medecine legale Flashcards
L’apport de la loi du 4 mars 2002 : droits individuels et droits collectifs
Aujourd’hui, du fait d’une démocratisation et d’une généralisation progressives de
l’accès au savoir médical, la demande de participation des patients à la démarche de soins est croissante, ce qui pose la question de la liberté de choix des malades et questionne de plus en plus les domaines où celle-ci serait niée. La pratique médicale est devenue un domaine où la participation du patient aux
choix qui le concernent est reconnue comme un droit — quand cela n’est pas rendu impossible par un état de grande vulnérabilité et de perte d’autonomie psychique liée à
la maladie.
I: Respect des droits fondamentaux du patient, information et consentement
Le respect du patient repose en premier lieu sur le devoir d’information. Il recoupe deux niveaux :
* le premier, d’ordre éthique, où la place de l’autonomie du patient dans la relation de soin est de plus en plus reconnue et promue, fondement démocratique du respect et de la protection des personnes ;
* le second, d’ordre juridique, qui se traduit par l’obligation de délivrer une information de qualité permettant une acceptation ou un refus éclairé de la part
du patient (encadré 2.1).
Encadré 2.1 L’ information doit répondre à plusieurs objectifs *
Assurer la délivrance d’une information dans le respect des principes de transparence et d’intégrité, en se fondant sur les données actuelles de la science et de la médecine.
* Éclairer le patient sur les bénéfices et les risques en s’appuyant sur des données validées et, le cas échéant, en exposant les zones d’incertitudes.
* Éclairer, au-delà des bénéfices et des risques, sur : – le déroulement des soins ; – les inconvénients physiques et psychiques dans la vie quotidienne ; – l’organisation du parcours de prise en charge au fil du temps et les contraintes organisationnelles entraînées ;
– les droits sociaux de la personne malade et les aides et soutiens accessibles si besoin.
* Participer au choix entre deux démarches médicales ou plus dès lors qu’elles sont des alternatives validées et compatibles avec la situation d’un patient.
* Informer sur les aspects financiers (prise en charge par les organismes sociaux).
Après la délivrance d’une information de qualité, l’exigence du consentement d’un patient est fondée sur le principe de l’intangibilité de la personne humaine. Tout individu a un droit fondamental à son intégrité corporelle. Il convient donc d’avoir le consentement d’un patient dès qu’il est conscient et à même de donner son accord, préalablement à toute intervention sur sa personne, c’est-à-dire avant mise en route de toute démarche diagnostique, thérapeutique ou de toute action de prévention (art. 16 et
16-3 du Code civil).
Un cas rare doit cependant être mentionné : celui de la volonté de ne pas savoir. Ceci peut constituer une exception au devoir d’information du patient s’il a clairement exprimé (données et arguments qui doivent être notés dans le dossier médical) la volonté d’être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave, voire de toute information concernant sa santé et sa prise en charge. Toutefois, cette exception ne peut s’appliquer lorsque des tiers sont exposés à un risque de contamination. Cette
précision, inspirée du cas du VIH, vaut pour toutes les affections contagieuses graves ets’impose en raison de la responsabilité du patient vis-à-vis d’autrui et dans un intérêt de santé publique (par exemple, dans le cas d’une tuberculose pulmonaire).
II: Accès du patient à son dossier médical Le dossier médical est défini comme un document sécurisé et pérenne regroupant, pour chaque patient, l’ensemble des informations le concernant. Fiable et exhaustif, son contenu doit permettre de faire de ce dossier un outil d’analyse, de synthèse, de planification, d’organisation et de traçabilité des soins et de l’ensemble des prestations dispensées au patient. Son accès est régi par les règles du secret professionnel, c’est-àdire que seules les personnes participant effectivement à la prise en charge du patient peuvent y avoir accès, sauf restriction particulière supplémentaire souhaitée par le
malade (art. L. 1111-7 du Code de la santé publique) (cf. infra, « Le dossier médical »).
III: Désigner une personne de confiance La loi du 4 mars 2002 a permis au patient majeur de se faire accompagner dans sa démarche de soins par ses proches. Le droit de désigner une personne de confiance
(encadré 2.2) est inscrit à l’article L. 1111-6 du Code de la santé publique.
Désigner une personne de confiance Mode de désignation de la personne de confiance :
* par écrit par toute personne majeure ; * cosigné par la personne de confiance.
Qui peut être désigné(e) personne de confiance ?
* un parent : conjoint, concubin, frère, soeur, parent, grand-parent, oncle, tante… ; * un proche, un ami, un membre d’association… ;
* le médecin traitant.
La personne de confiance a pour rôle premier, après désignation par le patient — désignation qui permet alors un partage du secret —, d’assister ce dernier dans ses démarches de soins, de l’accompagner physiquement et/ou psychologiquement et de faire le lien avec les équipes médicales. Elle est donc un accompagnant du soin au quotidien et des démarches de choix et de décision que fait le patient. Patients et proches ne connaissent pas forcément cette procédure. Il est du devoir de tout
soignant et de toute institution de soins de la proposer. Elle n’est pas chargée de consentir à la place du patient ni donner son opinion pour
elle-même. La personne de confiance peut porter la parole du patient, en particulier lorsque ce dernier ne peut ou ne veut participer seul à la décision. La personne de confiance est un interlocuteur privilégié lors des situations d’arrêt ou
de limitation de soins en fin de vie, situation où elle est amenée à témoigner des désirs du patient. La personne de confiance n’a pas accès au dossier médical et n’a aucune fonction
après le décès du patient. La désignation devra se faire par écrit, être signée par le patient et par la personne
désignée et être notée dans le dossier médical, avec les coordonnées précises et la nature des liens entre patient et personne désignée, incluant les mises à jour. La proposition de désignation est obligatoire. La désignation effective par le patient
est facultative.
La loi utilise le terme de « consulter ». Elle ne décide pas à la place du patient. Elle estcensée exprimer l’opinion du patient. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage (de la famille ou des proches). Il faut expliquer au patient les buts de cette désignation, tout en expliquant aussi
qu’elle n’a rien d’obligatoire. C’est une possibilité que le patient doit pouvoir choisir (accepter ou refuser s’il n’en ressent ni le besoin ni le désir), a fortiori s’il souhaite que le secret soit gardé totalement ou s’il veut protéger tous ses proches et taire sa maladie. Lors de la délivrance d’explications, la question de la rupture du secret vis-à-vis du
proche désigné doit être discutée (jusqu’où le patient souhaite-t-il aller vis-à-vis des confidences, à quel moment, etc.). Concernant les personnes désignées, plusieurs points importants sont à évoquer, en
particulier ceux de la disponibilité et de leur volonté de remplir cette mission, essentiels pour donner sens à la démarche. La loi ne prévoit pas de limite de validité de la désignation effectuée. La désignation
est révocable à tout moment par le patient. Pour les professionnels de santé, la recommandation est qu’il convient d’interroger le patient à chaque nouvelle hospitalisation ou à chaque nouveau cycle de prise en charge sur la pérennité de la personne désignée. Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure protection juridique avec
représentation relative à la personne, elle peut désigner une personne de confiance avec
l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué.
IV: Droits individuels en fin de vie et rédaction de directives anticipées
En lien direct avec la loi du 4 mars 2002, la loi du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie, est venue compléter dans ce domaine, les droits des patients. La loi prévoit la possibilité du refus de soins mais aussi vise à éviter les situations
d’obstination déraisonnable, lorsque les soins ou des examens apparaissent « inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». De manière pratique, deux cas de figure se dégagent :
1. patient conscient et capable de participer à une délibération : – plusieurs échanges construits entre le médecin et le patient ; – formulation par le patient de LATA (limitation et arrêt des thérapeutiques actives) ;
2. patient dans l’incapacité de s’exprimer : – le médecin peut décider de limiter ou d’arrêter un traitement, inutile ou impuissant à améliorer l’état du malade ;
– après avoir respecté la procédure collégiale (e
La procédure collégiale 1.
Il faut vérifier que la mise en oeuvre ou la poursuite des traitements constituerait une
obstination déraisonnable au vu des critères posés par la loi : – concertation avec les membres de l’équipe de soin ; – recueil de l’avis motivé d’au moins un autre médecin en qualité de consultant ; – avis (facultatif) d’un second consultant si nécessaire.
