère (forte cinétique, chute d’une hauteur importante)
* Sont exclus les enfants ayant eu un antécédent neurochirurgical, un retard psychomoteur, un trouble de l’hémostase, un polytraumatisme ou suspects de maltraitance.
- élevé : maintien des fonctions vitales si besoin, TDM cérébrale en urgence, prévention des ACSOS, surveillance hospitalière;
*intermédiaire : surveillance hospitalière, décision de TDM cérébrale si association de plusieurs critères et/ou selon l’évolution;
*faible : surveillance à domicile avec consignes de surveillance écrites pour les parents.
Un avis auprès d’une équipe de neurochirurgie pédiatrique doit être demandé si doute.
C Consignes de surveillance
i. Définition
a
Indépendamment de la cause, l’arrêt cardio-circulatoire (ACC) est habituellement défini par l’interruption,
*
en général brutale, de toute activité mécanique efficace du coeur. Pendant cette interruption d’activité mécanique, l’activité cardiaque électrocardiographique est très variable (fibrillation ou tachycardie ventriculaire, autre
rythme sans pouls, asystolie).
Cette affection est fréquente et son pronostic est très sombre.
*
Seul le rétablissement précoce d’une circulation suffisante procure une chance de survie. Le massage
cardiaque externe (MCE) pratiqué par les premiers témoins (formés ou non) constitue ainsi la pierre angulaire
du traitement.
:
En l’absence de rétablissement rapide d’une activité cardio-circulatoire efficace, des lésions irréversibles s’ob*
servent en quelques minutes dans les organes les plus sensibles à l’anoxo-ischémie (cerveau en particulier). À ces
lésions initiales s’ajoutent, surtout en cas d’ischémie prolongée, des lésions spécifiques de reperfusion qui
aggravent encore les dommages initiaux. Ces phénomènes peuvent aggraver les lésions viscérales (notamment
cérébrales) au cours des premières heures et des premiers jours.
Épidémiologie
a
L’incidence demeure difficile à préciser mais varie probablement entre 60 et 100 cas pour 100000 habitants.
*
Concernant l’Europe et les États-Unis, on estime ainsi qu’il survient entre 250000 et 350000 cas d’ACC par an
dans chacune de ces zones géographiques. En France, les données disponibles sont rares mais l’incidence serait
d’environ 30 à 40000 morts subites par an.
L’âge moyen des victimes (masculines 2 fois sur 3) est d’environ 65 ans, et la majorité des arrêts cardiaques sur*
viennent au domicile. La réanimation initiale permet une survie immédiate dans environ 15 à 20 % des cas, mais
la survie à un mois reste actuellement très faible, de l’ordre de 8 %. Ce faible taux de survie pourrait être augmenté
grâce à une meilleure prise en charge par les témoins et les professionnels de santé, comme cela a déjà été montré
dans différents pays.
La survie obtenue grâce à la réanimation initiale se fait au prix d’éventuelles séquelles dont la forme la plus sévère
*
est représentée par les états végétatifs chroniques post-anoxiques, conséquence de l’anoxo-ischémie cérébrale
initiale. Ces séquelles ne sont pas prévisibles pendant la réanimation cardio-pulmonaire
- Principales causes d’arrêt cardiaque
b
Sur le plan étiologique, les mécanismes pouvant être à l’origine d’un ACC sont multiples mais sont essentielle*
ment d’origine primitivement cardiaque ou respiratoire (Tableau I).
Tableau 1. MÉCANISMES ET CAUSES PRINCIPALES DES ACC
Causesrespiratoires
Causescardiovasculaires
Obstruction des voies aériennes
Atteintes primitives
- Bronchospasme
- Ischémie myocardique
- Comas
- Cardiopathie arythmogène
- Corps étrangers
-Troubles de la conduction
-Traumatisme maxillo-facial
-Atteintes valvulaires
- OEdème ou abcès pharyngien
- Cardiomyopathie
- Laryngospasme
Atteintes ventilatoires
Atteintes secondaires
- Lésions de la commande (coma)
- Hypoxie
- Lésions de la mécanique (trauma)
- Hypovolémie
-États de choc
- Lésions de l’échangeur pulmonaire (oedème,
pneumopathie)
- Intoxications
- Troubles hydro-électrolytiques
Parmi ces étiologies, il faut isoler le concept de mort subite de l’adulte, d’origine essentiellement cardiaque et
*
qui résulte principalement d’une fibrillation ventriculaire de survenue brutale. La majorité de ces morts subites
survient chez des patients atteints d’une maladie cardiovasculaire préexistante, quelle soit connue ou inconnue,
parfois totalement silencieuse. Elle peut survenir très brutalement, « à l’emporte-pièce », mais elle est parfois
précédée de prodromes (douleur, lipothymies, syncopes, palpitations).
