Oncologie Flashcards
A 2.2. Définitions * Les radiations ionisantes sont des radiations capables de créer des ionisations dans la matière qu’elles traversent par« arrachement» d’électrons aux atomes des molécules du milieu.
* Les photons correspondent à des« grains» d’énergie sans masse, se déplaçant à la vitesse de la lumière et trans portés par une onde électromagnétique.
* On distingue les photons gamma, produits lors de la désintégration d’atomes radioactifs naturels ou artificiels, cobalt (Co60),
iridium (Ir192), ► 82 ÎRAITEMENT DES CANCERS césium (Cs137),
et les photons X, produits lors des interactions électrons-matière.
En radiothérapie, il s’agit de photons produits par des tubes à rayons X ou par des accélérateurs linéaires à usage médical. À énergie égale, photons gamma ou X ont des propriétés biologiques identiques : seuls les distinguent leurs modes de production.
* Les électrons correspondent à des particules élémentaires de matière chargée négativement. La masse d’un élec tron est environ deux mille fois plus petite que celle des particules constituant le noyau de l’atome (neutrons et protons). En radiothérapie, on utilise essentiellement des électrons produits par les accélérateurs linéaires (dans une gamme d’énergie allant de 4 à 32 MeV).
* Le Gray (Gy) est l’unité de dose en radiothérapie. * Il s’ agit d’une unité de dose absorbée, correspondant à une absorption d’énergie d’l joule par Kg (1 Gy= 1 J.Kg 1
Le mécanisme d’action des radiations ionisantes ne figure pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces informations sont données à titre indicatif.
2.3. Mécanismes d’action des radiations ionisantes * On distingue 4 phases successives (physique, chimique, cellulaire, tissulaire) (Figure 3).
Figure 3. Phases successives d’action des radiations ionisantes 0
10-15 s 10-5 s
seconde minute heure jour
semaine mois
année descendance Réparation cellulaire Irradiation
Ionisations-Excitations Radicaux libres
Réactions biochimiques .—� � Mort différée
Réparation tissulaire Cancéri�
Mutations l 2.3.1. la phasephysique
* Elle correspond aux évènements physiques initiaux (ionisations, excitations) déclenchés par l’interaction des rayonnements avec les atomes des molécules cellulaires. Ces évènements se produisent avec une extrême rapidité (de l’ordre de 10 15
à 10 16 seconde)
- Interaction photons-matière : dans la gamme d’énergie des photons utilisés en radiothérapie, deux effets prédominent largement (Figure 4) : l’effet Compton (l’énergie d’un photon incident est transmise à un électron arraché à une couche périphérique d’un atome et à un photon dit« diffusé»), et l’effet photoélectrique (l’intégralité de l’énergie du photon incident est transférée à un électron arraché à une couche interne d’un atome ; le réarrangement électronique qui s’ ensuit entraîne l’émission soit d’un photon dit de« fluorescence », soit d’un électron Auger).
- Interaction électrons-matière: il peut s’agir soit des électrons« primaires», produits directement par les appareils de traitement, soit des électrons« secondaires», produits au cours des interactions photons-matière. Deux types de phénomènes prédominent : des interactions électron-électron, appelées collisions, entraînant
80 ÎRAITEMENT DES CANCERS 83 ◄
).En radiothérapie, il s’agit de photons produits par des tubes à rayons X ou par des accélérateurs linéaires à usage médical. À énergie égale, photons gamma ou X ont des propriétés biologiques identiques : seuls les distinguent leurs modes de production.
* Les électrons correspondent à des particules élémentaires de matière chargée négativement. La masse d’un élec tron est environ deux mille fois plus petite que celle des particules constituant le noyau de l’atome (neutrons et protons). En radiothérapie, on utilise essentiellement des électrons produits par les accélérateurs linéaires (dans une gamme d’énergie allant de 4 à 32 MeV).
* Le Gray (Gy) est l’unité de dose en radiothérapie.
* Il s’ agit d’une unité de dose absorbée, correspondant à une absorption d’énergie d’l joule par Kg (1 Gy= 1 J.Kg
2.4. Facteurs influençant l’effet des radiations * La radiosensibilité intrinsèque est la capacité qu’a une cellule de réparer ou non les radiolésions, ce qui la rend radiosensible (si elle ne répare pas les radiolésions), ou radio-résistante (si elle répare les radiolésions).
* Le cycle cellulaire : la radiosensibilité est maximale durant les phases G2 et M et minimale en phase S. L’irra diation provoque un ralentissement de la synthèse de !’ADN, donc un allongement de la phase S, et un blocage temporaire des cellules en G2,
avec un retard à la mitose et une synchronisation cellulaire.
* L’effet oxygène: la présence d’oxygène est indispensable à l’action biologique des radiations ionisantes. Des radi caux libres à durée de vie très courte (lo-s s) sont formés par les particules chargées traversant la matière. Ils pro voquent, en présence d’02,
la formation de peroxydes responsables de lésions de l’ ADN ( cassures). L’efficacité de ce processus est maximale si l’oxygène est présent au moment de l’irradiation.
* En l’absence d’oxygène (hypoxie), les cellules sont moins sensibles aux radiations. La dose nécessaire pour détruire une cellule en hypoxie est 2,5 à 3 fois plus importante que celle nécessaire pour détruire la même cellule
bien oxygénée.* Le facteur temps: le fractionnement et l’étalement régissent le déroulement d’une irradiation. - Le fractionnement est le nombre de fractions (ou de séances) d’une irradiation. Il définit également l’intervalle de temps entre deux fractions. Il est possible de modifier l’efficacité biologique d’une irradiation en agissant sur les composants du facteur temps. Le fractionnement conventionnel délivre une fraction par jour de 2 Gy qui permet la restauration de !’ADN des cellules normales. Le hi-fractionnement (2 séances par jour) délivre à chaque séance une faible dose, moins toxique pour les cellules normales qui sont capables de se réparer, et plus toxique pour les cellules tumorales qui réparent mal. Ce mode d’irradiation protège donc les tissus sains tout en délivrant une dose d’irradiation efficace (à condition que les deux séances soient espacées d’au moins 6 heures). Différents protocoles de traitement utilisent soit une augmentation du nombre de fractions (hyper fractionnement) pour des traitements curatifs, soit une diminution du nombre de fractions (hypo fractionnement) pour des traitements palliatifs qui recherchent rapidement l’effet désiré (antalgique par exemple) avec peu de séances de traitement. L’hypofractionnement est de plus en plus utilisé en situation curative également.
- L’étalement est la durée totale du traitement. En réduisant l’étalement (accélération), on dépasse la prolifération des cellules tumorales permettant une destruction plus importante. Un allongement du temps de traitement (protraction) est utilisé dans le cadre de traitements palliatifs dits en
« split-course ».
* L’effet dose: In vitro, les cellules tumorales ne sont pas entourées de tissu sain, et de très fortes doses d’irradiation permettent d’obtenir 100 % de stérilisation. En clinique, l’augmentation des doses se heurte à la tolérance des tissus sains, qui est limitée. Néanmoins, il a été montré (cancers ORL, gynécologiques) que l’aug-mentation de la dose totale d’irradiation, pour une même tumeur, améliore les chances de stérilisation. Cet effet est constamment
recherché en clinique pour les tumeurs radio-résistantes.
2.5.1. La radiothérapie externe * C’est la forme d’irradiation la plus utilisée. Elle fait appel à un équipement lourd, les accélérateurs de particules. * La source d’énergie est à distance du volume à irradier. Les radiations ionisantes traversent l’air, puis les tissus sains et déposent leur énergie en profondeur, détruisant ainsi les cellules tumorales. La multiplication des fais ceaux d’irradiation permet de concentrer l’énergie dans la tumeur et de ne pas irradier à haute dose les tissus sains traversés.
* La radiothérapie de conformation est de plus en plus utilisée et demande l’acquisition d’un équipement lourd qui associe un accélérateur linéaire (avec un système de collimation permettant d’obtenir un faisceau de forme complexe grâce à l’interposition dans le faisceau primaire de lames ou« collimateur multi-lames ») et un système informatique sophistiqué permettant l’acquisition des images anatomiques en trois dimensions. Des moyens de contention (masques, matelas … ) et de vérification du repositionnement du patient (imagerie portale) permettent d’assurer une reproductibilité parfaite de l’installation d’un jour à l’autre du traitement.
* Le choix du rayonnement est fonction de la localisation de la tumeur. Les lésions superficielles peuvent être trai tées par des électrons qui pénètrent sur quelques centimètres. Les lésions plus profondes sont traitées par des photons, d’énergie variable de 5 à 25 MV: 6 MV pour un cancer du sein ou un cancer de la sphère ORL, 10 à 25
MV pour un cancer bronchique, abdominal ou pelvien.
2.5.2. la curiethérapie * Cette méthode utilise des sources radioactives mises en place à l’intérieur de l’organisme. On distingue la curie thérapie interstitielle (les sources sont placées à l’intérieur du tissu à irradier) et la curiethérapie endo-cavitaire ou intra-luminale où les sources sont introduites dans une cavité naturelle au contact ou à proximité du tissu à irradier. Durant le temps pendant lequel les sources sont à l’intérieur de l’organisme, l’irradiation est continue. Elle dure de quelques minutes à quelques jours, en fonction du débit utilisé (haut débit= quelques minutes), et de la dose à délivrer.
* En France, on utilise comme sources radioactives l’iridium (Ir192 ) et le césium (Cs137).
* L’intérêt de la curiethérapie par rapport à l’irradiation externe est de délivrer en un faible laps de temps une dose
forte dans un très petit volume, car la dose chute très vite en périphérie du volume irradié.
la radio-immunothérapie ou radiothérapie interne vectorisée * De développement plus récent et administrée par des médecins isotopistes (médecine nucléaire), elle utilise comme vecteur d’un agent irradiant un anticorps monoclonal dirigé contre une structure spécifiquement portée par une cellule tumorale. Le but est d’irradier de façon sélective la cellule tumorale, grâce à un isotope radioactif lié à l’anticorps monoclonal. Une fois l’anticorps fixé sur la cellule tumorale, l’isotope, choisi pour son rayonne ment puissant mais peu pénétrant (quelques microns), peut irradier la cellule tumorale sans endommager les tissus sains.
* Cette technique est en voie de développement en France, surtout dans le cadre des hémopathies malignes.
2.6. Doses de tolérance des tissus sains et doses nécessaires à la stérilisation des tumeurs
* Il est important de connaître les doses de tolérance de chaque organe ou tissu. En effet, l’irradiation d’une tumeur, le plus souvent profonde et entourée de tissus sains, entraîne obligatoirement l’irradiation des tissus péri tumo raux.
* Le plan d’irradiation doit respecter les doses de tolérance de chaque organe sain. Il est possible de délivrer de fortes doses sur une partie d’un organe, et une dose beaucoup plus faible sur la totalité de celui-ci. Ainsi, la moelle épinière tolère 45 Gy, le parenchyme pulmonaire 20 Gy sur un poumon entier.
* La dose nécessaire à la stérilisation d’une tumeur dépend de la tumeur considérée (radiosensibilité propre) et de son volume.
* Schématiquement, un séminome du testicule est détruit par une dose de 30 Gy, une maladie de Hodgkin par 40 Gy, un cancer du sein par 50-60 Gy, un très volumineux cancer ORL par 70-80 Gy. Une dose > 100 Gy serait
nécessaire à la destruction d’un glioblastome.
2.7. Principaux effets secondaires * Leur gravité varie selon l’organe irradié, mais leur fréquence est de plus en plus faible avec l’amélioration des techniques d’irradiation. Le principal fa3cteur à considérer est la tolérance limitée des organes sains situés dans le volume à irradier : la plupart des tissus sains sont lésés pour une dose inférieure à celle requise pour stériliser la tumeur.
* On distingue les effets stochastiques et déterministes qui sont détaillés ci-après. 2.7.1.. les effets secondaires stochastiques
* Ils sont également appelés probabilistes: la probabilité d’apparition de l’effet augmente avec la dose. On retrouve essentiellement :
- les effets carcinogènes : le risque (très faible) de cancer secondaire après radiothérapie paraît directement lié à
l’étendue de l’irradiation, aux thérapeutiques associées (chimiothérapie) et à l’âge du patient lors de l’irradiation;les effets génétiques: ils restent très théoriques dans un contexte de radiothérapie. Les doses reçues aux gonades sont souvent faibles, voire très faibles, car les volumes irradiés se situent à distance. Ce risque génétique ne paraît devoir être pris en compte que lorsqu’une irradiation thérapeutique est amenée à délivrer aux testicules ou aux ovaires une dose supérieure à 0,5-1 Gy (inférieure aux doses entraînant une castration).
2.7.2. Les effets secondaires déterministes * Ils ont comme caractère commun :
- d’apparaître à partir d’une« dose-seuil» (variable selon l’organe ou le tissu); - à partir de ce seuil, d’être d’autant plus sévères que la dose est élevée.
* Il s’agit des effets tissulaires, à traduction clinique immédiate ou différée. * On doit différencier les effets précoces (transitoires et réversibles) survenus au cours du traitement et dans les
6 premiers mois qui suivent et les effets tardifs (le plus souvent définitifs) survenant après 6 mois (Tableau 1).
- Les traitements médicaux des cancers font appel à des modalités thérapeutiques distinctes, dont certaines comme l’immunothérapie - sont récentes et encore en cours d’évaluation (Figure 6). Figure 6. Traitements médicaux des cancers Traitements médicaux des cancers
1 Chimiothérapie 1 Thérapies ciblées 1 Hormonothérapie 1
Immunothérapie
3.1..1.. Considérations générales * La chimiothérapie anti-tumorale utilise des médicaments qui entraînent un arrêt du cycle cellulaire (effet cytos tatique) et/ou une mort cellulaire (effet cytotoxique), principalement par apoptose.
* Il n’y a pas de chimiothérapie possible sans preuve histologique. Seules certaines tumeurs germinales peuvent être traitées sans preuve histologique sur la base d’arguments cliniques, radiologiques et biologiques.
* Trois principes régissent l’utilisation de la chimiothérapie systémique : -
une fraction constante de cellules tumorales est tuée à chaque cycle thérapeutique. Par exemple, si un cycle thérapeutique tue 99 % des cellules d’un cancer, une masse tumorale de 1011 cellules sera réduite à approximativement 10 cellules après 5 cycles;
- les cellules néoplasiques sont supposées répondre au traitement suivant une relation linéaire entre la dose et son efficacité, ce qui justifie l’emploi de doses le plus élevées possibles, administrées aux intervalles de temps les plus courts ;
► 90 TRAITEMENT DES CANCERS- l’hypothèse de Goldie-Coldman suggère que les tumeurs ont un taux spontané de mutation d’environ une cellule pour 100 000 et par gène. Ainsi, une tumeur contenant 109 cellules (environ 1 gramme) comprendra spontanément environ 10 000 cellules résistantes à un médicament donné. Mais la résistance simultanée d’une cellule à deux médicaments ne s’observera que pour une cellule sur 10 10.
Ceci explique l’efficacité supérieure
des poly-chimiothérapies.
3.1.2. Définitions des différents traitements * La chimiothérapie peut être administrée : - En phase curative: ► Traitement néo-adjuvant: avant le traitement chirurgical de la tumeur. Cette approche permet de traiter la tumeur primitive en place et les micro-métastases éventuellement présentes.
► Traitement adjuvant : au décours de la chirurgie. Il diminue (mais n’annule pas) le risque de rechute et augmente la survie.
- En phase métastatique : l’objectif n’est plus la guérison mais la qualité de vie et le contrôle des symptômes. On parle de chimiothérapie palliative (bien qu’elle ne soit pas administrée au moment de la fin de vie). Dans certaines situations, la chimiothérapie utilisée en phase métastatique peut être curative (tumeurs germinales métastatiques, cancer colorectal oligométastatique par exemple).
- De façon concomitante à la radiothérapie (association radiothérapie + chimiothérapie, appelée chimio radiothérapie), cette association a pour but de renforcer l’action respective de chacun des traitements. La chimiothérapie a sa propre action de destruction des cellules cancéreuses, mais elle les rend aussi plus sensibles aux rayonnements. La chimiothérapie peut être également administrée de manière séquentielle (chimiothérapie suivie de la radiothérapie) : ce qui permet la coopération temporelle et spatiale entre
chimiothérapie et radiothérapie.
Mesures d’initiation d’une chimiothérapie 3.1.3.1. Mesures générales
* Demande de prise en charge en Affection de Longue Durée (ALD 30). Ce document est établi par le médecin généraliste.
* Pose d’une voie d’abord veineux centrale: chambre implantable le plus souvent; ou un PICC-line (cathéter cen tral à abord périphérique).
* Bilan des grandes fonctions vitales : - bilan nutritionnel avec mesure du poids, albuminémie et pré-albuminémie ; - évaluation cardiaque: ECG, échographie cardiaque (notamment en cas d’utilisation des anthracyclines ++) ; - ionogramme sanguin, créatininémie, bilan hépatique (transaminases, PAL, GGT et bilirubine); - épreuve fonctionnelle respiratoire (EFR) en cas de traitement par la bléomycine ; - HCG chez les femmes non ménopausées;
* Consultation fertilité, conservation des gamètes (CECOS) dans un nombre croissant de cas. * Pour déterminer la dose administrée, il faut calculer la surface corporelle (poids, taille) et avoir la clairance de la
créatinine pour certaines molécules (carboplatine notamment).
3.1.3.2. Principales contre-indications * Polynucléaires neutrophiles< 1 G/L, plaquettes< 100 G/L, encore qu’il soit possible dans des situations d’urgence carcinologique de passer outre à cette règle. Il est parfois possible d’administrer des médicaments non hémato toxiques dans cette situation (bléomycine, par exemple).
* Syndrome infectieux. * Indice d’activité ( « Performance St a tus ») > 2 * 1
er
trimestre de la grossesse ou allaitement.* Certaines contre-indications sont directement liées au médicament utilisé: par exemple, clairance de la créatinine < 60 ml/mn pour le cisplatine.
3.1.3.3. Prévention des effets secondaires * Anti-émétiques, à adapter selon le potentiel émétisant : anti-NKl (aprépitant), antagonistes sérotoninergiques (anti 5-HT3: sétrons), corticoïdes et anti-dopaminergiques.
* Injection de facteurs de croissance hématopoïétiques (G-CSF retard ou standard) après certaines chimiothérapies: - en prévention primaire pour les protocoles de chimiothérapie à fort risque de neutropénie fébrile(> 20 %) ; - en prévention secondaire si épisode de neutropénie fébrile lors du cycle de chimiothérapie précédent.
* Prévention et traitement de l’anémie: fer intra-veineux si carence martiale, érythropoïétine (EPO) possible si Hb
< 10 g/dl et anémie symptomatique, transfusion si Hb < 8 g/dl.
3.1.4.1. Les alkylants et sels de platine * La cible principale des alkylants est la molécule d’ADN, ce qui offre à ces médicaments une place majeure en cancérologie, mais il peut aussi s’agir d’une protéine, qu’elle soit cellulaire ou extra cellulaire.
* Les agents alkylants n’altèrent que des cellules engagées dans le cycle cellulaire. Ils se caractérisent par une grande hétérogénéité notamment dans leurs indications cliniques qui les rend utiles tant dans la prise en charge des mala dies hématologiques malignes que des tumeurs solides. Ils regroupent principalement les moutardes à l’azote (ex: chloraminophène), les oxazaphosphorines (ex: cyclophosphamide) et les nitroso-urées (ex: CCNU).
* Les organoplatines (ou sels de platine) sont parmi les médicaments les plus utilisés en cancérologie. On y trouve le cisplatine et le carboplatine, dont les indications sont très larges, et l’ oxaliplatine, réservé au traitement des cancers colorectaux. La dose du carboplatine n’est pas calculée selon la surface corporelle mais en fonction de l’exposition du patient traduite par l’aire sous la courbe (AUC) des concentrations de platine libre et impose le
calcul de la clairance de la créatinine.
3.1.4.2. Les inhibiteurs des topo-isomérases I et II * Les topoisomérases I et II sont des enzymes essentielles dont le rôle fondamental est de résoudre les contraintes topologiques de la molécule d’ADN qui se trouve physiologiquement dans un état dit« super-enroulé». Les topo isomérases assurent la création ou le retrait des supertours de !’ADN.
* Deux médicaments sont inhibiteurs de la topo-isomérase I: l’irinotécan et le topotécan. * On trouve plusieurs classes de médicaments susceptibles d’inhiber la topo-isomérase II, parmi lesquels: - les épipodophyllotoxines (ex: étoposide);
- les anthracyclines (dont le chef de file est l’adriamycine ou doxorubicine).
3.1.4.3. Les poisons du fuseau * Ce sont des médicaments actifs sur les microtubules. On distingue schématiquement les agents inhibiteurs de la polymérisation des microtubules qui regroupent les alcaloïdes de la pervenche ou vinca-alcaloïdes (ex : vinorel
bine), par opposition aux agents inhibiteurs de la dépolymérisation représentés par les taxanes (ex: paclitaxel).
3.1.4.4. Les antimétabolites * Ces médicaments ont une formule chimique dont l’analogie est plus ou moins étroite avec la structure de com posés endogènes nécessaires à la synthèse des acides nucléiques et des protéines tout en étant suffisamment dif férente pour agir avec eux comme des inhibiteurs compétitifs. La synthèse des acides nucléiques (et, donc, des protéines) se voit secondairement interrompue.
* On y regroupe: - les anti-pyrimidiques (ex: 5-fluoro-uracile);
- les antifoliques (ex: méthotrexate);
3.1..5. Complications des thérapeutiques médicamenteuses spécifiques du traitement cancer
3.1.5.1. Complications des chimiothérapies
* Toxicités communes : asthénie, hématotoxicité (leuco-neutropénie, anémie, thrombopénie), nausées/vomisse ments et toxicité gonadique à des degrés variables selon les molécules de chimiothérapies utilisées ;
* Toxicités spécifiques (cf Tableau 2) :
Tableau 3. TOXICITÉS SPÉCIFIQUES POUVANT ENGAGER LE PRONOSTIC VITAL TOXICITÉS
— -Cardiaque
–Pulmonaire
-·—— —-· Néphrologique
-
Urologique � Neurologique
� -Allergique -
* angor par spasme coronarien voire syndrome coronarien aigu ST+: 5-FU * cardioniJ�P �_thie dilatée aux anthracyclines : cumulative, dose-dépendant� * pneumopathie interstitielle diffuse puis fibrose: bléomycine * pneumopathie aiguë d’hypersensibilité : méthotrexate
‘ ‘ * insuffisance rénale aiguë par toxicité tubulaire directe: méthotrexate, cisplatine
* néphropathie immuno-allergique: cisplatine * syndrome hémolytique et urémique: mitomycine, gemcitabine * cystite hémorragique : cyclophosphamide, ifosfamide * encéphalopathie métabolique: ifosfamide
—·-· ………
* choc anaphylactique : bléomycine, pacli
Un déficit complet en DHPD (dihydro-pyrimidine déshydrogénase) peut provoquer des toxicités mortelles en cas d’administration de 5-FU. Celui-ci étant réduit par la DHPD, il s’accumule en cas de déficit complet de l’en zyme. Un déficit partiel est possible; il sera géré par une administration du 5-FU à dose réduite de moitié. li est recommandé depuis 2018 de réaliser un dépistage systématique du déficit en DHPD avant toute administration
de 5-FU ou Capécitabine.
3.1.5.3. Une complication sévère: le syndrome de lyse tumorale * Le syndrome de lyse tumorale est la conséquence de la destruction massive de cellules tumorales, conduisant au relargage dans la circulation sanguine de composés intracellulaires. Ce syndrome de lyse tumorale intervient après l’instauration de la chimiothérapie dans des tumeurs de développement rapide comme notamment les hémopathies ou dans les tumeurs à fort volume tumoral comme par exemple les tumeurs germinales.
* Le syndrome de lyse tumorale biologique est défini par � 2 manifestations biologiques : - hypocalcémie ; - hyperkaliémie ; - hyperuricémie ; - hyperphosphatémie.
* Sur le plan clinique, peuvent apparaitre une insuffisance rénale aiguë (quasi constante), des troubles du rythme cardiaque, des troubles neurologiques notamment des convulsions, des crampes musculaires, des nausées/ vomissements ou de la diarrhée.
* La prévention passe par une hydratation importante avec du sérum physiologique pour maintenir une diurèse
satisfaisante et par l’administration de rasburicase (Fasturtec*) qui permet de prévenir l’hyperuricémie.
3.2.1. Généralités * Les thérapies ciblées peuvent agir : - sur les facteurs de croissance ( qui sont des messagers déclenchant la transmission d’informations au sein d’une cellule) ;
- sur leurs récepteurs (qui permettent le transfert de l’information à l’intérieur de la cellule) et ceci à différents niveaux (domaine extracellulaire, intracellulaire);
- sur des éléments à l’intérieur de la cellule.
* Les thérapies ciblées bloquent la croissance ou la propagation tumorale en interférant avec : - un des mécanismes de la croissance du cancer ; ex : les inhibiteurs de l’ angiogénèse ; - une anomalie moléculaire spécifique d’un type de cancer («mutation conductrice»); ex: mutation de l’EGFR
dans les cancers bronchiques non à petites cellules, mutation BRAF V600 dans les mélanomes métastatiques.
3.2.2. Les grandes classes 3.2.2.1. Anticorps monoclonaux (AcMo)
* Ils portent tous le suffixe - mab ( monoclonal antibody ). * Leur terminologie permet de comprendre leur structure : - omab: AcMo murin (exemple: ibritumomab); - ximab: AcMo chimérique (exemple: rituximab); - zumab: AcMo humanisé (exemple: bévacizumab); - mumab: AcMo humain (exemple: panitumumab).
► 94 ÎRAITEMENT DES CANCERS
91Ils se fixent soit sur le domaine extra-cellulaire du récepteur ciblé empêchant la fixation du ligand (exemple : cétuximab sur le récepteur de l’epidermal growth factor, EGFR), soit directement sur le ligand empêchant la fixation sur son récepteur (exemple : bévacizumab sur le vascular endothelial growth factor, VEGF), soit sur le domaine de dimérisation du récepteur, empêchant alors son activation (exemple: pertuzumab qui bloque l’hété rodimérisation de HER2 avec HER3).
* Ces médicaments sont dirigés contre : - la voie VEGF (ex: bévacizumab); - la voie EGF (ex: cétuximab);
- la voie HER2 (ex: trastuzumab, pertuzumab).
3.2.2.2. Inhibiteurs pharmacologiques * Les inhibiteurs pharmacologiques sont des petites molécules qui - au contraire des anticorps monoclonaux agissent à l’intérieur de la cellule.
* Ils sont pour la plupart dirigés contre les récepteurs membranaires à activité tyrosine kinase et se fixent au niveau du site de fixation de l’ATP, bloquant ainsi les mécanismes de phosphorylation à l’origine des cascades de signa lisation qui conduisent le signal au noyau cellulaire. Ils portent le suffixe - inib.
* D’autres ont une action cytoplasmique. * Ils sont administrés par voie orale. Leur profil de tolérance est globalement plus favorable que la chimiothérapie mais impose une éducation thérapeutique du patient.
* Ces médicaments sont dirigés contre : - le récepteur de l’EGF ( ex : erlotinib) ; - la translocation de ALK ( ex : crizotinib) ; - la mutation BRAF V600 (ex: vémurafénib);
- la voie CDK4/6 (ex: palbociclib)
Principes généraux d’action de l’hormonothérapie 3.3.1.. Généralités
* Les cellules tumorales du cancer de la prostate, du cancer du sein (et de l’endomètre) expriment des récepteurs aux hormones, les rendant sensibles aux traitements anti-hormonaux.
* Le terme« hormonothérapie» est donc un abus de langage: il s’agit plutôt d’un traitement anti-hormonal, dont le principe est d’empêcher cette stimulation hormonale par deux grandes méthodes: - diminuer la production hormonale au niveau : ► central (ex: utilisation des agonistes de la LH-RH qui inhibent la sécrétion de LH hypophysaire); ► périphérique (ex: suppression - irréversible - de la production hormonale ovarienne ou testiculaire par chirurgie ou radiothérapie ; suppression temporaire par les inhibiteurs de l’aromatase chez les femmes ménopausées dans le cancer du sein).
- bloquer le récepteur hormonal au niveau de la cellule tumorale par une« anti-hormone ».
3.3.2. Cancer de la prostate 3.3.2.1. Médicaments actifs sur la LH-RH
* La LH-RH est sécrétée par !’hypothalamus et régule la synthèse de la FSH et de la LH par l’ antéhypophyse. La LH est le stimulus principal de la synthèse et de la sécrétion de testostérone par les cellules testiculaires de Leydig. Agonistes (ex: leuproréline) et antagonistes (ex: dégarélix) de la LH-RH conduisent à une castration médicale
réversible.* Les agonistes (ou analogues) de la LH-RH stimulent, dans les premiers jours du traitement, la sécrétion hypophy saire de LH et FSH entraînant en retour l’augmentation de la synthèse de testostérone avec le risque de provoquer une majoration initiale des symptômes (phénomène dit du « flare-up » ). Dans un second temps, ils provoquent l’internalisation dans la cellule des complexes ligand-récepteur ainsi que la diminution du nombre des récepteurs aboutissant in fine à la suppression de la sécrétion de testostérone.
* Le risque de rebond symptomatique précoce est particulièrement élevé chez les malades porteurs d’une obstruc tion des voies urinaires excrétrices ainsi que chez ceux présentant des métastases vertébrales avec donc un risque de compression médullaire. Aussi est-il impératif de faire précéder ou, au minimum, de CO-administrer au début du traitement un anti-androgène jusqu’à ce que la testostéronémie atteigne le niveau de castration médicale (‘.Ô 0,5 ng/ml). L’association d’un agoniste de la LH-RH et d’un anti-androgène est connue sous l’appellation de blocage androgénique complet.
* Les antagonistes de la LH-RH entraînent un blocage direct et immédiat des récepteurs de la LH-RH, conduisant
à une suppression rapide de la LH et FSH, et de la sécrétion de testostérone, sans risque d’effet flare-up +++.
3.3.2.2. Hormonothérapies de nouvelle génération * En cas de progression biologique, clinique ou radiologique de la maladie, une hormonothérapie dite de seconde génération peut être introduite.
* Premier représentant d’une nouvelle génération d’anti-androgènes, l’enzalutamide se fixe au récepteur androgé nique avec une affinité très supérieure à celle des médicaments antérieurs.
