Endocrinologie Flashcards
I Épidémiologie et sémiologie
L’insuffisance surrénale est une pathologie classiquement rare (un cas pour 10 000 habitants), mais potentiellement grave en raison du risque d’insuffisance surrénale aiguë qui peut survenir à tout moment. Cette complication est létale en l’absence d’un traitement rapide et adapté.
L’insuffisance surrénale lente est une pathologie chronique, probablement sous-diagnostiquée, en particulier pour les formes secondaires à une corticothérapie prolongée. Sa prise en charge permet d’assurer au patient une qualité de vie satisfaisante et de le mettre à l’abri d’une décompensation aiguë.
Les signes cliniques et biologiques de l’insuffisance surrénale s’expliquent par le rôle des différentes hormones normalement produites par le cortex surrénalien :
le cortisol, dont la sécrétion est stimulée par l’ACTH hypophysaire et qui exerce un rétrocontrôle négatif sur la sécrétion d’ACTH, a des points d’impact multiples, parmi lesquels : la stimulation de la néoglucogenèse, donc un effet hyperglycémiant ; la stimulation du catabolisme protidique ; la stimulation de la lipogenèse (viscérale et de la région faciotronculaire) ; l’inhibition de la sécrétion d’hormone antidiurétique ; l’action stimulante sur le système nerveux central ; l’effet anti-inflammatoire et antipyrétique ; la stimulation du tonus vasculaire ; l’effet minéralocorticoïde à forte dose ; l’aldostérone a une action essentiellement rénale : rétention sodée et excrétion de potassium (effet minéralocorticoïde) ; elle est sous la dépendance prépondérante du système rénine-angiotensine ; sa sécrétion est donc préservée en cas d’insuffisance surrénale haute par déficit en ACTH ; les androgènes surrénaliens (DHEA surtout) sont stimulés par l’ACTH.La sécrétion de cortisol suit un rythme nycthéméral avec un nadir (minimum) entre minuit et 2 h du matin, et un pic entre 7 h et 9 h.
On distingue parmi les insuffisances surrénales lentes :
l’insuffisance surrénale primaire (de causes surrénaliennes), à laquelle on réserve le nom de maladie d’Addison, caractérisée par un déficit qui touche à la fois le cortisol et l’aldostérone. Les signes cliniques sont marqués, en particulier l’hypotension. Il existe une perte de sel et une tendance à l’hyperkaliémie. La concentration d’ACTH plasmatique est élevée par perte du rétrocontrôle négatif, expliquant la mélanodermie (fig. 1) — l’ACTH et la MSH qui sont produites à partir de leur molécule mère, la pro-opiomélanocortine (POMC), à fortes concentrations se lient et activent les récepteurs cutanés qui stimulent la synthèse de mélanine ; l’insuffisance surrénale centrale, ou insuffisance corticotrope (causes hypophysaires, hypothalamiques, la plus fréquente étant l’arrêt d’une corticothérapie prolongée +++) : la sécrétion d’aldostérone est préservée, ce qui explique un tableau habituellement moins sévère. En l’absence de perte de sel, le collapsus est plus rare. L’hyponatrémie traduit une rétention hydrique par augmentation de la sécrétion d’ADH. L’ACTH est normale ou basse et le teint est pâle (fig. 1) (cf. Item 265 – Désordres hydroélectrolytiques).
II Signes cliniques
Il faut bien différencier l’insuffisance surrénale liée à une pathologie des glandes surrénales elles-mêmes (insuffisance surrénale primaire), de l’insuffisance corticotrope liée à un manque de production d’ACTH (atteinte hypophysaire ou hypothalamique).
Le tableau 1 résume les différences entre ces deux pathologies.
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Tableau 1
Manifestations cliniques et biologiques de l’insuffisance surrénale chronique. (Source : CEEDMM, 2021.)
