Hématologie Flashcards
hémogramme, ou numération-formule sanguine (NFS),
- dépister, explorer et suivre la plupart des hémopathies tant malignes que non
- indications très nombreuses, examen le plus prescrit en France.
- un échantillon de sang prélevé dans un tube contenant un anticoagulant de type EDTA (acide éthylène diamine tétra-acétique) ou par microméthode au talon chez le nouveau-né ou au bout du doigt chez les patients dont il convient de protéger le capital veineux
- en grande partie automatisé, en utilisant des compteurs de cellules
- info quantitatives et qualitatives sur les cellules sanguines.
Il comprend : - la mesure de la concentration en hg;
- l’hématocrite correspondant au volume relatif occupé par les hématies (%) ;
- le nombre des globules rouges
- le volume globulaire moyen (VGM) ;
- la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH) (en g/dl) ;
- la teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine (TCMH) (en pg/cellule) ;
- la numération des plaquettes (PLT)
- la numération des leucocytes
- la formule leucocytaire (exprimée obligatoirement en valeur absolue pour chaque catégorie de leucocytes).
La formule leucocytaire est réalisée soit à l’aide de compteurs de cellules (formule automatisée), soit à partir d’une goutte de sang étalée sur une lame (frottis sanguin), séchée puis colorée (May-Grünwald-Giemsa [MGG]) et lue au microscope par un opérateur expérimenté, seule technique permettant l’identification des cellules anormales.
Les données de la Numération de la formule sanguine sont à connaitre pour les ECN (Rang A) :
Lignée granuleuse :
Leucocytes = 4 à 10 G/L. Lymphocytes = 1,5 à 4 G/L. Monocytes = 0,1 à 1 G/L. PNN = 1,5 à 7 G/L. PNE = 0,05 à 0,5 G/L. PNB = 0,01 à 0,05 G/L.
Lignée érythocytaire :
Hb = 13 à 18 g/dL chez l'homme et 12 à 16 g/dL chez la femme. Ht = 40 à 49 % chez l'homme et 37 à 48 % chez la femme. VGM = 80 à 100 fL. CCMH = 32 à 37 g/dL. Réticulocytes = Régénératif si > 120/150 G/L.
Lignée mégacaryocytaire :
Plaquettes = 150 à 450 G/L.
On retrouve ici une hyperleucocytose avec blastose sanguine et neutropénie, anémie macrocytaire normochrome, ainsi qu’une thrombopénie.
Les indications de l’hémogramme sont
doit être pratiqué devant :
* des signes évoquant une diminution d’une ou de plusieurs lignées sanguines :
– syndrome anémique : triade de l’anémie = pâleur, asthénie, dyspnée, associées possiblement à des palpitations ou une tachycardie, un souffle systolique, des signes d’anoxie
– syndrome hémorragique (pétéchies, ecchymoses, hématomes, hémarthrose, et devant toute hémorragie extériorisée ou non) ;
– syndrome infectieux inexpliqué, persistant, récidivant ou grave ;
* des signes évoquant une augmentation d’une ou de plusieurs lignées sanguines :
– érythrose cutanée dans les polyglobulies ou prurit à l’eau plus spécifique de la maladie de Vaquez ;
– thromboses artérielles ou veineuses (au cours des polyglobulies, des thrombocytémies essentielles) ;
– syndrome tumoral : adénopathies, splénomégalie;
– altération de l’état général : asthénie, anorexie, amaigrissement, fièvre au long cours
– douleurs osseuses, etc. ;certaines situations dans lesquelles un contrôle de la NFS doit ou peut être effectué : – grossesse ; – ictère ; – médecine du travail ; – médecine de dépistage ; – en préopératoire ; – en préthérapeutique ou en suivi.
Un hémogramme doit être pratiqué en urgence devant : * un état de choc ; * une pâleur intense ; * une angine ulcéronécrotique ou résistant aux antibiotiques ; * une fièvre élevée après prise de médicament, surtout après chimiothérapie antimitotique ; * une fièvre résistant aux antibiotiques ; * un purpura pétéchial extensif, des bulles hémorragiques au niveau des muqueuses, des hémorragies rétiniennes au fond d’oeil, un syndrome hémorragique, un purpura fébrile.
Dans tous les cas, l’hémogramme à visée diagnostique doit être pratiqué avant toute théra-
peutique pouvant en modifier les données et l’interprétation (fer, transfusion, etc.).
Valeurs normales * Les valeurs normales varient en fonction de l’âge, du sexe et de l’origine ethnique. * Les laboratoires expriment les résultats du patient avec les valeurs normales en fonction de l’âge et du sexe et indiquent au moins une antériorité quand elle existe.
* Les valeurs normales indiquées plus loin sont celles en dehors desquelles une investigation complémentaire doit être entreprise.
* Quelques principes généraux d’interprétation de l’hémogramme peuvent être dégagés : – chaque lignée doit être interprétée quantitativement (quantification des cellules en valeur absolue [unité en G/l pour les leucocytes et plaquettes, T/l pour les érythrocytes], volumes, indices) et qualitativement (anomalies morphologiques, cellules anormales) ;
– les numérations de l’hémogramme sont des mesures de concentration ; la numération
cellulaire tient compte à la fois des cellules et du contenant (plasma).
A. Hémoglobine et hématies 1. Hémoglobine
Les valeurs de référence de la concentration de l’hémoglobine (à noter qu’on parle de taux d’hémoglobine, formule validée par l’usage, même si stricto sensu c’est bien une concentration) sont les suivantes : * homme adulte : 13–18 g/dl (ou 130–180 g/l) ; * femme adulte : 12–16 g/dl (ou 120–160 g/l) ;
* nouveau-né : 14–23 g/dl (ou 140–230 g/l).La valeur de l’hémoglobine est élevée de façon physiologique chez le nouveau-né ; elle baisse progressivement et atteint sa valeur minimale chez le nourrisson vers l’âge de 3 mois. Elle est assez stable ensuite (11–14 g/dl) jusqu’à 6 ans, puis augmente très progressivement pour
atteindre les valeurs de l’adulte vers l’âge de 15 ans.
Une anémie est définie en pratique par une diminution du taux d’hémoglobine au-dessous de ces valeurs seuil. N’interviennent dans cette définition ni le nombre d’hématies, ni l’hématocrite. Une anémie devra toujours être caractérisée par sa profondeur (taux d’hémoglobine), le volume des hématies (VGM ; normocytaire, microcytaire, macrocytaire), la chromie (CCMH ; normochrome et hypochrome essentiellement), son caractère régénératif ou non, son caractère isolé ou associé à d’autres cytopénies, et son association avec des anomalies de la morphologie des hématies et des autres cellules au frottis sanguin. Tout nouveau diagnostic d’anémie, sauf si microcytaire (voir Item 213, chapitre 3), doit s’accompagner de la numération des réticulocytes, qui ne fait pas partie de l’hémogramme standard et doit être ajoutée à la prescription de la NFS. Les réticulocytes sont des hématies immatures avec encore des capacités de synthèse protéique, qui maturent 24 à 48 heures dans le sang avant de devenir des hématies. Ils ne s’interprètent qu’en parallèle du taux d’hémoglobine et en valeur absolue (en G/l), même si leur quantification est calculée à partir de leur pourcentage par rapport aux hématies totales. Le taux normal de réticulocytes, en l’absence d’anémie, varie de 20 à 100 G/l chez l’adulte et l’enfant (jusqu’à 350 G/l chez le nouveau-né) ; un nombre supérieur à 120 G/l définit le caractère régénératif d’une anémie (voir Item 213, chapitre 3) ; a contrario, un nombre inférieur à 120 G/l définit une anémie non régénérative chez un patient anémique. Néanmoins, cette élévation des réticulocytes peut demander 48 voire 72 heures en situation aiguë. La mesure d’hémoglobine s’exprimant en concentration, il faut se méfier des « fausses anémies » par hémodilution liée à une augmentation de la volémie plasmatique observées dans les situations: * physiologiques chez la femme enceinte, pour qui la limite inférieure de l’hémoglobine est de 10,5 g/dl au 2e trimestre de grossesse ;
* pathologiques lors des hyperprotidémies importantes (par exemple les gammapathies monoclonales), de l’insuffisance cardiaque et de l’hypersplénisme.
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À l’inverse, une hémoconcentration peut augmenter l’hémoglobine (déshydratation, diuré-
tiques) et masquer une anémie, voire induire de « fausses polyglobulies ».
- Volume globulaire moyen (VGM) Le volume globulaire moyen (VGM) est mesuré par les automates ou par le rapport entre l’hématocrite et le nombre d’hématies selon la formule (Ht × 10/nombre d’hématies).
La valeur normale est de 80 à 100 fL (femtolitres). En pratique, on retient généralement les définitions suivantes : * microcytose : – VGM < 80 fL chez l’adulte ; – VGM < 70 fL chez l’enfant entre 6 mois et 2 ans ; – VGM < 75 fL entre 2 ans et 6 ans ; – VGM < 77 fL entre 6 ans et 12 ans ; – VGM < 78 fL entre 12 ans et 16 ans.
* macrocytose : – VGM > 100 fL chez l’adulte ; – VGM > 84 fL chez l’enfant entre 6 mois et 2 ans ; – VGM > 84 fL entre 2 ans et 6 ans ; – VGM > 92 fL entre 6 ans et 12 ans ; – VGM > 96 fL entre 12 ans et 16 ans.
* normocytose : – 80 fL < VGM < 100 fL chez l’adulte ; – 70 < VGM < 84 fL chez l’enfant entre 6 mois et 2 ans ; – 75 < VGM < 84 fL entre 2 ans et 6 ans ; – 77 < VGM < 92 fL entre 6 ans et 12 ans ;
– 78 < VGM < 96 fL entre 12 ans et 16 ans.Le VGM est élevé à la naissance (100–120 fL). Un VGM < 93 fL à la naissance doit être considéré comme pathologique. Il diminue progressivement en parallèle de la baisse de l’hémoglobine et atteint les valeurs les plus faibles entre 6 mois et 2 ans (70–84 fL), puis augmente progressivement pour atteindre les valeurs de l’adulte vers 12 à 15 ans. Chaque individu a un VGM qui lui est propre (au sein des valeurs normales) et qui reste stable
tout au long de la vie adulte (baisse ou hausse importante : signe pathologique).
- Concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH) La concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH) correspond à la concentration moyenne en hémoglobine dans une hématie. On la calcule en divisant la valeur du taux d’hémoglobine par l’hématocrite selon la formule = Hb × 100/Ht).
La valeur normale quels que soient l’âge et le sexe est comprise entre 32 et 36 g/dl, permettant de définir : * l’hypochromie : CCMH < 32 g/dl ; * la normochromie : entre 32 et 36 (inclus) g/dl ; * l’hyperchromie : CCMH > 36 g/dl. NB : celle-ci est le plus souvent artéfactuelle.
L’hyperchromie (CCMH > 36 g/dl) évoque en premier lieu une erreur de l’hémogramme automatisé. Le plus souvent, cette erreur est liée 1) à la présence d’une agglutinine froide ou 2) à un plasma lactescent, hémolysé ou très ictérique. Plus rarement, il s’agit d’une « hyperchromie vraie », toujours modérée et qui témoigne alors d’une déshydratation des globules rouges parfois observée dans certaines pathologies comme la sphérocytose héréditaire.
- Teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine (TCMH) La teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine (TCMH) correspond à la quantité d’hémoglobine divisée par le nombre d’hématies. Elle se calcule selon la formule concentration en hémoglobine divisée par le nombre d’hématies, soit Hb × 10/nombre d’hématies. Les valeurs normales quels que soient l’âge et le sexe sont de 27 à 32 pg par cellule. C’est un indice érythrocytaire peu utilisé. Il est cependant un excellent signe de carence martiale lorsqu’il est associé à une CCMH < 32 g/dl. À noter que les indices CCMH et TCMH doivent être confrontés à l’aspect érythrocytaire sur le frottis, capable de repérer une anisochromie (hétérogénéité de chromie des hématies) avec une grande fiabilité. L’analyse du frottis va par ailleurs orienter le
diagnostic et les examens biologiques à prescrire.
B. Leucocytes sanguins : numération La numération des leucocytes sanguins varie en fonction de l’âge : * naissance : 10–26 G/l ; * 3 mois : 6–12 G/l ; * 1 an : 6–15 G/l ; * 3 à 6 ans : 6–15 G/l ; * 10 à 12 ans : 4,5–13,5 G/l ; * adulte : 4–10 G/l.
Chez l’adulte, les valeurs sont identiques chez l’homme et la femme.Les valeurs au-delà des valeurs seuil définissent par exemple chez l’adulte : * l’hyperleucocytose : leucocytes > 10 G/l ; * la leucopénie : leucocytes < 4 G/l.
En pratique, la formule leucocytaire exprimée en valeurs absolues définit quelle(s) catégorie(s)
cellulaire(s) est (sont) en excès ou en défaut.
Les normes sont les suivantes chez l’adulte (une image de chaque cellule obtenue sur frottis sanguin en May Grümwald Giemsa (MMG) est montrée pour chaque type cellulaire ; fig. 2.1) : * polynucléaires neutrophiles : 1,5–7 G/l ; * polynucléaires éosinophiles : 0,05–0,5 G/l ; * polynucléaires basophiles : 0,01–0,05 G/l ; * lymphocytes : 1,5–4 G/l ;
* monocytes : 0,1–1 G/l.Chez le nouveau-né les valeurs sont plus élevées : * polynucléaires neutrophiles : 6–26 G/l ; * lymphocytes : 2–7 G/l ;
* monocytes : 0,4–3,1 G/l.Au cours des premiers mois de la vie : * la leucocytose totale diminue progressivement, surtout par baisse du nombre des polynucléaires neutrophiles (1–8 G/l de 1 mois à 1 an, puis 1,5–9 G/l jusqu’à 4 ans, puis valeurs se rapprochant de plus en plus de l’adulte) ;
* le nombre des monocytes suit une évolution comparable : 0,2–1,5 G/l jusqu’à 1 an, puis 0,2–1 G/l jusqu’à l’âge adulte ;
* le nombre des lymphocytes reste élevé : 2–10 G/l entre 1 et 4 ans, puis les valeurs se rap-
prochent progressivement de celles de l’adulte vers 10–12 ans.
D. Plaquettes sanguines : numération Incluse dans la demande d’un hémogramme, la numération n’a pas besoin d’une prescription spécifique.
Les valeurs sont les suivantes : * valeurs normales : 150–400 G/l ; * thrombopénie : < 150 G/l ; * thrombocytose (hyperplaquettose) : > 450 G/l ; * entre 15 jours et 6 mois, le chiffre de plaquettes peut être compris entre 150–600 G/l.
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Toute thrombopénie sans manifestation clinique doit faire rechercher systématiquement une fausse thrombopénie par agrégation des plaquettes à l’EDTA.
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L’anticoagulant EDTA provoque chez un patient sur 5000 une agrégation des plaquettes entre elles dans le tube de prélèvement (c’est-à-dire in vitro). Les agrégats sont le plus souvent repérés par les compteurs de cellules, mais les automates sont incapables de compter individuellement les plaquettes au sein des agrégats ; l’automate ne compte que les plaquettes libres, d’où une « fausse thrombopénie ». Malgré l’attention apportée par les biologistes sur ce fait, il faut l’avoir à l’esprit quand on découvre une thrombopénie. Cette fausse thrombopénie ne s’accompagne pas de signes hémorragiques. Un prélèvement de sang sur un autre anticoa-
gulant comme le citrate ou en microméthode permet de faire un décompte plaquettaire réel.
Anomalies demandant une prise en charge urgente par un spécialiste : * hémoglobine < 6 g/dl chez l’adulte et l’enfant, ou < 11 g/dl chez le nouveau-né, ou toute anémie mal tolérée (voir Item 213, chapitre 3, pour les critères d’urgence) ;
* hématocrite > 60 % (adulte) ; * neutropénie profonde < 0,5 G/l (et a fortiori < 0,2 G/l = agranulocytose, mais la neutropénie < 0,5 G/l a la même signification) ;
* thrombopénie < 20 G/l, même en l’absence de syndrome hémorragique ;
* hyperleucocytose avec cellules immatures > 20 G/l.
A. Anémies (Voir Item 213, au chapitre 3.) En pratique, l’anémie est définie par une diminution de la concentration de l’hémoglobine à l’hémogramme, après avoir éliminé une fausse anémie par hémodilution. Les anémies sont classées en fonction du VGM, de la CCMH, de leur caractère régénératif (lorsque les réticulocytes sont > 120 G/l) ou arégénératif (réticulocytes < 120 G/l) et de leur caractère isolé ou associé à d’autres cytopénies et des anomalies décrites sur le frottis sanguin. Cette définition oublie toutefois l’anémie aiguë hémorragique dans laquelle la perte de sang ne modifie pas au début le rapport entre les cellules et le plasma, et inclut à tort les fausses anémies par hémodilution – par exemple celles de la femme enceinte. Ces situations seront traitées à part. Les anémies microcytaires (VGM < 80 fL chez l’adulte, < 70 fL chez l’enfant) traduisent un trouble de la synthèse de l’hémoglobine. Les plus fréquentes sont les anémies hyposidérémiques par carence martiale. Elles nécessitent une exploration du métabolisme du fer et une recherche étiologique. Les anémies inflammatoires deviennent microcytaires et hypochromes quand elles sont chroniques. Les syndromes thalassémiques ne sont pas rares, souvent asymptomatiques et de découverte fortuite dans leur forme mineure. Les anémies macrocytaires (VGM > 100 fL chez l’adulte, > 95 fL chez l’enfant) évoquent en premier lieu, lorsque non régénératives : * un éthylisme (adulte) ; * un déficit en vitamine B12 ou vitamine B9 ; * des syndromes myélodysplasiques (surtout chez l’adulte), particulièrement chez le sujet âgé ;
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* la prise de certains médicaments (surtout chez l’adulte, parfois chez l’enfant) ; * une insuffisance médullaire (anémie de Fanconi, etc.). D’autres étiologies sont systématiquement recherchées et faciles à éliminer : régénération médullaire (quand les réticulocytes sont augmentés, ils majorent le VGM global du fait de leur taille, 25 % plus importante que les globules rouges), hypothyroïdie (clinique, TSH), hépatopathies autres que l’éthylisme (adulte, enfant), hémopathies malignes. Les anémies normocytaires (VGM compris entre 80 et 100 fL chez l’adulte, entre 70 et 95 fL chez l’enfant) sont distinguées en fonction du contexte clinique et de la numération des réticulocytes : * anémies régénératives (numération des réticulocytes > 120 G/l) : traduisant une régénération médullaire secondaire à une hémolyse ou survenant après hémorragie aiguë ou la phase de réparation d’une anémie centrale (post-chimiothérapie par exemple) ;
* anémies arégénératives (numération des réticulocytes normale ou diminuée) : altération de la moelle osseuse (atteinte centrale), explorées par le myélogramme après avoir éliminé systématiquement certains diagnostics ne justifiant pas ce geste, notamment une insuffisance
rénale, une pathologie thyroïdienne (voir Item 213, chapitre 3).
B. Polyglobulies (Voir Item 317, chapitre 6.) Ce sont le taux d’hémoglobine et l’hématocrite qui sont utilisés pour caractériser une polyglobulie, jamais le nombre de globules rouges circulants. On se souviendra que l’hémoglobine est
physiologiquement élevée à la naissance.
C. Polynucléoses neutrophiles Chez l’adulte : polynucléaires neutrophiles > 7 G/l.
Les polynucléoses neutrophiles isolées (sans anémie, thrombopénie ou myélémie) sont exceptionnellement liées à une hémopathie. Elles évoquent en premier lieu une infection bactérienne : * généralisées : septicémies ; * ou localisées : angines, dents, autres infections ORL, infections urinaires, biliaires, ostéomyélites, appendicite, etc.
Toutefois, certaines infections ne s’accompagnent pas de polynucléose neutrophile. Ce signe négatif a une bonne valeur d’orientation au cours de la fièvre typhoïde, de la brucellose et de la tuberculose. Les infections virales n’entraînent en général pas de polynucléose neutrophile en dehors d’une surinfection. Les causes physiologiques connues doivent être éliminées comme : * un effort physique ; * la période postprandiale ; * la fin de grossesse, les suites de couches ; * les suites opératoires ; * chez le nouveau-né. Des polynucléoses neutrophiles d’« entraînement », par hyperstimulation de la production médullaire, peuvent être facilement reconnues : hémolyse, traitement par facteur de croissance (G-CSF). Les autres causes pathologiques (adultes, ou adultes et enfants selon les causes) sont les suivantes : * tabagisme ; * maladies inflammatoires ; * nécroses tissulaires (infarctus, pancréatite) ; * cancers ; * lymphomes ; * médicaments (corticoïdes, lithium) ; * néoplasies myéloprolifératives. La leucémie myéloïde chronique (LMC) et la myélofibrose primitive comportent une myélémie associée. La maladie de Vaquez et la thrombocytémie essentielle peuvent s’accompagner d’une polynucléose neutrophile (voir Item 317,
chapitre 6).
D. Myélémies La myélémie est le passage dans le sang de formes immatures de la lignée granuleuse normalement présentes dans la moelle : métamyélocytes, myélocytes et, moins souvent, promyélocytes (fig. 2.2). La myélémie est physiologique la première semaine de vie (0–1,5 G/l). Une myélémie significative (supérieure à 2 %) est pathologique. Les principales étiologies des myélémies sont les suivantes : * transitoires : – infections graves (septicémies) ;
– anémies hémolytiques ;– période de « réparation » après une hémorragie ; – régénérations médullaires à la suite d’une chimiothérapie ou d’insuffisance médullaire avec ou sans traitement par des facteurs de croissance ;
* chroniques : – néoplasies myéloprolifératives (LMC, myélofibrose) ; – métastases ostéomédullaires.
L’érythroblastose sanguine (érythroblastémie) correspond au passage dans le sang d’érythroblastes (précurseurs des globules rouges dans la moelle). Elle est également physiologique la première semaine de vie (< 1 G/l) et régresse ensuite totalement.
L’érythromyélémie est l’association d’une myélémie et d’une érythroblastose sanguine.
E. Neutropénies Chez l’adulte : polynucléaires neutrophiles < 1,5 G/l.
Le risque d’une neutropénie, quelle qu’en soit l’étiologie, est l’infection (bactérienne et mycosique) ; il est majeur au-dessous de 0,5 G/l (voir Item 296, chapitre 7). Les sujets d’origine africaine (quel que soit l’endroit où ils vivent dans le monde) ont de façon physiologique une valeur normale de polynucléaires neutrophiles (PNN) plus basse, pouvant aller jusqu’à 1 G/l du fait d’une margination accrue des PNN (pool marginal des PNN adhérents aux cellules endothéliales augmenté). Dans le sang, les neutrophiles se répartissent à peu près équitablement entre un secteur marginal et un secteur circulant ; ces deux secteurs s’équilibrent à l’état physiologique (fig. 2.3). La moelle osseuse constitue aussi une réserve importante de neutrophiles, mobilisable en cas de besoin sous l’effet de toxines bactériennes ou d’un traitement par les corticoïdes. Les automates d’hématologie quantifient uniquement le pool circulant des PNN. Le stress, la digestion, l’exercice physique, le tabac, les corticoïdes mobilisent les neutrophiles vers le secteur circulant. Avec un prélèvement non à jeun, les neutrophiles se démarginent (durée d’environ 1 heure 30). Les neutropénies par margination excessive sont isolées, modérées, asymptomatiques et fluctuantes. Les neutropénies isolées et transitoires évoquent en premier une étiologie médicamenteuse ou virale. Dans les neutropénies modérées, la notion d’évolution quantitative à plusieurs hémo-
grammes successifs est importante dans la décision d’explorations complémentaires.Les neutropénies d’aggravation progressive ou associées à d’autres anomalies (macrocytose, anémie) doivent faire évoquer une hémopathie et adresser à un spécialiste. Les principales étiologies des neutropénies sont les suivantes : * médicaments ; * infections : – typhoïde, brucellose : – septicémies graves ; – hépatites virales ;
* hypersplénisme ; * hémopathies malignes ; * autres : – troubles de répartition : – congénitales ; – connectivites ;
– radiations ionisantes.
F. Hyperéosinophilies Polynucléaires éosinophiles > 0,5 G/l
(Voir Item 218, chapitre 14.) Les hyperéosinophilies sont rarement la traduction d’une hémopathie. Les deux principales étiologies sont parasitaires et allergiques. Chez le nourrisson prématuré, vers 6 à 8 semaines de vie, une éosinophilie physiologique
transitoire (quelques semaines) est fréquente (1–2 G/l).
G. Hyperbasophilies Polynucléaires basophiles > 0,1 G/l.
L’excès de polynucléaires basophiles est souvent rencontré, de façon modérée, lors des états allergiques. Les augmentations importantes accompagnent généralement les néoplasies
myéloprolifératives.
H. Hyperlymphocytoses Chez l’adulte : lymphocytes > 4 G/l. 42
Une hyperlymphocytose vraie se définit par une augmentation du nombre absolu de lymphocytes sanguins. Le terme d’« inversion de formule leucocytaire » est sans signification précise et doit être banni. Les causes d’hyperlymphocytose sont très différentes en fonction de l’âge et de la morphologie des cellules lymphocytaires. L’hyperlymphocytose est affirmée par un nombre de lymphocytes sanguins supérieur à la normale. Chez l’enfant, cette normale est variable en fonction de l’âge : * 0–1 mois : 2,0–17,0 G/l ; * 6 mois : 4,0–13,5 G/l ; * 1 an : 4,0–10,5 G/l ; * 1–4 ans : 2,5–8 G/l ; * 5–9 ans : 1,5–6,5 G/l. Les hyperlymphocytoses : * chez l’enfant, sont le plus souvent réactionnelles à une infection et bénignes : coqueluche, viroses ;
* chez l’adolescent, sont parfois accompagnées ou accompagnent un syndrome mononucléosique (voir Item 217, chapitre 12) ;
* chez l’adulte, surtout après 40 ans, évoquent en premier lieu un syndrome lymphoprolifératif, ensemble de maladies comportant une hyperlymphocytose, liées à la prolifération clonale de cellules lymphocytaires dans la moelle osseuse et secondairement dans le sang et les organes lymphoïdes (ganglions, rate). La leucémie lymphoïde chronique (LLC) est plus fréquente que les phases leucémisées des lymphomes.
Toute hyperlymphocytose chronique de l’adulte – c’est-à-dire persistant ou augmentant après un contrôle effectué 6 à 8 semaines plus tard – nécessite la réalisation d’un immunophénotypage des lymphocytes sanguins. C’est un examen essentiel pour affirmer une LLC ou orienter
vers l’un des autres syndromes lymphoprolifératifs.
I. Lymphopénies Chez l’adulte : lymphocytes < 1,5 G/l.La recherche d’une étiologie doit être systématique lorsque leur nombre est inférieur à 1 G/l. Les étiologies les plus fréquentes sont les suivantes : * infections virales (tous les types de virus, incluant celui de l’immunodéficience humaine), parfois bactériennes (signe de gravité) ;
* lymphomes ; * cancers, radiothérapies, chimiothérapies et traitements immunosuppresseurs ; * corticothérapie ; * déficits immunitaires primitifs ; * maladies auto-immunes (lupus) ; * insuffisance rénale chronique ;
* rares formes idiopathiques.
J. Hypermonocytoses Monocytes > 1 G/l.
On distingue : * les monocytoses transitoires, généralement réactionnelles à des pathologies infectieuses ou inflammatoires ;
* les monocytoses chroniques, généralement liées à une hémopathie maligne qu’il convient d’explorer en milieu spécialisé.
Les principales étiologies sont les suivantes : * monocytoses réactionnelles : – bactériennes : tuberculose, brucellose, endocardites, typhoïde ; – parasitaires : paludisme, leishmaniose ; – cancers ; – inflammation ; – nécrose tissulaire ; – phase de réparation d’une agranulocytose ;
* monocytoses primitives : – leucémie myélomonocytaire chronique chez les sujets âgés ; – leucémie myélomonocytaire juvénile (LMMJ) chez l’enfant ;
– leucémie aiguë monoblastique.
K. Thrombopénies Plaquettes < 150 G/l.
(Voir Item 214, chapitre 15.) Il faut penser à éliminer la fausse thrombopénie à l’EDTA (voir plus haut).