* Le deuxième représentant est l’acétate d’abiratérone, qui est un inhibiteur irréversible du cytochrome P450 CYP 17 qui est impliqué dans la synthèse in situ des androgènes au niveau testiculaire, surrénalien et prostatique.
* La prescription de ces deux médicaments doit être associée au maintien d’une castration médicale par un ana
logue de la LH-RH si elle n’avait pas été chirurgicale. Un suivi de la testostéronémie devra être fait régulièrement.
3.3.3. Cancer du sein 3.3.3.1. Les anti-oestrogènes
* Il s’agit, en fait, de modulateurs sélectifs des récepteurs aux oestrogènes. On distingue: - les SERM ( « Selective estrogen receptor modulator » ), dont le chef de file historique est le tamoxifène. Leur structure chimique tertiaire leur permet de s’amarrer aux récepteurs oestrogéniques et d’entrer en compétition avec les oestrogènes endogènes. Ils ont un effet antagoniste fort sur le sein mais agoniste faible, dit« oestrogène like », sur d’autres tissus cibles, notamment l’endomètre, ce qui explique nombre de leurs effets secondaires (notamment l’augmentation du risque de maladie thrombo-embolique et de cancer de l’endomètre);
- le tamoxifène a par ailleurs un effet oestrogène-like sur l’os: il est donc protecteur vis-à-vis de l’ostéoporose chez la femme ménopausée, et n’induit pas de risque d’ostéoporose chez la femme non ménopausée (sauf en période pré-ménopausique, du fait d’un effet agoniste insuffisant).
- le fulvestrant est un « Selective estrogen receptor downregulator » (SERD) dont il est le seul représentant
disponible; de structure stéroïdienne, c’est un anti-oestrogène pur sans effet agoniste faible.
3.3.3.2. Les inhibiteurs des aromatases * Le cancer du sein, tumeur typiquement hormona (oestrogéno) - dépendante, est paradoxal, car il survient de manière plus fréquente après la ménopause alors même que les ovaires ont cessé leur production hormonale. C’est l’expression et l’activité de l’ aromatase, enzyme ubiquitaire au niveau des tissus périphériques normaux (graisse, muscle, foie mais aussi tissu mammaire), qui est à l’origine de cette discordance apparente. En effet, si l’ovaire est la principale source d’oestrogènes chez la femme en période d’activité génitale, ceux-ci proviennent après la ménopause de la conversion des androgènes surrénaliens (androstènedione et testostérone) en oestro gènes sous l’effet de l’aromatase tissulaire. Cette réaction d’aromatisation périphérique est majorée dans certaines circonstances telles que l’obésité. Plusieurs médicaments ont été développés pour contrecarrer cet effet (exémes
tane, anastrozole, létrozole).Chez la femme non ménopausée, les inhibiteurs de l’aromatase sont contre-indiqués en monothérapie, du fait de leur inefficacité sur le blocage de la synthèse ovarienne d’oestrogènes.
* Les effets indésirables les plus fréquemment observés avec ces médicaments sont des myalgies et des arthralgies dont les malades doivent être prévenues avant l’instauration du traitement et qui peuvent aller jusqu’à faire inter rompre celui-ci. Ils ont surtout en commun d’accélérer la perte osseuse postménopausique et d’être associés à un risque fracturaire accru. En conséquence, les malades doivent bénéficier d’une surveillance de la densitométrie
osseuse et recevoir un apport suffisant en calcium et vitamine D.
3.4.1. Généralités * L’immunothérapie agit principalement sur le système immunitaire du patient pour le rendre apte à attaquer les cellules cancéreuses.
* L’immunothérapie repose sur les anticorps monoclonaux, notamment les inhibiteurs de points de contrôle, les anticorps bispécifiques, le transfert adoptif de cellules (CAR-T cells) ou encore la vaccination anti-tumorale,
encore très expérimentale (en dehors de la vaccination préventive anti-HPV des cancers du col de l’utérus).
3.4.2. Les inhibiteurs de points de contrôle : déverrouiller le système immunitaire * Des freins immunologiques (ou immune checkpoints) sont présents à la surface des lymphocytes T, afin d’évi ter une réponse immunitaire inflammatoire excessive et prévenir le développement de maladies auto-immunes. CTLA-4 ( Cytotoxic T lymphocyte-associated protein 4) et PD-1 (Programmed cell death receptor 1) sont, parmi bien d’autres déjà reconnues, des cibles thérapeutiques dont le rôle physiologique est de limiter l’activation du système immunitaire. La fixation à ces protéines de leurs ligands respectifs (par exemple, PDL-1/2 pour PD-1) inhibe la voie de signalisation du récepteur antigénique des lymphocytes T.
* Cet effet bénéfique des points de contrôle est délétère lorsqu’ils sont détournés par les tumeurs à leur avantage, par exemple en exprimant PDL-1/2 à leur surface.
L’exemple des anti-PD-1 (nivolumab, pembrolizumab) ou anti-PDL-1, (atézolizumab, avélumab, duvarlumab) et des anti CTLA-4 (ipilimumab) La liaison de la protéine PDL-1, présente sur les cellules tumorales, au récepteur PD-1 sur les lymphocytes T entraîne l’inactivation de ces derniers. En bloquant le récepteur PD-1 ou la protéine PDL-1 (avec des anti-PD-1 ou anti-PDL-1 ), l’inactivation des lymphocytes T est levée. Ces médicaments sont développés, voire utilisés dans le contexte de I’ AMM, dans les cancers du rein, de la vessie, du poumon non à petites cellules ou encore le lymphome de Hodgkin.
-
L’anticorps monoclonal ipilimumab, utilisé dans le traitement des mélanomes métastatiques, inhibe la
voie CTLA-4, restaurant ainsi l’activité lymphocytaire anti-tumorale.
- Les effets indésirables de cette nouvelle classe médicamenteuse ( on parle de « checkpoint inhibitors ») résultent d’une réponse immunitaire augmentée ou excessive dirigée contre l’organisme du malade. Ils concernent essen tiellement les systèmes gastro-intestinal, hépatique, cutané, nerveux et endocrinien (notamment au niveau de l’hypophyse et de la thyroïde) mais ils peuvent atteindre toutes les fonctions de l’organisme. Ils apparaissent pour la plupart pendant la phase d’induction du traitement mais peuvent également être retardés. Un diagnostic pré coce et une prise en charge appropriée, par corticothérapie à forte dose éventuellement associée à un traitement
immunosuppresseur, sont essentiels pour minimiser les complications menaçant le pronostic vital.
- Décision thérapeutique et mise en oeuvre * La décision de recours à un traitement anti-tumoral (chirurgie, radiothérapie ou traitement médical) est le fruit d’une décision collégiale, obligatoirement prise en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).
* Selon les critères de Haute Autorité de Santé de 2014, la RCP doit remplir les critères suivants: - inscription au sein d’un réseau de cancérologie; - doit se tenir en présence d’au moins trois médecins de spécialités différentes permettant d’avoir un avis pertinent sur toutes les procédures envisagées ;
- chaque dossier doit être présenté que ce soit à la phase initiale du traitement, en cas de rechute ou de changement de ligne thérapeutique ;
- en cas de situation clinique faisant l’objet d’une prise en charge standard de validité incontestable, celle-ci peut être mise en route sans attendre une réunion de concertation, mais le dossier devra ultérieurement être présenté en RCP afin que la décision puisse y être entérinée et que cette prise en charge puisse y être enregistrée et archivée ;
- la décision prise est tracée, elle sera ensuite soumise et expliquée au patient.
* Depuis le Plan cancer 2003-2007, un dispositif d’annonce a été mis en place qui vise à améliorer l’annonce de la maladie. Ce dispositif est construit autour de quatre temps correspondant à quatre étapes de prise en charge du patient par des personnels médicaux ou soignants - temps médical : une ou plusieurs consultations d’annonce ; en relais immédiat du dispositif d’annonce, le programme personnalisé de soins (PPS) est remis à chaque patient. Il formalise la proposition de prise en charge thérapeutique décidée en RCP. Il comprend entre autres les coordonnées du médecin référent et de l’équipe soignante référente, les coordonnées de la personne de confiance ainsi qu’un calendrier prévisionnel de soins et de suivi ;
- temps d’accompagnement soignant : le patient et/ou ses proches peuvent rencontrer un soignant (le plus souvent une infirmière d’annonce) après la consultation médicale d’annonce, informations sur le déroulement des soins et mise en contact avec d’autres professionnels de santé si besoin (psychologue, assistant social);
- accès à une équipe de soins de support ; - un temps d’articulation avec la médecine de ville: le médecin traitant est informé en temps réel et doit être associé au parcours de soins.
* Au terme du traitement, un programme personnalisé de l’après-cancer (PPAC) sera établi.
- Epidémiologie ; B 1.1. Épidémiologie descriptive
* En 2018, le cancer colorectal (CCR) était le 3* cancer de l’homme diagnostiqué en France (après les cancers de la prostate et du poumon) et le 2* chez la femme (après le cancer du sein). Tous sexes confondus, il est au 4* rang des cancers les plus fréquents.
* Il y a eu 1,4 million de nouveaux cas de CCR dans le monde en 2019 (9,7 % du total des cancers incidents). * 43 336 nouveaux cas ont été diagnostiqués en France en 2018 (23 216 chez l’homme, sex-ratio en faveur d’une légère prédominance masculine) : 11 % des cas incidents (nouveaux cas de cancers).
* Environ 35 % des CCR sont des tumeurs du rectum (tumeur dont l’extrémité distale est située à une distance :s: 15 cm de la marge anale mesurée par recto-sigmoïdoscopie rigide).
* Les cancers du côlon représentent 65 % des CCR (rapport 2/3 - 1 /3 entre côlon gauche et côlon droit),
* Il a été responsable de 17 117 décès en France en 2018, 2’ cause de mortalité par cancer en France (après le cancer du poumon) : 12 % de la mortalité par cancer.
* Le taux d’incidence a diminué entre 1990 et 2018 de - 0,6 % par an en moyenne chez l’homme et chez la femme. * Le taux de mortalité a diminué entre 1990 et 2018 de -1,6 % par an en moyenne chez l’homme et chez la femme. * En 2018, l’âge médian au moment du diagnostic de CCR était de 71 ans chez l’homme et de 73 ans chez la femme (10 % des cancers colorectaux sont identifiés avant 50 ans).
* Le taux de survie relative à 5 ans varie en fonction de la classification TNM : - Stade I : 94 % ; - Stade II: 80 % (après chirurgie) ; - Stade III: 45 à 60 % après chirurgie seule (environ 75 % après chirurgie et chimiothérapie adjuvante); - Stade IV : 10 % ;
- Tous stades confondus: 63 %.
A 1.2. Épidémiologie analytique * Dans 85 % des cas, le CCR est d’origine sporadique. Il existe des formes familiales, 10 % sans anomalie génétique identifiée et 5 % seulement avec une anomalie génétique déterminée (syndrome de Lynch, polypose adénoma teuse familiale).
1..2.1.. age L, …
Le principal facteur de risque d’avoir un cancer colorectal est l’âge supérieur à 50 ans (90 % des cancers co lorectaux). À partir de 50 ans, le risque d’avoir un cancer colorectal entre 50 à 74 ans sans autre facteur de risque que
l’âge est de 3,5 %.
1.2.2. Antécédent familial ou personnel d’adénome ou de CCR * Tout individu avec un antécédent familial de CCR a un risque relatif augmenté de CCR, égal à : - 2,25 en cas d’antécédent familial au 1” degré de CCR; - 4,25 en cas d’antécédents familiaux multiples au 1 ‘’ degré ;
* Tout individu avec un antécédent familial de polype adénomateux recto-colique de diamètre > 10 mm ou à contingence villleuse (dans la fratrie ou chez les enfants) a un risque augmenté de CCR.
* Tout individu aux antécédents personnels de CCR ou de polype adénomateux recto-colique de diamètre> 10 mm
ou à contingence villeuse a un risque augmenté de CCR.
B 1.2.3. Les syndromes héréditaires liés à une anomalie génétique 1.2.3.1. Le syndrome de Lynch
* Le syndrome de Lynch ou syndrome HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer) est responsable d’en viron 3 à 4 % des CCR (forme la plus fréquente des cancers héréditaires). Il se traduit par la formation de polypes adénomateux dans la paroi du côlon, mais en nombre moindre par comparaison à la Polypose Adénomateuse Familiale (PAF). Les polypes sont parfois plans et difficiles à voir en coloscopie.
* Pour les personnes avec un syndrome de Lynch, le risque de développer un CCR au cours de la vie est de l’ordre de 70 % chez l’homme et d’environ 50 % chez la femme. Dans la majorité des cas, le cancer se développe au niveau du côlon droit.
* L’anomalie est exprimée sur les gènes des protéines de réparation des mésappariements (MMR, MisMatch Repair) survenant lors de la réplication de !’ADN. Sa transmission est autosomique dominante par mutation constitutionnelle d’un des gènes du système MMR (principalement MLHl et MSH2, plus rarement MSH6 ou PMS2).
* En cas de déficience du système MMR, des mutations somatiques s’accumulent favorisant le développement d’un clone cellulaire tumoral. Ces erreurs ont été identifiées au niveau des microsatellites (qui sont des séquences d’ADN formées par une répétition continue de motifs composés de 1 à 4 nucléotides). Les tumeurs portant ce phénotype sont dites MSI (Microsatellite Instability) ou deficient Mismatch Repair ( dMMR).
* L’analyse d’une déficience du système Mismatch Repair (MMR) permet de sélectionner les patients auxquels est proposée une analyse génétique constitutionnelle. Deux méthodes sont disponibles pour déterminer le statut MMR d’un cancer colorectal - technique de biologie moléculaire (PCR) après extraction d’ADN à partir de matériel tumoral; - immuno-histochimie, avec des anticorps spécifiques (MLHl, MSH2, PMS2 et MSH6) qui peut montrer une perte d’expression protéique au niveau des cellules tumorales. L’absence d’expression de l’une de ces protéines au niveau tumoral est fortement suggestive d’un statut Deficient Mismatch Repair (dMMR);
- la confirmation de la mutation germinale (qui est propre à chaque famille) repose sur l’identification - longue et délicate - de la mutation (séquençage des gènes MMR). Cette altération sera recherchée par une prise de sang. Si elle est retrouvée, elle permettra de faire beaucoup plus facilement le diagnostic de syndrome de Lynch chez les apparentés, en allant directement rechercher la mutation qui aura été identifiée.
* La surveillance d’un sujet avec syndrome de Lynch impose un suivi régulier et spécifique : - coloscopie complète tous les 2 ans dès l’âge de 20 ans avec chromoendoscopie par indigo-carmin (pour détecter les adénomes plans) ;
- pour les femmes atteintes du syndrome de Lynch, surveillance de l’endomètre dès l’âge de 30 ans avec échographie endo-vaginale tous les 2 ans. De plus, il est préconisé que le gynécologue réalise un prélèvement
endométrial, pour analyse histologique. En cas de dysplasie avérée, l’hystérectomie doit être réalisée.* Le syndrome de Lynch prédispose également à d’autres cancers : - spectre majeur : cancer colorectal et cancer de l’endomètre ; - spectre mineur : voies urinaires, intestin grêle mais également ovaire, estomac, voies biliaires, pancréas,
tumeurs cérébrales, adénomes sébacés et kératoacanthomes.
1.2.3.2. La polypose adénomateuse familiale (PAF) * La polypose adénomateuse familiale (PAF) est une maladie héréditaire autosomique dominante liée à une muta tion du gène APC (5q21-q22) dont la pénétrance est quasi complète (la présence de la mutation entraîne quasi constamment l’apparition du phénotype).
* Le risque de transmission à la descendance est de 50 % pour chaque enfant. La mutation génétique est variable d’une famille à l’autre. La prévalence de la maladie est d’environ 1/10 000. La PAF est rare (1 % des cancers colo rectaux).
* La PAF est caractérisée par le développement de centaines ou de milliers d’adénomes colorectaux dès l’ adoles cence, le plus souvent supérieurs à 100 lors de la première coloscopie. Individuellement, ces polypes ne sont pas plus susceptibles de devenir cancéreux que les polypes observés chez une personne non atteinte de PAF. Cependant, en raison de leur nombre élevé, le risque que l’un d’entre eux devienne cancéreux s’accroît avec une dégénérescence systématique à partir de 40 ans.
* Les tumeurs associées à la PAF sont :
- adénomes duodénaux et ampullaires à risque de dégénérescence (indication selon leur taille et leur extension d’une résection endoscopique ou éventuellement d’une duodéno- pancréatectomie céphalique) et polypes gastriques bénins ;
- tumeurs desmoïdes dont la localisation est le plus souvent mésentérique. Elles sont bénignes mais leur développement peut être à l’origine de complications loco-régionales;
- autres tumeurs non digestives: osseuses, du SNC, et de la thyroïde; - autres : hypertrophie de l’épithélium de la rétine, anomalies dentaires, kystes sébacés.
* La surveillance des patients avec une PAF est définie : - coloscopie avec chromoendoscopie par indigo-carmin et biopsies une fois par an à partir de la puberté (12 ans); - chirurgie prophylactique (coloproctectomie totale avec anastomose colo-anale et réservoir) dès que le nombre trop important de polypes empêche une surveillance efficace (vers 20 ans le plus souvent). En l’absence de chirurgie prophylactique, le risque de développer un cancer avant l’âge de 40 ans est de 100 % ;
- surveillance endoscopique avec chromoendoscopie annuelle du réservoir (après anastomose iléo-anale tous les 2 ans et 1 fois par an en cas d’anastomose iléo-rectale) ;
- pour les autres tumeurs: fibroscopie oeso-gastroduodénale annuelle ou tous les 2-3 ans.
1.2.3.3. Les autres polyposes * Il existe une autre polypose familiale (moins de 5 % des polyposes), le syndrome MAP (MYH associated polypo sis). La transmission est autosomique récessive avec une pénétrance variable, en général de type « PAF atténuée ». Compte tenu du mode de transmission, le risque de développer la maladie est de 25 % pour la fratrie et quasi nul pour la descendance (le risque de transmission aux enfants est lié au risque que le conjoint soit porteur d’une mutation mono-allélique, moins de 1 % de la population). Le nombre de polypes est plus modéré, en général entre 10 et 100 polypes.
* Les autres polyposes sont encore plus rares que la PAF, également à transmission dominante avec risque moins important de cancer colorectal : - le syndrome de Peutz-Jeghers (mutations du gène LKBl/STKll, polypes hamartomateux de l’intestin grêle et du côlon, lentiginose péri-orificielle) ;
-
la maladie de Cowden (mutations du gène PTEN, hamartomes de la peau, de la thyroïde, du côlon, de
l’endomètre);- la polypose juvénile (mutations des gènes SMAD4 ou BMPRAl) ; les hamartomes colorectaux sont très fréquents. Le risque cumulé de cancer colorectal est de l’ordre de 20 à 40 % ;
- la polypose hyperplasique ou mixte (gènes non identifiés); le risque de cancer colorectal tient aux contingents
adénomateux des polypes hyperplasiques ou aux adénomes associés.
1..2.4. Les antécédents personnels de maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI)
1.2.4.1. La maladie de Crohn
* L’augmentation du risque de cancer colorectal apparaît après 10 ans d’évolution, souvent en cas d’atteinte colique au-delà du sigmoïde. Le risque est d’autant plus élevé que la maladie de Crohn a été diagnostiquée précocement.
1.2.4.2. La rectocolite hémorragique
* De façon similaire, le risque de dégénérescence néoplasique survient après 10 ans d’évolution et il est d’autant plus élevé que la maladie a commencé jeune.
1..2.5. Les facteurs de risque environnementaux
* La consommation d’alcool, le tabagisme, le surpoids, l’obésité, le diabète, la sédentarité, la consommation de viande et de charcuterie sont décrits comme des facteurs de risque.
1..2.6. Autre facteur de risque : l’acromégalie
les patients qui présentent un antécédent de cancer colorectal ou d’adénome colorectal dans leur famille au 1 ., degré (frères et soeurs, enfants, parents). La surveillance par coloscopie doit commencer entre 45 et 50 ans (ou 10 ans avant le cas index) (recommandation de l’HAS, 2017);
-
les patients présentant 2 ou plusieurs antécédents de cancers colorectaux dans leur famille du 2* ou du 3* degré (du même côté de l’arbre généalogique). La surveillance par coloscopie doit commencer entre 45 et 50 ans (ou 10 ans avant le cas index) (recommandation de l’HAS, 2017); NB: en cas d’antécédent familial de cancer colorectal au 1 ., degré à un âge supérieur à 65 ans il n’y a pas de recommandation claire (choix entre coloscopie et test immunologique dans le cadre de la campagne nationale de dépistage) ; l’acromégalie.
* risque très élevé : individus aux antécédents familiaux de PAF ou de syndrome HNPCC et autres polyposes (5 % de la population).
Modalité organisationelle du dépistage en France : * risque modéré: dépistage organisé par recherche de saignement occulte dans les selles (test: immunologique); risque élevé : coloscopie ;
* risque très élevé: programme de dépistage et de surveillance à déterminer après une consultation d’oncogé
nétique.
2.1. Les tumeurs bénignes : les polypes colorectaux * Les polypes se développent dans la lumière intestinale. Certains d’entre eux correspondent à un stade pré cancéreux.
* Le polype peut être pédiculé, sessile ou plan (dans ce cas peu ou pas perceptible en endoscopie standard), de nature bénigne ou maligne.
2.1.1. Différents types de polypes
* Il existe différents types de polypes: - des polypes qui ne dégénèrent jamais en CCR : il s’agit des polypes hyperplasiques, hamartomateux et inflammatoires. Les polypes hyperplasiques sont très fréquents (20 à 30 % des personnes de plus de 50 ans) ;
B
- des polypes avec un risque de dégénérescence en CCR : ► ce sont les polypes adénomateux, appelés aussi adénomes. Ils se développent à partir des glandes situées dans la muqueuse du côlon et du rectum (les glandes de Lieberkühn). Ils représentent environ 70 % des polypes et sont à l’origine de plus de 80 % des cancers colorectaux.
► les adénomes ont une incidence qui augmente avec l’âge (au moins un polype chez 30 % des sujets de 65 ans). Le sex-ratio H/F est de 2. Un adénome bénin est par définition en dysplasie de bas grade. Un adénome en dysplasie de haut grade est le stade qui précède le statut de carcinome in situ. Le risque de cancérisation d’un adénome est globalement de 2,5 à 10 % suivant la taille.
► il existe trois sous-types histologiques (classification OMS) : l’adénome tubuleux, l’adénome tubulo villeux, et l’adénome villeux. L’adénome villeux (5 % des polypes adénomateux) a le risque le plus élevé de transformation cancéreuse (40 %), en particulier s’il est volumineux. L’adénome tubulo-villeux (20 % des polypes adénomateux) présente à la fois des caractéristiques de l’adénome villeux et de l’adénome tubuleux avec un risque intermédiaire de transformation cancéreuse entre l’adénome tubuleux et l’adénome villeux.
► l’adénome plan a été identifié récemment et correspond à une autre façon de caractériser un adénome. Il s’agit d’une lésion très localisée ( < 1 cm de diamètre). Contrairement aux autres adénomes, l’adénome plan ne se développe pas en relief sous forme de polype, mais plutôt à plat ( < 1,3 mm d’épaisseur). Les adénomes
plans présentent un risque plus important que les autres adénomes de se transformer en cancer.
Le risque de transformation cancéreuse d’un adénome dépend de plusieurs facteurs : -
la proportion du contingent villeux;
-
la taille supérieure à 1 cm; le type de dysplasie (haut grade vs bas grade);
le nombre: plus le nombre est élevé, plus la probabilité de transformation cancéreuse de l’un d’entre eux augmente;
polype à base d’implantation sessile ou plat.
Important de retenir : -
dans un adénome les cellules dysplasiques ou tumorales ne franchissent pas la membrane basale; -
la dysplasie est une néoplasie intra-épithéliale.
2.1..2. Prise en charge et surveillance des polypes colorectaux * Tout polype doit être retiré lors de la coloscopie par ablation à l’anse diathermique ou destruction à la pince (polypes très petits). Les risques sont l’hémorragie et la perforation. Les polypes pédiculés sont retirés par poly pectomie endoscopique. Les polypes sessiles ou plans peuvent être retirés par mucosectomie (injection de sérum salé entre la musculeuse et le polype).
* Si !’exérèse d’un polype n’est pas possible par voie endoscopique, !’exérèse chirurgicale (colectomie segmentaire) est nécessaire.
L’étude anatomo-pathologique systématique de la pièce de polypectomie est indispensable.
* Seuls les polypes adénomateux justifient une surveillance coloscopique : - coloscopie à 3 ans si adénome de taille ;;:: à 1 cm ou plus de 3 polypes adénomateux, et ou si dysplasie de haut grade;
- en cas de coloscopie normale ou dans les autres cas sus-cités, contrôle à prévoir à 5 ans ; - en cas de mauvaise préparation, de resection non mono-bloc, ou d’examen incomplet un contrôle rapproché
(0 - 3 mois) doit être programmé.
2.2. Les tumeurs malignes * La très grande majorité des cancers colorectaux sont des adénocarcinomes: - adénocarcinome lieberkühnien dans 80 % des cas ; - adénocarcinome mucineux ou colloïde muqueux.
* Le cancer se développe presque toujours à partir d’un adénome. * Les autres variétés histologiques sont très rares (lymphome, tumeur stromale, tumeur neuro-endocrine, etc.) et
ne seront pas traitées dans ce chapitre.
- Histoire naturelle des cancers colorectaux * Les différentes étapes de l’histoire naturelle du cancer colorectal peuvent être résumées schématiquement : - phase d’initiation : dans 80 % des cas, le cancer colorectal se développe à partir d’un polype adénomateux colorectal. Les lésions, d’abord de dysplasie de bas grade, évoluent vers une dysplasie de haut grade pour atteindre en 10 à 15 ans le stade de carcinome in situ (sans franchissement de la lame basale).
- phase de progression locale : le franchissement de la membrane basale et de la musculaire muqueuse avec envahissement de la sous- muqueuse colorectale correspond au stade de cancer invasif Tl. La progression en profondeur concerne ensuite la musculeuse puis la séreuse (mésorectum pour le rectum) pour atteindre les organes de voisinage.
- l’invasion lymphatique débute par les premiers relais ganglionnaires au niveau paracolique. À un stade avancé, la progression ganglionnaire peut dans certains cas atteindre le ganglion sus-claviculaire gauche (ganglion de Troisier).
- les métastases sont décrites principalement au niveau hépatique. Les autres organes concernés sont le péritoine (et les ovaires chez la femme), les poumons, et plus rarement l’os et le cerveau. Pour le rectum, les veines rectales supérieures se drainent dans le système porte, alors que les veines rectales moyennes et inférieures se drainent dans le système cave : il y a donc possibilité pour les cancers du rectum d’une évolution
métastatique pulmonaire sans atteinte hépatique.
4.1. Les circonstances de découverte 4.1.1. Découverte fortuite
* Le patient est asymptomatique. Le cancer colorectal est diagnostiqué lors d’un dépistage individuel par colosco pie (patient à risque élevé ou très élevé) ou dans le cadre du dépistage de masse en population générale (popula tion à risque modéré).
* En France, le dépistage de masse organisé utilise un test immunologique de recherche de sang dans les selles : - le test immunologique repose sur la détection d’hémoglobine humaine dans les selles grâce à l’utilisation d’anticorps monoclonaux ou polyclonaux, spécifiques de la partie globine de l’hémoglobine humaine;
- il est proposé tous les deux ans entre 50 et 74 ans, suivi d’une coloscopie en cas de positivité; - la structure de gestion de ce dépistage encourage par courrier les sujets éligibles à consulter leur médecin généraliste. Le patient peut également être directement sensibilisé par le médecin généraliste au test de dépistage ( sans courrier) ;
- ce dépistage nécessite un prélèvement de selle à domicile sur une plaquette (kit de dépistage) qui est adressée
par courrier à un laboratoire centralisé spécialisé ;- l’objectif du dépistage, si la participation de la population atteint 50 %, est de diminuer la mortalité par CCR de20%;
- environ 4 à 5 % des tests sont positifs et conduisent à faire pratiquer une coloscopie ; - en cas de test positif, un adénome de taille supérieure à 1 cm ou un cancer (dans la plupart des cas de stade
précoce) est diagnostiqué par la coloscopie environ quatre fois sur dix.
4.1..2. Une anomalie biologique * Anémie ferriprive par saignement digestif occulte (colon droit surtout). 4.1..3. Des signes fonctionnels digestifs à l’interrogatoire
* Douleurs abdominales.
* Troubles du transit d’apparition récente ou modifications d’une symptomatologie ancienne avec alternance diarrhée/ constipation.
* Rectorragies (côlon gauche) ou méléna (côlon droit). * Syndrome rectal (cancer du rectum) avec épreintes et ténesmes. * L’interrogatoire recherche aussi la date du dernier dépistage et les facteurs de risque : antécédent personnel ou familial de polypes, de cancer colorectal, antécédent personnel de MICI.
4.1..4. Des complications digestives
* Occlusion, perforation, péritonite. * L’occlusion est plus fréquente au niveau des tumeurs du côlon gauche (petit diamètre, selles solides et développe
ment d’une masse tumorale sténosante en virole).
4.2. L’examen clinique 4.2.1.. Examen général
* Asthénie, anorexie, amaigrissement, parfois fièvre. * Asthénie, pâleur cutanéo-muqueuse, et tachycardie peuvent s’intégrer dans le cadre d’un syndrome anémique.
4.2.2. Examen abdominal
* Recherche d’une masse palpable d’origine colique profonde, plus fréquente au niveau du côlon droit (plus grand diamètre permettant le développement d’une masse ulcéra-bourgeonnante et selles liquides).
* Recherche d’une hépatomégalie (métastases). * Recherche de signes de carcinose péritonéale (ascite, nodules péritonéaux).
4.2.3. Les touchers pelviens sont obligatoires
* Le toucher rectal est réalisé sur un rectum vide, en décubitus dorsal, cuisses fléchies ou en décubitus latéral gauche ou en position génu-pectorale.
