Medecine interne Flashcards
Définition de l’auto-immunité_______________________ * L’auto-immunité est un phénomène naturel contrôlé en permanence par différents mécanismes qui permettent le maintien de la tolérance du système immunitaire vis-à-vis des antigènes du soi.
* La rupture de ces mécanismes de tolérance conduit à la survenue de maladies auto-immunes (MAI). * Une MAI est définie par la présence de conséquences cliniques, biologiques, histologiques, et/ou d’imagerie de l’auto-immunité. Une MAI est donc caractérisée par : - des signes cliniques (ou biologiques, histologiques, d’imagerie) qui sont la conséquence d’une réaction
immunitaire vis-à-vis des antigènes du soi ;- et des signes biologiques ou histologiques d’auto-immunité (présence d’auto-anticorps (Ac) et/ou de lymphocytes auto-réactifs dans un organe atteint).
* La présence de signes biologiques d’auto-immunité sans signe clinique, biologique, histologique ou d’imagerie associé témoignant de conséquences de l’auto-immunité sur les organes, les cellules ou les tissus est donc insuffi sante pour porter le diagnostic de MAI.
* Les MAI peuvent être spécifiques d’organe ou systémiques (les termes « systémiques » et multi-systémiques » peuvent être utilisés, le terme multi-systémique témoignant de plusieurs tissus ou organes atteints étant séman tiquement plus exact, mais le terme systémique étant consacré par l’usage). Les MAI systémiques doivent être distinguées des maladies auto-inflammatoires (qui mettent en jeu des mécanismes immunitaires distincts (voir item 185 - Réaction inflammatoire) et granulomateuses (voir item 211 - Sarcoïdose), qui sont également des maladies systémiques.
* Les MAI sont souvent associées entre elles, soit au sein d’une même famille (avec le plus souvent des MAI diffé
rentes selon les individus), soit chez une même personne.
- Epidémiologie des maladies auto-immunes (MAI) * Les MAI sont nombreuses (il en existe environ 80) et variées. Toutes ensemble, elles constituent la 3e cause de morbidité dans les pays développés, avec une prévalence de 5 à 7 % dans la population générale.
* Beaucoup de MAI ont une prévalence < 1/2000 et répondent par conséquent à la définition des maladies rares (voir item 22 - Maladies Rares).
* La majorité des MAI est plus fréquente chez les femmes que les hommes. L’importance de cet écart de prévalence selon le sexe dépend des MAI (par exemple le diabète de type 1 touche autant les hommes que les femmes mais le syndrome de Sjôgren touche 9 femmes pour 1 homme). Au total, 80 % des personnes touchées par une MAI sont des femmes.
* L’âge de début est variable selon les MAI, en moyenne 40-50 ans, mais cet âge est très dépendant du type de MAI
(Tableau 1).
- Exemptes de maladies auto-immunes spécifiques______ d’organe et systémiques
* On distingue deux types de MAI : - les MAI spécifiques d’organe qui touchent un seul organe ou appareil, par exemple : > Thyroïde : thyroïdite de Hashimoto, maladie de Basedow ; > Pancréas : diabète de type 1 ; > Tube digestif : maladie de Biermer, maladie coeliaque, maladies inflammatoires chroniques intestinales (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique (RCH)) ;
> Système hématopoïetique : thrombopénie (ou purpura thrombopénique) immunologique, anémie hémolytique auto-immune ;
> Système articulaire : polyarthrite rhumatoïde ; > Système nerveux central : sclérose en plaques.
- les MAI systémiques (qui affectent plusieurs organes ou appareils. Parmi elles, on distingue : > les maladies auto-immunes systémiques non vascularites : * lupus systémique ; * syndrome de Sjôgren ; * sclérodermie systémique ; * myosites (= myopathies inflammatoires) ; * connectivités mixtes (= syndrome de Sharp) ; * syndrome des anticorps anti-phospholipides (SAPL) ;
> et certaines vascularites systémiques, classées selon la taille des vaisseaux touchés (voir item 193- Connaître les principaux types de vascularite systémique). Toutes les vascularites systémiques ne sont pas des MAI (par exemple, l’artérite à cellules géantes est une maladie dont la physiopathologie fait plutôt intervenir l’inflammation). Les principales vascularites de mécanisme auto-immun sont les vascularites associée aux
anticorps anti-cytoplasme de polynucléaires neutrophiles (ANCA) et les vascularites cryoglobulinémiques.
4.1. Caractéristiques cliniques et auto-anticorps utiles au diagnostic de MAI
* Les principales familles d’auto-anticorps évocatrices de maladie auto-immune systémique ou spécifiques d’organes sont résumées dans le Tableau 2. Ce tableau n’est pas exhaustif mais rapporte les principales mani festations clinico-biologiques des MAI spécifiques d’organe et systémiques et les auto-anticorps utiles à leur dia gnostic.