Insuffisance surrénale primaire Insuffisance surrénale secondaire (corticotrope)
État général Fatigue, dépression, anorexie, perte de poids, hypotension, hypotension orthostatique Idem
Peau et muqueuses Hyperpigmentation Pâleur, même sans anémie
Troubles ioniques Hyperkaliémie
Hyponatrémie par perte de sel
Kaliémie normale
Hyponatrémie de dilution
Maladies ou symptômes associés Pathologie auto-immune associée (hypothyroïdie, vitiligo, etc.)
Tuberculose
Tumeurs (cancer pulmonaire, digestif, rénal, mammaire, etc. ; lymphome ; mélanome)
Syndrome des anti-phospholipides
Signes d’insuffisance hypophysaire
Syndrome tumoral : céphalées, troubles visuels
A Insuffisance surrénale primaire
Le tableau peu spécifique et le début insidieux rendent le diagnostic difficile. Seule la mélanodermie est évocatrice mais elle peut être difficile à apprécier.
Parmi les manifestations, on peut trouver :
l’asthénie physique et psychique : elle est constamment présente, augmentée au cours de la journée et à l’effort ; les symptômes de dépression sont fréquents ; l’amaigrissement, l’anorexie (100 % des cas également), avec toutefois conservation d’une appétence pour le sel ; l’hypotension artérielle(dans 90 % des cas), se manifestant au début par une hypotension orthostatique et une accélération du pouls, traduisant la déshydratation extracellulaire ; des nausées très fréquentes : l’apparition de vomissements, de diarrhée et de douleurs abdominales doit faire craindre l’insuffisance surrénale aiguë ; la mélanodermie (80 % des cas) : pigmentation prédominant sur les zones exposées au soleil, les zones de frottement, les plis palmaires et les ongles ; les mamelons, taches ardoisées sur la muqueuse buccale.
L’hypoglycémie de jeûne est rarement symptomatique chez l’adulte, sauf au cours de l’insuffisance surrénale aiguë. L’hypoglycémie, qui peut se compliquer de convulsions, est beaucoup plus fréquente chez le jeune enfant et le nourrisson.
B Signes biologiques
Le ionogramme peut être normal. Il peut aussi montrer une tendance à l’hyponatrémie et à l’hyperkaliémie qui doivent faire évoquer le diagnostic, ainsi qu’une fuite sodée (natriurèse augmentée).
L’hypoglycémie est rare chez l’adulte, sauf lors de la décompensation.
L’hémogramme peut montrer une anémie modérée, normochrome, normocytaire, une leucopénie et une hyperéosinophilie.
C Particularités de l’insuffisance surrénale centrale (corticotrope)
Il n’y a pas de perte de sel car la sécrétion d’aldostérone est préservée, celle-ci ne dépendant pas de la production d’ACTH.
Les signes cliniques sont souvent moins marqués, en particulier la baisse tensionnelle et les troubles digestifs. L’asthénie peut être la seule manifestation clinique. L’état de choc est rare.
La mélanodermie est remplacée par une pâleur (+++) (cf. fig. 1).
Il peut s’y associer, en fonction de l’étiologie, des signes témoignant du déficit des autres hormones hypophysaires, un syndrome tumoral avec des signes de compression chiasmatique et des céphalées (cf. Item 244 – Adénome hypophysaire).
On peut observer une hyponatrémie (de dilution) mais pas d’hyperkaliémie.
L’hypoglycémie est plus fréquente en cas d’insuffisance antéhypophysaire globale et liée à la carence associée en GH.
III Diagnostic
A Diagnostic positif
Le diagnostic de certitude repose sur les dosages des hormones surrénaliennes et de l’ACTH (fig. 2). Toutefois, il ne faut en aucun cas attendre les résultats pour débuter le traitement lorsque l’on suspecte une insuffisance surrénale. valeur pas a coco
1 Cortisolémie
Elle peut être mesurée vers 8 h du matin, au moment où la concentration est la plus haute de la journée :
le dosage permet de conclure à une insuffisance surrénale si la cortisolémie à 8 h est inférieure à 50 ng/ml [138 nmol/l] ; au contraire, la fonction corticosurrénalienne peut être considérée comme normale si la cortisolémie de base à 8 h est supérieure à 180 ng/ml [500 nmol/l] ; dans tous les autres cas, des tests dynamiques sont indispensables.