* Le toucher rectal (TR) évalue : -
la distance de la tumeur par rapport à la marge anale et à la sangle pubo-rectale, la taille de la tumeur mesurée en cm ; si possible on mesure les 2 plus grands diamètres ;
- l’aspect macroscopique polypoïde sessile, parfois pédiculé, ulcéré, ulcéro-bourgeonnant, ou purement infiltrant; - la mobilité de la tumeur par rapport aux plans pariétaux profonds, une fixation pariétale (paroi pelvienne ou organes pelviens antérieurs) évoquant un risque de résection R2, l’extension circonférentielle (les tumeurs circonférentielles ont un pronostic plus défavorable) ;
- le TR peut également détecter l’existence de nodules indurés secondaires dans le méso-rectum.4.2.4. Examen ganglionnaire * Adénopathie sus-claviculaire gauche (Troisier). 4.2.5. Autres points d’appel clinique
* Poumon, os (plus rares).
lf*3· Les examens complémentaires * Diagnostic positif: - Coloscopie totale (Figure 1) avec biopsies multiples de la masse suspecte et résection des polypes visualisés pour analyse histologique (bilan d’hémostase au préalable, arrêt des anticoagulants/antiagrégants).
- Le patient est informé des modalités pratiques de la coloscopie et de ses risques. La préparation colique préalable associe régime sans résidu et laxatifs osmotiques per os (PEG).
- Le diagnostic de certitude est histologique : adénocarcinome lieberkühnien dans la majorité des cas. - Le cola-scanner (scanner hélicoïdal avec remplissage par du CO2 du côlon après insufflation au niveau du rectum et reconstruction 3D des images) est proposé en cas de tumeur obstructive ne laissant pas passer le coloscope. Il permet la recherche de lésions synchrones du rectum et du côlon (polype ou cancer synchrone),
mais la biopsie n’est pas possible.
If.If. Bilan d’extension et bilan pré-thérapeutique 4.4.1.. Dans tous les cas
* Réalisation d’un scanner thoraco-abdomino-pelvien, sans et avec injection de produit de contraste iodé, à la recherche de métastases (sites principaux: foie, poumon et péritoine).
* Les autres examens sont déterminés par les signes d’appel clinique : le TEP-TDM n’est indiqué qu’en cas de
suspicion d’évolution métastatique (ex: élévation de ]’ACE) avec un scanner thoraco-abdomino-pelvien normal.* Bilan biologique: dosage de l’antigène carcino-embryonnaire (ACE) en pré-opératoire, recommandé mais non obligatoire, avec une valeur pronostique et un intérêt pour le suivi.
* Bilan hépatique complet, NFS-plaquettes, ionogramme sanguin, urée et créatinine sanguines.
* Bilan nutritionnel pré-thérapeutique, bilan gériatrique le cas échéant.
Bilan d’extension spécifique au cancer rectal Le siège de la tumeur est défini à partir de son extrémité inférieure (bas rectum : 0 à 5 cm de la marge anale ou à 2 cm ou moins du bord supérieur du sphincter; moyen rectum : > 5 à 1 O cm de la marge anale ou de> 2 à 7 cm du bord supérieur du sphincter; haut rectum > 1 O à 15 cm de la marge anale ou à plus de 7 cm du bord supérieur du
sphincter (Figure 2).
IRM pelvienne, systématique pour les grosses tumeurs : - elle est réalisée en séquence T2 et Tl en saturation de graisse, avec et sans injection de gadolinium ; - c’est un examen indispensable pour les tumeurs circonférentielles, sténosantes, suspectes d’être T3 ou T4; - elle évalue les caractéristiques de la tumeur rectale (siège, dimensions, lo.calisation exacte par rapport au sphincter anal) ;
- et permet le bilan d’extension loco-régionale: ► extension de la tumeur dans la paroi rectale et le mésorectum, envahissement des organes de voisinage ; ► évaluation de la marge latérale : distance la plus courte entre tumeur et fascia recti (limite externe du mésorectum) ;
► évaluation de la marge distale: distance entre le pôle inférieur de la masse rectale et la ligne ilio-pectinée;
► visualisation d’éventuelles adénopathies de voisinage (mais faible spécificité et nombreux faux positifs).
- L’écho-endoscopie rectale est surtout utile pour les petites tumeurs Tl et T2 et permet un bilan d’extension précis: - en particulier pour les tumeurs limitées à la paroi rectale (Tl et T2). Elle utilise une classification usTN dérivée du TNM;
- elle évalue le degré d’envahissement de la paroi rectale (usî) et le statut ganglionnaire.
5.1. Traitement des cancers colorectaux localisés (non métastatiques) 5.1..1.. Traitement endoscopique des petites lésions (in situ et T1.)
* La résection endoscopique peut être suffisante si les limites de résection sont saines. 5.1..2. Critères d’opérabilité et de résécabilité des CCR
* Le bilan de la consultation d’anesthésie conditionne l’opérabilité. * L’extension locale (T) et métastatique (M) conditionne la résécabilité: - absence de lésion métastatique (MO) : résection première de la tumeur primitive avec une chirurgie de type RO
(limites de résection saines).
5.1..3. Traitement chirurgical des cancers du côlon (technique chirurgicale) 5.1.3.1. Principe
* Voie d’abord : laparotomie médiane ou coelioscopie. * Exploration de la cavité abdominale et prélèvements des lésions suspectes (nodules péritonéaux, ascite … ). Une échographie per-opératoire peut être pratiquée en cas de doute sur des métastases hépatiques.
* Exérèse de la tumeur primitive avec une marge distale et proximale d’au minimum 5 cm. L’exérèse est monobloc (avec méso-côlon attenant) ; avec curage ganglionnaire (au moins 12 ganglions) après ligature première des vais seaux.
* L’exérèse chirurgicale doit être monobloc, enlevant la tumeur et son extension locale. Selon la localisation tumo rale: colectomie segmentaire (hémi-colectomie droite, hémi-colectomie gauche) avec curage ganglionnaire. - Les types de résection sont : ► décision d’expert.
5.1.3.2. Traitement chirurgical des CCR compliqués
* En cas d’occlusion: l’intervention est une colostomie première, faite le plus près possible en amont de la tumeur, suivie après 8-15 jours d’une résection avec anastomose emmenant la colostomie.
* En cas de perforation ou de péritonite : l’intervention est une colectomie carcinologique sans rétablir la conti nuité digestive avec double stomie (une d’amont et une d’aval avec rétablissement de la continuité digestive dans un deuxième temps).
5.1.3.3. Traitement chirurgical des cancers du rectum
* Exérèse du rectum et du méso-rectum jusqu’à 5 cm sous le pôle inférieur de la lésion, curage ganglionnaire para rectal. Confection d’une stomie provisoire pour diminuer le risque de fistule.
* En cas de cancer du moyen rectum: l’adjonction d’un réservoir colique en J de 5 à 6 cm de longueur est recom
mandée lorsque la résection ne préserve pas au moins 3 cm de moignon rectal au-dessus du plan des releveurs. En cas de cancer du bas rectum: si marge distale inférieare d 1cm (en particulier, si la tumcar cavahir le masd strié sphincter ou releveur) ou en cas de raison particulière (incontinence pré opératoire ancienne) ?em abdomino-périnéale,
5.1.4. La chimiothérapie adjuvante Objectif de la chimiothérapie adjuvante (post-opératoire) : diminuer les ri Indication : cancers du cólon stade III (c’est-à-dire N+). En effet, pour les stades III, le risque d’évolution métastatique est de 40 à.50 M. Le bénéfice absolu en globale d’une chimiothérapie adjuvante est de l’ordre de 15 à 20 %. La chimiothérapie de référence associe une Auoropyrimidine (5-fluoro-uracile ou capécitabine) à l’oxaliplatine. Le 5-Guoro-uracile (SFU) est administré par voie intra-veincuse en combinaison à l’acide folinique (protocole FOLFOX) ou la capécitabine (qui est une prodrogue du 5FL) est administrée par voie orale avec l’osaliplatine (protocole FOLFOX ou CAPOX). L’intérét de l’oraliplatine n’est pas démontré chez les patients de plus de 70 ans. La à discuter en RCP (Réunion de Concertation Pluridisciplinaire) et est de pas d’indication d’une chimiothérapie adjuvante pour les stade ades il, le risque de récidive (essentiellement métastatique) est de 20 % c’est-à-dire que 80 patients sont guéris par la chirurgie seule. Le bénéfice absolu en survie globale d’une chimiothérapie. est modéré (2 à 5 % en valeur absolue). L’indication d’une chimiothérapie (par fluoropyrimidine seule dans la plupart des cas) est une décision d’expert discutée en RCP. Elle peut être réservée aux patie de risque de rechute (T4, tumeur perforée, moins de 12 ganglions analysés). Pour les cancers du rectum, La chimiothérapie adjuvante (protocole Folfox ou Capos) est indiquée lorsque l’examen histologique de la pièce chirurgicale retrouve un envahissement ganglionnaire péri tumoral (stades Ill post opératoires pré-traités ou non par radiothérapie ou chimio-radiothérapie pré-opéraloire) 5.1.5.
Radiothérapie et association chimio-radiothérapie du cancer du rectum Dans les cancers du rectum, et en particulier pour les tumears localement avancées, il est proposé des schémas pré-opératoires combinant la chimiothérapie et la radiothérapie. La radiothérapie est délivrée à la dose de 45 j *50 Gy sur S semaines et associée à la capécitabine per os. La chimio-radiothérapie pré opératoire augmente la reponse tumorale et diminue le taux de récidive locale à Sans. Cette chimio-radiothérapie pré opératoire est pré cédée de 3 mois de chimiothérapie par Folfirinox (5FU + Irinotécan + Oxaliplatine). Un autre schéma propose) même chimio-radiothérapie pré-opératoire suivie d’une chimiothérapie par Folíos sur 3 mois avant la chirurgi La recherche d’un déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) avant l’administration d’une chimiothéran (phénotypage) à base d’une fluoropyrimidine est obligatoire en France. Les fluoropyrimidines sont métabolisées plus de 80 % par la DPD. Une faible activité de la DeD entraine une diminution du catabolisme du S-FU avec pou 5
1.6. Surveillance après un traitement à visée curative d’un cancer colorectal Les récidives du cancer du cólon ou du rectum sont principalement métastatiques et surviennent dans enviros 80 % des cas durant les 3 premières années qui suivent le traitement curatif. Environ. 25 % des récidives sont acces sibles à un traitement à visée curative. Une surveillance clinique, radiologique et endoscopique sera proposée chez les patients capables de ré-inteciention ou une chimiothén Les données disponibles reposent sur un nombre limité et hétérogène d’études discordants en debors de la surveillance col- consultation avec examen clinique tous les 3 mois pendant 3 ans puis tous les 6 mois les 2 années suivantes ; - dosage de l’ACE (non consensuel); - Échographie abdomino-pelvienne ou scanner abdomino-pelvien (ou en alternance) tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans puis tous les 6 mois pendant 2 ans ;
- Scanner thoracique annuel pendant 5 ans ; - Coloscopie : ► si la coloscopie initiale était incomplète, ou de mauvaise qualité, ou non réalisée en pré-opératoire: à répéter dans les 6 mois post-opératoires;
► si la coloscopie initiale était complète : contrôle à 2 ou 3 ans puis tous les 5 ans, si normale. Le rythme dépend de la présence ou non d’adénomes ;
► arrêt de la surveillance endoscopique après 75 ou 80 ans (pas de consensus sur l’âge) si la coloscopie est normale.
- La TEP - FDG n’a pas de place dans la surveillance du CCR, sauf en cas d’augmentation de l’ACE avec scanner
thoraco- abdomino-pelvien normal ou en cas de doute sur la nature métastatique d’une lésion.
Avec plus de 58 000 nouveaux cas par an en France etenviron 12 000 décès, lecancer du sein est le 1crcancerchez
la femme, à la foisen incidenceeten mortalité. Le diagnosticest généralementfait dans deux contextes différents:
le dépistage par mammographie ou la présence de signes cliniques, au niveau mammaire ou plus rarement au
niveau ganglionnaire ou de métastase(s).
- Le diagnostic positif est affirmé par l’histologie; il nécessite donc une biopsie avec un examen anatomo-patholo-
gique. Le type histologique le plus fréquent est le carcinome infiltrant de type non spécifique (également appelé
carcinome canalaire infiltrant). Le diagnostic s’accompagne toujours de l’évaluation de l’expression des récep-
teurs hormonaux (récepteurs aux œstrogènes et récepteur à la progestérone) et de HER2 (Human Epidermal
growthfactor Receptor 2).
* Pour définir les grands principes de prise en charge des cancers du sein, il faut à l’issue du diagnostic:
1. avoir déterminé grâce au bilan d’extension s’il s’agit d’un cancer du sein localisé ou métastatique;
2. savoir s’il s’agit d’un cancer hormono-sensible, HER2 positif ou triple négatif;
3. connaître les facteurs pronostiques.
- Epidémiologie et facteurs de risque des tumeurs du sein
1.1. Incidence et prévalence des cancers du sein en France
* Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers de la femme (il concerne rarement l’homme), en incidence et
en mortalité. C’est le 2
e
cancer le plus fréquent tous sexes confondus. Son incidence a presque doublé entre 1990
et 2018 (soit une augmentation d’environ +1,1 % par an) mais sa mortalité diminue d’année en année (-1,5 %
environ par an). Le taux de survie nette à 5 ans est de 87 %.
En France*:
1 femme sur 8 à 10 développera un cancer du sein;
il y a environ 58 000 nouveaux cas par an;
- il y a environ 12 000 décès par an;
l’âge médian au diagnostic est de 61 ans;
- l’âge médian au décès est de 74 ans.
*d’aprèsles données de l’INCa, Institut National du Cancer au 13/01/2021.
1.2. Facteurs de risque intrinsèques et extrinsèques
1.2.1. Facteurs liés aux antécédents, à l’âge et au mode de vie
* L’âge: environ la moitié des cancers du sein survient entre 45 et 65 ans.
* L’alcool, le tabagisme, le surpoids.
* Les antécédents familiaux, dont les prédispositions génétiques.
* Les antécédents personnels de cancer du sein, de carcinome in situ, d’hyperplasieatypique.
* Les antécédents personnels de radiothérapie thoracique(par exemple: lymphome de Hodgkin).
Attention!
L’existence de lésions bénignes mammaires ne représente pas un facteur de risque (sauf pour les hyperplasies
atypiques, cf. 1.2).
1.2.2. Facteurs liés aux hormones
* La durée d’exposition aux hormones avec l’âge précoce de la puberté(< 12 ans) et l’âge tardif de la ménopause
(> 55 ans).
* L’âge tardifde la première grossesse(> 30 ans).
* L’absence d’allaitement.
* L’utilisation de traitements hormonaux.
Traitements hormonaux et risque de cancers
* D’après le World Cancer Report de 2014:
- les traitements hormonaux substitutifs de la ménopause majorent légèrement le risque de cancer
du sein (combinaison œstrogène + certains progestatifs) ; cela dépend également du schéma
d’administration (nombre de jours/mois avec progestérone) et de la durée totale du traitement;
l’utilisation des contraceptifs œstro-progestatifs augmente très légèrement le risque de cancers du
sein, du col utérin, du foie et diminue le risque de cancers de l’endomètre et de l’ovaire;
* À titre individuel, le sur-risque reste très faible et ne contre-indique pas ces traitements.
1.2.3. Facteurs génétiques
* Certaines personnes sont porteuses des mutations constitutionnelles(présentes dans toutes les cellules de leur
organisme et héréditaires) qui les prédisposent aux cancers du sein et de l’ovaire.
* Les 2 principaux gènes en cause sont BRCAl et BRCA2 (cf paragraphe 2.2).
- Physiopathologie des tumeurs du sein
2.1. Histoire naturelle du cancer du sein et ses modes de dissémination
* Lecancer du sein naît descellules del’appareilsécrétoiredu seinconstitué des lobuleset descanaux galactophores.
* Dans une premièreétape, l’évolution est intra-épithéliale, sans franchissement dela membrane basale: ces lésions
sont nomméescancers(ou carcinomes) in situ.
- Quand il n’existe pas d’invasion dela membrane basale(donc dans les carcinomes in situ), l’évolution est exclusi-
vement mammaire et conditionne les modalités du traitement local.
Le risque est l’évolution en plusieurs années vers un cancer invasif après franchissement de la membrane basale,
qui constitue la pathologie étudiée dans ce chapitre. - La diffusion descellules néoplasiques devient alors possible par voie vasculaireet/ou lymphatique àl’ensemble de
l’organisme, expliquant la prise en charge multidisciplinaire de cette pathologie (Figure 1).
2.2. Prédispositions génétiques du cancer du sein
J
*
Extension hématogène :
Métastases (os,peau, foie
poumons,plèvre, système
nerveuxcentral)
- Des mutations germinales dans les gènes suppresseurs de tumeur BRCAl et BRCA2 (pour BReast CAncer) sont
les deux principalescauses de cancers du sein et del’ovaire familiaux, classiquement appelés par les anglo-saxons
« hereditary breast and ovarian cancer syndrome» (HBOC). - Elles expliquentenviron 20 % des cancers du sein familiaux mais moins de 5 % del’ensemble descancers du sein.
À l’interrogatoire, il est important de rechercher les antécédents familiaux de cancer du sein et de l’ovaire et, le
cas échéant, de réaliser un arbre généalogique. - D’autres gènes beaucoup plus rarement mutés peuvent êtreimpliqués. Le généticien proposera àla personnechez
qui ilsuspecte une prédisposition génétique aux cancers du sein derechercher desmutations dans un panel d’une
quinzaine de gènes. - Il existe également de multiples variants génétiques décrits (plus de 200 publiés à cejour) qui confèrent un petit
sur-risque de cancer du sein et peuvent être additionnés en un score de risque.
BRCA1. et BRCA2
* Ce sont des gènes suppresseurs de tumeurs impliqués dans la réparation de l’ADN. La mutation d’un allèle de
l’un de ces deux gènes entraîne une prédisposition à développer des cancers du sein et de l’ovaire.
* Lorsqu’une cellule mammaire est porteuse d’une mutation sur l’un des allèles de BRCA 1 ou de BRCA2, l’allèle
non muté permet de coder pour une protéine fonctionnelle et lesfonctions cellulairessont assurées.
* Lors de !’oncogenèse, la première anomalie est germinale (perte du 1 °’ allèle fonctionnel), la 2* anomalie est
acquise dans les cellules mammaires au cours des divisions cellulaires successives (perte du 2* allèle qui était
initialement non muté). Ceci entraîne des anomalies de réparation de l’ADN qui aboutissent à une cancérisa-
tion de la cellule.
- En cas de suspicion de mutation (cancer du sein avant 40 ans, cancer du sein bilatéral ou association cancers
du sein et de l’ovaire, cancer du sein chezl’homme, antécédentsfamiliaux évocateurs), lapatiente sera orientée
en consultation d’oncogénétique. - Une patiente porteuse d’unemutation BRCA doit bénéficiersoit d’une surveillance spécifique annuelle incluant
notamment une IRM mammaire soit d’une mastectomie bilatérale prophylactique (comme Angelina Jolie !).
Une annexectomie bilatérale prophylactique estsystématiquement recommandée (entre 40 et 45 ans).
3.1. Les différentes modalités de dépistage
- Prévention/dépistage descancers del’adulte: Le dépistage du cancer du sein est justifié par son incidence, l’exis-
tence d’un test sensible et non invasif (la mammographie) et l’impact démontré sur la morbidité et la mortalité
des femmes dépistées. Par définition, le dépistage de masse s’envisage en l’absence de signes cliniques etchez des
femmes n’ayant pas de sur-risque particulier de développer un cancer du sein.
- Un dépistage individuel basé sur un examen clinique associé à une mammographie, échographie et IRM mam-
maire annuelles est proposé aux femmes à haut risque (ex.: mutation constitutionnelle BRCA1/BRCA2; antécé-
dents d’irradiation thoracique) à partir de 30 ans. - La mammographie n’affirme pas le diagnostic et doit entraîner la mise en œuvre d’autres explorations en cas
d’image suspecte. Toute image anormale doit faire l’objet d’exploration complémentaire.
Les recommandations nationales du dépistage de masse organisé sont les suivantes :
Le dépistage est réalisé: - en l’absence de signe clinique (examen clinique systématique avec palpation mammaire dans la 1
ère
étape du dépistage);
- parmammographie bilatérale;
- avec deux incidences (auminimum);
- avec double lecture;
- tous les deux ans;
- de 50 à 74 ans.
3.2. Présentations cliniques des tumeurs du sein
3.2.1. Examen clinique etprésentations cliniques
* L’examen physique du sein comporte une inspection en position assise (les bras ballants puis relevés) puis en
décubitus dorsal, à la recherche de :
- déformation cutanée (par un nodule, ou au contraire fossette ou méplat cutané) (Figures 2 et 3);
- inflammation cutanée (œdème, érythème, chaleur) (Figures 4, 5, 6 et 7);
- aspect en peau d’orange (Figure 7);
- nodules de perméation, ulcère cutané (Figure 8);
- écoulement mamelonnaire (Figure 9, Figure 10);
- rétraction du mamelon (Figures 2, 3, 6, 7 et 9);
- modification de l’aspect du mamelon avec notamment l’aspect eczématiforme qui évoque une maladie de
Paget (Figure 11);
- squirrhe mammaire (tumeur dure, avec épaississement+/- bourgeonnement des tissus) (Figure 7).
* Puis la palpation s’effectue dans les mêmes positions, en comprimant la glande contre le gril costal par petits
mouvements circulaires (quadrant par quadrant) à la recherche d’un nodule, d’une masse. En cas de détection
d’une telle lésion, il faudra préciser sa position dans le sein (quadrant atteint), sa taille, sa dureté, sa mobilité par
rapport au plan superficiel et aux plans profonds musculaires.On recherche ensuite des adénopathies unique ou multiples et des signes évoquant des métastases à distance :
- un examen clinique régional recherche des adénopathies axillaires homolatérales et sous et sus-claviculaires ;
- un examen clinique général recherche des signes cliniques de métastases. Sont à rechercher une altération de
l’état général (asthénie, amaigrissement), une hépatomégalie, des douleurs du rachis (cervical, dorsal ou
lombaire), une diminution du murmure vésiculaire (découverte d’anomalies à l’auscultation pulmonaire)
associée à une matité évoquant un épanchement pleural.
3.3. Indications de la mammographie
Item 312
- La mammographie bilatérale associée à l’échographie mammaire bilatérale et des aires ganglionnaires sont réali-
sées systématiquement devant touteanomalie del’examen cliniquemammaire (ou touteanomalie radiologique
faisant suspecter unetumeur du sein). Deux incidencesau minimum sontréalisées, correspondantaux incidences
du dépistage de masse: cliché de face (aussi appelé crânio-caudal) etcliché oblique (aussi appelé oblique externe
ou médiolatéral oblique). Des clichés de profil strict, centrés ou agrandis sur l’anomalie détectée peuvent être
faits en complément. Chez les femmes non ménopausées, la mammographie doit être réalisée de préférence en
1
ère partie de cycle.
* Les imagessuspectesàla mammographie peuventêtre notamment desopacitésspiculées, irrégulières ou desamas
de microcalcifications irrégulières (Figure 12). Les macrocalcificationsévoquent des lésions bénignes.
* Les images mammographiques sont classées avec la classification BI-RADS de l’ACR (Breast Imaging-Reporting
And Data System de l’American College ofRadiology).
3.4. Indications de la biopsie mammaire
* Toute anomalie clinique mammaire doit faire l’objet d’une mammographie bilatérale associée à une échographie
mammaire et des aires ganglionnaires axillaires.
* En cas d’anomalie à la mammographie faisant suspecter une lésion précancéreuse ou cancéreuse (qu’il y ait ou
non des signes cliniques), une biopsie est systématiquement indiquée. Toute anomalie radiologique classée ACR4
ou ACRS doit faire réaliser sans délai une biopsie (Figure 13).
- Principaux types de lésions bénignes
et de tumeurs malignes du sein
4.1. Classification anatomo-pathologique
* L’anatomo-pathologie permet de déterminer s’il s’agit:
- delésions bénignes: mastopathie fibrokystiqueet adénofibrome pourles plus fréquentes (à noter quel’imagerie
est généralementrassurante dans cecontexte, ce qui permet d’éviter les biopsies);
- de lésions précancéreuses: carcinome in situ;
- de lésions cancéreuses.
4.2. Principaux types de tumeurs malignes : éléments diagnostiques
obtenus par l’examen anatomo-pathologique
* C’est l’anatomo-pathologie qui affirme le diagnostic de cancer du sein : devant toute anomalie clinique et/ou
radiologique, un prélèvement pour diagnostic histologique s’impose. Les prélèvements se font sous forme de
biopsies percutanées mammaires (microbiopsie pour des masses ou opacités suspectes, macrobiopsie pour des
foyers de microcalcifications) guidées par la clinique ou par échographie ou par mammographie (ponction en
conditions stéréotaxiques).
- L’analyse anatomo-pathologique permet d’affirmer le diagnostic et de préciser le risque évolutif. Des histolo-
gies rares sont possibles comme les lymphomes, les sarcomes, les métastases intra-mammaires d’autres cancers
primitifs. Dans la majorité des cas, les cancers du sein sont des adénocarcinomes (abrégés en carcinomes le plus
souvent) infiltrants non spécifiques (aussi appelés carcinome canalaire infiltrant).
L’examen anatomo-pathologique précisera:
- Sur la biopsie:
► le type de cancer du sein (carcinome infiltrant de type non spécifique - également appelé carcinome
canalaireinfiltrant - dans 75 %-80 % descas, carcinomelobulaireinfiltrant dans 15 %descas, autres formes
rares dans 10 % des cas);
► le grade histopronostique. Le grade Elston et Ellis actuellement recommandé en Europe correspond au
grade SBR (Scarff-Bloom et Richardson) modifié. Il s’agit d’un score correspondant à la somme de trois
critères, architectural, nucléaire et compte mitotique, côtés de 1 à 3. Le grade est pronostic :
* un score total de 3, 4 ou 5 correspond à un grade Elston et Ellis I;
* un score total de 6 ou 7 correspond à un grade Elston et Ellis II;
* un score total de 8 ou 9 correspond à un grade Elston et Ellis III.
► l’expression immunohistochimique des récepteurs hormonaux, œstrogène et progestérone. Le seuil
de positivité retenu en Europe est de 10 % d’expression. Ces récepteurs sont l’outil de transmission de la
stimulation de la prolifération entre les hormonesstéroïdiennescirculanteset !’ADN dela celluletumorale.
Leur présencereprésente un facteur pronostiqueet un facteur prédictif deréponse àl’hormonothérapie(qui
est malgré son nom un traitement anti-hormonal);
► le statut HER2. HER2 est un oncogène qui code pour une protéine transmembranaire de type récepteur
tyrosine kinase impliquée dans la survie et la prolifération cellulaire. La recherche d’une surexpression de
la protéine HER2 est faite en immunohistochimie; l’amplification du gène HER2 est recherchée par des
techniquesd’hybridation in situ (cf 290). HER2 est un facteur à la fois pronostiqueet prédictif dela réponse
au trastuzumab;
► le Ki67, qui traduit la prolifération cellulaire (protéine exprimée lors du cycle cellulaire), est également
évalué en immunohistochimie.
Comment connaître le statut HER2 ?
En immunohistochimie:
- si HER2 est évalué à O ou 1 +, le cancer est HER2-négatif;
si HER2 est évalué à 3+, le cancer est HER2-positif;
si HER2 est évalué à 2+, on ne peut pas conclure. Il est alors nécessaire de faire une technique
d’hybridation in situ (par exemple FISH) pour regardersi le gène HER2 est amplifié (cancer HER2-positif)
ou non amplifié (cancer HER2-négatif).
L’examen anatomo-pathologique précisera:Sur la pièce opératoire:
Une fois le diagnostic et le type histologique confirmés, l’anatomo-pathologie précisera:
► le nombre de tumeur(s);
► la taille de la (les) tumeur(s);► la présence ou non de métastase(s) ganglionnaire(s) axillaire(s) ;
► la présence embole(s) vasculaire(s);
► la qualité de !’exérèse : l’envahissement des marges d’exérèse augmente le risque de récidive locale et
nécessite une reprise chirurgicale;
► en cas de chimiothérapie néo-adjuvante, l’examen anatomo-pathologique permet d’évaluer l’efficacité du
traitement (pourcentage de tumeur résiduelle, atteinte ganglionnaire).
* L’ensemble de ces éléments permet d’établir la classification pTNM ou ypTNM
Mémo : les éléments obtenus par l’examen anatomo-pathologique
- Nombre de lésion(s) tumorale(s)
- Taille
- Type histologique
- Grade de Elston et Ellis (Scarff-Bloom et Richardson modifié)
- Pourcentage de l’expression desrécepteurs hormonaux (œstrogène et progestérone)
Statut HER2
- Ki67
- Nombre de ganglion(s) axillaire(s) envahi(s)
- Embole(s) vasculaire(s)
Exérèse microscopiquementcomplète (RO) ou marges d’exérèse envahies (Rl)
Sichimiothérapie néo-adjuvante: effet du traitement (% cellules tumorales vivantes/mortes)
4.3. Principaux types de tumeurs malignes : classification basée
sur le statut HER2 et l’expression des récepteurs hormonaux
- On distingue 3 types de cancer du sein selon l’expression des récepteurs hormonaux (aux œstrogènes et à la pro-
gestérone) et selon le statut HER2. Cette distinction est à la fois pronostique et prédictive. - Elle permet de définir les indications destraitements systémiques; à titre indicatif:
- les cancers HER2-positifs (environ 15 % des cancers du sein) reçoivent systématiquement un traitement par
trastuzumab associé à une chimiothérapie; - les cancers dits triple-négatifs (environ 15 % des cancers du sein) qui n’expriment ni HER2, ni les récepteurs
hormonaux, sont systématiquement traités par chimiothérapie; - lescancers dits hormona-sensibles ou parfois appelés parexcès« luminaux » (environ 70 % descancers du sein)
expriment les récepteurs aux hormones et n’expriment pas HER2. Ils seront traités à base d’hormonothérapie
et parfois avec chimiothérapie selon les facteurs pronostiques.
Rappel : la différence entre pronostique et prédictif (item 292)
- Unfacteur pronostique permet d’évaluer la gravité de la maladie.
- Unfacteur prédictif permet d’évaluer l’intérêt d’un traitement (autrement dit, il permet de« prédire» si
le traitement va marcher).
- Principes du bilan d’extension
d’un cancer du sein
* Le bilan d’extension a pour but de savoir si le cancer du sein est localisé, défini par une atteinte du sein+/- des
ganglions de drainageloco-régionaux, ou métastatique.
5.1. Bilan d’extension clinique
* Cf paragraphe 3.2.