* Il existe plusieurs familles d’auto-anticorps, qui dépendent de leur cible (l’auto-antigène). Les auto-anticorps sont des aides au diagnostic, avec une sensibilité et une spécificité variable, mais ne peuvent à eux seuls permettre de porter le diagnostic de MAI, en l’absence d’un retentissement clinique, biologique, histologique, ou d’imagerie de la MAL Par ailleurs, la plupart d’entre eux ne sont pas directement pathogènes, et servent uniquement de mar queur de la MAL Certaines MAI ne sont pas associées à des auto-anticorps (exemple : sclérose en plaques), mais
cette situation est rare.Les familles d’auto-anticorps peuvent être présentées comme suit : - auto-anticorps dirigés contre des antigènes nucléaires = anticorps antinucléaires (AAN) ; - auto-anticorps dirigés contre des antigènes du cytoplasme des cellules (cytoplasme des polynucléaires neutrophiles dans les vascularites associées aux ANCA, cytoplasme d’autres cellules dans les myosites) ;
- auto-anticorps dirigés contre des cibles antigéniques spécifiques d’organes, de tissus (thyroïde, surrénale,
pancréas) ou des membranes cellulaires (test direct à l’antiglobuline).
5.1. Hémogramme et électrophorèse des protéines sériques * Au cours des MAI, l’hémogramme peut être perturbé par plusieurs mécanismes : - mécanisme directement en lien avec la MAI : cytopénies auto-immunes, microangiopathie thrombotique ; - mécanisme en lien avec le syndrome inflammatoire (voir infra) (syndrome inflammatoire aigu ou chronique) ; - mécanisme en lien avec les traitements : corticoïdes, immunosuppresseurs ; - mécanisme en lien avec des conséquences indirectes des MAI ou des pathologies de rencontre : carence martiale (maladie coeliaque, ou carence en fer sans lien direct), insuffisance rénale chronique par exemple.
* L’anémie peut avoir plusieurs mécanismes : - anémie hémolytique auto-immune (AHAI) : hémolyse provoquée par des Ac anti-érythrocytaires fixés à la surface des hématies, mis en évidence par le test direct à l’anti-globuline (autrefois appelé test de Coombs direct) ;
- anémie par microangiopathie thrombotique (schizocytes sur le frottis sanguin et thrombopénie) ; - carence martiale (exemple : due à une malabsorption si maladie coeliaque) ; - inflammatoire ; - insuffisance rénale chronique (exemple : lupus systémique).
* Une lymphopénie (< 1000/mm3) est fréquente au cours des MAI systémiques, de mécanisme varié. * Une thrombopénie est le plus souvent d’origine périphérique auto-immune provoquée par la présence d’Ac anti plaquettes dont la recherche est inutile en pratique clinique car ils sont peu spécifiques ou manquent de sensibi lité selon les techniques disponibles. On parle alors de thrombopénique immunologique (aussi appelé purpura thrombopénique immunologique - PTI) qui peut être primaire (isolé), ou secondaire à une MAI en particulier le lupus systémique.
* Le syndrome inflammatoire est inconstant au cours des MAL Les MAI spécifiques d’organes ne sont générale ment pas inflammatoires (sauf les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin - MICI - et la polyarthrite rhumatoïde). Les MAI systémiques sont généralement accompagnées d’un syndrome inflammatoire (syndrome inflammatoire aigu ou chronique) pour les vascularites, alors qu’elles ne le sont le plus souvent pas pour les MAI systémiques non vascularitiques.
* L’allongement isolé (TP normal) et spontané (sans héparine) du temps de céphaline activée (TCA), non corrigé par l’adjonction de plasma témoin mais corrigé par l’excès de phospholipides est un des critères biologiques pour le diagnostic de SAPL (voir item 194 -Lupus systémique et syndrome des anticorps anti-phospholipides).
* Au cours de certaines MAI comme le lupus systémique ou le syndrome de Sjôgren, l’électrophorèse des protéines sériques peut mettre en évidence une hypergammaglobulinémie polyclonale (analyse de l’électrophorèse des
protéines sériques) (Figure 1).
5.2. Autres anomalies biologiques au cours des maladies auto-immunes * Le système du complément peut être perturbé dans les MAI systémiques. On dose le complément hémolytique 50 % (CH50) et les composants C4 et C3 du complément.
* Le CH50 explore la voie classique et la voie terminale commune. * Une activation de la voie classique en présence de complexes immuns se traduit par une diminution du C4, associée à une diminution du C3 et du CH50. La diminution du CH50 et des fractions C3 et C4 sont des signes biologiques corrélés à l’activité du lupus systémique.
* En fonction des organes lésés par la MAI, on peut observer d’autres anomalies biologiques : - atteinte rénale (lupus systémique, vascularites des petits vaisseaux) : protéinurie, hématurie, insuffisance rénale (créatinine augmentée) ;
- atteinte musculaire (myosites) : élévation des créatines kinases (CK) ; - atteinte hépatique : » cholestase (cholangite biliaire primitive) ; » cytolyse (hépatite auto-immune).