a 4. Chaîne de survie
* La « chaîne de survie » constitue un concept essentiellement pédagogique et organisationnel qui identifie les différentes actions et acteurs susceptibles d’améliorer la survie des patients en ACC. Elle est composée des 4 maillons suivants:
- Premier maillon = reconnaissance de l’ACC et alerte rapide des secours; - Deuxième maillon = MCE précoce par les premiers témoins;
- Troisième maillon = défibrillation cardiaque immédiate; - Quatrième maillon = réanimation médicalisée précoce et réanimation post-ACC. * Au cours de la dernière décennie, l’impact de la chaîne de survie sur l’amélioration du pronostic a été établi au travers de larges études en population, le bénéfice semblant principalement reposer sur l’alerte, le massage cardiaque et la défibrillation précoces.
a 5. Reconnaissance et alerte rapide
La reconnaissance rapide de l’ACCet l’alerte des secours par les témoins sont indispensables.
* La reconnaissance par le témoin doit reposer sur des éléments simples mais fiables, permettant à toute personne de porter le diagnostic d’ACCen quelques secondes. Les modalités suivantes sont recommandées : - pour le public et pour les témoins non entraînés à la recherche du pouls, l’ACC doit être reconnu devant une personne inconsciente et qui ne respire pas ou qui respire de manière anormale (« gasps »). En effet, lors de la phase initiale de l’ACC, il existe fréquemment une respiration agonique et inefficace, appelée « gasp ». Ce « gasp » ne doit pas être confondu avec la persistance d’une respiration.
- pour les personnels de secours et les professionnels de santé (entraînés à la recherche du pouls), la reconnaissance de l’ACC repose sur la constatation d’une personne inconsciente sans pouls central (carotidien ou fémoral). Dans tous les cas, cette reconnaissance de l’ACC doit être la plus rapide possible (moins de 10 secondes pour la prise du pouls), imposant alors le déclenchement des secours par une alerte au 15 (SAMU), ou au 112 (numéro d’urgence européen), ainsi que le début immédiat de la réanimation cardiopulmonaire (RCP) de base par les personnes présentes (Figure 1).
* Les centres de réception et de régulation des appels (CRRA) des SAMU, doivent avoir des procédures de reconnaissance de l’ACC par téléphone et fournir à l’appelant les consignes nécessaires pour faire débuter des manoeuvres de RCP de base (massage cardiaque externe) dès lors qu’il suspecte un ACC. Dans certaines régions, des programmes d’envoi de « bon samaritain » via l’activation de smartphones ont été mis en place.
- Réanimation cardio-pulmonaire de base
* Les manoeuvres de la RCP de base devraient être connues du plus grand nombre et la généralisation de son apprentissage est l’affaire de tous. Une formation courte (environ 1 heure) permet à toute personne de savoir reconnaître un ACC et de savoir pratiquer le massage cardiaque.
* La RCP comporte une série de mesures visant à vérifier la liberté des voies aériennes (LVA), à assurer une ventilation minimale, et surtout, à engendrer une circulation minimale grâce à la création d’un débit sanguin réduit (ou « low flow »). Son objectif essentiel est de maintenir une perfusion et une oxygénation tissulaires suffisantes pour protéger les principaux organes (et notamment le cerveau) d’altérations irréversibles, en attendant la reprise d’une activité circulatoire spontanée (RACS) efficace. Ces manoeuvres de RCP doivent engendrer un débit sanguin systémique minimal, notamment cérébral et coronaire.
6.1. Massage cardiaque externe
Le rétablissement d’un débit circulatoire constituant un élément incontournable de la RCP, les compressions
*
thoraciques sont prioritaires. Elles doivent être réalisées même en l’absence d’autre geste de réanimation,
notamment même en l’absence de ventilation.
La RCPde l’adulte
doit toujours commencer par le MCEmanuel, auquel succède éventuellement une alternance
de compressions et de
manoeuvres de ventilation.
