Endocrinologie Flashcards
I Épidémiologie et sémiologie
L’insuffisance surrénale est une pathologie classiquement rare (un cas pour 10 000 habitants), mais potentiellement grave en raison du risque d’insuffisance surrénale aiguë qui peut survenir à tout moment. Cette complication est létale en l’absence d’un traitement rapide et adapté.
L’insuffisance surrénale lente est une pathologie chronique, probablement sous-diagnostiquée, en particulier pour les formes secondaires à une corticothérapie prolongée. Sa prise en charge permet d’assurer au patient une qualité de vie satisfaisante et de le mettre à l’abri d’une décompensation aiguë.
Les signes cliniques et biologiques de l’insuffisance surrénale s’expliquent par le rôle des différentes hormones normalement produites par le cortex surrénalien :
le cortisol, dont la sécrétion est stimulée par l’ACTH hypophysaire et qui exerce un rétrocontrôle négatif sur la sécrétion d’ACTH, a des points d’impact multiples, parmi lesquels : la stimulation de la néoglucogenèse, donc un effet hyperglycémiant ; la stimulation du catabolisme protidique ; la stimulation de la lipogenèse (viscérale et de la région faciotronculaire) ; l’inhibition de la sécrétion d’hormone antidiurétique ; l’action stimulante sur le système nerveux central ; l’effet anti-inflammatoire et antipyrétique ; la stimulation du tonus vasculaire ; l’effet minéralocorticoïde à forte dose ; l’aldostérone a une action essentiellement rénale : rétention sodée et excrétion de potassium (effet minéralocorticoïde) ; elle est sous la dépendance prépondérante du système rénine-angiotensine ; sa sécrétion est donc préservée en cas d’insuffisance surrénale haute par déficit en ACTH ; les androgènes surrénaliens (DHEA surtout) sont stimulés par l’ACTH.La sécrétion de cortisol suit un rythme nycthéméral avec un nadir (minimum) entre minuit et 2 h du matin, et un pic entre 7 h et 9 h.
On distingue parmi les insuffisances surrénales lentes :
l’insuffisance surrénale primaire (de causes surrénaliennes), à laquelle on réserve le nom de maladie d’Addison, caractérisée par un déficit qui touche à la fois le cortisol et l’aldostérone. Les signes cliniques sont marqués, en particulier l’hypotension. Il existe une perte de sel et une tendance à l’hyperkaliémie. La concentration d’ACTH plasmatique est élevée par perte du rétrocontrôle négatif, expliquant la mélanodermie (fig. 1) — l’ACTH et la MSH qui sont produites à partir de leur molécule mère, la pro-opiomélanocortine (POMC), à fortes concentrations se lient et activent les récepteurs cutanés qui stimulent la synthèse de mélanine ; l’insuffisance surrénale centrale, ou insuffisance corticotrope (causes hypophysaires, hypothalamiques, la plus fréquente étant l’arrêt d’une corticothérapie prolongée +++) : la sécrétion d’aldostérone est préservée, ce qui explique un tableau habituellement moins sévère. En l’absence de perte de sel, le collapsus est plus rare. L’hyponatrémie traduit une rétention hydrique par augmentation de la sécrétion d’ADH. L’ACTH est normale ou basse et le teint est pâle (fig. 1) (cf. Item 265 – Désordres hydroélectrolytiques).
II Signes cliniques
Il faut bien différencier l’insuffisance surrénale liée à une pathologie des glandes surrénales elles-mêmes (insuffisance surrénale primaire), de l’insuffisance corticotrope liée à un manque de production d’ACTH (atteinte hypophysaire ou hypothalamique).
Le tableau 1 résume les différences entre ces deux pathologies.
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Tableau 1
Manifestations cliniques et biologiques de l’insuffisance surrénale chronique. (Source : CEEDMM, 2021.)
Insuffisance surrénale primaire Insuffisance surrénale secondaire (corticotrope)
État général Fatigue, dépression, anorexie, perte de poids, hypotension, hypotension orthostatique Idem
Peau et muqueuses Hyperpigmentation Pâleur, même sans anémie
Troubles ioniques Hyperkaliémie
Hyponatrémie par perte de sel
Kaliémie normale
Hyponatrémie de dilution
Maladies ou symptômes associés Pathologie auto-immune associée (hypothyroïdie, vitiligo, etc.)
Tuberculose
Tumeurs (cancer pulmonaire, digestif, rénal, mammaire, etc. ; lymphome ; mélanome)
Syndrome des anti-phospholipides
Signes d’insuffisance hypophysaire
Syndrome tumoral : céphalées, troubles visuels
A Insuffisance surrénale primaire
Le tableau peu spécifique et le début insidieux rendent le diagnostic difficile. Seule la mélanodermie est évocatrice mais elle peut être difficile à apprécier.
Parmi les manifestations, on peut trouver :
l’asthénie physique et psychique : elle est constamment présente, augmentée au cours de la journée et à l’effort ; les symptômes de dépression sont fréquents ; l’amaigrissement, l’anorexie (100 % des cas également), avec toutefois conservation d’une appétence pour le sel ; l’hypotension artérielle(dans 90 % des cas), se manifestant au début par une hypotension orthostatique et une accélération du pouls, traduisant la déshydratation extracellulaire ; des nausées très fréquentes : l’apparition de vomissements, de diarrhée et de douleurs abdominales doit faire craindre l’insuffisance surrénale aiguë ; la mélanodermie (80 % des cas) : pigmentation prédominant sur les zones exposées au soleil, les zones de frottement, les plis palmaires et les ongles ; les mamelons, taches ardoisées sur la muqueuse buccale.
L’hypoglycémie de jeûne est rarement symptomatique chez l’adulte, sauf au cours de l’insuffisance surrénale aiguë. L’hypoglycémie, qui peut se compliquer de convulsions, est beaucoup plus fréquente chez le jeune enfant et le nourrisson.
B Signes biologiques
Le ionogramme peut être normal. Il peut aussi montrer une tendance à l’hyponatrémie et à l’hyperkaliémie qui doivent faire évoquer le diagnostic, ainsi qu’une fuite sodée (natriurèse augmentée).
L’hypoglycémie est rare chez l’adulte, sauf lors de la décompensation.
L’hémogramme peut montrer une anémie modérée, normochrome, normocytaire, une leucopénie et une hyperéosinophilie.
C Particularités de l’insuffisance surrénale centrale (corticotrope)
Il n’y a pas de perte de sel car la sécrétion d’aldostérone est préservée, celle-ci ne dépendant pas de la production d’ACTH.
Les signes cliniques sont souvent moins marqués, en particulier la baisse tensionnelle et les troubles digestifs. L’asthénie peut être la seule manifestation clinique. L’état de choc est rare.
La mélanodermie est remplacée par une pâleur (+++) (cf. fig. 1).
Il peut s’y associer, en fonction de l’étiologie, des signes témoignant du déficit des autres hormones hypophysaires, un syndrome tumoral avec des signes de compression chiasmatique et des céphalées (cf. Item 244 – Adénome hypophysaire).
On peut observer une hyponatrémie (de dilution) mais pas d’hyperkaliémie.
L’hypoglycémie est plus fréquente en cas d’insuffisance antéhypophysaire globale et liée à la carence associée en GH.
III Diagnostic
A Diagnostic positif
Le diagnostic de certitude repose sur les dosages des hormones surrénaliennes et de l’ACTH (fig. 2). Toutefois, il ne faut en aucun cas attendre les résultats pour débuter le traitement lorsque l’on suspecte une insuffisance surrénale. valeur pas a coco
1 Cortisolémie
Elle peut être mesurée vers 8 h du matin, au moment où la concentration est la plus haute de la journée :
le dosage permet de conclure à une insuffisance surrénale si la cortisolémie à 8 h est inférieure à 50 ng/ml [138 nmol/l] ; au contraire, la fonction corticosurrénalienne peut être considérée comme normale si la cortisolémie de base à 8 h est supérieure à 180 ng/ml [500 nmol/l] ; dans tous les autres cas, des tests dynamiques sont indispensables.
2 Mesure de l’ACTH
La mesure d’ACTH à 8 h du matin (dans des conditions techniques de prélèvement rigoureuses) est un bon dosage pour rechercher une insuffisance surrénale primaire puisque les taux sont alors invariablement élevés.
En revanche, un taux normal d’ACTH n’élimine pas une insuffisance secondaire (corticotrope).
Si l’insuffisance surrénale est établie, le taux d’ACTH est un excellent moyen de différencier une insuffisance surrénale primaire (ACTH élevée) d’une insuffisance corticotrope (ACTH normale ou basse).3 Aldostérone et rénine 4 SDHEA 5 Test au Synacthène®
Il consiste en une injection IM ou IV d’une ampoule de 0,25 mg de Synacthène® (tétracosactide, analogue synthétique de l’ACTH), suivie d’un dosage de la cortisolémie à 30 minutes et/ou 1 heure.
La réponse est normale si la cortisolémie stimulée dépasse 180 ng/ml [500 nmol/l]. Une réponse normale élimine une insuffisance surrénale quelle que soit son origine.
L’absence de réponse lors du test au Synacthène® est caractéristique de l’insuffisance surrénale primaire (la corticosurrénale étant déjà stimulée de manière maximale par l’ACTH endogène). En revanche, le test explore de manière indirecte la possibilité d’insuffisance corticotrope. Lorsque celle-ci est installée depuis plusieurs mois, elle entraîne une atrophie du cortex surrénalien qui répondra mais de manière insuffisante lors du test (pic < 500 nmol/l). On comprend donc que le test au Synacthène® puisse être faussement normal dans les insuffisances corticotropes récentes ou partielles (10 % des insuffisances corticotropes).
B Diagnostic étiologique
1 Causes d’insuffisance surrénale primaire
Origine auto-immune : rétraction corticale
L’origine auto-immune concerne environ 80 % des cas chez l’adulte en France ; c’est donc, de loin, la cause la plus fréquente. Elle n’explique l’insuffisance surrénale primaire que chez 20 % des enfants et est alors diagnostiquée après 10 ans en général.
Elle est plus fréquente chez la femme que chez l’homme (sex-ratio de 3/1).
On retrouve fréquemment des antécédents familiaux de maladies auto-immunes.
La maladie d’Addison peut être isolée ou associée à d’autres maladies auto-immunes :
thyroïdite de Hashimoto ; diabète de type 1 ; insuffisance ovarienne précoce ; gastrite auto-immune, éventuellement associée à une maladie de Biermer ; maladie cœliaque ; vitiligo, etc.
Tuberculose bilatérale des surrénales
Elle concerne environ 10 % des cas d’insuffisance surrénalienne primitive en Europe.
Elle est due à une localisation du BK (bacille de Koch) dans les surrénales suite à une dissémination hématogène. Elle ne devient habituellement parlante que plusieurs années après la première localisation de la tuberculose.
Le scanner montre des surrénales augmentées de taille à la phase initiale (fig. 4A) puis atrophiées et calcifiées dans 50 % des cas (fig. 4B).
La radiographie du thorax et le scanner thoracique montrent des signes de tuberculose, éventuellement au stade de séquelles. Un bilan des différentes localisations de la tuberculose est indispensable (cf. Item 155).Au cours de l’infection par le VIH
Elle survient habituellement à un stade avancé de la maladie. Les mécanismes sont multiples :
localisation surrénalienne d’une infection opportuniste ou d’une pathologie maligne (lymphome, etc.) ; mécanisme iatrogène ; l’insuffisance surrénale peut également être due à une atteinte de l’hypophyse par un lymphome ou une infection.
Autres causes surrénaliennes
Ces autres causes sont :
iatrogènes : surrénalectomie bilatérale anticortisoliques de synthèse (mitotane, Lysodren® ; kétoconazole, Kétoconazole HRA® ; métyrapone, Métopirone®) ; nécrose hémorragique (anticoagulants, etc.) ; métastases bilatérales : cancer du poumon, du rein, du sein, etc. Le scanner montre deux masses surrénaliennes (fig. 5) : le primitif est le plus souvent facilement retrouvé (scanner thoracoabdominal, fibroscopie bronchique, etc.) ;
etio chez enfant
Chez l’enfant
L’insuffisance surrénale est rare et les causes génétiques sont de loin les plus fréquentes.
Bloc enzymatique (hyperplasie congénitale des surrénales) (+++)C’est la cause la plus fréquente d’insuffisance surrénale chez l’enfant. Il s’agit de maladies autosomiques récessives liées à une mutation d’un gène codant une enzyme de la stéroïdogenèse.
Le gène de loin le plus souvent en cause est celui codant la 21-hydroxylase (déficit en 21-hydroxylase). Le cortisol et l’aldostérone ne sont pas synthétisés normalement, d’où l’insuffisance surrénale.
ambuguite sexuelle Adrénoleucodystrophie
2 Causes d’insuffisance corticotrope
La cause de loin la plus fréquente est l’interruption d’une corticothérapie prolongée.
Il faut habituellement une dose supraphysiologique (plus de 30 mg d’équivalent hydrocortisone, soit plus de 7 mg de prednisone, par exemple) pendant 3 à 4 semaines — en fait, il existe une grande variabilité individuelle dans la sensibilité de l’axe aux corticoïdes exogènes.
Les antécédents de corticothérapie doivent être recherchés à l’interrogatoire, en sachant que d’autres voies d’administration que la voie orale peuvent être en cause : corticothérapie percutanée, intramusculaire (formes retard +++), intra-articulaire, forme inhalée.
Au cours d’une corticothérapie, l’axe hypophyso-surrénalien est constamment freiné. Une décompensation peut survenir en cas de pathologie intercurrente ou en cas de dose < 5 mg d’équivalent prednisone (correspondant à 20 mg d’hydrocortisone) (tableau 2).Les autres causes sont :
tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire ;Dans ces situations, le déficit corticotrope est rarement isolé. Il s’associe le plus souvent à une insuffisance d’autres axes hypothalamo-hypophysaires et/ou à des signes neurologiques (cf.
IV Prise en charge thérapeutique
Rappelons que le traitement d’une insuffisance surrénale suspectée doit avoir débuté sans attendre le résultat des dosages hormonaux. Il est du reste parfaitement possible de débuter le traitement et de faire dans un second temps le test au Synacthène® ainsi que le dosage d’ACTH. Compte tenu de la durée de vie très courte de l’hydrocortisone, il suffit de faire les prélèvements avant la prise du matin.
La prise en charge comporte quatre volets :
un traitement substitutif ; un traitement de la cause s’il y a lieu ; une éducation thérapeutique du patient ; une surveillance.
A Traitement substitutif
Il associe :
un glucocorticoïde : hydrocortisone (Hydrocortisone Roussel® 10 mg), 15 à 25 mg par jour, en deux à trois prises par jour, la dose la plus élevée étant donnée le matin, la suivante en début d’après-midi (deux prises), ou bien les suivantes le midi et dans l’après-midi (trois prises) ; avec un minéralocorticoïde: fludrocortisone (Flucortac®), 50 à 150 μg par jour en une prise.
Dans l’insuffisance corticotrope, seule l’hydrocortisone est nécessaire (+++).B Traitement de la cause
S’il y a lieu (tuberculose, métastases, autre infection, sarcoïdose, etc.) : cf. les Items correspondants.
C Éducation thérapeutique du patient (+++)
L’éducation du patient, et de son entourage, concerne les points suivants :
avoir sur soi les outils de sécurité (fig .8) : une carte d’insuffisance surrénale et, éventuellement, un bracelet ou un collier d’alerte ; des comprimés d’hydrocortisone et, en cas de déficit en minéralocorticoïdes, de fludrocortisone ; une boîte d’hydrocortisone injectable et le matériel pour l’injection ; les recommandations d’urgence (en langue étrangère en cas de voyage) ; régime normosodé ; proscrire les laxatifs et diurétiques ; traitement à vie (+++) — ou jusqu’à la preuve de la récupération de l’axe hypophyso-surrénalien en cas d’insuffisance corticotrope post-corticothérapie ou après l’exérèse d’un adénome cortisolique de la surrénale ou après l’exérèse d’un adénome hypophysaire corticotrope ; savoir identifier les situations à risque et les symptômes d’insuffisance surrénale aiguë débutante ; savoir adapter le traitement oral glucocorticoïde ; savoir administrer l’hydrocortisone par voie sous-cutanée (au-delà de deux vomissements ou de deux diarrhées en moins d’une demi-journée ou en cas de troubles de conscience, faire une injection de 100 mg d’hydrocortisone en sous-cutanée) ; savoir adapter le traitement aux situations particulières : chaleur, exercice physique, voyages… ; utiliser de façon pertinente les ressources du système de soins.Il est conseillé d’abandonner la traditionnelle consigne « Doublez ou triplez la dose d’hydrocortisone » au profit d’une consigne personnalisée qui permettra que le patient augmente immédiatement l’hydrocortisone et qu’il en prenne le soir pour le couvrir en hydrocortisone pendant la nuit. Par exemple, pour un patient prenant d’ordinaire 1 comprimé d’hydrocortisone le matin et le midi, la consigne est : « Prendre immédiatement quelle que soit l’heure 2 comprimés, puis prendre 2 comprimés matin, midi et soir pendant 2 à 3 jours. »
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D Surveillance
La surveillance est surtout clinique (+++).
Pour adapter les doses, on se fonde sur la sensation ou non de fatigue (mais non spécifique), sur le poids, la pression artérielle (couché et debout). On recherche des signes de surdosage en hydrocortisone (gonflement et rougeur du visage, prise de poids, HTA, etc.) et de surdosage en fludrocortisone (HTA, etc.), et de sous-dosage (hypotension orthostatique, fatigue, nausées, etc.).Biologiquement, il faut vérifier la normalité du ionogramme sanguin.
nsuffisance surrénale aiguë
C‘est une pathologie vitale dont le traitement est urgent même sans certitude diagnostique. Les dosages hormonaux pourront être réalisés secondairement.
I Quand l’évoquer ?
A Clinique
Le tableau clinique est souvent d’emblée très aigu :
déshydratation extracellulaire avec pli cutané, hypotension pouvant aller jusqu’au collapsus ; confusion, crises convulsives secondaires à l’hyponatrémie et à l’hypoglycémie, voire coma ; troubles digestifs : anorexie, nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée ; douleurs diffuses, en particulier douleurs musculaires, céphalées ; fièvre, à laquelle peut participer une infection ayant précipité la décompensation.
On peut être orienté par une insuffisance surrénale connue préexistante, une mélanodermie ou une anamnèse évocatrice d’insuffisance surrénale lente (asthénie, anorexie et amaigrissement d’aggravation progressive) ou d’hémorragie bilatérale des surrénales (syndrome douloureux abdominal inaugural).
B Biologie
Le tableau biologique est le suivant (* : spécifique de l’insuffisance surrénale primitive) :
hémoconcentration*, insuffisance rénale fonctionnelle* (+++) ; hyponatrémie, hyperkaliémie*(carence en aldostérone) (+++) ; hypoglycémie ; acidose métabolique ; anémie, hyperlymphocytose, hyperéosinophilie ; natriurèse conservée ;
II Comment la confirmer ?
A Diagnostic positif
Si le diagnostic d’insuffisance surrénale n’était pas connu antérieurement, un prélèvement sanguin sera réalisé avant de commencer le traitement pour dosage du cortisol et de l’ACTH sanguins (et dosage de la rénine chez l’enfant) quelle que soit l‘heure, sans en attendre les résultats. Les dosages hormonaux n’ont aucun intérêt si l’insuffisance surrénale est connue.
La cortisolémie sera basse, effondrée, ce qui est anormal puisqu’elle devrait être stimulée chez un patient en état de stress.
L’ACTH sera très élevée dans l’insuffisance surrénale primitive, normale ou basse dans l’insuffisance corticotrope.
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En aucun cas on n’attendra les résultats pour débuter le traitement. B Diagnostic étiologique
On recherchera la cause de l’insuffisance surrénale, si elle n’est pas déjà connue, ainsi qu’un facteur de décompensation qui peut nécessiter un traitement spécifique.
Voici un modèle de flash card basé sur ton paragraphe :
Flash Card : Diagnostic et traitement de l’insuffisance surrénale
Q: Quelles sont les étapes à suivre en cas de suspicion d’insuffisance surrénale ?
A:
1. Réaliser un prélèvement sanguin pour dosage du cortisol et de l’ACTH, et de la rénine chez l’enfant, sans attendre les résultats.
2. Les dosages hormonaux ne sont pas nécessaires si l’insuffisance surrénale est déjà connue.
3. En cas d’insuffisance surrénale, la cortisolémie sera basse (anormale en état de stress) et l’ACTH sera très élevée (primitive) ou normale/basse (corticotrope).
4. Commencer le traitement sans attendre les résultats.
III Causes
La cause de très loin la plus fréquente est une insuffisance surrénale chronique (connue ou non) (cf. supra) décompensée spontanément ou à l’occasion d’une pathologie intercurrente.
L’insuffisance surrénale aiguë peut être révélatrice de l’insuffisance surrénalienne en cas de bloc enzymatique surrénalien (21-hydroxylase +++) complet (dans la période néonatale) ou en cas d’hémorragie bilatérale des surrénales ou d’apoplexie hypophysaire.
La cause de la décompensation d’un patient traité peut être n’importe quelle pathologie intercurrente (vomissements, diarrhées, infections, fracture, infarctus du myocarde, intervention chirurgicale, anesthésie, acte diagnostique invasif, effort physique important, stress psychologique intense, etc.).
IV Prise en charge
C’est une urgence extrême. Le traitement est débuté dès que le diagnostic est évoqué.
A Au domicile du patient
Administration de 100 mg d’hydrocortisone IV ou IM ou à défaut en SC : un patient dont l’insuffisance surrénale est connue doit avoir avec lui au moins deux boîtes d’Hydrocortisone Upjohn® 100 mg et savoir faire une injection SC d’hydrocortisone. Transport médicalisé en milieu hospitalier.
B À l’hôpital
Transfert en urgence en réanimation. Mesures non spécifiques en cas de coma, fièvre, douleurs, hypoxie (cf. Item 331). Les protocoles et les doses indiqués ci-dessous sont indicatifs et le plus souvent proposés de façon empirique : ils seront adaptés en fonction de la sévérité du tableau clinique et ionique et du terrain en évitant la iatrogénie. Corriger l’hémodynamique et les troubles hydroélectrolytiques : remplissage par NaCl 0,9 % pour compenser la déshydratation ; pas de supplémentation potassique, car hyperkaliémie (+++) ; administration de glucosé pour compenser l’hypoglycémie. Hydrocortisone : après une dose initiale de 100 mg en IV ou IM (ou, à défaut, en SC) ; 100 mg par 24 heures en perfusion IV continue par seringue électrique autopousseuse SAP (à défaut 50 mg en IV ou IM toutes les 6 heures). Traiter le facteur déclenchant (++). La surveillance concerne les points suivants : pression artérielle, fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, oxymétrie de pouls, diurèse, température, glycémie capillaire, conscience ; refaire un ionogramme de sang après 4 à 6 heures ; scope en cas d’hyperkaliémie importante.
C Traitement préventif
Il consiste à éduquer le patient à augmenter lui-même ses doses en cas de facteurs de décompensation potentiels.
Il consiste également à informer le médecin traitant pour qu’il sache vérifier que les doses sont augmentées en cas de pathologie intercurrente, et reconnaître une insuffisance surrénale aiguë et en débuter le traitement à domicile avant d’adresser le patient à l’hôpital.
Le médecin urgentiste ou l’anesthésiste recevant un patient insuffisant surrénalien victime d’un accident de la voie publique, d’un infarctus, d’une pneumonie ou dans un contexte d’urgence chirurgicale doit connaître le risque d’insuffisance surrénale aiguë et savoir le prévenir. Lorsque la prise orale du traitement est impossible, l’hydrocortisone peut être administrée en IM ou IV à raison de 25 mg toutes les 6 heures ou 100 mg en IV continue à la SAP.
En cas de chirurgie, on peut proposer :
100 mg IV ou IM initialement ; puis, en cas de chirurgie majeure, 100 mg/24 heures en IV continue à la SAP (à défaut 25 mg en IV ou IM toutes les 6 heures) à poursuivre à la même posologie jusqu’à la reprise de l’alimentation ; puis retour au traitement par hydrocortisone per os en triplant la dose habituelle (au minimum 60 mg par 24 heures) et en répartissant le traitement en trois ou quatre prises (dont une prise vespérale), puis diminution progressive en quelques jours pour revenir aux doses habituelles.
Chez les patients avec insuffisance surrénale primaire, reprendre la fludrocortisone lorsque les doses d’hydrocortisone sont inférieures à 50 mg par jour.
Arrêt d’une corticothérapie
Compte tenu de sa fréquence, cette situation nous paraît mériter une mention particulière.
L’axe corticosurrénalien est constamment freiné durant une corticothérapie à doses supraphysiologiques. La récupération se fait selon la chronologie suivante : CRH hypothalamique d’abord, ensuite ACTH hypophysaire puis cortisol surrénalien.
L’arrêt d’une corticothérapie expose :
au rebond de la maladie causale (+++) (dont nous ne parlerons pas ici) ; à l’insuffisance corticotrope (cf. supra), qui nécessite une évaluation et une substitution ; à un syndrome de sevrage en corticoïdes.
I Signes cliniques
Les signes cliniques d’insuffisance corticotrope (fatigue, douleurs musculaires, troubles digestifs : cf. supra) peuvent être plus difficiles à reconnaître en raison d’une possible confusion avec les signes de rechute de la maladie causale et les séquelles d’un syndrome de Cushing iatrogène. C’est la raison pour laquelle il faudra réaliser une exploration biologique systématique chez les patients candidats à développer une insuffisance corticotrope.
II Conduite à tenir
Les patients suivants doivent être considérés comme potentiellement en insuffisance corticotrope lors de la décroissance ou de l’arrêt du traitement glucocorticoïde : risque d’insuffisance corticotrope intermédiaire pour un traitement à dose ≥ 7,5 mg par jour d’équivalent prednisone pendant au moins 3 semaines, mais très élevé pour des doses ≥ 20 mg par jour.
Il faut néanmoins savoir que l’insuffisance corticotrope peut se développer et se décompenser chez des patients prenant une corticothérapie « locale » chronique (asthme, topiques cutanés, etc.).
Tant que la posologie de glucocorticoïde est supérieure à une dose substitutive (5 mg d’équivalent prednisone), il ne doit pas y avoir d’insuffisance surrénalienne clinique et le traitement doit être adapté uniquement en fonction de la pathologie ayant imposé la corticothérapie. En cas de stress majeur cependant, le traitement pourra transitoirement être majoré ou une substitution par hydrocortisone ajoutée, pour avoir une posologie de glucocorticoïde en moyenne équivalente à 40 à 60 mg d’hydrocortisone (10 à 15 mg de prednisone), à adapter en fonction du poids et des données cliniques.
En dessous de 5 mg par jour de prednisone, un traitement substitutif par hydrocortisone est introduit. La posologie est alors de 10 à 15 mg d’hydrocortisone en une ou deux prises, matin et midi. Le patient doit à ce stade être considéré comme étant en insuffisance surrénalienne (traitement et précautions : cf. supra).La démarche diagnostique est la même que pour toute suspicion d’insuffisance surrénale, en prenant la précaution de faire les dosages avant la prise d’hydrocortisone du matin. Un dosage du cortisol à 8 h, suivi éventuellement d’un test au Synacthène®, pourra être de nouveau réalisé tous les 3 à 6 mois pour évaluer la récupération à distance.
La récupération d’un fonctionnement corticotrope normal est variable et peut demander plusieurs mois ou années.
Voici une flash card basée sur le paragraphe que tu as fourni :
Flash Card : Insuffisance Surrénale
Q: Qu’est-ce que l’insuffisance surrénale et ses caractéristiques ?
A:
- Définition : Manque d’hormones surrénaliennes (glucocorticoïdes, minéralocorticoïdes).
- Types :
- Primaire : Atteinte des surrénales.
- Corticotrope : Manque d’ACTH.
Insuffisance surrénale chronique :
- Symptômes progressifs : asthénie, anorexie (sauf sel), amaigrissement, mélanodermie, hypotension, troubles digestifs, hyponatrémie, hyperkaliémie.
- Diagnostic : Prélèvements veineux pour dosages hormonaux ; cortisolémie et ACTH à 8 h, test au Synacthène®.
Causes fréquentes :
- Auto-immune (80 %), tuberculose (10 %), adrénomyéloneuropathie, métastases, corticothérapie pour insuffisance corticotrope.
Traitement :
- Hydrocortisone (glucocorticoïde) et fludrocortisone (minéralocorticoïde si besoin).
Éducation du patient :
- Porter une carte d’insuffisance surrénale, avoir des comprimés d’hydrocortisone et un kit injectable.
- Régime normosodé, éviter certains médicaments et aliments.
- Reconnaître les symptômes d’insuffisance aiguë et adapter le traitement en cas de stress.
Voici une flash card basée sur le paragraphe que tu as fourni :
Flash Card : Insuffisance Surrénale Aiguë
Q: Quels sont les signes cliniques et le traitement de l’insuffisance surrénale aiguë ?
A:
- Tableau clinique et biologique :
- Asthénie majeure, douleurs diffuses (céphalées, abdominales), vomissements, diarrhée.
- Déshydratation extracellulaire, hypotension, confusion, hypoglycémie, mélanodermie.
- Hyponatrémie, hyperkaliémie, hémoconcentration, insuffisance rénale fonctionnelle.
- Note : En cas de cause haute, pas de mélanodermie ni perte de sel.
-
Traitement :
- Traitement d’urgence : hydrocortisone 100 mg IV par 24 heures.
- Prélever le cortisol si crise inaugurale, sans attendre les résultats.
- Corriger l’hémodynamique et les troubles hydroélectrolytiques.
- Identifier et traiter le facteur déclenchant.
- Bilan étiologique si insuffisance non connue ; rééducation si nécessaire.
Si tu souhaites des ajustements ou des précisions, fais-le moi savoir !
escription et mode d’action des différentes classes de contraception hormonale
A Œstroprogestatifs
1 Composition des œstroprogestatifs
Les œstroprogestatifs (ou contraceptifs oraux combinés ou pilules combinées) contiennent :
*un œstrogène synthétique, l’éthinyl-œstradiol, dont le dosage varie de 15 à 50 ug, ou un dérivé du 17p-œstradiol (œstradiol 1,5 mg ou valérate d’œstradiol à dose variable), administré à dose constante ou à dose variable, d’où le terme de pilule monophasique (un seul dosage), biphasique ou triphasique (fig. 1.1);un progestatif
–soit dérivé de la 19-nortestostérone, dont il existe trois générations1 :
–première génération, dérivé de la testostérone : noréthistérone et lynestrénol, qui ne sont plus disponibles;
–deuxième génération : lévonorgestrel et norgestrel;
–troisième génération : désogestrel, gestodène et norgestimate.
–soit classé comme dérivé d’autres molécules : drospirénone, acétate de chlormadinone, acétate de nomégestrol ou dienogest.
Contrairement aux premiers progestatifs, les progestatifs de deuxième et troisième générations ont une très forte affinité pour le récepteur de la progestérone et une plus faible affinité pour le récepteur des androgènes. Ils ont une activité antigonadotrope majeure, ayant permis de réduire la dose d’éthinyl-œstradiol.
Les autres voies d’administration des œstroprogestatifs sont la voie transdermique (patch, fig. 1.2) et vaginale (anneau, fig. 1.3). Ces formulations par voie extradigestive gardent les mêmes effets indésirables et contre-indications que les voies orales.
Mode d’action
L’effet principal des œstroprogestatifs est d’inhiber l’ovulation, essentiellement par l’effet du progestatif, mais le progestatif joue aussi un rôle important vis-à-vis de la glaire cervicale et de l’endomètre (fig. 1.4). Les œstrogènes régulent les saignements.icroprogestatifs
Les microprogestatifs contiennent un progestatif administré per os en continu.
Ils agissent principalement au niveau utérin (glaire cervicale et endomètre) et diminuent la mobilité des spermatozoïdes. Cependant, certains microprogestatifs, notamment le désogestrel et la drospirénone, ont également une activité antigonadotrope plus ou moins importante qui peut participer à l’action contraceptive.
2 Autres modes d’administration
La mise en place d’implants progestatifs dans le bras permet une administration continue de progestatif. En France, le Nexplanon®, qui est commercialisé comme implant valable pour 3 ans, délivre de l’étonogestrel.
Il existe une contraception injectable par voie intramusculaire (IM) tous les 3 mois utilisant l’acétate de médroxyprogestérone, avec des effets métaboliques majorés.
Enfin, il existe également trois dispositifs intra-utérins (DIU) qui délivrent des doses variables d’un progestatif, le lévonorgestrel, pour une durée de 3 à 5 ans.
Aspects pratiques de la prescription du traitement contraceptif
A Œstroprogestatifs
La première plaquette est commencée le premier jour des règles ou à n’importe quel moment du cycle (quick start); dans ce dernier cas, la femme n’est pas protégée pendant les sept premiers jours de la plaquette.
Les plaquettes suivantes sont reprises après 7 jours d’arrêt entre chaque cycle d’utilisation de 21 jours. Certaines pilules sont conditionnées pour une prise en continu : soit 21 comprimés de pilule plus 7 comprimés placebo, soit, dans le cas de certaines pilules minidosées, 24 comprimés actifs puis 4 comprimés placebo (ou 26 puis 2 pour la pilule au valérate d’œstradiol).
La prise doit être régulière, sans oubli, au même moment de la journée.
En cas d’oubli, il faut prendre le comprimé oublié le plus vite possible et reprendre ensuite le comprimé suivant à l’heure habituelle. S’il reste moins de 7 comprimés sur la plaquette, il faut enchaîner directement avec la plaquette suivante. Si, en revanche, il reste plus de 7 comprimés, on peut respecter la semaine habituelle d’arrêt entre les deux plaquettes.
Avec les pilules œstroprogestatives actuelles, aucun problème ne se pose lorsque l’oubli a duré moins de 12 heures. Au-delà, par prudence, une contraception mécanique est souhaitable pendant au moins 7 jours.
En ce qui concerne les autres voies d’administration, le patch œstroprogestatif se prescrit à raison d’un patch par semaine, 3 semaines sur 4. Enfin, l’anneau vaginal est inséré par la patiente elle-même et laissé en place pendant 3 semaines. Un nouvel anneau sera réinséré après une semaine d’interruption Microprogestatifs
Les microprogestatifs sont administrés en continu. Le retard dans la prise ne doit pas dépasser 3 heures pour le lévonorgestrel, ou 12 heures pour le désogestrel ou la drospirénone.
Au-delà, une contraception mécanique est indispensable pendant au moins une semaine..
Contre-indications des contraceptifs oraux
A Contre-indications aux œstroprogestatifs
1 Contre-indications absolues
Les contre-indications absolues sont les suivantes :
*accidents (ou antécédents d’accidents) thrombo-emboliques artériels ou veineux;
*prédisposition héréditaire ou acquise aux thromboses veineuses ou artérielles;
*alitement prolongé ou situation à risque thrombo-embolique (certaines situations chirurgicales);
*pancréatite ou antécédents de pancréatite associée à une hypertriglycéridémie sévère;
*lupus évolutif, connectivites, porphyries;
*migraine avec aura;
*hypertension artérielle;
*diabète de type 1 compliqué (de micro- ou de macroangiopathie) ou d’une durée de plus de 20 ans;
*diabète de type 2;
*tumeur maligne connue ou suspectée du sein, de l’utérus ou autre tumeur hormono-dépendante;
*affections hépatiques sévères ou récentes;
*hémorragies génitales non diagnostiquées.
Contre-indications relatives
Les contre-indications relatives sont les suivantes :
*tabagisme après l’âge de 35 ans;
*diabète de type 1 non compliqué, dyslipidémie;
*obésité;
*tumeurs bénignes du sein ou de l’utérus;
*hyperprolactinémie sans diagnostic étiologique préalable;
*inducteurs enzymatiques – il s’agit ici plus d’une perte d’efficacité (voir plus loin);
*fibrillation auriculaire, arythmie, coronaropathie ou valvulopathie;
*drépanocytose, maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI), syndrome hémolytique et urémique (SHU).