Attention : penser à doser les CK en cas d’élévation des transaminases, en particulier lorsque cela prédomine
sur les ASAT, afin de ne pas méconnaître une rhabdomyolyse.
- Principales anomalies immunologiques au cours______ des maladies auto-immunes (auto-anticorps)
* Ils sont utiles pour le diagnostic d’une MAI mais doivent être demandés uniquement face à un tableau clinique évocateur.
* La présence d’auto-anticorps seuls, en l’absence de signe clinique, est insuffisante pour affirmer le diagnostic de MAL
*
Ils sont très nombreux et nous ne présenterons ici que les plus fréquemment utiles.
6.1. Anticorps anti-nucléaires (AAN) * Ils sont utiles au diagnostic de plusieurs MAI systémiques non vascularitiques. * Lorsqu’on prescrit une « recherche d’AAN », le biologiste réalise d’abord une immunofluorescence indirecte (IFI) en test de dépistage. Le sérum est ensuite dilué.
* La dilution la plus forte pour laquelle l’IFI reste positive détermine le titre des AAN. * Un titre > 1/160 est considéré comme positif et déclenche la réalisation automatique par le biologiste de tests complémentaires pour déterminer les cibles vers lesquelles sont dirigées les AAN. Parfois, la cible ne peut pas être identifiée.
* En plus du titre, le biologiste détermine l’aspect de la fluorescence. Les deux aspects les plus fréquents sont la fluorescence homogène (Figure 2) et la fluorescence mouchetée (Figure 3). La fluorescence centromérique signe
la présence d’Ac anti-centromères (Figure 4).
- Les AAN peuvent correspondre à des cibles nucléaires variées, et sont ainsi identifiés dans un second temps : - Ac anti-ADN natif (ou double brin) évocateurs de lupus systémique ; - Ac anti-Sm (spécifiques du lupus systémique) ; - Ac anti-RNP (connectivité mixte, lupus systémique) ; - Ac anti-Scl70 (sclérodermie systémique) ; - Ac anti-SS-A et SS-B (syndrome de Sjôgren).
- Le titre des Ac anti-ADN est corrélé à l’activité de la maladie ces Ac sont donc utiles au suivi des patients atteints de lupus systémique. Ce n’est pas le cas des autres AAN.
- Les AAN sans spécificité (cible antigénique non déterminée) peuvent être présents dans des MAI spécifiques d’or gane (thyroïdites, cholangite biliaire primitive (CBP)), mais également au cours de maladies non auto-immunes diverses (ex : leucémies, cancers, infections), ou suite à la prise de certains médicaments. On peut également les trouver chez des sujets sans MAI définie et sans pathologie associée.
Il s’agit donc d’un test sensible mais peu spécifique qu’il faut toujours interpréter en fonction du contexte clinique.
B 6.2. Anticorp
6.2. Anticorps anti-phospholipides * Le SAPL est défini par l’association d’un évènement clinique (thrombose veineuse, artérielle, microcirculatoire et/ ou morbidité obstétricale) ET d’une anomalie biologique persistant à au moins 12 semaines d’intervalle.
* Cette anomalie peut être la présence d’un anticoagulant circulant de type lupique (détecté par un test d’hémos tase) ou d’Ac détectés en ELISA : - Ac anti-cardiolipine (IgG et IgM) ;
- Ac anti-(32GP 1 (IgG et IgM).
6.3. Facteur rhumatoïde * Le facteur rhumatoïde (FR) est une IgM dirigée contre le fragment constant (« Fc ») des IgG. * Le FR est positif dans diverses situations et pathologies : - polyarthrite rhumatoïde (80 % des cas mais 30 % seulement au début de la maladie) ; - autres MAI, notamment le syndrome de Sjôgren ;
- chez les sujets sains, notamment après 65 ans.
6.4. Ac anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) * Les ANCA sont utiles au diagnostic et au suivi des vascularites des petits vaisseaux (vascularites associées aux ANCA).
* Ils sont d’abord détectés par technique d’IFI et en cas de positivité, on détermine leur cible antigénique par une technique complémentaire.
* On distingue 2 aspects de fluorescence : - les cANCA, de fluorescence cytoplasmique, qui correspondent généralement à des Ac antiprotéinase-3 (PR3), très spécifiques de la granulomatose avec polyangéite (GPA = ex-maladie de Wegener) ;
- les p ANC A, de fluorescence périnucléaire, qui correspondent le plus souvent à des Ac antimyélopéroxydase (MPO) qui sont moins spécifiques et présents dans la polyangéite microscopique et la
granulomatose éosinophilique avec polyangéite (ex-Churg-Strauss).
6.5. Autres auto-anticorps * Les anticorps anti-peptides cycliques citrullinés (CCP) sont très spécifiques du diagnostic de polyarthrite rhu matoïde (95 %). Leur sensibilité est de 70 % Ils peuvent être détectés avant l’apparition de la maladie. Ils sont prédictifs de la survenue de lésions érosives. Ils n’ont pas d’intérêt pour le suivi.