5.2. Bilan d’extension paraclinique
5.2.1.. Bilan loco-régional
- La mammographie bilatérale et l’échographie mammaire bilatérale associées à une échographie des aires gan-
glionnaires axillaires suffisent dans la grande majorité des cas. - L’IRM mammaire n’est pasréaliséesystématiquementet est réservée à dessituations bien spécifiques, notamment:
- dépistage des femmes porteuses de mutations BRCA;
- bilan d’extension local des carcinomes infiltrants de type lobulaire devant le risque de multi-focalité;
- discordance clinico-radiologique (signes cliniques au niveau du sein sans anomalie retrouvée par la
mammographieet l’échographie mammaire); - seins denses non évaluables en mammographie/échographie;
- suivi sous chimiothérapie néoadjuvante;
- recherche de tumeur primitive si la mammographie/échographie ne permettent pas de trouver de lésion
(ex: métastase ou adénopathie biopsiées retrouvant un primitif mammaire, suspicion de récidive locale…).
5.2.2. Bilan à distance
* Le bilan d’extension à la recherche de métastase(s) viscérale(s) ou osseuse(s) n’est pas systématique. Il ne doit pas
retarder l’orientation en milieu spécialisé où il sera décidé si nécessaire (d’après les recommandations INCa Juin
2020).
* Il s’adresse aux patientes ayant un cancer du sein associé à des facteurs de mauvais pronostic. Il doit toujours être
réalisé en cas d’envahissement ganglionnaire ou de lésion de plus de 5 cm.
* Il peut être réalisé :
- soit par un scanner thoraco-abdomino-pelvien injecté en l’absence de contre-indication et une scintigraphie
osseuse;
- soit par TEP-TDM.
* Aucun bilan d’extension biologique n’est systématiquement recommandé. Un bilan pré-thérapeutique standard
est souvent réalisé (numération formule sanguine et plaquettaire, bilan de coagulation, calcémie corrigée à la
recherche d’une dy
scalcémie de type hypercalcémie, bilan hépatique).
Le CA 15.3 : CancerAntigen 15.3
* Cemarqueur du « cancer du sein» est dosable dans le sangmais n’apparaît dans aucune recommandation. Et
pourcause, il est peu sensible (il peut être normalchez une patiente ayant un cancer du sein) et peu spécifique
(il peut être augmenté par certaines pathologies bénignes et par des cancers non mammaires). Au final, ce
marqueur n’a aucune valeur diagnostique, pronostique ou prédictive démontrée.
* Si vous passez en stage en oncologie, vous verrez peut-être le CA 15.3 dosé:
- soit dans le cadre du bilan d’extension d’un cancer du sein (une valeur élevée fera alors rechercher plus
« activement» desmétastases) ;
- soit dans le cadre du suivi d’un cancer du seinmétastatique: danscertainscas, le CA 15.3 peut varier en
parallèle des phases de progression/régression de lamaladiemétastatique.
A 6. Objectifs et principes de traitement du cancer du sein
6.1. Objectifs des traitements
* La survie globale à 5 ans tous stades confondus est de 87 %. Dans les stades localisés, le traitement est réalisé dans
un butcuratif. Malgré un traitement menéselon les recommandations, 15-30 % des cancers du sein localisés vont
avoir une évolution métastatique.
* Dans les stades localisés, letraitementcomprend toujours unechirurgie mammaireet unechirurgie des ganglions
axillaires homolatéraux. En fonction des différents facteurs pronostiques et prédictifs (cités dans le tableau 2 ci-
dessous, en lien avec l’item 292) et du type de chirurgie, peuvent être réalisés en situation (néo)adjuvante, une
chimiothérapie et/ou une hormonothérapie et/ou un traitement par trastuzumab (anticorps anti-HER2) et/ou
une radiothérapie.
Tableau 2. FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS DES FORMES LOCALISÉES
Facteurs pronostiques Facteurs pronostiques et prédictifs
Envahissement ganglionnaire (N) : Récepteurs hormonaux (aux œstrogènes et à la
facteur pronostique principal progestérone)
(Si N+= mauvais pronostic) (= bon pronostic)
Grade HER2
(grade Ill= mauvais pronostic) (= mauvais pronostic)
Taille (T)
c� T2= mauvais pronostic)
Âge
(< 35 ans= mauvais pronostic)
Inflammation
(= mauvais pronostic)
Emboles
(= mauvais pronostic)
Facteurs pronostiques et prédictifs
rh bon prono
her 2 mauvais prono
Dans le cas des cancers du sein métastatiques, le traitement ne peut être curatif et est essentiellement basé sur
les traitements systémiques (chimiothérapie, hormonothérapie, thérapies ciblées). L’objectif des traitements est
d’augmenterla survie des patienteset d’améliorer leur qualité de vie. La survieglobalemédianeest d’environ 3 ans
mais varie de moins de 2 ans (cancers triple négatifs) à plus de 5 ans (cancers du sein HER2-positif et cancers
hormona-sensibles) avec la possibilité d’avoir des patientes longues survivantes à plus de 10 ans.
Ne pas oublier les mesures associées :
- Discussion de la stratégie thérapeutique en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) pour
définir le traitement optimal pour la patiente.
- Consultation d’annonce, explication du Programme Personnalisé de Soins (PPS).
- Demande d’exonération du ticket modérateur (ALD 30).
- Prise en charge globale, notamment psychologique, sociale, diététique.
- Les soins de support prennent en charge les conséquences de la maladie et de ses traitements
et peuvent inclure, entre autres : prise en charge de la douleur, nutrition, fatigue, fertilité/sexualité,
séances d’activité physique adaptée, art-thérapie, conseils socio-esthétiques…
6.2. Principes de traitement d’un cancer du sein localisé
* Le traitement du cancer du sein localisé inclut des traitements loco-régionaux et des traitements systémiques. La
chirurgie est systématique. Les autres traitements se discutent au cas par cas selon les facteurs pronostiques et
prédictifs précédemment notés (Tableau 2).
6.2.1. Traitement loco-régional chirurgical
* Letraitementchirurgical permet lerecueil deséléments pronostiques issus del’examen anatomo-pathologique de
la tumeur ainsi que de l’étude des ganglions axillaires.
- Traitement chirurgical conservateur
Il consiste en !’exérèse en totalité de la tumeur. Il s’agit d’une tumorectomie (tumeur palpable) ou d’une
mastectomie partielle (exérèse de la zone repérée par imagerie avec mise en place d’un clip dans le cas des
tumeurs non palpables, aussi appelée zonectomie).- Traitement chirurgical radical (mastectomie)
Il consiste en l’ablation du sein et de son revêtement cutané ainsi que du mamelon. À titre indicatif, il est
nécessaire si le cancer du sein est volumineux et non suffisamment réduit par les traitements systémiques
initiaux ou s’il y a une inflammation cutanée.
- Curage ganglionnaire axillaire - technique du ganglion sentinelle
Le curage ganglionnaire homolatéral est un élément essentiel du bilan d’extension, effectué dans le même
temps chirurgical que le sein. L’examen anatomo-pathologique de tous les ganglions prélevés sera systéma-
tique. Le curage axillaire est la principale cause de morbidité du geste chirurgical par les douleurs résiduelles, le
risque de périarthrite scapulo-humérale, de lymphœdème avec les contraintes que cette complication impose.
Pour éviter ces complications, en l’absence de signe clinique d’infiltration axillaire, une stratégie de prélève-
ment des ganglions sentinelles est la règle. L’étude du ganglion sentinelle a pour but de prélever les premiers
relais ganglionnaires de drainage afin d’épargner un curage extensif et de limiter les effets secondaires. En cas
d’absence d’atteinte ganglionnaire significative, le curage pourra être évité. La technique la plus fiable com-
porte une injection, la veille de l’intervention, d’un traceur radioactif à proximité de la tumeur, puis le jour
de l’intervention d’un colorant vital et seul(s) le(s) ganglion(s) coloré(s) et/ou radioactif(s) et/ou suspect(s)
cliniquement est (sont) prélevé(s) et examiné(s). En cas d’atteinte histologique, le curage ganglionnaire sera
complété de façon à préciser l’importance de celle-ci.
6.2.2. Radiothérapie loco-régionale
- L’intérêt de la radiothérapie dans le cancer du sein est de diminuer le risque de récidive loco-régionale et d’aug-
menter ainsi la survie globale des patientes. - La radiothérapie mammaire est systématique après une chirurgie conservatrice. Elle associe une radiothérapie
externe de l’ensemble du sein et un complément d’irradiation sur le lit opératoire (« boost ») par des photons
ou des électrons ou une curiethérapie interstitielle. La radiothérapie pariétale (après mastectomie) associée à un
complément de dose dans le lit opératoire est indiquée en présence de plusieurs facteurs de mauvais pronostic (à
titre indicatif: les tumeurs de plus de 5 cm, atteinte ganglionnaire (pN+), âge jeune (< 35 ans), grade III, présence
d’emboles tumoraux. - Les effets aigus de la radiothérapie externe comprennent essentiellement un érythème cutané, pouvant aller
jusqu’à une épidermite exsudative en fin de radiothérapie. Parmi les effets secondaires tardifs (survenant au-delà
de 6 mois après la radiothérapie), l’hyperpigmentation, la fibrose mammaire et des douleurs post-thérapeutiques
sont les plus fréquentes. - La radiothérapie des aires ganglionnaires est justifiée en cas d’atteinte ganglionnaire axillaire. Elle comporte une
irradiation du creux sus-claviculaire et de la chaîne mammaire interne.
6.2.3. Traitements adjuvants systémiques
* L’objectif d’un traitement adjuvant est de détruire des micro-métastases à distance qui ne sont pas décelées par le
bilan d’extension. L’efficacité des traitements adjuvants en termes de réduction desrechutes et de réduction de la
mortalité par cancer du sein est établie.
- Ces traitements adjuvantsincluent trois familles d’agents qui seront proposées, et quelques fois associées, en fonc-
tion des caractéristiques tumorales et des facteurs pronostiques et prédictifs. Les principaux traitements utilisés
sont (rappel de l’item 294):
6.2.3.1. Traitements adjuvants anti-hormonaux
* Un traitement anti-hormonal (paradoxalement appelé hormonothérapie) peut comporter un traitement par:
- Anti-œstrogènes: tamoxifène
Il agit par liaison compétitive aux récepteurs aux œstrogènes au niveau des cellules mammaires, tout en
possédant des effets estrogéniques sur d’autres tissus(os, endomètre…).
Les effets indésirables sont dominés par une majoration des bouffées de chaleur, une prise de poids, des
leucorrhées, des accidents thromboemboliques et une augmentation du risque de cancer de l’endomètre.- Inhibiteurs de l’aromatase : anastrozole, létrozole, exémestane
Ils inhibent la conversion des stéroïdes surrénaliens (androgènes) en œstrogènes dans les tissus périphériques.
Ils n’ont pas d’effet sur la production d’œstrogènes par les ovaires et leur administration est donc réservée
à la femme ménopausée. Les principaux effets secondaires sont des bouffées de chaleur, des arthralgies, une
dyslipidémie et une ostéoporose.
6.2.3.2. Chimiothérapie (néo)adjuvante
* La chimiothérapie peut être réalisée après la chirurgie: elle est dite adjuvante.
* Elle peut être réalisée avant la chirurgie en cas de tumeur volumineuse par rapport au volume mammaire ou en
cas de cancer du sein localement avancé (à titre indicatif: tumeurs de plus de 5 cm, cancers du sein inflamma-
toires): elle sera alors néo-adjuvante.
- Les effets secondaires sont fréquents et traités dans l’item 294. Pour mémoire, les principaux sont:
- toxicité veineuse justifiant la mise en place d’un site d’accès veineux central;
- toxicité hématologique (leucopénie et neutropénie) avec un risque d’infection;
- toxicité cutanée, sur les muqueuses et sur les phanères (alopécie, quasimentconstante);
- nausées et vomissements dont la prévention est assurée selon les chimiothérapies prescrites par l’emploi de
sétrons, de corticoïdes et d’un inhibiteur NKl; - ménopause induite dépendant de l’âge au moment du traitement et altération de la fertilité;
- neurotoxicité pour les taxanes;
- cardiotoxicité dépendant de la dose cumulative pour les anthracyclines;
- risque de leucémie secondaire dépendant des types de chimiothérapies et des doses utilisées.
6.2.3.3. Thérapie ciblée par anticorps anti-HER2: trastuzumab
Il s’agit d’un anticorps humaniséreconnaissant un récepteur dela famille des récepteurs des facteurs decroissance
épithéliaux, HER2, exprimé par environ 15 % des cancers du sein.
La toxicitéest essentiellement lerisque de développer unetoxicitécardiaque qui justifie un contrôle dela fonction
cardiaque pendant la durée d’administration du trastuzumab par échographie ou par scintigraphie cardiaque
(évaluation de la fraction d’éjection ventriculaire).
6.2.4. Prise en charge de formes cliniques particulières
* Cancer du sein inflammatoire
Le diagnostic repose sur la clinique : inflammation cutanée (rougeur, chaleur, œdème), peau d’orange,
augmentation du volume mammaire et parfois douleur. C’est une urgence diagnostique, la mammographie
bilatérale associée à une échographie mammaire et des aires ganglionnaires doivent être faites en urgence avec
biopsie si indiquée (cf paragraphe 3.4). La (le) patient(e) doit être rapidement référé(e) dans un centre spécialisé.
* Carcinomein situ
Il s’agit d’une lésion pré-cancéreuse dans laquelle les cellules tumorales n’ont pas franchi la membrane basale. Le
risque métastatiqueest nul, il n’y a pas lieu de faire de bilan d’extension. Seuls un traitement local (chirurgie+/
radiothérapie) est à envisager.
6.3. Principes de traitement des formes métastatiques
* Dans 1 % à 35 %* des cas selon les cohortes, le diagnostic de maladie métastatique est synchrone du diagnostic de
tumeur mammaire primitive.
* Pour comprendre ces chiffres très variables : dans les cohortes de patientes pour lesquelles le cancer est
découvert par mammographie de dépistage, c’est < 5 % de patientes métastatiques d’emblée ; dans les
cohortes de patientessuivies en oncologiemédicale, le pourcentage peut atteindre 35 % !* Le délai entre le diagnostic initialet l’apparition des métastases est variable, mais le risque est plus important lors
des 5 premières années, voire dans les 2-3 premières années pour les cancers triple-négatifs.
- Les suspicions de métastase justifient une confirmation histologique à chaque fois que possible. Les sites métas-
tatiques par ordre de fréquence sont: os, peau, ganglions, foie, plèvre/poumon. Les métastases cérébrales sont
fréquentes dans certains sous-types comme les HER2-positifs.
* La réalisation d’un bilan d’extension complet par scanner thoraco-abdomino-pelvien et scintigraphie osseuse ou
par TEP-TDM en cas de détection d’une lésion métastatique s’impose, de même que la recherche d’un deuxième
cancer du sein primitif ou d’une récidive locale (examen clinique, mammographie, échographie mammaire). Le
bilan biologique comportera: numération formule sanguine et plaquettaire, bilan de coagulation, calcémie corri-
gée, bilan hépatique, créatininémie +/- CA 15.3 (cf supra).
- Les traitements systémiques sont privilégiés et permettent d’améliorer la survie ainsi que la qualité de vie. Selon
les cas seront préconisés: - une hormonothérapie, souvent associée à une thérapie ciblée;
- une chimiothérapie, souvent une mono-chimiothérapie;
- des traitements à base de thérapies anti-HER2 (par exemple sous formes d’anticorps anti-HER2 associés à une
chimiothérapie). - Les traitements locaux ne sont pas systématiques et sont discutés au cas par cas.
- Dans cette situation, la stratégie thérapeutique a un objectif non curatif, mais certaines patientes peuvent obtenir
de longues survies.
6.4. Soins de support
* De nombreux soins de support permettent d’améliorer la qualité de vie des patient(e)s mais aussi, dans certains
cas, d’augmenter leur survie globaleet spécifique.Ilest doncindispensable de les proposer au mêmetitre queles
traitements spécifiques oncologiques.Deux types de soins de support détaillés ci-dessous sont très fréquemment
utilisés dans le cadre des cancers du sein (rappel de l’item 295).
6.4.1.. Bisphosphonates et dénosumab
- Plus de la moitié des cancers du sein métastatiques présentent une atteinte osseuse. Bisphosphonates ou dénosu-
mab sont systématiquement indiqués en cas de métastases osseuses et ont pour objectif de diminuer les compli-
cations induites par ces métastases (fractures, compressions médullaires, douleurs …). - Les bisphosphonates sont également indispensables en cas d’hypercalcémie (dyscalcémie).
- Les deux principaux effets secondaires sont le risque d’ostéonécrose de la mâchoire et le risque d’hypocalcémie.
Un bilan bucco-dentaire est systématique avant toute prescription.
6.4.2. Activité physique adaptée - Une activité physique adaptée et régulière permet, chez les patientes qui ont eu un cancer du sein localisé, de
diminuer la mortalité et le risque de récidive et d’agir sur les symptômes liés au cancer et aux effets indésirables
des traitements. - Une situation de déconditionnement à l’effort résulte de l’adaptation de l’ensemble des systèmes de l’organisme
à un état de moindre activité et de faible dépense énergétique. Le processus de déconditionnement peut aboutir à
un état d’intolérance à l’exercice qui secaractérise par la survenuerapide d’un état de fatigueinvalidant, imposant
la réduction ou l’arrêt d’activités de la vie quotidienne.Différents signes peuventévoquer un déconditionnement
à l’effort chez un patient atteint de cancer: - une asthénie retentissant sur les activités de la vie quotidienne (activité physique habituelle, reprise du
travail…) ; - une modification du poids (prise ou perte) non directement liée au cancer;- une tachycardie au repos;
- une diminution dela toléranceà l’effort, une dyspnée au moindreeffort (sous réserve queles autres diagnostics
- anémie, embolie pulmonaire … - ne soient pas retenus);
- une diminution de la force et/ou de la souplesse et/ou de l’endurance musculaire;
- une atrophie musculaire, des douleurs musculo-squelettiques à l’effort.
- L’identification d’une situation de déconditionnement à l’effort permet de proposer un bilan complémentaire
spécialisé et un réentrainement à l’effort. Une prescription d’activité physique adaptée à la pathologie, individua-
lisée, réaliste et réalisable permet de lutter contre le déconditionnement à l’effort (cf item 249).
6.5. Suivi des patient(e)s présentant un cancer du sein
6.5.1.. Cancer du sein localisé traité
* Une consultation de suivi en cancérologie (d’après les recommandations de l’INCa) dans le cadre d’un cancer
du sein localisé a plusieurs objectifs :
- détecterlesrécidiveslocales ou à distanceet la survenue d’un nouveau cancer du sein homo ou controlatéral;
- rechercher et gérer les complications tardives liées aux traitements et les séquelles, veiller à la qualité de vie,
encourager l’observance du traitement hormonal;
- organiser les soins de support nécessaires;
- permettre un accompagnement médicosocial et une aide à la réinsertion professionnelle;
- détecter précocement un second cancer;
- avoir une approche médicale globale sur les différents risques à prévenir pour la santé (en priorité,
accompagnement à l’arrêt du tabac, encouragement de la pratique d’une activité physique, mise à jour de la
vaccination…).
* Le suivi consiste en :
- un examen clinique (palpation des seins, des aires ganglionnaires, surveillance des cicatrices) doit être réalisé
tous les 3 à 6 mois pendant 5 ans puis tous les ans à vie;
le seul examen radiologique recommandé est la mammographie bilatérale (sous réserve d’absence de
mastectomie!) et échographie mammaire annuelle à vie.6.5.2. Cancer du sein métastatique
- La surveillance est variable et elle est adaptée aux traitements proposés, à l’évolutivité tumorale, aux sites métas-
tatiques.
- Épidémiologie
1.1. Épidémiologie et pronostic des tumeurs bénignes
* Les tumeurs bénignes (fibrothécome, cystadénome séreux ou mucineux…) sont définitivement guéries après
exérèse chirurgicale.
1.2. Particularités épidémiologiques et pronostiques du cancer
de l’ovaire
* Le cancer de l’ovaire est une tumeur rare (avec: 5193 cas de cancers de l’ovaire ou des annexes en France en
2018). Le taux d’incidence est de 15/100 000 femmes. C’est la première cause de décès par cancer gynécologique
en France (3 479 décès en 2018) et dans les pays développés.
- Les cancers épithéliaux de l’ovaire (adénocarcinomes, qui représentent plus de 90 % des cancers de l’ovaire) sur-
viennent le plus souvent chez la femme ménopausée avec un âge moyen de 65 ans au diagnostic. Les tumeurs
dérivées de la lignée germinale sont généralement rencontrées chez des femmes jeunes.
- Malgré une diminution de l’incidence de 8 % sur les 10 dernières années et de 1,8 % de mortalité par an, le pro-
nostic des tumeursépithéliales reste sombre avec un taux desurvie à 5 ans de 35 %. - Cette gravité est le fait d’un diagnostic souvent tardif(70 % des cas sont diagnostiqués à un stade avancé) et de
l’absence desymptômes spécifiques précurseurs. Il n’y a pas de possibilité de dépistage efficace dans la population
générale. - Pourtant, lorsque le diagnosticest précoce (alors que latumeurépithéliale est limitée aux ovaires), les chances de
guérison sont réelles avec une survie à 5 ans de l’ordre de 90 %. - Les tumeurs germinales sont de meilleur pronostic que les tumeurs épithéliales et le diagnostic est plus souvent
fait à un stade précoce. - Il est important devant toute symptomatologie abdominale et/ou pelvienne mal expliquée, de savoir penser
au cancer de l’ovaire et de pratiquer un examen gynécologique approprié complété par une échographie
abdomino-pelvienne qui est le maître examen du diagnostic decette affection. - Les tumeurs demalignitéintermédiaire dite« borderline» peuvent donner desimplants péritonéaux non inva-
sifs et évoluer vers des tumeurs invasives de bas grade. Néanmoins elles sont de bon pronostic en cas d’exérèse
complète au stade non-invasif.
2.1. Présentation clinique
- Du fait de la situation profonde des ovaires, ces tumeurs peuvent atteindre un volume important avant de provo-
quer des symptômes qui sont très variéset nesont jamais spécifiques. Trois quarts descas sont diagnostiqués à un
stade avancé de carcinose péritonéale.
* Un cortège clinique d’ascite, distension abdominale, de masse pelvienne/masse abdominale fixée et de nodules
palpables au niveau de la paroi abdominale (tuméfaction pariétale) est très évocateur de cancer del’ovaire.
* Les principaux symptômes sont les suivants:
- des douleurs pelviennes ou des douleurs abdominales irradiant dans les régions lombaires ou inguinales;
- une augmentation progressive du périmètre abdominal pouvant être due au volumetumoralet/ou à del’ascite;
- des saignements ou des pertes génitales anormales;
- des troubles dus à la compression des organes adjacents, provoquée parla tumeur plus ou moinsenclavée dans
le petit bassin : troubles du transit, syndrome sub-occlusif, dysurie, pollakiurie, plus rarement œdèmes des
membres inférieurs, phlébite des membres inférieurs ou sciatalgie;
- une dyspnéeen cas d’épanchement pleural concomitant à de l’ascite;
- parfois, il s’agit simplement d’un inconfort abdominal associé à une discrète altération de l’état général.
* Devant une symptomatologie aussi vague et peu caractéristique notamment après la ménopause il faut savoir
penser au cancer de l’ovaire et procéder à un examen gynécologique.
2.2. Examen clinique
* Il comprend l’inspection et la palpation de l’abdomen et des aires ganglionnaires à la recherche:
- d’une distension abdominale liée à la tumeur dont le pôle supérieur est palpé au-dessus de la symphyse
pubienne, ou à de l’ascite. On peut également palper des nodules péritonéaux indurés qui peuvent former un
« gâteau tumoralépiploïque» s’ils sont nombreux et volumineux;
- parfois l’inspection découvre un nodule ou uneinduration ombilicale appelée« nodule de Sœur Mary Joseph»
qui correspond à une infiltration cancéreuse de l’ombilic;
- d’adénopathies inguinales ou sus-claviculaires.
* La suite del’examen comprend un examen gynécologique:
- au spéculum : le col a un aspect normal; il peut y avoir des métrorragies et parfois le col peut être dévié et
abaissé;
- la masse annexielle ou des nodules péritonéaux peuvent être perçus lors des touchers pelviens à travers le cul-
de-sac vaginal. Aux stades avancés, il peutexister un« blindage» pelvien induré. Généralement les paramètres
ne sont pas infiltrés.
* L’examen cliniqueàluiseul ne permet pas d’affirmerlecaractère malin d’unemasse pelvienne ou annexielle ;
en revanche, 4 éléments cliniques permettent de fortement l’évoquer:
- la présence d’une ascite;
- la fixité et la dureté aux touchers pelviens;
- des nodules palpables de la paroi abdominale, de l’ombilic ou du cul-de-sac de Douglas;
- l’altération de l’état général.
- Anatomo-pathologie des tumeurs de l’ovaire
A 3.1. Physiopathologie des cancers de l1ovaire
* Les facteurs de risque des cancers ovariens sont liés à la vie reproductive ou sont d’origine génétique. Le risque
de cancer de l’ovaire a été clairement montré comme inversement proportionnel au nombre total d’ovulations
au cours de la vie génitale. Il a été évoqué que la stimulation de la surface ovarienne par des ovulations ininter-
rompues au cours de la vie génitale favoriserait la transformation maligne de l’épithélium ovarien (« théorie de
l’ovulation incessante »).
* Les antécédents familiaux de cancers du sein et/ou de l’ovairereprésentent le facteur de risque le plus important
des cancers de l’ovaire (voir 4.1.2).
3.2. Principaux types de tumeurs primitives bénignes et malignes
de l’ovaire
3.2.1. Rappel anatomique
- L’ovaire est une glande mixte constituée de plusieurs tissus aux fonctions différentes. Il est revêtu par un épithé-
lium pavimenteux ou cubique simple. L’ovaire comprend deux zones: la corticale et la médullaire. - La zone corticale est épaisse, située à la périphérie, elle comporte des follicules ovariens contenant les ovocyteset
le stroma ovarien. - La zone médullaire située au centre de l’ovaire est faite d’un tissu conjonctif lâche. Elle contient des nerfs, des
vaisseaux sanguins et lymphatiques (Figure 1).
Chacun de ces tissus peut être à l’origine d’une transformation tumorale bénigne ou maligne, ce qui explique la
très grande variété des lésions ovariennes. - On distingue 3 types histologiques principaux en fonction de l’origine de la tumeur:
- lestumeursépithéliales ovariennes développéesà partir dela surfaceépithéliale du stroma (les plus fréquentes:
90 % des tumeurs organiques); - les tumeurs des cellules germinales;
- les tumeurs des cordons sexuels et du stroma gonadique.
3.2.2. Les tumeurs bénignes
* Les tumeurs bénignes regroupent des tumeurs fonctionnelles et les tumeurs organiques.
* Les tumeurs bénignes sont les tumeurs les plus fréquentes et il s’agit le plus souvent de tumeurs fonctionnelles.
* Les tumeurs fonctionnelles correspondent à des kystes folliculaires quisurviennenten première partie decycle et
les kystes du corps jaune (ou kystes lutéaux) qui apparaissent en deuxième partie de cycle (après l’ovulation). Ils
disparaissent spontanément lors du contrôle échographique et ne nécessitent aucun traitement.
* Les tumeurs bénignes organiques peuvent être d’origineépithéliale (casle plus fréquent): il s’agit d’adénomes ou
decystadénomes (en cas decomposante kystique). Les autres origines sont issues descellules germinales (ex.: les
kystes dermoïdes, les tératomes matures) ou dérivées du stroma (fibrothécomes).
3.2.3. Les tumeurs malignes
- Les formes histologiques les plus fréquentes sont les tumeurs épithéliales de type adénocarcinome qui repré-
sentent plus de 3/4 des tumeurs ovariennes malignes primitives. Elles sont volontiers bilatérales. On parlera de
cystadénocarcinome s’il y a une composante kystique et de tumeur papillaire s’il y a une architecture papillaire,
c’est-à-dire dessinant des projections bordées de cellules épithéliales et centrées par un axe conjonctif.
- En plus de l’histologie, les tumeurs seront caractérisées en fonction de leur différenciation cellulaire (grade cel-
lulaire) leur conférant des pronostics différents.
3.3.1.. Les tumeurs épithéliales de l’ovaire
* Ces tumeurs sont développées à partir de l’épithélium qui recouvre les ovaires et qui est en continuité avec la
séreuse péritonéale.
* De cet épithélium naissent les tumeurs épithéliales qui rendent compte de 90 % des cancers de l’ovaire. Celles-ci
peuvent être bénignes (dans 50 % des cas), malignes (dans 35 % des cas) ou à malignité atténuée, dites encore
«frontières» ou«borderline» (15 % des cas). Ces dernières tumeurs sont une entité particulière, situées entre les
lésions morphologiquement bénigneset les tumeurs malignes mais sans infiltration du stroma. Le diagnostic doit
être fait sur la lésion ovarienne même s’il y a des implants à distance.
* La répartition des sous-types histologiques des cancers épithéliaux de l’ovaire est présentée dans le Tableau 1. En
fonction de la différenciation cellulaire (haut ou bas grade), les adénocarcinomes séreux et endométrioïdes ont
des pronostics différents.
Tableau 1. FRÉQUENCE DES SOUS-TYPES HISTOLOGIQUES DES CANCERS ÉPITHÉLIAUX DE L’OVAIRE
Fréquence des tumeurs endomé- à cellules
à cellules
indifféséreux mucineux transition- mixtes
épithéliales selon les trioïde claires
nelles
renciés
sous-types histologiques
OMS 46% 36% 8% 3% 2% 2% 3%
3.3.2. Les tumeurs non épithéliales de l’ovaire
* Elles sont beaucoup plus rares.
- La lignée germinale peutêtre àl’origine deséminomes, de dysembryomes plus ou moins matureset de choriocar-
cinomes. Ces tumeurs surviennent plus volontiers chez la femmejeune. - Les tissus de soutien et les thèques sont à l’origine des tumeurs des cordons sexuels et du stroma gonadique
comme les tumeurs de la granulosa, les fibrothécomes ou de tumeurs à cellules de Leydig ou de Sertoli qui sont
souvent responsables d’une sécrétion hormonale anormale. - Enfin, l’ovaire peut être le siège de tumeurs secondaires, métastases d’autres cancers. En cas de tumeur bilatérale
mucineuse il faut rechercher de principe une origine digestive colorectale ou gastrique (syndrome de Kruken-
berg).
3.4. L’intérêt diagnostique et pronostique de l’anatomie pathologique * Grâce à l’apport de la génomique, des profils moléculaires spécifiques tumoraux correspondant à des profils pro nostiques différents ont été identifiés et certaines anomalies moléculaires sont des cibles thérapeutiques spéci fiques.