La démarche étiologique diffère selon qu’il s’agit d’un nouveau-né, d’un enfant ou d’un adulte.Une thrombopénie peut être de découverte systématique ou révélée par un syndrome hémorragique. Il s’agit typiquement d’un purpura cutanéomuqueux, pétéchial et diffus parfois associé à des hématomes spontanés. Le risque hémorragique est variable : * il n’y a pas de risque hémorragique spontané tant que les plaquettes sont > 50 G/l, sauf thrombopathie associée (par exemple dans l’insuffisance rénale ou après la prise de certains médicaments) ;
* le risque hémorragique spontané d’une thrombopénie existe et est grave (mortalité d’environ 5 %).
Le myélogramme a son intérêt dans l’exploration d’une thrombopénie (voir Item 214, chapitre 15, pour ses indications) : * quand la thrombopénie est isolée et sans cause évidente, le myélogramme permet d’orienter vers l’origine : – centrale (mégacaryocytes absents ou dysmorphiques, voire présence de cellules anormales dans la moelle osseuse) ;
– périphérique (moelle riche en mégacaryocytes normaux, pas de cellules anormales dans la moelle osseuse) ;
* quand la thrombopénie n’est pas isolée, il s’agit d’une bi- ou d’une pancytopénie, pour laquelle le myélogramme est souvent nécessaire.
Des précautions doivent être prises chez les patients thrombopéniques. 44
Les gestes à éviter ou à encadrer de précautions (transfusion de plaquettes par exemple en cas de thrombopénie centrale), surtout en cas de thrombopénie inférieure à 50 G/l, sont les suivants : * injection intramusculaire ; * biopsie percutanée ; * toute intervention chirurgicale (y compris avulsion dentaire) ; * ponction lombaire ; * ponction pleurale ou péricardique ;
* sports traumatisants.
L. Hyperplaquettoses ou thrombocytoses Plaquettes > 400 G/l.
En pratique, on explore les hyperplaquettoses > 450 G/l. Elles comportent un risque thrombotique et un risque hémorragique (observé surtout quand la numération plaquettaire, paradoxalement, est très élevée, > 1500 G/l). Elles sont réactionnelles (taux généralement < 800 G/l) à : * un stress : chirurgie, accouchement, etc. ; * un syndrome inflammatoire ; * une carence martiale ;
* une splénectomie.Plus rarement, la thrombocytose correspond à l’une des néoplasies myéloprolifératives : thrombocytémie essentielle, maladie de Vaquez, leucémie myéloïde chronique, myélofibrose
primitive (voir Item 317, chapitre 6).
A. Définition A Les agranulocytoses médicamenteuses représentent un accident hématologique iatrogénique fréquent (2,4 % des accidents iatrogéniques), dont le pronostic reste mauvais, avec 5 % de décès, même si la prise en charge est précoce et adaptée. L’agranulocytose est théoriquement définie par l’absence totale des polynucléaires neutrophiles (PNN) du sang circulant. En pratique, l’agranulocytose est définie par une neutropénie profonde de grade IV (< 0,5 G/l).
Le risque majeur d’une agranulocytose, quel qu’en soit le mécanisme, est infectieux.
B. Physiopathologie B Il existe deux grands types d’agranulocytose médicamenteuse.
1. Origine centrale liée à un mécanisme de toxicité médullaire Dans le cas des agranulocytoses secondaires à une altération de la production médullaire des polynucléaires neutrophiles par un mécanisme toxique, le médicament induit une hypoplasie puis une aplasie de chacune des lignées myéloïdes (ralentissement et arrêt de croissance des progéniteurs, disparition des précurseurs), qui débute parfois plus sélectivement par la lignée granulocytaire, et aboutit finalement à une pancytopénie. Il s’agit du mécanisme le plus fréquent, et en général attendu, apparaissant dans les jours suivant l’administration d’une chimiothérapie cytotoxique. La profondeur de l’aplasie postchimiothérapique (nadir) dépend de plusieurs facteurs : la nature et la dose de la chimiothérapie elle-même, l’âge, les thérapeutiques antérieures, la maladie causale et son statut (rémission ou non). Beaucoup plus rarement, certaines agranulocytoses médicamenteuses (pour certains psychotropes notamment) ont une survenue du même type mais non prévisible : elles ne manifestent aucune tendance à la régression spontanée.
2. Origine périphérique liée à un mécanisme immunoallergique
Les agranulocytoses aiguës médicamenteuses, d’origine périphérique immunoallergique, intéressent uniquement la lignée granulocytaire. Les lignées érythrocytaire et plaquettaire sont normales, l’agranulocytose est isolée. La toxicité est indépendante de la dose administrée, mais nécessite un contact « sensibilisant » avec le médicament : soit un traitement sur une période de plusieurs jours, soit un contact préalable (parfois lointain, de plusieurs années), suivi de la réintroduction du médicament. Le mécanisme « haptène-carrier » en est un modèle
classique (il y en a d’autres) : le médicament n’est pas immunogène par lui-même, mais ledevient (haptène) s’il se couple à une protéine plasmatique (carrier) ou se fixe à une protéine de la membrane du granulocyte, induisant l’apparition d’anticorps anti-« médicament + protéine8 ». Ces anticorps se fixent sur le complexe médicament + protéine (directement sur la membrane ou indirectement, d’abord dans le plasma, puis le complexe antigène-anticorps se fixe sur la membrane du polynucléaire neutrophile) et activent le complément, produisant une disparition rapide (en quelques heures) des polynucléaires neutrophiles du sang périphérique. Ce type d’agranulocytose est aigu et brutal. Il est plus rare aujourd’hui, depuis l’éviction des dérivés du pyramidon et de la phénylbutazone. Du fait de leur faible incidence (de l’ordre de 2 à 16 cas pour un million par an), le risque d’agranulocytose est généralement méconnu par les essais thérapeutiques prémarketing et il est nécessaire d’y penser devant l’introduction de toute nouvelle classe thérapeutique ou la modification substantielle d’un médicament anté-
rieurement considéré comme « non suspect ».
II. Diagnostic positif A Le diagnostic positif (agranulocytose) repose sur l’hémogramme (PNN < 0,5 G/l) et le dia-
gnostic étiologique (origine médicamenteuse) sur l’interrogatoire et le myélogramme.
- Circonstances de découverte La découverte d’une agranulocytose peut être : * fortuite, à l’occasion d’un hémogramme systématique ; * à l’occasion d’un hémogramme de surveillance d’un traitement connu pour donner des agranulocytoses immunoallergiques (antithyroïdiens de synthèse, etc.) ou d’une chimiothérapie ;
* à l’occasion d’un syndrome infectieux. L’agranulocytose aiguë médicamenteuse (immunoallergique) est essentiellement observée chez l’adulte, avec une prédominance féminine. La population cellulaire cible du mécanisme immunologique peut être plus ou moins avancée dans l’hématopoïèse, ce qui explique un délai de recouvrement variable. L’agranulocytose par toxicité élective ou prédominante pour les granuleux est moins connue. Elle est souvent d’apparition progressive, dose et temps-dépendante. Certains médicaments comme les phénothiaziques, les sels d’or, les antithyroïdiens de synthèse, les dérivés du chloramphénicol, dont l’utilisation réapparaît, et les antihistaminiques de type 2 (anti-ulcéreux efficaces désormais très peu utilisés) justifient ainsi une surveillance particulière (surveillance des hémogrammes et éducation du patient avec ordonnance d’hémogramme à réaliser en urgence en cas de fièvre). L’agranulocytose dans le cadre d’une aplasie médullaire post-chimiothérapie est habituellement prévisible et attendue ; elle est dépistée par des contrôles systématiques de l’hémogramme. À la symptomatologie infectieuse peuvent se surajouter, à des degrés variables, un syndrome anémique et des signes hémorragiques cutanéomuqueux, traduisant l’atteinte asso-
ciée des lignées érythrocytaire et plaquettaire.
- Tableau infectieux Le tableau infectieux est souvent d’installation brutale quel que soit le mécanisme. En effet, le risque infectieux est fonction de la profondeur de la neutropénie et majeur en dessous de 0,5 G/l. Dans les formes toxiques, la neutropénie est d’installation plus progressive, tandis que les formes immunoallergiques sont brutales. Au cours d’une agranulocytose ou d’une aplasie, la fièvre est définie par température ≥ 38,3 °C une fois ou ≥ 38 °C à deux reprises à au moins 1 heure d’intervalle. La présentation clinique est souvent pauvre, la fièvre pouvant être le seul symptôme. L’infection peut aussi être bien localisée (cutanée, ORL, pneumologique, etc.) ou généralisée (bactériémie) avec ou sans signes de gravité. Les localisations cutanée, pulmonaire et périnéale sont un critère de gravité. Il faut bien examiner le périnée de tout patient en agranulocytose ou aplasie fébrile. Le tableau clinique peut également comporter des lésions ulcéronécrotiques au niveau des muqueuses, qui sont en relation directe avec le déficit en PNN. Ces lésions sont hyperalgiques, creusantes, susceptibles de se surinfecter, et prédominent au niveau de la cavité buccale (« angine ulcéronécrotique », extrêmement évocatrice), mais elles peuvent intéresser toutes les muqueuses. Il peut également s’agir d’un tableau infectieux résistant à une antibiothérapie de première intention bien conduite. Néanmoins, l’absence de foyer infectieux local est habituelle à la phase initiale, le profond déficit en PNN ne permettant pas la formation de pus. On distingue trois tableaux cliniques : les fièvres cliniquement documentées (signes cliniques et/ou radiologiques sans documentation microbiologique) dans 10 % des cas, les fièvres microbiologiquement documentées (documentation microbiologique qu’il y ait ou non un foyer) dans 30 % des cas, et les fièvres d’origine inconnue (pas de documentation ni
clinique, ni microbiologique) dans 60 % des cas.
B. Diagnostic biologique 1. Hémogramme Dans les agranulocytoses vraies, le nombre des PNN est inférieur à 0,2 G/l et parfois égal à zéro. La neutropénie est sévère (risque infectieux majeur) au-dessous de 0,5 G/l (neutropénie de grade IV), si bien qu’on parle d’agranulocytose en dessous de 0,5 G/l (définition). Pour rappel, la neutropénie est définie par un nombre de PNN < 1,5 G/l. Les autres paramètres de l’hémogramme sont indispensables au diagnostic : * dans l’agranulocytose de mécanisme toxique, la leucopénie est nette, avec agranulocytose plus ou moins totale, et l’examen du frottis sanguin au microscope ne retrouve pas de cellules anormales. Lorsque la cause est une chimiothérapie anticancéreuse, il s’y associe de façon constante une anémie et une thrombopénie dont la profondeur est variable et peut être majeure (pancytopénie plus ou moins sévère) ;
* dans l’agranulocytose de mécanisme immunoallergique, la leucopénie est fréquente, avec agranulocytose souvent complète (0 G/l de PNN), persistance des autres populations leucocytaires circulantes sur la formule leucocytaire (lymphopénie fréquemment associée), et absence de cellules anormales (blastes, cellules lymphomateuses). La neutropénie est habi-
tuellement isolée, sans anémie ni thrombopénie.
- Myélogramme Un myélogramme est indispensable devant toute agranulocytose, sauf si celle-ci est secondaire à l’administration d’une chimiothérapie anticancéreuse et qu’elle survient dans les délais attendus. Le myélogramme a un rôle à la fois diagnostique, en confirmant l’atteinte de la lignée granuleuse ; pronostique, en évaluant le début de la régénération de cette lignée, notamment la présence de précurseurs avancés dans la maturation comme les promyélocytes ; et étiologique,
en éliminant les diagnostics différentiels. Dans le cas d’une agranulocytose médicamenteuse,les frottis médullaires sont de richesse diminuée, liée à la disparition totale ou partielle de la lignée granuleuse, avec respect des mégacaryocytes, des érythroblastes, des lymphocytes et des plasmocytes, dont les pourcentages apparaissent augmentés en valeur relative. La lignée granuleuse peut présenter deux aspects, le myélogramme n’étant qu’un « instantané » pris à un moment donné : * soit l’absence totale des cellules de la lignée granuleuse ; * soit la présence des précurseurs les plus immatures (myéloblastes et promyélocytes) en nombre variable avec absence des éléments plus matures. Cet aspect de début de régénération de la lignée granuleuse, correspondant au classique « blocage de maturation » au stade de promyélocyte, permet d’évoquer un début de reprise de la granulopoïèse, et donc la possible réapparition de neutrophiles matures dans les jours à venir (fig. 7.1). Les promyélocytes dans ces agranulocytoses sont bien sûr normaux, sans corps ni fagots d’Auer,
ce qui écarte l’éventualité d’une leucémie aiguë promyélocytaire.La surveillance de l’hémogramme et de la formule leucocytaire est également très utile, la présence d’une monocytose sanguine ayant un grand intérêt pronostique, puisqu’elle va précéder de 48 heures environ la réapparition des PNN dans le sang. En présence d’une pancytopénie sans diagnostic étiologique établi par l’anamnèse et le myélogramme, il faut réaliser une biopsie ostéomédullaire (BOM). La réalisation d’une BOM nécessite un bilan d’hémostase préalable et un taux de plaquettes ≥ 50 G/l (au besoin après transfusion). Dans le cas d’une agranulocytose isolée, le diagnostic étiologique est dans la grande majorité des cas posé par l’anamnèse et le myélogramme ; la nécessité de recours à la BOM est excep-
tionnelle dans ce cas.
C. Enquête étiologique en cas d’agranulocytose aiguë médicamenteuse * L’identification du médicament responsable repose sur l’interrogatoire du malade et de son
entourage et la discussion avec le centre de pharmacovigilance.* De très nombreux médicaments peuvent être mis en cause : antithyroïdiens de synthèse, psychotropes, anticonvulsivants, anti-inflammatoires, antibiotiques, antidiabétiques, antidiurétiques, médicaments à tropisme cardiovasculaire, etc. (voir encadré).
* Tout médicament nouveau est potentiellement dangereux. * En cas d’agranulocytose immunoallergique liée à un nouveau médicament ou à un médicament non connu jusque-là pour en être pourvoyeur, il faut le déclarer à un centre de pharmacovigilance.
* Les critères d’imputabilité sont établis par les centres de pharmacovigilance, auxquels ces accidents doivent impérativement être déclarés. Plusieurs examens biologiques sont proposés, incluant : – la culture des progéniteurs médullaires en présence et en l’absence de sérum du patient et du médicament en cause ;
– la recherche d’anticorps antigranulocytes par immunofluorescence ; – la recherche d’anticorps antigranulocytes par des techniques immuno-enzymatiques.
Aucun de ces tests n’est parfait, ni simple à réaliser, ni utilisé en pratique quotidienne.
Principaux médicaments associés à des agranulocytoses immunoallergiques
126
* Clozapine * Défériprone * Antibiotiques : carbimazole, dapsone, pénicilline G à fortes doses * Antithyroïdiens
* Autres : diprydone, ticlopidine, procaïnamide, rituximab, sulfasalazine
III. Diagnostic différentiel En cas d’agranulocytose isolée (autres lignées normales) et aiguë, le diagnostic différentiel d’une agranulocytose aiguë médicamenteuse ne se pose guère ; il s’agit en effet de l’étiologie prédominante d’agranulocytose acquise et isolée de l’adulte. La situation n’est difficile que si le syndrome septique se complique d’une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), ce qui est exceptionnel. Dans tous les cas, les rares leucémies aiguës ou syndromes myélodysplasiques révélés par une agranulocytose sont diagnostiqués par le myélogramme. Les neutropénies secondaires à un grand nombre d’infections virales n’atteignent en général pas le stade d’agranulocytose. Il est exceptionnel d’être confronté au problème d’une agranulocytose conséquence et non cause d’une infection bactérienne sévère. Devant une neutropénie ancienne, stable et sans complication infectieuse, chez des sujets africains, il faut évoquer une neutropénie ethnique. Parfois profondes, il est exceptionnel que celles-ci atteignent un seuil < 0,5 G/l. Le mécanisme est un excès de margination des PNN aux cellules endothéliales.
Il faut réaliser une BOM en l’absence de diagnostic établi par l’anamnèse et le myélogramme.
Principales étiologies des neutropénies Causes hématologiques * Envahissement médullaire par une hémopathie (leucémie aiguë, lymphomes et syndromes lymphoprolifératifs, myélome) ou un cancer solide
* Syndrome myélodysplasique * Aplasie médullaire idiopathique * Myélofibrose
Causes non hématologiques * Médicamenteuse (toxique ou immunoallergique) * Infectieuse : bactérienne (typhoïde, brucellose, bactériémies, etc.), virales (VIH, hépatites, rougeole, grippe, etc.), parasitaire (paludisme, leishmaniose, etc.)
* Dysimmunitaire (lupus, syndrome de Gougerot-Sjögren, syndrome de Felty, etc.) * Syndrome d’activation macrophagique * Séquestration splénique * Maladie de surcharge (maladie de Gaucher) * Excès de margination (neutropénie ethnique) et non ethnique ?
* Congénitales ?
IV. Traitement et évolution 127
A. Agranulocytose dans le cadre d’une aplasie médullaire post-chimiothérapique B La durée de l’agranulocytose est très variable, de quelques jours à plusieurs semaines, dépendant de l’intensité de la chimiothérapie délivrée. Les chimiothérapies pour tumeur d’organe solide, lymphome, myélome, autogreffe de cellules hématopoïétiques entraînent des aplasie courtes (< 7 jours) et peu profondes. Le risque infectieux est uniquement bactérien. Les chimiothérapies de type induction de leucémie aiguë, certaines consolidations de leucémie aiguë myéloïde, aplasie post-allogreffe de cellules hématopoïétiques entraînent des aplasies longues (> 7 jours) et profondes. Au risque bactérien s’ajoute alors dans un second temps le risque fongique. Des facteurs de croissance hématopoïétiques de type G-CSF (granulocyte-colony stimulating factor) sont parfois prescrits : * en prophylaxie primaire ou secondaire en fonction du risque attendu de neutropénie fébrile ;
* en curatif au moment de la neutropénie fébrile pour en diminuer la durée (prescription hors
AMM).
B. Agranulocytose dans le cadre d’une aplasie médullaire médicamenteuse accidentelle A Le médicament présumé responsable doit être immédiatement et définitivement arrêté. En l’absence de restauration hématopoïétique spontanée, le traitement est celui des aplasies
médullaires graves.
C. Agranulocytose aiguë médicamenteuse A Le médicament présumé responsable (voir encadré) doit être immédiatement et définitivement arrêté. À l’arrêt du médicament en cause, l’ascension du chiffre des PNN au-delà de 0,5 G/l – limite suffisante pour contrôler une infection bactérienne avec l’aide de l’antibiothérapie appropriée – se produit d’ordinaire en un délai de 8 à 10 jours et la normalisation est ensuite rapide, parfois précédée par une monocytose puis une myélémie et une polynucléose neutrophile transitoire dite « de rebond ». L’intérêt de recourir au facteur de croissance granulocytaire G-CSF pour réduire la période d’agranulocytose est controversé. Il n’y a pas d’indication à la transfusion de concentrés granulocytaires. Le malade doit se voir remettre un certificat relatant l’accident intervenu et proscrivant définitivement le médicament responsable ainsi que les molécules ayant le même principe actif, à produire devant tout nouveau prescripteur. Toute réintroduction du médicament responsable entraîne un risque de récidive de l’agranulocytose, ce qui justifie l’éviction définitive du médicament présumé responsable. La mortalité par choc septique avant la correction de l’agranulocytose reste un risque, mais elle
est devenue rare depuis les progrès de la réanimation hématologique.
V. Prise en charge d’une agranulocytose fébrile 128
Il s’agit d’une urgence thérapeutique imposant une hospitalisation immédiate, avec la mise en oeuvre de toutes les mesures d’asepsie appropriées (dont l’hospitalisation en chambre seule).
A Cette attitude peut être modulée en cas de neutropénie post-chimiothérapie de faible risque (durée < 7 jours), en l’absence de critères de gravité et si une surveillance à domicile est possible. Le problème infectieux immédiat est bactérien, dominé par le risque de choc septique (fièvre, tachycardie, marbrures, signes de défaillance multiviscérale, hypotension artérielle nécessitant des amines), en particulier en cas de bactériémie à bacille à Gram négatif. Le traitement de l’état septique nécessite la pose d’une voie veineuse, la restauration de l’état hémodynamique, l’oxygénation et la mise en place immédiate d’une antibiothérapie à large spectre. L’arrêt du médicament en cause ou présumé est indispensable pour les agranulocytoses immunoallergiques. Après deux séries d’hémocultures différentielles (sur veine périphérique et sur chambre implantable ou cathéter central s’il y en a un), éventuellement associées à d’autres prélèvements bactériologiques orientés par la clinique et à une radiographie thoracique, une antibiothérapie empirique par voie veineuse doit être instaurée en urgence sans attendre les résultats des prélèvements. L’antibiothérapie de première ligne doit cibler en priorité les germes les plus dangereux, c’està-dire les bacilles à Gram négatif (Escherichia coli, Klebsiella, Pseudomonas). En l’absence d’antécédents infectieux à des bactéries multirésistantes (BMR) et de voyages en pays à forte endémie de BMR, une monothérapie par bêta-lactamine antipyocyanique (céphalosporine anti-Pseudomonas ou pénicilline anti-Pseudomonas) est débutée. Un anti-cocci Gram positif type vancomycine n’est débuté qu’en cas de suspicion d’infection de cathéter, d’infection cutanée ou de signes de gravité hémodynamique ou respiratoire. Un aminoside n’est débuté
qu’en cas d’instabilité hémodynamique. En cas d’antécédent infectieux de BMR, ou de voyageen pays à forte endémie de BMR, l’antibiothérapie empirique initiale doit aussi cibler cette BMR. En cas de positivité des hémocultures, il faut adapter l’antibiothérapie à l’antibiogramme. La conjonction de la sortie d’agranulocytose (neutrophiles > 0,5 G/l) et d’une apyrexie stable permet l’arrêt de l’antibiothérapie en l’absence de documentation. En cas de documentation, le patient doit recevoir la durée de traitement qu’aurait reçu un patient non neutropénique. Chez les patients présentant une agranulocytose de longue durée (induction de leucémie aiguë, certaines consolidations de leucémie aiguë myéloïde, aplasie post-allogreffe de cellules hématopoïétiques), le risque infectieux fongique (candidoses, aspergillose invasive) se surajoute au risque bactérien après 7 jours. Une hospitalisation en chambre ventilée par un air stérile (pression positive ou flux luminaire) dès l’installation des cytopénies permet de minimiser le risque d’aspergillose invasive ultérieure. En cas d’agranulocytose aiguë médicamenteuse ou d’aplasie médullaire après chimiothérapie pour tumeur solide, lymphome, myélome ou autogreffe de cellules hématopoïétiques, la restauration d’un nombre de neutrophiles supérieur à 0,5 G/l excède rarement une dizaine de jours et le risque de survenue dans un second temps d’infection fongique invasive (candidose, aspergillose) est moindre. Dans le cadre des aplasies post-chimiothérapie dont la durée attendue est < 7 jours, une prise en charge ambulatoire par antibiotiques oraux peut être envisagée en l’absence de signes de
gravité et sous certaines conditions.
Prise en charge initiale et durant les premiers jours d’un malade présentant une agranulocytose médicamenteuse fébrile
129
* Hospitalisation immédiate dès la constatation de l’hyperthermie, prise d’une voie veineuse. * Réalisation de deux paires d’hémocultures à une demi-heure ou une heure d’intervalle. * Radiographie de thorax. * Éventuellement, autres prélèvements orientés par la clinique. * Mono-antibiothérapie empirique par voie veineuse par β-lactamine active vis-à-vis du Pseudomonas (uréidopénicilline, céphalosporine de troisième ou quatrième génération, carbapénème) en urgence sans attendre les résultats des prélèvements.
* En cas de défaillance hémodynamique : trithérapie par β-lactamine anti-Pseudomonas, aminoside et glycopeptide (vancomycine).
* L’antibiothérapie initiale doit tenir compte des antécédents infectieux (colonisation et infection) du patient ainsi que de la notion de voyages en zone d’endémie de BMR.
* La persistance d’une fièvre isolée (sans nouveau signe clinique et sans signes de gravité) n’est pas un critère pour escalader l’antibiothérapie.
* En revanche, en cas d’aplasie de haut risque (longue > 7 jours et profonde < 0,1 G/l), le risque ultérieur
est fongique.
Les leucémies aiguës (LA) definition epidemio et classification
- constituent un ensemble d’hémopathies malignes caractérisées par l’expansion clonale dans la moelle osseuse de cellules hématopoïétiques immatures bloquées à un stade précoce de leur différenciation : les blastes.
Il s’agit d’une affection rare (4500 cas en France en 2018), dont on distingue deux grandes catégories : - les leucémies aiguës myéloblastiques ou myéloïdes (LAM), dont la fréquence augmente avec l’âge (âge médian au diagnostic de 70 ans) ; elles représentent environ 3500 cas par an en France ;
- les leucémies aiguës lymphoblastiques ou lymphoïdes (LAL), avec deux pics d’incidence : chez l’enfant de moins de 15 ans ; puis chez l’adulte au-delà de 50 ans (âge médian au diagnostic de 18 ans) ; la LAL représente 1/3 des cancers de l’enfant et environ 1000 cas par an en France. On décrit des LAL de la lignée des lymphocytes B (LAL-B) et de celle des lymphocytes T (LAL-T).
Bilan devant une leucémie aiguë :
Bilan de coagulation : TP, TCA, Fibrinogène, PDF (CIVD).
Bilan métabolique : Urée, Créatinine, Acide urique, Ionogramme,
Bilan phosphocalcique, LDH (Syndrome de Lyse).
Groupe sanguin : Groupe ABO, Phénotype étendu, Rhésus, RAI (pré-transfusionnel).
Autres : B-HCG (chez la femme en âge de procrée), sérologie VIH, VHA, VHB, VHC (bilan avant immunodépression), Typage HLA (pour les patients susceptibles de recevoir une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques),
Echographie cardiaque (bilan préthérapeutique (anthracyclines)), Ponction lombaire (après avis spécialisé).
LAM 3 = LAM Promélyocytaire !
- Translocation (15;17) : gène de fusion récepteur α de l’acide rétinoique (RARα) et PML
- Présentation pancytopénie, peu de blastes périphériques
- Corps d’Auer groupés en fagot au myélogramme
- CIVD très fréquemment associée +++
- Urgence thérapeutique : acide tout‐trans‐rétinoique (ATRA) et arsenic
- Bon pronostic (80% de survie sans rechute à 5 ans)
Ci-dessous, un myelogramme avec présence de Fagot d’Auer dans les 2 cellules blastiques les plus basses situées de l’image (agglomérat de “ bâtonnets azurophiles appelés « corps d’Auer ») :
LA pricnipes diagno et TTT
- Le diagnostic et le pronostic reposent sur l’examen morphologique du tissu d’origine, la moelle osseuse, et sur une caractérisation immunophénotypique, cytogénétique et moléculaire des
blastes. - TTT repose sur les chimiothérapies, plus ou moins intensives selon l’âge et les comorbidités, les thérapies ciblées et la greffe de cellules souches hématopoïétiques pour la moitié des patients qui ont moins de 70 ans.
I. Facteurs étiologiques LAM
- inconnus dans la majorité des cas.
Certains facteurs exposent à un risque accru de LAM : - ATCD d’exposition à une chimiothérapie anticancéreuse, tels que les agents alkylants (délai de 5 ans environ) et les inhibiteurs de topo-isomérase II (délai < à 2 ans) ;
- ATCD d’exposition à des radiations ionisantes, à visée anticancéreuse (radioTT) ou dans le cadre d’exposition pro ;
- ATCD d’exposition à des toxiques, tels que les hydrocarbures benzéniques (carrosserie, pétrochimie, tabac, etc.) ;
- anomalies génétiques : anomalies chromosomiques constitutionnelles (trisomie 21, maladie de Fanconi), mutations géniques constitutionnelles devant être évoquées en cas d’ATCD familiaux d’hémopathies voire d’ATCD familiaux de cancer ou de cytopénies inexpliquées (GATA2, DDX41, etc.) ;
- évolution d’un syndrome myéloprolifératif chronique (LMC, polyglobulie de Vaquez, myélofibrose primitive, thrombocytémie essentielle) ou d’un syndrome myélodysplasique
Certains facteurs exposent à un risque accru de LAL
- Certaines des anomalies génétiques constitutionnelles, des ATCD d’exposition à des toxiques tels que pesticides et solvants, l’évolution d’une leucémie myéloïde chronique (à la différence des autres syndromes myéloprolifératifs chroniques), et enfin des agents viraux (virus d’Epstein-Barr, HTLV1 et VIH) qui exposent à des sous-types rares de LAL.