* Les Ac anti-thyroperoxydase (TPO) sont pratiquement constants dans la thyroïdite de Hashimoto (titres élevés) et très fréquents dans la maladie de Basedow (75 %).
* Les Ac anti-thyroglobuline (TG) sont un peu moins sensibles et exceptionnellement isolés. A faire si Ac anti-TPO négatifs mais forte suspicion de thyroïdite auto-immune. Ils ne sont pas spécifiques.
* Les Ac anti-récepteur de la TSH (TRAK) sont sensibles : présents à titres élevés dans 90 % des cas de maladie de Basedow, et spécifiques : leur présence est rare dans les autres thyroïdites et exceptionnelle chez les sujets sains. 11 existe une corrélation entre leur titre avec l’activité de la maladie : ils sont donc utiles au suivi thérapeutique.
* Les Ac anti-estomac se rencontrent au cours de la maladie de Biermer : - Ac anti-cellules pariétales gastriques ; - Ac anti-facteur intrinsèque.
* Les Ac anti-peau sont associés aux maladies bulleurs auto-immunes : - les Ac anti-substance intercellulaire (inter-kératinocytaires) définissent le groupe des pemphigus ; - les Ac anti-membrane basale de la peau (dirigés contre la jonction dermo-épidermique) se rencontrent dans le groupe des pemphigoïdes.
* Les Ac associés au diabète de type Isont : - les Ac anti-Glutamic Acid Decarboxylase (anti-GAD); - les Ac anti-IA-2, dirigés contre une protéine tyrosine-phosphatase des îlots de Langerhans ; - les Ac anti-insuline.
* Les Ac anti-récepteur de l’acétylcholine sont spécifiques de la myasthénie mais leur sensibilité est moyenne en cas de forme oculaire pure alors quelle est élevée en cas de myasthénie généralisée. Leur titre est corrélé à l’activité de la maladie donc utile au suivi.
* Les Ac anti-transglutaminase d’isotype IgA sont utiles au diagnostic de maladie coeliaque. Leur titre diminue en quelques mois si le régime sans gluten est bien suivi et augmente en cas d’écart de régime. Ils sont donc utiles au
suivi de la maladie.
- Principes de prise en charge________________________ * L’évolution des MAI est variable selon le type de pathologies. En l’absence de traitement, 1 évolution des MAI est souvent imprévisible, faite de poussées entrecoupées de rémissions plus ou moins longues. De plus, pour une même pathologie, les organes touchés peuvent varier d’une poussée à l’autre, comme c’est fréquemment le cas dans le lupus systémique.
* Le médecin généraliste joue un rôle fondamental dans la coordination et la prise en charge de la plupart des MAI qui sont chroniques.
* Les principes de prise en charge de la plupart des MAI comportent : - une prise en charge en affection longue durée (ALD) exonérante, ou affection exonérante hors liste ; - arrêt du tabac, contrôle des facteurs de risques cardiovasculaires ; - activité physique à encourager ; - alimentation (normale, équilibrée, limiter les apports en sel et en sucres comme dans la population générale) ; - prévention des infections.
* Le traitement des MAI est souvent complexe et associe un traitement de fond visant à contrôler la réponse immu nitaire (corticoïdes, immunosuppresseurs classiques et/ou biothérapies), et un traitement symptomatique propre à chaque pathologie.
* Il existe des centres de références maladies rares pour de nombreuses MAI, ce qui permet d’améliorer la prise en charge des patients, et de proposer une éducation thérapeutique qui est utile dans ces affections chroniques (voir item 22 -Maladies rares, et item 324 - Education thérapeutique, observance et auto-médication). Des protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS) font la synthèse de la littérature et proposent des recommandations de prise en charge pour de nombreuses MAL Ils sont disponibles sur le site de la Haute Autorité de Santé et sont mis à jour régulièrement.
* Dans les MAI spécifiques d’organe, l’approche thérapeutique peut se limiter à pallier l’insuffisance de production de l’organe cible de la maladie : insuline si diabète de type 1, hormones thyroïdiennes si thyroïdite de Hashimoto, vitamine B12 si anémie de Biermer.
* Dans d’autres (polyarthrite rhumatoïde, myasthénie, hépatites auto-immunes), le traitement fait appel à des trai tements spécifiques pour contrôler la réponse immunitaire.
* Dans les MAI systémiques, le traitement spécifique est adapté à la sévérité de la MAI qui dépend de l’existence d’atteinte d’organes dont le dommage peut entraîner un risque vital ou fonctionnel important (rein, système ner veux, coeur, appareil digestif).
* Plus la MAI est sévère, plus le traitement sera intense. * Au cours de nombreuses MAI systémiques, il existe deux phases de traitement : - le traitement d’induction de la rémission ; - le traitement d’entretien qui vise à éviter la survenue de rechutes car les MAI ont généralement une évolution chronique.
* Le traitement de fond fait souvent appel à la corticothérapie générale (prescrire des corticoïdes par voie générale ou locale) (voir item 330 - Prescription des corticoïdes).