2. Recherche de la volonté de la personne : – consultation des directives anticipées si elles ont été rédigées ; – à défaut recueil du témoignage de la personne de confiance ou à défaut de la famille ou d’un proche.
3. Le médecin prend sa décision et en informe l’entourage.
4. Les échanges sont versés au dossier.
En France, l’évolution de la loi en 2016 avait pour objectif de renforcer et de préciser la place des directives anticipées (encadré 2.4), qui sont désormais valides dans le temps sans limite (tant que le patient ne les a pas modifiées) et opposables aux médecins. Ce texte de 2016 précise par ailleurs une hiérarchie de valeur : les directives anticipées priment sur la personne de confiance, primant elle-même sur les autres proches. Il réaffirme enfin le droit au soulagement de la souffrance et instaure un droit à la
sédation profonde et continue jusqu’au décès
Les directives anticipées Pas de date de validité.
Les directives anticipées s’imposent au médecin, sauf :
* en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation ;
* lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale à condition de faire une procédure collégiale.
Conservation des directives anticipées : par tous moyens pour les rendre aisément
accessibles pour le médecin appelé à prendre une décision de limitation ou d’arrêt de traitement :
* par leur auteur ; * confiées à la personne de confiance ou, à défaut, à un membre de sa famille ou à un proche ;
* dans le dossier d’un médecin de ville ;
* dans le dossier médical d’hospitalisation.
Encadré 2.5 Principes instaurés par la loi *
Une obligation pour les professionnels de santé de mettre en oeuvre tous les
moyens à leur disposition pour que toute personne ait le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance.
* La reconnaissance d’un droit pour le patient à l’arrêt ou à la limitation de traitement au titre du refus de l’obstination déraisonnable.
* Une obligation pour le médecin de respecter la volonté de la personne de refuser ou de ne pas recevoir un traitement après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité.
* Un rôle renforcé d’information des médecins auprès de leurs patients sur la possibilité de rédaction de directives anticipées.
* Le fait que les directives anticipées inscrites dans la loi sont désormais opposables, c’est-à-dire que les médecins référents d’un malade inconscient doivent suivre les perspectives écrites dans ce document si celles-ci sont appropriées à la situation médicale et hors urgence.
* Le fait qu’il existe une hiérarchie concernant les moyens de tracer la volonté d’un patient ; d’abord les directives anticipées, puis à défaut le témoignage de la
personne de confiance, puis à défaut tout autre témoignage de la famille ou des proches
Tout citoyen, informé de cette possibilité, peut librement rédiger ses directives anticipées et les tenir à disposition des soignants en cas de besoin. Il convient donc aujourd’hui de promouvoir une information sur ce sujet de la fin de vie, sur
l’accompagnement et sur le fait que les directives doivent être, si un patient ou un citoyen les a
rédigées, transmises aux équipes qui le suivent.
V: Confidentialité, secret et respect de la vie privée : exercer un droit de contrôle sur ses données de santé
La pratique médicale répond aux impératifs de secret et de confidentialité. Toute personne a droit au respect de sa vie privée, les données de santé en faisant partie intégrante. Tout professionnel de santé et tout établissement de soins garantit la confidentialité des informations qu’il détient sur les personnes (informations médicales, données administratives, sociales et financières).
Ces informations sont couvertes par le secret professionnel. Elles peuvent être
partagées entre soignants uniquement dans la mesure où elles sont utiles à la continuité des soins visant à la meilleure prise en charge possible. En établissement de santé, ces données sont réputées avoir été confiées par la personne hospitalisée à l’ensemble de l’équipe de soins qui la prend en charge. La violation du secret à travers la divulgation de données concernant un patient engage des responsabilités pénales et civiles. En pratique, le stockage et la gestion des données médicales passent par des systèmes
informatisés. La protection des citoyens et le respect de la confidentialité lors de l’informatisation des données personnelles sont régis par la loi, en particulier celle de 1978, dite loi « informatique et liberté », à travers la Commission nationale de
l’informatique et des libertés (CNIL) (encadré 2.6).
Encadré 2.6 Une déclaration doit être faite auprès de la CNIL lorsque le principe de la création
de dossiers ou de fichiers informatisés est envisagé. De plus, le patient doit être explicitement informé de l’informatisation de ses données et de son droit de s’y opposer. Dans la pratique, il serait difficile aujourd’hui de prendre en charge un patient
sans utiliser des données informatisées.
Les procédures d’agrément des systèmes informatiques en santé impliquent : * le respect de règles de sécurisation des données (codes d’accès et cryptage) ; * l’interdiction d’usage à d’autres fins que médicales ; * l’interdiction de partage avec tout tiers ne participant pas à la prise en charge d’un patient ;
* l’interdiction d’utilisation à des fins commerciales, politiques ou autres. Ces obligations s’imposent à tous les professionnels de santé mais aussi aux
établissements de soins, aux réseaux de santé et hébergeurs de données.
Toute personne peut obtenir communication, modification (droit de rectification) ousuppression des informations la concernant en s’adressant aux responsables de l’établissement ou du cabinet médical. Elle peut aussi demander des restrictions concernant les personnes habilitées à y avoir accès. Tous ces choix du patient doivent être pris en compte. Qu’un dossier soit uniquement local ou en réseau, les données saisies et la tenue du
dossier relèvent de la responsabilité médicale. Chacun a sa part de responsabilité, au sens éthique comme au sens juridique et, en cas de litiges, seuls le ou les professionnels concernés par la partie du dossier incriminée peuvent être mis en cause, ce qui implique pour tous une grande vigilance, aussi bien dans leurs comptes rendus et leurs notes que dans la protection de l’accès aux dossiers, via leur système de codage et/ou leur carte
informatique CPS (carte de professionnel de santé).
VI: Cas particulier : utilisation et informatisation des données d’un patient à des fins de recherche Cette possibilité est ouverte après information du patient, qui doit pouvoir exercer
son droit d’opposition. Les recherches, études et évaluations n’impliquant pas la personne humaine portent
en particulier sur la réutilisation de données déjà collectées au sein de bases existantes (cohortes, observatoires, registres, dossiers médicaux, etc.) et de bases médicoadministratives. L’ensemble de ces recherches, études et évaluations doit faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès du Comité d’expertise pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (CEREES) puis d’une autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Ces dispositions s’appliquent aussi à la réutilisation d’échantillons issus de
biocollections et/ou de bases de données cliniques.
Pointsclés * La législation a reconnu à travers la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi du 4 mars 2002, des droits fondamentaux pour
le patient, avec entre autres : – le droit à l’information et au consentement dans toutes les pratiques en santé (prévention, dépistage, soin, recherche) ;
– le droit d’accès à son dossier médical ; – le droit d’associer un proche de son choix dans son parcours de soins à travers la désignation d’une personne de confiance ;
– le droit d’un patient au respect de sa vie privée et à exercer un contrôle sur ses données de santé.
* La loi instaure une hiérarchie concernant les moyens de tracer la volonté d’un patient : d’abord les directives anticipées puis, à défaut, le témoignage de la personne de confiance, puis, à défaut, tout autre témoignage de la famille ou des proches.
* La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) veille au respect de la confidentialité des données de santé informatisées.
* Les recherches n’impliquant pas la personne humaine doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès du Comité d’expertise pour les recherches, les
études et les évaluations dans le domaine de la santé (CEREES).