B Contre-indications aux microprogestatifs
Les contre-indications aux microprogestatifs sont représentées par les cancers du sein ou de l’endomètre, l’insuffisance hépatique et les accidents thrombo-emboliques veineux récent
ndications et sélection des utilisatrices
En l’absence de contre-indication absolue aux œstroprogestatifs, de lésion gynécologique et/ou de troubles des règles qui nécessitent une exploration diagnostique préalable, si le choix de la patiente est une contraception hormonale, il est recommandé d’utiliser une pilule œstroprogestative (< 40 µg d’éthinyl-œstradiol) avec un progestatif de deuxième génération. On choisira en premier lieu une pilule monophasique et remboursée par la Sécurité sociale – par exemple : Minidril® ou Optidril® dosées à 30 ug d’éthinyl-œstradiol; ou Lovavulo® ou Optilova® dosées à 20 ug d’éthinyl-œstradiol.
Le choix de la contraception chez une femme à risque vasculaire doit être plus précisément discuté (voir plus loin).
Après l’âge de 35 ans et surtout après 40 ans, compte tenu du risque plus important de certaines pathologies (notamment thrombo-embolique et mammaire), le type de contraception doit être réévalué en fonction du terrain de chaque femme.
Efficacité des différents moyens contraceptifs hormonaux
A Indice de Pearl
L’efficacité d’une méthode contraceptive est évaluée par l’indice de Pearl, qui représente le taux de grossesse pour 100 couples exposés à un mode de contraception sur une durée de 12 mois. Un indice de Pearl à 1 % indique la survenue d’une grossesse parmi les 100 couples exposés à ce type de contraception sur la période de 1 an.
Il n’y a pas de différence notable d’efficacité contraceptive entre les différents œstroprogestatifs. On estime que l’indice de Pearl le plus faible est obtenu pour l’implant puis pour le DIU et les combinaisons œstroprogestatives, entre 0,2 et 0,6 %. Cet indice augmente en revanche très largement en utilisation courante, avec un taux de 2 % pour le DIU et de 6 % à 7 % pour les combinaisons œstroprogestatives.
B Interactions médicamenteuses
Certains médicaments inducteurs enzymatiques (rifampicine, médicaments anticomitiaux, barbituriques, antiviraux, etc.) réduisent l’efficacité des contraceptifs oraux œstroprogestatifs, en particulier faiblement dosés, et des microprogestatifs, en accélérant leur dégradation et en diminuant leur pouvoir contraceptif.
C Cas particulier de l’adolescente
Malgré des campagnes d’information, on note une sous-utilisation ou une mauvaise utilisation de la contraception orale chez les adolescentes. Un travail de prévention sur ce sujet, avec en particulier une information sur la contraception d’urgence (voir plus loin), est indispensable afin de réduire le nombre d’interruptions volontaires de grossesse. Le DIU n’est plus une contre-indication chez la nullipare, tant que l’indication est correctement posée et la surveillance régulière. Enfin, il faut toujours penser à la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST), en insistant systématiquement sur l’intérêt du préservatif, qui reste le seul mode de prévention. Rappelons que, depuis la loi de 1975, toute adolescente mineure peut obtenir une consultation anonyme et gratuite de contraception ainsi que la délivrance gratuite de la pilule dans un centre de planification familiale. La loi du 4 juillet 2001 autorise tous les médecins à prescrire une contraception hormonale à une mineure sans le consentement des titulaires de l’autorité parentale (art. L. 5134). L’examen gynécologique n’est réalisé que si la jeune fille le souhaite.
Tolérance des contraceptifs oraux
A Œstroprogestatifs
1 Effets secondaires mineurs
Dans la plupart des cas, la pilule œstroprogestative est bien tolérée. Cependant, compte tenu de la grande variabilité du métabolisme en fonction de chaque individu, certains effets secondaires, tels que des nausées, des vomissements, des jambes lourdes, des mastodynies, une acné, un hirsutisme et des migraines sont parfois observés. En revanche, on ne retrouve pas de prise de poids significative sous pilule.
2 Tolérance métabolique
Une augmentation des triglycérides, une altération possible du métabolisme glucidique et des modifications variables du cholestérol, en fonction du progestatif utilisé et de la dose d’éthinyl-œstradiol, justifient la surveillance métabolique.
3 Hémostase
Les œstroprogestatifs activent la coagulation, mais augmentent la fibrinolyse.
Le risque de thrombose semble surtout lié à un terrain prédisposant qu’il faut dépister (thrombo-philie) par l’interrogatoire, en cherchant des antécédents personnels et familiaux d’accident veineux thrombo-embolique. Au moindre doute, une consultation auprès d’un spécialiste de l’hémostase s’impose.
Cependant, le risque absolu reste très faible : il passe de 1 pour 10 000 par an chez les non-utilisatrices à 3 à 4 pour 10 000 femmes par an chez les utilisatrices de pilule œstroprogestative de deuxième génération, et 6 à 8 pour 10 000 femmes par an lorsque la pilule est de troisième génération (désogestrel ou gestodène), ou contient de la drospirénone ou de l’acétate de cyprotérone. Ce surrisque concerne également les anneaux vaginaux œstroprogestatifs et les patchs contraceptifs.
4 Tolérance vasculaire
Les contraceptifs oraux œstroprogestatifs produisent chez certaines femmes une faible augmentation de la pression artérielle, justifiant sa surveillance régulière.
Une association entre l’utilisation de la contraception orale et la survenue d’accidents vasculaires coronariens ou cérébraux a été notée, mais ce risque est faible et tient essentiellement à un tabagisme associé qui multiplie le risque par 11 et surtout à la présence d’une hypertension artérielle. Le risque artériel sous pilule œstroprogestative est 10 fois plus faible que le risque veineux.
5 Risque carcinologique
Cancer de l’ovaire
Le risque de cancer de l’ovaire est diminué de 50 % chez les femmes utilisant une contraception orale par rapport aux femmes n’en utilisant pas.
Cancer de l’endomètre
Le risque diminue de 50 % avec les pilules combinées.
Cancer du sein
Certaines études semblent indiquer l’association avec une très faible augmentation du risque de cancer du sein.
Microprogestatifs
Les microprogestatifs ont une moins bonne tolérance gynécologique que les œstroprogestatifs. Le principal inconvénient est la survenue de troubles des règles : spotting, irrégularités menstruelles ou aménorrhée. Ils peuvent augmenter légèrement l’acné ou l’hirsutisme.
Un risque de grossesse extra-utérine semble également associé à l’utilisation de microprogestatifs; il faut donc savoir y penser, ce d’autant que le diagnostic est difficile du fait des troubles des règles.
Ils n’ont en revanche pas d’effet secondaire métabolique. Ils peuvent être prescrits chez les femmes à risque vasculaire.
Surveillance de la contraception
Les patientes utilisant des contraceptifs hormonaux sont impliquées dans cette surveillance et doivent être informées :
*des événements pouvant diminuer l’efficacité de leur contraception : traitement concomitant ou autres inducteurs enzymatiques, oubli, épisode de vomissements ou de diarrhée;
*de la conduite à tenir (oubli de pilule);
*des signes évoquant une complication des œstroprogestatifs et de la nécessité de consulter rapidement, notamment : céphalée, déficit sensitivomoteur, douleur et/ou œdème d’un membre inférieur, dyspnée, douleur thoracique;
*des circonstances pouvant augmenter le risque de survenue des complications vasculaires, notamment : tabagisme, surpoids, chirurgie, alitement, voyage en avion prolongé, et prévention par hydratation et mobilisation régulière, etc.Examen clinique
La réalisation d’un test HPV n’est pas utile avant le 25e anniversaire en l’absence de symptômes, et l’examen gynécologique n’est pas systématique chez les femmes très jeunes asymptomatiques.
En revanche, l’examen clinique comporte au minimum et obligatoirement une mesure de la pression artérielle et est ensuite répété à 6 mois, puis tous les 6 à 12 mois, et avant tout renouvellement.
Il s’assure de la bonne tolérance clinique de la contraception orale (examen des seins, prise de la pression artérielle et vérification de la stabilité du poids) par la recherche des signes d’hyper-ou d’hypo-œstrogénie (hyperœstrogénie : tension mammaire; hypo-œstrogénie : sécheresse vaginale) ou d’hyperandrogénie (acné, etc.).
Lorsque la tolérance est médiocre, un changement de type de pilule, mieux adapté, est indiqué.
urveillance biologique
1 Patiente sans antécédent vasculaire et/ou métabolique
Dans les cas d’absence d’antécédent personnel ou familial métabolique, de maladie thrombo-embolique ou de tabagisme, et si l’examen clinique est normal, on réalise simplement un dosage de cholestérol total, des triglycérides et de la glycémie à jeun, 3 à 6 mois après le début de la prise de la pilule œstroprogestative, puis tous les 5 ans si ce bilan est normal et en l’absence de fait nouveau. Le bilan biologique préthérapeutique n’est donc pas systématique.
2 Facteurs de risque
Lorsque les femmes présentent des facteurs de risque de dyslipidémie ou de diabète, on pratique le dosage du cholestérol total, des triglycérides et de la glycémie à jeun, avant la prescription de la contraception œstroprogestative, en faisant un contrôle 3 à 6 mois après le début, puis tous les 5 ans si ce bilan est normal et en l’absence de fait nouveau.
C Surveillance gynécologique
Il faut rechercher des métrorragies et des spottings, pouvant apparaître plus particulièrement dans les premiers mois d’utilisation. Ils cèdent généralement spontanément dans les six premiers mois, notamment par la régularisation de la prise de pilule si celle-ci était mal prise, et il n’y a pas lieu, dans ces conditions, d’interrompre le traitement. Si les saignements persistent ou apparaissent après utilisation prolongée, la recherche d’une cause organique s’impose (notamment infection, mais aussi lésion endométriale).
Contraception hormonale chez les femmes à risque
A Femmes diabétiques
La contraception de la femme diabétique pose le problème du risque métabolique et vasculaire, mais une contraception efficace est indispensable, car les grossesses doivent être impérativement planifiées (voir Item 255, chapitre 20).
B Femmes avec dyslipidémie
La pilule œstroprogestative a peu d’effet chez les patientes normolipidémiques, mais elle peut augmenter de façon très significative les lipides chez la femme dyslipidémique.
La pilule peut être prescrite jusqu’à 3 g/l de cholestérolémie totale à condition qu’il n’y ait pas d’autres facteurs de risque vasculaire (tabac), que la femme ait moins de 35 ans et qu’il y ait prescription suivie d’une diététique adaptée (pauvre en graisses saturées).
C Femmes à risque de thrombose veineuse
1 Facteurs prédisposants
Certaines anomalies de l’hémostase, associées à un risque de thrombose veineuse, sont bien connues. Il s’agit soit d’anomalies génétiques (déficit en antithrombine, en protéine C ou protéine S, mutation du facteur V Leiden, mutation du gène de la prothrombine, etc.), soit d’anomalies acquises telles que les anticorps anticoagulants circulants de type lupique.
En dehors de ces anomalies, les antécédents personnels et l’existence d’antécédents familiaux de parents au premier degré avant l’âge de 50 ans de thrombose veineuse représentent également un facteur de risque ainsi que certaines circonstances favorisantes telles que l’obésité, un acte chirurgical (justifiant l’interruption des œstroprogestatifs au moins 1 mois avant) ou l’immobilisation prolongée (alitement, fracture, etc.).
2 Dépistage des femmes à risque
Un interrogatoire orienté doit permettre de sélectionner les patientes dites à risque, en fonction de leurs antécédents personnels et/ou familiaux (tableau 1.1, ANSM, février 2014).Le type de thrombose, notamment son intensité, les récidives, l’âge de survenue (avant ou après 45 ans), la recherche d’un facteur favorisant, l’existence de fausses couches à répétition et les antécédents familiaux de thrombose avant 45 ans conduisent à la recherche d’une pathologie thrombophilique prédisposante. Les examens hématologiques suivants doivent alors être demandés chez les femmes à risque avant la mise sous pilule œstroprogestative (HAS, juillet 2013) :
*temps de Quick, temps de céphaline activée, qui permettent la détection d’un anticoagulant circulant;
*dosage de l’antithrombine, dosage de la protéine C, dosage de la protéine S, test de résistance à la protéine C activée;
*recherche d’une mutation du facteur V (Leiden) et d’une mutation du facteur II (prothrombine). Chez les femmes qui ont un antécédent familial documenté d’anomalie de l’hémostase, cette anomalie est recherchée systématiquement avant la prescription de la pilule œstroprogestative.
3 Prescription
En cas d’antécédent thrombo-embolique ou d’anomalie de l’hémostase, les œstrogènes sont contre-indiqués et le recours à un micro- ou à un macroprogestatif peut être envisagé après avis d’un spécialiste de l’hémostase. Femmes hypertendues
L’utilisation de contraceptifs oraux s’accompagne d’une élévation modérée de la pression artérielle. Moins de 5 % des utilisatrices de contraception orale présentent une hypertension artérielle sous œstroprogestatifs.
L’hypertension artérielle est une contre-indication aux œstroprogestatifs.
Contraception d’urgence
La contraception d’urgence est définie comme l’utilisation, après un rapport sexuel non protégé, d’une méthode pour empêcher une grossesse éventuelle. Il existe trois possibilités : deux contraceptions d’urgence hormonales (lévonorgestrel et ulipristal acétate) ou la possibilité de pose d’un DIU.
La contraception d’urgence s’utilise en l’absence de contraception, en cas d’oubli de contraception orale ou d’un incident de préservatif, mais son efficacité dépend de la précocité de son utilisation. La contraception d’urgence ne doit pas représenter une contraception régulière et doit obligatoirement conduire à l’instauration d’une contraception fiable et adaptée.
La contraception d’urgence hormonale s’utilise de la façon suivante :
*soit une prise unique de lévonorgestrel, 1 cp à 1,5 mg, dès que possible après le rapport sexuel non protégé et au plus tard 72 heures après, et ce à n’importe quelle période du cycle;
*soit une prise unique d’ulipristal acétate, 1 cp à 30 mg, dès que possible après le rapport sexuel non protégé et au plus tard 120 heures après, et ce à n’importe quelle période du cycle.
Après utilisation de la contraception d’urgence, il est recommandé d’utiliser un moyen contraceptif local au minimum 7 jours, voire jusqu’au retour des règles suivantes.
Il n’existe aucune contre-indication au lévonorgestrel, qui peut être obtenu en pharmacie sans ordonnance conformément à la directive européenne du 31 mars 1992. Il est délivré gratuitement sans ordonnance pour les femmes mineures en pharmacie, dans les centres de planning familial et au lycée par les pharmaciens et les infirmières scolaires.
L’ulipristal acétate a une efficacité légèrement supérieure mais surtout nettement prolongée par rapport au lévonorgestrel. En revanche, son prix est plus élevé que le lévonorgestrel. Il est délivré gratuitement en pharmacie sans ordonnance, ou dans les centres de planning familial.
Points clés
*En dépit d’un vaste choix de contraceptifs, environ 200 000 interruptions de grossesse ont lieu en France chaque année. Il est donc nécessaire d’adapter la contraception à chaque femme et d’éduquer les couples.
*La contraception d’urgence est utile, mais ne doit pas se substituer à une contraception au long cours.
*La recherche d’antécédents de phlébites et d’embolie pulmonaire et la mesure de la pression artérielle sont nécessaires avant toute prescription d’œstroprogestatifs.
*Quelle que soit la voie d’administration des œstroprogestatifs, les contre-indications sont les mêmes.
*Les progestatifs sont utilisés seuls en cas de contre-indication des œstroprogestatifs.
Généralités, définitions, prévalences
On considère un couple hétérosexuel comme infertile en l’absence de grossesse après un an de rapports sexuels non protégés.
Dans la population générale, 70 % des grossesses souhaitées sont obtenues après 6 mois et 90 % après un an. En France, un couple sur six (17 %) consulte pour désir d’enfants. Ce recours augmente avec les années, pour diverses raisons (dont sociétales, environnementales entre autres), ce qui a conduit à l’élaboration d’un plan national contre l’infertilité. En effet, le risque d’infertilité augmente avec l’âge et on estime le risque d’infertilité à 1 couple sur 4 à 30 ans, 1 sur 3 à 35 ans et plus de 1 sur 2 au-delà de 40 ans. On estime qu’un enfant sur 30 est actuellement né par une technique d’assistance médicale à la procréation (AMP).
Le terme de stérilité ne peut être employé que si la situation d’infertilité est définitive (ménopause, castration bilatérale, etc.).
La fertilité d’un couple dépend de la fécondité de l’un et de l’autre partenaire : l’évaluation en parallèle des deux membres du couple est obligatoire (+++).
La fécondabilité de la femme se définit par la probabilité de grossesse en fonction des moments du cycle. Elle est au mieux de 25 % par cycle d’exposition. La fécondité est la capacité à se reproduire.
Dans un couple infertile, l’infécondité est d’origine féminine dans un tiers des cas, masculine dans un tiers des cas; elle est partagée dans le dernier tiers (+++).
L’exploration d’un couple infertile doit donc être menée parallèlement chez les deux partenaires (fig. 2.1), même en cas de cause évidente chez l’un des deux partenaires.
II Interrogatoire
A Pour le couple
L’interrogatoire porte sur :
*la durée de vie commune, avec/sans contraception;
*La fréquence des rapports sexuels, leur programmation en phase préovulatoire ou non;
*la revue des antécédents médicaux et des traitements antérieurs ou en cours ainsi que des explorations préalablement réalisées.
B Chez la femme
1 Âge au moment de la consultation
L’âge est un élément capital du pronostic (+++) : la fécondité se détériore notablement après 35 ans, la fécondité maximale étant observée à 28 ans. Elle est très faible après 40 ans.
On interrogera sur l’âge de la puberté et des premières règles, le caractère régulier des cycles menstruels (25 à 35 jours, 28 ± 2 jours) ou irrégulier en l’absence de tout traitement.
2 Ancienneté de l’infertilité
L’ancienneté de l’infertilité est recherchée ainsi que son caractère primaire ou secondaire, c’est-à-dire la notion d’une grossesse antérieure ou non, avec le même ou un autre partenaire, y compris la recherche de fausses couches spontanées : interruption de grossesses préalablement documentées par un dosage d’hCG (gonadotrophine chorionique humaine) ou une échographie. On recherchera également des interruptions volontaires de grossesse (IVG) anciennes (+++).
3 Notions d’infections et/ou de curetages (+++)
On recherche des infections génitales (salpingites) et des curetages utérins (post-partum, post-abortum).
4 Antécédents infectieux
Antécédents infectieux, tels que les infections sexuellement transmissibles.
5 Douleurs pelviennes
La présence de douleurs pelviennes au moment des règles ou lors des rapports est évocatrice d’endométriose ou de séquelles infectieuses.
6 Conditions de vie
Le stress, une alimentation sélective avec éviction des lipides, un régime restrictif et/ou une activité sportive intense (compétition, jogging, plus de 6 à 7 heures par semaine) peuvent induire une infertilité (voir aussi « Aménorrhée hypothalamique fonctionnelle », Item 42, chapitre 3). La recherche d’addictions est nécessaire (tabac, alcool, cannabis, etc.).
7 Antécédents iatrogènes ovariens et pelviens
*Radiothérapie pelvienne (+++) ou hypothalamo-hypophysaire.
*Chimiothérapies gonadotoxiques (+++).
*Antécédents de chirurgie pelvienne : ovarienne et/ou utérine, en particulier du col utérin.
C Chez l’homme
Chez l’homme
1 Troubles de la libido et de l’érection
Entraînant des rapports sexuels peu fréquents ou incomplets, parfois associés à des troubles éjaculatoires (éjaculations précoces, anéjaculations, éjaculations rétrogrades).
2 Antécédents de pathologie testiculaire
Antécédents de cryptorchidie (+++) (voir Item 50, chapitre 4), de traumatisme testiculaire ou d’infection testiculaire bilatérale (orchite ourlienne).
3 Antécédents chirurgicaux pelvien et scrotal
Des antécédents de hernie inguinale bilatérale opérée doivent faire évoquer une lésion chirurgicale des canaux déférents et/ou de la vascularisation testiculaire à l’origine d’une atrophie testiculaire. Des antécédents de chirurgie du col vésical ou, surtout, une paraplégie ou un diabète ancien avec neuropathie végétative peuvent entraîner une éjaculation rétrograde dans la vessie.Antécédents médicaux
Recherche d’antécédents médicaux, tels que les infections sexuellement transmissibles, les sinusites et bronchites à répétition (pouvant faire suspecter une mucoviscidose avec agénésie des canaux déférents).
5 Recherche d’exposition aux toxiques et aux causes iatrogènes
Il s’agit de la prise de toxiques ou d’une éventuelle exposition professionnelle (solvants organiques, pesticides, autres perturbateurs endocriniens), les addictions (alcool, tabac ++, cannabis, héroïne, sport de compétition – dopage à la testostérone et/ou aux autres stéroïdes anabolisants +++). Les traitements passés (chimiothérapie, radiothérapie abdominopelvienne ou hypophysaire +++) ou en cours sont détaillés.
II Examen clinique
A Chez la femme
L’examen clinique évalue :
*la taille et le poids, avec le calcul de l’IMC;
*les signes éventuels d’hyperandrogénie (hirsutisme, acné, séborrhée);
*l’aspect de la peau (acanthosis nigricans signant une insulinorésistance, voir Item 42, chapitre 3);
*une galactorrhée provoquée (++) évoquant une hyperprolactinémie (voir Item 42, chapitre 3 et Item 244, chapitre 15);
*d’éventuelles bouffées de chaleur (en faveur d’une insuffisance ovarienne prématurée).
Sont également évalués à l’examen gynécologique :
*la trophicité vaginale;
*l’état apparent du col utérin;
*la présence de gros fibromyomes utérins.
B Chez l’homme
Les éléments suivants sont recherchés :
*la taille et le poids pour calculer l’IMC;
*des signes d’hypoandrisme : faible pilosité, faible masse musculaire, adiposité augmentée;
*des cicatrices de gestes chirurgicaux (plis inguinaux, scrotum, cryptorchidie);
*une gynécomastie;
*un aspect gynoïde, eunuchoïde;
*autres signes : hypospadias, infection du méat, autres anomalies de la verge.
Un examen général est aussi effectué avec toucher rectal en cas d’antécédent infectieux récent, pour rechercher une prostatite subaiguë.
Le volume testiculaire (+++) – 80 % du volume des testicules sont constitués par les tubes séminifères – est un élément capital du bilan initial. Il est apprécié au mieux à l’aide d’un orchidomètre de Prader (fig. 2.2) ou, à défaut, mesuré en centimètres avec un mètre ruban. Chez l’adulte, le volume normal est de 15 à 20 ml.La palpation testiculaire permet de préciser la fermeté, l’asymétrie et la sensibilité. La palpation du cordon spermatique permet de rechercher les déférents (impression de corde tendue) et, en position latérale des testicules, les épididymes, avec parfois perception d’un kyste. Cet examen permet aussi la recherche de varicocèle – dont la responsabilité dans l’infertilité est discutée.
En cas d’azoospermie, l’examen clinique doit être toujours complété par une échographie testiculaire
Examens complémentaires orientés
A Exploration hormonale et morphologique de première intention chez la femme
1 Exploration hormonale (+++)
En cas d’aménorrhée ou d’irrégularités menstruelles, on cherche d’abord à préciser leur mécanisme (voir Item 42, chapitre 3).
Les dosages indispensables dans un premier temps sont ceux de l’œstradiol (ou estradiol, abrégé « E21 »), de LH, de FSH et de prolactine plasmatiques.
Si les cycles sont réguliers, on cherche à préciser leur caractère ovulatoire par un dosage de progestérone plasmatique, à J22-J23 du cycle (22 ou 23 jours après le début des règles) (+++). Les dosages de l’AMH ou de l’inhibine B ont été utilisés pour évaluer la fertilité féminine; néanmoins, aucun de ces dosages n’est un reflet parfait de la réserve ovarienne à lui seul et aucun ne constitue un bon pronostic de la fertilité naturelle.
2 Échographie pelvienne (+++)
C’est un examen non invasif qui occupe une place prépondérante dans l’évaluation d’une femme infertile. Réalisée par voie endovaginale, l’échographie précise la taille et l’aspect des ovaires, et permet d’évaluer le compte des follicules antraux (CFA) – avec les échographies modernes (fig. 2.5), facteur pronostique :
L’échographie permet aussi de mesurer l’épaisseur de la muqueuse utérine et de montrer la présence d’éventuels polypes ou fibromes.
3 Hystérographie
L’hystérographie précise l’intégrité et la perméabilité de l’utérus et des trompes. Elle doit obligatoirement être effectuée en dehors de toute infection génitale évolutive (risque d’endo-métrite ou de salpingite) et après avoir écarté une grossesse.
Elle est réalisée en phase folliculaire moyenne vers le 8e à 10e jour du cycle. Elle permet d’apprécier la cavité utérine, l’état et la perméabilité des trompes ainsi que le passage plus ou moins facile du produit de contraste dans la cavité péritonéale (fig. 2.6).
ploration de première intention chez l’homme
1 Spermogramme (+++) et spermocytogramme
C’est l’examen fondamental chez l’homme.
Le sperme doit être émis au laboratoire, par masturbation, dans l’idéal après un délai d’abstinence de 3 à 5 jours.
Les trois paramètres pris en compte dans l’analyse sont :
*la concentration (+++);
*la mobilité;
*la morphologie des spermatozoïdes.
Les principales caractéristiques du sperme normal ainsi que les principales anomalies retrouvées chez les hommes infertiles sont indiquées dans le tableau 2.1 (critères de l’OMS 2010).
Tableau 2.1
Valeurs normales du spermogramme selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (modifiées en 2021).
Paramètre Valeur normale Définition de l’anomalie
Volume > 1,5 ml < 1,5 ml : hypospermie > 6 ml : hyperspermie
pH 7,2-8
Concentration
> 16 millions/ml
> 39 millions/éjaculat
0 : azoospermie
< 15 millions/ml : oligospermie
> 200 millions/ml : polyspermie
Mobilité > 30 % de mobilité progressive (a + b) < 30 % : asthénospermie
Morphologie OMS 1999 : > 30 % de formes typiques (selon la classification David) Tératospermie
OMS 2010 et 2021 : > 4 % de formes typiques (selon la classification Kurger)
Vitalité > 54 % de formes vivantes < 54 % : nécrospermie
Agglutinats Absence
Leucocytes < 1 million/ml > 1 million/ml : leucospermie
Normes établies pour une abstinence sexuelle de 2 à 7 jours.
(Source : OMS, 2010.)
Le spermogramme tient la première place dans le bilan d’une infertilité masculine. Mais cet examen doit être interprété de façon critique, surtout si les anomalies sont modérées. En effet, l’extrême variabilité des paramètres, à la fois inter- et intra-individuelle, rend difficile l’établissement de critères précis de normalité. Les conditions de recueil doivent aussi être soigneusement contrôlées.
Une affection même bénigne et de courte durée, telle qu’un épisode grippal, est susceptible de retentir sur les caractéristiques du sperme émis 2 à 3 mois plus tard, en raison de la durée de 74 jours du cycle de la spermatogenèse.
Lorsqu’il apparaît pathologique, le spermogramme doit être contrôlé 3 mois plus tard. Exploration hormonale (+++)
L’exploration hormonale doit être réalisée systématiquement en cas d’oligospermie ou d’azoospermie. Chez l’homme, l’exploration hormonale simple permet de diagnostiquer un déficit gonadotrope hypothalamo-hypophysaire ou une insuffisance testiculaire primitive par les dosages de testostérone totale, de LH, de FSH. La prolactine doit être mesurée en cas de troubles de la libido avec dysfonction sexuelle ou bien de gynécomastie (voir Item 246, chapitre 17) non expliquée ou devant toute insuffisance gonadotrope.
tiologie de l’infertilité du couple
A Chez la femme
1 Anovulations (+++) et dysovulations
L’anovulation est une cause très fréquente d’infertilité féminine (près de 20 % des cas d’infécondité du couple). Son diagnostic est le plus souvent évident devant l’existence d’une aménorrhée ou d’irrégularités menstruelles (voir Item 42, chapitre 3), mais des cycles réguliers n’éliminent pas une anovulation.
Les ovulations de mauvaise qualité (dysovulations) peuvent parfois refléter une infertilité; elles sont caractérisées par une phase lutéale courte et/ou défectueuse, avec une sécrétion insuffisante de progestérone. Par fréquence décroissante, il peut s’agir (voir Item 42, chapitre 3) :
*d’un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK);
*d’une hyperprolactinémie;
*d’une baisse de la réserve ovarienne, voire d’une insuffisance ovarienne prématurée;
*d’un déficit gonadotrope d’origine hypophysaire (FSH et LH basses);
*d’un déficit gonadotrope de cause hypothalamique, en particulier psychonutritionnelle (stress, activité physique intense, restriction alimentaire et pondérale) ou tumorale.
2 Obstacles mécaniques
Anomalies du col utérin et insuffisance de glaire cervicale
Ces anomalies sont la conséquence de sténoses cervicales apparues après conisation, curetage ou thermocoagulation de l’endocol à l’anse diathermique. Ces lésions peuvent être responsables d’une pathologie de la glaire cervicale et constituent l’indication de choix aux inséminations intra-utérines avec sperme du conjoint (IAC).
Obstacle et anomalies utérines
Il s’agit des malformations utérines avec cloisonnement, ou des synéchies infectieuses ou secondaires à des manœuvres endo-utérines du post-partum ou après une interruption de grossesse. Elles sont visualisées par l’hystérosalpingographie et, de plus en plus, par l’échographie avec produit de contraste. En deuxième intention, la visualisation de la cavité utérine par hystéroscopie permet le diagnostic et parfois le traitement (synéchie de petite taille).
Dans d’autres cas, il peut s’agir de polypes muqueux, de fibromes sous-muqueux ou d’une hyperplasie endométriale.
Le rôle de ces anomalies dans l’infertilité doit être regardé de façon critique car, en dehors d’un volumineux fibrome sous-muqueux, elles ne sont pas toujours en rapport avec l’infertilité.
Obstacle tubaire
Il s’agit d’une cause majeure d’infertilité féminine (+++).
Le plus souvent, l’obstacle tubaire est secondaire à une salpingite (parfois passée inaperçue, Chlamydia +++), un traumatisme chirurgical ou une endométriose.
Le diagnostic repose sur l’hystérosalpingographie qui montre l’obstacle, son caractère uni- ou bilatéral, ou l’existence de diverticules évocateurs d’endométriose.
La cœlioscopie, comprenant une épreuve de perméabilité au bleu, permet de faire au mieux l’inventaire des lésions, donc de mieux préciser le pronostic et de réaliser en outre des gestes thérapeutiques. Elle est également réalisée en cas d’infertilité inexpliquée, permettant parfois de mettre en évidence des foyers d’endométriose.
Endométriose
Une endométriose modérée, asymptomatique n’est que rarement la cause de l’infertilité. Des lésions endométriosiques sont retrouvées chez 50 % des femmes consultant pour « infertilité idiopathique ».
Le diagnostic est parfois évoqué devant l’existence de douleurs pelviennes, soit menstruelles, soit coïtales (dyspareunie profonde), ou après réalisation d’une hystérographie qui montre des images plus ou moins typiques – diverticules du segment interstitiel des trompes (images en « boule de gui »), images d’angulation ou de rétention ampullaire –, ou sur des lésions visibles à l’échographie pelvienne. L’IRM pelvienne est l’examen de référence pour réaliser une cartographie précise des lésions d’endométriose, qui peuvent être disséminées dans toute la cavité péritonéale.
L’hystérosalpingographie peut cependant être normale, ce qui justifie la réalisation d’une cœlioscopie chez une femme présentant une infécondité inexpliquée lorsqu’il y a des signes d’appel. Cette dernière montrera des foyers d’endométriose (grains bleutés) plus ou moins nombreux, uni- ou bilatéraux, pouvant être localisés y compris dans le péritoine ou les ovaires (kystes). La cœlioscopie permet de préciser le stade de l’endométriose (en plus de l’IRM pelvienne), d’en découvrir les sites lésionnels et de les traiter.
Chez l’homme
1 Azoospermies
Trois éléments guident la démarche étiologique : le volume testiculaire, les signes d’hypogonadisme et le taux de FSH.
Il ne faut pas oublier les antécédents de cryptorchidie (+++) (voir Item 50, chapitre 4).
Azoospermies non obstructives
Auparavant appelées azoospermies sécrétoires, elles sont définies par l’absence de production de spermatozoïdes par les testicules.
Diagnostic
L’azoospermie est presque toujours non obstructive lorsque le volume testiculaire est petit (< 10 ml). Le plus souvent, la concentration plasmatique de FSH est élevée en raison d’une atteinte testiculaire, mais il peut, plus rarement, s’agir d’un hypogonadisme hypogonadotrophique.
Dans certains cas, des patients porteurs d’authentiques azoospermies non obstructives peuvent présenter un volume testiculaire et une concentration plasmatique de FSH proches de la normale.
Étiologie
Chez ces patients, le caryotype (+++), obligatoire en première intention, permet souvent le diagnostic de syndrome de Klinefelter (formule caryotypique 47XXY ou mosaïque 46XY/47XXY) qui s’associe quasi constamment avec un volume testiculaire inférieur à 2 ml, voire à 1 ml.Une échographie testiculaire (fig. 2.7) permet d’éliminer un cancer testiculaire, plus fréquent dans ces cas.Les déficits gonadotropes congénitaux ou acquis sont aussi une cause d’azoospermie non obstructive mais, chez ces patients, c’est le tableau d’hypogonadisme qui domine le plus souvent, et le diagnostic est confirmé par les dosages hormonaux (baisse de la testostérone avec des taux de FSH et LH anormalement normaux ou bas). Dans la grande majorité des cas, ces patients consultent pour des troubles de la libido avec dysfonction sexuelle et très rarement pour une infertilité. Il s’agit d’une cause rare (moins de 5 % des cas) mais curable par un traitement médical simple (via l’apport de gonadotrophines exogènes qui favorisent la restauration d’une spermatogenèse normale, avec un rendement souvent conséquent permettant une fertilité normale sans recours aux techniques d’AMP).
Azoospermies obstructives
Auparavant appelées azoospermies excrétoires ou par obstacle, les azoospermies obstructives sont la conséquence d’une obstruction des voies excrétrices du sperme.
Diagnostic
Ce diagnostic est toujours évoqué lorsque le volume gonadique et la concentration plasmatique de FSH sont normaux.
Un examen clinique soigneux de l’appareil excréteur (épididymes, déférents, vésicules séminales et prostate) permet parfois de dépister la cause, mais leur recherche fait toujours appel à une échographie scrotale et des organes génitaux internes.
Oligo-asthéno-térato-spermies (OAT)
Les OAT représentent une des causes les plus fréquentes d’infécondité masculine.
Diagnostic
Le diagnostic repose sur la réalisation d’au moins deux spermogrammes montrant une diminution du nombre et de la mobilité des spermatozoïdes, associée à une fréquence élevée de formes anormales.
Les OAT constituent un simple symptôme dont les causes sont le plus souvent inconnues, mais dans certains cas génétiques.
L’enquête étiologique chez ces patients est similaire à celle utilisée chez les sujets atteints d’azoospermie. Chez près de 10 % des patients atteints d’OAT extrême (< 5 millions de spermatozoïdes/ml), un caryotype doit être demandé et des microdélétions du bras long du chromosome Y recherchées si le caryotype est normal.
Conclusion
L’infertilité est un motif fréquent de consultation, puisqu’elle concerne un couple sur six environ. Les causes sont multiples et touchent autant la femme que l’homme. Elles doivent être recherchées par une exploration minutieuse, en parallèle toujours chez les deux membres du couple. L’exploration est orientée toujours lors de la première consultation dont le rôle est fondamental. Elle doit permettre d’évaluer en première ligne : la sexualité du couple, l’âge de la femme, l’état tubaire et utérin, la présence et la qualité de l’ovulation chez la partenaire féminine, et, chez l’homme, la qualité du sperme et l’absence d’hypogonadisme. La détermination des facteurs étiologiques oriente toujours la prise en charge. Celle-ci peut aller de l’abstention thérapeutique (exploration normale, infertilité récente et femme jeune) aux techniques les plus sophistiquées d’aide médicale à la procréation. En cas d’anomalie du caryotype ou génétique, un conseil génétique est impératif.
Points clés
*A On considère un couple comme infertile en l’absence de grossesse après un an de rapports sexuels non protégés.
*La fertilité d’un couple dépend de la fécondité des deux partenaires. L’exploration d’un couple infertile doit donc être menée parallèlement chez les deux partenaires.