II. Signes cliniques LA
- résultent de l’envahissement de la MO par les blastes, empêchant celle-ci d’assurer sa fonction d’organe hématopoïétique, ce qui entraîne une insuffisance médullaire.
- La prolifération des blastes peut se faire au sein des autres organes et entraîner un syndrome tumoral.
La présentation est variable, allant de tableaux cliniques peu symptomatiques à des tableaux d’emblée graves nécessitant une hospitalisation en urgence en milieu spécialisé.
LA Insuffisance médullaire presentation
- un syndrome anémique, d’installation rapide et de ce fait souvent mal tolérée ;
- un syndrome hémorragique par anomalie de l’hémostase primaire, secondaire à la thrombopénie : saignements cutanéomuqueux, purpura, hémorragies extériorisées. Ce mécanisme peut être aggravé par un trouble de la coagulation acquis, secondaire à la maladie : la coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) ;
- un syndrome infectieux en rapport avec la neutropénie : fièvre, angine ulcéronécrotique, pneumopathie, etc. La clinique est volontiers pauvre.
Tous ces signes d’appel justifient la réalisation d’un hémogramme.
B. Syndrome tumoral LA presentation
- Envahissement d’organes lymphoïdes : adénopathies et splénomégalie (LAM et LAL), parfois syndrome cave supérieur (LAL-T).
- Envahissement d’autres organes :
– hépatomégalie (LAM et LAL) ;
– hypertrophie gingivale (LAM) ;
– atteinte cutanée sous forme de leucémides (LAM) ;
– atteinte osseuse : douleurs prédominant aux diaphyses proximales (LAL de l’enfant
surtout) ;
– atteinte méningée : signes neurologiques, anesthésie de la houppe du menton (LAL
surtout) ;
– atteinte testiculaire (LAL). - Syndrome de leucostase : l’hyperleucocytose sanguine fait partie du syndrome tumoral, les leucémies étant souvent décrites comme une tumeur liquide. La traduction clinique de
cette hyperleucocytose dépend de la taille des blastes et de leur nombre, et entraîne une augmentation de la viscosité sanguine, puis une résistance à l’écoulement. Elle apparaît pour des leucocytoses (> 50 G/l) quasi exclusivement dans les LAM. Il s’agit d’un syndrome neurorespiratoire avec dyspnée, ralentissement psychomoteur, puis détresse respiratoire et trouble de la vigilance en l’absence de PEC
III. Examens biologiques LA
hEMOGRAMME
A. Hémogramme
L’hémogramme est toujours anormal. Il reflète l’insuffisance médullaire et représente l’examen d’orientation majeur du diagnostic :
* anémie arégénérative normo- ou macrocytaire, presque constante et parfois sévère ;
* thrombopénie, presque constante et parfois sévère ;
* neutropénie, presque constante et parfois sévère ;
* blastes circulants, inconstants ; ils peuvent représenter l’essentiel des leucocytes (formes hyperleucocytaire), mais sont parfois absents ou très rares (formes leucopéniques). On peut donc être à la fois hyperleucocytaire et neutropénique dans la LA.
B. Ponction médullaire dans la LA
- Le diagnostic positif repose sur l’examen morphologique/cytologique du tissu d’origine, la moelle osseuse, par la ponction médullaire.
- Cet examen fait le diagnostic positif de la maladie sur un examen cytologique (myélogramme) et permet la caractérisation immunophénotypique, cytogénétique et moléculaire des blastes de la maladie par diverses techniques complémentaires.
- La définition d’une LA est un infiltrat médullaire ≥ 20 % de blastes
- Myélogramme dans la LA cytologie et cytochimie
- Examen clé du diagnostic, le myélogramme est indispensable même s’il existe des blastes circulants, et il permet une étude morphologique du frottis médullaire.
- Ce sont les cytologistes qui examinent les lames de myélogramme et non pas les anatomopath
Étude cytologique - La moelle est le plus souvent richement cellulaire avec ≥ 20 % de blastes (diagnostic positif), parfois jusqu’à 100 %.
- Divers critères morphologiques des blastes permettent de faire le diagnostic de LAL (petits blastes avec un cytoplasme peu abondant) ou de LAM (blastes contenant des granulations voire des bâtonnets azurophiles appelés « corps d’Auer ») dans la majorité des cas.
- L’examen cytologique ne permet pas de définir la nature B ou T des LAL. La
biopsie ostéomédullaire est inutile, sauf quand l’aspiration médullaire est impossible, ce qui évoque une LA avec myélofibrose.
Étude cytochimique - Cette étude met en évidence des activités enzymatiques spécifiques dans les blastes, notamment la myéloperoxydase, dont la positivité permet d’affirmer la nature myéloïde de la LA.
Myelogramme LA immunophenotypage biologie moleculaire cytogenetique
- L’immunophénotypage se réalise par cytométrie en flux : analyse de l’expression de divers antigènes de différenciation (les clusters de différenciation [CD]), membranaires ou intracytoplasmiques, par les blastes.
- confirme l’appartenance à une lignée et est indispensable pour : le diagnostic (classement des LAL-B ou -T, confirmation du caractère myéloïde de LAM très indifférenciées en cytologie), la recherche de cibles thérapeutiques, et le suivi des
patients (maladie résiduelle). - La cytogénétique conventionnelle permet l’analyse du caryotype des cellules leucémiques à la recherche d’anomalies (délétions, translocations) acquises, retrouvées dans 50 % des cas.
- ce caryotype est généralement complété par des techniques de FISH (hybridation in situ fluorescente) à la recherche d’anomalies chromosomiques parfois non détectables en cytogénétique conventionnelle.
- Ces anomalies permettent de classer plus précisément les LA ; leur mise en évidence est capitale pour définir le TT et pronostic. - Biologie moléculaire
- mise en évidence de mutations ponctuelles de certains gènes d’intérêt, non visibles en cytogénétique conventionnelle ou en FISH, par des techniques plus précises est capitale pour définir le pronostic de la maladie, rechercher des cibles thérapeutiques et pour le suivi des
patients (maladie résiduelle).
C. Bilan des complications et bilan préthérapeutique des LA
- Bilan d’hémostase
- taux de prothrombine (TP), temps de céphaline activée (TCA), fibrinogène, produits de dégradation de la fibrine (PDF).
* La recherche d’une CIVD est indispensable. Elle est souvent présente dans les LA promyélocytaires et les LA hyperleucocytaires avec syndrome hémorragique et microthromboses diffuses entraînant un syndrome de dysfonction multiviscérale. Elle augmente le risque hémorragique lié à la thrombopénie, en particulier lors de la mise en route de la chimiothérapie. Le TTT, urgent, associe les TTT symptomatiques (plaquettes, plasma) et étiologiques (acide tout trans-rétinoïque [ATRA] dans les LA promyélocytaires, chimiothérapie). - Bilan métabolique
- comprend : urée, créatinine, acide urique, ionogramme sanguin, bilan phosphocalcique, LDH.
- La masse tumorale s’accompagne parfois d’un syndrome de lyse : hyperuricémie avec risque d’IRA, hyperka, hyperphospho et hypoca réactionnelle. L’élévation des LDH est proportionnelle au syndrome de lyse. L’ensemble de ces phénomènes est accru lors de la mise en route de la chimiothérapie et nécessite une réanimation hydroélectrolytique. - Groupes sanguins
On détermine : groupage ABO avec phénotype étendu, Rhésus, RAI.La caractérisation d’un phénotype étendu est indispensable car ces patients vont être multitransfusés au cours de leur prise en charge. - Autres
Les autres bilans sont les suivants : βHCG chez les femmes en âge de procréer, conservation de sperme, sérologies VIH et hépatites A, B et C, typage HLA pour les patients susceptibles de recevoir une allogreffe de CSH, échographie cardiaque dans le cadre du bilan préthérapeutique (anthracyclines), ponction lombaire (après avis spécialisé), pose d’un dispositif intraveineux de longue durée de type cathéter tunnélisé pour les chimio
IV. Diagnostic différentiel de LA
- Il s’agit des causes de mono-, bi- ou pancytopénies (avant la réalisation du myélogramme), ou encore des diagnostics différentiels devant des cellules d’aspect particulier au frottis sanguin, tels que des lymphocytes hyperbasophiles polymorphes dans les syndromes mononucléosiques
de l’adolescent. Le tableau clinique de la MNI associe souvent asthénie, polyadénopathie et angine fébrile. L’hémogramme montre une hyperleucocytose constituée de lymphocytes basophiles à tous les stades de l’immunostimulation, à bien différencier des blastes leucémiques - Par définition, les syndromes myélodysplasiques se différencient des LAM par une blastose médullaire inférieure à 20 %, mais la présentation initiale, sur l’hémogramme est parfois compatible avec les deux diagnostics.
V. Formes cliniques des LA A. Leucémie aiguë promyélocytaire (anciennement LAM3
A. Leucémie aiguë promyélocytaire (anciennement LAM3 dans la classification FAB ou French-American-British)
- La forme typique est pancytopénique, avec une CIVD.
- caractérisée par une anomalie cytogénétique spécifique : la translocation t(15;17) impliquant le gène du récepteur α de l’acide rétinoïque. Elle entraîne la création d’une protéine de fusion bloquant la différenciation cellulaire au stade de promyélocyte.
- Cette anomalie a une implication directe sur le ttt : l’ATRA permet de restaurer la différenciation des cellules. L’ATRA doit être administré en urgence devant l’association d’une LAM avec CIVD et corps d’Auer « en fagots », typiques de cette maladie.
- réduit notamment le risque hémorragique.
- pronostic particulièrement bon, une fois la phase aiguë avec risque de CIVD dépassée. - Son TTT actuel associe, le plus souvent, ATRA et arsenic.
Formes cliniques de LA B. Leucémie aiguë monoblastique (anciennement LAM5)
B. Leucémie aiguë monoblastique (anciennement LAM5)
- La forme typique est hyperleucocytaire, avec de fréquentes localisations extramédullaires (gingivales, cutanées, méningées).
- associée à un risque particulier de leucostase du fait de la taille des blastes, en plus de sa propension à l’hyperleucocytose.
Formes clinique LA Leucémie aiguë lymphoblastique à chromosome Philadelphie
- Ce sont des LAL-B se caractérisant par la présence, à l’analyse cytogénétique des blastes, de la translocation chromosomique t(9;22) (entraînant la formation d’un petit chromosome dérivé 22, appelé le chromosome Philadelphie car décrit pour la première fois dans cette ville) et du
gène chimérique BCR-ABL1 (celui observé dans la LMC) résultant de la translocation t(9;22). - Elles représentent plus de 30 % des LAL de l’adulte, mais moins de 5 % des LAL de l’enfant, et justifient un TTT spécifique, associant inhibiteur de tyrosine kinase et chimio
Classification des leucémies aiguës (LA)
Leucémies aiguës myéloblastiques
Il reste habituel d’utiliser la classification franco-américano-britannique ou FAB de 1976, qui définit huit types de LAM selon le type de blastes et le degré de différenciation. Celle-ci reste importante dans la PEC des patients au cours des premières heures (risque de CIVD, risque de leucostase en regard du nombre de blastes circulants) :
Leucémies aiguës lymphoblastiques
A On utilise une classification immunologique en employant l’immunophénotypage : les LAL-B repré-
sentent 65 % des cas et les LAL-T représentent 35 % des cas. En fonction de l’expression de divers antigènes, il est possible de définir plusieurs stades B et plusieurs stades T.
VI. Évolution et traitement des LA
- Sans TTT, les LA sont mortelles en quelques semaines/mois, essentielle-
ment par les complications de l’insuffisance médullaire (hémorragie, infection). - Le pronostic dépend de facteurs liés au patient (âge, ATCD et comorbidités), à la maladie (cytogénétique, biologie moléculaire et leucocytose), puis secondairement liés à la qualité de la réponse aux TTT.
Situations d’urgences dans les LA
- Les situations d’urgences sont :
1) celles relatives à l’insuffisance médullaire – anémie profonde (urgence transfusionnelle), syndrome hémorragique (urgence transfusionnelle), syndrome
infectieux dans un contexte neutropénique (urgence antibiotiques ± réanimatoire)
2) celles relatives à la maladie elle-même
– CIVD (urgence transfusionnelle et thérapeutique), syndrome de lyse (urgence de réanimation hydroélectrolytique), syndrome de leucostase (urgence thérapeutique).
TTT des LA
chimio intensive
thrazpire cibles
allogreffe de CSH
phase d’induction
phase de consolidation
D. Résultats des TTT des LA
- A Pour les LAL de l’enfant : on obtient globalement plus de 90 % de rémission complète et 75 % de guérison, l’allogreffe étant réservée aux formes de très mauvais pronostic ou en rechute.
- Pour les LAL de l’adulte : on obtient globalement plus de 80 % de rémission complète et entre 25 % et 50 % de guérison.
- Pour les LAM : on obtient globalement plus de 70 % de rémission complète et entre 25 % et 50 % de guérison.
E. Rechutes dans les LA
Les rechutes surviennent dans les 5 ans de la rémission, le plus souvent dans les deux premières années. Le taux de nouvelle rémission est plus faible et le pronostic moins bon.
Particularités épidémiologiques des leucémies aiguës (LA) de l’enfant
- Les LA sont les cancers pédiatriques les plus fq, représentant un 1/3 de l’ensemble des KC de l’enfant.
- Contrairement à l’adulte, la majorité sont d’origine lymphoïde.
- On dénombre ainsi chaque année en FR chez les moins de 15 ans environ 400 nouveaux cas de LAL, se répartissant pour environ 85 % d’entre elles en LAL-B et 15 % en LAL-T, et 70 nouveaux cas de LAM.
- Les leucémies de l’enfant et l’adolescent surviennent à des incidences variables au cours de la vie. La LAL présente un pic d’incidence entre l’âge de 2 et 5 ans qui diminue ensuite nettement pour rester stable tout au long de l’enfance. L’incidence des LAM pédiatriques est, elle, maximale chez les nourrissons (1,5 pour 100 000 individus/an), puis diminue jusqu’à l’âge de 10 ans. Elle réaugmente ensuite progressivement de l’adolescence jusqu’à l’âge adulte.
- La distribution des sous-types biologiques qui divisent chaque entité varie elle aussi selon l’âge. Pour les LAL, par exemple, alors que la moitié des patients de 1 à 10 ans présentent une translocation impliquant les gènes ETV6 et RUNX1 ou une hyperdiploïdie, ces deux altérations oncogéniques initiatrices sont rares à l’âge adulte, où prédominent à l’inverse d’autres sous-types peu fq dans l’enfance (BCR-ABL, groupe Phi-like, etc.).
- Chez les nourrissons, les LAL et LAM surviennent à une fq équivalente.
- Les réarrangements impli-
quant le gène KMT2A sont l’anomalie génétique initiatrice la plus fq, retrouvée dans 70 à 80 % des deux entités. Passé la 1re année de vie, ce sous-groupe génétique, est retrouvé chez moins de 5 % des patients à l’âge pédiatrique et 10 à 15 % à l’âge adulte.
enfant
Connaître les circonstances cliniques et biologiques devant faire évoquer une leucémie aiguë (LA)
- En plus des signes cliniques rencontrés chez l’adulte témoignant de l’insuffisance médullaire et des infiltrats tumoraux, on peut noter chez l’enfant :
- la fq des douleurs ostéoarticulaires boiterie +++ doit faire pratiquer une NFS pour éliminer ce diagnostic, même en l’absence de symptomatologie évocatrice de LA;
- la présence d’infiltrats tumoraux extramédullaires peut mimer une tumeur solide, infiltrer la peau de façon diffuse, etc. * Ces formes avec atteintes chloromateuses sont fq chez les nourrissons atteints de LAM.
- Dans la majorité des cas, le diagnostic de LA s’associe à des anomalies de l’hémogramme, telles que décrites
chez l’adulte. Les blastes circulants ne sont pas systématiquement mis en évidence. - Leur absence sur la NFS ne doit donc pas faire éliminer ce diagnostic.
- Les blastes (fig. 4.4) ne doivent pas être confondus avec des lymphocytes hyperbasophiles que l’on rencontre en cas d’infections virales, très fréquentes à l’âge
pédiatrique - demander la relecture cytologique en cas de doute (anomalies de l’hémogramme associées, symptomatologie évocatrice)
B Le myélogramme est indispensable pour confirmer le diagnostic et prélever une quantité suffisante de cellules tumorales afin de réaliser les études moléculaires. Il doit être pratiqué en cas de bi- ou pancytopénie, ou de cytopénie isolée associée à un syndrome tumoral.
Conclusion des LA
- Les LA sont des maladies rares, surtout chez le sujet jeune. Les signes cliniques sont souvent peu caractéristiques et il faut savoir y penser, notamment en sachant analyser un hémogramme et une formule leucocytaire. Même si le diagnostic et
le TTT relèvent de services très spécialisés, il faut reconnaître les cas nécessitant une
PEC urgente et connaître les grands principes du TTT. - Les leucémies aiguës (LA) sont définies par ≥ 20 % de blastes dans la moelle.
- La confirmation du diagnostic nécessite systématiquement une ponction médullaire, permettant l’étude des blastes : cytologie, immunophénotypage, cytogénétique et biologie moléculaire.
- Il en existe deux grandes catégories : les LA lymphoblastiques et LAmyéloblastiques.
- Les leucémies de l’enfant sont essentiellement des LAL
- Les LA myéloblastiques touchent essentiellement l’adulte et leur fq augmente avec l’âge.
- Certains facteurs favorisants sont connus, dont l’exposition à des chimio ou à de la radioTTT anticancéreuses antérieures.
- La présentation clinique est très variable. Certaines présentations nécessitent une prise en charge hématologique en urgence: manifestations hémorragiques, hyperleucocytose, LA promyélocytaire.
- Le diagnostic est suspecté devant des anomalies de l’hémogramme : cytopénie(s), blastes circulants.
- Cytogénétique et biologie moléculaire sont indispensables pour le TTT / pronostic.
- Un envahissement neuroméningé doit parfois être recherché par PL
- La survenue d’une CIVD est quasi constante dans la LA promyélocytaire.
- Le traitement varie selon les types de LA, mais comprend en général une chimio, associée ou non à une greffe de CSH
A L’hémostase est un processus permettant de garder le sang à l’état fluide dans les vaisseaux. Elle se décompose en trois temps : l’hémostase primaire, la coagulation et la fibrinolyse. L’hémostase primaire comporte une vasoconstriction, puis l’adhérence plaquettaire, suivie de l’activation et de l’agrégation plaquettaire. La coagulation est une séquence d’activations enzymatiques en cascade, initiée par un récepteur cellulaire, le facteur tissulaire. Les facteurs de la coagulation intervenant ensuite dans la plupart des cas sont des proenzymes, devenant actifs sous l’effet du facteur de coagulation activé qui les précède le plus souvent dans la cascade. La dernière étape est la transformation du fibrinogène en fibrine, qui constitue la trame du caillot hémostatique. Enfin, la fibrinolyse vise à détruire le caillot de fibrine ainsi formé. Ces différentes étapes sont régulées par des inhibiteurs de la coagulation. L’exploration de l’hémostase fait appel à des tests semi-globaux et à des dosages spécifiques de facteurs de coagulation. Le système de l’hémostase permet donc à l’état normal d’arrêter les hémorragies et d’éviter les thromboses. Hémorragies et thromboses sont deux urgences qui peuvent être de risque vital immédiat. Le processus d’hémostase doit donc être rapidement déclenché et exécuté, localisé et régulé afin d’éviter qu’une activation excessive, locale ou systémique, n’engendre une thrombose vasculaire ou une coagulopathie de consommation. S’il est classique de considérer que le système de l’hémostase se déroule en trois temps (hémostase primaire, coagulation, puis fibrinolyse), les trois processus se déroulent en fait simultanément et sont étroitement imbriqués, avec la participation de cellules, de protéines et de phospholipides. Néanmoins, il est plus pratique d’exposer les événements mis en jeu lors
du processus de l’hémostase en distinguant ces trois étapes.
I. Hémostase primaire Cette première phase était appelée « temps vasculoplaquettaire », mais ce terme est imparfait puisque l’hémostase primaire met aussi en jeu des protéines plasmatiques. Elle aboutit à la formation d’un premier thrombus à prédominance plaquettaire, grâce à quatre acteurs principaux qui sont deux types cellulaires, les plaquettes et les cellules endothéliales, et
deux protéines plasmatiques, le facteur Willebrand (vWF) et le fibrinogène.
Cellules et facteurs impliqués 1. Cellules endothéliales
B Les cellules endothéliales constituent une monocouche tapissant la paroi vasculaire qui est un lieu d’échange permanent, sélectif, séparant le secteur intravasculaire du sous-endothélium. À l’état physiologique, l’endothélium exprime des propriétés antiplaquettaires, anticoagulantes et donc antithrombotiques qui peuvent être altérées lors de circonstances pathologiques.
2. Plaquettes Les plaquettes circulent normalement à l’état non activé. Elles portent à leur surface des récepteurs, dont les plus importants sont la glycoprotéine GPIb, le complexe glycoprotéinique GPIIb/ IIIa (ou intégrine αII
β3) et d’autres récepteurs pour le collagène, la thrombine, l’adrénaline et
l’ADP notamment. Ces glycoprotéines permettent aussi aux plaquettes de se lier spécifiquement à certaines protéines comme le vWF et le fibrinogène. Dans certaines circonstances, les plaquettes sont capables de s’activer en changeant de forme et en libérant le contenu de leurs
granules de stockage (en particulier du vWF, de l’ADP et du fibrinogène).
- Facteur Willebrand Le vWF est une grosse protéine multimérique, complexée avec le facteur VIII (FVIII, facteur antihémophilique A) ; sa taille est régulée par une métalloprotéinase, ADAMTS13. Présent dans le plasma, le sous-endothélium et les plaquettes, le vWF forme une sorte de « colle » pour les plaquettes qui se fixent au vaisseau lésé par l’intermédiaire de la GPIb et de GPIIb/IIIa. Pour exercer ce rôle, le vWF change de forme et s’allonge, ce qui lui permet d’augmenter le nombre de sites de liaison aux plaquettes. Le vWF se fixe aussi au collagène présent dans le
sous-endothélium.4. Fibrinogène Le fibrinogène abondant dans le plasma et présent aussi dans les plaquettes est synthétisé par le foie. L’agrégation plaquettaire consiste en l’établissement de ponts entre les GPIIb/IIIa de
différentes plaquettes mis en place grâce aux molécules de fibrinogène.
B. Déroulement du processus Le déroulement de l’hémostase primaire comprend, schématiquement, trois temps : un temps vasculaire, un temps d’adhérence plaquettaire et l’agrégation plaquettaire.
1. Temps vasculaire
Le temps vasculaire comporte une vasoconstriction quasi immédiate mise en jeu par des médiateurs d’origine plaquettaire, endothéliale ou neurovégétative. Cette vasoconstriction a pour effet de réduire voire d’arrêter (dans les petits capillaires) le flux sanguin et donc de favoriser une hémostase initiale.
2. Adhérence plaquettaire
L’adhérence est une interaction entre les plaquettes et le sous-endothélium auquel elles vont se fixer. Elle est assurée essentiellement par l’intermédiaire du vWF qui établit un pont entre les glycoprotéines Ib plaquettaires et le sous-endothélium. Elle est plus efficace dans les petits vaisseaux et notamment les capillaires artériels. Le collagène du sous-endothélium joue également un rôle important dans l’adhérence plaquettaire en se fixant à des glycoprotéines plaquettaires spécifiques et au vWF.
3. Agrégation plaquettaire
Les glycoprotéines IIb/IIIa changent de conformation lors de l’activation plaquettaire, et cette modification permet la fixation du fibrinogène en présence de calcium et donc l’agrégation. Celle-ci met en jeu en effet une interaction des plaquettes entre elles, médiée par le fibrinogène, et permet de créer un thrombus initial, qui sera consolidé ensuite par la coagulation
conduisant à la formation de la fibrine.
II. Coagulation A La coagulation qui aboutira au caillot définitif complète l’hémostase primaire et met en jeu
aussi des cellules et des protéines plasmatiques, appelées « facteurs ».A. Cellules et facteurs impliqués 1. Éléments cellulaires
B La coagulation ne peut se dérouler qu’en présence de cellules ou de composants qui en sont issus. Les cellules les plus importantes dans la coagulation sont les cellules endothéliales, les monocytes, les plaquettes et les cellules périvasculaires. La coagulation a lieu à la surface des plaquettes activées, dont la membrane expose alors des phospholipides anioniques au
niveau desquels les facteurs de la coagulation vont pouvoir se fixer.
Facteurs de coagulation et leurs inhibiteurs Les facteurs de coagulation sont des proenzymes (ou zymogènes), toutes synthétisées par le foie. Ils circulent sous forme non active. Ainsi, le FVII (ou proconvertine) et le FII (ou prothrombine) sont des proenzymes qui sont transformées, lors de l’activation de la coagulation, en formes actives : FVIIa (ou convertine) et FIIa (ou thrombine). Chaque facteur à l’état activé peut activer un autre facteur, ou intervenir différemment dans une étape de la coagulation. Seuls deux facteurs ne sont pas des proenzymes : le FV et le FVIII, mais ils doivent néanmoins être activés par la thrombine, afin d’exercer un rôle optimal de cofacteur pour les enzymes que sont le FXa et le FIXa, respectivement. Quatre facteurs de la coagulation (FII, FVII, FIX et FX) et deux inhibiteurs (protéine C et protéine S ou PC et PS) nécessitent la présence de la vitamine K pour être synthétisés sous forme active. En effet, la vitamine K est indispensable pour que ces protéines contiennent un domaine spécifique indispensable à leur fixation aux phospholipides des plaquettes en présence de calcium, au rapprochement des enzymes et de leurs substrats,
et donc à une coagulation normale.
B. Activation de la coagulation 1. Schéma classique et historique Le schéma classique et historique de la coagulation comporte deux voies d’activation (fig. 18.1) : * la voie intrinsèque, qui est déclenchée par un activateur de la phase contact. Le système du « contact » est appelé ainsi car il est activé lors du contact du sang avec une surface mouillable comme le verre (ou le kaolin, la silice ou l’acide ellagique utilisés dans les tests de laboratoire). Le système du « contact » comprend notamment le FXI et le FXII, mais ce dernier ne joue pas de rôle physiologique significatif. En effet, le déficit en FXII n’est associé à aucun risque de saignement ;
* la voie extrinsèque est la voie physiologique et elle est activée par le récepteur du facteur tissulaire (FT), protéine récepteur du FVII et du FVII activé (ou FVIIa). Le FT associé à des phospholipides correspond à la thromboplastine utilisée au laboratoire, en particulier pour mesurer le temps de Quick (voir Item 216, chapitre 19).
Cette conception duelle et artificielle de la coagulation reflète toutefois les mécanismes mis en jeu in vitro, c’est-à-dire lors de l’exploration de la coagulation au laboratoire. C’est donc en se fondant sur ce schéma que l’on raisonne pour interpréter les tests de coagulation usuels en clinique : temps de céphaline + activateur (TCA), temps de Quick. En revanche, ce concept de deux voies ne correspond pas réellement à ce qui survient in vivo au décours d’une lésion
vasculaire.
- Conception actuelle de la coagulation in vivo Il est admis que l’élément déclenchant de la coagulation in vivo est l’expression à la surface des cellules d’une protéine membranaire, le facteur tissulaire (FT). Certaines cellules, en contact permanent avec le flux sanguin n’expriment le FT que lorsqu’elles sont activées ; c’est le cas des monocytes et des cellules endothéliales. D’autres l’expriment de façon constitutive et donc permanente ; ce sont des cellules périvasculaires (fibroblastes, myocytes, cellules mésenchymateuses) qui ne sont normalement pas en contact avec le flux sanguin en l’absence de rupture de la continuité vasculaire. Le FT fixe le FVII circulant, inactif (FVII) ou actif (FVIIa). En effet, il existe à l’état basal dans le plasma de tout sujet sain une toute petite quantité de FVII déjà activé. Celui-ci, en présence de FT, clive le FVII complexé aux molécules voisines de FT, et cette action rapide déclenche la coagulation d’autant plus efficacement qu’une grande quantité de complexes FT/FVIIa est formée initialement. Dès lors, la cascade de réactions enzymatiques de la coagulation déclenchée par le FT aboutit à la formation d’une enzyme, la thrombine, qui transforme le fibrinogène soluble en un réseau de fibrine insoluble et solide. La génération de thrombine provient donc tout d’abord d’une
voie directe initiée par le complexe FT/FVIIa, puis d’une voie d’amplification (fig.