Information et consentement du patient Pour qu’un acte médical soit licite, celui-ci doit être réalisé dans un but médical et
avec le consentement éclairé du patient. Ce consentement à l’acte est une décision qui appartient au patient et à lui seul, exception faite de situations particulières que nous examinerons. Pour que le patient puisse donner un consentement éclairé, il doit être parfaitement informé des soins qui vont lui être proposés. La loi du 4 mars 2002 (art. L. 1111-4 du Code de la santé publique) dispose que « toute
personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, des décisions concernant sa santé ». C’est donc bien une codécision. Le médecin informe et « préconise », le patient décide, même si, évidemment, il ne peut décider seul, le médecin étant également libre de décider des indications qui lui paraissent les plus appropriées. En cas d’alternative thérapeutique sérieuse, le médecin doit indiquer au patient le rapport bénéfice/risque de chaque thérapeutique possible et essayer de lui expliquer quels sont les soins les plus appropriés. Le patient est en droit de refuser le traitement ou de préférer une technique par rapport à une autre (anesthésie locorégionale ou anesthésie générale, intervention par coelioscopie ou par voie classique, etc.). Le mot « information » est ici particulièrement chargé de sens. En effet, un
consentement qui serait donné en fonction d’une information erronée ou lacunaire ne serait pas valide. Les données relatives à l’information du patient, tant dans son contenu que dans sa
preuve, ont subi une profonde mutation. Nous étudierons dans les trois premières sections l’obligation d’informer, la preuve de l’information et du consentement et les conséquences en termes de responsabilité d’un défaut d’information puis, dans le
quatrième chapitre, nous nous intéresserons au consentement.
I: L’obligation d’informer Le médecin, pour obtenir le consentement de son patient, doit lui apporter toute l’information sur son état et sur ce qui lui a été proposé. Cette nécessité, reconnue par la
jurisprudence depuis 1937, a été réaffirmée par la loi du 4 mars 2002.
A: Nature et étendue de l’information Classiquement, il est établi que l’information doit être « loyale, claire et appropriée », c’est-à-dire qu’elle doit être explicite et adaptée au niveau de compréhension du patient. La loi du 4 mars 2002 rappelle que cette information doit notamment être donnée avant les soins et porter sur :
* l’état de santé du patient ; * le pronostic ; * les traitements et les investigations proposées ; * les alternatives possibles ; * les risques pris en cas de refus du traitement.
La loi rappelle que l’information doit également porter sur les conditions financières
de prise en charge des soins.
B: Information sur les risques des traitements Classiquement, il était admis que le médecin ne devait informer le patient que des
risques normalement prévisibles. Ainsi, on s’appuyait sur des critères statistiques mais qui n’étaient pas réellement définis. Cependant, il est apparu que ce critère était insuffisant car les patients n’étaient pas
informés des risques très graves (mortels ou à l’origine de séquelles lourdes). En 1997, la Cour de cassation, lors d’un arrêt célèbre dit arrêt « Hédreul » a établi que le patient devait être informé non seulement des risques fréquents mais également des risques graves, même si ceux-ci étaient exceptionnels. Il est évident que l’obligation d’informer sur tous les risques même exceptionnels
comporte également des limites. Le catalogue des risques normalement prévisibles est impossible à faire de manière exhaustive et chacun ressentait la nécessité d’une définition plus précise. On pouvait penser que seuls les risques « spécifiques » d’un acte donné étaient à prendre en compte. La loi du 4 mars 2002 reprend à son compte l’évolution jurisprudentielle, faisant
obligation au médecin d’informer son patient sur « les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».
Notons le qualificatif « normalement prévisibles » pour les risques qui doivent être portésà la connaissance du patient.
La jurisprudence confirme la nécessité de toujours informer sur les risques exceptionnels s’ils sont graves. Les risques graves sont les risques de décès, d’invalidité, voire les risques esthétiques
importants, selon la jurisprudence. Par ailleurs, la loi précise que le patient doit être informé des risques nouveaux qui
apparaissent postérieurement au traitement. On songe ici aux affaires de contamination par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ou le virus de l’hépatite C, entre autres, mais également à la découverte ultérieure d’effets secondaires des traitements
médicamenteux ou de matériel prothétique.
C: Mode de délivrance de l’information L’information est orale. Elle doit être délivrée au cours d’un entretien individuel
préalablement à la prise en charge. Elle doit être adaptée à chaque patient. C’est pour cette dernière raison qu’une
information uniquement écrite n’est pas satisfaisante et ne remplit pas les conditions de bonne qualité de l’information. En effet, l’information doit être personnalisée et, si une information écrite délivrée ultérieurement, peut être un complément intéressant,
l’information orale est la seule garante d’une bonne compréhension du patient.
D: Limites de l’obligation d’informer La jurisprudence retient deux exceptions au devoir d’information :
* l’urgence : il faut retenir ici l’urgence vitale avec en particulier un patient qui n’est pas en état de recevoir l’information. Tous les patients consultant aux urgences, en état physique de recevoir une information, doivent être informés de façon adaptée ;
* le refus du patient d’être informé sur le diagnostic ou le pronostic de sa maladie. Toutefois, ce droit à ne pas savoir disparaît lorsque des tiers sont exposés à un
risque de transmission.
E: Information des mineurs En vertu des dispositions relatives à l’exercice de l’autorité parentale, les parents sont destinataires de l’information médicale qui doit les placer en mesure d’accepter ou de refuser les soins puisqu’ils sont responsables de leur enfant. La loi du 4 mars 2002 prévoit que les mineurs ont le droit de recevoir eux-mêmes une
information et de participer à la prise de décision les concernant « d’une manière adaptée à leur degré de maturité ». Plus un mineur approche de ses 18 ans, plus il peut participer à la décision le concernant. Il peut aussi s’opposer expressément à ce que ses parents soient consultés mais il doit
alors être accompagné d’une personne majeure de son choix. Dans ce cas, le mineur est informé afin d’obtenir son consentement. Le médecin doit cependant insister sur l’utilité
d’informer au moins un de ses deux parents.
F: Obligation d’information renforcée En matière de chirurgie esthétique, traditionnellement, la jurisprudence est plus exigeante vis-à-vis du médecin en matière d’information, confinant à une obligation d’exhaustivité, ce qui parfois a fait croire, à tort, à l’exigence d’une obligation de résultat dans cette chirurgie. La loi ne prévoit pas d’obligation particulière dans ce domaine, si ce n’est que l’information doit être accompagnée de la remise d’un devis détaillé (art. L. 6322-2 du Code de la santé publique), mesure qui existait déjà par voie réglementaire. Un délai minimum de quinze jours doit être respecté par le praticien entre la remise de ce devis et l’intervention éventuelle. D’autres catégories d’actes médicaux ont un régime renforcé en matière d’information
(encadré 2.7) Pour ces actes médicaux particuliers, un consentement écrit doit être
fourni par la personne concernée.
Encadré 2.7 Obligation d’information renforcée et consentement écrit obligatoire *
Toute intervention de chirurgie esthétique utilisant un produit destiné à rester dans le corps humain pendant plus de trente jours.
* Les techniques d’imagerie cérébrale (IRM fonctionnelle) à des fins médicales ou de recherche scientifique.
* Recherche impliquant la personne humaine : recherche interventionnelle qui comporte une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle.
* Prélèvement de sang sur mineur en vue d’un don (consentement écrit de chacun des titulaires de l’autorité parentale).
* Prélèvements de sang ou de ses composants pour une utilisation thérapeutique(donneur majeur). * Prélèvement en vue d’un don, sur personne mineure décédée (consentement écrit de chacun des titulaires de l’autorité parentale).
* Interruption volontaire de grossesse chirurgicale/instrumentale avant 14 semaines de grossesse (la femme enceinte mais pas le géniteur).
* Interruption volontaire de grossesse hors établissement de santé (la femme enceinte mais pas le géniteur).
* Conservation de tissus ou cellules embryonnaires ou foetaux après une interruption de grossesse (à des fins diagnostiques, thérapeutiques ou scientifiques).
* Recherche sur des embryons non susceptibles d’être transférés ou conservés (les deux membres du couple ou la femme non mariée).
* Conservation d’embryons, dans l’intention de réaliser ultérieurement un projet parental (les deux membres du couple ou la femme non mariée).
* Stérilisation contraceptive chez une personne majeure : délai de réflexion de quatre mois.
* Procréation médicalement assistée (PMA) avec don de spermatozoïdes ou d’ovocyte (consentement du donneur et, s’il fait partie d’un couple, celui de l’autre membre du couple et consentement des deux membres du couple receveur).
* Étude des caractéristiques génétiques à des fins médicales ou de recherche
scientifique.