*Chez la femme, l’âge est un élément capital du pronostic : la fertilité baisse nettement après 35 ans.
*B Chez la femme, on recherche avant tout une anomalie cervicale, utérine ou des trompes et une anovulation. La prise en charge thérapeutique doit être précédée et orientée par l’enquête étiologique.
*Chez l’homme, après avoir vérifié le volume testiculaire et la sécrétion normale de testostérone, l’examen clé est le spermogramme
Introduction
L’aménorrhée est un motif fréquent de consultation.
On en distingue deux types :
*l’aménorrhée primaire qui se définit comme une absence de règles après l’âge de 15 ans, avec ou sans développement normal des caractères sexuels secondaires;
*l’aménorrhée secondaire qui correspond à un arrêt des cycles supérieur à 3 mois chez une femme antérieurement réglée.
L’absence de règles est physiologique pendant la grossesse, la lactation et la ménopause.
En dehors de ces périodes, l’existence de cycles menstruels réguliers témoigne du bon fonctionnement global de l’axe gonadotrope, des ovaires et de l’intégrité utérine. Toute interruption du cycle menstruel au-delà d’un mois, même après arrêt d’une contraception orale est anormale et justifie une enquête étiologique (Un traitement œstroprogestatif sans exploration préalable est donc toujours illégitime (+++).
C’est après la recherche d’une cause que sera proposé un traitement étiologique ou, à défaut, une substitution de l’insuffisance hormonale.
L’aménorrhée peut être précédée d’irrégularités menstruelles (oligo-/spanioménorrhée) dont la valeur sémiologique est similaire et l’enquête étiologique identique.
L’exploration d’une aménorrhée conduit nécessairement à la découverte de pathologies qui sont détaillées ailleurs. Seuls les principaux aspects diagnostiques sont évoqués ici.
Conduite diagnostique
A Aménorrhée primaire
1 Interrogatoire
Devant une aménorrhée primaire, la probabilité d’une cause génétique ou chromosomique est importante (voir fig. 3.1). Il convient donc de rechercher l’existence, dans la famille, d’autres individus atteints de retard pubertaire ou d’aménorrhée, d’hypogonadisme ou d’infertilité.
L’interrogatoire permet aussi de rechercher une carence nutritionnelle liée ou non à une maladie chronique (+++).
2 Examen clinique général et gynécologique, explorations de première ligne
Développement pubertaire
L’examen précise le développement pubertaire complètement absent ou quasi « normal » avec un développement mammaire qui est fonction de la sécrétion ovarienne d’œstradiol. Ce développement s’apprécie selon les stades de Tanner (tableaux 3.1 et 3.2, fig. 3.2).
Tableau 3.1
Développement mammaire (S) selon Tanner.
S1 Absence de développement mammaire
S2 Petit bourgeon mammaire avec élargissement de l’aréole
S3 La glande mammaire dépasse la surface de l’aréole
S4 Développement maximal du sein (apparition d’un sillon sous-mammaire) Saillie de l’aréole et du mamelon sur la glande
S5
Aspect adulte
Disparition de la saillie de l’aréole
(Source : CEEDMM, 2021.)
Tableau 3.2
Pilosité pubienne (P) selon Tanner.
P1 Absence de pilosité
P2 Quelques poils longs sur le pubis
P3 Pilosité pubienne au-dessus de la symphyse
P4 Pilosité pubienne fournie
P5 La pilosité s’étend à la racine de la cuisse et s’allonge vers l’ombilic chez le garçonL’exploration hormonale de première intention comprend le dosage de l’œstradiol et de la FSH. En cas de FSH basse, après avoir éliminé une tumeur hypothalamo-hypophysaire et une dénutrition, on recherche une anosmie et d’autres signes évoquant le syndrome de Kallmann (encadré 3.1).
En cas de gonadotrophines hautes, la petite taille et le syndrome malformatif (inconstant) font évoquer un syndrome de Turner dont le diagnostic est confirmé par la réalisation d’un caryotype (formule 45X ou mosaïque 45X/46XX).
Causes génétiques d’hypogonadismes hypogonadotrophiques
Les hypogonadismes hypogonadotrophiques congénitaux, dont le syndrome de Kallmann est le plus connu, sont une cause d’aménorrhée primaire avec gonadotrophines basses. Ces maladies se révèlent dans moins de 30 % des cas par une absence complète de développement pubertaire; en revanche, l’aménorrhée primaire est quasi constante.
S’il s’agit d’un syndrome de Kallmann, s’associe à l’hypogonadisme hypogonadotrophique une absence ou une diminution de la perception des odeurs (anosmie/hyposmie). Dans les syndromes de Kallmann, l’hypogonadisme résulte d’une anomalie de la migration des neurones à GnRH de la placode olfactive vers le noyau arqué pendant la vie embryonnaire, qui ne sont pas en position anatomique, permettant une stimulation des gonadotrophines hypophysaires LH et FSH (anomalie de migration due notamment à la mutation du gène KAL1 codant l’anosmine). À l’IRM, les bulbes olfactifs sont absents ou hypoplasiques. De nombreuses autres mutations d’autres gènes ont été décrites et sont responsables d’un hypogonadisme hypogonadotrope isolé ou associé à d’autres anomalies
Examen clinique
L’examen a pour but de visualiser le degré de pilosité. Dans certains cas, il peut évaluer la perméabilité et la trophicité du vagin et du col.
Il est complété par une échographie pelvienne de bonne qualité ou une IRM pelvienne qui précise la présence, la taille et la position des gonades et l’existence ou non d’un utérus (avec la taille et l’aspect pré- ou post-pubère).
L’absence d’utérus, souvent associée à un vagin borgne, oriente vers un syndrome de Rokitanski ou un trouble de l’hormonosynthèse ou de la réceptivité aux androgènes (syndrome d’insensibilité aux androgènes). Dans ce dernier cas, le caryotype révélera une formule 46XY.
Devant une aménorrhée primaire chez une adolescente ayant par ailleurs un développement pubertaire et chez qui l’échographie retrouve un utérus, il peut s’agir d’un hématocolpos, qui correspond à une accumulation des règles en intra-utérin en lien avec une imperforation de l’hymen. En dehors de ce diagnostic, la démarche diagnostique, après avoir vérifié l’absence de grossesse et d’une agénésie utérine, est similaire à celle d’une aménorrhée secondaire
ménorrhée secondaire
Les aménorrhées secondaires sont le plus souvent le résultat d’une pathologie acquise après la puberté (fig. 3.1).
La mise en route d’un traitement œstroprogestatif, sans enquête étiologique préalable, chez une adolescente ou une femme consultant pour aménorrhée est une erreur, car elle amène à méconnaître des diagnostics parfois graves (+++).
1 Interrogatoire
L’interrogatoire recherche :
*des causes évidentes comme une grossesse +++
*certaines prises médicamenteuses (antidopaminergiques élevant la prolactine, par exemple des antinauséeux, des neuroleptiques; macroprogestatifs, entraînant une aménorrhée par atrophie de l’endomètre), une corticothérapie ou des traitements inhibant la commande hypo-thalamo-hypophysaire (chirurgie de la région hypothalamo-hypophysaire, radiothérapie), des traitements gonadotoxiques (radiothérapie, chimiothérapie +++, chirurgie ovarienne);
*une maladie endocrinienne ou chronique (par exemple maladie cœliaque) pouvant retentir sur l’axe gonadotrope, le fonctionnement ovarien ou l’état nutritionnel;
*l’histoire gynécologique et obstétricale, qui est utile pour dater l’ancienneté de l’aménorrhée;
*des bouffées de chaleur, inconstantes, qui font suspecter une insuffisance ovarienne;
*des douleurs pelviennes cycliques orientant vers une cause utérine, d’autant plus qu’il existe une notion de geste endo-utérin (curetage, IVG).
2 Examen clinique
Devant toute aménorrhée, la mesure du poids et de la taille avec l’établissement de l’indice de masse corporelle ou IMC (poids/taille2) est nécessaire pour dépister une carence nutritionnelle relative (+++). Elle est complétée par une enquête nutritionnelle, évaluant la quantité de lipides ingérés et le degré d’activité physique, surtout si l’IMC est inférieur à 21 kg/m2.
Les signes d’hyperandrogénie (séborrhée, acné, hirsutisme) peuvent accompagner une aménorrhée. Ils orientent vers certaines causes, en particulier le syndrome des ovaires polykystiques ou un déficit en 21-hydroxylase et, plus rarement, un syndrome de Cushing (voir plus loin).
Une galactorrhée doit être recherchée mais, en pratique, ce signe clinique est d’une sensibilité et d’une spécificité insuffisantes : même en son absence, un dosage de prolactine est réalisé.
Les signes de carence œstrogénique sont présents lorsque l’atteinte gonadotrope ou ovarienne est profonde. L’aménorrhée s’accompagne alors d’une sécheresse de la muqueuse vaginale, possiblement responsable d’une dyspareunie.
Le test aux progestatifs est classique, mais n’a pas beaucoup d’intérêt dans la démarche étiologique; il a pour but d’apprécier la sécrétion ovarienne d’œstradiol d’une femme en aménorrhée. Il consiste en l’administration d’un progestatif pendant 10 jours. Ce test, qui rend compte de l’imprégnation par les œstrogènes de l’endomètre, est dit positif si surviennent des règles dans les 5 jours suivant l’arrêt du progestatif. Il est au contraire négatif lorsque la carence œstrogénique est sévère, et cela indépendamment de sa cause. Le test aux progestatifs est négatif en cas de carence œstrogénique profonde et ancienne ou de grossesse.
Dosages hormonaux de première intention (+++)
Les premiers examens complémentaires ont pour but :
*d’écarter une grossesse méconnue : hCG;
*puis de rechercher les causes les plus fréquentes (fig. 3.4), par dosages de prolactine, d’œstradiol (E2), de FSH, LH ± testostérone total–hyperprolactinémie :
–prolactinémie élevée;
–E2 bas;
–LH basse;
–FSH basse ou « normale »;
–syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) :
–E2 comme dans un début de phase folliculaire; par exemple, E2 entre 30 et 70 pg/ml (valeurs seulement indicatives);
–LH normale ou augmentée;
–FSH un peu basse ou normale;
–testostérone totale normale ou un peu augmentée;
–déficit gonadotrope :
–E2 bas;
–concentrations de LH et de FSH basses ou non élevées (c’est-à-dire « dans les normes » mais non cycliques, inadaptées);
–insuffisance ovarienne :
–E2 bas;
–concentrations élevées de LH et surtout de FSH (FSH » LH).
Ces pathologies reconnaissables par leur profil hormonal représentent la grande majorité des causes d’aménorrhée secondaire (v
Étiologie des aménorrhées
A Aménorrhées avec carence œstrogénique secondaire à un déficit gonadotrope d’origine organique ou fonctionnelle
Œstradiol bas, gonadotrophines « normales » ou basses.)
Synonymes : hypogonadisme hypogonadotrophique, dénommé aussi hypogonadisme central.
1 Aménorrhée d’origine hypothalamique avec prolactine normale
La cause la plus fréquente d’aménorrhée hypothalamique est l’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle secondaire à une restriction calorique associée ou non à une activité physique intense (+++) : incapacité de l’hypothalamus à libérer la GnRH avec une pulsatilité de fréquence et d’amplitude compatibles avec la physiologie de la reproduction. Bien que très souvent classées comme psychogènes, elles semblent très souvent en rapport avec un apport calorique insuffisant et/ou une activité physique excessive, et associées à des perturbations des paramètres reflétant l’état nutritionnel et des troubles du comportement alimentaire (voir Item 71).
Dans les cas extrêmes, des pertes de poids importantes (moins de 66 % du poids idéal ou IMC < 16 kg/m2) sont associées à un déficit gonadotrope profond. C’est le cas de l’anorexie mentale.
Le tableau le plus fréquent d’aménorrhée hypothalamlque fonctionnelle, plus difficile à diagnostiquer, est observé chez des femmes jeunes apparemment de poids normal consultant pour un arrêt des règles, mais dont les apports nutritionnels, en particulier en lipides, sont insuffisants par rapport à leur dépense énergétique. Ces patientes ont une diminution significative de leur masse grasse qui participe probablement à la genèse du déficit gonadotrope fonctionnel.
Une IRM de la région hypothalamo-hypophysaire est utile pour écarter une éventuelle tumeur ou infiltration. Le diagnostic d’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle doit être établi après avoir éliminé une cause organique.
2 Atteintes organiques de l’hypothalamus
Ces atteintes dominent les préoccupations diagnostiques et une IRM doit être réalisée devant toute aménorrhée hypothalamique, même en l’absence de stigmates cliniques ou biologiques d’atteinte des autres fonctions antéhypophysaires ou post-hypophysaires.
La radiothérapie encéphalique ou de la base du crâne entraîne également une atteinte hypothalamique.
Les tumeurs en cause sont essentiellement les craniopharyngiomes (+++). Les processus infiltratifs les plus fréquents sont la sarcoïdose, les infundibulo-hypophysites et l’histiocytose.
3 Aménorrhée hypothalamo-hypophysaire secondaire à une hyperprolactinémie (+++)
Cette cause est également traitée dans le chapitre consacré aux adénomes hypophysaires (voir Item 244, chapitre 15).
Sur le plan diagnostique, il faut simplement insister sur le fait que ces atteintes sont responsables de près de 20 % des aménorrhées par déficit gonadotrope; il s’agit donc d’une cause majeure d’aménorrhée, qu’elle soit accompagnée ou non de galactorrhée.
En l’absence de prise de médicaments hyperprolactinémiants, les hyperprolactinémies résultent le plus souvent de l’existence de tumeurs, comme des adénomes à prolactine surtout (fig. 3.5) et des tumeurs de la région hypothalamo-hypophysaire, comme des macroadénomes hypophysaires, des craniopharyngiomes ou des méningiomes qui peuvent induire une hyperprolactinémie de déconnexion.Sur le plan symptomatique, l’hyperprolactinémie peut débuter par des irrégularités menstruelles, puis se compléter par une aménorrhée qui traduit alors simplement une atteinte gonadotrope plus profonde.
4 Aménorrhées par déficits gonadotropes d’origine hypophysaire
Ces déficits d’origine hypophysaire sont plus rares que les atteintes hypothalamiques.
On retrouve les tumeurs hypophysaires à l’origine d’un déficit gonadotrope, et deux situations particulières de la grossesse :
*le très rare syndrome de Sheehan résulte classiquement d’une nécrose hypophysaire du post-partum à la suite d’un accouchement hémorragique avec collapsus vasculaire. Le tableau clinique associe une aménorrhée du post-partum et une absence de montée laiteuse. Les déficits gonadotrope et lactotrope en sont la cause chez ces patientes qui présentent, en majorité, une insuffisance antéhypophysaire globale;
*une grande majorité des aménorrhées par déficit gonadotrope du post-partum est due à une atteinte auto-immune de l’hypophyse. Ces hypophysites lymphocytaires (++) peuvent, comme la nécrose hypophysaire, se révéler par une absence de montée laiteuse et une aménorrhée du post-partum, mais il manque la notion étiologique d’accouchement hémorragique. L’IRM hypophysaire permet de suspecter le diagnostic en montrant une grosse hypophyse en hypersignal spontané, parfois d’allure pseudotumorale (fig. 3.6), ou, inversement, une selle turcique vide. De même, l’existence d’une insuffisance antéhypophysaire dissociée est en faveur de ce diagnostic.
Insuffisances ovariennes primitives
Les insuffisances ovariennes primitives regroupent différentes affections ovariennes ayant comme dénominateur commun une atteinte de la folliculogenèse. La signature biologique constante est l’élévation de la FSH, ce qui correspond donc à un hypogonadisme hypergonadotrope. Si l’épuisement du capital folliculaire se complète avant l’âge de la puberté, la présentation clinique est celle d’une absence complète de développement mammaire avec une aménorrhée primaire. Lorsque la disparition des follicules ovariens a lieu pendant ou après la puberté, on observe un développement variable des seins avec une aménorrhée primaire, primo-secondaire ou secondaire, avec ou sans bouffées de chaleur, dyspareunie (voir Item 58).
In fine, l’insuffisance ovarienne prématurée est définie par la survenue avant 40 ans d’un trouble du cycle (spanio- ou aménorrhée) associée à une FSH supérieure à 25 UI/l sur deux dosages distincts réalisés à au moins 4 semaines d’intervalle, et à des signes plus ou moins marqués d’hypo-œstrogénie : bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, trouble de l’humeur, insomnie, asthénie.
Les étiologies connues les plus fréquentes sont, après élimination, des causes iatrogènes (chirurgie, radiothérapie ou chimiothérapie) : les anomalies du caryotype, notamment le syndrome de Turner, les translocations ou délétions de régions critiques du chromosome X, ainsi que la prémutation du gène FMR1 (fragile X mental retardation), responsable du syndrome de l’X fragile (encadré 3.2), et les polyendocrinopathies auto-immunes. Ainsi, après avoir éliminé une cause iatrogène par l’interrogatoire, un caryotype, une recherche de prémutation de FMR1 et d’auto-immunité doit être systématiquement effectuée chez les patientes présentant une insuffisance ovarienne primitive.
Spécificités des maladies génétiques, à propos […] d’une maladie d’instabilité : le syndrome de l’X fragile
insuffisance ovarienne prématurée (IOP), prémutation du gène FMR1 et risque de déficience intellectuelle lié au syndrome de l’X fragile
Une cause fréquente et mal connue d’insuffisance ovarienne primitive (IOP) est la prémutation X fragile. Le diagnostic de cette cause d’IOP est essentiel étant donné les risques potentiels pour la descendance, en particulier de sexe masculin.
Rappels
Le syndrome de l’X fragile est la cause la plus fréquente de déficience intellectuelle héréditaire. Sa prévalence est estimée à un cas pour 3 500 chez les hommes et un cas pour 8 000 chez les femmes. Il se transmet selon une hérédité liée au chromosome X, impliquant qu’il n’y a pas de transmission père-fils, mais des mères (conductrices, présymptomatiques ou avec IOP) vers les fils. Cette pathologie a un mode de transmission particulier. L’X fragile est lié à une anomalie du gène FMR1 (fragile X mental retardation 1) situé sur le bras long du chromosome X en Xq27.3 au niveau du locus FRAXA. Le gène FMR1 code la protéine FMRP qui est assez ubiquitaire, mais dont le rôle est encore mal défini. Le premier exon du gène FMR1 contient une répétition de triplets CGG. Un sujet normal a de 3 à 50 triplets CGG (l’allèle le plus fréquent contient 30 répétitions); dans ce cas, leur transmission est stable d’une génération à l’autre. Les anomalies génétiques responsables de la pathologie correspondent le plus souvent à une expansion instable de ces triplets CGG (maladie dite d’instabilité). En fonction du nombre de répétitions et de leur état de méthylation, on parle de prémutation (51 à 199 triplets CGG) ou de mutation complète (200 à plus de 1 000 triplets CGG); la mutation complète s’associe à une hyperméthylation des triplets CGG et a pour conséquence l’absence de transcription du gène FMR1.
Une particularité de l’X fragile réside en son mode de transmission avec augmentation de taille de la répétition du triplet CGG à la génération suivante si la transmission est maternelle et absence de modification de taille des triplets si la transmission est paternelle. Le risque de passage de la prémutation à la mutation complète lors de la transmission est corrélé à la taille de la prémutation maternelle.
Relation entre insuffisance ovarienne prématurée (IOP) et X fragile
Il existe une relation entre la survenue d’une IOP et la présence de la prémutation X fragile. La prévalence de la prémutation est de 1 % à 8 % chez les femmes présentant une IOP sporadique et de 13 % chez celles ayant une forme familiale (+++).
La recherche de prémutation de FMR1 chez toute femme avec IOP de moins de 40 ans doit donc être systématique.
Conseil génétique chez la patiente et sa famille
Chez la patiente avec IOP pour laquelle une prémutation de FMR1 a été mise en évidence, il faut expliquer les conséquences pour elle (risque d’avoir un garçon avec retard mental si elle a une fonction ovarienne résiduelle) et pour sa famille. Il faut donc proposer un dépistage familial dont le but est de dépister les sujets porteurs asymptomatiques de prémutation et de mutation, de calculer chez eux le risque de transmission de la prémutation ou de la mutation. Il faut aussi prévenir les femmes asymptomatiques avec prémutation ainsi détectées du risque d’IOP et de retard mental chez les enfants en cas de grossesse spontanée.
Aménorrhées secondaires associées à une hyperandrogénie
Dans l’immense majorité des cas, il s’agit d’un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) (+++).
1 Anovulations chroniques avec signes d’hyperandrogénie : syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) (+++)
Par sa fréquence (5 % à 15 % des femmes en âge de procréer), cette maladie constitue une cause majeure d’anovulation (voir Item 38, chapitre 2).
Sur le plan clinique, l’histoire est caractéristique si elle associe, depuis la puberté, des irrégularités menstruelles suivies d’aménorrhée avec acné et hirsutisme; le surpoids est présent dans près de 50 % des cas. L’insulinorésistance est présente dans environ 50 % des cas. Rarement, il existe un acanthosis nigricans, qui témoigne d’une résistance à l’insuline importante – ce signe clinique est péjoratif sur le plan du pronostic métabolique (risque de diabète gestationnel et de diabète de type 2 : voir Item 247, chapitre 18 et Item 255, chapitre 20).
D’après les critères de Rotterdam, le diagnostic du SOPK repose sur les éléments suivants (+++) :
*deux des éléments sur les trois ci-dessous, suffisants pour établir le diagnostic (+++) :
–hyperandrogénie clinique : hirsutisme, acné et/ou hyperandrogénie biologique (testostérone circulante élevée);
–oligo-/anovulation chronique;
–aspect échographique d’ovaires polykystiques : présence de plus de 20 follicules par ovaire et/ou volume supérieur à 10 ml.
*après exclusion (+++) d’autres causes plus rares d’hyperandrogénie (bloc en 21-hydroxylase modéré dit « non classique » ou « à révélation tardive », tumeur de l’ovaire sécrétant des androgènes, syndrome de Cushing) et d’anovulations secondaires (notamment à une hyperprolactinémie).
Ces critères ont été récemment modifiés par l’European Society of Human Reproduction and Embryology (ESHRE) qui a précisé que l’hirsutisme et l’anovulation chronique étaient des critères majeurs pour retenir le diagnostic de SOPK.
2 Aménorrhées d’origine tumorale ovarienne
Toute hyperandrogénie sévère peut être responsable d’une aménorrhée.
Lorsque l’origine est tumorale, il existe souvent, en plus de l’hirsutisme, des signes de virilisation importants, d’apparition récente : hypertrophie clitoridienne et des masses musculaires, alopécie androgénétique et changement du timbre de la voix qui devient plus grave.
Si la concentration plasmatique de testostérone dépasse 2 à 3 fois la concentration normale, il faut réaliser impérativement une imagerie ovarienne pour détecter une tumeur sécrétant des androgènes.
3 Aménorrhées par pathologie de la surrénale
Le syndrome de Cushing, quelle que soit sa cause, est une étiologie classique d’aménorrhée, qui peut être associée à une hyperandrogénie. Ce diagnostic doit être évoqué devant des signes d’hypercortisolisme (prise de poids, classique obésité faciotronculaire, vergetures pourpres, amyotrophie, etc.) (voir Item 244, chapitre 15).
Les hyperandrogénies surrénaliennes d’origine tumorale responsables d’aménorrhée s’accompagnent très souvent d’une virilisation d’évolution rapide. Une fois évoqué, le diagnostic de tumeur de la surrénale est facilement confirmé par un scanner des surrénales, car ces tumeurs sont dans la majorité des cas volumineuses.
Finalement, un déficit enzymatique de la surrénale en 21-hydroxylase modéré peut se dévoiler par une aménorrhée ou une oligo-/spanioménorrhée accompagnée, comme le SOPK, de signes d’hyperandrogénie.
Les formes à révélation tardive de déficits en 21-hydroxylase sont le principal diagnostic différentiel du SOPK.
Ce diagnostic est envisagé d’autant plus que le taux basai prélevé le matin (à distance d’un traitement par les corticoïdes) de 17-hydroxyprogestérone dans le sérum est supérieur à 10 ng/ml. Le diagnostic est confirmé sur le plan génétique par le séquençage du gène codant la 21-hydroxylase (CYP21A2), ce qui est essentiel pour le conseil génétique de cette maladie.
ménorrhées par anomalie utérine
Les anomalies congénitales du tractus génital pouvant être responsables d’une aménorrhée primaire ne sont pas exceptionnelles (fig. 3.7); pour rappel : syndrome de Rokitanski, trouble de l’hormonosynthèse ou de la réceptivité aux androgènes (syndrome d’insensibilité aux androgènes), hématocolpos.Les aménorrhées secondaires d’origine utérine sont la conséquence de synéchies utérines secondaires à des gestes traumatiques sur l’utérus (curetages répétés, IVG, chirurgie pour myomes ou césarienne). Plus rarement en France, il peut s’agir d’une tuberculose utérine.
Points clés
*A L’aménorrhée : un symptôme que tout médecin doit connaître.
*Chez toute femme normale, après la puberté, avant la ménopause et en dehors de la grossesse, les règles doivent être régulières, c’est-à-dire qu’elles doivent survenir tous les 28 jours en moyenne (la normale est entre 25 et 35 jours). Cette régularité indique que l’utérus, les ovaires, l’hypophyse et l’hypothalamus de la femme fonctionnent normalement et sont donc indemnes d’une maladie.
*On appelle aménorrhée une interruption des règles (aménorrhée secondaire) chez une femme préalablement réglée, ou la non-survenue de règles chez une adolescente (aménorrhée primaire).
*En dehors de la grossesse, de la lactation et de la ménopause, l’aménorrhée est toujours pathologique. Elle doit faire consulter un spécialiste du domaine après en avoir discuté avec le médecin traitant.
*Aucune pilule « pour régulariser les règles » ne doit être prescrite avant d’avoir trouvé la cause de l’aménorrhée. En effet, la pilule œstroprogestative ne fait que provoquer des règles artificielles qui vont rassurer à tort les adolescentes et les femmes. De ce fait, la maladie sous-jacente qui a provoqué l’interruption des règles va continuer à évoluer sans traitement.
*Les aménorrhées ou oligo-/spanioménorrhées sont donc le témoin de l’existence d’une maladie de l’utérus, des ovaires, des surrénales ou de la région hypothalamo-hypophysaire.
*Dans la recherche d’une cause d’aménorrhée, certains dosages hormonaux sont essentiels comme les mesures de l’œstradiol et des hormones hypophysaires LH, FSH et la prolactine. On écarte aussi systématiquement une grossesse (+++ : dosage d’hCG dans le sang ou test urinaire de grossesse).
* Les anomalies les plus fréquentes à l’origine d’une aménorrhée ou d’une oligoménorrhée d’origine hypothalamo-hypophysaire sont des tumeurs bénignes ou d’autres lésions de l’hypophyse.
*C’est la raison pour laquelle on est amené, lorsque la LH et FSH sont abaissées, à faire une image de l’hypophyse par IRM. Les adénomes hypophysaires sécrètent souvent de la prolactine qui, lorsqu’elle est à des taux excessifs dans le sang, peut entraîner un écoulement mammaire (galactorrhée), non expliqué par l’allaitement, et s’associe à l’interruption des règles.
*Une autre cause fréquente d’aménorrhée hypothalamique, surtout chez l’adolescente, est une masse grasse insuffi sante, qui s’évalue par l’indice de masse corporelle (IMC) : poids (en kg)/taille2 (en m2); chez ces femmes, l’IMC est inférieur à 21 kg/m2. Cette situation est le plus souvent liée à une restriction alimentaire inappropriée (surtout en matières grasses), fréquemment associée à une activité physique excessive.
*Au niveau ovarien, la plus fréquente des maladies responsables d’oligoou d’aménorrhée est le syndrome des ovaires micropolykystiques. C’est une maladie très fréquente qui touche 5 % à 15 % des femmes. Cette aff ection chronique commence souvent à l’âge de la puberté par l’association très typique que sont l’espacement ou l’interruption des règles avec assez souvent des signes évoquant une secretion excessive d’androgènes par l’ovaire (testostérone) : acné, séborrhée (peau et cheveux gras), hirsutisme.
*Un autre diagnostic de maladie de l’ovaire à poser devant une aménorrhée est l’insuffi sance ovarienne prématurée, dont le diagnostic hormonal est en général très facile (élévation de l’hormone FSH plasmatique).
*Enfi n, citons les causes utérines plus rares qui peuvent être la conséquence de lésions de l’utérus infectieuses et surtout traumatiques (IVG ou manoeuvres chirurgicales après un accouchement diffi cile).
Définition
La cryptorchidie désigne la localisation anormale du testicule, qui est censé migrer dans les bourses en fin de grossesse. Les chirurgiens parlent maintenant de testicules non descendus. Le testicule peut être non palpable, sus-scrotal, à la racine de la bourse ou parfois dans une position anormale prépubienne, prisonnier d’adhérences qui l’empêchent de descendre. L’association avec une hernie n’est pas rare. On appelle testicule « ascenseur » ou « oscillant » un testicule très mobile, palpé de façon intermittente entre la bourse et la région inguinale.
Clinique
L’examen clinique recherche des éléments associés à la cryptorchidie :
*micropénis (verge < 2 cm chez un nouveau-né à terme);
*hypospadias;
*autres anomalies : de la ligne médiane, cardiaques, rénales. Des antécédents familiaux seront recherchés.
IV Explorations
Une exploration hormonale/endocrinienne est essentielle, que la cryptorchidie soit uni- ou bilatérale, pour rechercher une étiologie et évaluer le retentissement testiculaire.
En cas de cryptorchidie bilatérale, l’urgence est d’éliminer une variation du développement génital (VDG) à caryotype 46,XX, dont la plus fréquente est représentée par le bloc enzymatique en 21-hydroxylase.
Traitement chirurgical
L’abaissement chirurgical avec orchidopexie est à réaliser vers l’âge de 2 ans, en sachant que, dans deux tiers des cas, la descente testiculaire se fait spontanément dans la première année de vie.
Au-delà de 2 ans, l’abaissement chirurgical est indispensable, car la position intra-abdominale du testicule perturbe la spermatogenèse avec risque d’hypofertilité ou d’infertilité à l’âge adulte, et augmente le risque de cancer.
VII Suivi pédiatrique
Même si le bilan étiologique initial est négatif, il est impératif de surveiller attentivement l’âge de l’apparition de la puberté chez tous les enfants cryptorchides opérés, et de réévaluer la fonction testiculaire et gonadotrope à ce moment, en ayant à l’esprit la possibilité de révélation tardive d’un hypogonadisme hypogonadotrope partiel ou d’une insuffisance testiculaire (voir Item 38, chapitre 2).
La surveillance a aussi l’intérêt de dépister précocement un cancer germinal testiculaire, dont la cryptorchidie est le principal facteur de risque (risque multiplié par 30
Cryptorchidie à l’âge adulte
IRisques
IICirconstances de découverte et examen clinique
IIIExamens complémentaires
I Risques
Les conséquences potentielles d’une cryptorchidie de l’adulte sont : l’hypogonadisme, l’infertilité et le cancer du testicule.
II Circonstances de découverte et examen clinique
La cryptorchidie peut être découverte par l’examen systématique scrotal ou des orifices inguinaux, lors de l’exploration pour une infertilité ou devant des signes d’hypogonadisme. L’examen scrotal note le caractère uni- ou bilatéral de la cryptorchidie, le volume testiculaire à l’aide de l’orchidomètre, l’absence de masse tumorale suspecte dans la bourse.
Des signes endocriniens doivent être recherchés : gynécomastie (voir Item 246, chapitre 17), signes d’hypogonadisme (voir Item 124, chapitre 5 et Item 126, chapitre 6).
III Examens complémentaires
Devant une cryptorchidie, l’exploration hormonale recherche un hypogonadisme : FSH, LH, testostérone totale.
Le dosage d’hCG est indiqué devant une tumeur testiculaire révélée par la palpation ou bien l’échographie.
L’échographie scrotale permet la localisation du ou des testicules ectopique(s), précise le volume des testicules et recherche des calcifications (fig. 4.1) ou une tumeur. Le spermogramme recherche une azoospermie ou une oligospermie.Points clés
- Toute cryptorchidie nécessite une exploration endocrinienne précoce, à la recherche notamment d’une hyperplasie congénitale des surrénales (bloc en 21-hydroxylase) quand la cryptorchidie est bilatérale.
- La chirurgie est indiquée avant 12 à 18 mois.
*Les patients opérés de cryptorchidie doivent être suivis et revus à la puberté afin d’évaluer le retentissement sur les fonctions gonadiques.
*Toute cryptorchidie peut être associée à une infertilité, un hypogonadisme, un risque secondaire de cancer testiculaire à l’âge adulte.
Définition et diagnostic
A Définition
La ménopause est un phénomène naturel défini par la disparition des règles (aménorrhée) depuis au moins un an. Elle est associée dans 50 % à 70 % des cas à un syndrome climatérique (bouffées vasomotrices, sécheresse vaginale, douleurs articulaires, etc.). La majorité des symptômes sont liés à une carence œstrogénique qui est secondaire à l’épuisement du capital folliculaire ovarien.
La ménopause survient en moyenne vers l’âge de 51 ans, et en moyenne un an plus tôt chez les femmes fumeuses. Elle est précédée d’une phase dite de préménopause (encadré 5.1) qui est caractérisée par une irrégularité des cycles, d’abord raccourcis puis allongés, une dysovula-tion puis une anovulation, qui s’installe environ 5 ans avant l’interruption définitive des règles, et parfois déjà quelques bouffées de chaleur.
Biologiquement, la ménopause se caractérise par une diminution de l’œstradiol plasmatique, associée à une élévation des gonadotrophines, en particulier de la FSH (follicle stimulating hormone), par perte du rétrocontrôle négatif de l’œstradiol sur l’axe hypothalamo-hypophysaire.
La préménopause
Il s’agit d’un état transitoire chez la femme de 40 à 50 ans, où la fonction exocrine de l’ovaire diminue progressivement, avec raréfaction des ovulations précédant leur disparition totale, tandis que persiste de façon incomplète et dissociée sa fonction endocrine. La préménopause peut elle-même être divisée en trois phases.
Encadré 5.1 Suite.
Première phase dite de « phase folliculaire courte »
Cette phase s’installe vers l’âge de 41 à 43 ans. Le premier signe clinique de l’installation de la préménopause est un raccourcissement de la durée des cycles par raccourcissement de la phase folliculaire. Les taux plasmatiques de FSH commencent à s’élever, alors que les taux plasmatiques d’œstradiol (E2) et de LH, le pic ovulatoire de gonadotrophines et la sécrétion de progestérone sont encore normaux. Cette période correspond à une nette réduction de la fertilité.
Deuxième phase dite de « corps jaune inadéquat »
Cette phase est caractérisée par l’appauvrissement progressif du capital folliculaire en nombre et en qualité, et par l’inefficacité croissante de la FSH. Les cycles sont longs, les ovulations tardives, la phase lutéale raccourcie et le taux de progestérone diminué. Il existe souvent une hyperœstrogénie relative. Le déséquilibre, aux dépens de la progestérone, favorise œdème (syndrome prémenstruel) et hyperplasie. L’irrégularité des cycles peut être corrigée par l’administration séquentielle d’un progestatif à titre substitutif, du 16e au 25e jour du cycle.
Troisième phase
Cette phase se traduit par une anovulation. Elle est le témoin de l’épuisement folliculaire. Les concentrations plasmatiques de FSH approchent des valeurs observées après la ménopause. Les fluctuations imprévisibles du taux d’œstradiol aboutissent à des hémorragies de privation irrégulières et espacées. L’administration d’un progestatif 10 jours par mois permet de régulariser les « règles ».
Diagnostic
Le diagnostic est clinique : aménorrhée (avec bouffées de chaleur) de plus d’un an chez une femme de plus de 50 ans. Aucune exploration biologique ne doit être réalisée pour affirmer le diagnostic, sauf en cas d’hystérectomie, où la femme est obligatoirement aménorrhéique – il faut alors doser simultanément l’œstradiolémie (< 20 pg/ml) et la FSH (élevée, > 40 Ul/l).
Pour faire le diagnostic sans attendre systématiquement un an d’aménorrhée, on peut proposer un traitement par progestatif, administré seul, sans œstrogène, 10 jours par mois pendant 3 mois consécutifs ; l’absence de saignement à l’arrêt du progestatif signe dans ce contexte l’hypo-œstrogénie et donc la ménopause.