2 Mesure de l’ACTH
La mesure d’ACTH à 8 h du matin (dans des conditions techniques de prélèvement rigoureuses) est un bon dosage pour rechercher une insuffisance surrénale primaire puisque les taux sont alors invariablement élevés.
En revanche, un taux normal d’ACTH n’élimine pas une insuffisance secondaire (corticotrope).
Si l’insuffisance surrénale est établie, le taux d’ACTH est un excellent moyen de différencier une insuffisance surrénale primaire (ACTH élevée) d’une insuffisance corticotrope (ACTH normale ou basse).3 Aldostérone et rénine 4 SDHEA 5 Test au Synacthène®
Il consiste en une injection IM ou IV d’une ampoule de 0,25 mg de Synacthène® (tétracosactide, analogue synthétique de l’ACTH), suivie d’un dosage de la cortisolémie à 30 minutes et/ou 1 heure.
La réponse est normale si la cortisolémie stimulée dépasse 180 ng/ml [500 nmol/l]. Une réponse normale élimine une insuffisance surrénale quelle que soit son origine.
L’absence de réponse lors du test au Synacthène® est caractéristique de l’insuffisance surrénale primaire (la corticosurrénale étant déjà stimulée de manière maximale par l’ACTH endogène). En revanche, le test explore de manière indirecte la possibilité d’insuffisance corticotrope. Lorsque celle-ci est installée depuis plusieurs mois, elle entraîne une atrophie du cortex surrénalien qui répondra mais de manière insuffisante lors du test (pic < 500 nmol/l). On comprend donc que le test au Synacthène® puisse être faussement normal dans les insuffisances corticotropes récentes ou partielles (10 % des insuffisances corticotropes).
B Diagnostic étiologique
1 Causes d’insuffisance surrénale primaire
Origine auto-immune : rétraction corticale
L’origine auto-immune concerne environ 80 % des cas chez l’adulte en France ; c’est donc, de loin, la cause la plus fréquente. Elle n’explique l’insuffisance surrénale primaire que chez 20 % des enfants et est alors diagnostiquée après 10 ans en général.
Elle est plus fréquente chez la femme que chez l’homme (sex-ratio de 3/1).
On retrouve fréquemment des antécédents familiaux de maladies auto-immunes.
La maladie d’Addison peut être isolée ou associée à d’autres maladies auto-immunes :
thyroïdite de Hashimoto ; diabète de type 1 ; insuffisance ovarienne précoce ; gastrite auto-immune, éventuellement associée à une maladie de Biermer ; maladie cœliaque ; vitiligo, etc.
Tuberculose bilatérale des surrénales
Elle concerne environ 10 % des cas d’insuffisance surrénalienne primitive en Europe.
Elle est due à une localisation du BK (bacille de Koch) dans les surrénales suite à une dissémination hématogène. Elle ne devient habituellement parlante que plusieurs années après la première localisation de la tuberculose.
Le scanner montre des surrénales augmentées de taille à la phase initiale (fig. 4A) puis atrophiées et calcifiées dans 50 % des cas (fig. 4B).
La radiographie du thorax et le scanner thoracique montrent des signes de tuberculose, éventuellement au stade de séquelles. Un bilan des différentes localisations de la tuberculose est indispensable (cf. Item 155).Au cours de l’infection par le VIH
Elle survient habituellement à un stade avancé de la maladie. Les mécanismes sont multiples :
localisation surrénalienne d’une infection opportuniste ou d’une pathologie maligne (lymphome, etc.) ; mécanisme iatrogène ; l’insuffisance surrénale peut également être due à une atteinte de l’hypophyse par un lymphome ou une infection.