II: La preuve de l’information A: La charge de la preuve En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé(e). Cette preuve peut être apportée
par tout moyen. Dans les hôpitaux publics, c’est donc à l’administration de l’hôpital d’apporter la
preuve que l’information a bien été délivrée, ce qui nécessite bien sûr le concours des médecins. Pour le médecin libéral, c’est à lui de produire des éléments de preuve issus du
dossier médical. Pour les examens complémentaires invasifs par exemple, c’est le médecin qui prescrit
mais aussi celui qui réalise l’acte qui doivent informer le patient (par exemple, le
médecin qui demande un scanner avec injection et le radiologue).
B: Les modes de preuve 1: Cas général
La preuve de la délivrance de l’information ne résulte pas obligatoirement d’un écrit. Tout au contraire, l’écrit peut être, si on l’utilise mal, contre-productif dans ce domaine. Faire signer un document au patient témoigne d’une méfiance à son égard et peut l’inciter à douter, à son tour, de son médecin. De plus, ces écrits signés, ont souvent l’allure d’une « décharge de responsabilité », alors que ce n’est pas admis en droit Enfin, s’ils sont remis au patient c’est contraire à l’esprit de la loi du 4 mars 2002. La loi le précise : « Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel. » L’écrit est donc utile s’il vient corroborer l’existence d’un dialogue oral. Un document très stéréotypé, énumérant une liste de complications générales et
utilisé dans le seul objectif de se protéger des poursuites, s’avère parfois contreproductif. La signature du patient sur un consentement permet cependant de lui faire
comprendre qu’aucune intervention chirurgicale n’est dénuée de risques, en particulier pour une chirurgie fonctionnelle sans aucun caractère obligatoire. Il faut faire comprendre au patient qu’il ne s’agit pas de retirer la responsabilité au médecin. Il faut surtout laisser un délai de réflexion au patient avant de signer. Toute remise de documentation doit s’accompagner de commentaires adaptés au patient. Dès lors, comment prouver que l’information a été délivrée ? « Par tout moyen » disent
à la fois les tribunaux et la nouvelle loi. Quels sont ces moyens ? Ce sont les « présomptions de fait » ou un « faisceau de présomptions » à partir desquels le juge se
forge une conviction (encadré 2.8).
Moyens permettant d’apporter la preuve d’une information *
La trace d’un entretien.
* Un schéma explicatif dans le dossier médical. * Le nombre de consultations avant l’intervention chirurgicale ou l’acte médical et le délai entre les consultations.
* L’avis d’éventuels médecins spécialisés. * Les examens complémentaires prescrits (ce qui implique un délai et une motivation).
* Une consultation supplémentaire en présence de la personne de confiance ou d’un parent.
* Le témoignage d’un membre de l’équipe soignante. * Une mention sur le dossier médical. * Une mention sur un courrier adressé à un confrère. * Un délai de réflexion laissé au patient. * L’existence de procédures relatives aux modalités d’information des patients (des réunions collectives d’information pour des patients qui vont être opérés pour une
prothèse de genou, par exemple).
2: Situations particulières On traite ici des situations dans lesquelles des lois spéciales exigent des modalités particulières pour l’information et le consentement. L’écrit est alors exigé. Parfois même, le formalisme est plus grand : intervention d’un magistrat pour vérifier la réalité de l’information et du consentement dans le cas du don d’un organe, par exemple d’un
rein, par une personne vivante.
III: Conséquences d’un défaut d’information Un défaut d’information est responsable d’une perte de chance — perte de la chance d’avoir refusé le traitement et donc de la chance de ne pas avoir subi le dommage. Le dommage indemnisé en cas de reconnaissance d’un défaut d’information n’est donc que la perte de chance et non l’entier dommage. De plus, si le juge estime que la perte de chance n’existe pas (par exemple lors d’un traitement ou d’un acte indispensable), le patient n’est pas indemnisé au titre de la perte de chance car aucun dommage n’est reconnu. Depuis 2010, le défaut d’information peut également conduire à la reconnaissance
d’un préjudice moral d’impréparation, du fait d’une atteinte aux droits fondamentaux de la personne, dans l’hypothèse où le risque passé sous silence s’est réalisé. Le défaut d’information est indemnisé au titre des dommages et intérêts par une
somme d’argent. Le défaut d’information ne constitue pas une faute pénale, sauf exception (par
exemple, une interruption de grossesse contre la volonté de la patiente, une recherche médicale sans le consentement du patient, etc.). Des sanctions devant le conseil de l’ordre des médecins sont possibles en cas de
défaut d’information.
IV: Le consentement du patient L’information est délivrée dans le but d’obtenir le consentement du patient. En
effet, il n’est pas possible d’intervenir sans le consentement de celui-ci, sauf en cas d’intervention urgente et si le patient n’est pas en état de recevoir l’information. Le recueil du consentement ne nécessite aucun formalisme. Seules quelques
situations légalement codifiées comportent l’obligation de recueillir le consentement par
écrit.
A: Cas particuliers 1: Mineur
La loi dispose que le consentement du mineur doit être systématiquement recherché si ceux-ci sont aptes à exprimer leur volonté et à participer à la décision. L’information se fait en fonction de leur degré de discernement. Il est cependant nécessaire d’obtenir le consentement d’au moins un des parents pour
les actes usuels. Pour les actes non usuels, le consentement des deux parents est nécessaire. La loi indique par ailleurs que le médecin peut :
* intervenir sans avoir obtenu le consentement des parents en cas d’urgence ; * passer outre le refus d’un traitement par les parents si ce refus risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ;
* intervenir sans le consentement des parents lorsque la prise en charge est nécessaire pour sauvegarder la santé du mineur et que celui-ci s’oppose à ce que ses parents soient avertis. Il s’agit d’une situation très dérogatoire qui nécessite
de respecter les conditions légales (art. L. 1111-5 du Code de la santé publique).
2: Majeur protégé sous protection juridique Aucun acte médical ni traitement ne peut être pratiqué sans rechercher le consentement du majeur protégé. Si le majeur est apte à comprendre l’information et consentir, il n’est pas nécessaire de
faire intervenir la personne chargée de la mesure de protection. Si nécessaire, le majeur protégé peut être assisté par la personne chargée de sa
protection avec un mandat de représentation. Si la personne est hors d’état de consentir, l’autorisation de soin est donnée par la
personne chargée de la protection (en tenant compte si possible de l’avis du majeur
protégé).
3: Personne hors d’état d’exprimer sa volonté La loi dispose que lorsqu’une personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, en dehorsdes cas précédents, la personne de confiance désignée à cet effet par le patient (création de la loi du 4 mars 2002) ou sa famille ou, à défaut, ses proches, doivent être consultés. Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui est consultée
dans les cas où la personne est hors d’état de recevoir une information ou d’exprimer sa volonté (cf. supra « L’apport de la loi du 4 mars 2002 : droits individuels et droits collectifs »). On remarquera que le mot « consulté » qui est employé préserve la possibilité pour le
médecin d’agir malgré une opposition de la personne référente, en cas de risque grave, comme dans le cas précédent. En effet, il s’agit de consulter le proche et non de la nécessité d’obtenir son consentement. La situation est différente lors d’une décision d’arrêt ou de limitation de traitement
pouvant entraîner le décès. L’avis de la personne de confiance doit être recherché.
B: Le refus de soins La loi dispose de manière explicite que même lorsque la vie d’un patient est en danger, sa volonté doit être respectée dès lors qu’il est en état de l’exprimer, après l’avoir informé des conséquences de ses choix et de leur gravité (art. L. 1111-4 du Code de la santé publique). Cet aspect du respect du consentement est à l’origine de difficultés, notamment pour
la prise en charge des Témoins de Jéhovah lorsqu’ils refusent toute transfusion. Deux situations peuvent se poser :
* le pronostic vital est engagé ;
* le pronostic vital n’est pas engagé.
1: Situations où le pronostic vital n’est pas engagé Le médecin doit respecter le choix du patient. Il faut toutefois que l’information sur les risques de ce refus soit exhaustive, que le médecin prenne le temps de s’entretenir avec le patient, qu’il s’assure que celui-ci a bien compris les conséquences de son choix. Des précautions doivent être prises :
* répéter l’entretien ou faire intervenir d’autres personnes (infirmière, étudiant) et ne pas se résoudre trop vite au refus ;
* écrire sur le dossier l’information qui a été apportée et la réaction du patient ; * ne pas hésiter à informer la personne de confiance, à défaut la famille (si elle est
présente) ou l’entourage de la nécessité du traitement et du refus du patient, sauf si le patient s’y est opposé.