Avant l’âge de 45 ans de façon systématique et entre 45 et 50 ans en l’absence de présentation clinique typique, le dosage de FSH chez une femme en aménorrhée est systématique pour ne pas méconnaître une autre étiologie de l’aménorrhée.
La survenue de l’aménorrhée avec un taux de FSH élevé avant l’âge de 40 ans est pathologique et rentre dans le cadre d’une insuffisance ovarienne prématurée (IOP), nécessitant des explorations spécialisées (voir Item 42, chapitre 3).
onséquences de la ménopause
Les conséquences de la ménopause sont résumées dans le tableau 5.1.
Tableau 5.1
Conséquences de l’hypo-œstrogénie de la ménopause.
À court terme À long terme
–Bouffées de chaleur
–Asthénie, dépression
–Sécheresse cutanéomuqueuse
–Troubles fonctionnels urinaires
–Douleurs ostéoarticulaires
–Augmentation du risque cardiovasculaire
–Déminéralisation osseuse, risque de fractures
(Source : CEEDMM, 2021.)
A À court terme
La carence œstrogénique explique le syndrome climatérique, qui associe :
*des manifestations vasomotrices, souvent au premier plan, telles que bouffées de chaleur, crises sudorales, en particulier nocturnes, parfois très gênantes, entraînant ou majorant des troubles du sommeil;
*des troubles du sommeil et de l’humeur, qui sont inconstants, à type d’irritabilité, d’anxiété, d’insomnie et parfois à l’origine d’une authentique dépression;
*une atrophie de la muqueuse vulvovaginale et une diminution des sécrétions vaginales qui peuvent entraîner une dyspareunie (rapports sexuels douloureux);
*des altérations de l’état cutané, avec en particulier un amincissement et une perte de l’élasticité de la peau par raréfaction des fibres élastiques et du collagène;
*une tachycardie.
La durée de ces symptômes (en particulier des bouffées de chaleur) après le début de la ménopause est très variable d’une femme à l’autre mais, le plus souvent, les bouffées de chaleur s’atténuent spontanément après quelques années d’évolution. Parmi les femmes ménopausées, 20 % des femmes ne souffrent jamais de bouffées de chaleur et 20 % les trouvent supportables.
B À moyen terme
La ménopause s’accompagne de douleurs ostéoarticulaires fréquentes (environ 40 %), en particulier au niveau des poignets, qui sont liées à la diminution des œstrogènes.
Au niveau du squelette, le déficit œstrogénique aboutit à une accélération rapide de la perte osseuse, qui peut atteindre 4 % par an après la ménopause.
Le degré d’ostéopénie, voire d’ostéoporose, constaté après la ménopause dépend de facteurs de risque associés :
*antécédent d’IOP spontanée ou iatrogène;
*antécédents de fractures non traumatiques à l’âge adulte chez la femme ou chez un parent au premier degré;
*masse adipeuse faible, antécédent d’anorexie;
*prise de certains médicaments (glucocorticoïdes de synthèse);
*consommation de tabac et d’alcool;
*déficit en calcium et en vitamine D;
*certaines affections potentiellement inductrices d’ostéoporose (hypogonadisme quelle qu’en soit l’étiologie, hyperthyroïdie, hyperparathyroïdie).
La perte osseuse au cours de la ménopause se surajoute à la perte physiologique de la masse osseuse liée au vieillissement. L’ostéoporose post-ménopausique, liée à la carence œstrogénique, touche surtout l’os trabéculaire, spongieux (vertèbres et poignets), alors que I ‘ostéoporose sénile atteint surtout l’os cortical (os longs). Lostéodensitométrie est l’examen de référence pour évaluer le risque fracturaire (pour ses indications et ses modalités de remboursement, voir Item 128, chapitre 7).
C À long terme
1 Risque cardiovasculaire et ménopause
L’incidence des accidents cardiovasculaires, infarctus ou accident vasculaire cérébral, augmente chez les femmes après la ménopause. Ce risque chez la femme ménopausée rejoint celui observé chez l’homme. Cette protection cardiovasculaire en préménopause chez la femme semble liée aux œstrogènes plutôt qu’à un effet de l’âge, puisque l’ovariectomie chez une femme jeune est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire.
2 Ménopause et système nerveux central
Certains troubles liés au climatère, tels que la baisse de la libido, les troubles de l’humeur, l’irritabilité, le syndrome dépressif, semblent en rapport avec une hypo-œstrogénie au niveau du système nerveux central. Cependant, il n’existe pas actuellement de preuves formelles liant carence œstrogénique et troubles cognitifs ou prévalence de maladie d’Alzheimer.
Traitement hormonal de la ménopause, bénéfices et risques
Le traitement hormonal de la ménopause (THM) consiste à administrer des œstrogènes chez une femme ménopausée dans le but de contrebalancer les effets de la carence œstrogénique. Il doit être distingué du traitement hormonal substitutif (THS) donné chez une femme jeune pour compenser un déficit œstrogénique (hypogonadismes, qu’ils soient hypergonado-trophiques ou hypogonadotrophiques) et ramener aux taux physiologiques par rapport à une femme de même âge, son taux d’œstradiol.
Un traitement progestatif est associé à l’œstrogénothérapie pour contrecarrer l’effet prolifé-ratif des œstrogènes au niveau endométrial et éviter la survenue d’un cancer de l’endomètre.
L’association de progestérone ou d’un progestatif avec les œstrogènes est impérative chez les femmes non hystérectomisées.
A Bénéfices du traitement hormonal de la ménopause
Les bénéfices du THM sont résumés dans le tableau 5.2.
Tableau 5.2
Bénéfice du traitement de la ménopause.
Dans l’immédiat À moyen terme À long terme
–Suppression des bouffées de chaleur
–Sensation de confort physique et psychique
–Amélioration de la vie sexuelle
Protection contre l’atrophie cutanéomuqueuse
–Protection contre l’ostéoporose
–Effet cardiovasculaire et neurologique ?
(Source : CEEDMM, 2021.)
1 Bénéfices à court terme
Les effets du THM sur les bouffées de chaleur, l’atrophie de la muqueuse vaginale et la sexualité sont bien démontrés. À plus long terme, l’effet bénéfique des œstrogènes sur le tractus urogénital pourrait jouer un rôle dans la prévention de l’apparition de prolapsus et/ou d’incontinence chez la femme ménopausée.
Les effets du THM sur la qualité de vie ont été pendant longtemps un argument majeur de prescription. Les effets du traitement sur la qualité de vie sont en fait surtout nets chez les femmes qui sont très gênées par leurs bouffées de chaleur, c’est-à-dire surtout dans les 5 à 10 ans suivant la ménopause.
2 Bénéfices à long terme
Prévention de l’ostéoporose
Les œstrogènes entraînent :
*une diminution de la résorption osseuse : de nombreuses études ont montré une moindre diminution de la perte osseuse chez les femmes ménopausées traitées par les œstrogènes (augmentation de 2 % à 5 % de la densité minérale osseuse dans les premières années de traitement);
*une diminution de l’incidence des fractures ostéoporotiques (diminution de 40 % des fractures du rachis, du poignet et du col fémoral après 5 ans de traitement).
Cependant, cet effet protecteur au niveau de l’os ne dure que pendant l’utilisation du THM; dans les années qui suivent son interruption, une dégradation rapide de la masse osseuse se produit.
Prévention du cancer du côlon
Certaines études, y compris les études prospectives, ont montré une réduction de 20 % à 30 % de l’incidence du cancer du côlon chez les femmes sous THM par rapport aux femmes sous placebo.
Prévention cardiovasculaire
Un objectif longtemps revendiqué du THM était la prévention des événements cardiovasculaires, mais il n’est pas formellement démontré à ce jour.
Prévention des troubles cognitifs
L’effet bénéfique du THM n’est pas démontré sur la fonction cognitive chez les femmes de plus de 65 ans.
Prévention du diabète de type 2
Il a été montré récemment que le THM était capable de réduire de 30 % le risque de développer un diabète de type 2 parmi les patientes ménopausées. Il réduirait l’insulinorésistance induite par les modifications corporelles en lien avec l’hypo-œstrogénie.
Risques du traitement hormonal de la ménopause
1 Cancer du sein
Son risque de survenue est corrélé à la durée du traitement et à la dose :
*il augmente après 5 ans de traitement;
*il est d’autant plus important que les femmes sont âgées;
*il est en moyenne augmenté de 20 % à 30 % par le THM après 10 ans d’utilisation.
En chiffres absolus, à l’échelon individuel, le risque de cancer du sein reste minime. Sur 10 000 femmes sans traitement de ménopause, 450 présenteront un cancer du sein entre 50 et 70 ans, alors que sous THM pendant 5 ans, le nombre de cas supplémentaires pour 10 000 femmes est de 8. Ce risque n’est présent que chez les utilisatrices en cours de traitement. ll disparaît après l’arrêt du THM, en 2 ans. Le risque de cancer du sein est légèrement supérieur chez les femmes prenant une association d’œstrogènes et de progestatifs que chez celles prenant des œstrogènes seuls.
2 Accidents veineux thrombo-emboliques (AVTE)
Le risque d’AVTE (phlébite et/ou embolie pulmonaire) est multiplié par deux sous THM. En chiffres absolus, le risque reste néanmoins minime; ainsi, sur 5 ans et pour 1 000 femmes non traitées par THM, 3 feront un AVTE entre 50 et 59 ans et 11 en feront un entre 60 et 69 ans; si elles sont traitées par THM, ces chiffres passent à 7 chez les femmes de 50 à 59 ans (4 AVTE en plus) et à 20 (9 AVTE en plus) chez les femmes de 60 à 69 ans.
Lorsque les œstrogènes sont administrés par voie transcutanée, ils ne semblent pas être associés à un risque supérieur d’AVTE.
3 Accidents vasculaires cérébraux (AVC)
Le risque d’AVC pourrait être augmenté de 30 % dans certaines études. Il s’agit d’une augmentation du risque des AVC ischémiques, mais non des accidents hémorragiques, possiblement en rapport avec l’effet prothrombotique des œstrogènes oraux.
4 Lithiases biliaires
Le risque des lithiases biliaires serait augmenté de 50 % environ par le THM.
Moyens thérapeutiques
A Œstrogènes
En France, l’œstrogène utilisé est surtout l’œstrogène naturel, appelé 17β-œstradiol. Il peut être administré par voie orale, par voie percutanée (gel) ou par voie transdermique (patch).
Les œstrogènes administrés par voie percutanée ou transdermique ont l’avantage d’éviter le premier passage hépatique. Cette voie limite l’augmentation des facteurs de la coagulation, ce qui explique peut-être l’absence de surrisque d’accidents veineux thrombo-emboliques, alors que la voie orale est associée à un excès de risque. Les gels sont appliqués sur les cuisses et/ou le ventre mais jamais les seins. La dose quotidienne de 17p-œstradiol permettant une prévention de l’ostéoporose est de 1 à 2 mg per os ou de 50 à 100 ug par voie transdermique.
Le 17β-œstradiol est habituellement administré au minimum 25 jours par mois, généralement associé à de la progestérone ou à un progestatif, au moins les 12 derniers jours, parfois en continu (tableau 5.3). Le traitement continu permet de ne pas induire de saignements de privation. En l’absence d’utérus (hystérectomie), le traitement œstrogénique peut être administré seul. Au contraire, en présence d’un utérus, l’association avec de la progestérone ou un progestatif est obligatoire afin d’éviter le risque d’hyperplasie de l’endomètre et donc de cancer de l’endomètre.
Tableau 5.3
Schémas de traitement.
Traitement séquentiel Traitement combiné discontinu Traitement combiné continu*
–Œstradiol de J1 à J25 du mois
–Progestérone ou progestatif de J14 à J25 du mois
Œstradiol et progestérone
ou progestatif de J1 à J25 du mois
Œstradiol et progestérone avec un progestatif tous les jours sans interruption
« Traitement sans saignements de privation ».
(Source : CEEDMM, 2021.)
L’adaptation de la dose d’œstrogène se fait sur la clinique et non sur des dosages hormonaux. Les signes de sous-dosages ou de surdosages sont mentionnés dans le tableau 5.4. Les signes de sous-dosage en œstrogène sont essentiellement la persistance des bouffées de chaleur; les signes de surdosage sont la tension mammaire.
Tableau 5.4
Comment apprécier le dosage d’œstrogènes ?
Signχes de surdosage en œstrogènes Signes de sous-dosage en œstrogènes
–Tension douloureuse des seins
–Prise de poids
–Gonflement abdominal
–Nervosité, irritabilité
–Persistance ou réapparition des bouffées de chaleur
–Fatigue
–Céphalées
–Manque de tonus, état dépressif
–Douleurs articulaires
–Troubles urinaires
–Sécheresse vaginale
(Source : CEEDMM, 2021.)
B Progestérone ou progestatifs
Leur prescription est obligatoire chez toute femme n’ayant pas été hystérectomisée et recevant une thérapeutique par les œstrogènes, au moins 12 jours par mois. Les produits utilisés sont habituellement la progestérone naturelle ou la rétroprogestérone. Les progestatifs dérivés de la 19-nortestostérone doivent être évités compte tenu de leur effet androgénique délétère sur les paramètres métaboliques.
Ils peuvent être administrés per os, ou plus rarement par voie vaginale.
Une hémorragie de privation survient lors de la période d’interruption du THM chez environ 20 % des femmes traitées. Ce saignement est fonctionnel et ne justifie donc pas d’exploration. Si les saignements surviennent pendant la période des 25 jours de traitement, ils doivent être considérés comme possiblement organiques et déclencher des explorations (échographie pelvienne, hystéroscopie) à la recherche d’une cause comme un polype ou un cancer endométrial.
Si la patiente ne souhaite pas de saignements, il est possible de lui proposer un traitement continu. Cependant, des saignements intercurrents peuvent survenir dans 40 % à 70 % des cas, posant alors le problème de leur organicité possible
Contre-indications et indications du traitement hormonal de la ménopause
A Contre-indications
1 Cancer du sein et de l’endomètre
Le cancer du sein est un cancer hormonodépendant dont la prolifération est favorisée par les œstrogènes. Il contre-indique formellement l’utilisation d’une œstrogénothérapie.
Un cancer du sein doit être systématiquement éliminé avant toute prescription d’œstrogènes par l’examen clinique et la réalisation d’une mammographie.
Le dépistage du cancer du sein est, par ailleurs, un élément essentiel de la surveillance du traitement hormonal de la ménopause. Les antécédents familiaux de cancer du sein, en particulier parmi les apparentées au premier degré (mère, sœur), peuvent constituer une contre-indication relative.
Il existe également d’autres tumeurs œstrogénodépendantes connues ou suspectées, par exemple le cancer de l’endomètre, qui représentent autant de contre-indications au THM.
2 Antécédents thrombo-emboliques
Artériels
Le traitement hormonal est contre-indiqué en cas d’antécédent artériel ischémique, qu’il soit coronarien ou cérébral, en cas de cardiopathie emboligène, et doit être arrêté en cas de survenue d’événement de ce type.
Veineux
Le traitement hormonal, surtout utilisé par voie orale, est formellement contre-indiqué en cas d’accidents thrombo-emboliques veineux survenus sous contraception œstroprogestative ou dans le post-partum, d’antécédents de phlébite ou d’embolie pulmonaire.
3 Autres
Les autres contre-indications du THM sont :
*une hémorragie génitale sans diagnostic établi;
*une affection hépatique aiguë ou chronique.
L’existence d’un méningiome contre-indique par ailleurs l’emploi des progestatifs.
La présence de facteurs de risque coronarien (diabète, tabagisme, hypertension artérielle) doit amener à bien évaluer le rapport bénéfice/risque avant de prescrire un THM.
Indications et mise en route du traitement hormonal de la ménopause
1 Interrogatoire et examen clinique rigoureux (tableau 5.5)
L’interrogatoire :
Tableau 5.5
Bilan avant la prescription d’un traitement hormonal de la ménopause.
Interrogatoire Examen physique Mammographie Bilan sanguin
–Antécédents personnels et familiaux :
*de cancer
*métaboliques
*vasculaires
–Signes de carence œstrogénique
–Poids, pression artérielle
–Palpation des seins
–Examen gynécologique
–Frottis cervicovaginal
Systématique
–Cholestérol
–Triglycérides
–Glycémie
(Source : CEEDMM, 2021.)
*confirme la réalité de la ménopause et apprécie l’importance des signes de carence œstrogénique;
*recherche les facteurs de risque cardiovasculaire et les antécédents thrombo-emboliques veineux ou artériels;
*recherche les antécédents personnels et familiaux de cancer du sein ou de l’endomètre.
La patiente est informée des risques à court, à moyen et à long termes pouvant être induits par le THM (+++).
L’examen clinique comprend : la mesure du poids, la prise de la pression artérielle, un examen gynécologique et une palpation des seins.
Dans les examens complémentaires avant la mise sous THM, la mammographie est nécessaire. La réalisation d’une échographie pelvienne, non obligatoire, est utile pour visualiser l’endomètre et la présence d’éventuels myomes sous-muqueux (pouvant être à l’origine de saignements sous THM). Il est utile de faire un dosage du cholestérol et des triglycérides, ainsi qu’une glycémie veineuse à jeun. Le test HPV doit être à jou
2 En pratique
Haute autorité de santé (juillet 2014)
La HAS propose un maintien des remboursements des traitements de ménopause, mais recommande des doses minimales et une durée limitée. La HAS rappelle que les risques connus de ces traitements se confirment, et recommande un traitement aux doses les plus ajustées et le plus court possible, réévalué au moins chaque année.
En présence de troubles fonctionnels
Lorsque des troubles fonctionnels liés à la carence œstrogénique sont gênants ou considérés comme tels, un THM peut être instauré en première intention, si la patiente le souhaite, à la dose minimale efficace et tant que durent les symptômes. Dans cette indication, le bénéfice/ risque du THM reste favorable à court terme (moins de 5 ans).
En présence de risques élevés d’ostéoporose
Chez les femmes ménopausées ayant un risque élevé de fractures ostéoporotiques et éventuellement après mesure de la densité minérale osseuse (DMO), un THM peut être administré en deuxième intention en cas d’intolérance ou de contre-indications aux autres traitements indiqués dans l’ostéoporose (voir Item 128, chapitre 7).
Le THM doit être instauré à la ménopause, le plus précocement possible.
En l’absence de trouble fonctionnel
Chez les femmes ne présentant ni trouble fonctionnel, ni facteur de risque d’ostéoporose, le THM ne doit pas être prescrit de manière systématique. Il doit être décidé au cas par cas, en fonction de la situation et des souhaits de la femme, en l’informant de l’ensemble des bénéfices attendus et des risques potentiels.
I Surveillance et durée du traitement
A Après quelques mois de traitement
Une nouvelle consultation est nécessaire à 3-6 mois, pour évaluer la tolérance et l’efficacité du traitement, pour vérifier le bon dosage de l’œstrogénothérapie (voir tableau 5.4) :
*une dose insuffisante d’œstrogènes se traduit par une persistance des bouffées de chaleur, éventuellement d’autres symptômes du climatère et une sécheresse vaginale;
*le surdosage en œstrogènes est très souvent accompagné de l’apparition de tension et de douleurs mammaires (mastodynies); dans ce cas, la dose d’œstrogènes doit être diminuée.
B À moyen terme
La surveillance comprend, outre l’examen clinique tous les 6 à 12 mois, une mammographie tous les 2 ans. L’échographie pelvienne voire l’hystéroscopie sont réalisées en cas de saignements utérins anormaux.
À l’heure actuelle, la durée recommandée de traitement est de 5 ans, avec réévaluation tous les ans du rapport bénéfice/risque. L’arrêt du traitement est mieux supporté quand il est progressivement dégressif.
VII Alternatives thérapeutiques au traitement hormonal
Ces alternatives sont utiles en cas de contre-indications au THM classique.
A Modulateurs spécifiques du récepteur des œstrogènes (SERM)
Il s’agit de molécules capables de se comporter comme des anti-œstrogènes dans certains tissus cibles et comme des œstrogènes dans d’autres tissus. Un exemple est le raloxifène qui possède les effets bénéfiques de l’œstradiol au niveau de l’os et du système cardiovasculaire, alors qu’il se comporte comme un anti-œstrogène au niveau de l’endomètre et du sein. Parmi les inconvénients, sous raloxifène, les bouffées de chaleur persistent, voire sont augmentées, et il existe des effets prothrombotiques (risque relatif [RR] = 3) proches du THM. Ce produit n’est pas pris en charge par la Sécurité sociale.
B Autres molécules
La tibolone est un progestatif qui a une activité triple : œstrogénique, progestative et androgénique. Il diminue les bouffées de chaleur, améliore la trophicité vaginale et la DMO. Toutefois, il a les contre-indications des œstrogènes sur le cancer du sein, les effets métaboliques délétères des nor-stéroïdes et un effet prothrombotique. Ce produit n’est pas pris en charge par la Sécurité sociale.
Lorsque les bouffées de chaleur sont très symptomatiques, en cas de contre-indication aux œstrogènes, plusieurs molécules peuvent être proposées. Certains proposent des traitements par bêta-alanine ou par des inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine à faible dose qui ont fait la preuve de leur efficacité contre placebo chez des femmes ayant une contre-indication au THM. Les dérivés de soja contenant des phyto-œstrogènes n’ont pas fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité.
En cas d’ostéoporose, outre une thérapeutique vitaminocalcique, un traitement par les bisphosphonates peut être proposé (voir Item 128, chapitre 7).
À ne pas oublier
Chez toutes les femmes ménopausées, surtout celles ayant une contre-indication ou une non-indication aux œstrogènes, il est possible de proposer un traitement local par œstrogènes (ovules ou crèmes) afin de préserver une bonne trophicité du tractus urogénital.
À l’instauration du THM, il est nécessaire :
*de réaliser le dépistage et la prise en charge des différents facteurs de risque cardiovasculaire, de façon à limiter la survenue d’événements cardiovasculaires indésirables, favorisés par la carence œstrogénique chronique; l’arrêt du tabac doit être envisagé;
*de promouvoir un exercice physique régulier, une alimentation riche en calcium et un régime supplé-menté en vitamine D, afin de limiter les autres facteurs de risque d’ostéopénie et d’ostéoporose.
Conclusion
Le THM a été préconisé très largement dans les années 1980-1990 à beaucoup de femmes ménopausées. La publication d’études prospectives randomisées versus placebo a permis ces 20 dernières années de confirmer l’efficacité de ce traitement sur la prévention du risque fracturaire lié à l’ostéoporose ménopausique, mais elle a fait apparaître un surrisque vasculaire avec des œstrogènes par voie orale, surtout chez des femmes à risque vasculaire, ainsi qu’une augmentation du risque de cancer du sein chez les femmes traitées.
L’efficacité du traitement sur les manifestations climatériques est supérieure à toute autre thérapeutique. Ainsi, la prescription du THM est à envisager chez toute femme symptomatique qui le souhaite, à condition qu’elle ne présente pas de contre-indication, que la nécessité du traitement soit régulièrement évaluée et que la patiente soit clairement informée des bénéfices et risques du traitement.
oints clés
- La ménopause est un processus physiologique, survenant vers l’âge de 51 ans, défini par la disparition des règles depuis au moins un an, associé à un syndrome climatérique (bouffées de chaleur). Biologiquement, l’œstradiol est bas, les gonadotrophines (FSH ++) élevées, en rapport avec la perte du capital folliculaire.
*Le diagnostic est cependant clinique et ne nécessite pas de dosages hormonaux, sauf en cas d’antécédent d’hystérectomie.
*Les conséquences de la carence œstrogénique sont : un syndrome climatérique associant bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, sécheresse vaginale, troubles du sommeil et de l’humeur; une perte osseuse favorisant les fractures ostéoporotiques; un risque cardiovasculaire plus important. - Les eff ets du THM ont été récemment réévalués par de nombreuses études anglo-saxonnes : il améliore notablement le syndrome climatérique et donc la qualité de vie; il diminue la résorption osseuse et prévient les fractures (mais l’eff et protecteur est limité à la période d’utilisation).
*Dans les études anglo-saxonnes randomisées, réalisées chez des femmes de plus de 60 ans recevant des oestrogènes oraux et un progestatif de synthèse peu utilisé en France, il n’a été observé ni eff et protecteur sur la survenue des événements cardiovasculaires (coronariens ou vasculaires cérébraux), tant en prévention primaire que secondaire, ni eff et démontré sur la fonction cognitive.
*Le traitement hormonal est associé à une augmentation de 20 % à 30 % de l’incidence du cancer du sein et, en cas de traitement oestrogénique oral, à un doublement du risque d’accident veineux thrombo-embolique.
*Le rapport bénéfi ce/risque du THM doit donc être discuté de façon individuelle, et si l’indication est retenue (après vérifi cation des contre-indications), on recommande maintenant de proposer le THM pour une période limitée et de renforcer par ailleurs les conseils hygiéno-diététiques (exercice, apport vitaminocalcique, arrêt du tabac).
*On utilise le 17β-oestradiol par voie percutanée ou orale, 20 jours par mois, associé à la progestérone naturelle ou à un dérivé non androgénique, au minimum 12 jours par mois.
*La réévaluation du traitement et de son indication doit être au moins annuelle et la surveillance mammaire attentive (examen clinique tous les 6 mois, mammographie tous les 2 ans).
Andropause
Le terme « andropause » est couramment utilisé pour désigner la baisse de la testostérone circulante à partir de l’âge de 40 ans chez l’homme. Un autre terme en vogue est celui d’« hypogonadisme » de l’homme âgé ou de déficit androgénique partiel du sujet âgé – connu sous le sigle anglais de PADAM (partial androgen deficiency in aged maie) ou DALA (déficit androgénique lié à l’âge) en français.
Des études transversales et longitudinales ont en fait montré que, chez la majorité des hommes mûrs ou âgés, la baisse de la testostérone circulante est inconstante ou relativement modérée lorsqu’ils sont en bonne santé et non obèses. De plus, pour une tranche d’âge donnée, il existe une importante variabilité des valeurs des concentrations de testostérone chez les hommes normaux (fig. 5.1). L’obésité et des comorbidités associées, en particulier vasculaires, peuvent entraîner une diminution de la testostérone.Le mécanisme de la baisse de la testostérone chez l’homme âgé n’est pas connu avec précision, mais il semble qu’il comprenne à la fois une atteinte de la commande hypophysaire et une altération directe des fonctions testiculaires intervenant dans la sécrétion de testostérone.
Une baisse cliniquement significative de la testostérone totale circulante ne semble concerner qu’une minorité d’hommes (4,1 % dans l’étude EMAS, European Male Aging Study). Mais la prévalence augmente avec l’âge : 0,6 % entre 50 et 59 ans, 3,2 % entre 60 et 69 ans et 5,1 % entre 70 et 79 ans.
Le rôle du médecin est d’identifier les situations où la baisse de la testostérone est cliniquement significative, c’est-à-dire qu’elle altère la qualité de vie de façon spécifique et/ou révèle un hypogonadisme réel. Dans ces cas s’impose toujours une enquête étiologique, et les symptômes peuvent être améliorés par une androgénothérapie (fig. 5.2).
Symptômes conduisant à une consultation médicale
Les symptômes révélant un hypogonadisme chez l’homme sont variables. Certains, par leur spécificité, sont évocateurs, comme la diminution de la libido et de l’activité sexuelle.
D’autres, bien qu’orientant vers la recherche d’un hypogonadisme, sont moins spécifiques, comme les troubles de l’érection. Ces derniers peuvent en effet survenir très souvent chez des sujets eugonadiques (avec testostérone plasmatique normale), mais avec des comorbidités.
Enfin, des symptômes très peu spécifiques comme le manque d’entrain, la diminution de la force et de l’activité physiques ainsi que la dépression ont été associés à l’« andropause », mais leur valeur sémiologique est remise en cause.
Affirmer l’hypogonadisme
Pour démontrer l’existence d’un hypogonadisme, il faut mettre en évidence une baisse significative de la testostérone circulante (fig. 5.3).vec le recours de plus en plus fréquent aux méthodes de dosage par spectrométrie de masse, le dosage de la testostérone totale est suffisant dans la plupart des cas. Le dosage de la testostérone biodisponible ne doit donc pas être réalisé en pratique courante.
En cas de doute dans l’interprétation du dosage (en particulier en situation d’obésité), le dosage de la SHBG (sex-hormone binding globulin) avec calcul de la fraction libre de testostérone peut s’avérer utile.
Les seuils diagnostiques ont été beaucoup discutés dans la littérature médicale au cours de ces 30 dernières années. Il existe à l’heure actuelle des consensus des sociétés savantes internationales (endocrinologie, urologie) :
*le diagnostic d’hypogonadisme pourrait être raisonnablement suspecté en dessous d’une testostérone totale de 3,2 ng/ml (11 nmol/l);
*pour certains experts, une valeur inférieure à 2,3 ng/ml (8 nmol/l) serait associée de façon significative à des signes cliniques évoquant un déficit en testostérone et aurait une très bonne spécificité.
Différencier un hypogonadisme hypogonadotrope d’une insuffisance testiculaire primitive
Une fois que le diagnostic positif d’hypogonadisme réel est établi, la deuxième étape est d’en déterminer le cadre étiologique, c’est-à-dire de préciser s’il s’agit d’une atteinte testiculaire primitive ou d’un déficit hypophysaire en gonadotrophines.
Cette étape fait appel à la mesure des gonadotrophines hypophysaires FSH et LH :
*en présence d’une baisse de la testostérone totale, lorsque la concentration de ces deux hormones hypophysaires est élevée, il s’agit d’une insuffisance testiculaire primitive, ou hypogonadisme hypergonadotrope (le plus souvent avec une FSH > LH);
*si la testostérone totale est basse et si LH et/ou FSH sont dans les valeurs normales (inappropriées) ou basses, on est en face d’un hypogonadisme hypogonadotrope (central).
Dans cette dernière éventualité, il est obligatoire d’évaluer l’ensemble des fonctions antéhypophysaires pour ne pas méconnaître une insuffisance hypophysaire et tout particulièrement une insuffisance corticotrope par déficit en ACTH qui pourrait exposer le patient à une décompensation aiguë (voir Item 245, chapitre 16). Une autre priorité est de dépister une hyperprolactinémie (voir Item 244, chapitre 15). Dans ce contexte, une imagerie par IRM de la région hypothalamo-hypophysaire doit être réalisée pour dépister un processus expansif de la région hypothalamo-hypophysaire (+++).
Diagnostic différentiel
Devant un profil hormonal d’insuffisance testiculaire primitive, il faut, à l’aide de l’interrogatoire et de l’examen clinique, rechercher des arguments en faveur des étiologies indiquées dans le tableau 5.6. Des antécédents de traumatisme de la région scrotale seront recherchés ainsi que des traitements gonadotoxiques (chimiothérapie ± radiothérapie) ou des infections. La palpation du volume testiculaire est systématique à la recherche d’une hypotrophie. Lorsque le volume testiculaire est très diminué (< 4 ml), il est utile de demander un caryotype pour dépister une maladie chromosomique ayant pu passer inaperçue (voir fig. 5.2).
Tableau 5.6
Étiologie des insuffisances testiculaires primitives pouvant être découvertes à l’âge adulte.
Causes lésionnelles
–Toxiques et traumatiques (les plus fréquentes) :
*chimiothérapie anticancéreuse (+++) (chez l’enfant ou l’adulte)
*radiations ionisantes (+++) (chez l’enfant ou l’adulte)
*alcoolisme chronique (+++)
*perturbateurs endocriniens
*traumatisme testiculaire bilatéral
–Castration chirurgicale bilatérale
–Torsion testiculaire bilatérale
–Orchites ourliennes
–Autres : gonococcie, sarcoïdose, polyendocrinopathies auto-immunes
Malformations, dysgénésies
–Cryptorchidie bilatérale
Causes chromosomiques
–Syndrome de Klinefelter (+++) (caryotype 47, XXY dans plus de 90 % des cas)
–Anomalies des gonosomes plus rares (47,XYY, 48,XXYY, etc.)
–Hommes 46,XX avec translocation d’une portion du chromosome Y contenant la séquence de détermination testiculaire SRY
–Anomalies des autosomes (délétions, translocations)
Insuffisance testiculaire liée à la sénescence Avec déficit de l’axe hypothalamo-hypophysaire, appelé aussi déficit androgénique partiel des hommes âgés ou « andropause »
Causes génétiques Exceptionnellement révélées à l’âge adulte
Hypogonadismes hypogonadotrophiques acquis à l’âge adulte
Les hypogonadismes hypogonadotrophiques acquis à l’âge adulte (HHA) ont pour causes les plus fréquentes les adénomes hypophysaires (voir Item 244, chapitre 15), en particulier les pro-lactinomes, ainsi que d’autres processus tumoraux de la région comme les craniopharyngiomes, les méningiomes, etc.
Cependant, il ne faut pas oublier que d’autres étiologies peuvent être en cause, comme les processus infiltratifs ou les surcharges (respectivement les hypophysites ou l’hémochromatose). À côté des classiques lésions chirurgicales et radiothérapiques de la région sellaire, une origine post-traumatique est de plus en plus recherchée (accident de la voie publique avec traumatisme crânien). Certains traitements médicamenteux peuvent aussi provoquer des HHA; citons les corticoïdes, les analogues de la GnRH utilisés dans le traitement du cancer de la prostate, ou les stéroïdes anabolisants utilisés en automédication, dans le cadre du dopage ou pour améliorer les « performances sexuelles ».
Les causes les plus importantes d’HHA sont résumées dans le tableau 5.7.
Tableau 5.7
Étiologie des hypogonadismes hypogonadotrophiques acquis.
Tumeurs de la région hypothalamo-hypophysaire
–Craniopharyngiome
–Adénomes hypophysaires de tous types
–Dysgerminomes, gliomes
–Métastase hypophysaire (avec diabète insipide)
Processus infiltratifs hypothalamo-hypophysaires
–Hémochromatose (surtout par mutation d’HFE, à révélation tardive)
–Sarcoïdose
–Hypophysite lymphocytaire ou infundibulite
–Histiocytose
Causes iatrogéniques et traumatiques
–Chirurgie de la région hypothalamo-hypophysaire
–Radiothérapie hypophysaire ou encéphalique
–Traumatisme crânien (prévalence peut-être sous-estimée)
Causes fonctionnelles
–Hyperprolactinémie
–Carence nutritionnelle (anorexie mentale, maladies chroniques, activité physique excessive avec malnutrition relative)
–Hypercortisolisme (Cushing), quelle qu’en soit l’étiologie
–Tumeurs testiculaires ou surrénaliennes sécrétant des œstrogènes (gynécomastie associée)
–Médicamenteuses : androgènes ou anabolisants (dopage), œstroprogestatifs agonistes de la GnRH (pour traitement de cancer de la prostate), corticoïdes à forte dose
(Source : CEEDMM, 2021.)
Les manifestations cliniques de l’HHA dépendent de la profondeur et de la durée du déficit gonadotrope. Un des meilleurs signes cliniques est la perte de la libido.
Cette baisse de la libido s’accompagne parfois de troubles de l’érection ou est confondue avec ceux-ci.
L’examen clinique peut être sans particularité quand l’HHA est récent.
La diminution de la pilosité et du volume testiculaire tout comme la diminution des masses musculaires n’interviennent que lorsque le déficit en gonadotrophines hypophysaires est ancien et profond, comme dans certains cas d’adénomes hypophysaires.
L’exploration hormonale montre habituellement une baisse importante de la testostérone totale sérique associée à une baisse des gonadotrophines, mais ces dernières peuvent demeurer dans l’intervalle des valeurs de référence pour l’âge.
Conséquences à court, moyen et long terme d’un déficit androgénique lié à l’âge non traité
Les principaux effets du déficit androgénique lié à l’âge non traité sont résumés dans le tableau 5.8. Ils ne sont pas limités à la seule fonction de reproduction (diminution de la sexualité et de la libido, moindre rendement de la gamétogenèse).
Tableau 5.8
Signes cliniques le plus fréquemment observés en cas d’hypogonadisme masculin lié à l’âge.