Autres causes surrénaliennes
Ces autres causes sont :
iatrogènes : surrénalectomie bilatérale anticortisoliques de synthèse (mitotane, Lysodren® ; kétoconazole, Kétoconazole HRA® ; métyrapone, Métopirone®) ; nécrose hémorragique (anticoagulants, etc.) ; métastases bilatérales : cancer du poumon, du rein, du sein, etc. Le scanner montre deux masses surrénaliennes (fig. 5) : le primitif est le plus souvent facilement retrouvé (scanner thoracoabdominal, fibroscopie bronchique, etc.) ;
etio chez enfant
Chez l’enfant
L’insuffisance surrénale est rare et les causes génétiques sont de loin les plus fréquentes.
Bloc enzymatique (hyperplasie congénitale des surrénales) (+++)C’est la cause la plus fréquente d’insuffisance surrénale chez l’enfant. Il s’agit de maladies autosomiques récessives liées à une mutation d’un gène codant une enzyme de la stéroïdogenèse.
Le gène de loin le plus souvent en cause est celui codant la 21-hydroxylase (déficit en 21-hydroxylase). Le cortisol et l’aldostérone ne sont pas synthétisés normalement, d’où l’insuffisance surrénale.
ambuguite sexuelle Adrénoleucodystrophie
2 Causes d’insuffisance corticotrope
La cause de loin la plus fréquente est l’interruption d’une corticothérapie prolongée.
Il faut habituellement une dose supraphysiologique (plus de 30 mg d’équivalent hydrocortisone, soit plus de 7 mg de prednisone, par exemple) pendant 3 à 4 semaines — en fait, il existe une grande variabilité individuelle dans la sensibilité de l’axe aux corticoïdes exogènes.
Les antécédents de corticothérapie doivent être recherchés à l’interrogatoire, en sachant que d’autres voies d’administration que la voie orale peuvent être en cause : corticothérapie percutanée, intramusculaire (formes retard +++), intra-articulaire, forme inhalée.
Au cours d’une corticothérapie, l’axe hypophyso-surrénalien est constamment freiné. Une décompensation peut survenir en cas de pathologie intercurrente ou en cas de dose < 5 mg d’équivalent prednisone (correspondant à 20 mg d’hydrocortisone) (tableau 2).Les autres causes sont :
tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire ;Dans ces situations, le déficit corticotrope est rarement isolé. Il s’associe le plus souvent à une insuffisance d’autres axes hypothalamo-hypophysaires et/ou à des signes neurologiques (cf.
IV Prise en charge thérapeutique
Rappelons que le traitement d’une insuffisance surrénale suspectée doit avoir débuté sans attendre le résultat des dosages hormonaux. Il est du reste parfaitement possible de débuter le traitement et de faire dans un second temps le test au Synacthène® ainsi que le dosage d’ACTH. Compte tenu de la durée de vie très courte de l’hydrocortisone, il suffit de faire les prélèvements avant la prise du matin.
La prise en charge comporte quatre volets :
un traitement substitutif ; un traitement de la cause s’il y a lieu ; une éducation thérapeutique du patient ; une surveillance.
A Traitement substitutif
Il associe :
un glucocorticoïde : hydrocortisone (Hydrocortisone Roussel® 10 mg), 15 à 25 mg par jour, en deux à trois prises par jour, la dose la plus élevée étant donnée le matin, la suivante en début d’après-midi (deux prises), ou bien les suivantes le midi et dans l’après-midi (trois prises) ; avec un minéralocorticoïde: fludrocortisone (Flucortac®), 50 à 150 μg par jour en une prise.
Dans l’insuffisance corticotrope, seule l’hydrocortisone est nécessaire (+++).B Traitement de la cause
S’il y a lieu (tuberculose, métastases, autre infection, sarcoïdose, etc.) : cf. les Items correspondants.