Dans les établissements de santé, il convient également de faire signer au patient un
document de sortie contre avis médical. Il ne s’agit pas d’une « décharge de responsabilité ». C’est un document qui est prévu dans la réglementation des établissements publics. Dans ce document le patient reconnaît avoir été averti des
risques du refus du traitement. Attention : ce document n’est pas la preuve indéniableque le patient a bien compris les risques qu’il encourt en cas de refus de soin, mais il peut constituer un des éléments de preuve. Mais il est indispensable d’assurer la prise en charge et le suivi du patient. En effet, le
patient refuse souvent un type de traitement, mais il ne refuse généralement pas tout traitement (par exemple : plâtre ou attelle, prescription d’anticoagulant et consultation de contrôle en cas de refus du traitement chirurgical indiqué, antibiothérapie même en cas de refus de parage et de suture d’une plaie, lettre au médecin traitant, etc.). La prise en charge peut être « dégradée » par rapport à la prise en charge idéale mais est adaptée en fonction de l’acte refusé. Il convient d’indiquer au patient, sorti contre avis médical,
qu’il pourra à tout moment venir à nouveau consulter.
2: Situations où le pronostic vital est engagé Ces situations sont plus problématiques car le risque pour le médecin est le décès du patient et de se voir reprocher une non-assistance à personne en danger. Plusieurs arrêts de jurisprudence ont toutefois estimé qu’il n’était pas possible de
poursuivre le médecin pour non-assistance, le refus du patient étant une cause d’exonération de responsabilité. À l’inverse, que risque le médecin s’il agit contre la volonté du patient ? Il est vrai que
le devoir du médecin est d’essayer de sauver la vie. Il est difficile de lui reprocher ce geste. C’est ce qu’a jugé une cour administrative d’appel en 1998 (patiente témoin de Jéhovah présentant une hémorragie). Dans cette même affaire, le Conseil d’État, saisi en cassation, a cependant rappelé que la nécessité de respecter le consentement du patient, et donc son choix, est un devoir plus absolu pour le médecin que de sauver la vie. La non-condamnation du médecin n’était due qu’au fait que l’acte était vraiment la seule solution possible et que, sans cet acte, la mort était certaine et imminente. Ainsi — même si ça n’a pas été le cas dans cette affaire —, on peut penser qu’un
médecin qui agirait contre la volonté clairement exprimée de son patient, sans analyse
souveraine de la situation, pourrait être condamné pour violences volontaires.
Pointsclés * L’information du patient est nécessaire pour qu’il consente à l’acte de soin de manière éclairée.
* L’information doit être orale et réalisée au cours d’un entretien individuel pour être adaptée à la compréhension du patient.
* L’information doit porter sur le pronostic, les traitements et les investigations proposés, les alternatives possibles, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles.
* En cas de refus de soins, le patient sera informé des risques liés à son refus Le consentement du patient est principalement oral.
* Le recueil écrit du consentement est imposé par la loi uniquement pour certains
actes médicaux (recherches, analyses génétiques, domaine de la procréationmédicalement assistée…). * Lors d’une recherche en responsabilité, le médecin doit apporter la preuve qu’il a bien informé le patient. Cette preuve peut être apportée par des présomptions.
* Lorsque le patient refuse un soin ou la poursuite d’un traitement, son refus doit
être respecté après une information exhaustive sur les conséquences de ce refus.
I: Fondement du secret médical et sanctions L’obligation au secret professionnel n’est pas spécifique au médecin — y sont
également soumis les avocats, les magistrats, les ecclésiastiques et la défense nationale, par exemple. Le respect du secret est un droit de l’usager du système de santé et un devoir des
professionnels et des établissements de santé. Le secret est indispensable à une relation de confiance qui permet de recueillir les confidences du patient et le symbole du respect par le médecin de la vie privée du patient. La violation du secret professionnel est une infraction dont la sanction est prévue par
le Code pénal. C’est un délit qui relève du tribunal correctionnel (art. 226-13). Le respect du secret professionnel est également un pilier de la déontologie médicale
(art. R. 4127-73 du Code de la santé publique). La déontologie impose au médecin de respecter mais aussi de faire respecter le secret médical par ceux qui l’entourent (art. R. 4127-72 du Code de la santé publique). Le médecin doit veiller à protéger ses
dossiers médicaux (art. 4127-4 du Code de la santé publique : déontologie du médecin).
Code pénal Art. 226-13 – La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état soit par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Code de la santé publique Art. R. 4127-73 – Le médecin doit protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu’il a soignées ou examinées (…). Art. R. 4127-72 – Le médecin doit veiller à ce que les personnes qui l’assistent dans
son exercice soient instruites de leurs obligations en matière de secret professionnel et s’y conforment. Art. R. 4127-4 – Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à
tout médecin dans les conditions établies par la loi.
La violation du secret médical est également sanctionnable sur le plan disciplinaire par le conseil de l’ordre des médecins. Les répressions pénales et ordinales ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Les deux
responsabilités peuvent être engagées contre un médecin qui aurait violé le secret professionnel. Un médecin peut être condamné à une amende, à une peine d’emprisonnement ou à une interdiction d’exercice par la juridiction pénale et dans le même temps être sanctionné par l’Ordre des médecins (sanctions qui vont de l’avertissement à la radiation).
À cela peut également s’ajouter une responsabilité disciplinaire pour les médecinssalariés, diligentée par leur employeur et qui peut aboutir au licenciement. La divulgation des informations peut prendre des formes diverses :
* des propos tenus en public ou en privé et qui peuvent avoir été filmés ou enregistrés ;
* un contenu inapproprié de certificats ; * des certificats ou attestations fournis à des tiers ; * la circulation d’informations sur des supports informatiques non protégés ; * la diffusion de messages électroniques ; * la publication sur les réseaux sociaux ; * la divulgation lors d’une interview par un média ; * la publication d’articles dans la presse grand public ou d’ouvrage.
Le patient ne peut pas délier le médecin du secret. Un médecin pourrait être
condamné pour violation du secret même si le patient l’avait autorisé à donner des informations. Le secret est institué dans l’intérêt du patient mais aussi de la santé publique et il ne doit pas pouvoir être imposé au patient de délier le médecin de son
secret.
II: Contenu du secret médical Le secret médical couvre l’ensemble des informations venues à la connaissance du professionnel de santé durant son exercice professionnel, c’est-à-dire non seulement ce
qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu et compris. Le secret couvre l’ensemble des informations médicales et individuelles au sens large. On attend donc du médecin une discrétion totale, même sur ce qu’il peut déduire des propos du patient ou
de ses constatations et sur les éléments non médicaux.
III: Les professionnels tenus au secret professionnel
Le secret professionnel s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. Sont donc assujettis non seulement les médecins et les professions médicales mais aussi les paramédicaux, les étudiants et toutes les personnes intervenant soit au cabinet d’un médecin libéral, soit au sein des établissements de santé. Sont également astreints au secret les assistantes sociales, les secrétaires, les informaticiens, les agents
administratifs, le personnel d’entretien ménager, les éducateurs, etc.
IV: Le secret, le patient et les proches Le secret doit être absolu vis-à-vis de toute personne étrangère au patient, y compris la famille et les proches (sauf les parents d’enfants mineurs et le tuteur d’une personne majeure sous tutelle). Le patient peut demander que personne ne soit informé de sa pathologie, ni même de
son hospitalisation ou de sa prise en charge, et cette demande doit être respectée. Il convient de le noter dans le dossier médical. Il n’y a pas de secret vis-à-vis du patient. L’information sur son état de santé doit lui
être donnée. « Toutefois, lorsqu’une personne demande à être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic, sa volonté doit être respectée, sauf si des tiers sont exposés à un risque de contamination » (art. R. 4127-35 du Code de la santé publique). L’information peut donc être réservée vis-à-vis du patient sauf en cas de découverte de maladie transmissible par voie sexuelle (infection par le VIH, par exemple) ou aérienne (la tuberculose pulmonaire, par exemple). Dans cette situation, le patient doit être informé même s’il ne le souhaite pas. Il est possible de partager des informations avec un proche choisi par le patient ou
avec la famille, sauf opposition du patient (art. L. 1110-4 et R. 4127-35).