* Ainsi, par exemple, les carcinomes séreux de haut grade présentent dans plus de 90 % des cas une mutation du gène P53 et dans environ 20 % des cas une inactivation des gènes BRCAl/2 par mutation ou par hyper-méthyla tion. En cas d’anomalie tumorale des gènes BRCA 1/2, des traitements ciblant la réparation de !’ADN (i.e. inhibi
teur de PARP) sont envisagés.
4.1. Principaux facteurs de risque/protecteurs associés au cancer de l’ovaire 4.1..1.. Facteurs environnementaux
* Dans la majorité des cas, le cancer de l’ovaire est sporadique.
* Certains facteurs de risque liés à la reproduction et aux traitements hormonaux de synthèse ont été identifiés : - une puberté précoce ; - une ménopause tardive ; - un traitement de stimulation de l’ovulation pour infertilité ; - un traitement hormonal substitutif de la ménopause.
* À l’opposé, plusieurs facteurs liés au système reproducteur et à l’allaitement seraient protecteurs comme l’usage de contraceptifs oraux, une ligature des trompes, une hystérectomie, un nombre élevé de grossesses et une durée
d’allaitement d’au moins 6 mois (Tableau 2).endométriose fdr
4.1..2. Facteurs de risque familiaux * Le cancer de l’ovaire est d’origine héréditaire chez 10 à 20 % des patientes. * Les antécédents personnels de cancer du sein avant l’âge de 50 ans ou des antécédents familiaux (entre parents au premier degré} de cancer de l’ovaire, du sein, de l’endomètre ou du côlon font évoquer une prédisposition familiale au cancer de l’ovaire qui impose systématiquement une consultation d’oncogénétique systématique ment. Toutefois une forme héréditaire peut exister même en l’absence d’antécédent et une consultation d’onco génétique peut également être proposée pour toute tumeur épithéliale de haut grade en l’absence d’antécédents familiaux et quel que soit l’âge.
* Le syndrome sein-ovaire par mutation constitutionnelle BRCAI ou BRCA2 rend compte de 80 % des formes héréditaires. Pour les femmes porteuses de la mutation BRCAl, le risque estimé de développer un cancer de l’ovaire au cours de la vie se situe entre 26 et 54 %. Il se situe entre 10 et 23 % pour celles porteuses de la mutation BRCA2. La transmission de ces mutations est autosomique dominante. Une consultation d’oncogénétique et/ou une recherche mutationnelle tumorale sont ainsi systématiquement réalisées chez les patientes diagnostiquées.
* D’autres syndromes sont moins fréquents comme le syndrome de Lynch, associant des cancers avec des instabi
lités microsatellitaires (MSI) ( dont les plus fréquents sont les cancers du côlon et de l’ endomètre}.* L’endométriose a été associée du point de vue épidémiologique aux cancers de l’ovaire. Ce risque est néanmoins faible ( < 1 % des patientes ayant une endométriose développeront un cancer de l’ovaire). Ce lien concerne princi
palement des sous-types histologiques rares: carcinome endométrioïde et carcinome à cellules claires.
B 4.2. Indications de l’imagerie d’une tumeur de l’ovaire (bilan pré-thérapeutique)
4.2.1. Échographie Devant une masse ovarienne, l’échographie pelvienne est un examen diagnostique clé.
4.2.1.1. Technique
* Elle doit se faire par voie sus-pubienne à vessie pleine et par voie transvaginale à vessie vide. Elle doit être complé tée par une échographie abdominale. Elle peut éventuellement bénéficier de l’apport de l’écho-doppler couleur.
* Elle permet d’explorer les ovaires et l’utérus, ainsi que la cavité péritonéale, le foie, les reins et dans des circons tances favorables les chaînes ganglionnaires rétropéritonéales.
4.2.1.2. Résultats
* C’est un examen très sensible ; cependant seule l’analyse histologique de la lésion affirmera son caractère bénin ou malin.
* L’échographie permet le plus souvent de faire le diagnostic de masse annexielle et de caractériser sa structure : - aspect liquidien pur en faveur de kystes ; - solide, plus ou moins homogène ; - mixte, plus ou moins hétérogène.
* Le signe majeur en faveur de la malignité est la présence d’irrégularités de la paroi interne ou externe de la masse qui peuvent prendre l’aspect de végétations plus ou moins épaisses et plus ou moins confluentes (Figure 3).
* L’écho-doppler est intéressant pour explorer la vascularisation du kyste, de ses cloisons et/ou de ses végétations: la néovascularisation qui accompagne les lésions néoplasiques se caractérise par sa richesse (hypervascularisation)
et la vitesse de circulation sanguine (diminution de la résistivité).* La constatation de signes suspects, en particulier l’hétérogénéité et les végétations, doit faire compléter l’explo ration aux niveaux pelvien et abdominal.
* L’autre ovaire et l’utérus doivent être examinés, car la bilatéralité des lésions malignes est fréquente et des méta stases au niveau de l’endomètre sont possibles.
* Le cul-de-sac de Douglas doit faire l’objet d’une attention particulière, car du liquide d’ascite peut s’y accumuler et l’on peut y retrouver des nodules de carcinose.
* L’exploration abdominale doit être complète et rechercher un épanchement liquidien à l’étage supérieur (rétro et sous-hépatique, espace de Morisson) ainsi que des nodules de carcinose au niveau des coupoles diaphragma tiques, du péritoine pariétal et de l’épiploon.
* Le foie doit être examiné; il est souvent le siège de nodules sur la capsule de Glisson, plus rarement de métastases in tra -parenchymateuses.
* Les reins sont rarement intéressés ; on recherchera cependant une dilatation de leurs cavités par compression des uretères pelviens.
* Enfin, si la morphologie le permet, une exploration des chaînes ganglionnaires rétro-péritonéales peut mettre
en évidence des adénomégalies pelviennes ou lombo-aortiques.
- Critères de malignité des masses annexielles: * Taille > 6 cm * Parois épaisses et Irrégulières * Contenu hétérogène/ cloisons intrakystiques * Végétation endo et/ou exo-kystiques * Hypervascularisation centrale (doppler) * Bilatérallté (atteinte de l’ovaire controlatéral) * Masses solides ou mixtes * Ascite
- Implants péritonéaux, gâteau épiploique
echo
4.2.2. IRM * Lorsque l’échographie est incertaine ou indéterminée, l’IRM est le meilleur examen pour caractériser une tumeur ovarienne isolée+++ alors que le scanner pelvien seul n’a aucun intérêt (Figure 4) - le contenu hématique des kystes endométriosiques a un signal assez caractéristique à l’IRM qui permet d’orienter vers ce diagnostic dans un contexte clinique évocateur;
- les différents temps d’injection permettent avec une forte probabilité d’écarter ou d’affirmer le diagnostic de malignité;
- on réservera l’IRM pour l’exploration des masses ovariennes isolées ; elle n’est pas nécessaire en routine pour caractériser une masse ovarienne lorsque l’échographie suspecte d’emblée une maladie avancée avec carcinose
péritonéale.
4.2.3. Scanner * Lorsque l’échographie et/ou l’IRM sont fortement suspects de malignité, la réalisation d’un scanner thoraco abdominal est nécessaire pour le bilan d’extension (Figure 5).
* Il permet d’apprécier au mieux l’importance et la distribution de la carcinose péritonéale surtout à l’étage supé rieur de l’abdomen et d’explorer les chaînes ganglionnaires rétro-péritonéales, pelviennes et lombo-aortiques.
* Les coupes abdominales hautes permettent d’évaluer l’étendue de l’atteinte sus-mésocolique, en particulier au niveau de l’espace inter-hépato-diaphragmatique.
* Les coupes thoraciques complètent le bilan d’extension à la recherche notamment d’un épanchement pleural, fréquemment associé dans les stades IV, et/ou de ganglions médiastinaux voire sus-claviculaires.
* Le kyste dermoïde peut être diagnostiqué grâce au scanner, lequel met facilement en évidence son contenu grais seux caractéristique ainsi que la présence de calcifications qui sont visibles dès la radiographie d’abdomen sans
préparation.
4.2.4. TEP-TOM * Le TEP-TDM n’a pas d’indication en routine dans le cadre du diagnostic du cancer de l’ovaire. Il peut être utile dans le suivi, en cas de suspicion de rechute avec un scanner normal et pour faire le bilan d’extension en cas de
récidive (si une chirurgie est envisagée).
4.3. Indications de la coelioscopie * Le diagnostic de certitude anatomo-pathologique est chirurgical dans la grande majorité des cas. * Dès que le diagnostic de masse annexielle organique est évoqué, une exploration chirurgicale - idéalement par coelioscopie (ou laparoscopie) - s’impose.
* Pour les tumeurs de moins de 10 cm, la coelioscopie est la voie d’abord privilégiée. Pour les tumeurs plus volumi
neuses et de diagnostic incertain, la laparotomie est réalisée afin d’éviter de rompre la tumeur.* À l’opposé, en cas de suspicion de carcinose péritonéale, la coelioscopie ne sera que diagnostique pour évaluer la résécabilité chirurgicale. En effet seule les patientes présentant une carcinose dite résécable en totalité peuvent bénéficier d’une chirurgie de réduction tumorale maximale réalisée par laparotomie médiane.
Lorsque la carcinose est jugée inextirpable (Figure 6), seules des biopsies tumorales sont effectuées en volume suffisant pour l’analyse tumorale et la recherche de mutation somatique (BRCA). Dans cette situation le traitement
débutera par une chimiothérapie dite néo-adjuvante.
Il est essentiel de savoir qu’il existe une CONTRE-INDICATION ABSOLUE à la réalisation d’une biopsie trans-pariétale ou trans-vaginale d’une masse annexielle suspecte isolée. Elle peut être responsable
d’un risque de dissémination et de propagation ++.
- La preuve et l’analyse histologique sont donc obtenues: - aux stades précoces (stades FIGO 1 et 2) par exploration chirurgicale (sous laparotomie ou coelioscopie en fonction du risque pré-opératoire de malignité) pour réalisation d’une annexectomie et examen histologique (ATTENTION: il faut éviter autant que possible la rupture des masses annexielles suspectes lorsqu’elles sont d’aspect kystique++);
- aux stades avancés (ou stades FIGO III ou IV) par coelioscopie diagnostique pour réalisation de biopsies.
- Chez des patientes ne pouvant supporter un acte chirurgical ou pour les stades IV radiologiques, la biopsie percu tanée (sous TDM ou échographie d’un nodule de carcinose) est une option qui doit être discutée en RCP.
- L’exploration chirurgicale par coelioscopie en cas de stade avancé permet de réaliser une exploration de l’ ensemble
de la cavité abdominale et de définir si l’ étendue de la tumeur permet une exérèse chirurgicale complète d’emblée.
- Principaux marqueurs sériques et leur bon usage dans les tumeurs de l 1ovaire
5.1. Bilan initial 5.1..1.. En cas de tumeur épithéliale
* Les marqueurs biologiques présents dans les cancers épithéliaux de l’ovaire (CA 125, CA 19-9 et ACE) manquent à la fois de spécificité et de sensibilité. Ils ne sont pas nécessaires pour le diagnostic de tumeur maligne.
* Pour les tumeurs épithéliales, le CA 125 est plus le témoin d’une irritation de la séreuse péritonéale que de la tumeur de l’ovaire. Le CA 19-9 est le plus souvent élevé dans les formes mucineuses. D’autres pathologies, malignes ou non, peuvent être à l’origine d’élévation de ces marqueurs. À l’inverse, leur sensibilité peut être prise en défaut par certaines tumeurs peu différenciées qui ne sécrètent aucun marqueur. En pratique, les dosages des marqueurs tumoraux sont prescrits de façon systématique en cas de suspicion de malignité.
5.1..2. En cas de tumeur de la lignée germinale
* Dans cette situation, les marqueurs sont à la fois plus spécifiques et plus fiables. Ils peuvent également être le reflet du type histologique donc utiles au diagnostic. Ainsi, l’alpha-foetoprotéine et les LDH sont élevés dans les dysembryomes. Les bêta HCG dans les choriocarcinomes.
* Pour les tumeurs des cordons sexuels il faut ajouter le dosage de l’estradiol, de l’hormone anti-Müllérienne et de
l’inhibine B.
5.2. Surveillance * La décroissance des marqueurs tumoraux permet de juger en partie de l’efficacité des traitements médicaux mis en oeuvre.
* Dans le cadre de la surveillance, la mise en évidence d’une élévation du marqueur CA 125 peut correspondre à une récidive. Cette élévation peut précéder les signes cliniques de récidive. Dans la mesure où le traitement par chirurgie complète d’une récidive améliore le pronostic de la patiente, il est important de diagnostiquer tôt la récidive de façon à ce qu’elle soit éventuellement accessible à un traitement chirurgical. Lorsque le CA 125 en fin de traitement est inférieur à 10 UI/ml, toute élévation supérieure à 20 UI/ml contrôlée à 15 jours d’intervalle est
suspecte de récidive.
4.1.2. Hématotoxicité
- Leschimiothérapies sont toxiques surlestroislignées sanguines, et il fautconnaîtreles particularités del’inter-
prétation de l’hémogramme en cancérologie: - la neutropénie est une complication fréquente qui est observée vers le JS post-chimiothérapie. Elle est
considérée comme sévère si les polynucléaires neutrophiles (PNN) sont< 500/mm3
induisant un risque élevé
de fièvre (on parle de neutropéniefébrile qui est une urgence oncologique);
- l’anémie survient au cours des semaines suivant le début du traitement et est une cause fréquente d’asthénie.
Elle est observée plus fréquemment avec certaines chimiothérapies (organoplatines). Elle est généralement
multifactorielle car il s’y associe souvent une carence martiale et une composante inflammatoire;- la thrombopénie est plus rare dans le traitement des tumeurs solides qu’en hématologie. Elle survient un peu
plus tardivement que la neutropénie, souvent après le JlO et peut nécessiter des transfusions plaquettaires
(selon le contexte et le risque hémorragique, habituellement si les plaquettes sont< 20 000/mm 3 ou en cas de
saignement actif).
- La toxicité hématologique des chimiothérapies est une indication aux traitements symptomatiques :
- neutropénie :
► Prophylaxie primaire par G-CSF : - en cas de risque de neutropénie sévère > 20 %;
- à discuter selon le contexte clinique (pathologies associées, sujet âgé, isolement…) en cas de risque
compris entre 10 et 20 %.
► Prophylaxie secondaire en cas de neutropénie< 500/mm3 ou de neutropéniefébrile au cycle précédent. - Anémie:
► Dans tous les cas, il faut au préalable dépister et corriger une carence martiale (dosage de la ferritinémie).
Chez les patients traités pour cancer, les réserves en fer sont habituellement élevées (ferritinémie haute
ou normale) du fait notamment du syndrome inflammatoire, sauf en cas de saignement chronique ou de
chirurgie« lourde». En cas de syndrome inflammatoire existe un défaut de mobilisation des réserves en
fer se traduisant par une CST< 20 % avec une ferritinémieélevée. La correction de la carence martiale se
fait préférentiellement avec du fer IV (carboxymaltoseferrique) qui est pluscommode, mieux toléréet plus
rapidement efficace que le fer oral.
► En cas d’anémie mal tolérée peut se discuter un traitement par érythropoïétine recombinante (EPO)
ou une transfusion. L’EPO n’est pas indiquée chez les patients ne recevant pas de chimiothérapie; son
utilisation doit tenir compte de son rapport risque-bénéfice notamment en situation de curabilité car elle
augmente légèrement le risque thromboembolique.
► De façon schématique, l’EPO est instaurée lorsque l’Hb est< 10 g/dl avec un taux cible de 12 g/dl (elle doit
augmenter de 1 g/dl au bout d’un mois de traitement).
► Les anémiessévères(< 8 g/dl)ontbesoind’êtrecorrigéesrapidementetsont desindicationstransfusionnelles.
ATTENTION : LA TOLÉRANCE DE L’ANÉMIE (et donc les indications d’EPO ou de transfusion) S’ÉVALUE
CLINIQUEMENT +++ (une anémie à 8 g/dl d’installation progressive peut être bien mieux tolérée qu’une
anémie à 9 g/dl d’apparition rapide).
4.1.3. Fatigue chronique
* L’asthénie, associée ou non à une anémie, est une plainte fonctionnelle majeure au mêmetitre quela douleur.Elle
concerne, suivant les localisations et les stades, 50 à 80% des patients.
* Les causes curables doivent être éliminées au premier rang desquelles figurent l’anémieet la carence martiale.
* Les autres causes qui doivent être recherchées sont :
- un syndrome dépressif;
- une hypothyroïdie, classiquement fréquente après traitement d’un cancer du sein ou ORL;
- une altération du statut nutritionnel ou unecarence vitaminique (ne pas oublierlescarencesen vitamine D qui
sont fréquentes dans la population générale).
* Dans un grand nombre de cas, aucune cause évidente n’est retrouvée. La physiopathologie de ce syndrome reste
mal comprise (syndrome inflammatoire, désadaptation à l’effort après une inactivité prolongée).Un programme
d’activité physique adaptée peut apporter une amélioration significative.
4.1.4. Toxicités cutanéo-muqueuses
* Il s’agit essentiellement de l’alopécie, induite par certaines chimiothérapies, et de la mucite (inflammation des
muqueuses +/- aphtes).Ceseffets secondaires sont expliqués par l’effet des cytotoxiques sur les tissus à renouvel-
lement rapide.
- L’alopécie peut être prévenue dans certains cas par le port d’un casque réfrigérant pendant la séance
de chimiothérapie ; il agit par le biais d’une vasoconstriction du cuir chevelu qui réduit la diffusion des
cytotoxiques.Il ne faut pas oublier la prescription d’une prothèse capillaire dont une partie est prise en charge
par les organismes de Sécurité Sociale. - Les mucites peuvent être sévères et gêner l’alimentation, ce qui contribue à la détérioration du statut
nutritionnel. Elles sont prévenues par une hygiène bucco-dentaire rigoureuse (dans certains cas, notamment
en cas de radiothérapie pour une tumeur ORL, des soins dentaires doivent être pratiqués avant de débuter
le traitement) et par des bains de bouche bicarbonatés. Les aphtes sont généralement secondaires à une
surinfection fongique sur une muqueuse fragilisée ; ils sont traités par des antifongiques locaux.Il ne faut pas
méconnaître les récurrences herpétiques. - Certains traitements, comme les inhibiteurs de I’Epidermal Growth Factor Receptor (EGFR) mais aussi d’autres
thérapeutiquesciblées, peuvent êtreresponsables derash cutané, d’éruption acnéiforme, d’irritation palma-plan-
taire ou de xérose cutanée. Pour ces patients, l’éducation thérapeutique est essentielle: choix des produits de
toilette, application de crèmes émollientes. Certains services ont recours aux compétences d’une psycho-socio-
esthéticienne ayant une formation spécifique pour ce type de situations.
4.1.5. Oncofertilité
- La préservation de la fertilité (recueil de sperme, congélation ovocytaire …) doit être proposée avant tout traite-
ment en particulier chez l’enfant et l’adulte jeune, à fortiori chez les patients n’ayant pas d’enfant. - Les indications sont plus complexes chez la femme que chez l’homme car elles doivent tenir compte du type de
cancer et de son projet thérapeutique ainsi que de l’âge de la patiente et de sa réserve ovarienne. La décision est
prise en consultation d’oncofertilité, avec l’oncologue référent. - Il n’est cependant pas possible de la réaliser dans certaines situations: urgence thérapeutique, état général altéré.
4.1.6. Médecines complémentaires et alternatives (MCA)
* Selon la terminologie de !’OMS, les MCA regroupent «des approches, des pratiques, des produits de santé et
médicaux, qui ne sont pas habituellement considérés comme faisant partie de la médecine conventionnelle ».
Certaines équipes (et de nombreux patients) y ont recours.On peut, par exemple, citer l’acupuncture ou !’auri-
culothérapie pour les NVCI. Certaines de ces thérapeutiques alternatives ont fait l’objet d’essais cliniques bien
conduits et peuvent aider au contrôle de certains symptômes.
* Il faut être vigilant avec l’automédication, par exemple concernant des produits de phytothérapie qui peuvent
être responsables d’interactions pharmacologiques (exemple classique du millepertuis), ainsi qu’avec les régimes
restrictifs («jeûne thérapeutique ») qui peuvent majorer la dénutrition.
* Dans des cas plus rares, des patients ont pu se détourner de traitements actifs pour privilégier des MCA d’utilité
non démontrée.
A 4.2. Les soins palliatifs et l’arrêt des traitements actifs
Item 295
- Les situations palliatives s’observent au cours de l’évolution des cancers avancés. Les soins palliatifs ont pour
objet d’améliorer la qualité de vie, quel que soit le stade de la maladie, même en dehors des situations de fin de
vie.Aussi, en phase métastatique, en dehors des derniers mois de vie, la distinction entresoins desupportet soins
palliatifsest parfois floue. Lessoins palliatifs sont des soins actifs délivrés dans une approche globale. Leur objectif
premierest desoulager les douleurs physiques mais ils prennenten compteles autres symptômes, y compris dans
leur dimension de souffrance psychologique, sociale et spirituelle.
- L’accompagnement des patients en fin de vie se fait dans le respect des lois du 22/04/2005 (loi Leonetti) et
du 02/02/2016 (loi Leonetti-Clays) relatives aux droits des malades et de la fin de vie. Elles imposent le respect
de la volonté de la personne en fin de vie (éventuellement par le biais de directives anticipées).Elles interdisent
de provoquer délibérément la mort, mais prescrivent aux médecins de s’abstenir de poursuivre ou de mettre en
œuvre des traitements« déraisonnables». Lorsque la décision est prise d’interrompreces traitements, les soins se
poursuivent mais la priorité pour l’équipe médicale et soignante est d’apaiser la souffrance de la personne.
La décision de priseen charge palliative d’un patient posela question del’arrêt destraitements actifs, notam-
ment lorsqu’ils sont toxiques (chimiothérapies). Cependant, certains traitements antitumoraux peuvent être
utiles même en situation palliative, comme par exemple la radiothérapie antalgique ou hémostatique.On admet
qu’il ne faut pas proposer de traitement actif (en particulierchimiothérapie) aux patients dont l’espérance de vie
est inférieure à 3 mois.Dans cette situation, une chimiothérapie est non seulement inefficace mais peut dégrader
la qualité de vie, voire réduire la survie.
* Les autres critères d’arrêt des traitements actifs sont:
- le souhait du patient;
- l’altération de l’état général (en pratique, si le PS OMS /ECOG est 3 ou 4);
- le rapport risque/bénéfice paraît défavorable à la poursuite du traitement actif;
- l’inefficacité des traitements antérieurs.
- Lessoins palliatifssont paressence pluridisciplinaireset s’adressent tant au malade qu’àses proches, à domicile
ou en milieu hospitalier. - Ils peuventêtre dispensés :
- dans les mêmes filières de soins que celles qui ont accueilli le patient au début de son parcours: par exemple,
intervention d’une Équipe Mobile d’Accompagnement et de Soins Palliatifs dans un service d’oncologie; - en milieu spécialisé: unité de soins palliatifs (USP); il existe aussi des lits identifiés dans les services cliniques,
en dehors des USP; - à domicile lorsque l’entourage et les conditions matérielles (logement…) le permettent.
- Dans le cas de soins palliatifs à domicile, le médecin traitant joue un rôle très important. Il peut s’appuyer sur
plusieurs structures: - réseaux de soins palliatifs ou équipes d’appui pour le maintien à domicile des patients en soins palliatifs;
- Hospitalisation à Domicile (HAD);
- lits ambulatoires de soins palliatifs qui sont encore rares mais commencent à apparaître dans certaines
structures.
Le cancer est une cause majeure de morbidité et mortalité. Pour la planète prise dans son ensemble, il a été responsable en 2018 de 18 millions de nouveaux cas (ou cas incidents) et de 9,6 millions de décès.
1.1. Notions générales 1.1.1. Définitions
* L’incidence est le nombre de nouveaux cas par unité de temps (habituellement, un an) dans une population. La mortalité est le nombre de décès par unité de temps dans une population. La prévalence est le nombre de personnes vivantes qui se sont vues porter le diagnostic à un moment quelconque de leur vie (et dont certaines sont
peut-être déjà guéries).
1.1.2. Méthodes d’estimation * L’incidence nationale est modélisée à partir de l’incidence observée par les registres départementaux alors que les données de mortalité sont fournies par l’INSERM (CépiDc-Inserm).
* L’Institut National du Cancer (INCa) publie régulièrement les principales données du cancer en France.
1.2. Incidence et mortalité des cancers en France * Le cancer est la première cause de mortalité en France. * L’incidence des cancers est en diminution chez l’homme depuis 2005 et s’est stabilisée chez la femme. La mortalité par cancer diminue régulièrement tant chez l’homme que chez la femme.
* Le cancer est encore une maladie majoritairement masculine (Figure 1). * C’est aussi une maladie de la seconde moitié de la vie. L’âge médian au diagnostic est, en 2018, de 68 ans chez les hommes et 67 ans chez les femmes (l’âge médian au décès est respectivement de 73 ans et 75 ans). La part prise par des sujets de plus en plus âgés rend compte de l’importance croissante de l’évaluation et de la prise en charge gériatriques (« l’oncogériatrie »).
* En 2018, le nombre de nouveaux cancers en France métropolitaine est estimé à 382 000 (204 600 hommes et 177 400 femmes) (Figure 2). Chez l’homme, les trois tumeurs solides les plus fréquentes sont celles de la prostate (50 430 nouveaux cas), du poumon (31 231) et du côlon-rectum (23 216). Chez la femme, il s’agit des cancers du sein (58 459), du côlon-rectum (20 120) et du poumon (15 132). Ainsi, quatre localisations tumorales (prostate, sein, poumon, côlon-rectum) rendent compte de la moitié des nouveaux cas de cancer.
* Le nombre de décès par cancer en 2018 est estimé à 157 400 (89 600 hommes et 67 800 femmes). Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer chez l’homme (20 761 décès) devant le cancer colorectal (9 209) et le cancer de la prostate (8 115). Chez la femme, le cancer du sein (12 146 décès) précède le cancer du poumon (10 356) et le cancer colorectal (7 908).
* L’incidence et la mortalité des principaux cancers diminuent régulièrement chez l’homme comme chez la femme, sauf le cancer du poumon de la femme qui continue à augmenter.
* Pour l’ensemble des cancers, la survie nette diminue avec l’âge. Pour la plupart des cancers, elle est meilleure chez la femme que chez l’homme.
* En 2017, la prévalence totale, qui regroupe tous les malades et anciens malades ayant eu un diagnostic de cancer
au cours de leur vie, est de l’ordre de 3,8 millions.
1.3. Épidémiologie des cancers les plus fréquents 1.3.1. Cancer du sein
* Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme (sans être totalement absent chez l’homme). Il représente 33 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancers féminins.
* Son incidence augmente légèrement (+ 0,6 % par an entre 2010 et 2018). * L’âge médian au diagnostic est de 63 ans. * En 2017, la prévalence est estimée à 913 089 personnes. * Le cancer du sein est la première cause de mortalité par cancer chez la femme mais elle diminue (- 1,6 % par
an entre 2010 et 2018).
1.3.2. Cancer de la prostate * Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme. Il représente 25 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancers masculins.
* Son incidence diminue (- 3,5 % par an entre 2010 et 2018). * L’âge médian au diagnostic est de 68 ans. * En 2017, la prévalence est estimée à 643 156 personnes. * Le cancer de la prostate est la troisième cause de décès par cancer chez l’homme mais elle diminue (- 3,7 % par
an entre 2010 et 2018).
1.3.3. Cancer du poumon * Le cancer du poumon est le troisième cancer le plus fréquent en France. * Chez l’homme, l’incidence du cancer du poumon diminue lentement (- 0,3 % par an entre 2010 et 2018) mais
augmente fortement sur la même période chez la femme (+ 5 % par an).* L’âge médian au diagnostic est de 67 ans chez l’homme et 65 ans chez la femme. * En 2017, la prévalence est estimée à 169 718 personnes. * Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer ; il représente 21 % de l’ensemble des décès par
cancers (respectivement, 25 % et 15 % chez l’homme et la femme) (Figure 3).
1.3.4. Cancer du côlon-rectum * Le cancer du côlon est le quatrième cancer le plus fréquent en France. * L’incidence diminue lentement chez l’homme (- 1,4 % par an entre 2010 et 2018) et est stable chez la femme. * L’âge médian au diagnostic est de 71 ans chez l’homme et 73 ans chez la femme. * En 2017, la prévalence est estimée à 418 491 personnes.
* Le cancer colorectal est la deuxième cause de décès par cancer.
1.4. Facteurs de risque des cancers * Un facteur de risque est tout attribut, caractéristique ou exposition d’un sujet qui augmente la probabilité de développer une maladie ou de souffrir d’un traumatisme. Le principal facteur de risque de développer un cancer est l’âge !
* On appelle risque attribuable (ou pourcentage de risque attribuable) la proportion de cas de la maladie que l’on
peut directement attribuer à l’exposition au facteur de risque envisagé (Figure 4).
1.4.1. Tabac * Le tabac est le premier facteur de risque évitable de mortalité précoce par cancer, en France et dans le monde. À l’échelle de la planète, 2,4 millions de décès par cancer attribuables au tabagisme sont comptabilisés chaque année.
* La fumée de tabac contient plus de 8000 composés chimiques, dont plus de 70 sont reconnus comme cancérogènes (hydrocarbures polycyliques aromatiques – « les goudrons » –, N-nitrosamines, amines aromatiques …).
* En France, le tabac a été responsable, toutes maladies confondues, de 75 000 décès en 2015, dont 46 500 décès par cancer. Le tabac est impliqué, à des degrés divers (Figure 5) dans le développement de plusieurs localisations cancéreuses : cancer du poumon en premier, mais aussi cancers ORL (cavités nasales, bouche, pharynx, larynx), cancers digestifs (oesophage, estomac, pancréas, côlon-rectum, foie), cancers urologiques et gynécologiques (rein, vessie, sein, ovaire, col de l’utérus), leucémies myéloïdes. Il n’y a pas de seuil de consommation sans
risque puisque même le tabagisme passif (ou involontaire) augmente le risque de cancer.
1.4.2. Alcool * L’alcool représente la deuxième cause de mortalité évitable par cancer. * En 2016, la consommation d’alcool a causé environ 3 millions de décès dans le monde, dont 376 000 décès par cancer.