Symptômes les plus spécifiques Symptômes plus généraux
–Diminution du désir sexuel et de l’activité sexuelle
–Diminution des érections spontanées
–Dysfonction érectile
–Bouffées de chaleur, hypersudation
–Diminution du volume testiculaire
–Dépilation pubienne, diminution de la fréquence de rasage
–Augmentation de l’IMC, majoration de l’adiposité viscérale
–Perte de taille, fractures à basse cinétique, diminution de la densité minérale osseuse
–Perte d’élan vital, manque d’initiative et de motivation
–Ejaculation retardée
–Diminution de la masse musculaire et de la force musculaire
–Diminution des performances physiques
–Anémie modérée (normochrome, normocytaire)
–Humeur dépressive, irritabilité
–Difficultés de concentration, troubles mnésiques
–Somnolence, troubles du sommeil
Il existe des modifications de la composition corporelle avec diminution de la masse maigre, augmentation de la masse grasse et diminution de la force musculaire.
Il existe un risque accru de chutes, indépendamment des indices de performance physique et de fragilité. La prévalence de l’ostéoporose est plus élevée chez les hommes ayant des taux bas de testostérone, avec notamment une augmentation du risque de fractures non vertébrales (voir Item 128, chapitre 7).
La plupart des études ont conclu à un effet du déficit androgénique sur l’aggravation du déclin cognitif et une augmentation des symptômes dépressifs.
Il existe une intrication forte entre l’hypogonadisme masculin lié à l’âge et l’existence d’un syndrome métabolique avec augmentation de l’insulinorésistance et du risque de diabète de type 2 incident.
Enfin, il a été montré dans de nombreuses études que des taux bas de testostérone étaient significativement corrélés à la survenue d’infarctus du myocarde, d’AVC ou d’autres atteintes vasculaires fatales ou non fatales, avec un surrisque de mortalité cardiovasculaire chez les patients dont les taux de testostérone sont inférieurs à 8 nmol/l [230 ng/dl] : ×2,3 de manière globale et ×3,2 chez les patients symptomatiques. Pour autant, il est probable que le déficit androgénique soit plus un marqueur de risque cardiovasculaire qu’un facteur de risque cardiovasculaire en lui-même.
Chez la majorité des hommes mûrs ou âgés, la baisse de la testostérone est inconstante ou modérée lorsqu’ils sont en bonne santé et non obèses.
*L’obésité et les comorbidités sont un facteur fréquent de baisse de la testostérone.
*La majorité des symptômes associés à l’« andropause » sont non spécifiques et peu influencés par l’administration de testostérone.
*Les signes plus spécifiques d’hypogonadisme sont les troubles de l’érection avec diminution de l’érection matinale et diminution des pensées sexuelles.
*La mise en évidence d’une baisse de la testostérone totale circulante impose la recherche d’une cause avant toute androgénothérapie.
*L’hypogonadisme lié à l’âge est associé à un surrisque d’ostéoporose, de syndrome métabolique et d’événements cardiovasculaires.
Physiologie
L’érection est un processus neuro-tissulo-vasculaire qui survient lors d’un stimulus sensoriel érotique parvenant à l’hypothalamus ou de manière réflexe. Il induit une inhibition du tonus sympathique et une libération de monoxyde d’azote (NO) à partir des terminaisons nerveuses et de l’endothélium érectile. Cette relaxation des muscles lisses permet le remplissage des sinusoïdes caverneux et le développement de l’érection. L’inhibition du drainage veineux est un phénomène passif lié à la compression des plexus veineux par les sinusoïdes caverneux dilatés et qui contribue au maintien de l’érection. Ainsi, le processus complexe de l’érection nécessite une dilatation artérielle et une relaxation des muscles lisses (voir plus loin). En résumé, l’érection nécessite :
*un réseau vasculaire fonctionnel (le trouble de l’érection est un marqueur vasculaire clinique);
*un appareil musculaire lisse fonctionnel;
*une réduction suffisante du retour veineux;
*un signal nerveux fonctionnel;
*un environnement hormonal adéquat;
*un psychisme adéquat.
Définition
Le trouble de l’érection, ou dysfonction érectile, est défini comme une incapacité persistante à obtenir ou à maintenir une érection permettant un rapport sexuel satisfaisant.
Il résulte souvent de facteurs multiples et intriqués.
L’âge est un facteur de risque majeur, dont l’influence s’explique par :
*des déficits neurosensoriels d’installation progressive;
*une baisse progressive, physiologique, du taux de testostérone;
*l’apparition de comorbidités associées : maladies cardiovasculaires, hypertension artérielle (HTA), diabète, dyslipidémies et prise médicamenteuse (usage d’antihypertenseurs notamment).
L’insuffisance rénale, la dialyse rénale, les troubles mictionnels, la chirurgie ou les traumatismes pelviens, la consommation d’alcool et de tabac, les états anxiodépressifs sont aussi des facteurs de risque de trouble de l’érection, qui peut être alors le seul indicateur d’une comorbidité.
Conduite diagnostique devant un trouble de l’érection
La conduite diagnostique est schématisée dans la figure 6.1.
Ses objectifs sont :
*de préciser l’importance du trouble et son retentissement sur la qualité de vie dans tous ses paramètres (psychoaffectif, conjugal et socioprofessionnel);
*de rechercher des éléments anamnestiques, cliniques et médicamenteux en faveur de l’étiologie de la dysfonction érectile;
*d’identifier ou de dépister des facteurs de risque d’un trouble de l’érection par l’interrogatoire et les examens paracliniques ou biologiques.
A Bilan initial
Ces investigations sont résumées par le « bilan initial » (voir fig. 6.1). La synthèse de ces éléments permet d’établir le profil du patient ainsi que la stratégie thérapeutique envisagée.
Critères diagnostiques et pronostiques d’un trouble de l’érection
Diagnostic positif : le trouble de l’érection est d’abord un diagnostic d’interrogatoire, qui permet de confirmer la plainte du patient sur le manque de rigidité de son érection.
Il importe d’emblée de distinguer le trouble de l’érection d’autres troubles sexuels :
*perte du désir sexuel (en posant au patient la question de son intérêt pour la sexualité);
*troubles de l’éjaculation (trop rapide, retardée voire absente ?);
*douleurs lors des rapports (pendant l’érection, l’éjaculation ?);
*anomalies morphologiques ressenties par le patient (dysmorphophobie) ou réelles (petite verge, déformation, asymétrie des corps caverneux ou maladie de La Peyronie, à vérifier lors de l’examen clinique).
2 Caractérisation du trouble érectile
Le trouble de l’érection confirmé, d’autres critères diagnostiques et pronostiques sont alors recherchés :
*le caractère primaire (existant depuis le début de la vie sexuelle) ou secondaire (acquis après une vie sexuelle satisfaisante) du trouble érectile;
*le caractère brutal (qui impose de rechercher une circonstance déclenchante), qui est en faveur d’une cause psychologique prédominante, ou progressif, qui oriente davantage vers une cause organique;
*le caractère permanent ou situationnel (selon le lieu, la partenaire);
*la persistance d’érections nocturnes et/ou matinales spontanées en dehors de toute stimulation sexuelle, qui est en faveur d’une intégrité neuro-tissulo-vasculaire : l’interrogatoire recherchera un trouble psychogène à l’origine de la dysfonction;
*la sévérité du trouble érectile, qui s’apprécie par :
–le délai entre l’apparition du trouble et la consultation (la difficulté de la prise en charge semble corrélée à la longueur de ce délai);
–l’existence ou non d’une capacité érectile résiduelle (avec une rigidité suffisante pour la pénétration), évaluable par les scores EHS (Erection Hardness Score) et IIEF (International Index of Erectile Function) ;
–la capacité d’érections provoquées (masturbation).
3 Recherche des pathologies et facteurs pouvant favoriser ou aggraver un trouble érectile
La recommandation actuelle est la recherche systématique d’antécédents et/ou de symptômes qui évoquent autant une pathologie organique que psychologique. Des difficultés psychologiques peuvent à elles seules déclencher ou aggraver un trouble érectile et bénéficier de traitements spécifiques. L’interrogatoire recherche :
*un trouble psychogène personnel (anxiété, croyances erronées, antécédent de violences sexuelles);
*l’existence de complexes identitaires (identité de genre);
*un trouble relationnel (conjugopathie, timidité envers la partenaire, anxiété de performance);
*une anomalie génitale réelle (malformative) ou supposée (syndrome du « petit pénis », dysmorphophobie);
*des antécédents abdominopelviens (chirurgie, irradiation, traumatisme);
*un diabète (l’état de son équilibre et l’existence de complications);
*tous les facteurs de risque cardiovasculaire (HTA, syndrome métabolique, surcharge pondérale, dyslipidémie, tabagisme, sédentarité);
*une pathologie cardiovasculaire (angor, insuffisance cardiaque), le trouble érectile pouvant être un signe avant-coureur d’une coronaropathie ignorée;
*des maladies neurologiques (maladie de Parkinson, sclérose en plaques), des séquelles de traumatisme médullaire;
*l’existence de troubles mictionnels, en rapport le plus souvent avec une hypertrophie bénigne de la prostate;
*des signes évocateurs de déficit androgénique, notamment une perte ou une diminution du désir sexuel, une diminution de la pilosité, une diminution de la qualité et du nombre des érections spontanées matinales et nocturnes – les autres signes (fatigabilité, troubles de l’humeur) étant moins spécifiques et se retrouvant dans bon nombre de maladies chroniques;
*une endocrinopathie, liée de façon plus rare à un trouble de l’érection (hypo- ou hyperthyroïdie, insuffisance surrénale lente);
*des troubles du sommeil (+++) : apnées du sommeil, insomnie;
*la liste des traitements, dont certains ont des effets secondaires néfastes sur la sexualité;
*un syndrome dépressif;
*l’existence de troubles addictifs : toxicomanie, alcool, addiction sexuelle;
*enfin, tous les éléments du contexte psychoaffectif et relationnel entourant le patient et qui précèdent l’apparition du trouble de l’érection.
4 Examen clinique
Examen clinique
L’examen clinique est recommandé chez tous les patients consultant pour un trouble de l’érection.
L’examen urogénital apprécie les caractères sexuels secondaires (recherche d’une gynécomastie, d’un hypoandrisme, de petits testicules) et recherche d’éventuelles anomalies du pénis, en particulier l’existence de plaques péniennes traduisant une maladie de La Peyronie. Un toucher rectal après 50 ans est systématiquement pratiqué.
L’examen cardiovasculaire recherche en particulier des signes vasculaires (HTA, pouls, souffle artériel), notamment la disparition des pouls, orientant vers une cause vasculaire.
L’examen neurologique recherche des signes de neuropathie (sensibilité du périnée et des membres inférieurs).
Outre les signes évoqués plus haut, d’autres signes endocriniens sont explorés (anomalie du champ visuel évocatrice d’une tumeur hypophysaire).
5 Bilan biologique
Le bilan minimal recommandé dans le cadre du bilan initial est essentiellement biologique :
*glycémie à jeun;
*bilan lipidique;
*NFS, ionogramme, créatinémie;
*bilan hépatique;
*recherche d’un déficit androgénique en cas de facteurs de risque ou de signes cliniques évocateurs (baisse du désir sexuel, des érections nocturnes et matinales), avec un dosage initial de la testostéronémie totale le matin (voir Item 124, chapitre 5).
Les autres examens sont orientés selon les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique (recherche d’une endocrinopathie dont les dysthyroïdies et l’hyperprolactinémie; évaluation de l’état cardiovasculaire, etc.) (voir fig. 6.1).
Étiologie des dysfonctions érectiles.
Causes vasculaires
–Cardiopathie ischémique, artérite des membres inférieurs
–Facteurs de risque : hypertension artérielle (+++), dyslipidémie, tabac, obésité, sédentarité
Causes endocriniennes
–Diabète
–Hypogonadisme
–Hyperprolactinémie
–Hyper- ou hypothyroïdie
–Insuffisance surrénale lente
Causes génitopelviennes
–Hyperplasie bénigne de la prostate
–Fibrose des corps caverneux (maladie de La Peyronie)
–Chirurgie pelvienne (prostatectomie +++)
–Irradiation pelvienne
Causes traumatiques
–Traumatisme crânien, médullaire (+++)
–Traumatisme pénien
–Fracture du bassin
Causes neuropsychiatriques
–Affections dégénératives, inflammatoires, tumeurs du système nerveux central, ischémie cérébrale, atteinte des cordons de la moelle
–Neuropathie autonome
–Anxiété, dépression, psychose, etc.
Maladies chroniques
–Insuffisance rénale
–Insuffisance cardiaque
–Cancer
–Maladies inflammatoires chroniques
Causes iatrogènes
–Antihypertenseurs (+++) (bêta-bloquants, diurétiques thiazidiques, spironolactone, méthyldopa, clonidine)
–Hypolipidémiants (fibrates)
–Psychotropes (benzodiazépines, antipsychotiques, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine)
–Opioïdes, héroïne, cocaïne, alcool
–Hormones (antiandrogènes, stéroïdes anabolisants, kétoconazole)
Facteurs de risque non médicaux
–Âge (+++)
–Environnement (stress)
–Facteurs socio-économiques
Causes psychogènes
Prise en charge d’un trouble endocrinien
Un hypogonadisme biologiquement prouvé (baisse de la libido associée au trouble de l’érection et à une testostéronémie basse < 3,2 ng/ml) est substitué par des androgènes administrés par voie intramusculaire ou transdermique.
Le niveau de preuve de l’efficacité d’un traitement androgénique pour un trouble de l’érection isolé sans hypogonadisme avéré reste faible. Le traitement androgénique est contre-indiqué en cas de nodule prostatique palpable, de PSA > 3 ng/ml ou de signes compressifs urologiques, et sa mise en place nécessite une surveillance clinique régulière du volume prostatique et du PSA. Une surveillance du bilan hépatique et de l’hématocrite doit aussi être réalisée.
L’hypogonadisme secondaire à une hyperprolactinémie est corrigé le plus souvent grâce au traitement par agoniste dopaminergique (quinagolide, cabergoline).
B Traitements pharmacologiques d’un trouble de l’érection
Le traitement pharmacologique de première intention est le traitement oral par les IPDE5). Ces molécules bloquent la dégradation enzymatique du GMPc dans les corps caverneux et induisent une relaxation des fibres musculaires lisses ainsi qu’une vasodilatation pénienne. Elles ont prouvé leur efficacité dans l’amélioration des troubles de l’érection chez le non-diabétique comme chez le diabétique à la condition d’une nécessaire stimulation sexuelle préalable. Leurs caractéristiques sont résumées dans leLes études cliniques n’ont pas montré d’aggravation d’une coronaropathie par les IPDE5, mais l’usage d’un dérivé nitré par un patient porteur d’un trouble de l’érection contre-indique formellement les IPDE5 (risque d’hypotension artérielle majeure).
oints clés
- Les troubles de l’érection s’associent souvent à des facteurs de risque multiples et intriqués, tels que l’âge, les comorbidités (affections cardiovasculaires, diabète, HTA, dyslipidémies), les états anxiodépressifs, le tabac et l’alcool.
*L’anamnèse du trouble de l’érection, l’interrogatoire précisant l’histoire médicale, sexuelle, psychologique et relationnelle du patient ainsi qu’un examen clinique soigneux permettent d’évaluer la sévérité du trouble de l’érection et d’orienter la thérapeutique en fonction d’une cause psychogène, vasculaire, neurologique ou endocrinienne du trouble de l’érection.
*Le bilan initial évalue les paramètres métaboliques et hormonaux, le bilan secondaire la composante psycho-sexologique individuelle et de couple, le risque cardiovasculaire et les capacités érectiles par une injection intracaverneuse. - Le diabète et l’hypogonadisme constituent les principales causes endocriniennes d’un trouble de l’érection et doivent être recherchés systématiquement après 50 ans.
*Le traitement pharmacologique de première ligne utilise les inhibiteurs des phosphodiestérases de type 5 par voie orale et, en cas d’échec, les substances vasoactives par voie intracaverneuse.
Définition
L’ostéoporose est définie comme une fragilité excessive du squelette liée à une diminution du contenu minéral osseux et/ou à des altérations de la microarchitecture osseuse qui augmentent le risque de fracture.
La relation établie entre la baisse de la densité minérale osseuse (DMO) et l’augmentation du risque de fracture a conduit, en 1994, à une définition « densitométrique » de l’ostéoporose, sur la base d’un T-score inférieur à –2,5 écarts types de la valeur moyenne de l’adulte jeune. Il faut remarquer que cette définition n’est valable que pour les femmes ménopausés et par analogie à l’homme et pour une mesure de densité osseuse réalisée par absorptiométrie biphotonique à rayons X, ou DXA (dual energy X-ray absorptiometry), sur les sites osseux axiaux (vertèbres, extrémité supérieure du fémur, col du fémur) (fig. 7.1 et 7.2). Pour les femmes non ménopausées, la référence au Z-score est privilégiée, particulièrement avant l’âge de 40 ans, en sachant que, lorsque le Z-score est inférieur à –2, on parle de déminéralisation significative, le terme d’ostéoporose étant alors réservé aux situations fracturaires.
Classification
L’ostéoporose est une pathologie à prépondérance féminine, mais n’épargne pas les hommes, chez lesquels elle représente un problème relativement commun. Les ostéoporoses sont divisées en deux catégories. On distingue l’ostéoporose primitive « commune », dite ostéoporose post-ménopausique, qui est la forme la plus commune, des ostéoporoses dites secondaires. Ces dernières peuvent relever d’étiologies multiples (tableau 7.1). Les principales endocrinopathies entraînant un risque accru d’ostéoporose sont d’abord celles qui exposent à une diminution de la production des stéroïdes sexuels (hypogonadisme). D’autres hormones sont impliquées dans la régulation du remodelage osseux ou, de façon plus globale, dans l’homéo-stasie du calcium. Des anomalies de leur production peuvent favoriser le développement d’une ostéoporose. C’est le cas des hyperthyroïdies, de l’hypercortisolisme, de l’hyperparathyroïdie, qui constituent les causes endocriniennes les plus fréquentes des ostéoporoses secondaires. Des données récentes objectivent une augmentation du risque fracturaire chez les patients atteints d’un diabète de type 1, de même que chez ceux porteurs d’un diabète de type 2.
Tableau 7.1
Ostéoporoses secondaires.
Pathologies endocrines
–Hypogonadisme
–Syndrome de Cushing
–Hyperthyroïdie
–Hyperparathyroïdie
–Diabète de type 1 et de type 2
Pathologies digestives
–Malabsorption (maladie cœliaque)
–Entérocolopathie inflammatoire chronique
–Cirrhose biliaire primitive
–Chirurgie bariatrique
Pathologies générales
–Arthrite rhumatoïde
–Polyarthrite ankylosante
–Lupus érythémateux disséminé
–Myélome multiple
–Mastocytose
–Insuffisance rénale, hémodialyse chronique
Causes génétiques
–Ostéogenèse imparfaite
–Mutations du récepteur aux œstrogènes*
–Mutations du gène de l’aromatase*
–Homocystinurie
Causes médicamenteuses
–Corticothérapie
–Hormones thyroïdiennes (doses freinatrices)
–Agonistes de la GnRH
–Inhibiteurs de l’aromatase
–Anticonvulsivants
–Anticalcineurines (ciclosporine A, tacrolimus)
–Chimiothérapie
–Héparines non fractionnées
–Antirétroviraux
Autres causes
–Alcoolisme, tabagisme
–Tubulopathie rénale avec hypercalciurie
–Immobilisation
–VIH
III Étiologie
A Hypogonadismes
La carence œstrogénique provoque une augmentation de l’ostéoclastogenèse et l’activation des ostéoclastes, qui augmentent la résorption osseuse et donc la perte osseuse.
La gravité de l’atteinte osseuse dépend de l’intensité et de la durée de l’hypogonadisme.
1 Anorexie mentale
Il s’agit d’une ostéoporose à bas niveau de remodelage osseux. Les marqueurs biochimiques de la formation osseuse (isoenzyme des phosphatases alcalines, ostéocalcine, P1NP) sont le plus souvent diminués. Les marqueurs de la résorption (CTx, NTx) ne sont pas toujours infor-matifs dans cette indication et sont plus le reflet de l’impact de la carence œstrogénique que de l’atteinte nutritionnellL’origine de l’ostéoporose est multifactorielle, même si la carence œstrogénique reste le principal facteur de perte osseuse, en particulier sur le site vertébral.
Les troubles nutritionnels à l’origine d’une diminution de l’IGF-1 (insulin-like growth factor 1), de carences calciques et d’une hypoprotidémie jouent un rôle aggravant. Un hypercortisolisme est également souvent retrouvé, malgré l’absence d’apparence cushingoïde en l’absence de substrat graisseux disponibleLe traitement repose sur la prise en charge multidisciplinaire de l’anorexie mentale proprement dite. La substitution œstrogénique doit être la règle, le plus rapidement possible et lorsque le diagnostic est établi. Elle repose le plus souvent sur l’utilisation d’une pilule œstroprogestative, bien que les données les plus récentes témoignent d’un bénéfice osseux plus marqué avec l’œstradiol administré par voie cutanée. Elle n’a qu’un effet limité sur la DMO, mais permet de limiter la perte osseuse, en particulier chez les jeunes filles les plus maigres. Le gain pondéral n’est associé à une amélioration de la DMO que s’il permet un retour des cycles menstruels spontanés.ctivité physique intensive
Les femmes sportives soumises à une activité physique trop intense peuvent développer une hypo-œstrogénie d’origine hypothalamique (voir Item 42, chapitre 3).
Les facteurs conditionnant l’atteinte osseuse sont :
*le type et l’importance de l’activité sportive : marathon, danse classique (jusqu’à 60 % d’aménorrhée), demi-fond, triathlon, gymnastique, cyclisme;
*l’importance et la fréquence des troubles du cycle menstruel;
*des apports alimentaires réduits ou insuffisants.
L’atteinte osseuse est de répartition inégale. Les contraintes mécaniques stimulent l’ostéo-formation sur des sites porteurs; à l’inverse, l’hypo-œstrogénie est responsable d’une résorption osseuse généralisée, bien qu’à prédominance rachidienne. Il existe également une plus grande fréquence des fractures de fatigue, qui sont favorisées par la diminution de la DMO.
L’ostéoporose est réversible avec le retour à la reprise spontanée des cycles menstruels, souvent lors de la réduction de l’activité physique.
En l’absence de possibilité de diminution de l’activité physique, la mise en route d’une substitution hormonale (contraception œstroprogestative ou traitement hormonal substitutif selon la nécessité ou non d’une contraception efficace) est nécessaire.
3 Pathologies hypophysaires
3 Pathologies hypophysaires
Toute lésion hypophysaire (tumorale, infiltrante, iatrogène, traumatique, etc.) provoquant une atteinte (réversible ou irréversible) de la fonction gonadotrope peut avoir des conséquences osseuses.
En dehors de leur impact sur l’axe gonadotrope, les atteintes hypophysaires n’ont pas d’impact propre sur le remodelage osseux, à l’exception des adénomes corticotropes dont l’impact osseux est secondaire à l’hypercortisolisme.
4 Hypogonadismes iatrogènes
Tous les traitements diminuant la production des œstrogènes (ou des androgènes chez l’homme) constituent des facteurs potentiels d’augmentation du risque fracturaire. C’est le cas des agonistes de la GnRH, utilisés dans le cadre de pathologies utérines (endométriose, fibromes) ou prostatiques, et des inhibiteurs de l’aromatase dans le cancer du sein. Une mesure de la DMO est préconisée avant ces traitements, la perte osseuse pouvant être rapide, pour permettre une prévention adaptée en fonction du niveau de risque.
À l’arrêt du traitement par les agonistes de la GnRH, on peut observer une réversibilité de la perte osseuse d’autant plus complète qu’il s’agit de femmes jeunes avec initialement une DMO normale et que le traitement n’a pas été prolongé plus de 6 mois.
5 Dysgénésies gonadiques
Le syndrome de Turner est la dysgénésie gonadique féminine la plus fréquente (voir Item 42, chapitre 3).
Une diminution de la DMO est fréquente dans le syndrome de Turner, bien qu’elle puisse être liée en partie à la petite taille des pièces osseuses.
Au cours de l’adolescence, le déficit osseux apparaît s’accentuer du fait de l’hypogonadisme, avec une augmentation du remodelage osseux secondaire à la carence œstrogénique. Chez l’adulte non traité, l’insuffisance ovarienne accentue la perte osseuse et il existe une augmentation du risque de fracture.
Le traitement est avant tout fondé sur la correction de l’hypogonadisme; l’œstrogénisation est proposée dès que le diagnostic est posé, actuellement le plus souvent en association avec un traitement à l’hormone de croissance de manière à améliorer le pronostic statural. À l’âge adulte, la poursuite d’un traitement œstroprogestatif permet la prévention de la perte osseuse. La DMO vertébrale chez ces patientes bien traitées n’apparaît pas significativement différente de celle des sujets contrôles après ajustement pour la taille staturale.
Hyperthyroïdies et traitements par hormones thyroïdiennes
L’hyperthyroïdie constitue une cause classique d’ostéoporose secondaire, même si la prise en charge actuelle fait que les signes osseux sont exceptionnellement révélateurs ou au premier plan. Cela justifie le dosage systématique de la TSH dans la recherche étiologique d’une ostéoporose secondaire.
Les hormones thyroïdiennes augmentent le remodelage osseux (fig. 7.5) du fait d’une augmentation du recrutement des unités élémentaires de remodelage et de leur fréquence d’activation. Il existe une balance négative entre résorption et formation osseuse qui prédomine sur l’os cortical.Une diminution de la DMO de 10 % à 20 % par rapport à des sujets de même âge et de même sexe a été rapportée dans beaucoup d’études chez les sujets hyperthyroïdiens. La prévalence des fractures attribuables à l’hyperthyroïdie reste mal appréciée, bien qu’un antécédent d’hyperthyroïdie soit un facteur de risque classique de la fracture du col du fémur chez le sujet âgé.
En l’absence d’hyperthyroïdie biologique, le risque osseux du traitement par hormones thyroïdiennes chez le patient hypothyroïdien n’a jamais été prouvé. L’administration de doses élevées d’hormones thyroïdiennes, telle qu’elle est réalisée dans le traitement du cancer thyroïdien différencié hormonodépendant, est en revanche susceptible d’augmenter le risque d’ostéoporose et doit conduire à une évaluation régulière de la DMO.
Hypercortisolisme et corticothérapie
L’ostéoporose vertébrale est une des complications classiques d’un excès de corticoïdes, surtout chez la femme. Elle est souvent silencieuse, avant l’apparition de tassements vertébraux « en salve », et doit faire l’objet d’une prévention systématique.
Les effets osseux des glucocorticoïdes sont complexes, résultant d’effets directs sur le tissu osseux et d’effets indirects sur l’homéostasie calcique et la production des stéroïdes sexuels (fig. 7.6). Au niveau du tissu osseux, les corticoïdes inhibent la fonction ostéo-blastique et favorisent leur apoptose comme celle des ostéocytes, qui ont un rôle important dans la qualité de l’os. Ils favorisent par ailleurs l’activité ostéoclastique et donc la résorption osseuse par différents mécanismes, tels qu’une augmentation de la production du RANKL (facteur de l’ostéoclastogenèse) et une diminution de l’ostéoprotégérine (OPGR), inhibiteur de l’ostéoclastogenèse. La réduction de l’absorption intestinale du calcium et l’augmentation des pertes urinaires de calcium induites par l’excès de glucocorticoïdes favorisent par ailleurs un hyperparathyroïdisme secondaire, dont les conséquences osseuses sont encore amplifiées par l’augmentation de la sensibilité des cellules osseuses à la PTH. Enfin, un taux excessif de glucocorticoïdes favorise un hypogonadisme et peut, dans certaines causes, diminuer également la production des androgènes surrénaliens.L’ostéoporose induite par l’hypercortisolisme est essentiellement une ostéoporose à bas niveau de remodelage, mais avec tendance à l’hyperrésorption.
La diminution du volume osseux s’accompagne d’altérations de la microarchitecture trabéculaire, qui joue un rôle majeur dans la fragilité osseuse. On peut ainsi observer des fractures à DMO normale.
La diminution de la masse osseuse intéresse surtout les sites trabéculaires (corps vertébraux, côtes, radius) et apparaît de façon rapide, dans la première année de l’exposition aux corticoïdes. L’intensité de la perte osseuse reste difficile à prévoir sur le plan individuel. Les fractures vertébrales sont fréquentes chez les sujets exposés à un excès de glucocorticoïdes et sont présentes chez 20 % à près de 80 % des sujets atteints d’un syndrome de Cushing, quelle que soit sa causPlusieurs études cas-témoins ont permis d’objectiver une augmentation du risque de fractures, surtout vertébrales, mais aussi non vertébrales, chez les sujets ayant reçu une corticothérapie à partir d’une dose supérieure à 7,5 mg de prednisolone par jour pendant plus de 3 mois. La réversibilité de l’atteinte osseuse, après correction de l’hypercortisolisme ou arrêt de la corticothérapie, reste encore un sujet débattu en l’absence de données longitudinales suffisantes.
Chez les sujets devant débuter une corticothérapie, la prévention de l’ostéoporose justifie, avant le traitement, une évaluation précise du statut osseux (mesure de la DMO vertébrale et fémorale par DXA) et une recherche de tous les facteurs de risque (statut nutritionnel et vitaminocalcique, activité physique, tabagisme, hypogonadisme, etc.) pouvant être corrigés. La dose de corticoïdes est la plus faible possible, en donnant la préférence, chaque fois que possible, aux voies non orales et aux molécules à durée de vie courte.
Il faut proposer systématiquement une supplémentation vitaminocalcique. Les doses de calcium prescrites dépendent des apports alimentaires et, dans le syndrome de Cushing, de la calciurie, souvent élevée.
Les bisphosphonates tout comme le tériparatide ont une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement de l’ostéoporose cortico-induite.
Un traitement de l’ostéoporose est préconisé en cas de corticothérapie de plus de 3 mois avec des doses d’équivalent prednisone supérieures à 7,5 mg par jour si le T-score est inférieur ou égal à –1,5 sur au moins un site.
Hyperparathyroïdie primitive
(Voir Item 268, chapitre 22.)
L’hyperparathyroïdie est responsable d’ostéoporose, même lorsqu’elle est asymptomatique, et serait présente, en fonction du site osseux mesuré, chez 12 % à 52 % des patients.
La production continue de PTH stimule l’ostéoclastogenèse et donc la résorption osseuse, en augmentant, d’une part, la différenciation des ostéoclastes à partir de leurs précurseurs hématopoïétiques et, d’autre part, l’activité des ostéoclastes matures. Cet effet est indirect et passe par l’ostéoblaste, qui joue un rôle pivot tant dans les actions cataboliques que dans les actions anaboliques de la PTH sur l’os. Cette action prédomine au niveau de l’os cortical (tiers proximal du radius, fémur), l’os trabéculaire (vertèbres) étant en principe conservé. Une atteinte vertébrale est néanmoins souvent présente, notamment chez la femme en début de ménopause, car l’hyperparathyroïdie primitive est l’endocrinopathie la plus fréquente de la femme ménopausée (prévalence de l’ordre de 1 %) (fig. 7.10).La diminution de la masse osseuse reste souvent limitée, de l’ordre de 10 % par rapport aux valeurs normales pour l’âge, avec une évolution sur le plan individuel qui reste difficile à prédire. L’évolution de la masse osseuse après traitement est le plus souvent favorable, et son importance est fonction du type d’os (plus importante au niveau vertébral que périphérique), de la gravité de l’hyperparathyroïdie (taux de PTH et des phosphatases alcalines) et du niveau d’atteinte initiale.
L’augmentation du risque fracturaire chez les patients ayant une hyperparathyroïdie primitive reste un sujet débattu en l’absence de données concluantes. Les fractures intéressent le plus souvent les vertèbres et l’extrémité inférieure du radius, les métacarpes, mais rarement le col du fémur.
L’atteinte osseuse constitue un des éléments essentiels de décision de la conduite à tenir lorsque l’hyperparathyroïdie primitive est asymptomatique : la constatation d’un T-score inférieur à –2,5 est considérée comme une indication au traitement chirurgical.
Lorsque le traitement chirurgical n’est pas possible (pour différentes raisons), l’utilisation d’un agent antiostéoclastique (œstrogènes, raloxifène, bisphosphonates) ou de calcimimé-tique (cinacalcet) peut être discutée en fonction de la situation clinique, si le risque de fracture est avéré ou s’il existe déjà des fractures. En cas de non-indication du traitement chirurgical, une simple surveillance de l’état osseux et une réévaluation périodique (1 ou 2 ans) du risque fracturaire sont conseillées.
Caractéristiques des ostéoporoses chez l’homme
A Au niveau de la définition
Il n’existe pas de valeur de T-score reconnue pour définir l’ostéoporose masculine. Des données transversales suggèrent que des valeurs absolues de la DMO seraient associées au même niveau de risque fracturaire dans les deux sexes. Par assimilation, la définition de l’ostéoporose chez l’homme correspond à un T-score inférieur ou égal à –2,5.
B Au niveau épidémiologique
Parmi les fractures de l’extrémité supérieure du fémur, 25 % à 30 % surviennent chez l’homme, et la prévalence des fractures vertébrales découvertes radiologiquement est similaire dans les deux sexes, affectant 10 % à 12 % des individus. En revanche, la fracture du radius distal (de type Pouteau-Colles) est beaucoup plus rare chez l’homme que chez la femme, ce qui s’explique avant tout par une taille des pièces osseuses plus importante chez les hommes que chez les femmes.
C Au niveau étiologique
Les ostéoporoses secondaires sont, en revanche, plus fréquentes chez l’homme que chez la femme (30 % à 70 % des cas). Les causes principales sont :
*l’hypercortisolisme;
*l’hypogonadisme (congénital ou acquis dont iatrogène avec, en particulier, le traitement du cancer de la prostate par castration chimique par analogue de la GnRH ou chirurgicale);
*l’alcoolisme.
D Au niveau thérapeutique
Les bisphosphonates et le tériparatide disposent d’une AMM dans le traitement de l’ostéoporose masculine.
Points clés
- Les pathologies endocriniennes représentent Ittiologie principale des ostéoporoses secondaires de la femme.
*Toutes les situations entraînant un hypogonadisme prolongé exposent à un risque accru d’ostéoporose. - La carence œstrogénique provoque une augmentation du remodelage osseux au bénéfice de la résorption osseuse.
*Un traitement par hormones thyroïdiennes à doses suppressives de la sécrétion de la TSH augmente la perte osseuse corticale et accroît le risque d’ostéoporose fémorale.
*Les traitements par hormones thyroïdiennes à doses substitutives n’augmentent pas le risque d’ostéoporose.
*L’atteinte osseuse de l’hypercortisolisme est précoce et prédomine sur l’os trabéculaire (tassements vertébraux). - L’évaluation du risque fracturaire est nécessaire chez tout sujet atteint de syndrome de Cushing ou d’hypercortisolisme.
- Dans une hyperparathyroïdie primitive asymptomatique, l’existence d’une ostéoporose (T-score < –2,5) fait partie des critères de l’indication chirurgicale.
- L’ostéoporose doit être recherchée systématiquement chez l’homme, au même titre que chez la femme, en cas d’hypogonadisme ou d’hypercortisolisme.
Définition
L’hémochromatose primitive ou héréditaire est une maladie génétique conduisant à une surcharge en fer. Il s’agit de la maladie génétique la plus fréquente dans la population blanche. Sa prévalence est de 3 à 5 pour 1 000 personnes, mais la pénétrance de la mutation principale touchant le gène HFE (C282Y) est faible et variable.
Non traitée, elle s’accompagne fréquemment d’une atteinte endocrinienne, notamment d’un diabète, liée à la cytotoxicité du fer stocké en excès. La morbidité de la mutation n’est pas réellement évaluée sur le plan épidémiologique, mais les formes sévères peuvent conduire à une cirrhose et à une augmentation de la mortalité.
L’hémochromatose primitive doit être distinguée des nombreuses autres causes de surcharge en fer (tableau 8.1).auses de surcharge en fer.
Hémochromatoses génétiques ou primitives
–Mutations d’HFE (> 95 %)
–Mutations d’autres gènes (plus rares)
Surcharges en fer secondaires
–Transfusionnelles :
*thalassémie
*anémie sidéroblastique
–Surcharge alimentaire
–Maladie hépatique chronique :
*hépatite B ou C
*hépatopathie alcoolique
*porphyrie cutanée tardive
*stéatose hépatique
Causes diverses
–Hémosidérose africaine (alimentaire)
–Acéruléoplasminémie
–Atransferrinémie congénitale
Le stock normal de fer est de 35 à 45 mg/kg chez l’homme, un peu inférieur chez la femme avant la ménopause (environ 35 mg/kg). La majorité du fer est incorporée dans l’hémoglobine (60 %), tandis que 10 % à 15 % sont retrouvés dans la myoglobine musculaire et les cyto-chromes (10 %). Le fer circulant, lié à la transferrine, ne représente qu’une faible proportion (1 %). Le foie (1 000 mg) et les macrophages du tissu réticulo-endothélial constituent les principaux sites de stockage du fer.