Voie directe d’initiation FT/FVIIa-dépendante Dans ce cas, l’activation du FX est assurée directement par le FT/FVIIa, après formation d’un complexe ternaire FT/FVIIa/FX. Le FXa est ensuite inclus dans un complexe appelé « prothrombinase » qui comprend, outre le FXa, le FVa, des phospholipides cellulaires (qui peuvent être issus des plaquettes et sont alors appelés « facteur 3 plaquettaire ») et du calcium. Le complexe prothrombinase active la prothrombine (FII) en thrombine (FIIa). La thrombine est une enzyme extrêmement puissante. Son principal substrat est le fibrino-
gène. Une molécule de thrombine peut coaguler 1 000 fois son poids de fibrinogène.Cette voie « directe » est rapidement mise en jeu au décours d’une brèche vasculaire. Elle conduit néanmoins le plus souvent à une génération de thrombine insuffisante avec la mise en place d’un caillot hémostatique peu solide, et une amplification de la coagulation est donc nécessaire. Celle-ci est assurée par les premières traces de thrombine générée par la voie directe qui vont activer les plaquettes et plusieurs protéines, et contribuer ainsi à amplifier la
coagulation.
Voie d’amplification et de propagation Le FVIIa complexé au FT active aussi le FIX en FIXa. Le FIXa, en présence d’un cofacteur catalyseur, le FVIII préalablement activé par la thrombine, forme un complexe avec les phospholipides et le calcium qui active le FX en FXa. Ce complexe activateur du FX, appelé tenase par les Anglo-Saxons, amplifie de façon très efficace la génération de thrombine. Cette voie d’amplification est mise en jeu grâce aux traces de thrombine générée par la voie directe, qui activent le FVIII (et donc la formation de la ténase), le FV (et donc la formation de la prothrombinase) et les plaquettes, source de phospholipides procoagulants. La thrombine, outre son action sur le fibrinogène, catalyse donc sa propre génération ; elle favorise non seulement l’activation du FVIII en FVIIIa, du FV en FVa, mais aussi celle du FXI en FXIa, qui peut alors activer le FIX en FIXa. Ces trois boucles de rétro-activation sont essentielles à une hémostase efficace avec la formation d’un caillot solide, comme en atteste le syndrome hémorragique constaté chez les patients déficitaires en FVIII (hémophilie A), mais aussi en FV
ou en FXI.
Fibrinoformation Étape ultime de la coagulation, la fibrinoformation est assurée par la thrombine qui protéolyse le fibrinogène en libérant deux petits peptides : les fibrinopeptides A et B. Les monomères de fibrine ainsi formés polymérisent spontanément et forment un premier réseau de fibrine, instable, fragile et soluble. L’activation par la thrombine du FXIII, générant du FXIIIa, permet la consolidation du caillot. Le FXIIIa met en effet en place des liaisons covalentes entre les monomères de fibrine et en particulier entre les domaines D du fibrinogène ; le réseau de fibrine ainsi formé est très solide et stable, emprisonnant des globules rouges, d’où l’aspect de thrombus
rouge qui caractérise la coagulation sanguine.
C. Inhibition de la coagulation Le système de la coagulation est régulé par trois systèmes inhibiteurs empêchant une exten-
sion inutile et potentiellement dangereuse de ce processus (fig.
- Antithrombine L’antithrombine, anciennement appelée antithrombine III, agit en se couplant en rapport équimolaire à la thrombine ou au FXa qu’elle inhibe. Son action est augmentée par les molécules d’héparane sulfate présentes à la surface de l’endothélium ou par les héparines (utilisées comme anticoagulants) qui, en se liant à l’antithrombine, la modifient et la rendent 1000 fois plus active. L’antithrombine est aussi un inhibiteur partiel du FIXa et du FXIa. Les déficits en antithrombine s’accompagnent d’une maladie thrombo-embolique veineuse parfois sévère et
de révélation souvent assez précoce.
- Le système protéine C/protéine S La protéine C (PC) est une proenzyme vitamine K-dépendante. Il existe à la surface des cellules endothéliales un récepteur spécifique de la PC (endothelial protein C receptor [EPCR]). La PC peut être transformée en PC activée (PCa) par la thrombine préalablement fixée à la thrombomoduline, protéine récepteur, elle aussi exprimée à la surface des cellules endothéliales. L’action de la PCa est amplifiée par son cofacteur, la protéine S (PS), synthétisée elle aussi par le foie en présence de vitamine K. La PCa est un inhibiteur très puissant des FVa et FVIIIa, qu’elle protéolyse en fragments inactifs. Ce fonctionnement du système de la PC illustre parfaitement les capacités d’adaptation de l’endothélium au risque thrombotique : à l’état de repos, l’endothélium exprime à sa surface la thrombomoduline qui permet à la thrombine de générer un anticoagulant, la PCa. À l’état activé, la cellule endothéliale internalise la thrombomoduline et exprime à sa surface le FT, facteur déclenchant la coagulation. Les déficits en PC ou PS sont associés à un risque majoré
de thromboses veineuses, observation soulignant l’importance de ce système inhibiteur.
- Tissue factor pathway inhibitor (TFPI) Le TFPI est un inhibiteur naturel de la voie d’initiation de la coagulation. Sa présence explique en partie que l’activation directe par le FVIIa du FX in vivo soit limitée et souligne l’importance de la voie d’amplification dépendante du complexe ténase associant les facteurs anti-hémophiliques. En effet, dès les premières traces de FXa formées, le TFPI fixe et inhibe le FXa et constitue ensuite un complexe quaternaire FT/FVIIa + TFPI/FXa dans lequel le FVIIa est inhibé.
On ne connaît pas à ce jour de pathologie prothrombotique associée à un déficit en TFPI.
III. Fibrinolyse A Il s’agit d’un processus physiologique qui empêche l’installation mais surtout l’extension du caillot en dégradant la fibrine une fois l’endothélium réparé. Lorsque le caillot est formé, la fibrinolyse physiologique peut donc restituer la perméabilité du vaisseau. La fibrinolyse repose sur la transformation du plasminogène, proenzyme inactive d’origine hépatique, en plasmine, qui est une enzyme protéolytique puissante mais non spécifique. Le plasminogène a une forte affinité pour le réseau de fibrine. La plasmine est donc formée au contact de ce réseau et détruit préférentiellement la fibrine libérant des produits de dégradation de la fibrine et des dimères du domaine D (ou D dimères), mais elle peut aussi dégrader le fibrinogène ou certains facteurs de coagulation. Cela explique la nécessité d’une régulation très précise de la fibrinolyse dont l’activation pathologique peut avoir des conséquences dramatiques (fibrinolyse aiguë avec un risque élevé de saignement grave). L’activation du plasminogène en plasmine se fait grâce à des activateurs de deux types : * le t-PA ou activateur tissulaire du plasminogène (tissue plasminogen activator), synthétisé de façon quasi exclusive par les cellules endothéliales et libéré à proximité des caillots ;
* l’urokinase ou u-PA (urokinase-type plasminogen activator), qui ne circule pratiquement pas à l’état libre. Seule circule dans le sang une proenzyme appelée pro-urokinase ou scuPA, appelée ainsi car ne comprenant qu’une simple chaîne peptidique (single chain [sc]). L’activation de la pro-urokinase en urokinase se fait essentiellement au niveau du caillot et peut être favorisée par le système contact.
La fibrinolyse met en jeu aussi deux types d’inhibiteurs : les inhibiteurs plasmatiques de la plasmine, principalement l’α2
-antiplasmine (ou antiplasmine rapide), mais aussi l’α2 -macroglobuline
et des inhibiteurs du t-PA et/ou de l’u-PA ; ces inhibiteurs portent le nom de PAI (plasminogen activator inhibitors) : PAI-1, inhibiteur principal du t-PA, et PAI-2, présent surtout chez la femme
enceinte car synthétisé par le placenta et qui inhibe préférentiellement l’urokinase.
IV. Exploration de l’hémostase L’étude de l’hémostase est extrêmement importante en clinique. Les tests d’hémostase sont utilisés pour le diagnostic étiologique d’un syndrome hémorragique ou pour essayer d’évaluer en cas de doute le risque hémorragique avant une intervention chirurgicale. Certains tests sont utilisés aussi dans le cadre de thromboses, pour déterminer la cause et évaluer le risque de récidive de ces maladies parfois invalidantes et graves, puisque certaines peuvent entraîner la mort par embolie pulmonaire. En pratique courante, on ne dispose pratiquement d’aucun test d’étude global de l’hémo stase, les tests viscoélastiques comme la thromboélastographie (TEG) étant peu ou non validés ; on aura donc recours le plus souvent à des tests qui exploreront soit l’hémostase primaire, soit la
coagulation, soit la fibrinolyse.
A. Tests explorant l’hémostase primaire 1. Numération plaquettaire Cet examen est capital ; il fait partie de tout bilan d’hémostase. Les automates de numération sont actuellement d’une grande reproductibilité. Le nombre normal de plaquettes est de 150 à 400 G/l (150 000 à 400 000/mm3). Il faut savoir que, chez certains individus, il peut exister une agrégation anormale des plaquettes en présence d’acide éthylène diamine tétra-acétique (EDTA), anticoagulant utilisé dans les tubes à hémogramme. Ces fausses thrombopénies à l’EDTA ne sont responsables d’aucune pathologie, mais induisent des résultats erronés. Ainsi, devant toute thrombopénie, l’absence d’agrégats in vitro doit être vérifiée. Actuellement, les automates permettent de la détecter. En cas d’agrégats, un contrôle effectué sur tube citraté ou hépariné ou capillaire est nécessaire et indique, après correction d’un éventuel facteur de dilution, le taux plaquettaire réel. L’analyse morphologique des plaquettes sur frottis sanguin à la recherche d’amas plaquettaires,
d’une anomalie de taille est indispensable en cas de thrombopénie ou de thrombopathie.
- Temps de saignement et temps d’occlusion plaquettaire B Le temps de saignement (TS) est le temps nécessaire à l’arrêt d’une hémorragie localisée au niveau d’une plaie cutanée superficielle. La méthode de Duke (incision à l’oreille), non fiable, doit être abandonnée. La méthode d’Ivy, avec une incision faite sur la face antérieure de l’avant-bras sous une pression de 40 mmHg, est peu pratiquée aujourd’hui. Le TS peut être perturbé par des erreurs techniques et doit être réalisé par un expérimentateur entraîné. En pratique, cet examen vulnérant a un intérêt limité et ne peut en aucun cas être considéré comme prédictif du risque hémorragique (péri-opératoire notamment). Mais il peut s’inscrire dans une démarche diagnostique, à condition de bien en poser les indications et d’en connaître les limites. Le temps d’occlusion plaquettaire (TOP), réalisé sur sang total avec un appareil spécifique (le PFA® ou Platelet Function Analyzer), est un test global de l’hémostase primaire très sensible aux déficits en vWF. Il peut donc être utilisé pour le dépistage de cette maladie, mais il est peu
sensible pour la détection de nombreuses thrombopathies.
- Dosage du facteur Willebrand A Cet examen est important et deux méthodes sont disponibles : l’une est immunologique et quantifie le vWF grâce à des anticorps spécifiques (on parle alors de mesure du vWF:Ag) ; l’autre est fonctionnelle et quantifie le vWF par son activité cofacteur de la ristocétine. La ris-
tocétine est un antibiotique non utilisé en thérapeutique qui entraîne une agglutination desplaquettes en présence de vWF. On parle de mesure du vWF:RCo. En clinique, l’étude du « complexe Willebrand » doit comporter systématiquement un dosage du vWF:RCo, du
vWF:Ag et de l’activité coagulante du FVIII (FVIII:C) dont le vWF est la molécule porteuse.
- Autres tests Étude des fonctions plaquettaires par agrégométrie photométrique B Dans certains cas, il est nécessaire, pour étudier les fonctions plaquettaires, d’avoir recours
à des tests in vitro qui sont du ressort d’un laboratoire spécialisé. Le test de référence est l’agrégométrie, qui consiste à étudier l’agrégation plaquettaire en présence d’inducteurs spécifiques : ADP, collagène, ristocétine, thrombine, acide arachidonique, notamment. Ces tests sont indispensables au diagnostic d’une thrombopathie, et peuvent être associés à une étude de la sécrétion en mesurant la libération de l’ATP intraplaquettaire.
Étude des récepteurs membranaires plaquettaires par cytométrie en flux La cytométrie en flux est une technique permettant d’identifier certaines cellules après les avoir marquées avec des anticorps spécifiques. Elle permet de quantifier les récepteurs membranaires essentiels que sont GPIIb/IIIa (indispensables à l’agrégation) ou GPIb (indispensable à
l’adhérence), ou de mesurer l’état d’activation plaquettaire.
- Temps de céphaline + activateur (TCA) Cet examen consiste à activer la voie intrinsèque de la coagulation par différentes substances :
le kaolin (temps de céphaline kaolin [TCK]), ou plus souvent la silice micronisée ou l’acideellagique. Dans ce test, la céphaline est un phospholipide qui remplace celui des plaquettes. Le TCA n’est donc pas modifié en cas de thrombopénie ou de thrombopathie. Chez l’adulte, la valeur normale moyenne du TCA est de 30 à 34 secondes habituellement, mais elle doit être définie dans chaque laboratoire. On considère que le TCA est anormal lorsque le rapport temps du malade/temps du témoin (M/T) est supérieur à 1,2. Un laboratoire doit donc toujours rendre un temps témoin pour permettre une interprétation adéquate du test. Chez l’enfant, on admet que le TCA est plus long, avec une limite supérieure normale du rapport M/T de 1,3. Le TCA explore les facteurs du système contact (FXII et FXI, mais aussi le kininogène de haut poids moléculaire et la prékallicréine, qui ne jouent aucun rôle en hémostase), du complexe antihémophilique (FIX, FVIII), du complexe de la prothrombinase (FX, FV), la prothrombine (FII) et le fibrinogène (ex-FI). Il est allongé par la présence de médicament d’activité anti-IIa et/ou anti-Xa comme les héparines ou les anticoagulants oraux directs (dabigatran et rivaroxaban,
notamment)
- Temps de Quick Le temps de Quick consiste à mesurer le temps écoulé jusqu’à formation de fibrine après addition à un plasma citraté d’un excès de thromboplastine calcique contenant du FT, des phospholipides et du calcium. Normalement, la formation d’un caillot est initiée en 12 à 13 secondes, qui correspondent donc au temps de Quick d’un sujet sain. Il est habituel en France d’exprimer après étalonnage le temps de Quick en pourcentage (70 à 100 % correspondant aux valeurs normales). Le test est improprement dénommé alors taux de prothrombine (TP), alors qu’il ne reflète pas seulement les variations de la prothrombine. Le temps de Quick est allongé si le rapport temps du malade/temps du témoin est supérieur à 1,2. Cela correspond en règle à un écart de 2 secondes par rapport au temps du témoin avec une valeur de TP inférieure à 70 %. Le temps de Quick explore les facteurs VII, X, V, II et le fibrinogène. Il est utilisé pour surveiller les traitements par antagonistes de la vitamine K, étant alors exprimé en INR (International
normalized ratio) (voir Item 330, chapitre 22).
- Dosage du fibrinogène Le dosage fonctionnel du fibrinogène est très fréquemment réalisé car les déficits peuvent être associés à de nombreuses pathologies : insuffisance hépatocellulaire, coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), syndrome de défibrination. Ce dosage dérive du temps de thrombine (voir ci-dessous) et permet donc de quantifier le fibrinogène fonctionnel, ou fibrinogène procoagulant. Le taux normal de fibrinogène est de 2 à 4 g/l. Certains déficits sont acquis (CIVD), d’autres sont constitutionnels (afibrinogénémie congénitale). Dans certains cas, le déficit est qualitatif, le fibrinogène étant présent en quantité normale ou subnormale mais fonctionnel-
lement déficitaire (dysfibrinogénémie).
- Temps de thrombine Cet examen simple consiste à apprécier le temps de formation du caillot en présence de thrombine. Il est allongé dans la plupart des anomalies du fibrinogène, mais aussi en cas de présence dans l’échantillon biologique, accidentelle ou non, d’une antithrombine, indirecte
comme l’héparine, ou directe comme le dabigatran ou l’argatroban.
- Tests plus spécialisés : dosages spécifiques des facteurs de la coagulation Il est possible de doser individuellement chacun des facteurs de la coagulation (par exemple dosage du FVIII ou du FIX permettant le diagnostic de l’hémophilie A ou B). Le dosage des facteurs du complexe prothrombinique (FII, FV, FVII, FX) est fréquemment demandé, cet examen ayant un intérêt dans le diagnostic d’une insuffisance hépatocellulaire (et si elle est sévère, tous ces facteurs sont diminués, y compris le FV) et d’une hypovitaminose K (avec un FV normal). Toutefois, en pratique, le dosage du FII et du FV suffit à distinguer ces deux syndromes pathologiques.
Méthode fonctionnelle, méthode antigénique
La quasi-totalité des tests utilisés en coagulation explorent les propriétés fonctionnelles des facteurs de coagulation. On mesure donc des activités en première intention. Dans certaines circonstances, notamment quand l’activité d’un facteur est diminuée, on peut mesurer aussi la quantité de protéine circulante par une méthode immunologique, laquelle ne donne aucune information sur la fonctionnalité de la molécule. Si un facteur est présent mais inactif (anomalie qualitative), on peut retrouver un taux antigénique
normal et un dosage fonctionnel perturbé.
- Dosage des inhibiteurs de la coagulation Au décours de thromboses veineuses profondes récidivantes ou observées sans cause favorisante, il est licite surtout chez les patients jeunes de doser les inhibiteurs de la coagulation afin de rechercher un déficit, notamment s’il existe des antécédents familiaux thrombotiques. Tous les inhibiteurs peuvent être dosés par une méthode fonctionnelle ou antigénique : antithrombine, PC, PS. On peut aussi évaluer la sensibilité d’un patient à la PCa qui, normalement, en inactivant le FVa et le FVIIIa, allonge significativement le TCA quand elle est ajoutée au plasma. Le test effectué est donc appelé « recherche de résistance à la PCa » et le résultat est exprimé par un rapport « TCA avec PCa/TCA sans PCa » qui est normalement supérieur à 2. Une résistance à la PCa témoigne le plus souvent de la présence d’un FV Leiden qui sera recherché en biologie
moléculaire.
- Dosage des inhibiteurs de la coagulation Au décours de thromboses veineuses profondes récidivantes ou observées sans cause favorisante, il est licite surtout chez les patients jeunes de doser les inhibiteurs de la coagulation afin de rechercher un déficit, notamment s’il existe des antécédents familiaux thrombotiques. Tous les inhibiteurs peuvent être dosés par une méthode fonctionnelle ou antigénique : antithrombine, PC, PS. On peut aussi évaluer la sensibilité d’un patient à la PCa qui, normalement, en inactivant le FVa et le FVIIIa, allonge significativement le TCA quand elle est ajoutée au plasma. Le test effectué est donc appelé « recherche de résistance à la PCa » et le résultat est exprimé par un rapport « TCA avec PCa/TCA sans PCa » qui est normalement supérieur à 2. Une résistance à la PCa témoigne le plus souvent de la présence d’un FV Leiden qui sera recherché en biologie
moléculaire.
- Études de l’hémostase en biologie moléculaire Le développement des techniques de biologie moléculaire a permis de mieux comprendre certaines anomalies de la coagulation, et parfois d’en faire le diagnostic. Les principales applications de la biologie moléculaire sont : * la recherche de mutations responsables d’hémophilie A ou B ; cela peut permettre le diagnostic de conductrice d’hémophilie ou un diagnostic anténatal ;
* la recherche du polymorphisme du FV responsable de la résistance à la PCa (R506Q ou FV Leiden) ; le FV ainsi muté ne peut plus être protéolysé par la PCa, ce qui entraîne un risque majoré de thrombose ;
* la recherche du variant 20210A du gène de la prothrombine : ce polymorphisme plus récemment mis en évidence est aussi un facteur de risque de thrombose veineuse, mais il n’existe pour le dépister aucune méthode de coagulation fiable ; le diagnostic fait donc
directement appel à la biologie moléculaire.
C. Tests explorant la fibrinolyse 1. Temps de lyse des euglobulines, ou test de von Kaulla
Cette analyse assez globale permet de dépister les hyperfibrinolyses franches. La méthode nécessite la formation initiale d’un caillot ne contenant que les euglobulines (protéines précipitées par l’acide acétique), celles-ci comprenant notamment le fibrinogène et les activateurs de la fibrinolyse. Le caillot des euglobulines se lyse spontanément en 3 à 4 heures. Un raccourcissement important (1 heure voire moins) du temps de lyse des euglobulines témoigne d’une hyperfibrinolyse sévère. Il est possible aussi de doser de façon spécifique les activateurs du plasminogène, le t-PA, l’u-PA et les inhibiteurs (PAI-1, PAI-2), mais ces analyses sont peu prescrites en pratique.
2. Dosage du plasminogène sanguin
Ce dosage n’a pas d’intérêt clinique, un déficit n’ayant été qu’exceptionnellement associé à des thromboses.
3. Produits de dégradation du fibrinogène et D-dimères
L’action de la plasmine sur la fibrine entraîne la formation de PDF (produits de dégradation de la fibrine et du fibrinogène). Cet examen n’est pas spécifique, puisqu’il ne différencie pas la dégradation du fibrinogène de celle de la fibrine. C’est la raison pour laquelle il a été remplacé par le dosage des D-dimères, produits de dégradation spécifiques de la fibrine. Ils sont donc présents en excès s’il y a activation de la coagulation et de la fibrinolyse. Le dosage des D-dimères est utilisé dans le diagnostic d’exclusion des thromboses veineuses profondes et d’embolie pulmonaire. Il a une très bonne valeur prédictive négative, un taux bas (< 500 ng/ml) mesuré avec une technique sensible (ELISA) éliminant une thrombose veineuse
avec une sensibilité supérieure à 95 %.
Un syndrome hémorragique peut être observé dans des contextes variés (médicaux, chirurgicaux, obstétricaux) chez l’enfant, l’adulte ou le vieillard. Le syndrome hémorragique est parfois révélateur d’une pathologie sous-jacente ou peut être expliqué par un désordre spécifiquement hématologique et affectant le plus souvent l’hémostase. Quel que soit le contexte, l’interrogatoire et l’examen clinique orientent la prescription des examens biologiques nécessaires au diagnostic biologique et, dans la plupart des cas, au
traitement.
I. Conduite de l’interrogatoire et de l’examen clinique en présence d’un syndrome hémorragique
A. Interrogatoire 256
Essentiel, l’interrogatoire doit préciser : * les antécédents hémorragiques personnels ; * la date de début (en postnatal, dans l’enfance, à l’âge adulte) ; * le type de saignement (cutané, muqueux, viscéral, articulaire) ; * le caractère spontané ou provoqué : saignements après des gestes invasifs ou une chirurgie (extraction dentaire, intervention ORL ou tout autre acte vulnérant) ayant nécessité une reprise chirurgicale et/ou une transfusion ;
* chez la femme, des ménorragies en déterminant leur abondance ; * des antécédents d’anémie et/ou de traitement par le fer ; * des antécédents hémorragiques familiaux en établissant un arbre généalogique si plusieurs sujets sont atteints ;
* les traitements médicamenteux récents, tout particulièrement ceux interférant avec l’hé-
mostase (antiplaquettaires et antithrombotiques).
B. Examen clinique L’examen clinique doit rechercher : * un saignement cutané (purpura pétéchial, ecchymoses), muqueux (bouche, pharynx), profond (hématome musculaire) ou articulaire (hémarthrose) ;
* des signes évoquant une anémie, une carence martiale ; * des signes en faveur d’une pathologie sous-jacente : insuffisance hépatique, insuffisance rénale, infection, maladie dite « de système » ou auto-immune (lupus, notamment), hémopathie maligne, cancer.
L’interrogatoire et l’examen clinique permettent parfois de distinguer une pathologie de l’hémostase primaire d’une maladie de la coagulation (tableau 19.1) et d’orienter vers une
étiologie constitutionnelle ou acquise.
Éléments d’orientation vers une pathologie de l’hémostase primaire ou de la coagulation. Atteinte de l’hémostase primaire
Atteinte de la coagulation
Hémorragies cutanéomuqueuses Purpura pétéchial et/ou ecchymotique Saignements spontanés et/ou provoqués
Saignement précoce
Atteinte coagulation Hémorragies touchant les tissus profonds (articulation, muscle, etc.)
Saignement provoqué par un traumatisme minime
Saignement retardéL’association d’un purpura pétéchial avec des ecchymoses est très évocatrice d’une thrombopénie sévère (voir Items 214, chapitre 15, et 215, chapitre 16).
II. Examens biologiques d’orientation : comment les interpréter ?
En dehors de la numération plaquettaire (voir Item 212, chapitre 2), le temps de céphaline + activateur ou TCA (appelé aussi TCK si l’activateur du contact utilisé est le kaolin) et le temps de Quick (TQ, improprement dénommé taux de prothrombine [TP]), sont les deux examens biologiques le plus fréquemment prescrits pour le dépistage d’une maladie hémorragique, qu’elle soit acquise ou constitutionnelle. Fréquemment, un allongement du TCA et/ou du TQ implique la prescription d’autres analyses
biologiques afin de préciser le trouble de l’hémostase.
A. Temps de céphaline + activateur (TCA) Le TCA mesure le temps de coagulation après recalcification d’un plasma citraté appauvri en plaquettes et activation de la phase contact de la coagulation. La céphaline se substitue dans ce test aux phospholipides procoagulants plaquettaires. Les valeurs de référence chez l’adulte sont habituellement comprises entre 30 et 40 secondes (selon le réactif utilisé). Un allongement significatif du TCA est défini par un rapport temps malade/temps témoin supérieur à 1,2. Le TCA allongé permet de dépister : * lorsqu’il est isolé : – un déficit en facteur antihémophilique : FVIII (facteur antihémophilique A), FIX (facteur antihémophilique B) ;
– ou un déficit en facteur XI.
* un déficit en facteur XII, non hémorragique ; * lorsqu’il est associé à une diminution du TP, un déficit en facteur FX, FV, FII et/ou fibrinogène. Le TCA détecte également les anticoagulants circulants, qu’ils soient dits « lupiques » ou spécifiques d’un facteur de la coagulation (auto-anticorps). L’allongement du TCA peut être d’origine médicamenteuse et dû à la présence non signalée ou accidentelle dans le prélèvement d’héparine non fractionnée ou de dabigatran, à rechercher systématiquement.
257 19
L’allongement d’un TCA peut révéler : * une anomalie à risque hémorragique (déficit en FVIII, IX ou XI) ; * une anomalie à risque thrombotique (du type anticoagulant circulant lupique) ;
* un déficit asymptomatique, ne prédisposant pas à l’hémorragie (déficit en facteur XII).
B. Temps de Quick (TQ) Le TQ explore la voie directe (dite « extrinsèque ») de la coagulation dépendante du facteur tissulaire. Il mesure le temps de coagulation d’un plasma citraté pauvre en plaquettes, après recalcification et activation par une thromboplastine (source de facteur tissulaire et de phospholipides procoagulants). Le TQ est rendu insensible à la présence d’héparine par ajout d’un inhibiteur de celle-ci. Très court par rapport au TCA (12 à 13 secondes chez le sujet normal), le résultat du TQ doit être comparé au temps du témoin normal, mais il est souvent exprimé en pourcentage de la normale (« taux de prothrombine »). Un résultat anormal correspond alors à une diminution du TP. L’expression en INR (International normalized ratio) est à réserver aux surveillances des traitements par antivitamines K (AVK).
Un allongement du TQ (ou une diminution du TP) permet de dépister : * s’il est isolé, un déficit en facteur VII, très exceptionnellement constitutionnel ou plus souvent reflétant un début d’hypovitaminose K ; le facteur VII ayant la demi-vie la plus courte (6 à 8 heures) est le premier abaissé dans ce cas ;
* s’il est associé à un allongement du TCA : un déficit isolé en facteur II, V, X ou un déficit combiné affec-
tant ces facteurs, mais aussi le facteur VII, et parfois le fibrinogène.
C. Temps d’occlusion plaquettaire sur PFA-100® ou 200® 258
B Il a été proposé de remplacer le temps de saignement évalué après incision par la mesure d’un temps d’occlusion in vitro à l’aide d’un appareil (PFA-100® ou PFA-200®). Cette méthode d’analyse effectuée avec du sang total citraté est toutefois inefficace pour prédire un risque de saignement, mais elle est très sensible pour le dépistage d’un déficit en facteur Willebrand.
Toutefois, ce test est assez coûteux et non spécifique.