* Un traitement immunosuppresseur synthétique ou une biothérapie peut être introduite : - d’emblée en cas de forme sévère ; - dans un second temps pour diminuer la dose des corticoïdes, notamment en cas de survenue d’effet indésirables cortico-induits. On parle de stratégie d’épargne en corticoïdes.
* En cas d’échec du traitement, il faudra s’interroger sur l’auto-observance (évaluation de l’observance thérapeu
tique).
Un déficit immunitaire correspond à un défaut quantitatif ou fonctionnel d’au moins une des composantes du système immunitaire (immunité innée comprenant le système du complément, immunité adaptative humorale, immunité adaptative cellulaire). On distingue les déficits immunitaires héréditaires ou primitifs (DIP), qui sont d’origine génétique et rares, des déficits immunitaires secondaires ou acquis qui sont plus fréquents chez l’adulte
(Tableau 1).
Le déficit immunitaire commun variable (DICV) est un syndrome correspondant à un groupe hétérogène d’af fections caractérisées par un déficit profond en anticorps (notamment IgG et IgA). Les mécanismes physiopa thologiques impliqués sont mal connus. Plusieurs mécanismes moléculaires impliquant differents gènes ont été
identifiés mais la majorité des DICV n’a pas à ce jour d’identification moléculaire.
- Epidémiologie des déficits immunitaires_____________ * Les déficits immunitaires acquis sont plus fréquents que les DIP. Plus l’âge est élevé, plus la probabilité d’un déficit immunitaire acquis est importante.
* De plus, de nombreux états très fréquents, pathologiques (dénutrition (dénutrition/malnutrition), insuffisance rénale, diabète…), physiologiques (grossesse, vieillissement) ainsi que certaines intoxications (alcoolisme, taba gisme), sont associés à une altération de la réponse immunitaire.
* Les DIP sont des maladies rares. Ils sont généralement révélés durant l’enfance, mais ils peuvent aussi se révéler à l’âge adulte.
* Le déficit isolé en IgA et le DICV sont les DIP humoraux les plus fréquents. Le DICV est le plus souvent diagnos
tiqué à l’adolescence ou chez l’adulte jeune mais les premiers symptômes remontent souvent à l’enfance.
. Diagnostic positif : évoquer le diagnostic de déficit immunitaire chez l’enfant et l’adulte
A 3.1. Terrain * L’étude du terrain est essentielle au diagnostic de déficit immunitaire. * En faveur d’un DIP : - antécédents familiaux de DIP ; - consanguinité ; - syndrome malformatif ; - l’étude de l’arbre généalogique est essentielle pour identifier le mode de transmission du DIP en cause.
* En faveur d’un déficit immunitaire secondaire : - traitements (corticoïdes, immunosuppresseurs, chimiothérapie) ;
- antécédents : infection parle virus de l’immunodéficience humaine (VIH), diabète, néphropathie, hémopathie…
3.2. Signes cliniques des déficits immunitaires * Les signes cliniques des déficits immunitaires sont la conséquence de la perte d’une ou plusieurs des fonctions du système immunitaire (Tableau 1). La perte de la fonction de lutte contre les infections n’est pas forcément celle qui s’exprime en premier, notamment dans le DICV.
3.2.1. Fonction de lutte contre les infections
* L’altération de la fonction de lutte contre les infections aboutit à des infections récurrentes, plus fréquentes, plus graves, durant plus longtemps que dans la population générale ou à germe inhabituel (infections opportunistes).
* Le type d’infection renseigne sur la composante du système immunitaire atteinte, par exemple : - des infections pyogènes (bactéries extra-cellulaires, responsables d’infections de la peau et des muqueuses et d’infections digestives à entérobactéries) ou fongiques (infections aspergillaires, candidoses systémiques…) sont évocatrices de déficit de l’immunité innée et notamment de neutropénie (agranulocytose). L’illustration classique est l’angine fébrile nécrotique non pultacée chez un enfant ou un adulte jeune en relation avec une
neutropénie (donc pas de « pus ») révélatrice d’une leucémie aiguë ;- des infections à répétition des voies aériennes supérieures (otites, sinusites) et/ou inférieures (bronchites, pneumopathies) à bactéries encapsulées (Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzaé) évoquent un déficit de l’immunité humorale ; une toux chronique peut traduire une dilatation des bronches secondaires à des infections broncho-pulmonaires répétées ;
- certaines infections digestives sont évocatrices (infection à Giardia, salmonelles) ; - des infections à germes encapsulés, notamment les méningites à Neisseria meningitidis, sont aussi évocatrices de déficit en une protéine du système du complément : voie finale commune (complexe d’attaque membranaire), protéine régulatrice de la voie alterne (properdine) ;
- certaines infections dites opportunistes (toxoplasmose cérébrale, cytomégalovirus, Pneumocystis jiroveci, cryptococcose, mycobactéries dont la tuberculose) sont évocatrices d’un déficit de l’immunité cellulaire. Ces infections sont souvent révélatrices d’une infection par le VIH à l’origine d’une baisse des lymphocytes T CD4+ (découverte d’un diagnostic positif dépistage rapide VIH) ;
- des infections à germes encapsulés ou à entérobactérie sont aussi observées en cas de splénectomie ou d’asplénie
fonctionnelle.