1 Dans les conditions physiologiques
De 1 à 2 mg de fer sont éliminés chaque jour par la transpiration et la desquamation des cellules cutanées et intestinales ou, chez la femme, pendant les règles. Cette perte est compensée par l’apport alimentaire. L’absorption intestinale du fer s’effectue au niveau du duodénum. Le fer alimentaire, réduit à l’état ferreux, est capté au pôle apical de l’entérocyte, puis internalisé grâce au transporteur membranaire DMT1 (divalent metal transporter 1). Il peut alors être stocké dans l’entérocyte sous forme de ferritine ou être relargué dans la circulation au pôle basolatéral grâce à la ferroportine (fig. 8.1A). Dans le sang, le fer circule lié à la transferrine. Le complexe est capté par les cellules utilisatrices, en particulier l’hépatocyte, grâce aux récepteurs de la transferrine (TfR1 et TfR2) et s’accumule dans les cellules sous forme de ferritine. Les macrophages récupèrent le fer ferrique des érythrocytes vieillissants et le refixent sur la transferrine pour une distribution aux tissus.Il n’y a pas de régulation de l’élimination du fer; c’est donc son absorption intestinale qui conditionne le stockage du fer dans l’organisme et explique qu’une dysrégulation de l’absorption puisse conduire à une surcharge en fer.
L’expression des transporteurs (DMT1 et ferroportine) dépend donc des stocks de fer intracellulaire. L’hepcidine, peptide de 25 acides aminés synthétisé par le foie, est l’hormone de régulation de l’absorption du fer. Elle agit sur la ferroportine pour inhiber le transport du fer, entraînant une diminution de son absorption et une augmentation de sa rétention dans les macrophages et les cellules de Kupffer (macrophages résidents du foie). La synthèse de l’hepcidine diminue lorsque les besoins en fer augmentenDans l’hémochromatose primitive
L’expression des transporteurs DMT1 et ferroportine est augmentée de manière inappropriée, ce qui conduit à une absorption de fer supérieure aux pertes journalières et à son accumulation progressive dans l’organisme (fig. 8.1B).
L’hepcidine est effondrée, d’où une majoration du transport en fer; le mécanisme par lequel les protéines impliquées dans la survenue d’une hémochromatose régulent l’expression de l’hepcidine est mal connu.
En cas d’inflammation, la synthèse de l’hepcidine est augmentée. De ce fait, dans les anémies inflammatoires, il existe une diminution de l’absorption du fer et une rétention élevée dans le système macrophagique.
Aspects génétiques
L’hémochromatose primitive, représentant plus de 95 % des cas, est liée au gène HFE. Il code une protéine du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I, HLA3. Deux mutations ponctuelles, C282Y et H63D, ont été identifiées.
Manifestations cliniques
Le fer s’accumule progressivement dans le foie, le cœur et les tissus endocrines. Les premiers symptômes sont observés entre 40 et 50 ans chez l’homme. Chez la femme, l’accumulation du fer est retardée par les menstruations et la maladie ne devient généralement patente qu’après la ménopause. Les facteurs de variabilité de l’expression de la maladie sont, outre le sexe, les facteurs génétiques, qui conditionnent le degré de surcharge en fer, et les facteurs d’environnement (rôle aggravant d’une hépatopathie préexistante ou d’un alcoolisme chronique associé). La pénétrance clinique de l’homozygotie C282Y étant très faible, un pourcentage élevé de patients n’aura aucune expression phénotypique de la maladie. En pratique, il est impossible de prédire quels sujets homozygotes pour la mutation C282Y évolueront vers une hémochromatose symptomatique.
Dans sa forme historique, symptomatique, le tableau clinique de l’hémochromatose associe une mélanodermie diffuse (fig. 8.2), un diabète sucré, une hépatomégalie (ou « cirrhose bronzée » avec diabète), une cardiomyopathie, des arthralgies et d’autres endocrinopathies (tableau 8.2).À l’heure actuelle, le diagnostic est le plus souvent effectué à un stade plus précoce voire pré-symptomatique; l’enjeu est alors d’éviter la survenue des complications. En effet, en l’absence de cirrhose ou de diabète, la maladie n’entraîne pas de réduction significative de l’espérance de vie. La fréquence respective des signes et symptômes présents au moment du diagnostic clinique est donnée dans le tableau 8.2. L’association d’une asthénie inexpliquée, d’arthralgies et d’une élévation des aminotransférases ALAT est considérée comme évocatrice – c’est la règle des trois « A ».
Atteinte hépatique
Une élévation modérée des enzymes hépatiques, prédominant sur les ALAT, et/ou une hépato-mégalle sont observées chez 95 % des patients symptomatiques. L’évolution vers une cirrhose et ses complications explique 90 % des décès dus à l’hémochromatose. Les patients cirrho-tiques porteurs d’une hémochromatose ont un risque de carcinome hépatocellulaire de 5 % par an.
B Atteinte cardiaque
L’hémochromatose s’accompagne d’un risque de cardiopathie dilatée.Atteinte endocrinienne
1 Diabète (+++)
L’hémochromatose peut être responsable d’un diabète. Le risque de diabète est d’autant plus important que le patient a déjà une atteinte hépatique. Le mécanisme principal est une accumulation pancréatique du fer, conduisant à des phénomènes oxydatifs et favorisant la survenue d’une apoptose des cellules p des îlots de Langerhans, les cellules a responsables de la sécrétion de glucagon restant normales, comme la sécrétion exocrine. Il s’agit donc essentiellement d’un diabète lié à une insulinopénie ; mais la surcharge en fer pourrait également être responsable d’une insulinorésistance. Une fois déclaré, le diabète évolue en effet pour son propre compte; il n’y a généralement pas de régression avec la déplétion martiale.
2 Hypogonadisme hypogonadotrope (+++)
C’est la cause la plus fréquente d’endocrinopathie au cours de l’hémochromatose, en dehors du diabète. L’hypogonadisme peut se révéler par une impuissance chez l’homme, une aménorrhée chez la femme, une perte de la libido ou une ostéoporose. Il s’agit d’une insuffisance gonadotrope liée à une accumulation de fer dans l’hypophyse touchant préférentiellement les cellules gonadotropes. Les saignées ne permettent pas d’obtenir une récupération.
D Atteinte articulaire
L’arthropathie est fréquente, survenant chez un tiers à deux tiers des patients. L’atteinte la plus caractéristique est une arthrite chronique touchant les deuxième et troisième métacarpo-phalangiennes, responsable d’une « poignée de main douloureuse ». Les interphalangiennes proximales, les poignets, les genoux, les chevilles, les épaules et les hanches peuvent aussi être affectés. Le mécanisme en est mal connu.
L’hémochromatose est une cause importante de chondrocalcinose (+++).
E Atteinte cutanée
La mélanodermie (voir fig. 8.2) survient tardivement au cours de l’évolution, conduisant à une coloration grisâtre ou brune des téguments, parfois limitée aux zones découvertes (visage, cou, dos des mains, avant-bras, partie inférieure des jambes) et aux parties génitales. Elle est souvent visible sur la muqueuse buccale.
Diagnostic de l’hémochromatose
La découverte du gène HFE a profondément modifié la stratégie diagnostique. Il faut cependant se rappeler que la mutation C282Y à l’état homozygote n’est pas suffisante pour produire la maladie. On doit différencier deux situations :
*la suspicion d’hémochromatose devant des manifestations cliniques ou paracliniques;
*le dépistage familial chez un patient asymptomatique apparenté au premier degré à un sujet génétiquement atteint.
A Suspicion d’hémochromatose
La stratégie diagnostique est schématisée sur la figure 8.3.Première étape
La première étape consiste à affirmer biochimiquement l’anomalie du métabolisme du fer. Il faut mesurer le coefficient de saturation de la transferrine (CS-Tf), qui constitue le marqueur le plus sensible et spécifique de la maladie (+++) pour un seuil fixé à 45 %.
Le dosage de la concentration plasmatique de la ferritine permet d’estimer les réserves en fer de l’organisme. Une valeur supérieure à 300 µg/l chez l’homme et à 200 µg/l chez la femme est en faveur d’une surcharge en fer, mais de fausses augmentations sont observées au cours des pathologies inflammatoires. Par ailleurs, au cours de l’hémochromatose, la ferritinémie n’augmente que tardivement lorsque survient la surcharge hépatique en fer. Son dosage permet d’apprécier le stade évolutif de la maladie (+++).
CS-Tf supérieur à 45 %
À cette condition, la suspicion d’hémochromatose primitive est forte. L’élévation de la ferritinémie renforce cette présomption, mais sa normalité n’élimine pas le diagnostic (+++).
CS-Tf inférieur à 45 %
À cette condition, l’hémochromatose primitive peut être éliminée. La constatation fréquente d’une ferritinémie élevée associée à un CS-Tf bas doit faire évoquer une autre cause de surcharge en fer (voir tableau 8.1), en particulier l’hépatosidérose dysmétabolique, ou MASH (metabolic dysfunction-associated steatohepatitis), observée au cours des syndromes d’insulinorésistance, associant une élévation des ALAT, des yGT et de la ferritinémie à un foie stéatosique à l’échographie. Il s’agit d’une cause fréquente de surcharge en fer, susceptible d’évolution vers la fibrose et la cirrhose hépatiques.
Les autres causes sont exceptionnelles, représentées par l’acéruléoplasminémie héréditaire, associant diabète, surcharge hépatique en fer et signes neurologiques (syndrome extrapyramidal, ataxie, démence).
2 Deuxième étape
La deuxième étape consiste à rechercher une mutation C282Y ou H63D du gène HFE, par analyse génétique, après consentement écrit du patient.
Patient homozygote C282Y ou hétérozygote compositeLorsque la ferritinémie est élevée, il existe un risque de retentissement viscéral et métabolique.
Il est indispensable de pratiquer des examens complémentaires : glycémie à jeun, dosage des transaminases, échographie abdominale, ECG et, en fonction du contexte clinique, radiographies articulaires, échographie cardiaque, bilan hormonal avec dosage de testostérone chez l’homme, ostéodensitométrie osseuse s’il existe des cofacteurs d’ostéoporose.
En fonction des résultats, il est nécessaire de confier le patient à un spécialiste. Le recours au spécialiste est systématique si la ferritine est supérieure à 1 000 µg/l, pour discuter la réalisation d’examens complémentaires (mesure de la surcharge hépatique en fer par IRM quantitative). La ponction-biopsie hépatique (voir encadré) n’est pratiquée qu’en cas de suspicion de fibrose et pour rechercher des signes de gravité (cirrhose, carcinome hépatocellulaire).
Patient hétérozygote simplex ou absence de mutation
Si la recherche de mutation est négative ou si le patient est hétérozygote simplex pour C282Y ou H63D, il faut être très critique vis-à-vis du diagnostic d’hémochromatose.
Il faut se souvenir qu’une élévation du CS-Tf n’est pas totalement spécifique de l’hémochromatose (tableau 8.4). Il faut donc toujours confronter les données clinicobiologiques.
Tableau 8.4
Causes d’élévation du coefficient de saturation de la transferrine (CS-Tf).
–hemochromatoses génétiques ou primitives
–Supplémentations martiales excessives
–Anémies hémolytiques
–Dysérythropoïèses
–Cytolyses majeures (hépatite C)
–Insuffisances hépatocellulaires
–Surcharges en fer secondaires
(Source : CEEDMM, 2021.)
Si le contexte est très évocateur et qu’il existe une élévation persistante de la ferritinémie, on évoquera une autre forme d’hémochromatose héréditaire (hémochromatose juvénile, mutation du gène du récepteur de la transferrine; voir tableau 8.2), à rechercher par des tests génétiques de seconde intention. En pareil cas, on propose le plus souvent une ponction-biopsie hépatique qui peut donner des arguments en faveur d’une probable hémochromatose héréditaire (index de surcharge ferrique, distribution hépatocytaire du fer).
Place de la biopsie hépatique
La biopsie hépatique, autrefois couramment utilisée pour le diagnostic, n’est donc utilisée actuellement que :
*soit à visée diagnostique, en cas d’anomalie ferrique avec enquête génétique négative;
*soit à visée pronostique, en cas de suspicion d’atteinte hépatique sévère.Prise en charge thérapeutique
La prise en charge est conditionnée par le stade de la maladie (voir tableau 8.5). Ses objectifs sont à la fois d’éliminer l’excès de fer (traitement d’induction ou d’attaque) et d’éviter la reconstitution des stocks de fer (traitement d’entretien) (tableau 8.6).Moyens thérapeutiques
1 Saignées
Les saignées constituent le traitement de référence. Elles ont démontré leur efficacité sur la survie des patients et la régression d’un certain nombre de complications liées à la surcharge martiale (tableau 8.7). De plus, elles permettent d’éviter l’installation de complications irréversibles, si l’observance est satisfaisante.
Tableau 8.7
Bénéfices attendus des saignées.
Asthénie Amélioration importante
Mélanodermie Disparition
Perturbations du bilan hépatique Normalisation
Hépatomégalie Résolution habituelle
Hépatalgies Disparition, sauf pathologie hépatobiliaire
Cirrhose Irréversible
Cardiomyopathie Amélioration partielle, non certaine
Arthralgies Amélioration partielle
Hypogonadisme Peu réversible
Diabète En général irréversibleLes contre-indications permanentes à la réalisation des saignées sont l’anémie sidéroblastique, la thalassémie majeure et les cardiopathies sévères non liées à l’hémochromatose.
Les contre-indications temporaires sont :
*l’hypotension artérielle (PAS < 100 mmHg);
*une concentration d’hémoglobine < 11 g/dl;
*la grossesse;
*une artériopathie sévère des membres inférieurs;
*une fréquence cardiaque < 50/min ou > 100/min.
Lorsque le réseau veineux insuffisant ne permet pas la réalisation des saignées, on peut avoir recours à l’érythraphérèse ou au traitement chélateur.
2 Autres traitements
Érythraphérèse
L’érythraphérèse permet, à l’aide d’un séparateur de cellules, de soustraire en une seule fois un volume plus important d’hématies que les saignées.Mesures associées
L’approche thérapeutique doit également comporter :
*des conseils diététiques visant à supprimer les boissons alcoolisées, notamment tant que la désaturation n’est pas obtenue, et à éviter l’apport en vitamine C qui favorise l’absorption du fer; en revanche, un régime pauvre en fer n’est pas indiqué;
*le traitement symptomatique des complications viscérales et métaboliques, lorsqu’elles sont présentes. Leur prise en charge n’est pas différente de celle des mêmes pathologies survenant chez des patients ne présentant pas d’hémochromatose.
En cas de diabète, la surveillance sur le taux de l’hémoglobine glyquée est faussée du fait des saignées (+++).Traitement d’induction
Au cours du traitement d’induction, le rythme des saignées est hebdomadaire; il peut être adapté au niveau de la ferritinémie et à la tolérance du patient. Le traitement d’induction doit être poursuivi jusqu’à ce que la ferritinémie soit inférieure à 50 µg/l. Le volume de sang prélevé varie avec le poids du sujet et ne doit pas dépasser 550 ml. La surveillance régulière vise surtout à contrôler l’évolution de la réduction de la surcharge martiale et à éviter la survenue d’une anémie.
2 Traitement d’entretien
Lorsque la ferritinémie est inférieure à 50 µg/l, on passe au traitement d’entretien, dont l’objectif est de maintenir la ferritine au même taux, en espaçant les saignées tous les 2 à 4 mois en fonction des patients.
C Résultats
La déplétion martiale entraîne une amélioration de l’état général, en 3 à 6 mois, avec atténuation de la mélanodermie, régression de l’hépatomégalie en l’absence de cirrhose et amélioration de l’état myocardique, mais elle entraîne peu de changement de l’état articulaire (voir tableau 8.7).
En cas de cirrhose évoluée, une transplantation hépatique peut être envisagée, mais le résultat de la transplantation est moins bon dans cette indication, du fait notamment des complications cardiaques.
Le diabète ne disparaît pas avec la déplétion martiale, qui facilite cependant son équilibration.
On observe une mauvaise réponse de l’insuffisance gonadique, qui doit être compensée par un traitement hormonal substitutif en l’absence de contre-indication.
Points clés
- La physiopathologie de l’hémochromatose a été éclaircie par la découverte de l’hepcidine, nouveau régulateur du métabolisme du fer. Néanmoins, de nombreuses inconnues persistent encore.
- La suspicion diagnostique existe dès que le coefficient de saturation de la transferrine (CS-Tf) est inférieur à 45 %.
- La forme génétique la plus fréquente est due à la mutation homozygote C282Y du gène HFE.
*La recherche de complications est systématique dès que la ferritine est élevée.
*Le traitement par saignées dès que la ferritine est élevée a pour but d’éviter les complications.
*Les principales complications sont le diabète, la cirrhose et le cancer du foie, l’hypogonadisme, les atteintes articulaires.
*Le dépistage génétique a radicalement modifié la stratégie diagnostique.
Définitions
A Notion de facteur de risque
II s’agit d’une situation associée à une majoration du risque de survenue de complications cardiovasculaires ischémiques. Il peut s’agir :
*d’un état physiologique (vieillissement, ménopause);
*d’un état pathologique (hypertension artérielle [HTA], diabète, obésité abdominale);
*d’une habitude de vie (tabagisme, sédentarité).
S’il existe un lien de causalité directe entre l’agent et la maladie, il s’agit d’un authentique « facteur de risque ».
Pour que le facteur de risque soit cliniquement pertinent, il doit satisfaire plusieurs conditions :
*intensité de la relation;
*gradient de risque élevé pour chaque écart type de variation du facteur;
*relation dose-effet : le risque de développer la maladie augmente proportionnellement selon le niveau d’exposition au facteur de risque;
*indépendance : l’association entre le facteur de risque et la maladie persiste quel que soit le niveau des autres facteurs de risque – la relation persiste en analyse multivariée;
*concordance : association établie par plusieurs études épidémiologiques convergentes;
*séquence temporelle : l’exposition au facteur de risque précède la maladie;
*cohérence physiopathologique : caractère plausible de l’association sur des données expérimentales;
*réversibilité : la correction du facteur de risque lors d’études contrôlées permet de prévenir la maladie ou d’en réduire l’incidence; cette démonstration essentielle établit formellement la preuve de la causalité.
Prévention primaire et secondaire
1 Prévention primaire
La prévention primaire consiste à éviter la survenue ultérieure d’un événement cardiovasculaire en corrigeant les facteurs de risque identifiés chez des patients indemnes de tout événement cardiovasculaire.
2 Prévention secondaire
La prévention secondaire consiste à éviter la survenue d’un événement cardiovasculaire chez des patients ayant déjà présenté un événement cardiovasculaire en corrigeant les facteurs de risque identifiés et en agissant sur la maladie cardiovasculaire constituée.
La notion de prévention secondaire et primaire est complétée par le classement des patients en fonction du risque cardiovasculaire (voir plus loin).
Les patients en prévention secondaire sont par définition à haut risque cardiovasculaire ou à très haut risque dans les nouvelles recommandations européennes. Il existe des situations où les patients sont à haut risque, mais en prévention primaire; c’est le cas par exemple des patients qui ont une sténose de la carotide supérieure à 50 % ou un cumul de facteur de risque exceptionnel.
Facteurs de risque à prendre en compte
Les facteurs de risque cardiovasculaire modifiables et non modifiables sont représentés dans la figure 9.1 (Afssaps, 2005).Facteurs de risque non modifiables
Ces facteurs doivent être pris en considération car ils déterminent puissamment le niveau de risque absolu et donc l’amplitude du bénéfice absolu après une intervention :
*homme âgé de 50 ans ou plus;
*femme âgée de 60 ans ou plus ou ménopausée;
*antécédents familiaux de maladie coronarienne précoce :
–infarctus du myocarde ou mort subite avant l’âge de 55 ans chez le père ou le frère;
–infarctus du myocarde ou mort subite avant l’âge de 65 ans chez la mère ou la sœur.
B Facteurs de risque modifiables
Leur identification participe à l’estimation du risque et ce sont eux qui constituent la cible des actions de prévention :
*tabagisme (actuel dès 1 cigarette par jour ou sevré depuis moins de 3 ans);
*hypercholestérolémie avec LDL-cholestérol (LDL-c) élevé;
*HDL-cholestérol (HDLc) inférieur à 0,40 g/l (1 mmol/l), quel que soit le sexe;
*HTA;
*diabète, traité ou non, et syndrome métabolique (voir plus loin);
*insuffisance rénale chronique.
À l’inverse, le HDLc supérieur ou égal à 0,60 g/l (1,5 mmol/l) constitue un facteur de protection : soustraire alors « un risque » à la somme des facteurs de risque cardiovasculaire.
Méthodes d’estimation du risque vasculaire individuel
1 Concept
L’estimation du risque vasculaire d’un sujet consiste à recenser l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire – ils ont un caractère multiplicatif – et à déduire ainsi la probabilité de survenue d’une complication ischémique. Les facteurs de risque ont un effet synergique sur le niveau de risque.
L’estimation du risque peut être quantitative, exprimée en probabilité de présenter une complication ischémique en 10 ans, en employant des équations multifactorielles. Le principe de ces équations est d’éliminer les facteurs redondants. De nombreuses équations sont utilisables. L’équation la plus connue est celle tirée de l’étude de Framingham (États-Unis), pour laquelle des modèles récents ont été proposés. Cette équation a tendance à surestimer le risque dans les pays à bas risque.
Les équations européennes SCORE2 (Systematic COronary Risk Evaluation 2 ; valable de 40 à 69 ans) et SCORE2-OP (SCORE-Old People ; valable à partir de 70 ans) évaluent le risque de survenue à 10 ans d’une ischémie coronarienne ou d’un accident vasculaire cérébral (AVC), mortels ou non mortels, en prévention primaire cardiovasculaire (fig. 9.2). Elles prennent en compte le niveau de risque cardiovasculaire du pays concerné. Ce sont ces équations qui ont été retenues en France pour classifier le risque cardiovasculaire.
2 Estimation du risque en pratique
Interrogatoire
L’interrogatoire consiste à :
*recueillir des antécédents familiaux cardiovasculaires;
*rechercher des antécédents personnels ischémiques ou des signes fonctionnels évocateurs tels qu’angor, artériopathie des membres inférieurs (AOMI), accident ischémique transitoire (AIT);
*recueillir des facteurs de risque cardiovasculaire.
Examen
L’examen consiste à :
*rechercher un athérome asymptomatique : pouls périphérique, souffles vasculaires;
*rechercher un athérome infraclinique :
–ECG basal : recherche de troubles de repolarisation, de séquelles de nécrose, d’hypertrophie ventriculaire gauche électrique;
–échographie de la carotide : la mesure de l’épaisseur intima-média de la carotide et la recherche systématique de plaques ne sont pas recommandées en pratique courante dans la stratification du risque.
3 Estimation du risque absolu (défini par la probabilité de présenter la maladie dans un laps de temps donné)
L’estimation repose sur l’utilisation d’équations ou de tables, ou la simple sommation des facteurs de risque cardiovasculaire :
*un risque d’événement voisin de 10 % à un horizon de 10 ans est considéré comme faible;
*un risque supérieur à 20 % est considéré comme important – c’est le niveau de risque coronarien observé dans les suites d’un infarctus du myocarde;
*un risque entre 10 % et 20 % est considéré comme intermédiaire;
*un risque supérieur à 30 % est un risque majeur.
Lors de l’estimation du risque, il faut prendre en compte le risque coronarien et le risque d’AVC (un tiers du risque coronaire), le poids relatif de ce dernier s’accentuant avec le vieillissement.
II Tabac
A Prévalence du tabagisme en France
En 2021, 24,5 % des adultes âgés de 18 à 75 ans fument quotidiennement. La prévalence diminue avec le niveau d’étude et le niveau de revenus. Chez les femmes enceintes, 18 % fument toujours au troisième trimestre de grossesse.
B Risque cardiovasculaire et tabac
Parmi les fumeurs ayant débuté à l’adolescence et poursuivant leur intoxication, 50 % mourront du fait de complications directement liées au tabagisme. La relation dose-effet (complications ischémiques) est continue et se manifeste dès la première cigarette quotidienne dans les études épidémiologiques puissantes. Même le tabagisme passif accroît le risque de complication vasculaire ischémique.
La diminution du risque ischémique après sevrage est rapide : abaissement des deux tiers du surcroît de risque à l’issue de la première année et retour presque au risque de base après la troisième année de sevrage. Le tabagisme agit surtout par son mécanisme prothrombotique, ce qui explique l’effet nocif précoce et le bénéfice rapide lors du sevrage.
Le tabac prédispose plus particulièrement au risque de maladie coronarienne et d’AOMI :
*risque relatif (RR) = 3 de maladie coronarienne chez les fumeurs (> 20 cigarettes par jour) par rapport aux non-fumeurs;
*RR = 5 d’infarctus du myocarde et de mort subite chez les grands fumeurs inhalant la fumée;
*RR = 2 à 7 d’AOMI selon les études et l’intensité de la consommation;
*RR = 1,5 à 2 d’AVC.
La poursuite du tabagisme après l’apparition de la maladie aggrave fortement le pronostic : dans le cas de la maladie coronarienne avérée, le risque de décès ou la nécessité d’une intervention itérative sont multipliés par un facteur 1,5 à 2,5 en cas de tabagisme persistant.
L’association tabagisme et contraception œstroprogestative comporte une nocivité particulière par majoration du risque thrombo-embolique.
Hyperlipidémies
A Rappel succinct sur le métabolisme lipidique
On décrit plusieurs lipoprotéines, qui sont des particules en charge du transport des lipides dans le plasma :
*les chylomicrons, synthétisés dans la cellule intestinale, qui transportent les lipides d’origine alimentaire;
*les VLDL (very low density lipoproteins), synthétisées dans le foie, contenant du cholestérol et des triglycérides; ceux-ci sont hydrolysés dans la circulation en IDL (intermediate density lipoproteins) puis en LDL (low density lipoproteins) ;
*les LDL sont captées au niveau des cellules périphériques et hépatiques par un récepteur spécifique, le LDL-récepteur qui est, entre autres, sous le contrôle de la proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9 (PCSK9);
*les HDL (high density lipoproteins), produites par le foie, qui jouent un rôle essentiel dans la captation du cholestérol dans les tissus périphériques pour le rapporter au foie en vue de sa dégradation (voie de retour du cholestérol).
Parmi, les enzymes clés du métabolisme lipidique, citons la lipoprotéine lipase, qui est en charge de la dégradation des triglycérides au sein des chylomicrons et des VLDL.
B Relations
La morbimortalité cardiovasculaire est associée à :
*une augmentation du LDL-cholestérol (LDLc);
*une augmentation des triglycérides (TG);
*une diminution du HDL-cholestérol (HDLc).
L’hypertriglycéridémie constitue un facteur de risque cardiovasculaire moins puissant que l’augmentation du LDLc. L’hypertriglycéridémie alliée à un taux de HDLc diminué est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire (dans le cadre du syndrome métabolique).
La diminution du HDLc est un marqueur de risque indépendant puissant; en revanche, des données récentes suggèrent que ce ne serait pas un facteur de risque indépendant. On insiste de plus en plus sur la fonctionnalité des HDL, qui peut être altérée dans certaines situations cliniques (diabète par exemple). Le dosage du HDLc demeure utile en prédiction cardiovasculaire; en revanche, normaliser sa concentration ne constitue plus une cible.
Les facteurs de risque cardiovasculaire favorisent l’athérosclérose, dont les conséquences sont la sténose artérielle ischémique chronique (angor d’effort, claudication intermittente, etc.) et les pathologies vasculaires aiguës par rupture de la plaque d’athérome (syndrome coronaire aigu, AVC ischémique, ischémie aiguë d’un membre inférieur, etc.) (voir Item 218). La physiopathologie de l’athérosclérose est complexe et ne rentre pas dans le cadre de ce chapitre. En résumé, HTA, tabagisme, diabète et dyslipidémies induisent des dysfonctions endothéliales et le dépôt des lipoprotéines athérogènes (principalement les LDL). Le temps de séjour allongé et l’environnement inflammatoire local provoquent l’oxydation des LDL dans la paroi artérielle, qui ne sont alors plus reconnues par le récepteur LDL-R. L’hypothèse physiopathologique majeure implique le recrutement de macrophages (entre autres types cellulaires) au niveau de la plaque naissante, qui, via des récepteurs de type SR-A, internalisent les LDL oxydées et se transforment en cellules spumeuses (chargées de gouttelettes cytoplasmiques d’esters de cholestérol), marqueur histologique des plaques d’athérome
C Diagnostic positif d’une hyperlipidémie
1 Signes évocateurs
Hypercholestérolémies
Parfois, des dépôts lipidiques banals sont observés :
*arc cornéen (valeur sémiologique avant 60 ans);
*xanthélasma (valeur sémiologique avant 60 ans)Plus rarement, des xanthomes sont retrouvés :
xanthomes tendineux :
extenseurs des doigts (fig. 9.4)tendons calcanéens (fig. 9.5);xanthomes plans cutanés, xanthomes tubéreux (uniquement les formes homozygotes) (fig. 9.6).Hypertriglycéridémies
Exceptionnellement, un syndrome hyperchylomicronémique peut être observé : hépatomégalie stéatosique, douleurs abdominales, xanthomatose éruptive, lipémie rétinienne (fig. 9.7).
2 Complications des hyperlipidémies
Hypercholestérolémies
Complications athéromateuses parfois révélatrices de l’hyperlipidémie : insuffisance coronaire (infarctus du myocarde), artériopathie des membres inférieurs, AVC.
Hypertriglycéridémies
Rarement, une pancréatite aiguë peut être observée, surtout lors des hyperchylomicronémies. Le risque est majoré selon la triglycéridémie : on considère classiquement que le risque se manifeste pour des triglycérides inférieurs à 10 g/l. Il dépend principalement des antécédents personnels et de l’intensité maximale des pics de triglycéridémie.
3 Bilan lipidique
Ce bilan est orienté dans le cadre :
*d’une enquête familiale devant une dyslipidémie chez un apparenté;
*d’une pathologie associée ou d’une prescription induisant une dyslipidémie secondaire;
*de la présence d’un ou de plusieurs facteurs de risque coexistants (estimation du risque cardiovasculaire absolu).
Ses modalités de réalisation sont les suivantes :
*il doit être effectué après 12 heures de jeûne;
*étant prescrit devant un facteur de risque cardiovasculaire ou une complication, il se doit d’être complet pour mieux stratifier le risque et il doit être répété en cas d’anomalies pour confirmation;
*si les anomalies lipidiques ne sont pas suffisamment importantes pour justifier un traitement, le bilan lipidique doit alors être contrôlé tous les 3 ans, sauf pour les diabétiques de type 2 chez qui il doit être vérifié annuellement;
*comme l’âge est un facteur de risque, il est logique que le bilan lipidique soit contrôlé systématiquement vers la cinquantaine chez les hommes et la soixantaine chez les femmes.
L’exploration d’une anomalie lipidique (EAL) comporte :
*une mention de l’aspect du sérum (les hypertriglycéridémies comportent systématiquement un aspect trouble du sérum);
*le dosage du cholestérol total, des triglycérides et du HDLc;
*le calcul du LDLc avec la formule de Friedewald (avec Ct correspondant au cholestérol total) :
–LDLc = Ct – HDLc – TG/5 (g/l) (formule utilisable si TG < 3,4 g/l);
–LDLc = Ct – HDLc – TG/2,19 (mmol/l) (formule utilisable si TG < 3,9 mmol/l).
Le calcul du LDLc est indispensable pour affirmer le caractère athérogène d’une hyperlipidémie. En cas de triglycérides supérieurs à 3,4 g/l (3,9 mmol/l), la formule de Friedewald n’est plus valide pour calculer le LDLc; il faut alors réaliser un dosage direct du LDLc.
Diagnostic étiologique d’une hyperlipidémie
1 Hyperlipidémies secondaires
Les hyperlipidémies secondaires s’améliorent avec un traitement à visée étiologique, sans employer d’hypolipémiants, ici inutiles voire dangereux dans certaines situations – par exemple risque d’effet secondaire musculaire sous statine lors de l’hypothyroïdie. Une hyperlipidémie peut se rencontrer dans les situations suivantes.
Endocrinopathies
Hypothyroïdie
C’est l’une des principales causes d’hyperlipidémie secondaire. Elle est caractérisée par une hypercholestérolémie avec augmentation du LDLc et aussi du HDLc.
Hypercortisolisme
L’hypercortisolisme s’accompagne d’une augmentation des triglycérides et d’une diminution du HDLc.
Maladies rénales
Insuffisance rénale
L’insuffisance rénale s’accompagne d’une augmentation des triglycérides.
Syndrome néphrotique
Ce syndrome est à l’origine d’une augmentation du cholestérol et des triglycérides.
Atteinte hépatique
Cholestase
Il est observé, lors d’une cholestase, une augmentation du cholestérol qui peut être importante.
Médicaments
Plusieurs médicaments peuvent occasionner des hyperlipidémies :
*la ciclosporine (hypercholestérolémie prépondérante avec interaction médicamenteuse prévisible sous statine);
*les corticoïdes (augmentation des triglycérides, effet sur le cholestérol variable);
*les œstrogènes par voie orale (éthinyl-œstradiol à dose contraceptive, hypertriglycéridémie avec HDLc conservé);
*les rétinoïdes (essentiellement sur un terrain prédisposé à une hyperlipidémie combinée familiale);
*l’interféron alpha;
*certains antirétroviraux : ils peuvent générer des hypertriglycéridémies majeures, le plus souvent chez des malades prédisposés;
*les neuroleptiques : certains de troisième génération (hypertriglycéridémie prépondérante);
*les diurétiques thiazidiques, les bêta-bloquants non sélectifs sans activité sympathomimé-tique intrinsèque (hypertriglycéridémie discrète);
*certains traitements anticancéreux : inhibiteurs mTOR qui peuvent entraîner une augmentation du cholestérol (LDLc) et des triglycérides.
ilan minimal d’identification d’une dyslipidémie secondaire
Les examens sont guidés par le contexte et la clinique : TSH, créatininémie, protéinurie, bandelette urinaire ± phosphatases alcalines.
À part, l’hyperlipidémie associée au diabète de type 2 et au syndrome métabolique
Il ne s’agit pas précisément d’une hyperlipidémie secondaire dans la mesure où la dyslipidémie observée au cours du diabète de type 2 ne régresse pas après normalisation de la glycémie. Cette dyslipidémie fréquente est associée à l’état d’insulinorésistance notée au cours du syndrome métabolique et du diabète de type 2.
Le syndrome métabolique, avec ou sans diabète de type 2, est très fréquent, observé dans 10 % à 25 % de la population adulte et témoigne d’un état d’insulinorésistance. Son diagnostic est retenu en cas de présence d’au moins trois des cinq facteurs suivants (critères NCEP/ ATP III) (tableau 9.1) :
Tableau 9.1
Définition du syndrome métabolique (critères NCEP III).
Facteur de risque Niveau seuil
Obésité abdominale
–Homme
–Femme
Tour de taille (+++)
>102 cm
> 88 cm
Triglycérides ≥ 1,5 g/l
HDL-cholestérol
–Homme
–Femme
< 0,4 g/l
< 0,5 g/l
Pression artérielle ≥ 130/85 mmHg
Glycémie à jeun ≥ 1,10 g/l
Le surpoids et l’obésité sont associés à l’insulinorésistance et au syndrome métabolique ; cependant, l’obésité androïde est mieux corrélée au syndrome métabolique que l’indice de masse corporelle (IMC) : la mesure du tour de taille est recommandée pour identifier le syndrome métabolique.
(Source : CEEDMM, 2021.)
*obésité androide : périmètre abdominal > 102 cm chez l’homme et > 88 cm chez la femme;
*triglycérides > 1,5 g/l;
*HDLc bas : < 0,40 g/l chez l’homme, < 0,50 g/l chez la femme;
*pression artérielle > 130/85 mmHg (ou HTA traitée);
*glycémie à jeun > 1,10 g/l.