Les sauveteurs formés peuvent en effet réaliser la ventilation artificielle avec une alternance de 30 compressions
*
pour 2 insufflations. Pour les sauveteurs non formés, le MCE seul (sans ventilation) est possible, par exemple dans
le cadre d’une RCP assistée par téléphone.
À chaque compression, le sauveteur doit obtenir une dépression thoracique d’environ 5 cm (maximum 6 cm) à
*
une fréquence comprise entre 100 et 120 compressions par minute, tout en assurant la relaxation passive complète du thorax et en minimisant au maximum les interruptions de compression thoracique (en particulier lors
des insufflations, des défibrillations et des relais entre sauveteurs).La compression-décompression active (CDA) constitue une alternative au MCE traditionnel. Elle fait appel à l’utilisation d’une ventouse appliquée sur le thorax, qui permet après la compression de réaliser une décompression active du thorax. Cette décompression active s’accompagne d’une amélioration du remplissage du coeur par augmentation du retour veineux, elle-même responsable d’une augmentation du débit cardiaque lors de la compression suivante, et d’une élévation de la pression artérielle en périphérie. Lorsqu’elle est couplée à l’emploi d’une valve d’impédance placée sur le circuit respiratoire, la CDA augmente l’efficacitéhémodynamique du MCE mais n’est utilisable qu’au sein d’équipes régulièrement entraînées.
* Massage cardiaque automatisé: Différents systèmes ont été récemment développés pour faciliter la poursuite du MCE sur des périodes de temps prolongées en automatisant sa réalisation soit à l’aide d’une bande constrictive placée autour du thorax, soit à l’aide d’un piston pneumatique. Ces systèmes automatisés sont utilisables dans le contexte d’un ACC prolongé ou lors du transport vers l’hôpital d’une victime d’un ACC réfractaire (en attendant la mise en place d’une assistance mécanique circulatoire), ou encore dans le cadre de programmes visant à préserver une perfusion viscérale optimale avant la réalisation de prélèvements d’organes à visée thérapeutique (situation du « donneur décédé après arrêt cardiaque non contrôlé » ou DDAC). Ces systèmes n’ont pas démontré d’amélioration de la survie dans le cadre d’une utilisation systématique.
Ventilation
* La ventilation n’est pas prioritaire par rapport au MCE, en particulier lors des toutes premières minutes de la RCP. Ainsi, lorsque les sauveteurs ne veulent pas ou ne savent pas réaliser le bouche-à-bouche, il est préférable qu’ils entreprennent le MCE seul.
* Si elle est employée, la ventilation débute par l’ouverture des voies aériennes supérieures qui doit se faire par l’hyperextension de la tête et par surélévation du menton. À ce stade, seule la visualisation d’un corps étranger solide dans l’oropharynx impose la désobstruction des voies aériennes par la méthode des « doigts en crochet ». * Après vérification de la liberté des voies aériennes, la ventilation artificielle peut ensuite être réalisée par le bouche-à-bouche, le bouche-à-nez, ou encore le bouche-à-trachéotomie le cas échéant. Pour les professionnels qui en sont équipés, elle est d’emblée réalisée à l’aide d’un insufflateur manuel (ballon autoremplisseur à valve unidirectionnelle ou BAVU) et un masque au mieux reliés à une source d’oxygène.
Lorsque la ventilation est employée, l’alternance recommandée est de 30 compressions pour 2 insufflations chez l’adulte.
6.3. Défibrillation précoce * La défibrillation par choc électrique externe (CEE) a pour but de transformer les rythmes dits « choquables » (FV et TV sans pouls) en un rythme organisé et mécaniquement efficace. C’est un maillon crucial car c’est celui qui possède la plus grande chance de restaurer l’activité cardio-circulatoire de ces victimes et d’améliorer très significativement leur survie. En effet, chez ces patients, les chances de récupération diminuent très rapidement au fil des minutes écoulées en l’attente de la défibrillation, et la survie est inversement proportionnelle à la durée de l’arythmie cardiaque. Le CEE doit donc être réalisé le plus rapidement possible (Figure 2). Bien entendu, la RCP doit être systématiquement débutée et poursuivie jusqu’à l’arrivée du défibrillateur.