3.2.2. Fonction de tolérance du soi * L’altération de la fonction de tolérance du soi conduit à une fréquence accrue de maladies auto-immunes, notam ment des cytopénies auto-immunes, granulomatoses ou entéropathies chroniques dans le cadre des déficits immunitaires humoraux comme par exemple dans le DICV.
A 3.2.3. Fonction de lutte anti-tumorale * La fonction de lutte anti-tumorale aboutit à une fréquence accrue de néoplasies, notamment des hémopathies lymphoïdes en cas de déficit de l’immunité humorale comme par exemple dans le DICV.
* Chez l’enfant, l’ensemble de ces manifestations peut aboutir à une anomalie de croissance staturo-pondérale
(retard de croissance) (anomalie de la croissance staturo-pondérale).
Signes biologiques évocateurs de déficit immunitaire * Un déficit immunitaire peut être évoqué devant une anomalie de l’hémogramme (interprétation de l’hémo gramme).
* L’hémogramme peut montrer directement des signes biologiques de défaut immunitaire (anomalie des leuco cytes) : - une neutropénie aiguë est évocatrice en premier lieu d’une cause médullaire (leucémie, chimiothérapie anti tumorale, agranulocytose toxique, radiothérapie), toxique ou infectieuse ;
- une neutropénie chronique, après avoir écarté une origine auto-immune ou de margination, peut évoquer un DIP de type neutropénie congénitale notamment chez l’enfant ;
- une lymphopénie inférieure à 1000/mm3 fait évoquer un déficit immunitaire cellulaire. La réalisation d’un immunophénotypage lymphocytaire (T, B et NK) peut permettre de préciser les sous-populations lymphocytaires déficitaires; de nombreuses causes secondaires de lymphopénie (Tableau 2) doivent être évoquées chez l’adulte.
* L’hémogramme peut montrer une cytopénie de mécanisme auto-immun ou lymphoprolifératif : une anémie (baisse de l’hémoglobine) et/ou une thrombopénie (anomalie des plaquettes), de mécanismes variés, peuvent être rencontrées au cours d’un déficit immunitaire. Il peut s’agir de cause centrale dans le cadre d’un déficit immunitaire secondaire à une hémopathie maligne, ou bien de cytopénies auto-immunes dans le cadre d’un DIP.
* La mise en évidence sur le frottis sanguin (prescription et analyse du frottis sanguin) de corps de Howell-Jolly
évoque une asplénie (anatomique ou fonctionnelle).
L’analyse de l’électrophorèse des protéines sériques (interprétation de l’électrophorèse des protéines sériques) peut déceler une hypogammaglobulinémie (< 5 g/L) dans le cadre d’un déficit immunitaire humoral (Figure 1).
Cause lymphopénie secondaires
Défaut de production Excès de catabolisme
Redistribution Excès de pertes
Autres (multifactoriel ou inconnu)
Tableau 2. CAUSES DE LYMPHOPÉNIE SECONDAIRE Cause
Carence en zinc, dénutrition (dénutrition/malnutrition)
Médicaments (chimiothérapies, corticoïdes, immunosuppresseurs), radiothérapie, infections virales (VIH, CMV, autres), maladies auto immunes (lupus systémique…)
Splénomégalie, granulomatoses (sarcoïdose), Entéropathie exsudative
Autres infections virales et bactériennes, hypercorticisme, insuffisance
rénale chronique, lymphomes
- Signes d’appel évocateurs d’un déficit immunitaire commun variable (DICV)
* Les signes cliniques sont ceux d’un déficit de l’immunité humorale : - infections répétées des voies aériennes supérieures et inférieures à germes encapsulés (sinusites, bronchites, pneumopathies..; toux chronique évoquant une dilatation des bronches ;
- diarrhée chronique en lien avec une infection (Giardia, Salmonella, Campylobacter) ou une lymphoprolifération ; - maladies auto-immunes, notamment des cytopénies auto-immunes (anomalie des plaquettes : thrombopénie dans le cadre d’un purpura thrombopénique immunologique ; baisse de l’hémoglobine dans le cadre d’une anémie hémolytique auto-immune) ;
- granulomatose ressemblant à une sarcoïdose ; - hémopathies lymphoïdes malignes (lymphomes) révélées par un syndrome tumoral (adénopathie (adénopathies unique ou multiples), splénomégalie, hépatomégalie), une anomalie de l’hémogramme (interprétation de l’hémogramme) ou une diarrhée pour un lymphome du grêle (MALT : mucosal associated lymphoid tumor).
* Biologiquement, le diagnostic est évoqué devant une hypogammaglobulinémie sur l’électrophorèse des pro téines sériques (interprétation de l’électrophorèse des protéines sériques).