III. Diagnostic d’un syndrome hémorragique acquis ou constitutionnel dû à une pathologie de l’hémostase primaire
A Les maladies de l’hémostase primaire incluent les thrombopénies qui sont fréquentes (voir Item 214, chapitre 15), les thrombopathies, le plus souvent acquises, et la maladie de Willebrand, qui est la plus fréquente des pathologies constitutionnelles de l’hémostase. La prévalence d’un déficit en facteur Willebrand est élevée, entre 0,5 à 1 % dans la population générale, mais les maladies symptomatiques sont beaucoup plus rares. Elles entraînent alors
des syndromes hémorragiques essentiellement cutanéomuqueux et parfois sévères.
A. Thrombopathies Une thrombopathie est une maladie fonctionnelle des plaquettes évoquée devant des saignements cutanéomuqueux inexpliqués, associés à une numération plaquettaire normale, avec un
TCA et un TQ normaux.
- Thrombopathies acquises Il s’agit : * des thrombopathies médicamenteuses, très fréquentes : – médicaments inhibant les fonctions plaquettaires : aspirine, anti-inflammatoires non stéroïdiens, thiénopyridines (clopidogrel, prasugrel) et apparentés (ticagrelor) ;
– inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ; – pénicillines à doses élevées et antibiotiques apparentés.
* de certaines hémopathies : gammapathies monoclonales, syndromes myéloprolifératifs,
myélodysplasies.
- Thrombopathies constitutionnelles B Beaucoup plus rares, ces thrombopathies sont plus facilement évoquées chez l’enfant et s’il existe des antécédents familiaux de saignement. Leur diagnostic est porté grâce à l’étude fonctionnelle des plaquettes qui relève de centres très spécialisés : thrombopathies affectant l’adhérence (syndrome de Bernard-Soulier), la sécrétion (déficit enzymatique ou en granules plaquettaires) ou l’agrégation plaquettaire (thrombasthé-
nie de Glanzmann).
B. Maladie de Willebrand A Cette maladie est habituellement recherchée devant des saignements cutanéomuqueux
inexpliqués ou dans le cadre d’une enquête familiale.
- Maladie de Willebrand constitutionnelle La maladie de Willebrand est la plus fréquente des maladies constitutionnelles de l’hémostase. Elle est due à un déficit quantitatif ou qualitatif du facteur Willebrand (vWF), protéine qui permet l’adhérence des plaquettes au sous-endothélium ; un déficit en FVIII est associé dans les deux tiers des cas car le vWF a pour autre fonction de protéger le facteur VIII dans le plasma d’une protéolyse accélérée lorsqu’il est absent. La maladie de Willebrand est transmise dans la majorité des cas selon un mode autosomique dominant (déficit quantitatif ou qualitatif) et très rarement autosomique récessif (déficit profond), et elle affecte les deux sexes. Le taux plasmatique du vWF est compris chez le sujet normal entre 50 et 150 %. Il est plus bas chez les sujets de groupe O pour lesquels il peut être voisin de 50 %, voire inférieur, mais
supérieur en règle à 30 %.
Diagnostic L’expression clinique de la maladie de Willebrand est très hétérogène : * cliniquement, notamment en cas de déficit en vWF < 30–40 %, les saignements rencontrés sont : – cutanés : ecchymoses ; – muqueux : épistaxis, gingivorragies, méno-métrorragies ;
* ils peuvent être spontanés ou provoqués, après extraction dentaire, amygdalectomie ou circoncision, et sont de gravité variable selon le déficit ; ils sont très sévères dans le type 3
(déficit combiné sévère en vWF et en FVIII < 5 %), exceptionnel.Dans les formes les plus fréquentes (type 1, quantitatif), les signes typiques sont les suivants : * diagnostic d’orientation : – syndrome hémorragique cutanéomuqueux avec : – nombre de plaquettes normal ; – allongement du TCA, variable selon le taux de FVIII plus ou moins abaissé ; – le temps d’occlusion plaquettaire, s’il est pratiqué, est allongé dans la plupart des cas ;
* confirmation du diagnostic : – dosage de l’activité vWF (par exemple activité du cofacteur de la ristocétine vWF:RCo) ; – dosage antigénique du VWF (vWF:Ag) ;
– dosage du FVIII (VIII:C).
Ces analyses permettent de caractériser le type de déficit présenté par le malade : * le déficit quantitatif, ou type 1, le plus fréquent, est caractérisé par un taux de vWF:RCo abaissé (< 50 %) dans les mêmes proportions que le vWF:Ag et le VIII:C ;
* le déficit qualitatif, de type 2, est caractérisé par un taux fonctionnel de vWF (vWF:RCo) plus bas que le vWF:Ag et le VIII:C ;
* le type 3 est très rare, homozygote, avec des taux de FVIII:C et de vWF < 5 % quelle que soit la méthode de mesure.
La caractérisation phénotypique permet dans une étape ultime d’identifier les sous-types rares, mais repose sur des tests très spécialisés.
Enfin, dans certains cas, le déficit en vWF est acquis et non constitutionnel (voir ci-après).
Traitement B Les modalités de traitement de la maladie de Willebrand constitutionnelle sont les suivantes : * contre-indication de médicaments antiplaquettaires ou anticoagulants, sauf avis spécialisé ; * pas d’injection intramusculaire ; * pas de chirurgie, ni de geste invasif sans traitement approprié ; * administration de desmopressine (DDAVP) en première intention dans le déficit de type 1 par voie intraveineuse ou intranasale après un test thérapeutique évaluant l’efficacité de ce médicament – chez les « bons répondeurs » au DDAVP, augmentation très rapide (30 minutes) des taux du vWF (× 3 à 6). La réponse de chaque malade à ce médicament doit être systématiquement évaluée (épreuve thérapeutique). L’administration de desmopressine peut être répétée 12 ou 24 heures après une première injection, mais avec une efficacité moindre. L’effet s’épuise au bout de deux à trois injections en général (tachyphylaxie). Une restriction hydrique est essentielle pour prévenir la survenue d’une hyponatrémie. Il est nécessaire de respecter les contre-indications à la desmopressine ;
* administration de concentrés de vWF purifié, par voie intraveineuse, indiquée dans tous les
cas où la desmopressine n’est pas efficace ou insuffisante.
- Maladie de Willebrand acquise La maladie peut être évoquée chez le sujet âgé et en l’absence d’antécédents familiaux. Il convient de rechercher systématiquement : * une hypothyroïdie ; * une cardiopathie valvulaire (par exemple un rétrécissement aortique) ; * une dysprotéinémie monoclonale, plus souvent de type IgM ; * une thrombocytémie essentielle ; * une angiodysplasie digestive ;
* une pathologie auto-immune avec un auto-anticorps, souvent difficile à mettre en évidence
C. Saignements secondaires à une anomalie vasculaire (Voir Item 215, chapitre 16.) Ces saignements doivent être distingués de ceux dus à une maladie de l’hémostase primaire.
Cliniquement, les hémorragies cutanéomuqueuses d’origine vasculaire sont associées à une numération des plaquettes et des tests fonctionnels plaquettaires normaux. Les anomalies vasculaires peuvent être : * secondaires, avec un purpura souvent infiltré contrairement au purpura thrombopénique (voir Item 214, chapitre 15, et Item 215, chapitre 16) : – chez l’enfant : purpura rhumatoïde ; – chez l’adulte : purpura vasculaire d’origine immunologique (dysprotéinémie monoclonale), infectieuse ou métabolique (diabète) ;
* primitives, dues à : – une maladie de Rendu-Osler ou télangiectasie hémorragique héréditaire, de transmission autosomique dominante : épistaxis, hémorragies digestives et télangiectasies au niveau des doigts, du nez, des lèvres et de la bouche ;
– un syndrome d’Ehler-Danlos, affection génétique rarissime du tissu élastique.
IV. Diagnostic d’un syndrome hémorragique dû à une anomalie acquise de la coagulation A Les pathologies hémorragiques acquises de la coagulation surviennent dans des circons-
tances très variées et sont en règle facilement évoquées. Elles regroupent l’insuffisance hépatocellulaire, les coagulopathies de consommation avec les coagulations intravasculaires disséminées (CIVD), à distinguer des exceptionnelles fibrinolyses aiguës primitives, l’hypovitaminose K et les plus rares inhibiteurs acquis de la coagulation, dominés par l’hémophilie acquise. Dans tous les cas, il est essentiel d’éliminer une prise d’anticoagulant (et notamment d’anticoagulant oral direct comme le dabigatran, le rivaroxaban, ou l’apixaban), qui peut entraîner des modi-
fications majeures de la coagulation avec un syndrome hémorragique (voir Item 330, chapitre 22).
A. Insuffisance hépatocellulaire L’insuffisance hépatocellulaire entraîne : * une coagulopathie, dont les signes dépendent de la gravité de l’atteinte hépatique quelle qu’en soit l’origine (hépatite, cirrhose éthylique, etc.), qui résulte d’un déficit de synthèse des protéines de la coagulation (activateurs et inhibiteurs) et d’une clairance diminuée pour certains d’entre eux ;
* des anomalies variables avec, selon les cas : – un allongement du TQ (ou diminution du TP) : avec une diminution précoce du taux de FVII, plus tardive du FII et FX, et enfin du FV, cette dernière témoignant d’une hépatopathie sévère ;
– un allongement du TCA, avec un taux de FVIII normal, voire élevé dans les cas sévères ; – une diminution du fibrinogène dans les insuffisances hépatiques sévères par baisse de la synthèse et hyperfibrinolyse ;
– un raccourcissement du temps de lyse des euglobulines (ou test de von Kaulla) traduisant une hyperfibrinolyse ;
– une thrombopénie le plus souvent modérée, majorée par un hypersplénisme en cas
d’hypertension portale.
B. Coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) Mécanisme, étiologie
Une CIVD est la conséquence d’une activation pathologique et diffuse de la coagulation. Elle est le plus souvent liée à une expression en excès du facteur tissulaire (FT) (tableau 19.2) par : * les monocytes (infection) ; * les cellules endothéliales lésées (choc, polytraumatisme, infection, accidents transfusionnels via les complexes antigènes-anticorps) ;
* les lésions d’organes riches en FT (placenta, prostate, poumon) ; * les cellules tumorales (poumon, pancréas, prostate, cellules leucémiques). Cette surexpression de FT se traduit par une génération incontrôlée de thrombine qui entraîne une consommation des facteurs de coagulation, avec une réaction fibrinolytique variable (génération de plasmine). D’autres causes de CIVD sont exceptionnelles : embolie graisseuse, morsure de serpent veni-
meux, déficit homozygote en protéines C (PC) ou S (PS).
Tableau 19.2. Principales étiologies des CIVD. Pathologies médicales
Infections sévères, virales, bactériennes (à bacilles à Gram négatif), parasitaires (paludisme à Plasmodium falciparum) Cancers (poumon, pancréas, prostate), leucémies (LAM3) Accidents transfusionnels et hémolyses sévères intravasculaires
Pathologies obstétricales 262
Hématome rétroplacentaire Embolie amniotique Toxémie gravidique, éclampsie Mort foetale in utero Môle hydatiforme Placenta praevia
Chirurgies et traumatismes Autres causes
Chirurgies lourdes (pulmonaire, cardiaque avec circulation extracorporelle, prostatique, etc.) Polytraumatismes et brûlures étendues
Morsures de serpents Embolies graisseuses
Malformations vasculaires (hémangiomes, anévrismes, vascularites)
Aspects cliniques Une CIVD aiguë peut entraîner des manifestations hémorragiques et/ou thrombotiques : * des saignements cutanéomuqueux spontanés (purpura, ecchymoses), plus rarement viscéraux, souvent provoqués par un geste vulnérant (chirurgie, ponction), un accouchement ou un traumatisme ;
* des microthromboses touchant de gros organes (rein, foie, poumon) avec des conséquences fonctionnelles parfois sévères (défaillance multiviscérale) ;
* une atteinte cutanée extensive et nécrotique (purpura fulminans), qui peut se voir dans certaines infections bactériennes (bacilles à Gram négatif, méningocoque) ou chez le nou-
veau-né lors de rares déficits homozygotes en PC ou PS.
Aspects biologiques * Il n’existe aucun signe biologique pathognomonique de CIVD et aucune anomalie n’est
retrouvée de façon constante. Les résultats sont variables selon la sévérité de la CIVD.* Les anomalies les plus caractéristiques et les plus précoces sont : – la thrombopénie ; – la diminution du taux de fibrinogène, voire une hypofibrinogénémie.
* Ces anomalies peuvent être absentes dans une CIVD compensée, mais la diminution relative du taux de fibrinogène et du nombre des plaquettes entre deux prélèvements a alors la même valeur diagnostique.
* L’allongement du TCA et du TQ est variable, souvent modéré, voire absent au début. * La diminution variable des facteurs affecte plus sévèrement le FV (substrat de la thrombine mais aussi de la plasmine) que les FII, VII et X.
* L’hyperfibrinolyse secondaire est variable et se traduit par : – une augmentation des PDF (et des D-dimères) qui sont souvent, en pratique, les seuls marqueurs d’hyperfibrinolyse mesurés chez les patients pour lesquels une CIVD est suspectée ;
– un raccourcissement du temps de lyse des euglobulines (test de von Kaulla), sous 3 heures, variable ; mais ce test est réalisé de façon inconstante en pratique.
L’utilisation d’un score établi à partir de tests simples (plaquettes, fibrinogène, TQ en secondes et taux de D-dimères ou de PDF) éventuellement répétés peut être utile pour le diagnostic de
CIVD (fig. 19.1).
Diagnostic différentiel : la fibrinolyse aiguë primitive B La fibrinolyse aiguë primitive est facilement éliminée dans la plupart des cas.
Exceptionnelle, elle est due à la libération massive d’activateurs du plasminogène lors de certaines chirurgies (hépatique ou pulmonaire notamment) ou de cancers. Elle peut être associée à une hémorragie grave avec un saignement en nappe. Les signes cliniques sont essentiellement hémorragiques et le tableau biologique typique associe : * une hypofibrinogénémie sévère (< 1 g/l) ; * un allongement du temps de Quick avec un taux de facteur V bas puis effondré ; * une numération plaquettaire normale ; * le taux de D-dimères de peu d’appoint car ils sont élevés dans les pathologies où se rencontrent les hyperfibrinolyses ;
* un temps de lyse des euglobulines très court (< 30 minutes)
Traitement Le traitement d’une CIVD est avant tout celui de l’étiologie sous-jacente. En cas d’hémorragie grave, le traitement symptomatique peut nécessiter : * l’apport de concentrés plaquettaires ;
* l’injection de concentrés de fibrinogène ou de plasma frais congelé.
C. Hypovitaminose K A Une carence en vitamine K entraîne une synthèse de protéines vitamine K-dépendantes (FII, VII, IX, X, PC, PS) non fonctionnelles. Bien qu’elle affecte à la fois des activateurs procoagulants et des inhibiteurs de la coagulation, elle se traduit essentiellement par des saignements. Étiologie Les causes diffèrent selon l’âge : * chez le nouveau-né, l’hypovitaminose K est secondaire à l’immaturité hépatique éventuellement associée à une carence d’apport maternelle. Elle se manifeste dès quelques jours de vie par des saignements digestifs, du cordon, et parfois intracrâniens. Elle est aujourd’hui rare grâce à l’apport systématique de vitamine K1 per os à la naissance ;
* chez l’adulte, elle peut être due à : – l’absorption thérapeutique (antivitamine K) ou accidentelle (empoisonnement) de produits bloquant le métabolisme de la vitamine K ;
– rarement à une carence d’apport, pouvant survenir lors de dénutritions sévères (anorexie) ou d’alimentation parentérale exclusive sans compensation ;
– un déficit d’absorption, secondaire à une obstruction des voies biliaires (cholestase) ou à une malabsorption (résection intestinale étendue, maladie coeliaque) ;
– une destruction de la flore intestinale par une antibiothérapie qui peut aussi entraîner
une hypovitaminose K.
Diagnostic biologique * TQ et TCA sont allongés avec une diminution du taux des facteurs II, VII et X, mais avec un facteur V et un fibrinogène normaux. Le facteur IX est, lui aussi, abaissé, mais cette donnée est inutile au diagnostic.
* La numération plaquettaire est normale.
Traitement * L’administration de vitamine K par voie orale ou IV lente corrige les anomalies de la coagulation en 6 à 12 heures.
* En cas de saignements graves, en plus de l’apport de la vitamine K en IV lente, une perfusion de complexe prothrombinique (ou PPSB) est nécessaire pour corriger rapidement le
déficit.
D. Hémophilie acquise avec anticorps anti-VIII B Le facteur VIII est la protéine de la coagulation la plus fréquemment inhibée par un autoanticorps acquis qui entraîne une hémophilie acquise, associée à un risque hémorragique élevé.
1. Hémophilie acquise
Il s’agit d’une pathologie rare mais grave dont le taux de mortalité est élevé, compris entre 8 et 20 % des cas.
Étiologie L’hémophilie acquise affecte majoritairement les sujets très âgés ou, plus rarement, les femmes jeunes dans le post-partum, à distance d’un accouchement. Dans 50 % des cas, il n’y a pas d’étiologie retrouvée. Un anticorps anti-VIII peut être associé à une pathologie auto-immune, un cancer ou une hémopathie maligne, le plus souvent lymphoproliférative.
Pour les patients âgés, aucune cause sous-jacente n’est identifiée dans la moitié des cas.
Diagnostic * Le diagnostic d’une hémophilie acquise est évoqué devant des saignements inexpliqués : hématomes, ecchymoses, plus rarement hémorragie digestive ou rétropéritonéale, hématurie chez un patient n’ayant pas d’antécédent hémorragique significatif.
* Le TCA est constamment allongé et non corrigé par l’apport de plasma témoin normal. * Le taux de FVIII est diminué (souvent < 5 %), parfois effondré (< 1 %). * Les autres paramètres de l’hémostase sont classiquement normaux. * Dans le plasma du malade, il existe un anticorps anti-facteur VIII ; sa recherche doit être effectuée au laboratoire devant toute découverte d’un déficit en facteur VIII, particulière-
ment chez l’adulte.2. Autres inhibiteurs de la coagulation A Les anticorps anti-FIX, anti-FV, anti-FII sont très rares voire exceptionnels.
V. Diagnostic d’un syndrome hémorragique dû à une pathologie constitutionnelle de la coagulation
Les pathologies hémorragiques constitutionnelles de la coagulation sont dominées par l’hémophilie due à un déficit en FVIII ou en FIX. Plus rarement, elles concernent une autre protéine de
la coagulation et sont diagnostiquées à un âge variable, parfois chez l’adulte.
A. Hémophilie L’hémophilie est due à un déficit en FVIII (hémophilie A), touchant un garçon pour 5 000 naissances, ou à un déficit en FIX (hémophilie B), cinq fois moins fréquent. L’hémophilie est transmise selon un mode récessif lié au sexe, les gènes des FVIII et IX étant localisés sur le chromosome X. Seuls les garçons sont donc atteints (sauf cas exceptionnel) et les femmes sont conductrices. Environ 30 % des cas sont dus à une mutation de novo, sans antécédent familial. La gravité du syndrome hémorragique dépend de la sévérité du déficit en FVIII ou FIX ; le déficit peut être sévère (taux < 1 %), modéré (taux entre 1 et 5 %) ou mineur (taux entre 5 et 40 %). Si le taux de FVIII ou de FIX est compris entre 40 et 50 %, l’hémophilie est dite fruste, car le plus souvent de découverte fortuite et asymptomatique. En règle, la sévérité de l’hémophilie et
le taux de facteur VIII ou IX sont similaires chez les sujets atteints d’une même famille.
- Manifestations cliniques 266
Les manifestations cliniques sont dominées par des saignements provoqués par un choc parfois minime, voir inaperçu. Le diagnostic d’hémophilie sévère est établi habituellement à l’âge de la marche : * les hémarthroses sont les manifestations les plus typiques ; elles touchent surtout les genoux, les coudes et les chevilles. Récidivantes, elles peuvent entraîner une arthropathie évolutive dont la forme la plus évoluée est la destruction articulaire avec malformations et rétractions tendineuses conduisant à une invalidité sévère ;
* les hématomes affectent les tissus sous-cutanés ou les muscles : – ils peuvent être graves par leur volume ou leur localisation, avec un risque fonctionnel ou vital : hématome du plancher de la bouche (risque d’asphyxie), de la loge antérieure de l’avant-bras (risque de syndrome de Volkmann), du creux axillaire ou du creux poplité (risque de compression vasculaire), rétro-orbitaire (risque de cécité) ;
– un hématome du psoas est parfois difficile à évoquer lorsqu’il est révélateur d’une hémophilie, pouvant simuler une appendicite aiguë ; le plus souvent, il faut avoir recours à une échographie pour confirmer le diagnostic ;
* les hématomes intracrâniens sont très rares, mais parfois révélateurs chez le nouveau-né.
- Diagnostic Le diagnostic est en règle assez aisé ; associé à la symptomatologie clinique, il repose sur la mise en évidence : * d’un allongement isolé du TCA, sans anticoagulant circulant (allongement corrigé après addition de plasma témoin normal), avec un temps de Quick et un temps d’occlusion plaquettaire sur PFA®-100 ou 200 qui sont normaux ;
* d’un déficit isolé en FVIII ou FIX (le taux de FXI est normal). En cas de déficit en FVIII, il convient aussi de vérifier que le taux plasmatique de facteur
Willebrand est normal (vWF:Ag et vWF:RCO > 50 %).
- L’interrogatoire est fondamental pour distinguer : les syndromes hémorragiques secondaires à un trouble acquis d’un déficit constitutionnel ; une maladie de l’hémostase primaire d’une coagulopathie.
- Une maladie de Willebrand est suspectée sur : un allongement du temps de céphaline activée, un temps de Quick normal, éventuellement un allongement du temps d’occlusion plaquettaire mesuré sur PFA®.
- Une maladie de Willebrand est confirmée par la diminution de l’activité du facteur Willebrand associée à un déficit en facteur Willebrand antigène et en FVIII:C.
- Une maladie de Willebrand est le plus souvent révélée par des saignements cutanés ou muqueux
(ménorragies chez la femme jeune).* Les thrombopathies sont le plus souvent acquises et d’origine médicamenteuse. Les thrombopathies constitutionnelles sont rares mais peuvent être graves. - Le taux de facteur V est discriminant pour distinguer une hypovitaminose K (où il est normal) d’une insuffisance hépatocellulaire (où il est abaissé).
- Une CIVD survient dans un contexte clinique évocateur et entraîne des anomalies de l’hémostase qui sont évolutives, associant, lorsqu’elle est décompensée, une diminution des plaquettes et du taux de fibrinogène et une augmentation des produits de dégradation de la fibrine (PDF, monomères de fibrine).
- Une hémophilie constitutionnelle sévère affecte le garçon à l’âge de la marche. Le temps de céphaline + activateur est le meilleur examen de dépistage en objectivant un allongement.
- Une hémophilie acquise peut affecter le sujet âgé ou une femme jeune dans le post-partum. Le diagnostic est évoqué chez un patient sans antécédent hémorragique par un syndrome hémorragique associé à un allongement du TCA, non corrigé par l’addition de plasma normal, et il est confirmé par la mise en évidence d’un taux de FVIII diminué et par la mise en évidence d’un anticorps dirigé contre le
facteur VIII.
Def La leucémie lymphoïde chronique (LLC)
- est une prolifération lymphoïde B monoclonale responsable d’une infiltration de la moelle, des ganglions et du sang par de petits lymphocytes matures.
- Elle appartient à la famille des lymphomes dans la classification de l’OMS et c’est le plus fq des syndromes lymphoprolifératifs chroniques B.
- La LLC ne se rencontre pas chez l’enfant et est exceptionnelle chez l’adulte jeune.
- L’âge médian au diagnostic est de 72 ans.
- Ainsi, toute hyperlymphocytose (> 4 × 10^9/l soit 4 G/l) persistante chez un sujet âgé de plus de 60 ans doit faire suspecter une LLC et faire réaliser un frottis sanguin et un immunophénotypage des lymphocytes sanguins
A. Circonstance de découverte LLC
- Dans la grande majorité des cas, les patients sont asymptomatiques au moment du diagnostic et, dans au moins 80 % des cas, le diagnostic de LLC est secondaire à la découverte fortuite d’une hyperlymphocytose sur un hémogramme réalisé pour une autre raison.
- Chez une minorité des patients, le diagnostic peut être porté lors d’un bilan de polyadénopathies et/ou de splénomégalie.
- Enfin, une complication peut être révélatrice de la maladie : complication infectieuse, cytopénie auto-immune (anémie hémolytique auto-immune ou thrombopénie périphérique immunologique) ou insuffisance médullaire.
Présentation clinique LLC
- Pour la grande majorité des patients, l’examen clinique est N au moment du diagnostic.
- Des adénopathies périphériques peuvent être notées au diagnostic, ou apparaître au cours de l’évolution de la maladie.
- Dans la LLC, les adénopathies superficielles sont typiquement fermes, indolores et non compressives. Elles sont symétriques, et touchent souvent plusieurs aires ganglionnaires (cervicales, sus-claviculaires, axillaires et inguinales).
- La découverte d’une adénopathie indurée, asymétrique, ou d’augmentation de volume rapide isolément doit faire suspecter une transformation de la LLC en lymphome agressif (syndrome de Richter) ou envisager un autre diagnostic.
- Une splénomégalie peut être associée aux adénopathies, mais la présence d’une splénomégalie isolée est rare et, en cas d’hyperlymphocytose associée à une splénomégalie isolée, l’hypothèse d’un autre syndrome lymphoprolifératif doit être privilégiée.
- L’examen clinique doit être rapporté sur un schéma daté et signé précisant la taille des adénopathies (en cm) et de la splénomégalie (débord sous-costal en cm), ce qui permettra de suivre l’évolution du patient de manière objective.
- La présence de signes généraux (fièvre, sueurs nocturnes, amaigrissement significatif) est rare, mais ceux-ci peuvent être présents lors de l’évolution de la maladie. Si l’AEG est rapide et importante, elle doit néanmoins conduire à s’interroger sur la possibilité d’un syndrome de Richter.
C. Diagnostic positif Le diagnostic positif de LLC
- repose sur l’analyse du frottis sanguin et l’immunophénotypage des lymphocytes sanguins.
- Aucun autre examen n’est nécessaire pour établir le diagnostic de LLC.
LLC Hémogramme et frottis sanguin
- L’hémogramme met en évidence une hyperlymphocytose d’importance variable, parfois très élevée (> 100 × 10^9/l soit 100 G/l) qui persiste sur plusieurs hémogrammes successifs ;
- la présence d’une cytopénie associée doit conduire à poser un diagnostic rapide.
- L’analyse du frottis sanguin est essentielle. Dans la LLC, les lymphocytes sont typiquement d’aspect banal, monomorphes, de petite taille, avec une chromatine mature et dense et un rapport nucléocytoplasmique élevé.
- La présence d’ombres de Gumprecht est très évocatrice de la LLC et est secondaire à l’éclatement des lymphocytes de LLC lors de l’étalement du frottis sanguin.
- La présence de lymphocytes matures plus atypiques est possible, mais leur pourcentage ne doit pas dépasser 10 % des lymphocytes totaux.
- L’étude de la morphologie lymphocytaire permet donc une orientation diagnostique: lymphocytose réactionnelle, LLC ou autre syndrome lymphoprolifératif (dont la morphologie diffère de celle de la LLC), mais, en cas de suspicion de syndrome lymphoprolifératif, cette hypothèse doit impérativement être confirmée par la réalisation d’un immunophénotypage des lymphocytes sanguins.
LLC 2. Immunophénotypage
- L’immunophénotypage des lymphocytes B sanguins est réalisé grâce à la technique de cytométrie en flux (CMF).
- permet d’analyser l’expression d’antigènes membranaires ou intracellulaires par des cellules en suspension grâce à l’utilisation d’anticorps couplés à des fluorochromes.