* En France, l’alcool a été responsable en 2015 de 28 000 nouveaux cas de cancer et de 16 000 décès par cancer. * La consommation d’alcool augmente le risque de développer un cancer dans 8 localisations : bouche, pharynx, larynx, oesophage, estomac, côlon-rectum, sein et foie. Parmi les cancers attribuables à l’alcool, le cancer du sein est le plus fréquent (plus de 8 000 cas par an).
* Le risque de cancer augmente quel que soit le type de boisson alcoolisée consommée et de manière linéaire avec la dose, sans seuil en dessous duquel le risque serait nul : même une consommation faible augmente le risque.
* Les effets de l’alcool sont renforcés quand ils sont associés à ceux du tabac, particulièrement pour les cancers des
voies aérodigestives supérieures.
1.4.3. Facteurs nutritionnels * La nutrition englobe l’alimentation (y compris l’alcool), le statut nutritionnel et l’activité physique. Elle est source de facteurs de risque et de facteurs protecteurs.
* On estime que 20 à 25 % des cancers sont imputables aux comportements alimentaires. * Les facteurs nutritionnels qui augmentent le risque de cancer sont : la consommation d’alcool, le surpoids et l’obésité, la consommation de viandes rouges et de charcuteries, la consommation de sel et d’aliments salés.
* Au contraire, réduisent le risque de cancer : l’activité physique, la consommation de fruits et légumes, la consom-
mation de fibres alimentaires et l’allaitement.
1.4.4. Facteurs de risque environnementaux et expositions professionnelles * On estime que 5 à 10 % des cancers seraient liés à des facteurs environnementaux. * Les expositions professionnelles sont traitées par l’item 291. * 3 % des cancers incidents sont attribuables à des expositions professionnelles et, dans plus de la moitié des cas, il s’agit d’un cancer du poumon.
* L’amiante, facteur de risque essentiel du mésothéliome pleural est l’exposition la plus fréquemment reconnue en
pathologie professionnelle.
1.4.5. Facteurs de risque infectieux * 4 % des cancers, en France, auraient une origine infectieuse. * Les principaux agents infectieux en cause sont : – les sous-types 16 et 18 du papillomavirus humain (HPV 16 et 18) qui sont responsables de la quasi totalité des cancers du col de l’utérus. Ils sont également associés à d’autres cancers plus rares de la sphère ano-génitale (vagin, vulve, pénis, anus) ainsi qu’à des cancers de la cavité buccale, de l’oropharynx et du larynx ;
– les hépatites virales chroniques B et C qui sont à l’origine d’environ un tiers des cancers du foie ; – l’infection de la muqueuse gastrique par Helicobacter pylori qui est responsable de près de 80 % des cancers de l’estomac.
Autres virus et parasites associés à la survenue de cancer chez l’homme : – virus d’Epstein-Barr et lymphome de Burkitt ; – virus d’Epstein-Barr et carcinome indifférencié du naso-pharynx ; – virus HTLV1 et leucémie à cellules T ; – virus herpès humain de type 8 (HSV8) et sarcome de Kaposi ; – virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et lymphome non hodgkinien ;
– bilharziose et carcinome épidermoïde de la vessie
- Principes de prévention des cancers 2.1. Définitions * On estime à moins de 10 % les cancers héréditaires et à environ 40 % les cancers qui pourraient être évités grâce à des changements de comportements et de modes de vie.
* La prévention consiste à éviter l’apparition, le développement ou l’aggravation de maladies ou d’incapacités.
On distingue classiquement : la prévention primaire qui agit en amont de la maladie (ex. : action sur les facteurs de risque) afin de diminuer l’incidence ;
– la prévention secondaire qui agit à un stade précoce de l’évolution (ex. : dépistage, traitement des états précancéreux) ;
– et la prévention tertiaire qui agit sur les complications des traitements et les risques de récidive.
* Ainsi la prévention primaire intéresse les populations tandis que la prévention secondaire vise l’individu à haut
risque.
2.2.5. Facteurs de risque infectieux * Il existe une dizaine d’agents biologiques susceptibles de favoriser l’apparition d’un cancer. Les plus fréquemment impliqués dans la survenue de cancers en France et accessibles à des mesures de prévention sont :
– les papillomavirus humains (HPV), responsables de huit localisations de cancers : col de l’utérus, vagin, vulve, anus, pénis, cavité buccale, oropharynx, larynx ;
– les virus de l’hépatite B (VHB) et de l’hépatite C (VHC) ; – la bactérie Helicobacter pylori, en cause dans la majorité des cancers de l’estomac.
* On peut, en fonction des cas, prévenir la survenue de ces cancers : – en évitant la contamination : ➢ la vaccination contre HPV est recommandée pour les filles dès l’âge de 11 ans ; elle est étendue depuis le 1er
janvier 2021 aux garçons de 11 à 14 ans révolus avec un rattrapage vaccinal pour ceux âgés entre 15 et 19 ans révolus (et jusqu’à 26 ans pour les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes). Deux doses sont administrées entre 11 et 14 ans, trois doses entre 15 et 19 ans. Toute nouvelle vaccination contre les papillomavirus doit se faire avec le vaccin GARDASIL 9, actif contre 9 souches de papillomavirus.
➢ Ce vaccin est actif pour la prévention : * des lésions précancéreuses du col de l’utérus, de la vulve, du vagin et de l’anus et des cancers du col de l’utérus et de l’anus dus à certains papillomavirus humains ;
* des verrues génitales dues à des papillomavirus spécifiques.➢ Il est pris en charge à 65 % par l’Assurance maladie. ➢ la vaccination contre l’hépatite B est obligatoire dès l’âge de 2 mois.
– en détectant et en traitant précocement une éventuelle infection (ex. : Helicobacter pylori) ; – en surveillant régulièrement l’apparition de lésions précancéreuses (ex. : frottis cervico-utérin chez les femmes
de 25 à 65 ans).
- Dépistage des cancers 3.1. Notions générales * Le dépistage des cancers est une stratégie de prévention secondaire qui permet un traitement curatif lorsque la lésion est pré-néoplasique ou que le cancer est encore localisé.
* Le dépistage organisé par les autorités de santé est une mesure de santé publique qui s’oppose au dépistage indi-
viduel (« opportuniste »), effectué à l’initiative du sujet et/ou de son médecin (Tableau 1).
Tableau 1. DÉPISTAGE ORGANISÉ VERSUS DÉPISTAGE INDIVIDUEL Dépistage organisé
* relève d’un protocole de santé publique * réalisé à l’initiative des pouvoirs publics * sur des populations bien définies * régulièrement évalué
Dépistage individuel
* adapté à chaque individu * « anarchique » par nature * orienté en fonction des antécédents et des facteurs de risque spécifiques
* laissé à l’initiative des médecins
* non évaluéDans la médecine de soins, un sujet malade demande à être examiné et une obligation de moyens s’impose. Dans le dépistage, on demande à examiner des sujets (qui se croient) bien portants et une obligation de résultat – diminution de la mortalité liée à la maladie dépistée – s’impose : la réussite du dépistage est le non-évènement (le décès
ne se produit pas !).
3.2. Les principaux biais * Le critère absolu de jugement d’une campagne de dépistage d’une maladie donnée est la réduction, dans la population dépistée, de la mortalité spécifique liée à cette maladie, voire de la mortalité globale si son impact sur celle-ci est majeur (par exemple, dans un essai américain, la réduction de 20 % de la mortalité par cancer du poumon s’est traduite par une diminution de 7 % de la mortalité globale). Il peut aussi s’agir d’une réduction de l’incidence (par exemple, le dépistage des adénomes coliques, qui sont des lésions pré-cancéreuses, peut se traduire par une diminution de l’incidence des cancers du côlon).
* Par contre, ce n’est pas l’augmentation de la durée de survie des malades chez qui la maladie est dépistée car elle est soumise à 3 biais :
– l’avance au diagnostic : le diagnostic est plus précoce mais le traitement n’est pas suffisamment efficace pour empêcher ou retarder le décès. La survie des malades paraît allongée mais sans bénéfice réel (Figure 6) ;
– le biais d’évolutivité : la procédure de dépistage répétée à intervalles réguliers, fixés par le protocole (par exemple, mammographie tous les deux ans), dépiste préférentiellement des tumeurs d’évolution spontanément plus lente donnant l’impression d’un allongement de la durée de vie des malades dépistés (Figure 7) ;
– le biais de sur-diagnostic : c’est le dépistage de tumeurs qui n’auraient jamais été diagnostiquées en l’absence de dépistage, soit que les sujets décèdent d’une autre maladie, soit que la tumeur serait restée spontanément
indolente (c’est, par exemple, une question particulièrement discutée pour le dépistage du cancer de la prostate).
3.3. Cancers dépistés 3.3.1. Cancer du sein
* Le programme national de dépistage organisé du cancer du sein a été instauré en 2004. Il repose sur l’invitation systématique de l’ensemble des femmes de 50 à 74 ans, sans facteur de risque significatif autre que leur âge, à bénéficier tous les deux ans d’un examen clinique des seins et d’une mammographie de dépistage par un radiologue agréé.
* Les femmes à risque élevé ou très élevé ne sont pas éligibles à ce dépistage et doivent bénéficier d’un suivi spécifique.
* La mortalité par cancer du sein en France a diminué de 1,6 % par an entre 2010 et 2018. Environ 20 % de cette réduction de mortalité est due au programme de dépistage organisé grâce auquel 150 à 300 décès par cancer du
sein sont évités pour 100 000 femmes participant de manière régulière pendant 7 à 10 ans.
3.3.2. Cancer du côlon-rectum * Le programme national de dépistage organisé du cancer colorectal s’adresse aux personnes âgées de 50 à 74 ans, à risque moyen de cancer colorectal, qui sont invitées tous les deux ans à consulter leur médecin traitant pour réaliser un test de recherche de sang occulte dans les selles. Le test au gaïac (Hémoccult II) a été remplacé par le test immunologique, plus performant et plus facile d’utilisation. Il est suivi, en cas de positivité, par une
coloscopie totale.
3.3.3. Cancer du col utérin * Le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus repose actuellement sur une analyse cytologique ou test HPV après frottis cervico-utérin (FCU). La Haute Autorité de Santé recommande, pour les femmes de 25 à 65 ans, un FCU tous les 3 ans après 2 FCU normaux à un an d’intervalle.
* Un programme organisé de dépistage a été lancé en 2018.
* Le dépistage reste indispensable même après vaccination contre l’HPV
3.3.4. Autres cancers pour lesquels aucun programme de dépistage n’est organisé 3.3.4.1. Cancer de prostate
* Les agences d’évaluation et les autorités sanitaires considèrent qu’il n’y a pas lieu, en France, de mettre en place de programme de dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA (et/ou toucher rectal), ni de recommander cette pratique, y compris pour les populations à risque.
* Néanmoins, les recommandations concluent également qu’une information éclairée du patient sur l’ensemble de la démarche de dépistage et ses conséquences, par le médecin, est nécessaire pour tout homme qui envisage
(malgré tout) de faire ce dosage.
3.3.4.2. Cancer du poumon * Au 1er janvier 2021, les conditions de qualité, d’efficacité et de sécurité nécessaires à la réalisation du dépistage
du cancer du poumon par scanner thoracique à faible dose de rayons X (‘low-dose CT scan’) chez des individus
fumeurs ne semblaient pas réunies.
Le diagnostic de cancer - et, donc, la prise en charge thérapeutique - passe obligatoirement par une preuve microscopique.
* Le médecin anatomo-pathologiste, ainsi que le biologiste/pathologiste moléculaire, sont membres à part entière de l’équipe cancérologique. Leur tâche est non seulement de valider le diagnostic mais aussi, pour un nombre croissant de cancers, de guider la thérapeutique.
* Ils doivent pour cela avoir pris connaissance (idéalement au cours de la Réunion de Concertation Pluridiscipli naire (RCP)) du dossier du patient, recevoir des prélèvements dûment identifiés et accompagnés de demandes précises de la part des cliniciens, s’assurer de leur bon conditionnement et maîtriser toutes les techniques
adaptées à la question posée (examen à visée diagnostique, pronostique et/ou théranostique).
- Modalités de réalisation d’un prélèvement cellulaire ou tissulaire pour études morphologiques et moléculaires
Les prélèvements se font dans la majorité des cas selon des techniques invasives. li s’agit de matériel précieux sur le quel seront fait des examens morphologiques pour le diagnostic anatomo-pathologique, mais aussi des recherches complémentaires, notamment de biologie moléculaire d’aide pour la médecine personnalisée en cancérologie. 11 est donc indispensable de préserver la qualité et la quantité des prélèvements et de mettre en place des protocoles
de bonnes pratiques.
1.1. Modalités de réalisation d’un prélèvement pour l’étude des cellules isolées : examen cytologique * Recueil de liquides émis spontanément (urines, expectorations). * Frottis, écouvillonnage, aspiration des cellules (frottis cervico-utérin, bulle cutanéo-muqueuse, lavage bron chiolo-alvéolaire).
* Ponction à l’aiguille d’un liquide (épanchement des séreuses, liquide céphalo-rachidien).
* Cytoponction à l’aiguille d’organes pleins avec ou sans contrôle d’imagerie (ganglion, thyroïde, foie … ).
1.2. Modalités de réalisation d’un prélèvement pour l’étude des tissus : examen histologique * Biopsie : prélèvement d’un fragment de tissu tumoral soit par ponction (trocart, aiguille) à l’aveugle ou après repérage par imagerie, soit pendant une exploration endoscopique, soit par chirurgie.
* Pour être informatives, les biopsies doivent être faites en zones hors nécrose, en nombre suffisant afin de mettre en évidence une éventuelle lésion tumorale et réaliser les analyses complémentaires nécessaires, dans les conditions de préservation de tissus.
* Pièces opératoires : exérèse partielle ou complète d’une tumeur ou d’un organe.
- Modalités de transmission des prélèvements cellulaires et tissulaires pour études morphologiques et moléculaires
* Les prélèvements doivent être conditionnés et transmis dans les meilleurs délais accompagnés d’une fiche de renseignements remplie par le médecin préleveur. Au même titre que l’acte médical du prélèvement, l’acheminement de l’échantillon vers le laboratoire exige un protocole rigoureux: la transmission correcte du prélèvement engage la responsabilité médicale.
* Les prélèvements tissulaires et cellulaires doivent permettre la réalisation des tests moléculaires et être com patibles avec la réalisation des techniques de biologie moléculaire à la recherche d’altérations génomiques.
* Les prélèvements pour examen histologique doivent être envoyés fixés dans le formol neutre tamponné à 10 %, sauf pour les examens extemporanés et les prélèvements suspects d’hémopathies, sarcomes, tumeurs pédiatriques qui doivent être transmis à l’état frais sans délai. Pour les études de biologie moléculaire le temps de fixation doit-être compris entre 6 heures et 24 heures, notamment pour les biopsies.
* Le médecin anatomo-pathologiste, après un contrôle morphologique, sélectionne des zones tumorales ; le prélèvement doit contenir au moins 25 % à 30 % de cellules tumorales, pour éviter les faux négatifs pour les
tests de biologie moléculaire.
2.1. Conditionnement pour les examens cytologiques (morphologique et biologie moléculaire) * Le conditionnement du liquide de cytoponction ou d’un frottis est réalisé par le médecin préleveur par dépôt sur lames de verre dans des conditions permettant un bon étalement et en évitant l’écrasement des cellules. Les liquides (ascite, urines … ) doivent être acheminés à l’état frais et rapidement dans le laboratoire où ils seront conditionnés dans les meilleurs délais.
* Pour les études morphologiques, il convient de fixer les cellules à l’air pour coloration par May-Grunwald Giemsa (MGG) ou par pulvérisation d’une laque alcool-éther pour coloration de Papanicolaou. Les techniques de biologie moléculaire peuvent être réalisées à partir d’étalements cellulaires sur lames (frottis, cytocentrifugation) non colorées ou directement à partir de culot cellulaire obtenu après centrifugation d’un liquide. Les liquides peuvent être envoyés directement au laboratoire de biologie moléculaire qui procède à leur centrifugation et à la récupération du culot cellulaire, soit conditionnés dans le service d’anatomie pathologique par inclusion en
paraffine après centrifugation (cytobloc).
2.2. Conditionnement pour l’étude des tissus (morphologique et biologie moléculaire) * Le conditionnement par fixation des biopsies ou des pièces opératoires doit être très rapide afin de conserver la morphologie cellulaire et d’éviter la dessiccation ou l’ autolyse des tissus.
* La fixation des échantillons de tissus pour l’examen histologique sera faite dans le formol à 10 % v/v neutre tam ponné. Idéalement, la proportion de fixateur représentera 10 fois le volume de l’échantillon. Il convient, selon le volume de l’échantillon, de le couper en tranches afin de faciliter la pénétration du fixateur.
* Pour les études de biologie moléculaire le temps de fixation au formol 10 % doit-être compris entre 6 heures et 24 heures, notamment pour les biopsies. Le conditionnement est réalisé par le médecin anatomo-pathologiste qui sélectionne, après un contrôle morphologique au microscope, des zones tumorales d’intérêt, apprécie les zones de nécrose ainsi que le pourcentage de cellules tumorales afin d’éviter des résultats faussement négatifs. Le prélèvement doit contenir au moins 25 % à 30 % de cellules tumorales. Des coupes de tissus fixés et inclus en paraffine ( 4 copeaux de 10 µm d’épaisseur) sont ensuite réalisées sous forme de copeaux ou de lames blanches. Dans le cas d’une faible cellularité tumorale, une macrodissection de la région d’intérêt doit être réalisée à partir
des zones sélectionnées sur les coupes.
- La fiche de renseignements * Pour les demandes d’examen anatomo-pathologique une fiche de renseignement doit accompagner le prélè vement; elle doit être remplie avec rigueur par le médecin préleveur.
* Pour les études moléculaires, les prélèvements doivent être accompagnés d’une fiche de prescription selon les recommandations de l’INCa; certains items sont remplis par le médecin anatomo-pathologiste.
* Il est indispensable de préciser le type d’analyse demandée. C’est ce type d’analyse qui va déterminer quel labo ratoire sera destinataire de l’échantillon (anatomie pathologique, bactériologie, biologie moléculaire, etc.). Le contenant du prélèvement (tube, flacon, étui de lames … ) doit porter l’identification du patient (nom, prénom,
date de naissance).
Les informations impératives à préciser sur la feuille de demande pour un examen anatomo-pathologique sont:
- l’identification du patient ; - son adresse ou celle du service d’hospitalisation ou de consultation ; - le nom du médecin préleveur et ses coordonnées ; - le nom du médecin prescripteur du prélèvement et ses coordonnées ; - éventuellement le caractère urgent de l’examen; - la date et l’heure de prélèvement ; - la nature de l’échantillon; - le siège anatomique du prélèvement (et la latéralité pour les organes pairs); - les renseignements cliniques précis et pertinents ;
- les recherches particulières à faire s’il y a lieu.
Les informations impératives à préciser sur la fiche de prescription pour la biologie moléculaire selon les recommandations de l’INCa (Bonnes pratiques pour la recherche à visée théranostique de mutations somatiques dans les tumeurs solides) (http://www.e-cancer.fr/ soins/plates-formes-hospitalieres-de-genetique-moleculaire) dont certains par le médecin anatomo-pathologiste sont : - la nature de la demande ; - nom, prénom et date de naissance du patient ; - nom, prénom et coordonnées du pathologiste responsable du diagnostic (pathologiste initial) ; - date de prélèvement; - fixateur utilisé ; - numéro d’identification du bloc dans le laboratoire d’origine; - organe et état tumoral, site du prélèvement (primitif, métastase … ); - type de prélèvement (chirurgie, biopsie, cytologie … ); - type histologique ; - nom, prénom et coordonnées du prescripteur ; - type d’analyse demandée et indication de l’analyse; -
date de prescription ;
- pourcentage de cellules tumorales dans l’échantillon analysé.
B 4. Principes de base de réalisation et d’interprétation des techniques morphologiques
* L’examen morphologique vise à établir un diagnostic et un pronostic. Il peut aussi apporter, particulièrement en cancérologie, des éléments nécessaires à l’établissement de la stratégie thérapeutique.
* Le médecin anatomo-pathologiste recherche au microscope des lésions qui sont des altérations morpho logiques des cellules et des tissus. Il existe des lésions élémentaires (par exemple les atypies cytonucléaires, l’invasion du tissu, la nécrose cellulaire ou les emboles tumoraux) regroupées en ensembles (ou syndromes) lésionnels qui permettent de formuler un diagnostic. Le syndrome lésionnel doit souvent être interprété par le pathologiste en fonction du contexte clinique et éventuellement radiologique et biologique.
* Le résultat de l’examen est consigné dans un compte rendu qui doit comporter des informations pour la prise en charge du patient. Des données minimales sont requises par l’Institut National du Cancer (INCa). (http:// www.e- cancer.fr/soins/anatomo-pathologie). La terminologie utilisée dans les comptes rendus est traitée dans l’item 292.
* Une seconde lecture anatomo-pathologique par des réseaux de référence a été mise en place par l’INCa pour
les lymphomes, les sarcomes, les mésothéliomes et les tumeurs neuro-endocrines rares.
4.1. Cytologie * Après conditionnement et fixation des prélèvements cytologiques, les échantillons sur lames sont réhydratés puis colorés selon diverses techniques (par exemple May-Grunwald-Giemsa pour la cytologie hématologique, Papanicolaou pour les frottis cervico-utérins … ). La technique est rapide et l’étude des préparations au microscope permet d’obtenir une orientation diagnostique qui doit cependant souvent être confirmée par l’analyse histolo
gique.
4.2. Histologie * Le préalable à la technique histologique standard est une fixation correcte qui exige plusieurs heures. La durée de fixation est variable en fonction du volume des échantillons.
* Les petits échantillons pourront être traités directement après fixation. * Les pièces opératoires plus volumineuses doivent faire l’objet d’une étape complémentaire de dissection et d’échantillonnage puis de fixation complémentaire; l’ensemble représentant en général un délai supplémentaire de 24 heures.
* Ensuite, les échantillons passeront par des phases de déshydratation, imprégnation et inclusion en paraffine avant l’obtention d’un bloc de paraffine qui fera l’objet de coupes de 4 micromètres (µm) d’épaisseur environ.
* Ces coupes seront étalées sur lames de verre puis déparaffinées, réhydratées et colorées. La coloration usuelle est la
coloration hématoxyline-éosine-safran (HES) permettant de faire l’analyse histologique du prélèvement (Figure 1
4.3. lmmunohistochimie (IHC) L’immunohistochimie (IHC) utilise une réaction immunologique antigène-anticorps pour identifier et localiser des protéines sur des lames non colorées d’histologie ou de cytologie. Le complexe antigène-anticorps est visualisé au microscope par un fluorochrome (étude en fluorescence) ou par un complexe coloré (immunohistochimie en
microscope standard).* La technique peut être directe: l’anticorps spécifique est alors directement fixé à un fluorochrome, on parle alors d’immunofluorescence directe, qui est essentiellement utilisée pour la recherche de dépôts d’immunoglobulines et de complément sur coupes congelées de biopsies cutanées et rénales.
* La technique peut être indirecte, c’est l’immunohistochimie indirecte qui concerne notamment le diagnostic des lésions tumorales. Après liaison de l’anticorps sur l’antigène étudié, le complexe antigène-anticorps est révélé par un second anticorps dirigé contre l’anticorps spécifique de l’antigène recherché. Ce second anticorps est lié à une enzyme à laquelle on fournit un substrat. L’activité enzymatique se traduit par une coloration différente selon le substrat utilisé et localisée au niveau des structures exprimant l’antigène étudié. Enfin, une contre-coloration des noyaux permet d’identifier les structures cellulaires et tissulaires et de localiser précisément l’antigène recherché
(Figure 2).
4.4. Hybridation in situ (HIS) * Cette technique permet d’identifier à l’aide de sondes une séquence d’acide nucléique (ADN ou ARN) présente dans des cellules d’une préparation histologique ou cytologique. Le principe est basé sur la complémentarité des bases (A-T/G-C) des acides nucléiques et l’utilisation de sondes complémentaires à la séquence d’intérêt.
* Le conditionnement du prélèvement est primordial. Pour de bons résultats, il convient d’utiliser pour la fixation des prélèvements du formol neutre tamponné 10 % pour une durée entre 6 heures et 48 heures. L’HIS est réa lisée sur des coupes de 3-4 µm étalées sur les lames de verre.
* La technique comporte : - une étape de déparaffinage et de réhydratation des lames ; - une étape de digestion protéolytique permettant un meilleur accès de la sonde à la séquence cible ; - une co-dénaturation de la sonde et de l’acide nucléique cible; - et enfin une étape d’hybridation de la sonde à la séquence cible.
* Les sondes sont couplées à un traceur pour qu’elles puissent être repérées et visualisées. Ce traceur peut être un fluorochrome (étude FISH : fluroescence in situ hybridization, analysée en microscopie à fluorescence) ou une enzyme (étude CISH: chromogenic in situ hybridization, analysée en microscopie à fond clair).
* L’immunohistochimie et les analyses par hybridation in situ ont une place incontournable dans la prise en charge en cancérologie. Par exemple, la recherche par FISH du statut du gène ALK dans les adénocarci nomes pulmonaires ou du statut du gène HER2 dans les cancers du sein et de l’estomac conditionne la prise en
charge thérapeutique de ces pathologies (Figure 3).
- Techniques de biologie moléculaire sur les prélèvements tissulaire/ cellulaire
* La réalisation des tests moléculaires sur les prélèvements tumoraux est parfois primordiale pour la prise en charge des patients.
* Le choix d’une thérapeutique ciblée est fondé sur la mise en évidence dans la tumeur d’anomalie(s) responsable(s) de l’activation d’une voie de signalisation essentielle pour la survie de la tumeur qu’il convient de bloquer (tests théranostiques).
* La réalisation des tests moléculaires est aussi décisive pour le diagnostic et l’établissement d’un pronostic dans certaines pathologies.
* La détection des altérations génomiques se fait à partir de l’ADN extrait de tissus fixés et inclus en paraffine dans la majorité des cas, et parfois à partir de l’ARN.11 convient donc de pouvoir obtenir de l’ADN de quantité
suffisante et de bonne qualité.
5.1. Principales techniques de biologie moléculaire pour la recherche d’altérations génomiques * La première étape est l’extraction des acides nucléiques à partir des coupes de tissus en copeaux ou sur lames ou à partir de tissu macrodisséqué. Après une étape de déparaffinage, les tissus sont digérés enzymatiquement afin d’en éliminer les protéines et la purification des ADN ou ARN se fait dans la majorité des cas sur des colonnes ou des billes d’affinité (technique manuelle ou automatique). La fragilité des ARN rend leur extraction à partir de tissus inclus en paraffine plus délicate. Il convient de travailler par la suite sur des amplicons PCR de petite taille.
* Après extraction des acides nucléiques, des techniques de biologie moléculaires sont mises en place pour répondre aux différentes indications des tests moléculaires : diagnostic, pronostic et théranostic.
* La détection des altérations génomiques requiert au préalable, dans un grand nombre de cas, l’amplification par PCR (Polymerase Chain Reaction) du gène d’intérêt, soit directement pour !’ADN, soit après une transcription inverse (RT) suivie de PCR (RT-PCR) pour !’ARN.
* L’étude des différentes anomalies : mutations ponctuelles, amplifications, translocations, délétions … s’effectue ensuite par des techniques de biologie moléculaire comme le séquençage Sanger, le pyroséquençage, le Snaps hot, la PCR spécifique d’allèle, l’analyse de fragment ou le séquençage de nouvelle génération (NGS) sur ADN ou
sur ARN (RNAseq).
5.2. Principales indications des techniques de biologie moléculaire 5.2.1. Tests théranostiques permettant l’accès aux thérapies ciblées
* Cancers du côlon métastatique: recherche des mutations des gènes KRAS et NRAS (contre-indiquant la pres cription des anticorps monoclonaux anti-EGFR) (cf item 301).
* Cancers bronchiques non à petites cellules: recherche des mutations du gène EGFR (indication à un traitement par inhibiteur de tyrosine kinase [ITK] anti-EGFR), recherche de translocation du gène ALK (indication à un traitement par inhibiteur de tyrosine kinase [ITK] anti-ALK), recherche de translocation du gène ROS (indica tion à un traitement par inhibiteur de tyrosine kinase [ITK] anti-ROS) (cf item 309).
* Mélanome métastatique : recherche des mutations du gène BRAF (indication à un traitement par inhibiteur de BRAF) (cf item 302).
* Cancer du sein métastatique: recherche de l’amplification du gène ERBB2 (indication à un traitement par anti
corps monoclonaux anti-ERBB2) (cf item 312).* Cancer de l’estomac métastatique: recherche de l’amplification du gène ERBB2 (indication à un traitement par anticorps monoclonaux anti-ERBB2) (cf item 303).
* GIST: recherche des mutations du gène c-KIT et des mutations de PDGFRB (indication à un traitement par
inhibiteur de tyrosine kinase [ITK] anti-KIT) (cf item 303).
5.2.2. Tests diagnostiques * Sarcomes: amplification des gènes MDM2 et C DK4 (cf item 307). * Cancer colorectaux: recherche d’une instabilité des microsatellites dans le cadre du dépistage des syndromes de Lynch (cf item 291 et 301).
* Lymphomes: recherche de la clonalité Bou T (cf item 319).
* Gliomes: recherche de la co-délétion lp/19q, recherche de mutations IDHl et 2 (cf item 299).
5.2.3. Tests pronostiques * Neuroblastomes: recherche de l’amplification du gène NMYC (cf item 297).
- Examen extemporané 6.1. Définition et principales indications * Les examens extemporanés sont essentiellement réalisés en pathologie tumorale pour décider d’une exérèse com plémentaire, en répondant à différentes questions dépendant du contexte chirurgical : - la lésion est-elle de nature tumorale ou non? - s’agissant d’une tumeur, est-elle de nature bénigne, ou maligne? - les limites de résection sont-elles saines ou atteintes par la tumeur, imposant dans ce cas d’étendre la chirurgie? - le(s) ganglion(s) lymphatique(s) prélevé(s) est (sont)-il(s) sain(s), ou au contraire métastatique(s) et conduisant soit à étendre le curage, soit à arrêter l’intervention à cause du stade avancé de la maladie ?
- dans le cadre d’un prélèvement diagnostique difficile à réaliser, l’échantillon est-il représentatif et suffisant
pour le diagnostic ultérieur, ou inadéquat ?