* La mise en évidence de cette hypogammaglobulinémie peut être : - soit fortuite (électrophorèse des protéines sériques réalisée pour un autre motif ou en bilan pré-thérapeutique d’instauration d’un traitement immunosuppresseur dans le cadre d’une maladie auto-immune par exemple) ; - soit devant des signes cliniques évocateurs de déficit de l’immunité humorale listé ci-dessus.
* Le diagnostic de DICV est posé après exclusion des causes d’hypogammaglobulinémie secondaire (voir infra).
- Complications des traitements immunosuppresseurs * Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (prescrire des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)), sans appartenir à la classe des immunosuppresseurs à proprement parler, altèrent l’immunité innée avec un risque majoré d’infection à germe pyogène ou de complication grave d’une infection à pyogène (exemple : phlegmon amygdalien compliquant une angine bactérienne) (voir item 330 - Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant).
* Les corticoïdes (prescrire des corticoïdes par voie générale ou locale) altèrent l’immunité innée, humorale et cellulaire. Le risque infectieux dépend de la dose quotidienne et de la dose cumulée reçue. Les corticoïdes exposent essentiellement à un risque accru d’infections à pyogènes tout en masquant l’intensité de la réponse inflammatoire rendant les signes cliniques infectieux souvent pauvres (sigmoïdite « abâtardie » par exemple). Cependant, des infections opportunistes peuvent aussi survenir (voir item 330).
* Les traitements immunosuppresseurs dits « classiques » (azathioprine, cyclophosphamide, mycophénolate mofétil, ciclosporine et inhibiteurs de mTOR), ainsi que les thérapies synthétiques ciblées (médicaments ciblant les voies de signalisation intracellulaires des cellules du système immunitaire : inhibiteurs de la voie JAK-STAT, de SYK…) sont associés à un risque d’infection à germes pyogènes ou opportunistes. Ils peuvent aussi être la cause de neutropénies et de lymphopénies qui augmentent le risque infectieux.
* Les biothérapies exposent elles aussi à un risque d’infections à germes pyogènes, à germes encapsulés ou opportu nistes, variables selon la biothérapie utilisée (voir item 202 - Biothérapies et thérapies ciblées).
* Les chimiothérapies augmentent le risque infectieux par la neutropénie et/ou la lymphopénie qu’ils induisent.
b 7. Examens de première intention_____________________ pour explorer une hypogammaglobulinémie
* La limite inférieure de la normale du dosage des gammaglobulines sur une électrophorèse des protéines sériques est variable mais généralement de l’ordre de 7 ou 8 g/L. Il n’y a pas de seuil formel pour déclencher une enquête étiologique : le seuil dépend du tableau clinique et du contexte. L’hypogammaglobulinémie est généralement explorée en cas de dosage des gammaglobulines < 5 g/L sur l’électrophorèse des protéines sériques (Figure 1) (analyse de l’électrophorèse des protéines sériques).
* La stratégie diagnostique comporte plusieurs étapes. Une hypogammaglobulinémie secondaire (Tableau 3), et en particulier une hémopathie lymphoïde, doit en pre mier lieu être cherchée chez l’adulte. Le diagnostic de DICV sera évoqué en cas d’hypogammaglobulinémie, habituellement profonde et symptoma tique, sans cause secondaire identifiée.
* Les examens complémentaires utiles sont : - En première intention : > analyse de l’hémogramme à la recherche de lymphopénie (Tableau 2), cytopénie ou lymphocytose (lymphoprolifération) ;
> analyse de l’électrophorèse des protéines sériques : aspect de pic monoclonal, hypoalbuminémie qui peut orienter vers une hypogammaglobulinémie par perte rénale (syndrome néphrotique) ou digestive (entéropathie exsudative) ;
> en cas d’hypoalbuminémie (< 30 g/L), chercher avant tout une perte urinaire : albuminurie à la bandelette urinaire, rapport protéinurie/créatininurie sur échantillon ou protéinurie des 24 heures ;
> éliminer un myélome à chaines légères : immunofixation des protéines sériques (absence de pic), dosage des chaînes légères libres sériques (myélome à chaînes légères) dans le sang.
- En deuxième intention : > La tomodensitométrie (TDM) thoraco-abdomino-pelvienne injectée permet de chercher un thymome ou un syndrome tumoral profond. A l’aide de coupes thoraciques fines haute résolution, il permet également de chercher des bronchectasies compliquant des infections pulmonaires répétées.
> Le dosage pondéral des IgG, IgA, IgM sériques permet de savoir si le déficit est sélectif (en une classe) ou global (au moins deux classes) comme dans le DICV.
> L’immunophénotypage lymphocytaire réalisé en cytométrie de flux permet de quantifier les lymphocytes B (CD19+, CD20+), les lymphocytes T (CD3+), les sous-populations lymphocytaires T auxilliaires CD4+ et T cytotoxiques CD8+ et les cellules natural killer (NK) (CD16+, CD56+). En cas d’absence de lymphocytes B circulants, on conclura à une agammaglobulinémie si le chiffre de gammaglobulines est inférieur à 1 g/L.