- permet dans le cadre d’un bilan d’hyperlymphocytose :
- de déterminer si la population lymphocytaire en excès est d’origine lymphocytaire B (expression du CD19 et du CD20) ou lymphocytaire T (expression du CD3) ;
- de confirmer le caractère monotypique ou non d’une population lymphocytaire B grâce à l’analyse des chaînes légères exprimées par le récepteur B présent à la, surface des lymphocytes B. Une expression monotypique kappa ou lambda signe le caractère monoclonal d’une prolifération lymphoïde B ;
- sur une population B monoclonale avérée, d’affirmer ou d’infirmer le diagnostic de LLC. En effet, les cellules de LLC expriment l’antigène CD5 (habituellement seulement présent sur les lymphocytes T N) et le CD23. Ces 2 paramètres font partie du score de Matutes ou RMH (pour Royal Marsden Hospital), qui analyse l’expression de 5 antigènes et varie de 0 à 5. Un score de 4 ou 5 permet d’affirmer le diagnostic de LLC. Un score de 0 à 2 élimine le diagnostic de LLC et oriente vers un autre syndrome lymphoprolifératif B. Les autres syndromes lymphoprolifératifs B correspondent à des phases leucémiques de lymphome non hodgkinien tels le lymphome folliculaire, le lymphome de la zone marginale ou le lymphome à cellules du manteau. Un score à 3 peut nécessiter un complément de cytométrie afin de différencier notamment une LLC d’un lymphome à cellules du manteau, qui exprime également le CD5. À noter qu’une analyse cytogénétique est alors obligatoire à réaliser, et la présence d’une translocation t(11;14) permettra d’affirmer le diagnostic de lymphome du manteau.
Le seuil de 5 × 10^9/l (soit 5 G/l) de lymphocytes B monoclonaux (à calculer donc après l’immunophénotypage) a été fixé par l’OMS pour poser le diagnostic de LLC.
- Formes cliniques des LLC
A En cas de mise en évidence d’un clone < 5 × 10^9/l présentant les caractéristiques immunophénotypiques de la LLC, deux formes cliniques sont évoquées :
* soit le clone circulant est isolé, en l’absence d’adénopathie et de splénomégalie ; on parle alors de lymphocytose B monoclonale qui est un état « pré-LLC » ;
* soit il existe un syndrome tumoral, et il s’agit alors d’un lymphome lymphocytique, qui correspond à une forme à prédominance tumorale de LLC.
D. Autres examens à réaliser au diagnostic de leucémie lymphoïde chronique
- Le myélogramme et la biopsie ostéomédullaire sont inutiles au diagnostic et ne doivent pas être réalisés.
- Le myélogramme ne sera indiqué que dans le cas d’une cytopénie associée inexpliquée.
- De même, en présence d’adénopathies, la réalisation d’une cytoponction ou d’une biopsie ganglionnaire n’est pas indiquée en l’absence d’argument pour un syndrome de Richter (AEG, apparition et/ou croissance rapide d’une ADP, augmentation des LDH).
- Aucun bilan d’imagerie systématique n’est requis au diagnostic.
- En revanche, deux examens doivent être prescrits une fois le diagnostic de LLC posé
- une EPS à la recherche d’une hypogammaglobulinémie plus ou moins profonde. Ces patients sont plus à risque d’infections. De plus, une gammapathie monoclonale IgM ou IgG de faible taux est retrouvée chez moins de 10 % des patients ;
- la recherche d’anticorps anti-érythrocytaires grâce à la réalisation d’un test direct à l’antiglobuline (test de Coombs direct), qui peut être + même en l’absence d’hémolyse auto-immune patente. Ces patients sont plus à risque d’accidents hémolytiques au cours de l’évolution de la maladie.
II. Classification pronostique de Binet LLC
- La classification de Binet est toujours utilisée en FR pour évaluer le pronostic des patients et décider d’une éventuelle indication thérapeutique *
- Elle repose sur l’hémogramme et l’examen clinique.
- Elle distingue trois stades :
- stade A : taux d’hb ≥ 100 g/l et taux de plaquettes ≥ 100 × 10^9/l, moins de 3 aires ganglionnaires atteintes ;
- stade B : taux d’hb ≥ 100 g/l et taux de plaquettes ≥ 100 × 10^9/l, au moins 3 aires ganglionnaires atteintes ;
- stade C : taux d’hémoglobine < 100 g/l et/ou taux de plaquettes < 100 × 10^9/l, quel que soit le mécanisme de la cytopénie (par infiltration médullaire ou d’origine auto-immune).
Au moment du diagnostic, 70 à 80 % des patients sont au stade A et moins de 10 % sont au stade C. Concernant les patients de stade A, environ la moitié d’entre eux n’auront jamais besoin de TTT spécifique et ont une espérance de vie comparable à celle de la population générale de même âge et de même sexe.
III. Principes de la prise en charge LLC, prevention du risque infectieux
A. Prévention du risque infectieux
- La plupart des patients qui décèdent de la LLC meurent de complications infectieuses plutôt que du fait d’une progression de la maladie.
- L’hypogammaglobulinémie, présente chez la majorité des patients dès le diagnostic ou après plusieurs années d’évolution, et même en l’absence de tout TTT, favorise la survenue d’infections principalement pulmonaires et ORL à germes encapsulés (Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae).
- La vaccination antipneumococcique et anti-Haemophilus est donc recommandée dès le diagnostic, afin d’obtenir la meilleure protection vaccinale possible. La vaccination antigrippale annuelle est également recommandée.
- Cette IMD est encore favorisée par les TTT, qui peuvent être responsable d’un déficit immunitaire T, rendant également les patients à risque d’infections virales (herpès, zona) ou parasitaires (Pneumocystis jiroveci).
B. Indications à un traitement spécifique de LLC
- Les critères de TTT ont été définis par l’iwCLL (International Workshop on Chronic Lymphocytic Leukemia) et reposent sur la notion d’évolutivité de la LLC. De façon schématique :
- les patients en stade A de Binet ne sont pas traités ;
- les patients en stade B sont traités lorsque des critères d’évolutivité apparaissent : adp volumineuses ou rapidement progressives), hépatomégalie ou splénomégalie (de débord sous-costal significatif), signes généraux ;
- les patients en stade C nécessitent un ttt.
C. Notions sur le traitement spécifique de LLC
- Le choix du TTT spécifique dépend principalement de l’âge du patient, des comorbidités et de l’analyse de facteurs pronostiques tels que la présence d’une altération du gène TP53.
- Ce choix doit être de façon systématique validé en RCP.
- Jusqu’à récemment, le TTT de référence de première ligne consistait en une association d’un anticorps anti-CD20 avec une chimio, mais le développement de thérapies ciblées a profondément transformé la PEC des patients atteints de LLC et les indications de la chimio se réduisent rapidement.
Ponts cles LLC
- La leucémie lymphoïde chronique (LLC) est une hémopathie du sujet âgé caractérisée par une hyperlymphocytose clonale sanguine supérieure à 5 G/l.
- Sa découverte est le plus souvent fortuite, à l’occasion d’un hémogramme demandé à titre systématique.
- Le diagnostic repose sur le frottis sanguin (hyperlymphocytose constituée de petits lymphocytes matures) et sur l’immunophénotypage des lymphocytes.
- La biopsie ganglionnaire et le myélogramme ne doivent pas faire partie de la démarche diagnostique.
- Au diagnostic, la plupart des patients ne nécessitent pas de TTT et un 1/3 environ des patients ne nécessiteront jamais de TTT.
- Les principales complications sont auto-immunes (anémie hémolytique, thrombopénie auto-immune) et infectieuses, favorisées par une hypogammaglobulinémie.
- Environ 5 à 10 % des patients peuvent voir leur maladie se transformer en lymphome de haut grade, appelé transformation de type Richter. Cette transformation est, le plus souvent, tardive chez des patients évolutifs et multitraités et est de pronostic très sombre.
- Les critères thérapeutiques reposent sur la classification de Binet, qui comprend trois stades (A, B, C), prenant en compte masse tumorale et cytopénies, et sur les critères NCI, qui tiennent compte des signes généraux et de la rapidité d’évolution.
- Le traitement de la LLC est, actuellement, en pleine évolution. Il repose sur l’immunochimiothérapie, mais également de plus en plus sur des thérapies ciblées.
Les ganglions lymphatiques sont les organes qui drainent la lymphe d’un territoire anatomique. On en compte entre 200 et 300 dans l’organisme. Une adénopathie est une augmentation de volume pathologique d’un ganglion lymphatique, qui peut être consécutive à : * une réaction lymphocytaire et/ou macrophagique à une stimulation antigénique locorégionale ou générale, de nature infectieuse ou tumorale, et filtrée par le ganglion ;
* une prolifération tumorale primitive du tissu lymphoïde (lymphome malin) ; * un envahissement par des cellules malignes non lymphoïdes (métastase ganglionnaire). La recherche étiologique est essentielle. On distingue deux situations : * adénopathie localisée : un ou plusieurs ganglions dans le même territoire ; * adénopathies multiples (polyadénopathie) : plusieurs ganglions dans des territoires
différents.
I. Diagnostic d’adénopathie A. Circonstances de découverte
Souvent, l’adénopathie est découverte par le patient lui-même. Sinon, c’est lors d’un examen médical systématique ou orienté (par exemple par une douleur locale ou plus rarement par des
signes de compression).
Il faut éliminer (on peut s’aider selon les cas d’une échographie en cas d’incertitude) : * un lipome (tuméfaction souple ou molle, située sous la peau, stable ou très lentement évolutive, souvent en dehors d’un territoire ganglionnaire) ;
* une tumeur parotidienne (au-dessus et en arrière de l’angle de la mâchoire) ; * une tumeur sous-maxillaire (dans la région sous-mandibulaire, en avant de l’angle et audessous du rebord inférieur de la mandibule, accessible à la palpation par voie externe et par voie endobuccale) ;
* une tumeur de la thyroïde (mobile à la déglutition) ; * des kystes congénitaux (au niveau cervical) ; * une hidrosadénite, en zone sudoripare et en particulier axillaire : sensible, superficielle et adhérente à la peau ;
* une masse vasculaire artérielle (pulsatile à la palpation) ;
* une hernie inguinale (impulsive à la toux et réductible en l’absence de complication).
B. Diagnostic positif Le diagnostic est clinique avec la présence d’une tuméfaction acquise de taille supérieure à 1 cm dans l’un des territoires ganglionnaires superficiels : jugulocarotidien, sous-mandibulaire,
occipital, sus-claviculaire, axillaire, épitrochléen/poplité ou inguinal.Il faut préciser les caractères sémiologiques de l’adénopathie : * la taille (exprimée en centimètres, à mesurer systématiquement) ;* la consistance : – molle, fluctuante (en faveur d’une suppuration) ; – dure, ligneuse, rocailleuse (en faveur d’un cancer) ; – ferme, élastique.
* la forme : régulière ou non, associée à une périadénite ; * le caractère douloureux : spontanément, à la palpation, ou dans certaines circonstances comme la classique douleur à l’ingestion d’alcool retrouvée dans certains lymphomes de Hodgkin ;
* l’adhérence éventuelle aux plans superficiels et profonds ; * l’état de la peau en regard : normale, rouge, inflammatoire, voire ulcérée ou fistulisée. On fait préciser la date et le mode de début (évolution aiguë ou chronique).
Ces caractères sont utiles au diagnostic étiologique, mais il faut insister sur le fait qu’il n’existe aucun signe sémiologique formel de bénignité d’une adénopathie chronique. Une biopsie doit être proposée si la taille dépasse 2 × 2 cm avec une durée > 2 mois. Moyen mnémotechnique = Ancienneté Dureté Étendue Nombre Où PériAdénite Taille Infection
(ADENOPATI).
II. Démarche étiologique A. Éléments de cette démarche
151
Le diagnostic d’adénopathie posé et ses caractéristiques connues, il faut : * préciser s’il s’agit d’une adénopathie unique ou d’une polyadénopathie, l’ensemble devant être consigné sur un schéma daté et signé : – l’examen des autres aires ganglionnaires doit être systématique ; – on précise le siège et la taille de ces ganglions éventuels (> 1 cm) sur un schéma daté ; – on y associe la recherche d’une splénomégalie, d’une hépatomégalie et d’une hypertrophie amygdalienne ;
* recueillir des éléments d’interrogatoire et d’examen clinique utiles à la démarche étiologique : – les antécédents et le mode de vie : vaccinations, voyages, cancer, médicaments, métier, animaux, tabagisme ;
– une atteinte de l’état général (asthénie, anorexie, amaigrissement) ; – une fièvre, des sueurs (diurnes ou nocturnes) voire des frissons ; – des signes locorégionaux dans chacun des territoires de drainage correspondant aux adénopathies ;
– des signes cutanés ou osseux, un syndrome anémique et/ou hémorragique ;
pratiquer des examens complémentaires ; ces examens sont orientés selon les données cliniques : –
B un hémogramme est pratiquement systématique, à la recherche de signes en faveur :
– d’une infection : polynucléose neutrophile, syndrome mononucléosique ; – d’une inflammation : anémie microcytaire ou normocytaire, thrombocytose ; – d’une hémopathie maligne (cellules anormales circulantes, cytopénies) ;
– une radiographie pulmonaire est souvent utile (étude du parenchyme pulmonaire et
recherche d’adénopathies médiastinales)– d’autres examens sont discutés en fonction du contexte : – prélèvements bactériologiques ; – sérodiagnostics (adaptés à la clinique) ; – bilan sanguin : bilan inflammatoire et hépatique ; – imagerie : échographie ganglionnaire ou abdominale, scanner thoraco-abdomino-
pelvien (recherche d’adénopathies profondes et recherche étiologique). ;
B. Démarche étiologique en présence d’une adénopathie isolée A L’étude minutieuse du territoire physiologique de drainage lymphatique est essentielle à la
recherche d’une pathologie infectieuse ou tumorale locale.
Territoires physiologiques de drainage lymphatique (un lymphome peut toucher tous ces territoires)
* Adénopathie cervicale : cuir chevelu, dents, sinus, ORL, thyroïde. * Adénopathie sus-claviculaire : – à gauche, ganglion de Troisier : tube digestif, reins, testicules, pelvis, abdomen ; – à droite : poumon, médiastin ; – une étiologie maligne est de loin la plus vraisemblable en présence d’une adénopathie sus-claviculaire.
* Adénopathies axillaires : seins, membres supérieurs, paroi thoracique. * Adénopathies inguinales : membres inférieurs, organes génitaux externes, anus.
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Dans tous les cas, on recherche, dans la zone drainée et accessible, une tumeur cutanée (mélanome) et une porte d’entrée infectieuse potentielle : plaie, morsure, griffure.
Trois groupes étiologiques prédominent : les infections, les cancers, les lymphomes.
- Infection Une infection est d’autant plus suspectée qu’il existe une porte d’entrée, de la fièvre et un caractère inflammatoire de l’adénopathie. Les infections à staphylocoque ou streptocoque sont souvent en cause en présence d’une plaie ou d’une infection cutanée (par exemple panaris et ganglion axillaire, acné avec lésion de grattage chez les adolescents/jeunes adultes, etc.). Parmi les autres causes infectieuses, on retrouve : * la maladie des griffes du chat (lymphoréticulose bénigne d’inoculation à Bartonella henselae), avec une adénopathie parfois volumineuse et une possible fistulisation ;
* la tularémie (Francisella tularensis) après contact avec du gibier (lièvre, etc.) ; * les infections sexuellement transmissibles pour les adénopathies inguinales : syphilis, chancre mou (Haemophilus ducreyi), maladie de Nicolas et Favre (Chlamydia sp.) ;
* la tuberculose, qui donne souvent une adénopathie « froide », parfois volumineuse, sans signes inflammatoires et évoluant vers la fistulisation (« écrouelle ») ;
* la toxoplasmose, qui peut donner également une polyadénopathie (atteinte occipitale typique) : une grande altération de l’état général avec une fatigue éreintante est évocatrice de la primo-infection chez un adulte jeune.
La cytoponction ganglionnaire avec examen microbiologique peut être utile pour dépister le
germe en cause dans ces adénopathies infectieuses.
- Cancer La recherche d’un cancer dans le territoire de drainage doit être pratiquée en second lieu chaque fois qu’une cause infectieuse ne peut pas être affirmée. Un « grand simulateur » existe : le mélanome malin, capable de dissémination tumorale ganglionnaire dans un territoire non drainant. Des examens complémentaires spécifiques sont nécessaires : imagerie (scanner, échographie et/ou scintigraphie au 18-FDG si besoin) et biopsie locale. La cytoponction ganglionnaire peut être utile pour affirmer le caractère néoplasique quand le cancer primitif n’est pas encore connu ou pour affirmer une dissémination (on la fait volontiers en cas de suspicion de cancer du sein ou ORL, car alors la biopsie est une contre-indication).
Le tableau 10.1 résume les localisatio
- Lymphome Le diagnostic de lymphome doit être systématiquement envisagé devant toute adénopathie isolée qui n’a pas fait la preuve de son étiologie au bout de 4 à 6 semaines d’évolution. Les signes généraux (ou symptômes B : amaigrissement, sueurs, fièvre) ne sont pas constants et l’hémogramme est souvent normal, ou ne montre que des signes inflammatoires indirects. Les deux examens essentiels sont alors la cytoponction et la biopsie ganglionnaire. La cytoponction a l’avantage d’être facile à réaliser (y compris en consultation), de donner un résultat rapide (quelques heures) et de permettre une étude microbiologique. Elle permet souvent de retrouver des cellules lymphomateuses ou des cellules de Sternberg (lymphome de Hodgkin). C’est un examen utile pour une orientation rapide. Cependant, une cytoponction normale ne permet pas d’éliminer un lymphome, et la biopsie du ganglion est toujours nécessaire pour affirmer le lymphome et préciser son type histologique, même si des cellules lymphomateuses sont retrouvées à la cytoponction. La biopsie ganglionnaire nécessite une organisation préalable. Elle peut être réalisée sous anesthésie générale (si profonde) ou locale ; elle consiste en une exérèse ganglionnaire, parfois remplacée par une biopsie radioguidée (en sachant que le matériel rapporté est alors plus petit et peut nécessiter une biopsie-exérèse secondairement si le diagnostic est incertain). Elle permet une étude histologique, mais aussi de l’immunomarquage, de la biologie moléculaire ou la réalisation d’un caryotype. C’est le seul examen permettant la classification histologique du
lymphome. Une congélation du tissu tumoral prélevé doit être faite. Ce geste doit être réalisépar une équipe spécialisée pour assurer l’acheminement du matériel dans les conditions nécessaires aux différents examens (une partie à l’état frais). En cas d’anesthésie générale et de forte
suspicion de lymphome, une biopsie ostéomédullaire peut être associée dans le même temps.
C. Démarche étiologique en présence d’une polyadénopathie
L’hémogramme est l’examen d’orientation principal dans ce contexte. Il peut retrouver : * des blastes de leucémie aiguë, souvent associés à une anémie et à une thrombopénie ; la prise en charge spécialisée et la réalisation d’un myélogramme sont alors indispensables ;
* une hyperlymphocytose constituée de lymphocytes matures monomorphes, très évocatrice de leucémie lymphoïde chronique (LLC) ; un immunophénotypage des lymphocytes sanguins doit être réalisé ;
* un syndrome mononucléosique révélant souvent une mononucléose infectieuse (avec classiquement fièvre, angine et splénomégalie ; la sérologie du virus d’Epstein-Barr [EBV] est demandée) ; il peut également être en rapport avec une autre cause : VIH, toxoplasmose (adénopathies cervicales postérieures surtout ; la sérologie est demandée) ;
154
* des lymphoplasmocytes évocateurs de maladie de Waldenström (avec VS augmentée) ; * une plasmocytose modérée évocatrice de virose (rubéole) ; * des cellules lymphomateuses évocatrices de lymphome avec dissémination sanguine. Un immunophénotypage des lymphocytes sanguins doit être réalisé. Lorsque l’hémogramme n’oriente pas, il faut rechercher : * une infection par le VIH ou une toxoplasmose sans syndrome mononucléosique ; * une syphilis secondaire ; * une brucellose ; * une leishmaniose viscérale ; * une sarcoïdose ; * un lupus, une polyarthrite rhumatoïde ; * une toxicité médicamenteuse (hydantoïnes) ; * une histiocytose sinusale.
Chacune de ces étiologies a ses investigations complémentaires propres.
La biopsie ganglionnaire reste l’examen de recherche étiologique à pratiquer en l’absence de diagnostic précis. Elle est indispensable devant tout tableau inexpliqué prolongé de plus de 4 à 6 semaines.
III. Adénopathies chez l’enfant La découverte d’adénopathies chez l’enfant est fréquente, en particulier une polyadénopathie cervicale, notamment l’hiver, dans un contexte d’épisodes rhinopharyngés. Les étiologies les plus fréquentes sont infectieuses. La crainte d’une cause maligne ou liée à une maladie de système doit cependant imposer une démarche rigoureuse et la consultation de spécialistes. Parmi les causes, on retrouve principalement : * la mononucléose infectieuse (infection à EBV) ;
* l’infection à cytomégalovirus (CMV) ;* la rubéole (ganglions occipitaux) ; * l’infection par le VIH ; * le syndrome de Kawasaki ; * les infections à pyogènes ; * la pasteurellose (Pasteurella multocida) : contexte de griffure/morsure de chien ou chat ; * la maladie des griffes du chat ;
* la tuberculose.
- Toute adénopathie palpable supérieure à 1 cm est pathologique et doit faire rechercher son étiologie. * Une adénopathie doit faire explorer son territoire de drainage, puis faire pratiquer un examen clinique complet et orienté. L’examen d’imagerie simple est à privilégier en cas de doute devant des adénopathies superficielles (échographie).
- Il n’existe pas de critère sémiologique de bénignité d’une adénopathie. * La plupart des adénopathies sont bénignes et infectieuses, mais toute adénopathie qui persiste au-delà de quelques semaines doit être biopsiée.
- Les adénopathies sus-claviculaires évoquent en premier lieu une étiologie maligne. * Une adénopathie isolée évoque prioritairement une infection locorégionale, un cancer ou un lymphome. * Devant une polyadénopathie, l’examen prioritaire d’orientation est l’hémogramme. * La ponction ganglionnaire est très utile pour une étude microbiologique, pour dépister un cancer ou évoquer un lymphome.
- La biopsie ganglionnaire est toujours nécessaire pour affirmer et typer un lymphome.
Définition des lymphomes malins
- Les lymphomes sont des hémopathies lymphoïdes, c’est-à-dire des cancers développés à partir des cellules de la différenciation lymphoïde de l’hématopoïèse.
- il s’agit de proliférations clonales des lymphocytes matures (à l’exception des lymphomes lymphoblastiques correspondant à une prolifération de cellules immatures), qu’ils soient B, T ou NK (natural killer).
- Les lymphomes peuvent survenir à tout âge de la vie, même si l’incidence augmente avec l’âge, et constituent parfois une urgence diagnostique. Ils se manifestent en général par des tumeurs des organes lymphoïdes (adénopathies, splénomégalie, hépatomégalie), mais peuvent atteindre tous les organes (peau, sphère ORL, tube digestif,SNC, poumons, etc.), car les cellules lymphoïdes sont présentes dans tout l’organisme.
- La classification des lymphomes distingue d’une part les lymphomes de Hodgkin (LH), dont l’épidémiologie et l’histologie sont caractéristiques (cellules tumorales mononucléées de Hodgkin et multi-/binucléées de Reed-Sternberg), et d’autre part les lymphomes non hodgkiniens (LNH).
- Parmi les LNH, on distingue les LNH B qui résultent de la transformation des lymphocytes B (85 % des LNH) des LNH T ou NK développés aux dépens des lymphocytes T ou NK. D’un point de vue clinique, on distingue :
- des lymphomes dits « agressifs » (ex lymphome B diffus à grandes cellules, lymphome de Burkitt), dont l’évolution est rapide, et qui sont curables avec des chimio intensives ;
- des lymphomes dits « indolents » (ex lymphome folliculaire, lymphome de la zone marginale), d’évolution plus lente, qui ne sont pas éradicables à l’heure actuelle, et dont l’histoire clinique est une alternance de phases de TTT et de rémission.
I. Épidémiologie des lymphomes malins
- Les LNH sont au 6e rang des cancers en France avec la survenue de 17 000 nouveaux cas par an et une augmentation constante de leur incidence depuis plusieurs années.
- Les LH sont plus rares, représentant environ 1900 nouveaux cas par an en FR.
- La médiane d’âge au diagnostic des LNH, toutes catégories confondues, est autour de 65 ans alors que celle des LH est autour de 38 ans.
- Pour les LH, il existe donc un pic d’incidence chez l’adulte jeune, faisant de ce lymphome le cancer le plus fq chez les personnes de < de 40 ans.
II. Physiopathologie des lymphomes
- Les LNH sont regroupés dans la classification actuelle de l’OMS révisée en 2016. Trois notions sous-tendent la physiopathologie et la classification des lymphomes :
- B un lymphome est développé à partir d’un équivalent N d’une cellule du tissu lymphoïde. Ainsi, la catégorie de la prolifération lymphomateuse répondra aux critères de différenciation et d’activation du type de cellule lymphoïde impliquée ;
- des anomalies génétiques sous-tendent la transformation maligne et dérégulent l’homéostasie cellulaire. Pour les lymphomes B, des translocations récurrentes sont souvent mises en évidence et ont donc une importance diagnostique ;
- les entités sont définies, identifiant des proliférations lymphomateuses répondant à des aspects histopathologiques, immunophénotypiques, cytogénétiques et moléculaires spécifiques ainsi qu’à une évolution clinique caractéristique.
III. Étiologies des lymphomes
- Dans la très grande majorité des lymphomes (90 à 95 %des cas), il n’y a pas d’événement causal formellement identifié. Dans un nombre limité de cas, le rôle favorisant voire déclencheur de certains agents ou de circonstances particulières a pu être étayé :
- agents infectieux :
– via une stimulation chronique du système immunitaire, comme Helicobacter pylori et LNH B du tissu lymphoïde associé aux muqueuses (MALT) gastrique, ou infection chronique par le VHC et LNH B de la zone marginale splénique ;
– via un rôle transformant direct, comme c’est le cas pour les virus EBV, HTLV1, HHV8. - immunosuppression :
– déficit constitutionnel (maladie de Wiskott-Aldrich, ataxie télangiectasie) ;
– déficits immunitaires acquis :VIH ; immunosuppresseurs dans un contexte de greffe - pathologies auto-immunes (maladie de Gougerot-Sjögren, PR, lupus, maladie coeliaque).
Des études récentes montrent que les ATCD familiaux d’hémopathies constituent un FDR de survenue de lymphome. Des études génétiques ont également mis en évidence des polymorphismes constitutionnels de susceptibilité au lymphome. Cependant, ces données ne débouchent actuellement pas sur des propositions de dépistage génétique spécifique. - Concernant les facteurs environnementaux, des études statistiques montrent un risque accru de développement de lymphomes en cas d’exposition aux pesticides (agriculteurs, viticulteurs) ou aux solvants. Cela peut déboucher sur des procédures de reconnaissance de maladies professionnelles.
IV. Circonstances de découverte lymphome
- La suspicion diagnostique de lymphome peut être assez facile devant une ou des ADP superficielles manifestement tumorales, mais elle peut être beaucoup moins évidente en cas de lymphome extraganglionnaire car les symptômes sont alors en lien avec l’organe concerné.
- Hypertrophie tumorale du tissu lymphoïde :
– ADP (s) tumorale(s) périphérique(s) dont les caractéristiques de sont d’emblée suspectes :
– taille importante (>à 2 cm) ;
– consistance ferme, absence de caractère inflammatoire, pas d’adhérence aux plans superficiels et profonds ;
– caractère indolore (à l’exception de la survenue classique mais très rare de douleur après ingestion d’alcool dans le LH) ;
– absence de porte d’entrée infectieuse ou de lésion tumorale locorégionale dans le territoire de drainage ;
– ancienneté > à un mois.
– atteinte de l’anneau de Waldeyer : hypertrophie amygdalienne, base de langue, atteinte du cavum avec masse asymptomatique ou responsable d’une dysphagie, d’une odynophagie, d’une dysphonie ou d’une otalgie réflexe ;
– atteintes ganglionnaires profondes responsables d’un syndrome compressif médiastinal ou abdominal ;
– splénomégalie ;
– hépatomégalie ;
– atteinte du tissu lymphoïde de tissus extraganglionnaires : tube digestif (troubles dyspeptiques, diarrhée, hémorragie digestive, syndrome occlusif, etc.), sphère ORL (sinus, glandes salivaires, thyroïde), peau (lésions d’aspect et d’étendue variables), SNC (confusion, crise comitiale, déficit), poumon, os, testicule, annexes de l’oeil.
AEG et signes généraux. - Les signes généraux (ou « signes B ») sont définis par :
– une fièvre ≥ 38 °C pendant plus de 8 j sans cause infectieuse retrouvée ;
– un amaigrissement de plus de 10 % du poids du corps en moins de 6 mois ;
– l’existence de sueurs profuses notamment nocturnes.
Lymphomes anomalies biologiques le faisant suspecter
- Bilan de prurit.