Lespoints suivants sont très importants:
- MCEet défibrillation : Fréquentes et nuisibles, les interruptions de RCP (pour la détection du pouls, l’analyse
du rythme ou la recharge du défibrillateur) doivent être impérativement minimisées. Les pauses avant et
après chaque choc doivent être réduites au minimum, et il ne faut pas interrompre le MCE pendant que
le défibrillateur manuel se charge. Idéalement, la délivrance du choc électrique doit être obtenue avec une
interruption du MCE de moins de 5 secondes.
Nombre et énergie du CEE: Il faut réaliser un CEE unique suivi immédiatement de 2 minutes de RCP, sans
contrôle du pouls. L’utilisation d’une salve de 3
CEE doit cependant être envisagée lorsque la FV-TV se produit
devant un témoin et que le patient est déjà connecté à un défibrillateur manuel, ou dans un contexte de postchirurgie cardiaque immédiat. L’énergieà utiliser est de 150 Joules pour le premier choc et peut être augmentée
jusqu’à 200 Joules pour les chocs suivants.
Vérification du résultat de la défibrillation : Toujours pour réduire la fréquence et la durée des interruptions
du MCE, le rythme cardiaque et la présence d’un pouls ne doivent désormais être vérifiésqu’après ces 2 minutes
de RCP post-CEE.
Défibrillation automatisée externe (DAE) : La défibrillation peut être réalisée par les témoins présents sur
les lieux à l’aide de défibrillateurs automatisés externes (DAE) lorsqu’ils sont disponibles. Ces appareils,
désormais déployés dans de nombreux lieux publics, ont la capacité d’analyser la nature du rythme cardiaque
de la victime, d’indiquer la nécessité éventuelle d’une défibrillation et de délivrer un ou plusieurs CEE. Leur
utilisation en extrahospitalier par
des non-médecins est possible et sans risque, améliorant significativement
la survie des patients atteints de FV. L’emploi généralisé des DAE permet la réalisation d’une défibrillation
précoce dans de nombreuses situations, avant même l’arrivée des secours médicalisés. Ces appareils de
DAE peuvent aussi guider la RCP par des messages vocaux, notamment pour encourager la réalisation des
compressions thoraciques. Un décret datant de 2007 autorise leur utilisation par n’importe quel citoyen formé
ou non. Il existe 2 types de DAE : les défibrillateurs semi-automatiques (DSA) et les défibrillateurs entièrement
automatisés (DEA). Dans les deux cas, l’analyse du rythme cardiaque et la charge sont réalisées par la machine.
Dans le cas du DSA, l’opérateur doit appuyer sur un bouton pour délivrer le choc électrique, tandis que dans
le cas d’un DEA, le choc (s’il est indiqué) est délivré automatiquement à la fin de l’analyse.
Réanimation médicalisée
* La réanimation médicalisée constitue le dernier maillon de la « chaîne de survie ». Réalisée par une équipe médicale préhospitalière formée et régulièrement entraînée, elle comporte plusieurs volets. L’agencement de ces différents volets entre eux et leur séquence d’utilisation sont résumés dans un algorithme global (Figure 3).
- Ventilation
Réalisée par un personnel entraîné avec une interruption minimale du MCE, l’intubation trachéale reste la
*
technique recommandée en France pour améliorer les échanges gazeux et assurer une protection des voies
aériennes. Une fois l’intubation réalisée et vérifiée, elle permet une ventilation sans interruption du MCE à l’aide
d’un respirateur automatique.
.2. Abord vasculaire
* La mise en place d’un abord vasculaire est indispensable pour la poursuite de la réanimation, notamment pour
l’administration des médicaments injectables (catécholamines et anti-arythmiques, en particulier). La voie privilégiée reste la voie veineuse périphérique (WP) située dans le territoire cave supérieur, sauf si une voie veineuse
centrale est déjà en place. Si l’abord veineux périphérique
est retardé ou ne peut être obtenu, l’abord intra-osseux
doit être envisagé et nécessite chez l’adulte un dispositif approprié. La voie intra-trachéale n’est pas recommandée.
7.3. Médicaments
* Les traitements médicamenteux utiles au cours de la réanimation sont essentiellement les vasopresseurs et les
anti-arythmiques:
- Vasopresseurs: Malgré l’absence d’étude clinique ayant démontré son efficacité, l’adrénaline demeure la
drogue à utiliser en première intention, quelle que soit l’étiologie de l’ACC. La dose recommandée est de 1 mg
tous les 2 cycles de RCP, soit environ toutes les 3 à 5 minutes. Elleest débutée le plus rapidement possible pour
les rythmes non choquables et après le second choc pour les rythmes choquables.