6.2. Principes de réalisation et limites * Le prélèvement est adressé sans délai, à l’état frais, sans fixateur ni sérum physiologique. * Après examen macroscopique, le pathologiste sélectionne le fragment qu’il convient d’examiner au microscope. * Le fragment est durci par congélation dans une enceinte réfrigérée ( cryostat) (-15 à - 20 degrés C), et une coupe de 3-4 µm d’épaisseur est réalisée à l’aide d’un microtome.
* La coupe fait alors l’objet d’une coloration rapide et est examinée. * Le résultat est communiqué au chirurgien en règle en moins de 30 mn. * À cause des artefacts de congélation, les coupes extemporanées sont de moins bonne qualité que celles obtenues en routine après fixation et inclusion en paraffine. Les résultats sont donc moins fiables et moins précis.
* L’examen extemporané n’apporte pas une réponse définitive, et une confirmation est toujours nécessaire après fixation du tissu restant. Il peut y avoir des discordances entre extemporané et examen définitif.
* Si le prélèvement est trop petit, l’examen peut s’avérer impossible après fixation (matériel altéré par la congélation, ou pas de matériel restant après les coupes en congélation). Il convient dans ce cas de renoncer à l’examen extem
porané pour préserver l’examen définitif.* Les prélèvements calcifiés, par exemple les prélèvements osseux, ne peuvent pas être examinés en congélation, mais seulement après décalcification avant inclusion en paraffine.
* Les délais opératoires sont allongés suite à l’examen extemporané.
- Tumeurs devant impérativement être adressées à l’état frais au laboratoire d’ACP
* Dans certains cas, les tissus ne doivent pas être fixés, mais adressés en anatomie pathologique dans un contenant sec dans les plus brefs délais et de façon impérative en moins de 30 minutes - les tumeurs pédiatriques ; - les sarcomes ;
- les hémopathies.
- Particularités épidémiologiques des tumeurs malignes de l’enfant
* L’incidence des cancers de l’enfant et de l’adolescent est de 2 400/an en France. * Le taux de guérison est de l’ordre de 80 %. * Les tumeurs les plus fréquentes sont hématologiques et cérébrales.
* Les cancers de l’enfant et de l’adolescent sont des maladies rares qui représentent 1 % de l’ensemble des cancers, en France et dans les pays comparables au plan socio-économique.
* Leur incidence est en moyenne de 120/million d’enfants par an, répartis en 1 700 nouveaux cas entre O et 15 ans et 700 nouveaux cas chez les AJA (Adolescents et Jeunes Adultes) entre 15 et 20 ans.
* Ils représentent la deuxième cause de mortalité entre 1 et 14 ans, après les accidents, soit 20 % des décès. * Certains types histologiques sont spécifiques à l’enfant. Inversement, la plupart des cancers de l’ adulte n’existent pas chez l’enfant.
* Leur pronostic est bien meilleur que celui des cancers de l’adulte avec un taux de guérison, tous cancers confon dus, de l’ordre de 80 %. Une maladie métastatique peut être curable. On estime actuellement en France à 50 000
le nombre d’adultes survivants d’un cancer traité avant l’âge de 20 ans.
La répartition des principaux cancers de l’enfant est indiquée dans le tableau suivant:Tableau 1. RÉPARTITION DES PRINCIPAUX CANCERS DE L’ENFANT - - —-�
Leucémies et lymphomes -
Tumeurs cérébrales ,_ __ Neuroblastomes Tumeurs des tissus mous
9 °/o 7 °/o
Tumeurs germinales, trophoblastiques et gonadiques
– - —Rétinoblastomes
-
3,5% 3 OJo
* Les principaux cancers de l’enfant sont les leucémies aiguës, les tumeurs cérébrales et les tumeurs embryonnaires spécifiques de l’enfant (néphroblastomes, neuroblastomes). Après l’âge de 10 ans, les lymphomes, les tumeurs cérébrales et les tumeurs osseuses et conjonctives prédominent.
* Il existe globalement une prédominance masculine, avec un sex-ratio évalué à 1, 2/1. L’incidence et la réparti tion des cancers de l’enfant varient selon l’origine ethnique et géographique de l’enfant.
8 2. Principales prédispositions génétiques et autres facteurs de risque aux tumeurs malignes de l’enfant
* La grande majorité des cancers de l’enfant survient de façon sporadique. * Le rôle de l’environnement et des facteurs génétiques est faible.
* Il n’y a pas de place pour le dépistage, sauf dans les syndromes de prédisposition.
L’étiologie de la plupart des cancers de l’enfant reste encore mal connue.
2.1. Rôle de l’environnement * À la différence de l’adulte, le rôle des facteurs d’environnement apparaît minime dans la genèse des cancers de l’enfant.
* On peut citer cependant : - le rôle des radiations ionisantes: certains enfants présentent de manière constitutionnelle une radiosensibilité individuelle élevée aux faibles doses d’irradiation ;
- le rôle de certains agents chimiques: l’exposition in utero au di-éthylstilbestrol entraîne un risque important d’adénocarcinome à cellules claires du vagin;
- le rôle de certains agents infectieux, en particulier viraux: Epstein-Barr virus et lymphome de Burkitt africain et carcinome indifférencié du nasopharynx, virus de l’hépatite B et hépatocarcinome, virus HIV et lymphome;
- le rôle de certains agents de chimiothérapie (alkylants) dans le développement de leucémies secondaires.
2.2. Facteurs génétiques * Dans la majorité des cas, les cancers de l’enfant surviennent de façon sporadique, sans histoire familiale de cancer, ni maladie génétique associée.
* Moins de 10 % des cancers de l’enfant sont associés à des facteurs génétiques: - prédisposition héréditaire au cancer transmise sur un mode autosomique dominant, lié dans la majorité des cas à une mutation germinale du gène p53 : syndrome de Li Fraumeni ;
- cancer héréditaire transmis sur un mode autosomique dominant : rétinoblastome ; - phacomatose et neurodermatose : maladie de Recklinghausen ; - instabilité chromosomique : maladie de Fanconi, ataxie télangiectasie; - aberrations chromosomiques: syndrome de Wiedeman-Beckwith, trisomie 21; - déficit immunitaire : risque accru de lymphome.
* La réalisation d’un arbre généalogique à la recherche d’ ATCD de cancers survenus à un âge jeune dans la famille permet d’évoquer un syndrome de prédisposition.
* La constatation de certaines malformations congénitales doit alerter sur le risque accru de cancer spécifique : - aniridie congénitale et néphroblastome ; - cryptorchidie et tumeurs germinales ;
- hémi-hypertrophie corporelle et néphroblastome.
- Circonstances et signes cliniques devant faire évoquer une tumeur maligne de l’enfant
3.1. Particularités fréquentes propres aux tumeurs de l’enfant * La rapidité souvent extrême de la croissance tumorale, parfois en quelques jours qui n’est pas forcément syno nyme de gravité. Une prolifération rapide laisse souvent présager au contraire d’une grande chimio sensibilité. En corollaire, l’affection peut être révélée par des signes d’appel de gravité amenant à une consultation en urgence : détresse respiratoire aiguë, syndrome hémorragique, CIVD, hypercalcémie, HTIC d’installation rapide, com pression médullaire, syndrome cave supérieur;
* L’absence fréquente d’altération de l’état général apparent.
3.2. Signes cliniques d’appel selon la localisation * Les signes d’appel dépendent de la taille de la tumeur et de sa localisation. L’attention doit être attirée lorsqu’ils persistent plus de 15 jours.
3.2.2. Tumeur cérébrale
* Hypertension intracrânienne: céphalées, nausées, vomissements; convulsions; déficits neurologiques moteurs et/ou sensitifs; troubles de l’équilibre; troubles de la déglutition/fausses routes; troubles du comportement; troubles de la conscience/coma; anomalies de la vision (strabisme, diplopie}; perte des acquisitions [langage,
propreté]) ; augmentation du périmètre crânien, exophtalmie.
3.2.2. Tumeur thoracique * Toux; dyspnée; masse/tuméfaction pariétale; douleurs thoraciques; déformation thoracique.
3.2.3. Tumeur abdomino-pelvienne * Troubles du transit : nausées, vomissements, diarrhée, constipation, syndrome occlusif; ictère ; distension abdominale ; circulation veineuse collatérale, douleurs abdominales ; masse abdominale ; hépatomégalie ; douleurs lombaires; douleurs pelviennes; troubles de la miction; incontinence urinaire; syndrome hémor
ragique : méléna, rectorragies, hématurie, saignement vaginal.
3.2.4. Tumeur osseuse * Douleurs d’un membre; douleurs rachidiennes; douleurs articulaires dont la persistance et le caractère insom niant doivent être particulièrement alarmants ; raideur articulaire; boiterie ou refus de la marche ; difficulté à
la marche ; déformation articulaire ; tuméfaction localisée ; gestes maladroits.
3.2.5. Autres signes * Grosse bourse ; adénopathie(s) unique ou multiples persistantes fixées, non inflammatoires, en dehors d’un contexte infectieux loco-régional surtout si association à un prurit; asthénie, amaigrissement/cachexie, ano malies de la croissance staturo-pondérale ; anomalies cutanées (purpura, ecchymoses, hématomes) ; hyper thermie/fièvre; masse périphérique palpable, même de petite taille ; reflet blanc pupillaire ; signes endocriniens
(diabète insipide, puberté précoce .. ); signes neurologiques périphériques ( syndrome de la queue de cheval..
- Indications et objectifs des examens complémentaires devant une situation évocatrice d’une tumeur maligne de l’enfant
Les progrès de l’imagerie, du diagnostic cytologique et/ou anatomo-pathologique et de la caractérisation biolo gique de ces cancers permettent habituellement d’arriver rapidement au diagnostic. Cependant, en raison de la rareté de ces tumeurs, l’enfant doit être impérativement adressé dès la suspicion diagnostique dans un centre
agréé spécialisé en cancérologie pédiatrique.
4.1. Examens d’imagerie * Il faut souligner l’importance de la qualité de l’imagerie initiale qui permet une évaluation de l’extension loco régionale et un bilan d’opérabilité (Figure 1).
* Le choix de l’examen le plus judicieux va dépendre de la localisation tumorale; à titre d’exemple:- échographie abdominale pour une tumeur abdomino-pelvienne; - radiographies osseuses simples pour les tumeurs osseuses ; - imagerie par résonance magnétique pour les tumeurs cérébrales et osseuses ; - scanner pour la recherche de localisations secondaires pulmonaires …
* Certaines explorations isotopiques permettent d’affirmer le diagnostic et/ou de participer au bilan d’exten sion:
- scintigraphie à la méthyliodobenzylguanidine (MIBG) spécifique des tumeurs sympathiques et carcinoïdes; - scintigraphie osseuse au technetium 99 pour les tumeurs osseuses primitives et la recherche de métastases osseuses.
* La tomographie par émission de positons ( ou TEP-TDM) est un examen scintigraphique, réalisé après l’injec tion intraveineuse d’un traceur faiblement radioactif (généralement le 18F-fluorodéoxyglucose, analogue du glu cose) qui permet d’obtenir des renseignements sur le fonctionnement et l’activité des organes. Le TEP-TDM, bien que non spécifique d’une pathologie, est devenu un examen important dans le bilan d’extension et la surveillance
de certains cancers de l’enfant (lymphomes, sarcomes … ).
4.2. Examens biologiques * Il existe peu de marqueurs tumoraux en oncologie pédiatrique. Cependant, dans certains cancers de l’enfant, l’identification d’un marqueur tumoral spécifique permet d’affirmer le diagnostic, d’évaluer l’efficacité du traite ment, et de surveiller l’enfant une fois la rémission obtenue: - catécholamines urinaires et leurs métabolites : neuroblastomes ; - alfa-foetoprotéine: hépatoblastomes et certaines tumeurs germinales malignes (tumeurs du sac vitellin); - beta HCG: certaines tumeurs germinales malignes (choriocarcinome).
* Certains marqueurs sont non spécifiques mais reflètent le volume et/ou l’activité tumorale, et sont parfois
corrélés au pronostic: LDH (lactates déshydrogénases): neuroblastomes, lymphomes.
4.3. Examen anatomo-pathologique * Il permet avant tout d’affirmer le diagnostic, mais également dans certains cas d’établir un histopronostic à partir
de certains critères propres à chaque tumeur et d’évaluer pour certaines tumeurs la réponse au traitement.* De manière très schématique, on peut distinguer chez l’enfant 6 grands groupes de proliférations malignes: - les proliférations d’origine hématologique: leucémies, lymphomes; - les proliférations originaires du système nerveux central : gliomes, astrocytes, épendymomes … - les tumeurs de blastème d’organe : néphroblastome (tumeur rénale), hépatoblastome (tumeur du foie), pneumoblastome (tumeur du poumon), rétinoblastome …
- les tumeurs malignes conjonctives, principalement représentées par les rhabdomyosarcomes ; - les tumeurs germinales malignes, gonadiques ou extra-gonadiques ; - les tumeurs neuroectodermiques, ou tumeurs de la famille du sarcome d’Ewing.
* Une place particulière revient actuellement à l’analyse du génome des cellules cancéreuses, réalisée au dia gnostic ou à la rechute, au moyen de techniques variées: cytogénétique conventionnelle et/ou moléculaire, biolo gie moléculaire, séquençage du génome.
* Dans tous les cas, la décision d’une exérèse chirurgicale, d’une biopsie chirurgicale ou trans-cutanée doit être
prise en concertation multidisciplinaire et réalisée dans un centre expert en cancérologie pédiatrique.
- ## Les particularités diagnostiques des cancers de l’enfant sont: leur croissance rapide; l’habituelle conservation de l’état général; la multiplicité et le caractère souvent « banal » des signes d’appel cliniques dont la persistance/fixité au-delà de 15 jours doit alerter;l’importance d’adapter les examens d’imagerie à la localisation tumorale; l’importance de la prise en charge précoce en milieu spécialisé pluridisciplinaire de cancérologie
: ……… —- - _P��i-���’.�-��·— ……….
- La plupart des tumeurs cutanées se développent aux dépens des kératinocytes et des mélanocytes de l’épiderme. Seules seront abordées dans cet item les tumeurs épithéliales bénignes (verrues à HPV) et malignes (carcinome épidermoïde et basocellulaire cutanés) et les tumeurs mélanocytaires bénignes (nrevus) et malignes (mélanome).
- Toutes ces tumeurs, saufles verrues à HPV, partagent un facteur de risque commun, l’exposition au rayonnement ultraviolet (UV).
- Pour ce qui est des tumeurs malignes, les tumeurs épithéliales sont de loin les plus fréquentes, le cancer basocel lulaire de la peau étant même la tumeur humaine la plus fréquente, et en général de bon pronostic. À l’inverse, le mélanome, quand il devient métastatique, a un pronostic très sombre, même si les nouvelles thérapies ont révo lutionné son pronostic.
Pour comprendre: les UV sont définis en UV A/B/C en fonction de leur longueur d’onde (de la plus longue à
la plus courte, de A à C). Via des mécanismes différents, directs ou indirects, ces trois types d’UV peuvent être responsables de lésions cutanées bénignes ou malignes liées à la photoexposition. Ils ne seront donc pas
différenciés par la suite.
- Tumeurs épithéliales bénignes à HPV (« verrues ») 1.1. Définition * Elles correspondent aux lésions dues à HPV (Human papillomavirus) dont il existe plus de 120 génotypes différents.
1.2. Épidémiologie
* Elles touchent environ 10 % de la population générale et sont plus fréquentes en cas d’immunodépression au long
cours (greffes d’organe).
1.3. Physiopathologie, histoire naturelle * La transmission virale se fait par contact direct. Les HPV infectent les kératinocytes de la couche basale, qui se transforment en koïlocytes, après rupture de la barrière cutanée lors d’un micro-traumatisme local. Les HPV ont
un tropisme exclusif pour les épithéliums malpighiens, dont l’épithélium cutané.
1.4. Diagnostic * Le diagnostic est clinique et il n’est en aucun cas nécessaire de réaliser une biopsie en cas de lésion typique. * Il existe différents types de verrues : -
les verrues plantaires : on distingue : � la myrmécie liée à HPVl, la plus fréquente, profonde, douloureuse spontanément et à la pression, circonscrite par un anneau kératosique dont la surface de la zone centrale est le siège de micro-hémorragies (ponctuations noirâtres), généralement unique ou peu nombreuses;
� ou la verrue en mosaïque, liée à HPV2, superficielle, moins fréquente et non douloureuse, formée de multiples verrues regroupées en un placard kératosique. La coexistence de ces deux types de lésions est exceptionnelle.
- les verrues vulgaires: uniques ou multiples, infracentimétriques, sous forme d’élevures hémisphériques ou aplaties avec saillies villeuses kératosiques, situées le plus souvent sur la face dorsale des mains et des doigts et dues à HPV2. L’atteinte péri-unguéale ou sous-unguéale entraîne des douleurs et une dystrophie unguéale;
- les verrues planes communes, dues à HPV3, sous forme de papules roses, jaunes, brunes ou chamois, à surface
lisse, siégeant le plus souvent sur le visage, mais aussi sur le dos des mains et sur les membres.
1.5. Évolution, pronostic * Les verrues à HPV peuvent persister plusieurs années, mais, dans la plupart des cas, elles disparaissent spontané
ment en un à deux ans. Les récidives sont fréquentes, en raison de l’auto-inoculation.
1.6. Diagnostics différentiels * Les principaux diagnostics différentiels à évoquer sont : - durillon, également appelé « cor », qui est un épaississement de la couche superficielle de la peau lié aux frottements, qui contrairement aux verrues garde l’aspect de la peau avoisinante (architecture en lignes cutanées);
- cicatrice fibreuse ; - granulome secondaire à l’inclusion de corps étrangers, soit exogènes (talc, fil de suture … ), soit endogènes (tophus goutteux … ) dans l’épiderme et d’aspect nodulaire. Au moindre doute, la biopsie avec analyse anatomo pathologique fera le diagnostic (granulome hyperbasophile à cellules géantes);
- une autre tumeur cutanée bénigne ou maligne ; le diagnostic doit être formel et reposera sur la biopsie au
moindre doute.
1.7. Approches thérapeutiques Il n’existe pas de moyen d’éradiquer le virus HPV. Les papillomavirus humains (HPV) sont retrouvés de façon
ubiquitaire dans les tissus épithéliaux humains.* Le traitement est celui de la lésion et doit éviter d’être trop agressif, en particulier chez les enfants. * En cas de persistance des lésions, on peut envisager différents traitements : - destruction chimique par kératolytiques, simple et non douloureuse ; - cryothérapie ; - laser CO2 *
* Le traitement préventif comprend l’éviction des situations à risque (salles de sport, douches communes … ) et les soins d’hygiène dans les familles dont un membre est atteint.
1.8. Suivi
* Pour les patients immunodéprimés, une surveillance dermatologique annuelle est préconisée.
- Carcinomes cutanés * Les cancers épithéliaux de la peau se développent à partir des kératinocytes de l’épiderme. Ce sont les cancers les plus fréquents dans les deux sexes (homme> femme). Ils surviennent préférentiellement chez les sujets de plus de 60 ans (l’âge étant un facteur de risque) et sur les zones exposées au soleil, qui est le principal facteur étiologique.
Ils représentent 90 % des cancers cutanés.
2.1. Carcinomes épidermoïdes ou spinocellulaires 2.1.1. Définition
* Les carcinomes épidermoïdes correspondent à une prolifération de cellules kératinocytaires de grande taille, organisées en lobules ou en travées, de disposition anarchique.
B 2.1.2. Épidémiologie
* Les carcinomes épidermoïdes apparaissent le plus souvent après 60 ans. L’âge moyen de découverte est de 76 ans. L’incidence annuelle en France est estimée à 30/100 000 dans la population générale. La prise en charge est sou vent complexe du fait des comorbidités, de la présence de troubles cognitifs et de l’isolement social de patients
très âgés (fréquence des lésions négligées).
2.1.3. Physiopathologie, histoire naturelle * La plupart du temps, le carcinome épidermoïde se développe à partir d’une lésion précancéreuse cutanée ou muqueuse qui, elle-même, va se transformer en carcinome non invasif ne franchissant pas la membrane basale (carcinome intra-épithélial, intra-épidermique, in situ ou maladie de Bowen).
2.1.3.1. Lésion précancéreuse cutanée
* La kératose actinique se développe sur les zones photoexposées (front, tempes, scalp chauve, pavillon des oreilles, dos des mains et des bras) (Figure 1). Elle correspond à des lésions squameuses ou croûteuses multiples mal limitées, parfois érythémateuses et micro-ulcérées, ou de fines rugosités à la palpation saignant facilement après grattage. L’évolution peut se faire selon trois modalités: la disparition spontanée, la persistance ou la progression vers un carcinome épidermoïde cutané. Dix à 25 % des kératoses actiniques se transforment en carcinome in situ,
puis en cancer infiltrant. La présence de kératose actinique est un facteur de risque de cancer cutané.
- Les signes de cancérisation sont l’apparition d’un bourrelet induré, d’une ulcération, d’une rougeur excessive, ou d’une kératinisation en corne. Toute modification d’une kératose actinique impose une biopsie ou l’ exérèse chirurgicale.
2.1.3.2. Lésion précancéreuse muqueuse - Les leucoplasies sont des lésions blanchâtres bien limitées, asymptomatiques, adhérentes et ne saignant pas au contact. Elles correspondent à une kératinisation de la muqueuse, en particulier labiale, due au tabac et aux UV.
2.1.3.3. Maladie de Bowen - La maladie de Bowen est un carcinome épidermoïde intra-épithélial (in situ). * L’aspect est celui d’une plaque rouge, bien limitée, à contours nets et irréguliers, recouverte de fines squames. La lésion s’élargit lentement. Les localisations sont multiples dans un tiers des cas et peuvent être cutanées ou muqueuses (vulve et gland). La fréquence de la progression vers un carcinome épidermoïde cutané n’est pas
connue avec précision.
2.1.4. Diagnostic * Les carcinomes épidermoïdes siègent préférentiellement au niveau des zones photo-exposées (tête, cou, dos des mains et des bras). Un examen clinique de l’ensemble du revêtement cutané est cependant indispensable à la recherche d’autres lésions cancéreuses ou précancéreuses, en particulier chez les patients immunodéprimés.
* L’aspect est celui d’une tumeur bourgeonnante, indurée, saignant facilement, avec un centre ulcéré recouvert de croûtes (Figure 2) mais la lésion peut également être végétante ou bourgeonnante. En cas de kératose ou de maladie de Bowen préexistante, la survenue d’un cancer épidermoïde est suspectée devant une ulcération, une surélévation, une induration ou un saignement.
* Dans tous les cas, une analyse anatomo-pathologique est indispensable au diagnostic.
2.1..5. Facteurs de risque * Le principal facteur de risque est la dose d’UV reçue au cours de la vie (expliquant en partie la survenue dans les zones découvertes et chez des patients âgés), avec une susceptibilité particulière en cas de phototype cutané clair.
* Dans certains cas, le développement de carcinomes épidermoïdes des muqueuses peut être lié à HPV (col de l’uté rus, organes génitaux externes masculins et féminins, anus, oropharynx).
* Il existe d’autres facteurs de risque comme !’immunodépression (après greffe d’organe++++), certaines maladies génétiques, certaines maladies inflammatoires, les plaies chroniques, certains carcinogènes chimiques (arsenic … ).
Pour comprendre: la classification des phototypes de Fitzpatrick, qui ne sera pas détaillée, définit 6 types de phototypes, le type 1 le plus clair correspondant à un individu qui ne bronze pas, attrape systématiquement
des coups de soleil, a la peau très claire avec des taches de rousseur et des cheveux blonds ou roux.
2.1..6. Évolution, pronostic * L’évolution peut se faire : - par voie locale (infiltration) ; - par voie ganglionnaire, ce qui implique un examen systématique (clinique, échographie ou scanner) des aires ganglionnaires ;
- par voie hématogène, et donner des métastases à distance vers d’autres organes, plus fréquemment dans le cas des carcinomes épidermoïdes muqueux.
* Il existe également un risque de récidive locale après traitement à visée curative. * Les facteurs de risque d’évolution péjorative sont: - les localisations péri-orificielles du visage, muqueuses ; - les lésions multiples ; - la survenue sur cicatrice (radiodermite, brûlures), le développement sur ulcère (insuffisance veineuse des membres inférieurs) et l’inflammation chronique;
- la taille > 2 cm(> 1 cm pour les zones péri-orificielles) ;- l’infiltration en profondeur (adhérence au plan profond) (aponévrose, organes) ; - une exérèse chirurgicale incomplète ou avec des marges trop étroites ( 4 à 6 mm) ; - la récidive locale d’un cancer déjà traité ;
- !’immunodépression chronique (greffe d’organe).
2.1.7. Diagnostics différentiels * Ils sont représentés par les autres tumeurs cutanées et la kératose actinique. Au moindre doute, une biopsie sera
réalisée.
2.1.8. Bilan d’extension * Le bilan d’extension est avant tout clinique, en particulier à la recherche d’autre(s) carcinome(s) associé(s) et d’adénopathie(s) dans le territoire de drainage. Une échographie du territoire de drainage est fréquemment demandée. Un bilan d’extension radiologique plus complet ne sera demandé qu’en cas d’atteinte ganglionnaire avérée.
* En cas d’adénopathie suspecte, une confirmation histologique est nécessaire. * Une évaluation du patient est indispensable du fait de la fréquence des patients très âgés (état général, autonomie, comorbidités, troubles cognitifs, entourage), d’où l’intérêt d’une consultation d’oncogériatrie.
* Les décisions thérapeutiques sont validées en RCP, idéalement complétée par une consultation conjointe (dermatologue, chirurgien, oncologue radiothérapeute). Dans tous les cas, l’information du patient doit précéder la prise en charge (difficulté en cas de troubles cognitifs).
* La prise en charge est essentiellement chirurgicale. * Une radiothérapie (radiothérapie externe ou curiethérapie) peut être proposée en postopératoire (résection insuf fisante, reprise impossible) ou à titre de traitement exclusif pour des tumeurs non extirpables, avec chirurgie
mutilante ou contre-indiquée (âge, comorbidités, refus, troubles cognitifs).
2.1.9. Suivi et prévention * La majorité des patients traités pour un carcinome épidermoïde cutané localisé est guérie par le traitement. * Le suivi repose sur un examen clinique annuel à vie à la recherche de récidive ou de nouveau cancer cutané (risque> 50 %). Les lésions pré-cancéreuses dépistées (kératose actinique … ) doivent être traitées.
* Les patients immunodéprimés (greffe d’organes) sont suivis à vie. * Le dépistage systématique dans la population générale n’a pas fait la preuve de la réduction de la morbidité ou de la mortalité.
* Chez les sujets à risque (phototype clair, exposition solaire cumulée élevée, sujets immunodéprimés, antécédent personnel de cancer cutané … ), le dépistage, réalisable lors de toute consultation médicale, est recommandé après 50 ans, au moins sur un rythme annuel. L’auto-examen doit être enseigné.
* La prévention doit être enseignée à tous et repose sur la diminution de l’exposition solaire, la photoprotection
notamment pendant l’enfance et l’adolescence.
2.2. Carcinomes basocellulaires 2.2.1. Définition
* Le carcinome basocellulaire est formé d’amas cellulaires kératinocytaires issus de la zone basale ou des follicules
pileux.
2.2.2. Épidémiologie * Le cancer basocellulaire de la peau est la tumeur humaine la plus fréquente dans les deux sexes. Il représente près de 30 % de l’ ensemble des cancers. Il survient dans la plupart des cas après 50 ans. À l’instar des carcinomes épidermoïdes, la prise en charge des cancers basocellulaires chez les personnes (très) âgées peut être très com
plexe (comorbidités, troubles cognitifs).
2.2.3. Physiopathologie, histoire naturelle * À la différence des carcinomes épidermoïdes, il n’existe pas de précurseur ou lésion précancéreuse.
2.2.4. Diagnostic * La lésion typique est un nodule cutané surélevé siégeant sur la face, le cou, le décolleté, c’est-à-dire les zones photo-exposées. Le carcinome basocellulaire n’atteint jamais les muqueuses.
* En relief par rapport à la peau avoisinante, le nodule a un aspect translucide imitant une perle avec de fines télangiectasies. Souvent, une fine croûte recouvre l’ulcération néoplasique, qui saigne après son ablation. Dans les formes ulcéra-bourgeonnantes, on trouve sur le bourrelet périphérique un aspect perlé caractéristique.
* Les variantes cliniques sont multiples : - le carcinome basocellulaire nodulaire, forme la plus fréquente, qui prend la forme d’une papule translucide ferme, bien limitée, lisse, perlée et recouverte de télangiectasies (Figure 3) ;
- le carcinome basocellulaire sclérodermiforme a un aspect de cicatrice fibreuse blanchâtre indurée aux limites imprécises. L’extension profonde et en surface est plus importante que la partie visible;
- le carcinome basocellulaire superficiel est une plaque erythématosquameuse plane, bien limitée, bordée de
perles en périphérie.
2.2.5. Facteurs de risque * L’exposition solaire courte, intense et répétée, plutôt que l’exposition chronique.
* Le phototype clair.* L’immunodépression (patients sous immunosuppresseurs, après greffe d’organe, patients VIH, patients sous chimiothérapie … ), avec un risque relatif évalué à 10.
* Certaines maladies génétiques sont associées à la survenue de carcinomes basocellulaires cutanés (xeroderma
pigmentosum).
2.2.6. Évolution, pronostic * L’évolution spontanée se fait par extension loco-régionale, avec destruction des structures anatomiques de voisinage. Les récidives après traitement sont possibles, notamment dans les formes sclérodermiformes. Les carcinomes basocellulaires ne métastasent jamais au niveau ganglionnaire ni au niveau viscéral.
* Les facteurs de mauvais pronostic sont la localisation céphalique, la forme sclérodermiforme, la taille supérieure à 2 cm (1 cm dans les zones à haut risque de récidive), une exérèse chirurgicale incomplète ou avec des marges
insuffisantes et le caractère récidivant.
2.2.7. Diagnostics différentiels * Les diagnostics différentiels sont représentés par les autres tumeurs cutanées. Les formes sclérodermiformes peuvent être confondues avec une atrophie cicatricielle, et les formes superficielles avec un eczéma, un psoriasis
(item 117) ou une dermatophytose (item 155). ,t.u moindre doute, une biopsie devra être réalisée.
2.2.8. Bilan d’extension * Le bilan d’extension est uniquement clinique, à la recherche d’autres localisations de carcinomes cutanés. Aucun examen complémentaire systématique n’est nécessaire.