- Perturbation du bilan biologique :
– anomalie de l’hémogramme : anémie, leucopénie, thrombopénie par le biais d’une atteinte médullaire lymphomateuse ou d’un hypersplénisme. Possible présence de cellules lymphomateuses circulantes sur le frottis sanguin pouvant être responsable d’hyperlymphocytose ;
– syndrome inflammatoire inexpliqué ;
– élévation du taux de lactate déshydrogénase (LDH) en sachant qu’il ne s’agit pas d’un marqueur spécifique de lymphome ;
– syndrome d’activation macrophagique (cytopénies associées à des images d’hémophagocytose sur le myélogramme, syndrome inflammatoire biologique marqué, élévation de la ferritinémie et des triglycérides) ;
– hyperuricémie ;
– hypercalcémie ;
– syndrome de lyse tumorale (hyperkaliémie, hyperphosphorémie, hypocalcémie, hyperuricémie, élévation des LDH, insuffisance rénale) beaucoup plus rarement spontané qu’induit par l’initiation du TTT (corticoïdes et chimio).
Trois tableaux nécessitant une prise en charge diagnostique et thérapeutique urgente peuvent révéler un lymphome :
- syndrome cave supérieur en lien avec une masse médiastinale plus ou moins volumineuse compressive (oedème « en pèlerine », TJ, circulation veineuse collatérale thoracique, orthopnée, toux) ;
- masse abdominale d’évolution rapidement progressive, notamment révélatrice d’un lymphome de Burkitt chez l’enfant ou l’adulte jeune (douleurs abdominales, syndrome occlusif, compression). Il est important de rechercher dans ce cadre un syndrome de lyse tumorale spontanée ;
- syndrome neurologique de compression radiculomédullaire
diagnostic positif lymphome
- Le diagnostic est le plus souvent porté sur un ganglion prélevé lors d’une biopsie chirurgicale.
- La cytoponction ganglionnaire peut avoir une valeur d’orientation, mais elle n’est pas suffisante pour affirmer le diagnostic de lymphome qui nécessite obligatoirement une étude histologique sur du tissu obtenu par biopsie.
- Il est de + en + fq de réaliser (+++ loca profondes) des microbiopsies radioguidées percutanées en s’attachant à obtenir un prélèvement représentatif.
- Il ne faut pas réaliser de curages ganglionnaires extensifs car ils n’ont aucune vertu thérapeutique, ni signification pronostique dans les lymphomes (et peuvent au contraire être délétères en retardant l’initiation de la chimio ou en entraînant des complications infectieuses locales).
- Les lymphomes étant majoritairement des pathologies ganglionnaires, l’analyse de la structure du ganglion est importante pour un diagnostic précis ; il est donc préférable de biopsier un site ganglionnaire plutôt qu’une loca extraganglionnaire.
- Lorsque cela est possible, il faut biopsier le ganglion qui semble le plus pathologique, d’après les données de l’examen clinique, de l’imagerie conventionnelle et/ou du TEP-scanner.
- Il est fondamental que le ganglion soit acheminé rapidement au laboratoire d’anapath, à l’état frais, pour la réalisation de l’ensemble des examens :
- apposition sur lame pour l’analyse cytologique ;
- fixation en formol et inclusion en paraffine pour l’analyse histologique ;
- congélation d’un fragment pour l’analyse moléculaire ;
- éventuelle mise en culture pour l’analyse cytogénétique ;
- et conservation en tumorothèque pour des analyses ultérieures ou des travaux de recherche (uniquement avec le consentement du patient).
La classification OMS 2016 comporte plus de 60 sous-types de lymphomes. Il faut donc que le sous-type de lymphome soit caractérisé très précisément par des données de morphologie (anatomopath), des données de cytologie (taille des cellules, etc.), des données immunophénotypiques (marqueurs de différenciation) et cytogénétiques (présence de translocation ex). Depuis quelques années, il existe un réseau d’anatomopath experts (réseau Lymphopath) qui organise la relecture systématique des diagnostics de lymphome en FR
A. Examen morphologique et cytologique du ganglion Lymphome
- Une analyse histologique de l’architecture de la prolifération lymphomateuse est réalisée : respect de l’architecture du ganglion N avec un aspect nodulaire, effacement complet de l’architecture normale du ganglion avec une infiltration diffuse.
- À plus fort grossissement, une analyse de la morphologie des cellules est pratiquée (taille, images de mitose, chromatine).
-B. Analyse cytologique lymphome
L’analyse histologique est complétée et précisée par une apposition du tissu tumoral sur une lame permettant une analyse cytologique précise des cellules lymphomateuses.
C. Analyse immunophénotypique lymphome
- Réalisable sur le bloc tumoral fixé par des techniques d’immunohistochimie, cette analyse permet de rechercher l’expression de marqueurs de différenciation (cluster of differentiation [CD]) qui permettent de distinguer les sous-types de lymphome.
- peut également être réalisée par cytométrie en flux sur les cellules en suspension (issues d’un ganglion, du sang, de la moelle osseuse, du LCR ou de liquides séreux.
- Les marqueurs diagnostiques de base sont le CD45 (cellules hématopoïétiques), le CD20 (lymphocytes B) et le CD3 (lymphocytes T), puis au minimum les CD10, CD5, CD23 pour permettre de différencier entre eux les lymphomes à petites cellules B.
- Il existe bien d’autres anticorps utilisables pour une caractérisation optimale des lymphomes.
- L’association avec le virus d’Epstein-Barr (EBV) est souvent recherchée par hybridation in situ avec la sonde EBER.
D. Analyse cytogénétique dans les lymphomes
- Des anomalies chromosomiques récurrentes sont caractéristiques de certains lymphomes, comme la translocation t(8;14) dans le lymphome de Burkitt, la t(14;18) dans les lymphomes folliculaires ou la translocation t(11;14) dans le lymphome à cellules du manteau.
- Elles peuvent être identifiées sur des métaphases de cellules en culture par l’analyse du caryotype, ou par une technique ciblée sur coupe : l’hybridation in situ fluorescente (FISH).
E. Analyse moléculaire dans les lymphomes
- Comme tous les cancers, les lymphomes sont caractérisés par des mutations récurrentes d’oncogènes et de gènes suppresseurs de tumeurs, qu’il est possible de caractériser par des analyses de séquençage à haut débit (next generation sequencing [NGS]).
- De plus, l’analyse moléculaire du réarrangement des gènes des immunoglobulines (dans les lymphomes B) ou le récepteur T à l’antigène (TCR, dans les lymphomes T) peut mettre en évidence la présence d’un réarrangement clonal, ce qui constitue un argument fort pour la nature cancéreuse de la prolifération lymphoïde.
VI. Examens nécessaires pour le bilan clinique initial, d’extension et préthérapeutique
A. Bilan clinique initial du lymphome
A Le bilan comprend les éléments suivants :
* recherche des ATCD;
* ATCDfamiliaux ;
* pathologies dysimmunitaires, prise de médicaments immunosuppresseurs ;
* comorbidités, notamment cardiaques, pouvant CI certaines chimio ;
* état général, et indice de performance défini par l’échelle de l’OMS de 0 à 4
* examen clinique avec schéma daté des ADP.
- Il est important de noter l’intérêt d’une évaluation gériatrique spécialisée pour la personne âgée qui présente un lymphome. Des signes généraux sont recherchés : fièvre, perte de poids 10% dans les derniers 6 mois, sueurs profuses, appelés « symptômes B ».
B. Bilan d’extension lymphome
- Le bilan comprend les éléments suivants :
- RX tho de référence, qui a aussi un intérêt pour l’évaluation du syndrome tumoral dans les lymphomes de Hodgkin médiastinaux (rapport médiastino-thoracique élevé dans les formes bulky avec médiastin volumineux) ;
- scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP) à la recherche de loca ganglionnaires ou extraganglionnaires profondes ;
- examens dirigés en fonction de la localisation et des symptômes : examen ORL complet en cas d’atteinte amygdalienne ; imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale en cas de troubles neurologiques ; endoscopie digestive en cas de symptômes digestifs,
- tomographie par émission de positons (TEP) : elle est importante dans le bilan initial et dans l’évaluation des théra des lymphomes agressifs, des LH et des lymphomes folliculaires car ils sont avides de FDG. Elle permet d’une part d’améliorer la qualité de la statification de l’atteinte lymphatique ou extralymphatique en complétant les données de la tomodensitométrie (TDM) et d’autre part de faciliter l’évaluation de la réponse théra. Elle est recommandée pour le bilan d’extension ostéomédullaire des LH et des lymphomes B diffus à grandes cellules (LBDGC), et permet de surseoir, dans la grande majorité des cas, à la réalisation systématique de la BOM ;
- PL pour analyser le LCR (protéinorachie et étude cytologique), réalisée systématiquement dans les lymphomes agressifs au diagnostic ;
- BOM et myélogramme pour rechercher une localisation médullaire. Actuellement, le TEP-scanner réalisé lors du bilan d’extension permet de surseoir à la biopsie ostéomédullaire dans le cadre d’un LH. Cette attitude est actuellement discutée dans les LNH de type lymphome B diffus à grandes cellules ;
- hémogramme avec analyse du frottis sanguin à la recherche d’un envahissement lymphomateux circulant pouvant être complété par un immunophénotypage sur sang pour typer la population pathologique et par un caryotype sanguin ;
- bilan biologique avec :
– ionogramme sanguin, créatininémie, uricémie, phosphore, calcémie ;
– EPS (gammapathie monoclonale ?, hypoalbuminémie ?) ;
– biologie hépatique ;
– marqueurs pronostiques : LDH, β2-microglobuline ;
– sérologies virales : hépatite B, hépatite C et VIH (après information du patient).
A Ce bilan d’extension permet d’évaluer le stade du lymphome selon la classification
d’Ann Arbor
C. Examens préthérapeutiques lymphome
- Cardiaque : ECG, échographie cardiaque.
- Préservation de la fertilité : cette problématique doit être systématiquement abordée avec le (la) patient(e) en lien avec les équipes dédiées, en proposant la cryopréservation de sperme chez l’homme et en discutant chez la femme des modalités possibles en fonction du contexte et de l’urgence thérapeutique (vitrification ovocytaire, cryopréservation ou progestatifs ± analogue de la LHRH).
- Examen pulmonaire avec des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) et une étude de la DLCO en cas de traitement de chimio comportant de la bléomycine (LH principalement).
- Discussion du dossier en RCP et programme personnalisé de soins.
Classification d’Ann Arbor lymphome malin
Stade I
Atteinte d’une seule aire ganglionnaire
Stade II
Atteinte de deux ou plusieurs aires ganglionnaires du même côté du diaphragme
Stade III
Atteinte ganglionnaire des deux côtés du diaphragme
IE : atteinte localisée d’un seul territoire extraganglionnaire par contiguïté
Stade IV
Atteinte extraganglionnaire avec une atteinte ganglionnaire à distance ou plusieurs atteintes extraganglionnaires
A. Lymphomes hodgkiniens B
- Il existe un pic de fréquence chez le jeune de 15 à 35 ans, puis un second pic d’incidence chez le sujet âgé vers 70 ans.
- Au diagnostic, les stades localisés sont les plus fq avec des présentations essentiellement sus-diaphragmatiques comportant souvent une atteinte médiastinale qui peut être compressive : présence d’un syndrome cave supérieur, épanchement péricardique souvent réactionnel. Les formes plus étendues sont caractérisées par une atteinte sous-diaphragmatique (ganglionnaire, splénique) ou des localisations viscérales (foie, poumon, os, médullaire, etc.), parfois asymptomatiques et détectées uniquement par le TEP-scanner
- Sur le plan anatomopath, les cellules tumorales caractéristiques sont les cellules de Sternberg ou de Hodgkin. Les cellules de Reed-Sternberg sont des cellules de très grande taille bi-/nucléolées qui expriment le CD30, habituellement le CD15 et très rarement le CD20.
- Il existe quatre sous-types histologiques, les deux plus fq étant le LH scléronodulaire et le LH à cellularité mixte, et les deux plus rares, les formes à prédominance lymphocytaire et celles avec déplétion lymphocytaire.
- L’expression d’EBV est retrouvée dans environ 30 % des cas.
- Dans les formes localisés (stades I et II de la classification d’Ann Arbor), les facteurs pronostiques sont l’âge, le nombre d’aires ganglionnaires atteintes, la VS, le rapport médiastino-thoracique et la présence de symptômes B.
- Dans les formes disséminées (stades III et IV), les facteurs de plus mauvais pronostic sont un âge > 45 ans, le sexe masculin, le stade IV, un taux d’hémoglobine < 105 g/l, une albuminémie < 40 g/l, une lymphopénie (lymphocytes < 0,6 G/l, et une hyperleucocytose > 15 G/l)..
LNH
Lymphomes à petites cellules B
Ces lymphomes correspondent aux lymphomes folliculaires, aux lymphomes à cellules du manteau, aux lymphomes de la zone marginale et aux lymphomes lymphocytiques.
lymphomes diffus à grandes cellules B
- Lymphomes folliculaires
- Second sous-type de LNH après les lymphomes diffus à grandes cellules B, ces lymphomes représentent 25 % des lymphomes.
- Cliniquement, ils ont typiquement une évolution indolente puisque la médiane de survie est actuellement supérieure à 15 ans.
- La survenue du lymphome est donc le plus souvent lente, avec parfois des ADP profondes de volume important paucisymptomatiques (car d’installation progressive).
- Les formes disséminées sont très fq, avec des tableaux de polyADP superficielles et profondes, alors que le patient garde un très bon état général.
- Les atteintes viscérales sont possibles (stade IV), notamment au niveau médullaire.
- La biopsie ganglionnaire montre une prolifération d’architecture nodulaire et les cellules se développant à partir du centre germinatif des ganglions.
- L’aspect cytologique montre des petites cellules dites clivées, parfois de plus grandes cellules ou des formes mixtes. L’analyse phénotypique montre l’expression de marqueurs B (CD20 +) du centre germinatif (CD10 +, BCL6 +).
- L’examen cytogénétique montre la présence d’une translocation t(14;18) qui place le gène anti-apoptotique BCL2 sous le contrôle de l’enhancer des gènes codant les chaînes lourdes des immunoglobulines, entraînant une surexpression de BCL2.
- Des critères de TTT ont été élaborés correspondant à la recherche de formes dites de forte masse tumorale. Les critères pronostiques défavorables sont l’âge > 60 ans, un taux d’hémoglobine < 12 g/dl, la présence d’un envahissement médullaire, une masse ganglionnaire de plus de 6 cm et une augmentation de la β2-microglobuline.
- Lymphomes à cellules du manteau
- Représentant 3 à 10 % des LNH, ces lymphomes se développent à partir de la zone du manteau.
-La prolifération est dans un premier temps nodulaire avec la persistance d’un centre germinatif résiduel puis diffus. - L’examen cytologique montre des cellules B de petite taille avec d’autres variantes parfois plus grandes.
- Ces cellules expriment le CD20 et le CD5, et sont CD10– et CD23–.
- La cytogénétique retrouve une translocation récurrente t(11;14) plaçant le gène BCL1 (codant la cycline D1) sous le contrôle de l’enhancer des gènes codant les chaînes lourdes des immunoglobulines.
- La cycline D1 est ainsi surexprimée et peut être recherchée en immunohistochimie sur le bloc fixé (cycline D1 +) ou en RQ-PCR.
- Les atteintes sont souvent disséminées, à la fois ganglionnaires et extragan, avec des loca fq du côlon (polypose lymphomatoïde), médullaires et sanguines.
- Il s’agit de pathologies de mauvais pronostic justifiant l’utilisation de protocoles de chimio intensifs.
- Lymphomes de la zone marginale
- La zone marginale est retrouvée physiologiquement : dans les ganglions en périphérie de la zone du manteau ; au niveau de la rate à la frontière de la pulpe blanche et la pulpe rouge ; et associée aux muqueuses réalisant le tissu lymphoïde appelé MALT (mucosae associated lymphoma tissue).
- En conséquence, les patients ayant un lymphome de la zone marginale peuvent présenter une localisation extragan dans le cadre d’un lymphome de MALT, une splénomégalie dans le cadre d’un lymphome splénique de la zone marginale, ou des ADP dans les formes ganglionnaires.
- L’aspect histologique est nodulaire au début puis diffus, fait de petites cellules exprimant le CD20 sans expression des marqueurs CD5, CD10 et CD23.
Lymphome de MALT
- Les local les plus fq sont situées au niveau digestif, notamment au niveau de l’estomac. D’autres atteintes d’organes sont possibles (côlon, intestin grêle, thyroïde, peau, paupière, parotide, poumon, etc.).
- Certaines localisations sont associées à des agents infectieux (H. pylori pour la localisation gastrique, Borrelia burgdorferi pour les localisations cutanées, Campylobacter jejuni pour les atteintes de l’intestin grêle).
- Cela a des conséquences thérapeutiques car l’éradication de ces germes peut entraîner la disparition du lymphome de MALT qui est une forme de LNH très indolente.
Lymphome de zone marginale ganglionnaire
Les formes ganglionnaires sont moins indolentes et peuvent nécessiter des traitements de polychimiothérapie.
Lymphome de la zone marginale splénique
- très indolents peuvent être associés à des localisations médullaires et parfois sanguines.
- Sur le frottis sanguin, il peut être mis en évidence des lymphocytes d’aspect villeux.
- Ils peuvent être associés au VHC qui est à rechercher systématiquement. Le TTT de l’hépatite C peut également guérir le lymphome.
- En cas de splénomégalie symptomatique ou de cytopénie liée à l’hypersplénisme, les patients peuvent avoir des réponses très durables après splénectomie (qui est d’ailleurs fq diagnostique et thérapeutique).
- Lymphomes lymphocytiques
- Il s’agit de la forme purement ganglionnaire sans hyperlymphocytose de la leucémie lymphoïde chronique (LLC) qui correspond à une infiltration diffuse du ganglion par des lymphocytes monoclonaux, étant comme dans la LLC, CD20 + CD5 + CD23 + CD10–. La prise en charge thérapeutique rejoint celle de la LLC.
C. Lymphomes diffus à grandes cellules B
- Ces lymphomes représentent la majorité des diagnostics de LNH (35 % des cas) avec une présentation clinique agressive.
- PEC doit être rapide.
- La biopsie ganglionnaire met en évidence une prolifération de grandes cellules ayant un index de prolifération important qui détruit l’architecture N du ganglion.
- expriment le marqueur B CD20.
- On définit au diagnostic un score pronostique appelé Age adjusted IPI (Index Pronostic International) à partir de l’âge (≤ 60 ans versus > 60 ans), du stade d’Ann Arbor (stade I-II versus III-IV), de l’état général du patient selon l’échelle de l’OMS (0-1 versus 2-4), du taux de LDH (normal versus élevé) et du nombre de localisations extraganglionnaires (0-1 versus > 1).
- Le TTT est fondé sur l’association d’une polychimioTTT (CHOP), associant un alkylant (cyclophosphamide), une anthracycline (doxorubicine), un poison du fuseau (vincristine) et des corticoïdes (prednisone), et d’un anticorps monoclonal anti-CD20 (rituximab).
D. Lymphomes de Burkitt
- Ces lymphomes sont peu fq(sauf chez l’enfant car il s’agit dans cette population de la forme la plus fq), mais à ne pas méconnaître car il s’agit d’une urgence thérapeutique.
- Il s’agit d’une prolifération diffuse de cellules de taille moyenne issues du centre germinatif, ayant un taux de prolifération extrêmement élevé.
- Les cellules tumorales expriment le CD20, le CD10, mais pas BCL2. L’analyse cytogénétique retrouve la présence d’une translocation récurrente entre le chromosome 8 où se situe le locus de l’oncogène MYC et les gènes des chaînes lourdes – t(8 ;14) – ou légères – t(2 ;8) ; t(8 ;22) – des immunoglobulines.
- Il existe des formes endémiques en Afrique liées à l’EBV.
- En Europe, 30 % des lymphomes de Burkitt expriment l’EBV. Ce sous-type histologique est le plus fq des lymphomes de l’enfant.
- Il fait par ailleurs partie des catégories de lymphomes observées chez les patients adultes IMD (VIH notamment). Les localisations tumorales peuvent croître très rapidement et réaliser de très volumineuses masses, notamment au niveau de la région iliocaecale.
- Le bilan d’extension comporte systématiquement une évaluation médullaire et une étude du LCR en raison du tropisme important de ce lymphome pour la MO et les méninges.
- La PEC initiale doit être attentive à la lyse tumorale spontanée ou sous chimiottt compte tenu de la forte prolifération cellulaire et, par conséquent, de la réponse très rapide à la chimiothérapie.
- Avec des protocoles plus intensifs que pour les autres catégories de lymphome, le pronostic des lymphomes de Burkitt est globalement relativement bon (tout
particulièrement dans la population pédiatrique où plus de 90 % des enfants sont guéris).
E. Lymphomes T
- Ces LNH représentent 15 % des lymphomes.
- Les cellules tumorales expriment des marqueurs T comme le CD3. Il existe de nombreux sous-types, comme le lymphome angio-immunoblastique développé aux dépens des lymphocytes T follicular helper, le lymphome/leucémie de
l’adulte associé au virus HTLV1, ou les lymphomes anaplasiques T.
F. Lymphomes lymphoblastiques
- Il s’agit de la prolifération immature de blastes lymphoïdes au niveau médiastinal essentiellement de phénotype T, qui correspondent à des formes purement ganglionnaires de leucémies aiguës lymphoblastiques dont ils partagent la PEC
conclusion des lymphomes
- Les lymphomes sont des hémopathies lymphoïdes malignes, c’est-à-dire des cancers développés à partir des cellules de la différenciation lymphoïde de l’hématopoïèse.
- Il existe de très nombreux sous-types : lymphomes de Hodgkin, lymphomes non hodgkiniens indolents (de bas grade) ou agressifs, dans la très grande majorité des cas développés à partir de cellules matures.
- Le diagnostic, le plus souvent, est évoqué devant :
– une hypertrophie tumorale du tissu lymphoïde : ADP(s) tumorale(s) périphérique(s), splénomégalie, hépatomégalie, tissus lymphoïdes autres (anneau de Waldeyer, tissu lymphoïde associé aux muqueuses, etc.) ;
– une anomalie biologique, notamment à l’hémogramme, le plus souvent en cas d’envahissement médullaire ;
– des signes généraux : fièvre, sueurs nocturnes, amaigrissement. - Urgences à connaître : syndrome cave supérieur ; masse abdominale d’évolution rapidement progressive, notamment révélatrice d’un lymphome de Burkitt chez l’enfant ou l’adulte jeune ; syndrome neurologique de compression radiculomédullaire ; syndrome de lyse, surtout après initiation du traitement (corticoïdes, chimiothérapie) pour des formes agressives (Burkitt notamment).
- Le diagnostic nécessite une étude histologique du tissu tumoral qui sera complétée par une analyse immunohistochimique, et parfois cytogénétique et moléculaire, permettant la classification précise du lymphome selon l’OMS.
- Le bilan d’extension et préthérapeutique est clinique, iconographique (radiographie thoracique, scanner TAP, TEP-scanner selon le type de lymphomes, autres examens selon la localisation et le type de lymphome) et biologique (LDH notamment), et permet une stratification pronostique afin de proposer
le traitement adapté.
Quelques hématies sortant de la moelle peuvent contenir un reliquat nucléaire (corps de Howell-Jolly) ou des grains de fer ; on ne les observe pas à l’état normal car elles sont éliminées en quelques minutes par les macrophages spléniques lors de leur passage dans la rate. La présence de corps de Howell-Jolly visibles sur le frottis sanguin est constante en cas de splénectomie, ou fait suspecter une asplénie (le plus souvent fonctionnelle).
Chez le foetus, l’hémoglobine foetale est prédominante (hémoglobine F : α2γ2). Six mois après la naissance, comme chez l’adulte, on retrouve concomitamment plusieurs types d’hémoglobine : 97 à 99 % d’hémoglobine A (α2β2), 1 à 3,5 % d’hémoglobine A2 (α2δ2) et des traces d’hémoglobine F ; il existe par ailleursdes constituants minoritaires, dont l’hémoglobine A1c correspondant à l’hémoglobine A glycosylée, dont le taux est augmenté au cours du diabète.
A L’hémoglobine contenue dans les globules rouges transporte l’oxygène vers les tissus utilisateurs. Tout au long de la vie (adulte), la quantité d’hémoglobine sanguine demeure stable et assure cette fonction vitale.
Si la quantité d’hémoglobine du compartiment sanguin diminue, il apparaît un défaut d’oxygénation tissulaire (hypoxie), que l’organisme va pouvoir compenser (adaptation cardiorespiratoire) ou non, induisant alors une partie de la symptomatologie clinique des anémies. Interrogatoire, examen clinique et examen attentif de tous les paramètres de l’hémogramme constituent le socle de la démarche diagnostique d’une anémie.
I. Définition
L’anémie est la conséquence d’une diminution de la masse totale de l’hémoglobine (Hb) sanguine intra-érythrocytaire. Elle conduit à un défaut d’apport d’oxygène aux tissus de l’organisme.
La masse totale de l’hémoglobine sanguine peut être mesurée par méthode isotopique, non utilisable en routine. C’est pourquoi, en pratique clinique, l’anémie est définie par la diminution de la concentration d’hémoglobine au-dessous des valeurs de référence de l’hémogramme. À noter que l’usage valide le terme « taux d’hémoglobine », même si stricto sensu il serait plus exact de parler de « concentration ».
Les valeurs de référence de l’hémoglobine sanguine (en UI : g/l, mais le plus souvent rendu dans les analyses de laboratoire en g/dl) varient en fonction du sexe (chez l’adulte) et de l’âge, et on évoque une anémie quand :
* homme adulte : hémoglobine < 13 g/dl ; * femme adulte : hémoglobine < 12 g/dl ;
* enfant entre 6 et 14 ans : hémoglobine < 12 g/dl ; * jeune enfant < 6 ans : hémoglobine < 11 g/dl ; * nouveau-né : hémoglobine < 14 g/dl ;
* femme enceinte (du fait de l’hémodilution physiologique) : hémoglobine < 11 dg/l (aux 1 er et 3 e trimestres) et < 10,5 g/dl au 2 e trimestre où l’hémodilution est maximale).
N.B. : Chez le sujet âgé, voire très âgé, et en bonne santé, les valeurs normales de l’hémoglobine ne diffèrent pas de celles de l’adulte plus jeune.
Cette définition de l’anémie n’est valable que si le volume plasmatique total (VPT) est normal. Si le VPT augmente, la concentration de l’hémoglobine diminue ; on est dans une situation où l’hémogramme montre une « fausse anémie » ou « anémie par hémodilution ». De telles situations sont facilement identifiables :
* grossesse ; * splénomégalies volumineuses ; * certaines gammapathies monoclonales de taux élevé (myélome IgA, macroglobulinémie de
Waldenström) ;
* insuffisance cardiaque sévère. À l’opposé, une diminution du VPT peut minimiser une anémie vraie (hémoconcentration, panhypopituitarisme, insuffisance surrénale chronique, hypothyroïdie).
N.B. : le nombre d’hématies et l’hématocrite n’entrent pas dans la définition de l’anémie. Les autres paramètres de l’hémogramme fournissent en revanche des informations essentielles pour le diagnostic étiologique (VGM surtout, CCMH).
Érythropoïèse – principes généraux
B L’érythropoïèse correspond à l’ensemble des mécanismes permettant, à partir d’un petit contingent de cellules souches médullaires, la production de plus de 200 milliards de globules rouges par jour à l’état basal. Ce processus peut être divisé en deux phases : une phase précoce d’engagement et de prolifération de progéniteurs érythroïdes, puis une phase de différenciation des précurseurs érythroïdes (érythroblastes) jusqu’au stade de réticulocytes (fig. 3.1). Durant cette phase de maturation terminale, les cellules produisent de plus en plus de chaînes de globine, tandis que le noyau se condense progressivement et la taille des cellules diminue. Les réticulocytes sont produits par énucléation des érythroblastes acidophiles, dernier stade nucléé de l’érythropoïèse. Les réticulocytes quittent ensuite la moelle osseuse pour gagner la circulation sanguine où ils maturent en 2 à 3 jours (perte des mitochondries, des ribosomes et des ARN résiduels) pour devenir des érythrocytes matures, cellules biconcaves de 7 μM de diamètre, anucléées, dépourvues de capacité de transcription et de traduction. Ces globules rouges circulent pendant 120 jours avant d’être éliminés, principalement par le système macrophagique au niveau splénique, médullaire et hépatique. Un des éléments majeurs de cette survie prolongée est leur déformabilité. Dès que celle-ci est altérée, au cours de la sphérocytose héréditaire par exemple, les globules rouges seront piégés au niveau des cordons spléniques et détruits prématurément par les macrophages, entraînant une hémolyse intratissulaire chronique.