Le proche informé est prioritairement la personne de confiance (encadré 2.9).
Encadré 2.9 La personne de confiance Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un
parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée dans le cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Elle rend compte de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage si le patient est dans le coma ou ne peut plus s’exprimer. Cette désignation est faite par écrit et cosignée par la personne désignée comme personne de confiance. Si le patient le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions. Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au patient
de désigner une personne de confiance. Cette désignation est valable pour la durée de l’hospitalisation, à moins que le patient n’en dispose autrement. Elle est révisable et révocable à tout moment. La mention de l’identité et des coordonnées de la personne de confiance est faite dans
le dossier médical. La présence de la personne de confiance est particulièrement utile en matière de pathologie grave (lorsque l’émotion provoquée par l’annonce d’un diagnostic perturbe le discernement) ou de difficultés de compréhension liées, par exemple, au grand âge. Elle permet de pallier l’absence de famille ou même de la substituer si tel est le souhait du patient.
Cf. aussi supra la section « Apport de la loi du 4 mars, droits individuels etcollectifs
Code de la santé publique Art. L. 1110-4 – En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s’oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. Art. R. 4127-35 – Un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection, mais
les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement
interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite.
V: Le secret partagé Entre médecins, le secret n’est pas aboli, mais le secret partagé existe quand ils
participent à la prise en charge d’un patient, sous réserve de l’accord du patient. Un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels des informations relatives à une même personne prise en charge à condition :
* de participer à sa prise en charge ; * d’échanger uniquement des informations strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médicosocial et social.
Si les professionnels appartiennent à la même équipe de soins, ils peuvent partager
les informations concernant une même personne qui sont strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins ou à son suivi médico-social et social. Ces informations sont réputées confiées par la personne à l’ensemble de l’équipe. Le partage, entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins,
d’informations nécessaires à la prise en charge d’une personne requiert son consentement préalable recueilli par tout moyen. Depuis 2016, la notion de secret partagé a été étendue largement au-delà du domaine
strict de la santé et donc au-delà des professionnels de santé, mais seules les informations nécessaires à la mission de chacun sont communiquées. Les professionnels susceptibles d’échanger ou de partager des informations relatives
à la même personne prise en charge sont cités dans le Code de la santé publique
(encadré 2.10).
Professionnels pouvant échanger des informations de santé *
Les professionnels de santé mentionnés dans le Code de la santé publique,
quel que soit leur mode d’exercice (médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, pharmacien, physicien médical, infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicurepodologue, ergothérapeute, psychomotricien, préparateur en pharmacie, orthophoniste, orthoptiste, manipulateur d’électroradiologie médicale, technicien de laboratoire médical, audioprothésiste, opticiens lunetiers, prothésiste, orthésiste, diététicien, aide-soignant, auxiliaire de puériculture et ambulancier).
* Les professionnels suivants (qui ne sont pas des professionnels de santé selon le Code de la santé publique) : – assistants de service social ; – ostéopathes, chiropracteurs ;
– psychologues et psychothérapeutes ;– aides médico-psychologiques et accompagnants éducatifs et sociaux ; – assistants maternels et assistants familiaux ; – éducateurs et aides familiaux, personnels pédagogiques occasionnels des accueils collectifs de mineurs, permanents des lieux de vie ;
– particuliers accueillant des personnes âgées ou handicapées ; – mandataires judiciaires à la protection des majeurs (tuteur et curateur) et délégués aux prestations familiales ;
– salariés des établissements et services et lieux de vie et d’accueil ; – professionnel intervenant dans le secteur social, médico-social et sanitaire auprès des personnes âgées en perte d’autonomie ;
– professionnels membre de l’équipe médico-sociale compétente pour
l’instruction des demandes d’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Des informations peuvent être fournies à certains médecins même s’ils ne participent pas directement aux soins du patient, si ces informations sont nécessaires à l’exercice de leurs missions :
* médecin responsable de l’information médicale dans un établissement de santé public ou privé ;
* médecin-conseil de la Sécurité sociale ; * médecin inspecteur de santé publique ; * médecin de l’Agence régionale de santé (ARS) ; * médecin membre de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ; * médecin expert de la Haute Autorité de santé (HAS) dans le cadre de sa mission de certification lors de ses visites des établissements de santé ;
* médecin de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
L’accord du patient n’est alors pas recherché.
VI: Cas particuliers d’exercice médical Il n’est pas prévu de secret partagé entre le médecin du travail et les médecins
soignants d’une personne. C’est le salarié qui fait l’intermédiaire entre les deux pour
communiquer des documents.
A: La santé au travail Le médecin du travail ne fournit à l’employeur que ses conclusions concernant
l’aptitude ou l’inaptitude du salarié à son poste, sans renseignements médicaux qui justifieraient sa décision. Toutes les informations doivent transiter par le salarié. Un médecin traitant ne peut
pas communiquer directement d’informations au médecin du travail à l’insu de son
patient.
B: Médecin-conseil de compagnie d’assurances Le médecin est mandaté par une compagnie d’assurances pour la renseigner sur les conséquences d’un accident, pour savoir si les conditions prévues dans le cadre d’un contrat d’assurance sont remplies. Ce médecin communique les informations utiles à l’assureur qui l’a désigné. Le médecin traitant ne doit jamais communiquer directement d’informations à une
assurance, ni même au médecin mandaté par une compagnie d’assurances. Les informations sont communiquées au patient (ou à ses ayants droit s’il est décédé) et c’est
le patient qui décide de ce qu’il communique à l’assurance.
C: Médecin expert judiciaire Il n’existe pas de dérogation légale du secret professionnel vis-à-vis de l’expert
judiciaire. En matière civile, le médecin expert peut obtenir la communication du dossier
médical directement auprès du patient ou, s’il est décédé, auprès de ses ayants droit. En matière pénale, une saisie du dossier peut être ordonnée par un juge d’instruction
dans le cadre d’une procédure pénale avec ouverture d’une information judiciaire.
D: Expertises en accidents médicaux pour les commissions de conciliation et d’indemnisation et les dommages sériels
La loi du 4 mars 2002 a instauré une nouvelle procédure d’indemnisation des accidents médicaux. Pour que les demandes puissent être étudiées, les membres des commissions de conciliation et d’indemnisation (CCI) et de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) sont amenés à prendre connaissance notamment de rapports d’expertise. Ils sont astreints au secret professionnel. La loi a prévu une dérogation au secret pour les médecins désignés comme experts
par les CCI. Dans le cadre d’une demande d’indemnisation auprès de l’ONIAM, des informations
sont communiquées par le patient ou par ses ayants droit à l’ONIAM dont les membres doivent respecter le secret. De même, des dérogations existent concernant l’indemnisation des victimes de
l’amiante par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) et les victimes
des essais nucléaires français.
E: Médecine pénitentiaire Les détenus sont pris en charge par des médecins hospitaliers concernant leur suivi médical au sein des unités sanitaires. En détention, certaines informations doivent être communiquées à l’administration pénitentiaire lorsque des mesures sont à prendre concernant les codétenus mais aussi le personnel pénitentiaire :
* si un détenu travaille en cuisine ; * si un détenu présente un risque suicidaire majeur ; * si un détenu présente une maladie contagieuse.
Il existe une obligation pour les personnels soignants intervenant dans les
établissements pénitentiaires d’informer le directeur de l’établissement s’il existe un risque sérieux pour la sécurité des personnes (art. L. 6141-5 du Code de la santé publique). Seules les informations utiles à la mise en oeuvre de mesures de protection sont transmises. En dehors des « risques sérieux », l’administration pénitentiaire doit respecter le droit
au secret médical des personnes détenues ainsi que le secret de la consultation.