* Lorsqu’elle est possible, la chirurgie est le traitement de choix. Les médicaments ciblant la voie Hedgehog peuvent être d’une efficacité remarquable dans les formes très évoluées.
Il n’y a jamais d’extension métastatique dans ce type de tumeurs.
2.2.9. Suivi * Le suivi repose sur un examen clinique annuel pendant au moins 5 ans à la recherche de récidive ou de nouveau cancer cutané. La fréquence des examens peut être augmentée pour les patients à risque.
* Le patient doit être formé à l’auto-dépistage et consulter en cas d’apparition d’une nouvelle lésion ou la modifica tion d’une lésion ancienne.
* La prévention primaire repose sur la diminution de l’exposition solaire et la protection solaire. * Une surveillance cutanée rapprochée (annuelle) doit être réalisée chez les patients immunodéprimés (prévention primaire).
Le Tableau 1 synthétise les caractéristiques comparées du carcinome épidermoïde et du carcinome basocellulaire.
- Tumeurs mélaniques bénignes : ncevus 3.1. Physiopathologie * Les noevus correspondent à une prolifération ou une accumulation mélanocytaire anormale : ce sont des tumeurs bénignes. À l’état basal, les mélanocytes, situés entre les kératinocytes et la jonction dermo-épidermique, sont chargés de fabriquer la mélanine, pigment protecteur des rayonnements ultraviolets. Les cellules mélanocytaires se regroupent en amas ou thèques, pour former les noevus, qui peuvent être jonctionnels (couche basale de l’épi
derme), dermiques, ou mixtes.
3.2. Formes cliniques * Les noevus sont des lésions bénignes mélanocytaires congénitales ou acquises. L’aspect clinique est très variable, mais toujours régulier (symétrie, forme, couleur) et de profil évolutif différent des mélanomes. 3.2.1. Noevus communs acquis
* Les noevus pigmentés bruns plats ou bombés, ou les noevus tubéreux peu ou pas pigmentés, lisses ou verruqueux, siègent plutôt sur le visage.
3.2.2. Noevus congénitaux
* Ils touchent moins de 1 % des nouveau-nés, à type d’hamartomes pigmentaires le plus souvent. Ils peuvent dans de rares cas être de grande taille(> 20 cm à l’âge adulte), voire géants.
3.2.3. Noevus atypiques
* Ils ont des caractéristiques proches de celles des mélanomes. Ils sont : - de grande taille ; - de couleur rosée et/ ou brune ; - et présentent une ou plusieurs caractéristiques de mélanome (ABCDE).
3.2.4. Noevus multiples
* Le « syndrome du noevus atypique » est défini par la présence en grand nombre de noevus (N > 50), souvent de grande taille(> 6 mm de diamètre), ayant des aspects atypiques (bords irréguliers, polychromie) et pouvant aussi siéger en peau non exposée au soleil (cuir chevelu, fesses et seins chez la femme).
3.2.5. Autres noevus
* Il existe d’autres formes de noevus, plus rares. Ils peuvent être parfois bleus, parfois achromiques, situés au niveau de l’ongle et prendre la forme de bandes (mélanonychies), atteignant parfois les muqueuses.
3.2.6. Remarques
* Il est important de retenir que ni les micro-traumatismes répétés, ni l’exposition solaire ne sont des facteurs de risque de transformation des noevus. Par contre, un noevus qui saigne doit faire discuter le diagnostic alternatif
de mélanome.
3.3. Facteurs de risque * Le phototype clair, l’exposition solaire, et !’immunodépression sont les principaux facteurs favorisants la pré
sence de noevus.
3.4. Évolution, pronostic * L’évolution normale du noevus se fait par une croissance régulière pour atteindre une taille définitive. * La transformation des noevus en tumeurs malignes est extrêmement rare, sauf pour les noevus congénitaux géants, pour lesquels le risque s’accroît avec la taille de la lésion. Par contre, les nrevus communs sont des facteurs de risque de mélanome, en particulier quand - ils sont présents en grand nombre ; - ils sont atypiques ;
- il existe des antécédents familiaux de mélanomes.
3.5. Diagnostics différentiels * Ils sont représentés par : - les lentigos, improprement appelées « taches de vieillesse », qui sont des macules pigmentées sur les zones photoexposées et qui brunissent avec le temps ;
- les éphélides ou « taches de rousseur », macules millimétriques brun clair qui apparaissent sur les zones photoexposées chez les individus roux, qui s’accentuent avec le soleil et ont tendance à disparaître avec le temps;
- l’histiocytofibrome, tumeur bénigne formée de cellules fibrohistiocytaires, se présentant comme un nodule central ferme entouré d’un halo brunâtre (qui apparaît typiquement à distance d’une piqûre d’insecte);
- une kératose séborrhéique, tumeur épithéliale bénigne qui n’évolue jamais vers la malignité, qui apparaît après 40 ans, non liée au soleil, située sur le visage, le décolleté et le dos, dont la couleur va du beige clair au noir, initialement plane puis verruqueuse et rugueuse recouverte d’un enduit squamo-kératosique gras, à bordure nette et abrupte ;
- un carcinome basocellulaire nodulaire; - un angiome thrombosé (tumeur vasculaire bénigne); - surtout, un mélanome malin doit être envisagé en cas de caractéristiques suspectes. Au moindre doute, une exérèse doit être pratiquée ; le meilleur facteur pronostique de mélanome étant un diagnostic précoce.
Le traitement et le suivi des naevus ne figurent pas dans les objectifs de connaissance de cet item et ces
informations sont données à titre indicatif.
- Tumeurs mélaniques malignes : mélanomes 4.1. Définition * Les mélanomes sont des tumeurs malignes développées aux dépens des mélanocytes. * L’évolution est, dans un premier temps, horizontale et intra-épidermique, puis, dans un second temps, verticale avec envahissement du derme superficiel (phase micro-invasive), enfin du derme profond et de
l’hypoderme (phase invasive).
4.2. Épidémiologie * Le mélanome représente entre 2 et 3 % de l’ensemble des cancers et se situe au 11’ rang des cancers les plus fréquents chez l’homme et au 9’ rang chez la femme.
* L’âge moyen au diagnostic est de 50-60 ans (en baisse). * L’incidence est en augmentation régulière de 10 % par an, depuis 50 ans. * C’est le premier des cancers en termes d’augmentation de fréquence. * L’incidence est directement corrélée au phototype et à l’exposition solaire, plus élevée chez les sujets à la peau
claire (notamment en Australie), et plus faible dans les pays asiatiques ou dans les populations à la peau noire.
4.3. Physiopathologie, histoire naturelle * La voie de signalisation MAPK est activée via la fixation de facteurs de croissance sur des récepteurs transmem branaires. Elle comprend des protéines cytoplasmiques dites tyrosines kinases (RAS, RAF, MEK et ERK), qui permettent la transduction d’un signal par le transfert d’un groupement phosphate de l’adénosine triphosphate (ATP) vers une protéine effectrice. La transmission de ce signal jusqu’au noyau de la cellule va aboutir à la proli fération, à la différenciation et à la survie cellulaire. De manière physiologique dans le mélanocyte, cette voie est activée de façon transitoire par différents facteurs de croissance. Dans le mélanome, cette voie est activée de façon permanente dans la majorité des cas et est responsable des caractéristiques particulières de ce type de tumeurs.
* La majorité des mélanomes naissent de nova en peau saine, et plus exceptionnellement de la transformation d’un
noevus, plus fréquemment les noevus congénitaux que les noevus communs.
If.If. Diagnostic * Il est extrêmement important de diagnostiquer le mélanome de manière précoce afin d’augmenter les chances de guérison.
Le diagnostic doit être évoqué à l’examen clinique devant la présence de plusieurs (généralement 3, 4 ou 5) des caractéristiques suivantes (règle ABCDE) (Figure 4) : - Asymétrie - Bords irréguliers - Couleur inhomogène -
Diamètre supérieur à 6 mm Evolution récente
* L’examen visuel doit être aidé par la dermoscopie ou « microscopie en épiluminescence », et est confirmé par l’examen anatomo-pathologique. Ce dernier est fait après exérèse complète afin de pouvoir déterminer l’épais
seur de la lésion. La biopsie est exceptionnelle car elle peut conduire à des erreurs diagnostiques.
4.5. Facteurs de risque * L’exposition solaire est le principal facteur de risque, qu’elle soit intermittente et intense avec en particulier les brûlures reçues pendant l’enfance (mélanome superficiel extensif) ou prolongée et cumulative (mélanome de Dubreuilh strictement intra-épidermique).
* Le phototype clair. * La prédisposition familiale, définie par au moins deux personnes atteintes de mélanome dans la famille, augmente de manière importante le risque de mélanome et serait impliquée dans 10 % des cas de mélanome.
* Antécédent personnel de mélanome. * La présence de nombreux noevus et le syndrome du noevus atypique. * L’immunodépression : patients greffés sous immunosuppresseurs, patients atteints du VIH, patients recevant de
la chimiothérapie …
4.6. Évolution, pronostic Le pronostic est extrêmement différent en fonction de la présence ou non d’une atteinte métastatique. La probabilité de survie à 5 ans chute de 88 % pour les formes localisées à 18 % pour les formes métastatiques.
* La classification anatomo-clinique des mélanomes au stade localisé permet de définir le profil évolutif en deux catégories : - les tumeurs avec phase d’extension horizontale. Elles regroupent: ► le mélanome superficiel extensif (SSM), le plus fréquent (60-70 % des cas); ► le mélanome de Dubreuilh avec une phase d’extension horizontale pouvant durer plusieurs années (10 % des cas) ;
► le mélanome acral lentigineux des paumes, des plantes, des bords latéraux des doigts et des orteils, et sous les ongles (2 à 5 % des cas) (Figure 5) ;
► plus rarement, les mélanomes des muqueuses buccales et génitales (bouche, nez, fosses nasales et pharynx, vagin et anus) et le mélanome uvéal (cancer de l’oeil le plus fréquent chez l’adulte);
- les tumeurs sans phase d’extension horizontale : il s’agit du mélanome nodulaire d’emblée, rapidement
invasif (10 à 20 % des cas).
- Les critères histo-pronostiques sont : - l’indice de Breslow (épaisseur tumorale) principalement, qui fixe la classification par stades (cf Tableau 2); - la présence d’ulcération ; - l’index mitotique ; - l’atteinte du ganglion sentinelle.
- L’évolution peut se faire vers: - la récidive après exérèse ;
- l’évolution métastatique cutanée/sous-cutanée (métastases en transit), ganglionnaire, ou viscérale
4.7. Diagnostics différentiels * Ils sont représentés par : - les mevus atypiques ; - les kératoses séborrhéiques ; - les carcinomes basocellulaires pigmentés ; - les histiocytofibromes pigmentés ; - les angiomes thrombosés.
* Tous ces diagnostics différentiels ont été définis plus haut. Dans tous les cas et au moindre doute, !’exérèse doit
être envisagée.
4.8. Bilan d’extension Toute décision thérapeutique est discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) et annoncée au patient lors d’une consultation d’annonce.
* Les schémas thérapeutiques sont fonction de l’ extension en profondeur (Breslow), de la présence d’une ulcération (Tableau 2), et d’une éventuelle atteinte ganglionnaire ou à distance (TDM thoraco-abdomino-pelvien, TEP
TDM au 18FDG, TDM ou IRM cérébrale).
4.9. Suivi et prévention * Les modalités de suivi dépendent du stade de la tumeur
* La prévention passe par l’information sur les risques des UV, la réduction de l’exposition solaire et la protection solaire, en particulier pendant l’enfance.
* Dans les cas de prédisposition familiale, une surveillance rapprochée doit être mise en place.
* L’auto-dépistage doit être fortement encouragé.
Définition * La très grande majorité(> 90 %) des tumeurs du testicule correspond à des tumeurs germinales (Tableau 1). * Les séminomes purs sont constitués d’une seule composante tumorale. Les tumeurs non séminomateuses sont caractérisées par la présence d’une ou plusieurs composantes tumorales.
* Les tumeurs non germinales ( < 10 % ) constituent un groupe de tumeurs très hétérogènes, bénignes ou malignes, principalement issues des tissus de soutien du testicule.
Tableau 1. CLASSIFICATION ANATOMO-PATHOLOGIQUE DES TUMEURS DU TESTICULE – - Tumeurs germinales * Séminomes purs
* Tumeurs non séminomateuses - Carcinome embryonnaire - Tumeur vitelline - Choriocarcinome
- Tératome
Tumeurs non germinal Tumeurs à cellules de Sertoli et Leydig * Gonadoblastomes * Adénocarcinomes du rete testis * Mésothéliomes de la vaginale * Lymphomes
* Métastases
- Prévalence, épidémiologie * Les tumeurs germinales du testicule sont des cancers rares (1 % des cancers de l’homme) mais représentent les tumeurs malignes les plus fréquentes chez l’homme jeune.
* L’incidence est en augmentation, avec un nombre de nouveaux cas d’environ 2 500 par an en France (7/100 000 hommes).
* L’âge de survenue se situe classiquement au cours de la 3e décennie, avec un deuxième pic autour de la cinquan
taine pour les séminomes purs.
- Étiologie 3.1. Histoire naturelle * La croissance volumique locale des tumeurs germinales est variable, volontiers plus rapide pour les tumeurs non séminomateuses.
* La dissémination tumorale s’effectue préférentiellement par voie lymphatique. Les premiers relais ganglion naires sont rétropéritonéaux (Figure 1). La dissémination hématogène donne lieu à des métastases avant tout
pulmonaires.
3.2. Facteurs de risque * Les principaux facteurs de risque identifiés sont décrits dans le tableau 2.
Tableau 2. FACTEURS DE RISQUE DES TUMEURS GERMINALES DU TESTICULE – - - - - - —- — –
* Antécédent de cryptorchidie (risque persistant après abaissement testiculaire) * Antécédents familiaux du premier degré * Antécédent personnel de tumeur germinale du testicule controlatéral
* Consommation régulière et prolongée de cannabis (pour les tumeurs non séminomateuses) * Trisomie 21
* Et à un moindre degré l’infertilité
4.1. Circonstances de découverte * Les tumeurs germinales du testicule sont souvent diagnostiquées à l’occasion de symptômes en rapport avec le développement local de la tumeur: anomalies des bourses (augmentation de volume) et/ou douleurs testicu laires.
* Une découverte fortuite, lors d’une échographie réalisée dans le cadre d’un bilan d’infertilité par exemple, est aussi possible.
* Plus rarement, le diagnostic est porté au cours du bilan d’une masse abdominale responsable de douleurs abdo minales et/ou de la région lombaire, d’une adénopathie sus-claviculaire gauche (ganglion de Troisier), d’une gynécomastie (liée à la sécrétion tumorale d’hormone chorionique gonadotrope), ou encore d’une altération de
l’état général avec asthénie et amaigrissement ou d’une dyspnée dans les formes métastatiques d’emblée.
4.2. Examen clinique * La palpation scrotale doit être bilatérale et comparative. * Les éléments en faveur d’une tumeur maligne sont la palpation d’un nodule ou d’une masse développée aux dépens du testicule, de consistance dure, et indépendant(e) de l’épididyme (avec conservation du sillon épidi dymo-testiculaire ou signe de Chevassu).
* La recherche d’une dissémination métastatique à l’examen clinique doit comporter la palpation de l’aire gan glionnaire sus-claviculaire gauche et la palpation abdominale (à la recherche d’une hépatomégalie ou d’une masse
abdominale).
4.3. Échographie scrotale * Toute suspicion clinique de tumeur testiculaire doit faire réaliser une échographie scrotale. * Cet examen permet : - de confirmer la localisation intra-testiculaire du nodule palpé (et d’éliminer ainsi une origine extra-testiculaire comme un kyste de l’épididyme);
- d’orienter vers la nature maligne du nodule (aspect souvent homogène et hypoéchogène pour les séminomes, plus hétérogène pour les tumeurs non séminomateuses, volontiers hypervascularisé en mode doppler) ;
- d’explorer le testicule controlatéral.
4.4. Marqueurs tumoraux * Les trois marqueurs d’intérêt sont l’alpha-foetoprotéin
e (AFP), l’hormone chorionique gonadotrope (hCG)
totale et les lactates déshydrogénases (LDH). - L’AFP n’est élevée qu’en cas de tumeur germinale non séminomateuse; sa demi-vie est de 5 à 6 jours; une élévation peut également être retrouvée de manière physiologique et dans certaines pathologies hépatiques.
- L’hCG totale peut être élevée en cas de tumeur germinale séminomateuse ou non séminomateuse; sa demi-vie est de 2 à 3 jours.
- Les LDH n’ont pas de spécificité d’organe mais reflètent la masse tumorale.
- Bilan d’extension * La tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne est l’examen d’imagerie de référence pour le bilan d’extension de la maladie. Les principales régions d’intérêt à la recherche d’une dissémination métastatique sont le rétropéritoine, le foie, le médiastin et les poumons.
* Les marqueurs tumoraux interviennent également dans le bilan d’extension. Ainsi, leur absence de normalisation
au décours de l’ orchidectomie témoigne d’une maladie métastatique, même si la tomodensitométrie est normale.
- Diagnostics différentiels * Le principal diagnostic différentiel est l’orchi-épididymite, qui se distingue par la présence de signes infectieux pouvant être marqués (fièvre, douleur), de troubles urinaires ou d’un ECBU positif, et l’absence du signe de Che vassu. En cas de doute, l’échographie testiculaire pourra trancher en mettant en évidence un épaississement et un aspect hypervascularisé de l’épididyme.
* L’hydrocèle vaginale est facilement reconnaissable par son aspect régulier et de consistance hydrique. * Les autres diagnostics différentiels peuvent facilement être éliminés cliniquement ou à l’échographie (kyste de
l’épididyme, varicocèle, hernie inguino-scrotale … ).
- Prise en charge andrologique * Le diagnostic positif final d’une tumeur germinale du testicule repose sur l’analyse anatomo-pathologique de la pièce d’ orchidectomie.
* Une tumeur testiculaire ne doit jamais être biopsiée : toute découverte d’une masse intra-testiculaire est un cancer jusqu’à preuve anatomo-pathologique du contraire et doit conduire à la réalisation d’une exploration par voie inguinale. Celle-ci se fait après clampage haut et premier du cordon spermatique à l’orifice inguinal profond pour éviter toute dissémination. La pièce opératoire comporte ainsi le testicule, ses annexes et le cordon sperma
tique jusqu’à l’orifice inguinal.* Une prothèse testiculaire peut être mise en place dans le même temps ou à distance. * Un recueil de sperme pour cryoconservation doit être systématiquement proposé au patient, au mieux avant l’orchidectomie, au sein d’un CECOS (Centre d’Étude et de Conservation des OEufs et du Sperme humain). Il s’agit d’une mesure médico-légale dans la mesure où la maladie elle-même et les traitements peuvent être respon sables de troubles de la fertilité.
* Après l’orchidectomie, il n’est pas nécessaire d’envisager une supplémentation hormonale dans la mesure où le testicule controlatéral assure le plus souvent une synthèse suffisante de testostérone.
* Les tumeurs germinales du testicule sont associées à un très bon pronostic, avec une survie à 5 ans de plus de
95 % tous stades confondus.
1.1. Epidémiologie descriptive en France * Autrefois l’un des cancers les plus fréquents en France, son incidence a diminué drastiquement depuis 30 ans grâce au développement du dépistage par le frottis cervico-utérin qui permet de diagnostiquer et de traiter des lésions pré-invasives ou des cancers à un stade précoce (Tableau 1).
* En France, en 2018, le cancer du col de l’utérus représentait la 11 e localisation tumorale en termes d’incidence avec 2920 nouveaux cas et la 12e en termes de mortalité avec 1117 décès.
* L’âge médian au diagnostic était de 53 ans, ce qui en fait un enjeu de santé publique. * Au niveau mondial, le cancer du col reste le quatrième cancer féminin avec plus de 500 000 cas incidents et près de 300 000 décès en 2012 (statistiques IARC 2012).
* Il est plus fréquent parmi les populations des pays à faibles ressources. C’est ainsi le premier cancer de la femme dans 39 pays, principalement situés en Afrique sub-saharienne, en Amérique centrale et en Asie du Sud- Est. 20 % des cas de cancer du col dans le monde surviennent en Inde.
* La survie nette à 5 ans en France est actuellement estimée à 63 % et a tendance à se dégrader. Cette dégradation est liée à une proportion plus importante de cancers de mauvais pronostic qui ont échappé au dépistage et à la moindre fréquence des lésions de bon pronostic qui ont été supprimées de la population suivie grâce au dépistage.
* Le taux de survie relative à 5 ans est de 91,5 % à un stade local, 57,7 % à un stade régional et 17,2 % à un stade
métastatique.
1.2. Infection HPV et cofacteurs 1..2.1.. L’infection persistante à papillomavirus humain (HPV)
* L’HPV est retrouvé dans la quasi-totalité des cas de cancer du col de l’utérus et en constitue la principale cause, quel que soit le type histologique.
* Une centaine de types d’HPV a été caractérisée. Parmi les HPV oncogènes, les types 16 et 18 sont les plus fréquents et sont présents dans plus de 70 % des cas de cancer invasif du col utérin en France (HPV 16: 55 %, HPV 18: 15 %).
* lis sont également associés à d’autres cancers: canal anal, vulve, vagin et certains cancers ORL.
* L’HPV est principalement transmis par contact sexuel (infection sexuellement transmise). L’infection se produit le plus souvent dès le début de la vie sexuelle. La prévalence de l’infection est maximale avant 30 ans, avec un taux de 17 %.
* La majorité des femmes exposées aux HPV développe une immunité suffisante pour éliminer le virus (clairance virale). Cependant, celui-ci persiste chez certaines femmes et cette persistance peut conduire au développement d’une lésion précancéreuse.
* Il existe plusieurs stades successifs de lésions précancéreuses, appelées néoplasies cervicales intra-épithéliales (CIN) ou dysplasies. Ces lésions peuvent régresser spontanément (le plus souvent), persister ou bien encore évo luer vers un cancer du col de l’utérus.
À partir de l’infection persistante, l’évolution vers un cancer invasif du col utérin met en moyenne 15 ans à se produire, laissant donc une fenêtre d’action importante pour pouvoir détecter précocement (et traiter) les lésions précancéreuses et cancéreuses du col.
* Certaines caractéristiques de la vie sexuelle sont associées à un risque accru d’infection à HPV oncogénique : - précocité des premiers rapports sexuels ; - partenaires sexuels multiples ; - antécédents de maladies sexuellement transmissibles.
* Le bas niveau socio-économique et le faible niveau d’éducation sont associés à une moindre compliance au dépis tage et à la vaccination, responsables d’une plus grande fréquence des stades localement avancés et d’une mortalité
plus élevée.
1..2.2. Co-facteurs * Ils favorisent la persistance de l’infection ou interviennent dans la carcinogénèse: -
tabagisme actif (à la fois facteur de risque et facteur pronostique) ;
- co-infection à Chlamydiae ou par un virus de l’herpès; - utilisation au long cours (plus de 5 ans) de contraceptifs oraux;
- déficit immunitaire acquis (dont l’infection par le VIH).
- Principaux types histologiques de cancer du col 2.1. Carcinome épidermoïde * Le carcinome épidermoïde représente environ 70 % des cancers du col. Il se développe à partir de l’épithélium malpighien de l’exocol au niveau de la zone de jonction avec l’endocol (jonction squamo- cylindrique).
2.1..1.. Lésions précancéreuses
* Il s’agit des néoplasies intra-épithéliales cervicales (CIN) caractérisées par une désorganisation architectu rale et la présence de cellules atypiques. Leur sévérité est évaluée en fonction de l’extension des anomalies dans l’épithélium : - CINl : dysplasie légère, atteinte limitée au 1/3 inférieur de l’épithélium, (aspect cytologique habituel: LSIL); - CIN2 : dysplasie modérée, extension aux deux tiers inférieurs de l’épithélium, (aspect cytologique habituel: HSIL);
- CIN3 : dysplasie sévère ou carcinome in situ, extension à la totalité de l’épithélium, (aspect cytologique habituel : HSIL ou ASC-H).
Le risque d’évolution vers le carcinome invasif est plus important pour les CIN2-3 (10-15 %) que pour les CIN1
(1 % des cas).
2.1..2. Carcinome micro-invasif et invasif * La rupture de la membrane basale par la prolifération carcinomateuse caractérise le stade invasif. * Le risque métastatique augmente avec la profondeur de l’invasion. Pour une profondeur < 5 mm, on parle de micro-invasion. Le risque métastatique est alors très faible.
* Au-delà de 5 mm, on parle de carcinome invasif. * La présence d’emboles tumoraux lymphatiques ou vasculaires est un important facteur pronostique d’évolution
métastatique.
2.2. Adénocarcinome * Il est plus rare (20 % environ). * Il se développe à partir de l’épithélium cylindrique qui recouvre le canal endocervical ou endocol.
* Il est également précédé de lésions précancéreuses mais, à la différence des cancers épidermoïdes, il n’a pas été
établi de niveaux de sévérité.
2.3. Autres types histologiques * Ils sont beaucoup plus rares. Il s’agit en particulier des carcinomes à différenciation neuro-endocrine, carcinome
à cellules claires (lié à une exposition in utéro au diethylstilbestrol).
A 3. Prévention 3.1. Prévention : intérêt de la vaccination * La vaccination permet de prévenir l’infection persistante par les HPV. Pour un maximum d’efficacité, elle doit être réalisée avant la survenue d’une première contamination, et donc avant les premiers rapports sexuels. Elle diminue le risque de néoplasie intra-épithéliale et de chirurgie mutilante associée à un risque d’accouchement prématuré (conisation). En 2020, une étude de registre réalisée en Suède a montré une diminution du risque de cancer invasif chez les femmes ayant reçu le vaccin quadrivalent.
* Son utilisation chez le jeune garçon pourrait permettre également de diminuer l’incidence des cancers HPV induits dans cette population et de mieux protéger les femmes non vaccinées.
* Trois vaccins sont actuellement disponibles : - Cervarix® : vaccin bivalent (contre HPV 16 et 18); - Gardasil® : vaccin quadrivalent (contre HPV 16, 18, 6 et 11) qui protège aussi des condylomes liés aux HPV 6 et 11 ;
- Gardasil 9: vaccin nonavalent qui protège en plus contre les sérotypes 31, 33, 45, 52, 58. Ces 9 sérotypes sont en cause dans 90% des cancers du col.
Depuis janvier 2021, l’HAS recommande la vaccination par le Gardasil 9 des filles et des garçons de 11 à 14 ans (2 injections à MO et M6), et en rattrapage vaccinal entre 15 et 19 ans révolus (3 injections à MO, M2 et M6).
* La vaccination repose sur une démarche individuelle (il n’y a pas de campagne de vaccination organisée) et est prise en charge à hauteur de 65 % par l’ Assurance maladie (y compris pour les garçons depuis janvier 2021).
* La vaccination contre les HPV n’entraîne pas d’augmentation du risque de survenue de maladies auto- immunes et les différents plans de gestion des risques concluent en une balance bénéfice/risque de la vaccination favorable.
La vaccination n’élimine pas totalement le risque de développer un cancer du col de l’utérus. C’est pourquoi,
même pour les femmes vaccinées, le dépistage du cancer du col de l’utérus reste nécessaire.
3.2. Prévention : intérêt et modalités du frottis cervico-utérin (FCU) * Du fait de son évolution lente et de l’existence de nombreuses lésions précancéreuses curables, le cancer du col peut être dépisté à un stade précoce, et même être prévenu par la détection de lésions précancéreuses.
* Plus de 30 000 femmes par an sont diagnostiquées avec des lésions précancéreuses, soit une incidence 10 fois supérieure à celle du cancer invasif.
* Ces lésions précancéreuses sont invisibles à l’examen clinique. Leur dépistage repose classiquement sur le frottis cervico-utérin (FCU) qui permet une analyse cytologique des cellules du col utérin à la jonction exocol-endocol. Les anomalies cytologiques sont classées selon le système de Bethesda (Tableau 2).
* L’examen cytologique présente toutefois des limites. Outre sa faible sensibilité, qui implique une fréquence rela tivement élevée du dépistage (tous les 3 ans), il est peu reproductible. Son interprétation est en effet subjective et variable selon les observateurs.
* Il n’est pas recommandé avant 25 ans car il détecterait des lésions qui, pour la plupart, n’évolueront pas vers le cancer et il entraînerait des traitements inutiles.
* Le test HPV est une méthode de détection moléculaire qui permet la détection des acides nucléiques des géno types d’HPV à haut risque. Ce test peut être réalisé à partir d’un prélèvement cervico-utérin fait par un clinicien ou d’un auto-prélèvement vaginal. Il est plus sensible que l’examen cytologique pour la détection des CIN 2+ et
CIN 3+; en revanche, sa spécificité est moindre. Son intérêt n’est pas démontré avant 30 ans.
- Le prélèvement cervico-utérin doit être effectué dans les conditions suivantes: - à distance d’un rapport sexuel (48 h); - en dehors des périodes menstruelles ; - en l’absence de tout traitement local ou signe d’infection; - si nécessaire après traitement oestrogénique chez la femme ménopausée ; - il faut éviter de faire le toucher vaginal avant le frottis cervico-utérin et d’utiliser un lubrifiant.
- Un prélèvement en milieu liquide est actuellement recommandé. Il permet la réalisation sur le même prélèvement d’un test HPV et de l’examen cytologique qui pourra éventuellement être contrôlé en cas de résultat positif ou douteux.
- Un programme national de dépistage du cancer du col a été mis en place en 2018 pour l’ensemble des femmes
âgées de 25 à 65 ans.
Les recommandations HAS pour le dépistage de masse, revues en 2019 sont les suivantes: -
Cibles : femmes asymptomatiques de 25 à 65 ans, incluant les femmes enceintes et les femmes ménopausées;
-
Entre 25 et 30 ans: il reste fondé sur l’examen cytologique réalisé en milieu liquide: réalisation de deux examens cytologiques à 1 an d’intervalle, puis 3 ans après si le résultat des deux premiers est normal;
À partir de 30 ans : le test HPV remplace l’examen cytologique. Le premier sera réalisé 3 ans après le dernier examen cytologique dont le résultat était normal puis tous les 5 ans si le test reste négatif;
L’auto-prélèvement vaginal pour recherche d’HPV doit être proposé, à partir de 30 ans, aux femmes non dépistées ou insuffisamment dépistées.
* La conduite à tenir recommandée par l’HAS en cas d’anomalies est résumée dans la figure 1. En cas d’auto-prélè
vement vaginal positif pour l’HPV, une consultation médicale est recommandée.