L’hémoglobine est le constituant principal du globule rouge, représentant 95 % de son poids sec. Cette molécule permettant le transport d’oxygène aux tissus est un tétramère constitué de 4 chaînes de globine identiques deux à deux : tétramère α2γ2 prédominant à la naissance (hémoglobine foetale HbF), puis tétramère α2β2 (HbA) prédominant à partir de 3 mois. Chez l’adulte, on retrouve plus de 95 % d’HbA, un taux résiduel < 1 % d’HbF et 2 à 3 % d’HbA2 correspondant à un tétramère α2δ2. Pour être fonctionnelle, chaque chaîne de globine du tétramère contient une molécule d’hème à laquelle est fixé un atome de Fer (Fe 2+ ). L’érythropoïèse est sous le contrôle de facteurs intrinsèques (facteurs de transcription tels que GATA1, miRNA, etc.) et extrinsèques qui agissent via des récepteurs membranaires. Parmi ceux-ci, certains sont inhibiteurs (TNF par exemple, ce qui explique l’effet délétère de l’inflammation sur l’érythropoïèse) ou au contraire activateurs. Le plus important est l’érythropoïétine (EPO), hormone produite majoritairement par le rein sous le contrôle de l’hypoxie. De ces généralités physiopathologiques, quelques observations pratiques peuvent être faites. * Lorsque la synthèse d’hémoglobine est diminuée quantitativement, les érythroblastes dans la moelle se divisent plus (car le signal physiologique d’arrêt des divisions est l’obtention d’une quantité optimale d’hémoglobine dans l’érythroblaste) ; à chaque mitose, le volume cellulaire diminue, d’où la microcytose (volume diminué) de ce type d’anémie puis leur hypochromie (concentration en hémoglobine diminuée). C’est le cas de la carence en fer, mais aussi des thalassémies où ce sont les chaînes peptidiques de globine qui ne sont pas suffisamment produites du fait de mutations ou de délétions de leur gène ou régions régulatrices
* Ce n’est pas le cas des anomalies qualitatives de l’hémoglobine telles que la drépanocytose, où la quantité produite pendant l’érythropoïèse est normale, mais c’est la fonction qui est altérée, entraînant une anémie hémolytique qui est normocytaire
* Une insuffisance rénale chronique avancée, avec atrophie rénale, est génératrice d’anémie par diminution de la synthèse d’EPO. A contrario, une hypoxie chronique (insuffisance respiratoire, cardiopathie avec shunt, etc.) ou une hémolyse chronique entraînera une stimulation de la synthèse d’EPO et donc de l’érythropoïèse médullaire.* Dans les hémolyses périphériques, définies par une destruction prématurée des hématies et donc une diminution de leur demi-vie, la diminution de l’apport d’oxygène au niveau des reins, secondaire à l’anémie, stimule la production d’EPO qui elle-même stimule l’érythropoïèse, entraînant une augmentation de la génération de réticulocytes circulants ; l’anémie est dite régénérative.
* Lors des altérations intrinsèques de l’érythropoïèse, par manque de vitamine B12 ou B9, ou au cours des syndromes myélodysplasiques par exemple, la quantité de réticulocytes générés est insuffisante par rapport à l’anémie, qui est donc arégénérative ou centrale.
III. Syndrome anémique
A Le syndrome anémique associe un ensemble de signes ni constants, ni spécifiques : asthénie, pâleur cutanéomuqueuse, dyspnée d’effort, palpitations, etc. auxquels s’ajouteront des signes évocateurs du mécanisme de l’anémie (par exemple ictère conjonctival et splénomégalie dans les hémolyses intratissulaires).
Les plaintes les plus fréquentes sont : « sensation de faiblesse », diminution de la tolérance à l’exercice, fatigabilité accrue au travail, essoufflement, palpitations.
Les signes cliniques sont peu spécifiques et il n’est pas rare que l’anémie soit découverte lors de la réalisation d’un hémogramme.
A. Interrogatoire
L’interrogatoire cherche à préciser le syndrome anémique et les divers éléments permettant d’orienter le diagnostic étiologique. Sont indispensables à la démarche : le contexte de découverte et la rapidité d’installation de l’anémie, les antécédents (médicaux et chirurgicaux), les traitements en cours ou passés (notamment anticoagulants, antiagrégants plaquettaires, AINS), un recueil des hémogrammes anciens, la notion de voyages (lieux à préciser), les antécédents familiaux (d’anémie ou de maladie constitutionnelle connue), les signes fonctionnels digestifs, les habitudes alimentaires (régime), les règles chez la femme en activité génitale, e
B. Examen clinique (signes liés à la baisse de l’hémoglobine circulante)
On observe habituellement l’association d’une pâleur (signe direct de l’anémie) et de signes fonctionnels liés à l’hypoxie tissulaire.1. Pâleur
La pâleur est : * généralisée, cutanée et muqueuse ; * surtout nette au niveau de la coloration sous-unguéale et des conjonctives ; * très variable d’un patient à l’autre pour un taux d’hémoglobine identique.2. Manifestations fonctionnelles hypoxiques
On retrouve les manifestations suivantes : * asthénie ;* dyspnée d’effort puis de repos ; * vertiges, céphalées, acouphènes ; * tachycardie, angor d’effort ;
* souffles cardiaques anorganiques. L’anémie peut par ailleurs provoquer la décompensation ou l’aggravation d’une pathologie cardiaque, artérielle (artériopathie oblitérante des membres inférieurs [AOMI]) ou respiratoire préexistante.
- Tolérance clinique de l’anémie (signes de gravité)
La tolérance dépend :
* de l’intensité de l’anémie, définie par le taux d’hémoglobine ; * mais surtout de la rapidité de son installation. En effet, une anémie par carence martiale est bien tolérée car d’installation très progressive alors qu’une anémie sur syndrome hémorragique le sera beaucoup moins à taux d’hémoglobine identique ;
* et de l’existence de pathologies antérieures, en particulier cardiovasculaires, souvent liées à
l’âge.
Devant toute anémie, il est donc indispensable d’en apprécier la tolérance clinique et de connaître les critères qui pourront conduire à un traitement transfusionnel d’urgence après réalisation d’un bilan étiologique a minima. L’indication d’une transfusion dépendra donc du taux d’hémoglobine, mais surtout de la vitesse d’installation, de la tolérance, du terrain sousjacent et aussi de l’étiologie de l’anémie aiguë.
Sont des signes de mauvaise tolérance : * dyspnée de repos ou au moindre effort ; * tachycardie mal tolérée ;
* angor ; * signes d’ischémie ; * vertiges, lipothymie ;
* hypotension, instabilité hémodynamique. La présence de comorbidités, une cardiopathie ischémique sous-jacente par exemple, doit toujours être prise en compte dans la prise en charge d’une anémie. Une transfusion est classiquement envisagée lorsque le taux d’hémoglobine est inférieur à 8 g/dl, mais ce seuil peut être diminué (anémie chronique bien tolérée telle une carence martiale chez un sujet jeune) ou plus élevé en cas de pathologie cardiovasculaire sous-jacente mal tolérée. Le mécanisme de l’anémie doit aussi être pris en considération (pas de transfusion jusqu’à des seuils très bas dans les anémies hémolytiques immunologiques).
À côté des signes en rapport avec la baisse de l’hémoglobine, il faudra rechercher les signes d’une maladie sous-jacente qui aura pu provoquer l’anémie et préciser au minimum l’existence (voir encadré) :
* d’une fièvre, évoquant une symptomatologie infectieuse ou inflammatoire ; * d’un saignement extériorisé ;
* de douleurs gastriques, de méléna ; * d’une insuffisance rénale ;
* d’une insuffisance hépatique (hépatomégalie, signes d’hypertension portale) ; * d’une endocrinopathie ;
* d’un cancer ; * d’une maladie hématologique (splénomégalie, adénopathies) ; * de signes évocateurs d’hémolyse : hémolyse intratissulaire, le plus souvent chronique associant la triade pâleur-ictère-splénomégalie, ou hémolyse intravasculaire souvent brutale avec douleur lombaire, altération brutale de l’état général allant jusqu’au choc, frissons,anémie brutale avec pâleur intense, insuffisance rénale, urines « porto » par passage urinaire d’hémoglobine libre.
L’anémie n’est pas un diagnostic, mais un symptôme imposant une recherche étiologique.
Orientation étiologique d’une anémie de l’adulte : apport de l’examen
clinique
Connaissances
* Ictère, splénomégalie → anémie hémolytique. * Troubles des phanères, perlèche → carence martiale. * Ascite, circulation veineuse collatérale abdominale, hépatosplénomégalie → cirrhose. * Glossite, troubles neurologiques → carence en vitamine B12.
* Syndrome hémorragique cutanéomuqueux → insuffisance médullaire qualitative ou quantitative par
thrombopénie centrale associée.
* Adénopathies, splénomégalie → hémopathie maligne.
C. Examens biologiques d’orientation devant une symptomatologie anémique
La prescription d’un hémogramme, avec examen de la morphologie des globules rouges par analyse cytologique d’un frottis sanguin coloré au May-Grünwald-Giemsa est indispensable. L’hémogramme (voir Item 212, chapitre 2) :
* précise l’importance de la baisse de l’hémoglobine ; * fournit deux indices érythrocytaires essentiels :
– le volume globulaire moyen (VGM) : normalement compris chez l’adulte entre 80 et 100 fL, il permet de distinguer les anémies (attention, il existe une macrocytose physiologique du nouveau-né, voir Item 212) :
– microcytaires (< 80 fL) ; – normocytaires (80-100 fL) ; – macrocytaires (> 100 fL) ;
– la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH) : elle correspond au
ratio hémoglobine/hématocrite et définit les anémies :
– normochromes (CCMH entre 32 et 36 g/dl) ; – hypochromes (CCMH < 32 g/dl).
La numération des réticulocytes (qui doit être prescrite spécifiquement car non incluse dans l’hémogramme standard) sera prescrite selon le type d’anémie à l’hémogramme. Elle est indispensable à l’exploration d’une anémie normocytaire et macrocytaire. Mais elle n’est pas indiquée en première intention (recommandation de la Haute autorité de santé [HAS]) dans les anémies microcytaires qui sont (en dehors de quelques syndromes thalassémiques tels que les hémoglobinoses H) arégénératives.
Les autres anomalies de l’hémogramme, si elles existent, aident à orienter la démarche diagnostique de l’anémie : modification du nombre des plaquettes (thrombopénie ou thrombocytose), anomalies quantitatives des leucocytes et/ou anomalies qualitatives (présence de cellules anormales, etc.).Selon le contexte, on prescrira d’autres examens complémentaires : bilan inflammatoire, bilan hépatique, bilan d’hémolyse, bilan martial, groupage sanguin et RAI si une transfusion est envisagée.
Rappel : La numération des réticulocytes est indispensable à la démarche diagnostique des anémies normocytaires et macrocytaires.
IV. Mécanismes des anémies – comprendre la physiopathologie
Les anémies sont classées en deux grands groupes selon leur mécanisme (voir encadré) : * les anémies d’origine centrale sont dites arégénératives : conséquence d’une insuffisance de production médullaire des réticulocytes, elles s’accompagnent d’un taux de réticulocytes normal ou bas (< 120 G/l) ;
* les anémies d’origine périphérique sont dites régénératives : conséquence d’une hémolyse ou d’une hémorragie, elles s’accompagnent d’un nombre élevé de réticulocytes (> 120 G/l). N.B. : Ces deux mécanismes physiopathologiques de l’anémie peuvent être distingués grâce à la numération des réticulocytes. Pour rappel, les réticulocytes sont comptés dans l’hémogramme avec les globules rouges desquels ils ne sont pas différenciés, mais leur numération propre fait appel à des techniques spécifiques et nécessite une prescription spécifique.
A. Anémies d’origine centrale
Leurs principaux mécanismes sont les suivants.
* Il peut s’agir d’une anomalie quantitative de la production des cellules médullaires :
– qui peut intéresser toutes les lignées hématopoïétiques :
– aplasie médullaire : disparition des cellules souches hématopoïétiques de la moelle osseuse, idiopathique ou secondaire (chimiothérapies par exemple). Dans ce cas, l’anémie arégénérative est accompagnée d’une baisse des autres lignées sanguines dans un tableau de pancytopénie puisque la cellule souche hématopoïétique est à l’origine de toutes les cellules sanguines ;
– envahissement de la moelle osseuse : par des cellules hématopoïétiques anormales (leucémies, lymphomes, myélome, etc.) ou extra-hématopoïétiques (métastases d’un cancer, par exemple) ;
– anomalie de la structure de la moelle osseuse (myélofibrose). – ou seulement la lignée érythroblastique :
– érythroblastopénie : disparition isolée des progéniteurs érythroblastiques de la
moelle osseuse, les autres précurseurs étant préservés ; l’anémie est profondément arégénérative et isolée. Les réticulocytes sont ici très bas, souvent < 10 G/l ; – stimulation hormonale diminuée (déficit en érythropoïétine) comme au cours des
insuffisances rénales chroniques.
* Il peut s’agir d’une anomalie qualitative de la production des cellules médullaires, telles qu’on peut en voir au cours des carences mégaloblastiques carentielles (carences en vitamine B12, folates) ou des syndromes myélodysplasiques (voir Item 316, chapitre 5).
B. Anémies d’origine périphérique
Dans ce cas, l’anémie est le plus souvent liée à une destruction ou déplétion des globules rouges en périphérie : l’érythropoïèse est alors stimulée afin de compenser l’anémie, avec augmentation de la production de réticulocytes. Elles ont en commun un nombre de réticulocytes > 120 G/l (anémies régénératives). Les principaux mécanismes sont :
* les hémorragies aiguës (digestives, etc.) ; * les hémolyses pathologiques (destruction trop précoce des hématies dans l’organisme avec
diminution de leur durée de vie). Leur mécanisme peut être :
– extra-corpusculaire (extérieur à l’hématie (corpuscule), comme la présence d’anticorps
anti-érythrocytaires (situation la plus fréquente) ;
– corpusculaire (destruction excessive liée à un problème intrinsèque de l’hématie) : pathologies de la membrane érythrocytaire, déficits enzymatiques ou anomalies de l’hémoglobine. Elles sont essentiellement d’origine constitutionnelle (« anémies hémolytiques constitutionnelles »), à l’exception de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne qui est acquise.
Remarques * Il existe des anémies « mixtes », multifactorielles, non régénératives : cirrhoses, insuffisances rénales, cancers, endocrinopathies, etc., fréquemment rencontrées en médecine courante. * Une anémie centrale non régénérative peut devenir régénérative secondairement : c’est le cas des anémies carentielles après supplémentation, ou dans les régénérations médullaires post-chimiothérapie par exemple.
V. Focus sur les grandes situations d’urgence
Comme expliqué en début de chapitre, la tolérance d’une anémie dépend : * du taux d’hémoglobine ;
* de façon plus importante de sa rapidité d’installation ; * et du terrain sous-jacent (âge, cardiopathie, etc.).
Une grande urgence est une anémie mal tolérée avec instabilité hémodynamique, quel que soit son mécanisme.
Deux mécanismes particuliers sont des urgences : * l’hémorragie aiguë, extériorisée ou non. À la phase initiale de l’hémorragie, l’hémoglobine ne reflète pas l’importance de la spoliaton sanguine puisque « on saigne à hématocrite constant »: c’est du sang total qui est perdu (cf. p 92) ;
* l’hémolyse aiguë dont les principales causes sont : – l’hémolyse aiguë sur déficit en G6PD (homme, prise médicamenteuse ou infection, ingestion de fèves, origine ethnique, frottis sanguin avec dosage enzymatique au décours de la crise hémolytique) ;
– l’hémolyse aiguë immunologique (test direct à l’antiglobuline – Coombs direct) ; – l’hémolyse aiguë mécanique : microangiopathie thrombotique avec présence de schizocytes sur le frottis sanguin en urgence, fièvre, thrombopénie, troubles neurologiques (purpura thrombotique thhrombopénique), insuffisance rénale et diarrhées (syndrome hémolytique et urémique) (fig. 3.2) ;
– l’hémolyse aiguë fébrile, voyage récent (paludisme) = frottis sanguin en urgence
(fig. 3.3).
L’urgence peut aussi être liée à la maladie causale : une crise vaso-occlusive (CVO) sévère chez un patient drépanocytaire, par exemple, peut mettre en jeu le pronostic vital (comme le syndrome thoracique aigu). L’hémolyse est chronique chez ces patients, mais les CVO sontintermittentes et parfois très graves. Devant un syndrome algique aigu, il faut évoquer le diagnostic de drépanocytose, s’il n’est pas connu, sur les origines ethniques, les antécédents, l’hémogramme avec frottis sanguin qui montre la présence de drépanocytes et souvent de corps de Jolly du fait de l’asplénisme fonctionnel (fig. 3.4).
En pratique La classification des anémies est fondée dans un premier temps sur l’interprétation des indices érythrocytaires, avant tout le volume globulaire moyen et la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine. Celle-ci permet de distinguer trois types d’anémies : les anémies hypochromes microcytaires, normochromes normocytaires et normochromes macrocytaires, correspondant à des étiologies différentes et qui nécessitent une démarche diagnostique différente. Elles seront détaillées plus loin.
VI. Anémies microcytaires hypochromes
Les anémies microcytaires hypochromes témoignent toujours d’un déficit de synthèse de l’hémoglobine dans les érythroblastes médullaires, quel que soit le mécanisme. Les principales causes sont liées à déficit en fer, vrai (dans les carences martiales) ou fonctionnel (dans les syndromes inflammatoires chroniques), ou à un déficit de synthèse d’une des chaînes de globine dans les syndromes thalassémiques.
À la baisse de l’hémoglobine s’associe une diminution du VGM < 80 fL pour l’homme et la femme adulte (définition d’une anémie microcytaire) et le plus souvent d’une CCMH < 32 g/ dl (définition d’une anémie hypochrome).
Les trois étiologies principales sont : * l’anémie par carence martiale ;
* l’anémie des états inflammatoires chroniques ; * les syndromes thalassémiques.
A. Anémie par carence martiale
C’est la plus fréquente des anémies dans la population mondiale et une situation très fréquente en pratique médicale. Elle est secondaire à la diminution de la synthèse de l’hème dans les érythroblastes de la moelle osseuse par défaut de fer.
La majorité du fer utilisé par l’érythropoïèse provient du recyclage du fer contenu dans les globules rouges sénescents. Les pertes quotidiennes sont faibles chez le sujet sain (1 mg par jour chez l’homme, 2 mg chez la femme non ménopausée), compensées par une absorption digestive de fer équivalente (voir Item 219). La carence en fer témoigne d’un déséquilibre chronique des apports par rapport aux pertes. Elle s’installe très progressivement.
- Signes cliniques
Les signes cliniques sont les suivants : * l’anémie est souvent bien tolérée car d’installation très progressive ; * elle peut être révélée par un syndrome anémique ;* on recherche des signes cliniques de sidéropénie : perte de cheveux, perlèche, anomalies
des ongles : koïlonychie 3 , parfois syndrome des jambes sans repos ;
* il n’y a pas d’autre symptomatologie : ni purpura, ni fièvre, ni adénopathies ; * des troubles du comportement alimentaire (PICA 4 ) peuvent exister ;
* parfois, l’anémie par carence martiale est découverte lors d’un hémogramme systématique.
- Hémogramme
* L’anémie est souvent marquée (avec hémoglobine parfois < 6 g/dl) :
– microcytaire, avec un VGM diminué, parfois nettement (< 70 fL) ; – hypochrome (CCMH et TCMH diminués).
* Le nombre des leucocytes est normal (avec formule leucocytaire normale). * La numération des plaquettes sanguines est fréquemment augmentée, parfois jusqu’à
800 G/l.
N.B. : La numération des réticulocytes n’est pas utile car il s’agit d’une anémie toujours centrale (arégénérative).
- Bilan biologique martial
Le bilan martial est anormal avant l’apparition des anomalies de l’hémogramme. Il doit être réalisé avant toute supplémentation.
Le premier examen à demander devant une suspicion de carence martiale est un dosage de la ferritine sérique ; le seuil défini par l’OMS est au-delà de 5 ans de 15 ng/ml (voir Item 219) mais si la spécificité est excellente, la sensibilité reste faible à ce seuil. La ferritine est une des protéines de stockage du fer de l’organisme dans les tissus. La ferritine sérique diminue en cas de carence martiale. C’est le premier paramètre à diminuer en cas de sidéropénie, avant l’apparition des anomalies hématologiques, mais aussi le dernier à se normaliser après traitement. Une diminution de la ferritine est suffisante pour poser le diagnostic de carence martiale (les autres paramètres ne sont pas nécessaires).
Attention : une ferritinémie normale n’exclut pas une carence martiale lorsqu’il existe un syndrome inflammatoire associé et au cours de pathologies chroniques telles que cancers et insuffisance rénale, en raison de l’augmentation de la ferritine qui en résulte.
Dans cette situation, les autres paramètres du bilan martial prélevé à jeun et le bilan inflammatoire (CRP) sont utiles : fer sérique (qui n’a aucune utilité s’il est prescrit seul), en association avec le dosage de la transferrine (qui est sa protéine principale de transport dans le sang) afin d’en déduire la capacité totale de fixation de la transferrine et le coefficient de saturation de la transferrine. Au cours de l’anémie par carence martiale, le fer sérique est diminué alors que la transferrine est augmentée ; il en résulte une diminution du coefficient de saturation de la transferrine. Ce bilan n’est pas à prescrire en première intention, une diminution de la ferritine étant suffisante pour diagnostiquer une carence martiale.
- Diagnostic positif et différentiel
Le diagnostic positif ne nécessite que l’hémogramme et le bilan martial. Le diagnostic différentiel concerne l’anémie des syndromes inflammatoires chroniques et des syndromes thalassémiques.
- Diagnostic étiologique
Une anémie par carence en fer est majoritairement liée chez l’adulte à une spoliation sanguine chronique (perte excessive de fer), parfois occulte, d’origine essentiellement digestive ou gynécologique :
* chez la femme jeune, les causes gynécologiques prédominent ; * les causes digestives sont les plus fréquentes chez l’homme et la femme ménopausée,
notamment le cancer colique.
L’interrogatoire est primordial. La recherche de sang dans les selles n’est pas suffisante si elle est négative, et les explorations endoscopiques sont indispensables chez l’homme, la femme ménopausée ou la femme jeune symptomatique ou avec un bilan gynécologique négatif 5 . Indépendamment de l’étiologie, une cause favorisante doit être recherchée de principe : médicament (AINS, traitement anticoagulant), ou une pathologie hémorragique constitutionnelle, telle que la maladie de Willebrand.
La carence d’apport s’observe surtout chez le nourrisson et parfois chez la femme jeune, notamment multipare avec grossesses rapprochées ou gémellaires (du fait du déséquilibre apport/augmentation des besoins). On évoque une carence d’absorption en cas de gastrectomie (couplée à une carence en B12), de maladie coeliaque ou de pathologie inflammatoire intestinale, de prise médicamenteuse (inhibiteurs de la pompe à protons au long cours), mais aussi d’infection chronique à Helicobacter pylori. Les autres situations de carence sont plus rares et à évoquer au cas par cas : dénutrition, causes psychiatriques (syndrome de Lasthénie de Ferjol), géophagie, parasitose (ankylostomes, etc.) ou hémosidérose pulmonaire de l’enfant.
- Traitement
Le traitement comprend la supplémentation martiale et le traitement de la cause. Le traitement étiologique doit toujours être réalisé lorsqu’il est possible (retrait d’un stérilet, ablation d’un polype, etc.).
Le traitement martial comporte la prescription d’un sel de fer ferreux per os, à la posologie de 100 à 200 mg par jour chez l’adulte pendant une durée minimale de 3 mois. Le patient doit être prévenu des conséquences digestives de ce traitement : selles noires, nausées (elles seront moins importantes en cas de prise du médicament au cours du repas, mais l’absorption sera moindre). La consommation importante de thé gêne l’absorption du fer, de même que la prescription de gels d’alumine. Le traitement parentéral doit être réservé aux cas où un traitement per os bien conduit s’avère impossible ou inefficace (maladies rénales, maladie coeliaque, etc.). On observe une crise réticulocytaire 7 à 10 jours après le début de la supplémentation, du fait de la reprise de l’érythropoïèse, puis un gain d’hémoglobine d’environ 1 g/dl par semaine. Mais le traitement doit être poursuivi au moins 3 mois. Le critère d’arrêt est la normalisation de la ferritinémie (reflet de la reconstitution du stock de fer). L’absence de normalisation de l’hémogramme doit faire rechercher une non-compliance au traitement, un défaut d’absorption du fer oral (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin [MICI], etc.), et doit faire l’objet d’une consultation spécialisée.
N.B. : Les transfusions sanguines sont exceptionnellement nécessaires dans cette anémie bien tolérée le plus souvent car d’apparition progressive. Elles sont indiquées uniquement dans des situations d’urgence vitale (cardiopathie ischémique décompensée par exemple), l’indication reposant sur la tolérance clinique et non sur le taux d’hémoglobine.
B. Anémie inflammatoire, ou anémie des maladies chroniques
Secondaire à un excès de cytokines pro-inflammatoires, cette anémie peut être observée dans tous les grands états inflammatoires chroniques (cancers, polyarthrite rhumatoïde, etc.). Elle est habituellement modérée et initialement normochrome normocytaire, liée à l’effet des cytokines de l’inflammation et à un certain degré de résistance à l’érythropoïétine. Lorsque l’état inflammatoire persiste au-delà de 6 à 8 semaines, une microcytose et une hypochromie s’installent progressivement. En effet, la synthèse d’hepcidine par le foie augmente en réponse à l’inflammation, séquestrant le fer dans les macrophages et le rendant indisponible pour la production d’hémoglobine dans les érythroblastes médullaires. Une augmentation de l’érythrophagocytose par les macrophages entraînant une diminution de la demi-vie des globules rouges a également été mise en évidence.
Une polynucléose neutrophile et/ou une augmentation des plaquettes sanguines sont fréquentes.
En dehors des signes cliniques de la maladie causale, on retrouve des signes biologiques d’inflammation : augmentation de la CRP, du fibrinogène, des α 2 -globulines.
La ferritinémie est augmentée sauf carence vraie associée où elle peut alors être normale. Le bilan martial peut être complété par le dosage du fer sérique et transferrine afin de connaître le coefficient de saturation de la transferrine et la capacité totale de fixation de la transferrine qui est basse mais peut être normale au début ; la transferrine sérique, contrairement à la carence martiale pure, est basse (hypercatabolisme de cette protéine), mais peut être normale au début également.
Le dosage du récepteur soluble de la transferrine, qui est augmenté dans les carences martiales mais pas dans les états inflammatoires, relève d’une consultation spécialisée et n’a pas d’indication en pratique courante (rapport HAS 2011).
Le traitement est celui de la cause du syndrome inflammatoire. Il ne faut pas donner de fer, sauf s’il existe une carence martiale vraie associée.
C. Syndromes thalassémiques et autres hémoglobinopathies microcytaires
Ces affections se caractérisent par une anémie microcytaire hypochrome de sévérité variable selon le type de thalassémie (mineure, intermédiaire ou majeure). Plus de 400 millions d’individus sont concernés dans le monde, avec une répartition géographique qui concentre la majorité des cas dans le pourtour méditerranéen (β-thalassémie), en Afrique ou en Asie (α-thalassémie). Du fait des migrations de populations, ces hémoglobinopathies sont désormais fréquentes en France et en Europe.
Les thalassémies sont des maladies génétiques de transmission autosomique récessive. Elles sont dues à un déficit de synthèse d’une des chaînes de globine adulte (alpha ou bêta) 6 . En effet, lorsque les érythroblastes maturent dans la moelle osseuse, la synthèse des deux types de chaînes de globine α/non-α doit être équilibrée. Dans les syndromes thalassémiques, ce ratio n’est pas conservé. On note alors deux phénomènes : d’une part moins d’hémoglobine normale synthétisée dans l’érythroblaste, donc une microcytose et une hypochromie, et d’autre part un excès de production d’une chaîne par rapport à l’autre. Cet excès est délétère pour l’érythropoïèse (apoptose des érythroblastes, responsable du caractère central de l’anémie), mais aussi pour les globules rouges formés malgré tout (hémolyse périphérique), ce qui explique pourquoi ces anémies sont à la fois centrales et périphériques. Elles comprennent une part hémolytique (ictère et splénomégalie) et même parfois un caractère régénératifavec réticulocytose, comme dans les thalassémies alpha intermédiaires notamment (appelées hémoglobinose H).