- Anti-arythmiques: l’amiodarone est actuellement le médicament recommandé en cas de FV ou de TV sans
pouls résistante à la cardioversion électrique. Elle est utilisée immédiatement avant le troisième choc à la
dose de 300 milligrammes en IVD. En cas de persistance du trouble du rythme, un nouveau bolus de 150
milligrammes en IVD est administré, relayé par une dose de 900 milligrammes IVSE sur 24H. La lidocaïne
n’est plus l’anti-arythmique de référence dans l’ACC et ne doit être utilisée que si l’amiodarone n’est pas
disponible. Il n’existe pas d’étude ayant démontré l’efficacitéde l’amiodarone sur la survie des ACC
Quand stopper la réanimation ?
* Arrêter la réanimation constitue une décision difficile,qui doit prendre en considération les circonstances de survenue, l’organisation des premiers gestes de secours et le contexte lié au patient et à son environnement. Lorsque
cela est possible, il convient d’y intégrer une éventuelle volonté exprimée par le patient. Il est usuel de stopper
la réanimation en cas d’asystolie persistante malgré 30 minutes de réanimation bien conduite, sauf en cas de
neuroprotection (hypothermie, intoxication) ou de persistance d’une cause favorisante et curable. Cette décision
est si possible collégiale (médecin régulateur du SAMU/médecin sur place, réanimateur et médecin du service…)
et elle est mise en oeuvre avec l’accord de l’ensemble des personnels impliqués (pompiers, paramédicaux…).
* Exceptionnellement, certains patients en ACC réfractaire sont transportés rapidement pour la mise en place
d’une assistance mécanique circulatoire (circulation extra-corporelle veino-artérielle). Cette stratégie, qui nécessite l’emploi d’un dispositif de massage cardiaque automatisé (voir paragraphe 6.1), est réservée à certains centres
ultra-spécialisés et dans des contextes très particuliers. Il faut en effet que le pronostic neurologique soit encore
préservé.
* En l’absence d’espoir thérapeutique et sous couvert de l’emploi d’un dispositif de massage cardiaque automatisé,
certains patients, présentant des conditions drastiques de sélection sont parfois orientés vers un centre hospitalier
capable de réaliser un prélèvement d’organe (reins) destiné à une greffe. Dans la nomenclature française, ce type
de donneur d’organes est appelé « donneur décédé après arrêt cardiaque non contrôlé » (ou DDAC).
éanimation post-arrêt cardiaque
* Les heures qui suivent la reprise d’une activité circulatoire spontanée après un ACC sont fréquemment marquées
par la survenue d’un syndrome post-arrêt cardiaque qui peut, à lui seul, entraîner le décès. Ce syndrome est caractérisé par un ensemble de manifestations viscérales, notamment neurologiques, cardio-circulatoires, respiratoires
et rénales, qui peuvent conduire à des défaillances d’organes multiples.utre les traitements symptomatiques habituels, le contrôle des facteurs d’agression cérébrale secondaire d’origine systémique (température notamment) et le traitement éventuel d’une cause coronaire sont les deux aspects principaux de cette réanimation post-arrêt cardiaque.
9.1. Contrôle ciblé de la température * La température doit être parfaitement monitorée car la fièvre doit impérativement être évitée. La mise en oeuvre d’une hypothermie thérapeutique (entre 32 et 36°C) peut être utile mais elle doit être discutée au cas par cas, en tenant compte du rapport risque-bénéfice individuel.
9.2. Détection et traitement immédiat de la cause * Le syndrome coronaire aigu étant la cause la plus fréquente d’ACC extra-hospitalier, l’indication de coronarographie doit être évoquée en fonction du contexte clinique, dès la prise en charge pré-hospitalière, de manière à orienter le patient vers un centre susceptible de pouvoir réaliser ce geste lorsque celui-ci s’avère nécessaire.
- Particularités de l’arrêt cardio-circulatoire chez l’enfant
(en dehors du nouveau-né) * Événement beaucoup plus rare que chez l’adulte, LACC possède chez l’enfant des particularités concernant
notamment ses causes et sa prise en charge.