Le syndrome métabolique est associé à un risque cardiovasculaire augmenté.
Hyperlipidémies primaires
Les hyperlipidémies primaires sont classifiées en :
*hypercholestérolémies isolées;
*hypertriglycéridémies isolées;
*hyperlipidémies mixtes.
Il existe, par ailleurs, une classification historique, la classification de Fredrickson, fondée sur le phénotype lipidique (fig. 9.8). Les classifications des hyperlipidémies primaires sont présentées sur le tableau 9.2.
Tableau 9.2
Classification des hyperlipoprotéinémies.
Classification simplifiée Classification de Fredrickson
Hypercholestérolémie pure
Hypercholestérolémie pure familiale (IIa)
Hypercholestérolémie pure polygénique (IIa)
Hypertriglycéridémie pure
Hyperchylomicronémie (I)
Hypertriglycéridémie familiale (IV)
Hyperlipidémie de type V (I + IV)
Hyperlipidémie mixte
Hyperlipidémie familiale combinée (IIb ou IIa ou IV)
Dysbêtalipoprotéinémie (III)Il faut savoir que, pour plusieurs hyperlipidémies, un même génotype peut, selon le contexte environnemental, correspondre à plusieurs phénotypes lipidiques. Le phénotype lipidique correspond donc à une situation instantanée qui ne permet pas nécessairement de préjuger du mécanisme physiopathologique sous-jacent.
Hypercholestérolémie isolée
Hypercholestérolémie pure familiale (type IIa)
Il s’agit d’une maladie familiale liée à une mutation monogénique. Il peut s’agir d’une mutation :
*du gène du récepteur des LDL (environ 80 %; mutation inactivatrice à transmission autosomique dominante);
*du gène de l’ApoB100 (5 % à 10 %; mutation inactivatrice);
*du gène PCSK9 (< 5 %; mutation gain de fonction).
L’hypercholestérolémie familiale peut se présenter sous la forme homozygote ou sous la forme hétérozygote.
Forme homozygote
Cette forme est rare : sa fréquence est de l’ordre d’un cas pour 500 000 (doubles hétérozygotes, homozygotes lorsque consanguinité). Caractéristiques inhérentes à cette forme :
*LDLc > 4 g/l (6 à 10 g/l);
*dépôts lipidiques dès l’enfance : xanthomatose cutanéotendineuse (xanthomes plans, tubéreux et tendineux majeurs);
*complications cardiovasculaires ischémiques dès la première décennie; en l’absence de traitement : décès vers l’âge de 20 ans;
*fréquence (+++) des rétrécissements aortiques athéromateux supravalvulaires.
Forme hétérozygote
Sous cette forme, 50 % des récepteurs sont fonctionnels; la prévalence atteint 0,2 % dans la population générale et 3 % parmi les individus ayant un infarctus du myocarde. Caractéristiques liées à la forme hétérozygote du gène du récepteur des LDL :
*LDLc compris entre 2 et 4 g/l (phénotype IIa);
*xanthomes tendineux présents dans 30 % des cas seulement;
*complications cardiovasculaires ischémiques précoces en l’absence d’hypocholestérolémiant efficace :
–chez l’homme : vers 40 à 50 ans;
–chez la femme : vers 50 à 60 ans.
En cas d’hypercholestérolémie familiale, il est important de faire un dépistage d’une hypercholestérolémie chez les apparentés au premier degré.
Hypercholestérolémies polygéniques (type IIa)
Caractéristiques de ces hypercholestérolémies :
*absence d’hérédité familiale mendélienne;
*physiopathologie inconnue;
*fréquence élevée : elle représente la majorité des hypercholestérolémies modérées;
*facteurs favorisants ou aggravants, tels que les erreurs de régime (riche en cholestérol et en graisses saturées);
*complications cardiovasculaires plus tardives que dans l’hypercholestérolémie familiale, puisque l’installation de l’hypercholestérolémie est survenue seulement vers la quarantaine.
Hypertriglycéridémie isolée
Hyperchylomicronémies primitives familiales
Les formes avec hyperchylomicronémie exclusive (type I) sont exceptionnelles. Cette hyperchylomicronémie est secondaire à une anomalie génétique responsable d’un déficit d’activité de la lipoprotéine lipase (enzyme responsable de la dégradation des chylomicrons et des VLDL).
Hypertriglycéridémie familiale
Les caractéristiques de ce type d’hyperlipidémie sont les suivantes :
*fréquence rare;
*transmission autosomique dominante;
*accumulation de VLDL endogène (type IV);
*dépendance au surpoids;
*pas de xanthomes;
*risque de décompensation sur un mode de syndrome hyperchylomicronémique (type V = type I (chylomicrons) + type IV [VLDL]);
*caractère athérogène débattu.
Hyperlipidémies combinées familiales
Ce sont les dyslipidémies les plus fréquentes : 1 % à 2 %> de la population générale; elles affectent 10 % des sujets présentant un infarctus avant 60 ans. Caractéristiques de ces hyperlipidémies :
*transmission héréditaire non mendélienne oligogénique;
*jamais de xanthomes;
*intrication avec un syndrome métabolique;
*révélation tardive à l’âge adulte, mais d’autant plus précocement qu’il existe une obésité;
*phénotypes lipidiques variables dans la même famille et fluctuant chez un même individu au fil du temps, type IIb principalement (augmentation du LDLc et des triglycérides), mais aussi type IIa (augmentation isolée du LDLc) ou type IV (augmentation isolée des triglycérides);
*derrière cette hétérogénéité phénotypique, un trait commun des hyperlipidémies combinées est l’augmentation d’une sous-classe particulière de LDL, dites LDL petites et denses (small dense LDL) ; leur synthèse est favorisée par l’hypertriglycéridémie et leur pouvoir athérogène est élevé; les LDL petites et denses sont retrouvées également dans le syndrome métabolique et le diabète de type 2 et rendraient compte, pour partie, de l’augmentation du risque cardiovasculaire associé à ces deux pathologies; l’analyse des sous-classes de LDL n’est toutefois pas encore possible en pratique courante;
*complications cardiovasculaires fonction de l’intensité de la dyslipidémie.
Les différents phénotypes lipidiques peuvent être rencontrés chez un même sujet au fil du temps et, simultanément, chez au moins un apparenté au premier degré.
Dysbêtalipoprotéinémie (type III)
Hyperlipidémie combinée rare, caractérisée par une élévation harmonieuse de la cholestérolémie et de la triglycéridémie.
Hypertension artérielle et risque cardiovasculaire
A Définition
Pression artérielle systolique ≥ 140 mmHg et/ou pression artérielle diastolique > 90 mmHg confirmée au minimum par deux mesures lors de trois consultations successives sur une période de 3 à 6 mois.
Les techniques de mesure sont, d’une part, l’automesure tensionnelle et, d’autre part, la MAPA (mesure automatisée de la pression artérielle). Sa valeur pronostique apparaît supérieure à celle de la mesure effectuée au cabinet médical. Elle permet de s’affranchir de l’HTA « blouse blanche ». Les seuils sont décalés :
*de 5 mmHg en automesures isolées : 135/85 mmHg ;
*de 10 mmHg en MAPA moyennée sur 24 heures : 130/80 mmHg.
B Prévalence et risque cardiovasculaire
L’HTA affecte 40 % de la population adulte. Sa probabilité de survenue est d’autant plus élevée qu’il existe un syndrome métabolique sous-jacent (voir tableau 9.2).
Le lien entre niveau tensionnel et risque cardiovasculaire est continu : il n’y a pas de seuil individualisé en dessous duquel le risque peut être considéré comme nul. La relation entre pression artérielle et risque cérébral est beaucoup plus étroite que la relation entre pression artérielle et risque coronarien. À niveau tensionnel égal, l’HTA est grevée d’un pronostic d’autant plus péjoratif qu’elle s’associe à :
*une hypertrophie ventriculaire gauche (électrique, échographique);
*une glomérulopathie, attestée par une élévation de la microalbuminurie avant le stade de l’insuffisance rénale chronique (IRC).
C Bilan diagnostique étiologique et évolutif face à une HTA
(Voir Item 224, chapitre 10.)
*Un examen clinique, avec recherche de facteurs provoquant ou aggravant une HTA.
*Un bilan biologique comportant ionogramme sanguin, créatininémie avec débit de filtration glomérulaire estimé, glycémie à jeun, bilan lipidique et protéinurie – la recherche de la microalbuminurie n’est recommandée que chez le sujet diabétique.
*Un électrocardiogramme de repos.
VI Diabète et risque cardiovasculaire
Le risque relatif de complications coronariennes ischémiques est plus élevé chez la femme (RR = 3-4) que chez l’homme (RR = 2-3).
Le risque relatif d’AOMI (avec des formes généralement infrapoplitées) est particulièrement élevé lors du diabète : RR = 5.
L’augmentation du risque relatif d’AVC (RR = 2-3) correspond en grande partie à une fréquence accrue de lacunes (atteintes des petites artères perforantes) en lien étroit avec l’HTA.
Dans le diabète de type 1, le risque n’apparaît qu’après 15 à 20 ans d’évolution et essentiellement lorsqu’il existe une atteinte rénale concomitante avec protéinurie.
Dans le diabète de type 2, la maladie coronarienne peut précéder fréquemment l’émergence du diabète proprement dit, du fait du long passé de syndrome métabolique.
L’ancienneté du diabète favorise la survenue de manifestations coronariennes ischémiques, dont certaines cliniquement silencieuses. Puisque l’insuffisance coronarienne est plus souvent silencieuse chez les sujets diabétiques (RR de coronaropathie sans douleur typique 2 fois plus élevé), les sujets diabétiques à très haut risque cardiovasculaire sont soumis à des tests de dépistage (+++). Ce dépistage n’est pas systématique, car il n’a pas été établi qu’il débouchait sur un bénéfice cardiovasculaire; il est réalisé seulement chez les malades ayant une très forte probabilité de lésion coronaire.
L’intensité du risque demeure fonction du nombre de facteurs de risque surajoutés, de leur ancienneté et de leur intensité. Ainsi, le niveau de risque cardiovasculaire est moins prononcé s’il n’y a pas de syndrome métabolique associé. La survenue d’une néphropathie avérée avec IRC évoluée ou protéinurie correspond à un risque cardiovasculaire élevé.
Il n’existe pas de valeur seuil de la glycémie conditionnant le risque de complications macrovas-culaires. L’hyperglycémie en elle-même est un facteur de risque cardiovasculaire de complication macrovasculaire bien moins puissant que pour le risque de complication microvasculaire. Il est établi qu’un contrôle glycémique strict permet de réduire le risque cardiovasculaire dans le diabète de type 1; la preuve est moins formelle dans le diabète de type 2. En revanche, l’HTA majore puissamment le risque d’AVC
ise en charge du risque cardiovasculaire
A Principes généraux
1 Concepts
On ne traite pas un bilan lipidique ou des mesures manométriques, mais une personne ayant un risque de complication ischémique.
L’efficience du traitement est donc fonction du niveau de risque absolu de chaque individu. Une maladie métabolique chronique implique un traitement chronique, d’autant plus que le risque cardiovasculaire s’accroît en vieillissant.
La découverte d’une pathologie métabolique majorant le risque cardiovasculaire, telle que le diabète ou une dyslipidémie, justifie un dépistage familial (+++).
La mise en route d’un traitement de prévention cardiovasculaire au long cours doit comporter un temps d’information permettant une prise de conscience des enjeux, de la rentabilité du traitement et de la balance bénéfices/risques.
En situation de risque intermédiaire et d’hésitation sur la mise en route d’un traitement au long cours, il peut être utile de s’appuyer alors sur une recherche d’athérome infraclinique prématuré.
Certains médicaments sont pourvoyeurs d’effets secondaires dont certains potentiellement dangereux (par exemple un risque hémorragique sous antiagrégants); le rapport bénéfice/ risque et le coût doivent être pris en compte et pas seulement le bénéfice potentiel.
2 Stratégie
Les mesures diététiques sont systématiques en prévention secondaire et primaire.
L’obtention d’un sevrage du tabac est une mesure majeure.
La mise en œuvre des mesures non médicamenteuses ne doit pas retarder l’initiation d’un traitement pharmacologique chez les patients dont le risque cardiovasculaire est élevé.
L’efficacité, la tolérance et l’observance des traitements doivent être surveillées. Le rapport bénéfice/risque doit être réévalué au décours de l’évolution au long cours du malade.
B Sevrage du tabac
En dehors d’épisodes de dépression caractérisée, lors desquels le sevrage du tabac ne doit être envisagé qu’après stabilisation de l’état neuropsychique, le conseil minimal d’aide à l’arrêt du tabac s’adresse à tous les patients. La dépendance à la nicotine doit être évaluée lors d’un projet de sevrage; une aide au sevrage par substituts nicotiniques est recommandée.
C Activité physique
L’activité physique exerce des effets métaboliques sur :
*le développement de la masse musculaire et la réduction de la masse grasse, induisant :
–une réduction de l’insulinorésistance;
–une diminution particulière de la triglycéridémie et une augmentation du HDLc;
*le système cardiovasculaire avec :
–une diminution de la pression artérielle au repos;
–un allongement du périmètre de marche pour les AOMI;
–un meilleur pronostic des complications coronariennes ischémiques, probablement via des mécanismes de préconditionnement.
Sa préconisation est systématiquement associée aux mesures diététiques, car elle potentialise l’efficacité de ces dernières.
La prescription doit être adaptée à chaque individu et à ses capacités; en cas de très haut risque, il est prudent de vérifier auparavant l’épreuve d’effort.
Il faut préconiser, dans la mesure du possible, une activité régulière sous forme de cinq séances hebdomadaires de 30 minutes, d’intensité modérée à élevée (50 % à 70 % de la VO2 maximale – consommation d’oxygène). Si cet optimum ne peut pas être obtenu, une activité physique moindre est néanmoins justifiée.
D Diététique
1 Mesures lipidiques globales
La liste des mesures préconisées est la suivante :
*avoir un apport quotidien en graisses alimentaires < 35 % de l’apport calorique total;
*réduire les acides gras saturés (< 8-10 %) et maintenir les apports d’acide gras trans aussi bas que possible;
*privilégier l’apport des graisses mono-insaturées (15 %);
*encourager la consommation d’acides gras n-3 à longues chaînes (poissons gras, noix, aliments enrichis en oméga 3);
*limiter la dose quotidienne de cholestérol (< 300 mg par jour);
*la consommation de fruits et légumes sera encouragée (en raison de leur effet antioxydant).
2 Mesures non lipidiques
Ces mesures, qui portent également sur l’HTA, sont les suivantes :
*favoriser l’apport de fruits et légumes (riches en antioxydants et en fibres);
*la consommation régulière de noix, noisettes, amandes a montré un bénéfice cardiovasculaire lors d’un essai d’intervention randomisé;
*modérer l’apport sodé (< 5 g par jour) : éviter les excès de charcuterie, conserves, plats préparés, poissons fumés, fruits de mer; ne pas resaler les plats;
*limiter la consommation d’alcool à moins de trois équivalents verres de vin par jour et ne pas la proscrire, sauf en cas de dépendance;
*modérer les apports en sucres simples, en particulier le fructose;
*encourager une réduction pondérale, même limitée, en réduisant l’apport calorique de 20 % en cas de surpoids ou de syndrome métabolique.
Mesures diététiques propres aux hypertriglycéridémies
Hypertriglycéridémies modérées
Insister sur la réduction du surpoids, avec apports caloriques équilibrés modérément hypo-caloriques (– 20 %) (+++) et la majoration concomitante de l’activité physique. Procéder à un test d’éviction de l’alcool et des sucres simples, selon la règle suivante :
*suspension de la consommation d’alcool pendant une semaine;
*réduction des apports glucidiques :
–< 45 % du total calorique;
–en particulier des sucres simples (fructose et monosaccharide particulièrement hypertriglycéridémiants).
Hypertriglycéridémies majeures (hyperchylomicronémies)
Dans ces formes rares, une prise en charge par une équipe spécialisée est recommandée. En complément des mesures diététiques habituelles des hypertriglycéridémies (voir plus loin), on mettra en place un régime hypolipidique à moins de 20 g de graisses par jour. On peut utiliser des huiles constituées de triglycérides à chaîne moyennes (absorbées directement, sans passer par la voie des chylomicrons).
En situation de décompensation avec une triglycéridémie à plus de 30 g/l, il s’agit d’une urgence nutritionnelle avec mise en place d’une diète hydrique transitoire jusqu’à normalisation ou stabilisation de la triglycéridémie.
Médicaments hypolipidémiants
Les différentes classes de ces médicaments et leurs principales caractéristiques sont présentées dans le tableau 9.3, ainsi que leurs mécanismes d’action, leur efficacité, leurs indications, les effets indésirables et les contre-indications.
Tableau 9.3
Médicaments hypolipidémiants (sauf les anti-PCSK9).
Statines (+++) Ézétimibe Résines Fibrates Acides gras oméga 3 DCI (nom commercial) –Simvastatine (Zocor®, Lodales®) –Pravastatine (Elisor®, Vasten®) –Fluvastatine (Lescol®, Fractal®) –Atorvastatine (Tahor®) –Rosuvastatine (Crestor®) Ézétimibe (Ezetrol®) Colestyramine (Questran®) –Fénofibrate (Lipanthyl®) –Gemfibrozil (Lipur®) –Bézafibrate (Befizal®) –Ciprofibrate (Lipanor®) \+ Génériques Acides gras n-3 polyinsaturés (Maxepa®, Omacor®) Mode d'action ↓ Synthèse de cholestérol hépatocytaire ↑ Récepteurs LDL ↓ Absorption du cholestérol par l'entérocyte ↑ Récepteurs LDL ↓ Réabsorption des sels biliaires ↑ Expression des récepteurs LDL Activateurs des PPARa : ↓ Production des VLDL ↑ Clairance plasmatique des TG ↑ Production des HDL ↓ Production des VLDL ↑ Clairance plasmatique des TG Effets lipidiques ↓ LDLc (25 à 45 %) ↓ TG (5 à 20 %) ↓ HDLc (0 à 5 %) i LDLc (20 %) ↓ LDLc (20 %) ↑ TG ↓ TG (20 à 40 %) ↓ LDLc (0 à 10 %) ↑ HDLc (5 à 25 %) ↓ TG (10 à 30 %) Principaux effets secondaires –Myalgies –↑ CPK (rhabdomyolyse rare) Changer de molécule Titrer la posologie –↑ Transaminases (cas rares d'hépatite) –Surrisque de diabète de type 2 (RR = 1,10) –Myalgies –Troubles digestifs dyspeptiques –Digestifs : *constipation *météorisme *nausées *gastralgies –Doses progressives pour limiter les effets digestifs –Diminue l'absorption des vitamines liposolubles –Myalgies –↑ CPK (rhabdomyolyse rare) –↑ Transaminases (cas rares d'hépatite) –Pancréatites –↑ Créatininémie –↑ Homocystéinémie –Lithiases biliaires si traitement prolongé Digestifs : –nausées –éructations Principales contre-indications –Hypersensibilité à l'un des composants –Grossesse –Allaitement –Hypersensibilité à l'un des composants –Grossesse –Allaitement –Obstacle biliaire complet –Constipation –Phénylcétonurie –Grossesse –Allaitement –Insuffisance rénale –Insuffisance hépatique
Les interactions médicamenteuses, les associations possibles avec les autres agents hypolipidémiants et le niveau de preuve de leur efficacité cardiovasculaire sont indiqués pour chaque classe d’agent hypocholestérolémiant dans le tableau 9.4 (sauf les anti-PCSK9, encadré 9.1).
Tableau 9.4
Médicaments hypocholestérolémiants (sauf les anti-PCSK9) : interactions médicamenteuses, associations possibles avec les autres agents hypolipidémiants et niveau de preuve cardiovasculaire.
Statines (+++) Ézétimibe Résines Fibrates Acides gras oméga 3 Interactions –Risque d'interactions médicamenteuses avec des molécules métabolisées par CYP3A4 (sauf avec pravastatine et rosuvastatine) –Perturbation de la pharmacocinétique des immunosuppresseurs (moindre avec pravastatine et rosuvastatine) Ciclosporine –↓ Absorption intestinale de nombreux médicaments si prise simultanée –À prendre 1 h 30 avant ou 3 h après tout autre médicament (+++) –Antivitamines K : ↑ leur action Nécessité de i la posologie de 25 à 30 % –Gemfibrozil : interférences (+++) avec la pharmacocinétique de nombreuses molécules
Association possible
–Proposées avec : ézétimibe, colestyramine
–Rosuvastatine 20 mg ne peut être associée aux fibrate
–Contre-indiqué avec gemfibrozil
–Statines
–Colestyramine
–Synergique avec tous les hypocholestérolémiants
–Gemfibrozil contre-indiqué avec les statines
Synergique
Niveau de preuve cardiovasculaire +++ ++ + Plusieurs essais dont les résultats sont contradictoire
Inhibiteurs de la PCSK9
La PCSK9 est la proprotéine convertase subtili-sine/kexine de type 9. Ses inhibiteurs sont de nouveaux agents hypocholestérolémiants puissants. Ils réduisent le taux de LDL-cholestérol de 60 % ou plus. Ils réduisent par ailleurs le taux plasmatique de Lp(a). Les deux molécules disponibles en France sont l’aliro-cumab (Praluent®) et l’évolocumab (Repatha®). Ce sont des traitements injectables (par voie sous-cutanée) administrés toutes les 2 semaines. Indications limitées :
*aux formes d’hypercholestérolémies très sévères : hypercholestérolémie familiale homozygote, hypercholestérolémies familiales pour lesquelles une LDL-aphérèse est indiquée – LDL-aphérèse : technique d’épuration sanguine extracorporelle permettant d’extraire le LDL-cholestérol;
*aux patients ayant une maladie cardiovasculaire athéroscléreuse établie par un antécédent d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral non hémorragique et/ou d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs symptomatique (prévention secondaire) et qui ne sont pas contrôlés (LDL-cholestérol > 0,70 g/l) malgré un traitement hypolipémiant optimisé : en association avec un traitement hypolipémiant optimisé, ou en monothérapie en cas de contre-indication ou d’intolérance avérée à la fois aux statines et à l’ézétimibe (évolocumab).
Traitement commencé seulement par un spécialiste (endocrinologue, médecine interne, cardiologue, neurologue).
Principes du traitement médicamenteux des hypercholestérolémies isolées
1 Introduction du traitement
- En prévention primaire, si le LDL-cholestérol reste élevé (au-dessus de l’objectif) après 3 à 6 mois au minimum de diététique bien conduite.
*En prévention secondaire, avec prise médicamenteuse d’emblée, après une complication ischémique ou en cas de risque équivalent.
2 Objectifs lipidiques
Les objectifs thérapeutiques pour la population générale, en termes de LDLc, dépendent du profil de risque cardiovasculaire du patient (consensus SFE-SFD-NSFA, 2016). L’estimation du niveau de risque cardiovasculaire se fait à l’aide des équations SCORE2 et SCORE2-OP ou par la sommation des facteurs de risques cardiovasculaires traditionnels.
Les équations SCORE2 ne peuvent pas être utilisées en cas d’IRC, d’hypercholestérolémie familiale et de pathologie athéromateuse connue.
Une équation spécifique au diabète de type 2, dénommée SCORE2-D/abeies a récemment été développée. Le niveau de risque cardiovasculaire au cours du diabète (de type 1 et de type 2) peut également être évalué en fonction de la présence de critères spécifiques, détaillés dans la figure 9.9 (consensus SFC/SFD2021).
cteurs de risque cardiovasculaire principaux à considérer en cas de dyslipidémie (consensus SFE-SFD-NSFA, 2016).
Âge (≥ 50 ans chez l’homme, ≥ 60 ans chez la femme)
Antécédents familiaux d’accident cardiovasculaire ischémique (≤ 55 ans chez le père ou un parent du premier degré, ≤ 60 ans chez la mère ou une parente du premier degré)
Tabagisme (actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans)
Hypertension artérielle
HDLc ≤ 0,4 g/l (≤ 1,0 mmol/l)
Diabète de type 2 (ou diabète de type 1 de plus de 15 ans ou chez un patient de plus de 40 ans)
Insuffisance rénale (DFG < 45 ml/min, < 60 ml/min chez l’adulte jeune)
(Source : CEEDMM, 2021.)
n prévention primaire
Les objectifs de LDL-cholestérol sont :
*< 1,00 g/l (2,6 mmol/l) en cas de risque cardiovasculaire intermédiaire;
*< 0,70 g/l (1,8 mmol/l) en cas de risque cardiovasculaire élevé;
*< 0,55 g/l (1,4 mmol/l) en cas de risque cardiovasculaire très élevé.
En cas de risque cardiovasculaire faible, l’objectif de LDLc est moins clair. Un objectif < 1,16 g/l (3 mmol/l) peut être envisagé selon les recommandations européennes de 2019, alors que les recommandations françaises fixent une valeur < 1,90 g/l (4,9 mmol/l).
En prévention secondaire
L’objectif de LDL est < 0,55 g/l (1,4 mmol/l).
À part, l’hypercholestérolémie familiale
La situation est différente; en effet, le risque vasculaire élevé de cette pathologie et la précocité de l’hypercholestérolémie justifient un traitement plus précoce. L’objectif se situe à :
*LDLc < 1,35 g/l (3,5 mmol/l) chez les enfants (souvent 1,6 g/l jusqu’à la puberté);
*LDLc < 1,00 g/l (2,6 mmol/l) chez les adultes traités précocement sans facteurs de risque cardiovasculaire additionnels;
*LDLc < 0,70 g/l (1,8 mmol/l) chez les adultes traités tardivement avec facteurs de risque cardiovasculaire additionnels;
*LDLc < 0,55 g/l (1,4 mmol/l), en prévention secondaire (niveau de preuve limité dans l’hypercholestérolémie familiale hétérozygote).
3 Traitement médicamenteux
*On commencera un traitement par statine, en première intention.
Le choix de la statine est fait en fonction du taux de LDLc initial et de l’objectif visé. L’intensité des différentes statines est indiquée dans le tableau 9.7.Si l’objectif est non atteint sous statines à dose maximale tolérée, associer de l’ézétimibe.
*En cas d’intolérance aux statines : utiliser l’ézétimibe.
*Anti-PCSK9 : dans les hypercholestérolémies familiales sévères (avis spécialisé). Uniquement en prévention secondaire, si le LDLc n’est pas à l’objectif sous statine à la dose maximale tolérée et ézétimibe, ou en cas d’intolérance avérée aux statines et/ou à l’ézétimibe.Valeur de triglycérides considérée comme normale : < 1,5 g/l (1,7 mmol/l).
*Importance des mesures diététiques : limiter aliments et boissons sucrés; limiter ou arrêter l’alcool; consommation de poissons gras riches en oméga 3.
*En cas d’hypertriglycéridémie sévère (> 5 g/l [5,6 mmol/l]) :
–l’objectif est de réduire les triglycérides < 5 g/l pour diminuer le risque de pancréatite;
–commencer un traitement par fibrate;
–si le taux de triglycérides reste élevé sous fibrates, on peut y associer des acides gras oméga 3.
Hyperlipidémie mixte (voir fig. 9.10)
*Dans la dyslipémie mixte, l’objectif sur le LDLc reste prioritaire (dans la mesure où les triglycérides sont en règle < 5 g/l [5,6 mmol/l]).
*On aura donc recours aux statines pour atteindre l’objectif de LDL-cholestérol (éventuellement statines + ézétimibe si nécessaire).
*Une fois l’objectif de LDLc atteint, il peut être proposé d’ajouter un traitement par fibrate (fénofibrate préférentiellement; jamais par le gemfibrozil) chez les patients à haut risque cardiovasculaire dont le taux de triglycérides et supérieur ou égal à 2,0 g/l et dont le HDLc est bas (< 0,40 g/l chez l’homme, < 0,50 g/l chez la femme; voir fig. 9.10).
Principes d’adaptation du traitement
L’habitude est de commencer les hypolipémiants à faible posologie et de l’augmenter ultérieurement en fonction de l’efficacité et de la tolérance, jusqu’à l’obtention d’un taux de LDL inférieur à la valeur cible.
L’utilisation de fortes doses voire d’une association d’hypolipémiants est à envisager au cas par cas, après avis spécialisé, en veillant à la tolérance et à l’observance du traitement.
Surveillance de l’efficacité du traitement hypolipidémiant
*Pratiquer un bilan lipidique 2 à 3 mois après la mise en route du traitement afin de vérifier que les objectifs lipidiques sont atteints.
*Informer le patient de ces objectifs.
*Si les objectifs thérapeutiques sont atteints, le bilan lipidique est réalisé 1 fois par an.
*Si les objectifs thérapeutiques ne sont pas atteints, modification de la thérapeutique et bilan lipidique de contrôle 2 à 3 mois plus tard, jusqu’à l’obtention des objectifs thérapeutiques.
Surveillance de la tolérance du traitement hypolipidémiant
*Tolérance clinique : douleurs musculaires en particulier.
*Tolérance biologique :
–dosage des transaminases, avant, dans les 3 mois qui suivent l’instauration du traitement et une dernière fois après 1 an;
–dosage des CPK, seulement en cas de myalgies et/ou de situation à risque majoré (associations médicamenteuses, comorbidités, antécédent d’intolérance).
Médicaments antihypertenseurs
La HAS a publié un algorithme de prise en charge de l’HTA essentielle de l’adulte (hors grossesse) en 2016 (fig. 9.11). Pour le détail de la stratégie thérapeutique et le choix des traitements hypertenseurs, nous renvoyons l’étudiant à l’Item 221 traité dans l’ouvrage du Collège national des enseignants de cardiologie et de la Société française de cardiologie (CNEC-SFC) dans la même collection.
ntiagrégants plaquettaires
1 Prévention secondaire
Indication systématique, sauf contre-indications absolues.
L’association clopidogrel-aspirine doit être systématique pendant le mois suivant la mise en place d’un stent et pendant l’année suivant l’implantation d’un stent actif. Il existe un risque important d’accident thrombotique dans les 10 jours suivant la suspension de la double association. L’association aspirine-clopidogrel ne doit pas être interrompue sans concertation multi-disciplinaire préalable.
L’association aspirine-clopidogrel n’a pas montré de supériorité par rapport au clopidogrel seul en prévention secondaire des AVC.
Le prasugrel et le ticagrelor ont montré une supériorité face au clopidogrel lors des syndromes coronariens aigus.
2 Prévention primaire
Chez le diabétique ou chez l’hypertendu, l’utilisation systématique des antiagrégants en prévention primaire est l’objet de controverses. Le rapport risque/bénéfice de l’aspirine à faible dose n’a pas été formellement établi dans ces situations.
Par rapport à l’aspirine, le clopidogrel comporte une moindre toxicité gastrique et un risque hémorragique similaire.
Points clés
*Les principaux facteurs de risque cardiovasculaire modifiables sont le tabagisme, le LDLc élevé, l’hypertension artérielle (HTA) et le diabète, auxquels on peut rajouter le HDLc bas (marqueur de risque).
*Le risque global peut être calculé par des équations de risque, comme celles de Framingham ou SCORE2. L’évaluation du risque peut également se faire par le décompte des facteurs de risque.
*La relation entre tabac et risque cardiovasculaire est continue et existe aussi dans le tabagisme passif. Le risque est majoré en association avec la contraception œstroprogestative.
*La démarche diagnostique dans l’hyperlipidémie, l’HTA et le diabète comprend plusieurs étapes : le diagnostic positif (exploration d’une anomalie lipidique dans les dyslipidémies, valeur de l’automesure tensionnelle dans l’HTA), le diagnostic des formes secondaires (savoir les identifier) et l’identification du niveau de risque cardiovasculaire du patient. Cette identification conditionne la thérapeutique.
*La prise en charge du risque vasculaire comprend le sevrage tabagique (les patchs à la nicotine peuvent être utilisés en prévention secondaire), les conseils d’activité physique, les mesures diététiques et le traitement adapté de chaque facteur de risque.
*Dans les hyperLDLémies, le traitement de première intention est une statine. La cible de LDLc est de 0,55 g/l en prévention secondaire. En prévention primaire, elle varie selon le niveau de risque cardiovasculaire. Dans le diabète de type 2, le traitement de choix pour débuter est la metformine. Dans l’HTA, une des cinq classes d’antihypertenseurs peut être utilisée en première intention, sauf cas particulier (par exemple en post-infarctus : utilisation des bêta-bloquants); en bithérapie de l’HTA, il faut associer un médicament du groupe bêta-bloquant/ARA II/IEC avec un des médicaments du groupe diurétiques thiazidiques/inhibiteur calcique.
ntroduction
L’hypertension artérielle (HTA) est définie par une moyenne de pression artérielle (PA) ≥ 140/90 mmHg (systolique/diastolique) à partir de mesures cliniques répétées, réalisées au cabinet médical. La Haute autorité de santé (HAS) autorise également son diagnostic sur une moyenne diurne ≥ 135/85 mmHg obtenue en automesure ambulatoire ou en mesure ambulatoire automatisée (MAPA).
Le bilan de l’HTA vise à vérifier sa permanence, à préciser par l’interrogatoire et l’examen la situation vasculaire (prévention primaire ou secondaire) et le retentissement de l’HTA (dont l’hypertrophie ventriculaire gauche ou d’autres anomalies de l’ECG), à identifier les autres facteurs de risque cardiovasculaire, ainsi qu’à dépister des éléments d’orientation vers une HTA secondaire. Les deux principaux intérêts de l’identification des causes endocriniennes d’HTA sont, d’une part, que le traitement de l’affection causale peut guérir l’HTA et, d’autre part, que ces maladies sont à l’origine d’autres comorbidités qui peuvent être reconnues et traitées.
Principes du dépistage de l’hypertension artérielle d’origine endocrinienne
Les examens paracliniques minimaux recommandés par l’HAS qui doivent, idéalement, être réalisés avant la prescription d’un traitement antihypertenseur sont indiqués dans le tableau 10.1. Les causes d’hypertension artérielle d’origine endocrinienne sont listées dans le tableau 10.2. Nous ne détaillerons pas ici les causes apparentées d’origine iatrogène.
Tableau 10.1
Bilan initial de l’HTA.
Tests et procédures
Mesure à jeun du potassium (K+) Si possible sans garrot pour éviter une hémolyse et ne pas méconnaître une hypokaliémie
Mesure à jeun de la créatinine Le débit de filtration glomérulaire est estimé par les formules MDRD ou CKD-EPI
Mesure à jeun du glucose
Mesure à jeun du cholestérol total, du HDL-cholestérol et des triglycérides Le LDL-cholestérol est calculé à partir de ces fractions lipidiques
Recherche par bandelette réactive d’hématurie et de protéinurie À quantifier sur 24 heures si le test est positif
Électrocardiogramme (12 dérivations)
(Source : CEEDMM, 2021.)
Étiologie de l’HTA d’origine endocrinienne.
Type Sous-types
Hyperminéralocorticismes primaires Hyperaldostéronisme primaire par maladie bilatérale des surrénales (hyperplasie bilatérale) ou adénome de Conn
HTA endocrines iatrogènes
Contraception œstroprogestative Corticoïdes
Réglisse et apparentés
Tumeurs sécrétant des catécholamines Phéochromocytomes Paragangliomes
Syndrome de Cushing ACTH-dépendant ou ACTH-indépendant
Acromégalie
Hyperthyroïdie
Hyperparathyroïdie
(Source : CEEDMM, 2021.)
Les causes d’HTA d’origine endocrinienne sont présentes chez une minorité de patients hypertendus. Leur prévalence est d’au moins 8 % pour l’hyperaldostéronisme primaire et moins de 1 % pour les phéochromocytomes et autres tumeurs chromaffines sécrétant des catécholamines (paragangliomes). On conçoit donc qu’il n’est pas envisageable de réaliser un dépistage systématique de l’HTA d’origine endocrinienne à l’aide d’outils biologiques. Le seul bilan systématique à visée endocrinienne recommandé est la mesure de la kaliémie à jeun, du fait de la fréquence de l’hyperaldostéronisme primaire. En revanche, il est recommandé de rechercher une cause endocrinienne (au même titre que d’autres causes d’HTA secondaires) dans les situations suivantes, où leur prévalence est plus élevée :
*HTA sévère de grade 3 (PA systolique ≥ 180 mmHg ou PA diastolique ≥ 110 mmHg);
*HTA résistante (HTA non contrôlée malgré les règles hygiéno-diététiques et au moins trois médicaments antihypertenseurs à doses optimales);
*HTA avec hypokaliémie (kaliémie ≤ 3,7 mmol/l) qui évoque un hyperaldostéronisme primaire avec fuite urinaire de potassium (kaliurèse inappropriée) éventuellement après arrêt d’un traitement diurétique;
*sujet jeune (moins de 30 ans);
*HTA avec tumeur surrénalienne de découverte fortuite (incidentalome surrénalien);
*retentissement vasculaire disproportionné par rapport à l’intensité de l’hypertension, qui évoque un hyperaldostéronisme primaire du fait des effets propres de l’aldostérone sur les vaisseaux;
*antécédent familial d’HTA précoce ou de complications cardiovasculaires avant 40 ans;
*antécédent familial au premier degré d’HTA d’origine endocrinienne;
*signes cliniques associés évoquant une endocrinopathie.