VII: Dérogations légales au secret médical Les médecins doivent être vigilants dès qu’ils rédigent un certificat, car de
nombreux contentieux ont lieu devant l’Ordre des médecins, suite à des violations du secret médical dans le cadre de certificats. Il n’y a pas de violation du secret lorsqu’un certificat est remis au patient ou aux
parents d’un mineur ou encore au mandataire judiciaire à la protection d’un majeur. Il ne faut jamais remettre un certificat à un tiers, y compris au conjoint ou à l’enfant du patient. Les certificats demandés par le patient doivent être établis s’ils sont prescrits par la loi
et s’ils sont indispensables pour faire valoir un droit.
A: Déclaration des naissances Le médecin est tenu de déclarer à l’officier d’état civil dans les cinq jours la naissance d’un enfant à laquelle il a assisté, si cette déclaration n’a pas déjà été faite par le père
(art. 55 et 56 du Code civil).
B: Déclaration des décès Le médecin qui constate le décès doit établir un certificat médical. Ce point est traité
dans l’ITEM 13 au chapitre 6.
C: Maladies à déclaration obligatoire La loi prévoit que pour certaines maladies infectieuses (encadré 2.11) nécessitant
une intervention urgente des pouvoirs publics, la transmission de données incombe aux médecins et aux responsables de laboratoires d’analyses médicales. Elle doit être faite à l’autorité sanitaire anonymement (à l’Agence régionale de santé). Des formulaires spécifiques existent. En revanche, si le directeur de l’Agence nationale de santé publique (ANSP), ultime destinataire, le souhaite, il peut accéder aux informations couvertes par le secret médical (art. L. 1413-5 du Code de la santé publique). Le secret n’est pas
opposable aux médecins de l’ANSP.
Encadré 2.11 Maladies faisant l’objet d’une transmission obligatoire à l’autorité sanitaire Catégorie 1
Les maladies qui nécessitent une intervention urgente locale, nationale ouinternationale, notamment : * Botulisme. * Brucellose. * Charbon. * Chikungunya. * Choléra. * Dengue. * Diphtérie. * Fièvres hémorragiques africaines. * Fièvre jaune. * Fièvre typhoïde et paratyphoïde. * Hépatite A aiguë. * Infection invasive à méningocoque. * Infection à virus de l’encéphalite à tiques. * Infection à virus du Nil Occidental. * Légionellose.
* Listériose.Le signalement est adressé au médecin de l’Agence régionale de santé qui évalue la nécessité de mettre en place d’urgence des mesures de prévention et, le cas échéant, de déclencher des investigations pour identifier l’origine de la contamination ou de
l’exposition.Le déclarant est tenu de fournir au médecin de l’ARS toute information nécessaire, notamment l’identité et l’adresse du patient.Catégorie 2 Les maladies dont la surveillance est nécessaire à la conduite et à l’évaluation des politiques de santé publique :
* Infection aiguë symptomatique par le VHB (virus de l’hépatite B). * Infection par le VIH, quel que soit le stade. * Tétanos. * Mésothéliomes.
La notification obligatoire des données individuelles à l’autorité sanitaire se fait
auprès des médecins des ARS qui transmettent ensuite à l’Agence nationale de santé publique (ANSP). Un numéro d’anonymat est établi par codage informatique à partir des trois premières lettres des nom, prénom, date de naissance et sexe de la personne. L’établissement du numéro d’anonymat est assuré par le déclarant ou par le médecin
de l’ARS.
D: Infections nosocomiales et événement indésirable grave
Tout professionnel de santé ou établissement de santé ou établissement et service médico-social ayant constaté une infection associée aux soins, dont une infection nosocomiale, ou tout autre événement indésirable grave associé à des soins réalisés doit en faire la déclaration au directeur général de l’ARS (art. L. 1413-14 du Code de la santé publique). En réalité, il ne s’agit pas de déclarer toutes les infections nosocomiales mais
uniquement les plus graves et de façon anonyme. Sont déclarées les infections associées aux soins :
* qui surviennent sous forme de cas groupés ; * qui ont provoqué un décès ; * qui relèvent d’une transmission obligatoire de données individuelles à l’autorité sanitaire.
La déclaration doit comporter :
* la nature de l’infection et les dates et circonstances de sa survenue ou, à défaut, de sa constatation ;
* la mention des investigations réalisées à la date de la déclaration ; * l’énoncé des premières mesures prises pour lutter contre cette infection et
prévenir sa propagation.Cette déclaration est faite dans des conditions qui garantissent l’anonymat du ou des patients et des professionnels concernés à l’exception du déclarant. Elle ne doit pas comporter les noms et prénoms des patients, ni leur adresse, ni leur date de naissance,
ni les noms et prénoms des professionnels ayant participé à leur prise en charge.
E: Toxicomanie et alcoolisme Le médecin peut déroger au secret médical pour une personne usant d’une façon illicite de stupéfiants afin qu’elle bénéficie d’une prise en charge sanitaire organisée par l’ARS (art. L. 3411-1 du Code de la santé publique). Il n’existe pas de dérogation au secret médical pour signaler les personnes
alcooliques. Cela a existé dans les années 1950 mais a été abrogé depuis très longtemps.
F: Injonctions thérapeutiques, obligation de soins et injonction de soins
La justice peut imposer des soins à des personnes qui ont commis des infractions sous l’effet de l’alcool ou de stupéfiants et aux auteurs d’infractions de nature sexuelle. Il existe des dérogations au secret pour permettre à la Justice de s’assurer que la personne suive les soins. Le médecin traitant est habilité à informer le juge de l’application des peines ou
l’agent de probation si la personne a interrompu son suivi. Le médecin traitant peut également informer de toute difficulté survenue dans l’exécution du traitement le médecin coordonnateur, qui est habilité à prévenir le juge de l’application des peines ou
l’agent de probation.
G: Certificats d’hospitalisation sous contrainte en psychiatrie L’hospitalisation en psychiatrie sous contrainte, c’est-à-dire sans le consentement du
patient, n’est possible que sous réserve d’un ou de deux certificats médicaux. Ces certificats instaurent de fait une dérogation au secret médical puisqu’ils contiennent des informations nominatives et notamment des symptômes motivant l’hospitalisation sans le consentement de la personne. Il existe deux grands cadres :
* soins psychiatriques à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent ; * soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État.
Les membres de la commission départementale des hospitalisations psychiatriques
ont accès au dossier administratif de chaque patient hospitalisé sous contrainte. Les établissements communiquent aux membres de la commission, à leur demande, les données médicales nécessaires à l’accomplissement de leur mission de suivi des
hospitalisations sous contrainte. À cette fin, le dossier médical est accessible auxmédecins membres de la commission.
H: Majeurs protégés 1: Certificat médical circonstancié
Une demande de mesure de protection nécessite l’établissement d’un certificat par un médecin inscrit sur une liste spécifique établie par le procureur de la République. Il s’agit le plus souvent d’une personne de l’entourage du patient qui sollicite ce certificat médical circonstancié. Le certificat circonstancié est remis par le médecin aux demandeurs sous pli cacheté,
à l’attention exclusive du procureur de la République ou du juge des contentieux de la protection (nouvelle dénomination du juge des tutelles). C’est ce juge qui décide de la mesure de protection en s’appuyant notamment sur ce certificat circonstancié.
2: Signalement des patients nécessitant une mesure de protection Le médecin qui suit un patient ne peut pas directement informer le juge des contentieux de la protection s’il constate que son patient a besoin d’être protégé dans les actes de la vie civile. Il peut en faire la déclaration au procureur de la République, qui décide ou
non de saisir le juge.
I: Relations avec les CPAM Des informations peuvent être fournies aux praticiens-conseils de la Sécurité sociale, même s’ils ne participent pas directement aux soins du patient, si ces informations sont nécessaires à l’exercice de leur mission (demandes concernant des arrêts maladie, accidents de travail et maladies professionnelles, affection de longue durée, etc.). Le médecin doit compléter différents documents et formulaires de la Sécurité sociale qui sont remis au patient afin qu’il puisse faire valoir ses droits ; il peut répondre aux sollicitations des praticiens-conseils de la Sécurité sociale. Ces informations médicales sont fournies au service médical de la CPAM mais pas au service administratif de la
CPAM ni à l’employeur.