* Sur le plan étiologique, les étiologies primitivement cardiaques sont possibles (cardiomyopathie, cardiopathie congénitale, par exemple) mais elles sont plus rares que chez l’adulte. Les ACC sont en majorité secondaires à une pathologie respiratoire (bronchiolites, pneumopathie, corps étranger des voies respiratoires, par exemple) ou hémodynamique (état de choc). Ces causes conduisent le plus souvent à une bradycardie, puis à une asystolie. Dans ce contexte, une bradycardie survenant chez un enfant est un signe annonciateur d’arrêt cardiaque imminent. * Concernant la RCP de base, en l’absence de réponse à une stimulation verbale et tactile, le sauveteur isolé doit appeler au secours sans quitter l’enfant et débuter la RCP pendant 1 minute avant d’alerter les secours (SAMU). * La RCP chez l’enfant débute par la vérification de la liberté des voies aériennes supérieures (extraction éventuelle d’un corps étranger). Après évaluation rapide (maximum 10 secondes), si l’enfant ne respire pas ou de manière inefficace (gasps), 5 insufflations doivent être effectuées (bouche à bouche, bouche à nez ou ventilation au ballon auto-remplisseur).
* En l’absence de signes de vie (mouvements, toux ou respiration), le MCE est débuté, en alternance avec la ventilation (ratio 15 : 2). La technique de MCE est adaptée en fonction de l’âge, ayant pour but de comprimer le thorax d’au moins un tiers de son diamètre.
* Un DAE peut être utilisé chez un enfant de plus d’1 an, au mieux en se servant d’un atténuateur d’énergie et d’électrodes spécifiques jusqu’à 8 ans. En l’absence d’électrodes spécifiques, des électrodes adultes peuvent être utilisées et placées en antéro-postérieur.
* L’adrénaline doit être administrée le plus rapidement possible. En l’absence d’accès vasculaire déjà présent, la voie d’administration recommandée pour l’adrénaline est la voie intra-osseuse.
* La présence des parents pendant la réanimation est encouragée, lorsque l’un des membres de l’équipe peut rester
à leur côté.
a 11. Conclusion
* Le pronostic de l’ACC dépend de la rapidité avec laquelle la circulation spontanée est rétablie. L’enseignement de la RCP de base au grand public est indispensable pour améliorer le pronostic des ACC. C’est un élément crucial de la « chaîne de survie » au même titre que la défibrillation précoce.
+++ LE COUP DE POUCE DE L’ENSEIGNANT
1. La présence de témoins, un rythme initial à type de fibrillation ventriculaire (FV) et la réalisation immédiate des gestes de survie constituent les principaux facteurs pronostiques favorables. 2. La RCPet la défibrillation réalisées dans les 3 à 5 minutes suivant la perte de connaissance peuvent effectivement permettre d’obtenir des taux de survie élevés allant de 49 à 75 %. Mais chaque minute perdue en matière de délai de défibrillation diminue la probabilité de survie de 10 à 15 %.
3. Les « interlocuteurs » des Centres de Réception de Réception des Appels d’Urgence (15, 112) sont désormais formés pour interroger les appelants selon un protocole strict, centré sur la reconnaissance d’un ACC.Les conseils à la réalisation des manoeuvres de RCPde base par le médecin régulateur au téléphone sont certainement bénéfiques car ils augmentent la proportion de victimes bénéficiant des gestes de survie.
4. Il est communément admis qu’il vaut mieux prendre le risque de débuter une RCPpar excès que de retarder la prise en charge d’un ACCméconnu. De plus, il sera toujours possible de stopper la RCPsi la réalité de l’ACCne se confirme pas.
5. Si plus d’un sauveteur est présent, un relais de la RCP doit être effectué toutes les deux minutes afin de limiter la fatigue, cause d’inefficacité.
Pièges à éviter
* Le remplissage vasculaire ne doit pas être systématique, mais doit être réservé uniquement aux situations d’hypovolémies évidentes (ACC sur choc hémorragique, par exemple). Il s’agit alors d’un traitement étiologique.
* L’alcalinisation n’est pas indiquée en routine lors de la RCP.Le soluté de bicarbonate de sodium équimolaire doit être réservé aux cas d’hyperkaliémie et/ou d’acidose métabolique préexistants ou encore en cas d’AC par overdose de drogues à effet stabilisant de membrane, notamment les antidépresseurs tricycliques.