Hyperaldostéronisme primaire
A Dépistage de l’hyperaldostéronisme primaire
L’hyperaldostéronisme primaire est la cause la plus fréquemment responsable d’HTA endocrinienne, avec une prévalence sous-estimée, mais d’au moins 8 %. Il correspond à deux grandes entités : l’adénome de Conn, tumeur bénigne du cortex surrénalien représentant une maladie surrénalienne unilatérale, et l’hyperaldostéronisme primaire d’origine bilatérale dans laquelle la production excessive et non contrôlée d’aldostérone dépend des deux glandes surrénales (classiquement appelée hyperplasie bilatérale, même si sa physiopathologie est plus complexe). Le dépistage de l’hyperaldostéronisme primaire repose sur la mesure couplée des concentrations d’aldostérone et de rénine plasmatiques.
Il est important de rappeler que de nombreuses conditions sont susceptibles d’influencer l’activité du système rénine-angiotensine et de perturber ce bilan, à la fois chez des patients hypertendus essentiels et chez des patients présentant un hyperaldostéronisme primaire, et donc d’être responsables de faux positifs et surtout de faux négatifs du dépistage.
Ainsi, la production d’aldostérone et l’activité du système rénine-angiotensine sont influencées par la posture, les apports sodés et le tonus sympathique tout comme par de nombreux médicaments antihypertenseurs (voir plus loin).
Il est important de réaliser le dépistage dans des conditions standardisées concernant les apports en sodium et l’absence de médicaments interférant avec le tonus sympathique, avec la production de rénine ou d’aldostérone ainsi qu’avec la liaison de cette dernière à son récepteur.
Par ailleurs, une kaliémie basse freine la sécrétion d’aldostérone et peut être à l’origine de faux négatifs du dépistage.
Cela implique les précautions pré-analytiques suivantes :
*demander que les patients ne fassent pas de régime désodé préalable et s’assurer que la natriurèse, qui reflète les apports sodés, est supérieure à 75 mmol/24 heures;
*une kaliémie supérieure à 3 mmol/l est donc souhaitable et peut justifier une supplémentation orale avant le prélèvement;
*les conditions de recueil recommandées sont un prélèvement matinal (non nécessairement au réveil), idéalement en position assise depuis au moins 15 minutes.
Idéalement, le traitement doit être mené en l’absence de tout traitement antihypertenseur : les bêta-bloquants diminuent la sécrétion de rénine; les IEC et ARA II augmentent la sécrétion de rénine; les diurétiques augmentent la sécrétion de rénine; les inhibiteurs calciques dihydro-pyridines augmentent la production de rénine suite à la baisse de la tension artérielle et diminuent celle d’aldostérone par défaut de synthèse dont les étapes sont calcium-dépendantes; les antihypertenseurs centraux baissent la sécrétion de rénine et d’aldostérone.
La sévérité de l’hypertension conduit parfois à prescrire un antihypertenseur sans attendre que l’analyse biologique soit faite, ou bien le diagnostic peut être évoqué chez un patient déjà traité. Si le niveau tensionnel justifie un traitement hypertenseur, il est recommandé d’utiliser des inhibiteurs calciques non dihydropyridiniques et des vasodilatateurs alpha-bloquants. Un traitement par bêta-bloquants peut être maintenu si son arrêt est jugé dangereux chez un patient coronarien, en sachant qu’il expose au risque de faux positif (diminution de la sécrétion de rénine).
Notons par ailleurs que l’insuffisance rénale diminue la sécrétion de rénine du fait de la réduction néphronique et de la rétention en eau et en sel. Enfin, citons les anti-inflammatoires non stéroïdiens qui induisent une rétention hydrosodée, la contraception orale contenant de l’éthinyl-œstradiol qui augmente la synthèse hépatique de l’angiotensinogène.
Diagnostic positif de l’hyperaldostéronisme primaire
La signature biologique de l’hyperaldostéronisme primaire est une concentration d’aldostérone plasmatique élevée en présence d’une concentration de rénine plasmatique basse, résultant en une élévation du rapport aldostérone/rénine.
Lorsque le rapport aldostérone/rénine est augmenté, du fait à la fois d’une diminution de la concentration de rénine et d’une augmentation de la concentration plasmatique d’aldostérone, le diagnostic positif hyperaldostéronisme primaire est très vraisemblable et sera confirmé par une deuxième mesure. En revanche, le rapport aldostérone/rénine, s’il possède une bonne sensibilité, expose au risque de faux positif, notamment du fait d’une baisse de la concentration de rénine sans élévation de la concentration plasmatique d’aldostérone (HTA à rénine basse).
Dans ce cas, il est nécessaire de réaliser des tests de confirmation de l’hyperaldostéronisme primaire. Ceux-ci sont réalisés en milieu spécialisé; ils cherchent à démontrer une autonomie de la sécrétion d’aldostérone. Les conditions de réalisation de ces tests sont les mêmes que pour la mesure du rapport aldostérone/rénine. Parmi les tests possibles, la Société française d’endocrinologie recommande le test de charge sodée intraveineuse, réalisant une expansion volumique par un apport de sel aigu par voie veineuse. L’expansion volumique doit physiologiquement entraîner une réduction de la production d’aldostérone après quelques heures; l’absence de freination caractérise hyperaldostéronisme primaire. L’alternative, notamment en cas de contre-indication, est le test au captopril, qui entraîne un blocage aigu de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et doit physiologiquement entraîner une baisse de la concentration d’aldostérone plasmatique. L’absence de freination de la sécrétion d’aldostérone caractérise sa sécrétion autonomisée.
Par ailleurs, la mesure du rapport aldostérone/rénine permet d’éliminer d’autres causes d’HTA secondaires perturbant ce rapport, tels que :
*hyperaldostéronisme secondaire, caractérisé par une modification du rapport avec augmentation de la sécrétion d’aldostérone et augmentation de la concentration de rénine; dans ce cas de figure, la production d’aldostérone est secondaire à la sécrétion non régulée de rénine;
*autres cas d’hyperminéralocorticisme (engendré par un autre stéroïde que l’aldostérone), pour lesquels la concentration d’aldostérone et la concentration de rénine sont toutes les deux diminuées; c’est le cas de figure engendré par une consommation excessive de réglisse qui contient de l’acide glycyrrhizique, certaines tumeurs surrénaliennes secrétant d’autres minéralocorticoïdes, etc.
Diagnostic étiologique et principes thérapeutiques dans l’hyperaldostéronisme primaire
Le traitement de l’hyperaldostéronisme primaire est conditionné par son étiologie, notamment la production unilatérale ou bilatérale d’aldostérone par le cortex surrénalien.
Sécrétion unilatérale d’aldostérone
En cas de sécrétion unilatérale, il s’agit généralement d’un adénome de Conn, tumeur bénigne du cortex surrénalien qui peut faire l’objet d’une exérèse chirurgicale (surrénalectomie unilatérale).
Celle-ci permet la guérison complète de l’HTA et de l’hypokaliémie chez environ 50 % des patients. Chez les autres patients, on observe généralement une diminution de l’intensité de l’HTA et la disparition de l’hypokaliémie.
Les causes d’échecs relatifs de la chirurgie sont notamment liées à un âge avancé du patient, une ancienneté de l’HTA et à la présence d’une insuffisance rénale. Il est donc possible dans ces cas de discuter un traitement médical plutôt que chirurgical.
Sécrétion bilatérale d’aldostérone
Dans la sécrétion bilatérale, un traitement médical est recommandé. La molécule de première intention est la spironolactone, diurétique épargneur de potassium, qui se lie au récepteur minéralocorticoïde et empêche l’aldostérone d’activer son récepteur.
Cette molécule se lie également aux récepteurs des androgènes et de la progestérone et peut donc être responsable d’effets secondaires à type de gynécomastie, d’hypogonadisme masculin, de troubles menstruels chez la femme. En cas d’effets secondaires, on peut proposer en deuxième intention de l’éplérénone qui possède une activité antagoniste minéralocorticoïde plus sélective et donc moins d’effets secondaires.
Outils diagnostiques
Les outils principaux qui peuvent être utilisés pour faire le diagnostic de maladie surrénalienne uni- ou bilatérale sont le scanner surrénalien et le cathétérisme des veines surrénaliennes. Le scanner est l’examen le plus simple à réaliser, mais les adénomes de Conn sont souvent de petite taille et un scanner normal n’élimine pas l’adénome de Conn. A contrario, les glandes surrénales des sujets de plus de 50 ans sont souvent le siège de nodules aspécifiques qui peuvent être un leurre. Le cathétérisme des veines surrénaliennes vise à doser dans l’effluent surrénalien la concentration d’aldostérone et à la comparer entre côté droit et côté gauche, une sortie unilatérale étant le témoin d’une maladie potentiellement curable par la chirurgie. Il s’agit néanmoins d’un examen invasif très spécialisé avec des difficultés de cathétérisme, notamment de la veine surrénalienne droite. L’examen est particulièrement utile, en cas de scanner douteux, chez un sujet pour lequel l’indication opératoire pourrait être portée en cas de maladie unilatérale. Chez un sujet jeune (< 40 ans) avec un hyperaldostéronisme primaire et un nodule surrénalien strictement unilatéral, il est possible de surseoir au cathétérisme.
Phéochromocytome
Ces tumeurs synthétisent des catécholamines telles que l’adrénaline et la noradrénaline ainsi que leurs métabolites : les métanéphrines. L’adrénaline et la noradrénaline exercent un effet cardiovasculaire vasoconstricteur et tachycardisant; elles élèvent la PA par la stimulation des récepteurs vasculaires α-adrénergiques et par la stimulation du système rénine-angiotensine; elles accélèrent le cœur par l’effet cardiaque β-adrénergique. Les phéochromocytomes dérivent de la médullosurrénale.
Les tumeurs sécrétantes qui dérivent de ganglions sympathiques sont appelées paragangliomes et siègent du pelvis à la base du crâne. Ceux-ci sécrètent plus rarement des catécholamines et n’entraînent que rarement une HTA. Présentation clinique
L’expression la plus fréquente de ces tumeurs est l’HTA, particulière par sa variabilité. La triade caractéristique de Ménard a une forte spécificité. Elle associe céphalées, souvent pulsatiles, sueurs et palpitations liées à une tachycardie associée à une HTA. Elle manque en revanche de sensibilité puisque seulement un tiers environ des patients porteurs de phéochromocytome présentent cette triade.
Une HTA sévère, intermittente et notamment caractérisée par l’alternance de phases d’hypertension et d’hypotension est évocatrice. Les phéochromocytomes sont néanmoins responsables d’HTA d’intensité variable voire minime et peuvent ainsi être découverts de manière fortuite, devant un incidentalome surrénalien chez un patient chez qui on avait au préalable diagnostiqué une HTA essentielle banale.
Diagnostic positif
Le diagnostic repose sur la mesure des métoxyamines (encore appelées métanéphrines) dans le plasma ou les urines de 24 heures. Les catécholamines (adrénaline, noradrénaline) sont produites de façon intermittente par le phéochromocytome, et le stress les élève de façon non spécifique, si bien que la mesure des catécholamines a une moindre valeur diagnostique. De plus, du fait de leur demi-vie, leur concentration plasmatique peut être normale en cas de sécrétion intermittente. Les métanéphrines ont, au contraire, une demi-vie longue et sont produites en permanence par les phéochromocytomes.
Un stress aigu majeur tel que la phase aiguë d’un infarctus du myocarde ou une insuffisance rénale peuvent entraîner une élévation des métanéphrines responsable de faux positifs. Des valeurs modérément élevées peuvent également être observées dans l’HTA essentielle.
C Imagerie
L’imagerie précise le nombre, le siège et les rapports de la (ou des) tumeur(s), et détecte d’éventuelles métastases.
Les phéochromocytomes de l’adulte sont bénins, uniques dans la majorité des cas et de grande taille, donc faciles à localiser par scanner ou IRM.
Les paragangliomes, les tumeurs multiples et les phéochromocytomes malins associés à des métastases sont généralement dépistés par TDM thoraco-abdomino-pelvien. Divers outils d’imagerie fonctionnelle peuvent également être proposés avec divers traceurs.
L’imagerie fonctionnelle classique qu’est la scintigraphie à la méta-iodobenzylguanidine (MIBG) est de moins en moins utilisée et a été supplantée par la tomographie par émission de positons (TEP) au fluorodésoxyglucose (FDG) – dont la positivité n’est pas synonyme de malignité dans les phéochromocytomes –, et par la TEP à la F-DOPA et la TEP-DOTATOC ou TEP-DOTANOC – visualisant les récepteurs de la somatostatine.En cas de phéochromocytome de statut mutationnel non connu, l’examen d’imagerie fonctionnelle de choix est la TEP à la F-DOPA ou la TEP-DOTATOC en cas de paragangliome abdominal.
Enquête génétique
Environ 40 % des phéochromocytomes sont secondaires à une anomalie génétique germinale susceptible d’être transmise au sein des familles. Celle-ci peut s’intégrer dans un contexte syndromique (neurofibromatose de type 1, maladie de von Hippel-Lindau, néoplasie endocrinienne multiple de type 1, etc.) ou non, mais une anomalie génétique est retrouvée dans au moins 20 % des formes apparemment sporadiques.
De fait, il est recommandé de systématiquement dépister une maladie génétique devant un phéochromocytome ou un paragangliome, même en l’absence d’antécédent familial évident.Parmi les autres causes génétiques, citons les mutations du gène RET, qui sont responsables de néoplasies endocriniennes multiples de type 2 (carcinome médullaire thyroïdien, hyperparathyroïdie primaire).
Traitement
Le traitement du phéochromocytome est l’exérèse chirurgicale.l est donc indispensable de réaliser un bilan préopératoire du retentissement vasculaire, de préparer les patients en essayant de normaliser tant que se peut la PA avant la chirurgie grâce à des alpha-bloquants seuls ou associés à d’autres antihypertenseursIl est donc essentiel de réaliser un suivi très prolongé (au moins 10 ans) de tout patient opéré d’un phéochromocytome, même en cas de rémission complète.
Celui-ci est réalisé grâce à la clinique et au dosage des métanéphrines
Autres causes rares d’hypertension artérielle endocrine
Acromégalie
L’HTA est fréquente dans l’acromégalie et peut être améliorée par la correction de l’hypersécrétion de l’hormone de croissance (voir Item 244, chapitre 15). Dans ces conditions, le dépistage biologique repose sur le dosage de l’IGF-1.
Syndrome de Cushing
Le syndrome de Cushing, indépendamment de son étiologie, peut également entraîner une HTA (voir Item 244, chapitre 15). Dans ce cas, le dépistage repose, selon les conditions, sur un seul des tests suivants : recueil des urines de 24 heures pour mesure du cortisol libre urinaire et de la créatininurie, test de freinage minute avec 1 mg de dexaméthasone, ou dosage du cortisol salivaire après un recueil au coucher à partir de 22 heures, lorsque ce dosage est disponible.
Autres
L’HTA peut également être rencontrée dans l’hyperthyroïdie et l’hyperparathyroïdie primaire.
Points clés
*L’enquête initiale pour une HTA (interrogatoire, examen clinique, dosage de la kaliémie) a pour but de ne pas méconnaître une HTA secondaire potentiellement curable, parmi lesquelles les HTA endocrines.
*Les causes surrénaliennes d’HTA sont les hyperaldostéronismes primaires (HAP), les phéochromocytomes et les syndromes de Cushing.
Hyperaldostéronismes primaires
*L’HAP est la cause d’HTA endocrine la plus fréquente et potentiellement curable par la chirurgie.
*L’HAP est associé à un surrisque cardiovasculaire et rénal par rapport à l’HTA essentielle.
*L’HAP doit être dépisté systématiquement par la mesure de la kaliémie et recherché en cas d’HTA résistant au traitement, chez un sujet jeune, avec un retentissement vasculaire disproportionné par rapport à la sévérité de l’HTA.
* Le dépistage de l’HAP repose sur la mesure en position assise du rapport aldostérone/rénine plasmatique qui est élevé. Celui-ci doit idéalement être réalisé avant la mise sous traitement antihypertenseur ou après un wash-out des substances interférant avec le système rénine-angiotensine. On ne conservera que les calcibloqueurs et les alpha-bloqueurs. La contraception orale et un régime désodé strict peuvent également perturber la biologie du système rénine-angiotensine.
*La différenciation entre production unilatérale (adénome) ou bilatérale d’aldostérone conditionne les indications thérapeutiques (bilatérale : traitement médical par antagoniste du récepteur minéralocorticoïde; unilatérale : possible surrénalectomie unilatérale), mais est difficile; elle ne repose pas sur le seul scanner et doit être réalisée en milieu très spécialisé.
Phéochromocytome
- Le phéochromocytome est une cause rare d’HTA d’intensité variable, parfois très sévère, mais parfois aussi d’allure banale.
- Le diagnostic de phéochromocytome repose sur le dosage des métanéphrines plasmatiques ou urinaires.
*Le traitement du phéochromocytome est chirurgical, par une équipe anesthésique entraînée, après préparation tensionnelle par des alpha-bloquants.
*Le phéochromocytome est la tumeur endocrine répondant le plus fréquemment à un déterminisme génétique et doit donc bénéfi cier d’une enquête génétique systématique.
Le diagnostic d’une hypoglycémie est généralement aisé dans le contexte du diabète traité par insuline (voir Item 247, chapitre 18), sulfonylurées (sulfamides hypoglycémiants) ou glinides. Les hypoglycémies postprandiales immédiates, réactives, après chirurgie du pylore ou surtout après chirurgie de restriction de l’estomac sont également de diagnostic facile.
En dehors de ce contexte, le diagnostic d’hypoglycémie organique peut être difficile. Il est souvent porté par excès, en particulier chez des patients qui viennent en consultation avec la ferme conviction d’avoir des « hypoglycémies ». Cela peut conduire à la réalisation d’examens inutiles, coûteux et non dépourvus de risques. Ainsi, les « hypoglycémies » dites fonctionnelles – manifestations neurovégétatives en l’absence d’hypoglycémie, éventuellement rythmées par la prise alimentaire – restent un diagnostic incertain, qu’on ne devrait pas évoquer en l’absence d’hypoglycémie veineuse documentée.
La démarche diagnostique devant une symptomatologie évocatrice d’hypoglycémie chez un sujet non diabétique demande par conséquent beaucoup de rigueur tant à l’étape du diagnostic positif de l’hypoglycémie qu’à celle du diagnostic étiologique. L’étape du diagnostic étiologique est dominée par la recherche d’un insulinome, cause la plus fréquente des hypoglycémies organiques de l’adulte.
éfinition
Le diagnostic d’hypoglycémie repose sur la constatation simultanée de signes de neuroglucopénie et d’une glycémie veineuse (et pas seulement capillaire) basse, ainsi que sur la correction des symptômes lors de la normalisation de la glycémie : c’est la triade de Whipple. Dans cette définition, deux points méritent l’attention :
*les symptômes et la glycémie basse doivent être simultanés. Ainsi, une glycémie basse isolée ne suffit pas à porter le diagnostic. En effet, la glycémie veineuse normale d’un sujet sain après 72 heures de jeûne peut atteindre chez certains sujets 0,40 g/l (essentiellement chez des jeunes femmes minces). Il faut cependant noter que, chez certains patients présentant des hypoglycémies à répétition dans le cadre d’hypoglycémies organiques, des mécanismes d’adaptation se mettent en place et des valeurs basses pathologiques de glycémie peuvent ne pas s’accompagner des signes cliniques habituels;
*les symptômes spécifiques de neuroglucopénie doivent être différenciés de ceux, peu spécifiques et inconstants, de la réaction adrénergique qui précèdent et accompagnent l’hypoglycémie.
Le niveau seuil de glycémie habituellement retenu pour le diagnostic d’une hypoglycémie en dehors du diabète est de 0,50 g/l (2,75 mmol/l).
Chez le diabétique, la valeur retenue est de 0,70 g/l (3,9 mmol/l).
Physiopathologie
Plusieurs systèmes hormonaux participent au maintien de la glycémie entre 0,60 et 0,90 g/l (3,3 à 5,0 mmol/l) à jeun et 1,20 à 1,30 g/l (6,7 à 7,2 mmol/l) après les repas. Lors d’un jeûne prolongé, la glycémie baisse et le cerveau utilise d’autres substrats, essentiellement les corps cétoniques.
Les principales hormones qui ont un effet significatif sur la glycémie sont :
*l’insuline, principal facteur hypoglycémiant, dont la concentration s’élève après le repas et diminue pendant le jeûne;
*les facteurs de croissance apparentés à l’insuline, IGF-1 et IGF-2, dont l’effet hypoglycémiant n’est significatif que pour des concentrations très fortes, pharmacologiques ou tumorales;
*les hormones dites de contre-régulation, qui ont un effet hyperglycémiant :
–le glucagon;
–l’hormone de croissance (GH);
–les catécholamines;
–le cortisol;
–beaucoup plus accessoirement, la somatostatine.
Lors de la baisse de la glycémie induite par une injection d’insuline chez des témoins, on observe une graduation selon la profondeur de l’hypoglycémie :
*le glucagon, l’adrénaline et l’hormone de croissance sont d’abord sécrétés, puis le cortisol;
*les symptômes apparaissent lorsque la glycémie baisse en dessous de 0,55 g/l (3 mmol/l) et les troubles cognitifs en dessous de 0,35 g/l (2 mmol/l).
Lors de la répétition des épisodes d’hypoglycémie, en particulier chez le diabétique traité par insuline, les seuils de sécrétion des hormones de contre-régulation s’abaissent et les symptômes neurovégétatifs s’atténuent ou sont retardés, de sorte que les symptômes de dysfonction cérébrale sont au premier plan. Une hypoglycémie chez l’adulte peut être la conséquence :
*d’une sécrétion inappropriée d’insuline;
*ou, plus rarement :
–d’un défaut de sécrétion d’une des hormones de contre-régulation, en particulier le cortisol (insuffisance surrénalienne d’origine centrale ou périphérique);
–d’un déficit de néoglucogenèse (insuffisance hépatique ou rénale sévère);
–d’un défaut de substrat (cachexie).
Symptômes d’hypoglycémie
L’interrogatoire du patient en cas de malaise atypique est primordial pour bien rechercher et différencier les deux types de symptômes.
A Signes adrénergiques
Ce sont les signes de la réaction adrénergique (neurovégétative) à l’hypoglycémie :
*anxiété, tremblements, sensation de chaleur;
*nausées;
*sueurs;
*pâleur;
*tachycardie, palpitations.
Ces symptômes ne sont pas spécifiques et peuvent être présents également en cas de malaise vagal par exemple.
B Signes de neuroglucopénie
Ces signes sont la manifestation d’une dysfonction focale ou généralisée du système nerveux. Ils sont multiples, mais généralement similaires d’un épisode à l’autre chez un même patient :
*troubles de concentration, fatigue, troubles de l’élocution, du comportement, ou symptômes psychiatriques francs;
*troubles moteurs, hyperactivité, troubles de la coordination des mouvements, tremblements, hémiparésie, diplopie, paralysie faciale, etc.;
*troubles sensitifs, paresthésies d’un membre, paresthésies péribuccales;
*troubles visuels;
*convulsions focales ou généralisées;
*confusion.
Ces symptômes neuroglucopéniques témoignent d’une cause organique à l’hypoglycémie. En effet, les « hypoglycémies fonctionnelles » n’entraînent classiquement pas de signes neuroglucopéniques.
C Coma hypoglycémique
Au maximum, le coma hypoglycémique présente souvent les caractéristiques suivantes :
*de profondeur variable, pouvant aller jusqu’à des comas très profonds;
*de survenue rapide, précédé des signes classiques d’hypoglycémie;
*souvent agité, tonique;
*avec parfois des signes d’irritation pyramidale et une hypothermie;
*chez un patient pâle et couvert de sueurs.
Chez tout patient présentant des troubles de conscience de quelque profondeur que ce soit, il est de règle de mesurer immédiatement la glycémie (capillaire et/ou veineuse).
Ces symptômes sont souvent favorisés par le jeûne et l’exercice physique; le coma est fréquemment précédé de symptômes mineurs.
Étiologies des hypoglycémies organiques
A Hypoglycémies chez le diabétique
Les hypoglycémies les plus fréquentes surviennent chez les diabétiques traités par de l’insuline et des hypoglycémiants oraux (insulino-sécrétagogues). Ces causes sont traitées dans l’Item 247, chapitre 18.
B InsulinomesClinique
L’insulinome entraîne des épisodes d’hypoglycémie, parfois très épisodiques, chez des adultes souvent jeunes et bien portants. La symptomatologie est souvent dominée par les manifestations adrénergiques. Les signes de neuroglucopénie sont rarement au premier plan et souvent mal rapportés par le patient. Un interrogatoire rigoureux doit impérativement les rechercher. Le diagnostic est ainsi souvent retardé, même chez des patients ayant de fréquents épisodes hypoglycémiques; certains patients reçoivent pendant plusieurs années des diagnostics neurologiques ou psychiatriques divers. Les épisodes d’hypoglycémie surviennent plus volontiers à jeun ou à l’effort. Les malaises nocturnes sont également évocateurs. La répétition des épisodes peut s’accompagner d’une prise de poids, souvent modérée, chez 30 % des patients.
2 Diagnostic
Les étapes du diagnostic sont représentées dans la figure 11.1.Diagnostic positif
Le diagnostic positif d’insulinome (tableau 11.1) repose sur la mise en évidence d’une sécrétion inappropriée d’insuline et de peptide C (et donc de leur précurseur, la pro-insuline) en présence d’une glycémie veineuse basse, dans le cas d’une hypoglycémie spontanée ou, lorsque le prélèvement lors d’une hypoglycémie spontanée n’a pas été possible, lors d’une épreuve de jeûne. L’épreuve de jeûne de 72 heures doit impérativement être réalisée en hospitalisation sous surveillance médicale et paramédicale stricte en raison du risque élevé d’hypoglycémies graves. Lors d’une hypoglycémie veineuse inférieure à 0,45 g/l, une concentration d’insuline, de peptide C et de pro-insuline mesurable et donc inappropriée permet d’affirmer le diagnostic de sécrétion inappropriée d’insuline. Lors de l’hypoglycémie, on observe parallèlement, au cours du jeûne, chez ces patients avec une sécrétion inappropriée d’insuline, des niveaux bas de β-hydroxybutyrates plasmatiques en raison de l’action puissamment anticétogène de l’insuline. L’encadré 11.1 présente les paramètres biologiques d’une épreuve de jeûne mettant en évidence une sécrétion inappropriée d’insuline chez une patiente présentant un insulinome.Différents diagnostics différentiels sont à évoquer en fonction du bilan hormonal réalisé au moment de l’hypoglycémie.
En premier lieu, il faut penser à une prise cachée d’insuline ou de sulfonylurées. Ces hypoglycémies « factices » sont souvent le fait de patients proches du milieu médical ou proches d’un diabétique, ayant souvent des antécédents psychiatriques. Exceptionnellement, l’administration cachée est le fait d’un tiers, dans un but criminel ou dans le cadre d’un syndrome de Münchhausen « par procuration ».
Chez les patients qui ont des prises cachées d’insuline lors de l’épreuve de jeûne, le plus souvent le tableau biologique est le suivant : hypoglycémie avec une insuline dosable voire très augmentée, alors que le peptide C et la pro-insuline sont indosables. Toutefois, certains analogues de l’insuline utilisés dans le traitement du diabète rendent parfois le diagnostic d’hypoglycémies factices plus difficile, car l’insuline injectée n’est pas reconnue par le dosage utilisé. On aura alors une hypoglycémie avec insulinémie, peptide C et pro-insulinémie indosables.
Chez les patients qui ont des prises cachées de sulfonylurées ou de glinides, le tableau biologique est le suivant : hypoglycémie avec une insuline et un peptide C dosables, similaire au tableau de l’insulinome. Il est par conséquent indispensable de doser les sulfonylurées et les glinides lors de l’hypoglycémie à la moindre suspicion.
Traitement
Le traitement de l’insulinome repose sur l’exérèse chirurgicale de la tumeur.
En attendant la chirurgie, des traitements médicamenteux peuvent permettre de normaliser la glycémie. Le médicament le plus prescrit en première intention dans cette indication est le diazoxide (sulfamide hypoglycémiant) après avoir vérifié l’absence d’allergie connue aux sulfamides. Ce médicament bloque la sécrétion d’insuline via l’ouverture des canaux potassiques des cellules p pancréatiques. Il peut entraîner une rétention hydrosodée et, chez la femme, un hirsutisme en cas d’utilisation prolongée. Les analogues de la somatostatine de première génération peuvent également être utilisés avec une efficacité chez environ 50 % des patients; le pasiréotide, analogue de la somatostatine capable de lier plusieurs types de récepteurs, a été utilisé dans certaines formes d’insulinome réfractaire, avec de bons résultats. Dans tous les cas, un fractionnement des repas ainsi qu’une contre-indication relative à la conduite automobile doivent être discutés avec le patient.
Recommandation de la Société française d’endocrinologie portant sur le diagnostic des hypoglycémies organiques (2013)
Chez un patient ayant présenté une triade de Whipple, une glycémie veineuse < 0,45 g/l associée à une insulinémie ≥ 3 mUI/l et à un peptide C ≥ 0,6 ng/ml avec absence de prise de sulfamide ou de glinide permet d’affirmer le diagnostic d’hypoglycémie par sécrétion inappropriée d’insuline.
Points clés
- Évoquer une hypoglycémie organique est parfois difficile en raison du caractère non spécifique des symptômes.
*Le diagnostic positif d’une hypoglycémie repose sur la constatation simultanée de signes cliniques évocateurs (interrogatoire rigoureux) et d’une glycémie veineuse < 0,45 g/l.
*Le diagnostic positif d’une sécrétion inappropriée d’insuline repose sur la mise en évidence d’une glycémie veineuse basse associée à une sécrétion inadaptée d’insuline et de peptide C (sans prise de sulfamides hypoglycémiants ou de glinides).
*Devant une sécrétion inappropriée d’insuline, l’insulinome est le diagnostic étiologique le plus fréquent. - On éliminera une insuffisance surrénale ou corticotrope avant toute épreuve de jeûne.
Définition
On parle de goitre devant une augmentation du volume thyroïdien diffuse ou localisée (goitre nodulaire). Le volume thyroïdien normal varie suivant l’âge et la surface corporelle.
Les critères échographiques sont un volume thyroïdien > 16 ml chez l’adolescent, > 18 ml chez la femme et > 20 ml chez l’homme.
En pratique clinique, on convient de parler de goitre lorsqu’à la palpation la surface de chacun des lobes excède celle de la dernière phalange du pouce (définition OMS). L’existence d’un goitre ne préjuge pas du fonctionnement thyroïdien.
II Épidémiologie
Épidémiologie
Il s’agit d’une pathologie rencontrée chez plus de 10 % de la population, touchant 3 fois plus souvent les femmes que les hommes et dont la prévalence augmente avec l’âge (f
Facteurs favorisants
La déficience iodée, même relative, constitue le principal facteur goitrigène. Elle augmente, en effet, la sensibilité du parenchyme thyroïdien à l’effet trophique de la TSH et favorise aussi la production intrathyroïdienne de facteurs de croissance tissulaire. L’apport iodé optimal est de 100 à 150 µg par jour chez l’adulte. Chez la femme enceinte, il est de 200 à 250 µg par jour.
En France, l’apport iodé journalier, longtemps insuffisant, a été optimisé grâce à l’instauration d’une supplémentation en iode du sel de table (qui ne concerne pas la cuisine de collectivité : cantines, restaurants, plats cuisinés, etc.) et à la diversification alimentaire.
Les apports journaliers en iode restent insuffisants chez la femme enceinte.
Une prédisposition familiale est souvent retrouvée. Plusieurs gènes de prédisposition ont été identifiés, mais il s’agit d’une affection multigénique qui ne justifie pas de dépistage.
Les follicules thyroïdiens ont des récepteurs pour les œstrogènes : les goitres apparaissent en général à la puberté, augmentent pendant la grossesse et en cas de multiparité, surtout en cas de carence iodée.
Le tabac, qui contient notamment des thiocyanates, est goitrigène, mais n’augmente pas le risque de cancer thyroïdien.
Le lithium, qui se comporte comme un antithyroïdien de synthèse, peut favoriser la survenue d’un goitre.
Les goitres peuvent être découverts par le patient, l’entourage, le médecin lors d’une consultation ou fortuitement lors d’un examen d’imagerie (échographie ou scanner). La démarche diagnostique doit permettre d’évaluer les caractéristiques du goitre, de rechercher d’éventuelles complications et d’éliminer une authentique pathologie thyroïdienne dont le goitre peut être la première manifestation.
A Interrogatoire
L’interrogatoire précise les antécédents familiaux de maladie thyroïdienne, l’existence d’une gêne fonctionnelle (déglutition, respiratoire) ou d’éventuels symptômes de dysthyroïdie.
B Examen clinique
La palpation cervicale retrouve l’hypertrophie thyroïdienne ascensionnant à la déglutition, apprécie l’importance du goitre, son caractère homogène ou non, la présence éventuelle d’adénopathies. Il faut rechercher le caractère plongeant du goitre, que l’on suspecte lorsque le pôle inférieur des lobes n’est pas perçu lors de la déglutition. On recherche des signes de dysthyroïdie (hyperthyroïdie ou hypothyroïdie).
C Biologie
*En première intention : dosage de la TSH.
*En deuxième intention, si la TSH est anormale, dosage de T4 pour quantifier l’importance de la dysfonction hormonale :
–si TSH augmentée, le dosage des anticorps antithyroperoxydases ou antithyroglobine (en cas de négativité des anticorps anti-TPO) peut être envisagé à la recherche d’une thyroïdite auto-immune de Hashimoto;
–si TSH basse, suivant le contexte :
–goitre diffus, sujet jeune : dosage des anticorps antirécepteurs de la TSH dans l’hypothèse d’une maladie de Basedow;
–goitre plurinodulaire : scintigraphie thyroïdienne à la recherche d’un goitre multinodulaire toxique.
D Échographie thyroïdienne
Surtout utile lorsque le goitre est irrégulier, à la recherche de nodules, l’échographie thyroïdienne permet aussi d’apprécier l’aspect du parenchyme à la recherche d’une thyroïdite (aspect hypoéchogène), de mesurer le volume du goitre et de suivre son évolution. Il s’agit d’un examen opérateur-dépendant.
V Diagnostic étiologique
Dans l’immense majorité des cas, il s’agit d’un goitre simple ayant évolué vers une forme multinodulaire. Ce terme désigne les hypertrophies de la thyroïde normofonctionnelles (sans hyperthyroïdie ni hypothyroïdie), non inflammatoires (pas de thyroïdite), débutant généralement à l’adolescence, mais pouvant être diagnostiquées plus tardivement.
Initialement, l’hypertrophie est diffuse et homogène (fig. 12.3), le plus souvent modérée. Le parenchyme est souple, régulier. La TSH est normale et les anticorps antithyroïdiens négatifs permettent d’exclure une thyroïdite auto-immunitaire ou une maladie de Basedow.Au fil des années et des décennies, le goitre se remanie et certaines cellules acquièrent des mutations activatrices ou oncogéniques conduisant à l’apparition de nodules fonctionnels et de nodules non fonctionnels (fig. 12.4). C’est au stade de goitre plurinodulaire (fig. 12.5) qu’apparaît le risque de complications liées principalement au volume du goitre (risque de compression), au risque d’autonomisation progressive due aux nodules hyperfonctionnels (hyperthyroïdie), de survenue d’un cancer (nodules non fonctionnels).