J: Signalement des maltraitances sur les mineurs et les majeurs vulnérables Pour les mineurs (moins de 18 ans) ou les personnes vulnérables, c’est-à-dire hors
d’état de se protéger en raison de leur âge ou de leur incapacité physique ou psychique, le médecin a la possibilité de signaler les sévices ou les privations sans avoir besoin de leur accord préalable. Les modalités de signalement judiciaire ainsi que la définition d’une réquisition
judiciaire sont traitées dans l’ITEM 13 au chapitre 6.
Code pénal Critères de vulnérabilité (art. 222-14) :
* Âge avancé (aucun seuil n’est fixé par la loi). * Maladie (personne fragilisée, grabataire, etc.). * Infirmité. * Déficience physique ou psychique (handicap, maladie mentale ou psychiatrique). * État de grossesse.
* La minorité de la victime est considérée en soi comme un état de vulnérabilité.
K: Signalement des violences concernant un majeur non protégé
Le médecin peut signaler ces violences — il n’en a pas l’obligation — au procureur de la République, avec l’accord de la victime. Cette possibilité peut permettre d’aider certaines victimes (contexte de violences intrafamiliales). Une nouvelle dérogation a été instaurée par la loi no 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales.
Ces points sont abordés en détail dans l’ITEM 13 au chapitre 6.
L: Révélation de crimes et délits Le Code pénal punit la non-dénonciation de crimes : « Le fait pour quiconque ayant
connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende » (art. 434-1). Mais ces dispositions ne s’appliquent pas aux personnes astreintes au secret professionnel. En revanche, le médecin, comme tout citoyen, a une obligation de porter secours et
d’agir pour empêcher un crime ou un délit contre une personne.
Code pénal Art. 223-6 – Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Il s’agit ici de crime ou de délit que l’on peut encore « empêcher par son action » et
non d’infractions passées.
Le médecin peut être condamné s’il est coupable du délit d’omission d’empêcher une infraction mais, en pratique, le médecin est rarement témoin de l’infraction elle-même. Il constate a posteriori les conséquences des violences sur la personne de la victime. Une dérogation au secret médical peut se justifier par l’état de nécessité dans certains
cas particuliers : le médecin déroge au secret professionnel car son patient s’avère potentiellement dangereux et justifie cette violation du secret par la nécessité d’agir. Cela a été évoqué dans le cadre des médecins qui suivent un patient radicalisé qui prépare un attentat. Le conseil de l’ordre des médecins a également suggéré d’éventuellement s’affranchir du secret en informant le procureur si le médecin est intimement persuadé que son intervention va pouvoir éviter une catastrophe, au sujet du copilote suicidaire qui a crashé volontairement son avion dans les Alpes le 24 mars 2015. Cela pourrait s’appliquer à un médecin qui suit un patient devenu épileptique et non équilibré, exerçant le métier de chauffeur de bus scolaire et qui refuse d’avertir le
médecin du travail et le médecin de la commission du permis de conduire.
M: Armes à feu Le médecin peut informer le préfet du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui le consultent et dont il sait qu’elles détiennent une arme ou
qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une.
N: Dopage Le médecin qui est amené à déceler des signes évoquant une pratique de dopage doit informer son patient des risques qu’il court et lui proposer soit de se diriger vers une antenne médicale spécialisée, soit en liaison avec celle-ci lui prescrire les examens et les traitements nécessaires. Le médecin a une obligation de transmettre des informations concernant une suspicion de dopage au médecin responsable de l’antenne médicale de prévention du dopage. Le médecin doit informer son patient de cette obligation de transmission selon
l’article L. 232-3 du Code du sport. Il ne s’agit pas ici d’un signalement à des autorités judiciaires (le procureur de la
République) ni administratives (le préfet). L’objectif est que la personne puisse être prise
en charge médicalement.
O: Accès à des instances locales ou nationales 1: Commission des usagers La commission des usagers (CDU) au sein des établissements de santé (publics ou privés) est informée de l’ensemble des plaintes et des réclamations ainsi que des suites
qui leur sont données. Les membres de la CDU sont astreints au secret professionnel. La CDU peut avoir accès aux données médicales relatives aux plaintes et aux
réclamations formées par les usagers de l’établissement, sous réserve de l’obtention
préalable de l’accord écrit de la personne concernée ou de ses ayants droit si elle estdécédée.
2: Le défenseur des droits Le défenseur des droits a pour mission de défendre les droits et libertés de chacun dans le cadre des relations avec les établissements publics que sont les hôpitaux et les organismes investis d’une mission de service public. Le défenseur des droits doit également défendre et promouvoir les droits de l’enfant. Les informations couvertes par le secret médical peuvent être communiquées au
défenseur des droits sous réserve d’une demande expresse de la personne concernée. Cependant, des données médicales peuvent lui être communiquées sans consentement pour la victime mineure ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique et subissant des
privations, sévices ou violences physiques et sexuelles.
3: Le contrôleur des lieux de privation de liberté Le contrôleur intervient dans le cadre des hospitalisations sous contrainte en psychiatrie. Des informations couvertes par le secret médical peuvent être communiquées, avec l’accord de la personne concernée, aux contrôleurs ayant la qualité
de médecin.
P: Relations avec les autorités judiciaires 1: Le médecin requis
La réquisition d’un médecin est une possibilité pour l’autorité judiciaire d’obtenir des informations médicales concernant une personne. Un médecin ne doit pas délivrer d’information médicale à la Justice en dehors du cadre de la réquisition ou d’une saisie, ou lorsqu’il est interrogé en tant que témoin (cf. infra). La réquisition peut émaner d’un magistrat ou d’un officier de police judiciaire, qui
peut requérir « toute personne compétente ». Une réquisition est une injonction, c’est-à-dire que le médecin est tenu de déférer à
cette réquisition. S’il refuse d’y répondre, il s’expose à une amende. Les motifs légitimes de refus classiquement admis sont la maladie, l’inaptitude physique, l’incompétence technique avérée ou une relation familiale ou amicale avec la personne concernée. La réquisition est une dérogation ponctuelle au secret : le médecin doit répondre uniquement aux questions posées dans la réquisition. Le médecin doit prévenir le
patient qu’il l’examine dans le cadre d’une réquisition judiciaire.
2: La remise d’un dossier médical En dehors de la saisie du dossier (cf. infra, section « Le dossier médical »), il est possible de communiquer des documents médicaux pour répondre à la réquisition écrite d’un officier de police judiciaire (OPJ) mais le médecin est libre d’accepter ou de refuser de fournir les documents. Il se détermine en fonction de ce qu’il connaît de l’intérêt de son
patient. Il est noté à l’article 60-1 du Code de procédure pénale : « Le fait de s’abstenir derépondre à la réquisition d’un OPJ en matière de remise de documents est puni d’une amende de 3 750 euros. Mais cette sanction ne s’applique pas aux médecins. Lorsqu’une réquisition
concerne des médecins, la remise des documents ne peut intervenir qu’avec leur accord. »
3: Le médecin en défense Lorsqu’une action en responsabilité est intentée contre un médecin, celui-ci est autorisé à faire les révélations ou à communiquer les documents médicaux nécessaires à sa défense, que ce soit au pénal, au civil, en administratif ou devant la chambre disciplinaire du conseil de l’Ordre. Cette dérogation au secret ne figure pas dans la loi, mais est admise par des magistrats dans le cadre de la jurisprudence. La situation du médecin qui est appelé pour un témoignage en justice est différente.
Le médecin peut alors choisir de se taire pour respecter le secret ou de répondre aux
questions d’un magistrat s’il estime que c’est dans l’intérêt de son patient.
4: Le médecin témoin Si un médecin est convoqué en tant que témoin, il est tenu de se présenter et de prêter serment, mais il a la possibilité de ne pas répondre à toutes les questions pour préserver le secret de son patient. Un médecin peut estimer devoir témoigner en justice si son témoignage peut
empêcher de condamner un innocent. Cependant, contrairement à tout citoyen, il n’est pas sanctionné s’il s’abstient. Par ailleurs, sa profession ne lui interdit pas de témoigner à titre de simple citoyen,
indépendamment de tout élément recueilli au cours de son exercice professionnel.