> Mais surtout, immunophénotypage lymphocytaire étudiant la sous-population des lymphocytes B, qui permet de chercher un clone lymphocytaire B pour porter un diagnostic de : * leucémie lymphoïde chronique (le plus fréquent) ;
* lymphome non hodgkinien, généralement de bas grade de malignité.
CAUSES D’HYPOGAMMAGLOBULINÉMIE SECONDAIRE Causes Médicamenteuses Hémopathies malignes Détail
Corticoïdes (prescrire des corticoïdes par voie générale ou locale), immunosuppresseurs, rituximab, antiépileptiques
Lymphoprolifération maligne (myélome à chaines légères, leucémie lymphoïde chronique, plus rarement lymphome)
Pertes en gammaglobulines Rénale (syndrome néphrotique : importance de chercher une protéinurie),
entéropathie exsudative, dermatoses étendues (grands brûlés…)
- Connaître les principes de la prise en charge________ d’un déficit immunitaire commun variable (suivi du patient immunodéprimé)
* Le traitement des complications infectieuses (antibiotiques) doit être précoce, ciblant les germes encapsulés, et adapté au germe si la documentation microbiologique est faite.
* Les vaccinations (vaccinations de l’adulte et de l’enfant) peuvent avoir un intérêt, leur efficacité étant diminuée mais pas nulle. Les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués.
* Un traitement substitutif par immunoglobulines polyvalentes par voie intraveineuse ou par voie sous-cutanée est proposé en cas d’infections récidivantes.
* La kinésithérapie respiratoire est indiquée en cas de dilatation des bronches.
1.1. Définition * Le lupus systémique (LS) est une maladie auto-immune systémique de présentation et de pronostic hétérogènes, caractérisée par la production d’anticorps antinucléaires (AAN) dirigés en particulier contre l’acide désoxyribo nucléique (ADN) natif.
* Le LS s’associe parfois au syndrome des anticorps anti-phospholipides (SAPL) caractérisé par la survenue de thromboses récidivantes ou d’événements obstétricaux, et la présence d’anticorps anti-phospholipides. Le SAPL
est traité dans la seconde partie de ce chapitre.
1.2. Épidémiologie du lupus systémique * Le LS est une maladie rare. Il survient 9 fois sur 10 chez la femme, généralement en période d’activité ovarienne.
Il est plus fréquent et plus sévère chez les personnes à peau noire.
1.3. Diagnostic de lupus systémique * Le LS est polymorphe. Les principales manifestations sont décrites dans le Tableau 1. Les atteintes les plus fré quentes sont l’atteinte cutanée, le phénomène de Raynaud, l’atteinte articulaire (douleurs articulaires) et les sérites (péricardite, pleurésie). Les premières manifestations de la maladie peuvent intéresser n’importe quel organe. Une fièvre (hyperthermie/fièvre) est possible.
* L’atteinte grave la plus fréquente est l’atteinte rénale, présente dans 40 % des cas. L’atteinte rénale peut ne donner aucun signe clinique et se manifester initialement uniquement par une protéinurie. Une rechute n’intéresse pas forcément le même organe.
* Le diagnostic de LS repose sur l’association de signes cliniques et biologiques.
Tableau 1. FRÉQUENCE RELATIVE DES MANIFESTATIONS CLINIQUES DU LUPUS SYSTÉMIQUE AU COURS DE L’ÉVOLUTION DE LA MALADIE
Fréquence Fréquent (> 50 % des patients) Moins fréquent (30-50 % des patients) Type d’atteintes
Rash malaire (lupus aigu) (érythème) Arthralgies/arthrites (douleurs articulaires) Fièvre (hyperthermie/fièvre)
Photosensibilité Syndrome sec* Sérites (pleurésie, péricardite) Atteinte rénale Phénomène de Raynaud Atteintes neurologiques
Peu fréquent (10-30 % des patients)
Ulcérations buccales Lupus discoïde Lupus subaigu Splénomégalie Adénomégalies (adénopathies unique ou multiples)
Rare (moins de 10 % des patients)
Atteinte pulmonaire hors sérite* Myosite*
*Ces manifestations se voient surtout en cas de syndrome de chevauchement (avec un syndrome de Sjogren primaire ou une connec
tivité mixte).
1.3.1. Manifestations dermatologiques (80 % des LS) Les lésions cutanées « spécifiques » lupiques prédominent sur les zones exposées en raison de leur fréquente pho tosensibilité. Elles sont classées en lésions aiguës, subaiguës ou chroniques selon leur profil évolutif : - le lupus aigu : éruption érythémateuse (érythème) sur le visage en vespertilio symétrique sur le nez et les pommettes (en loup de carnaval, d’où le nom de lupus, ou ailes de papillon) (Figure 1). Les lésions cutanées de lupus aigu peuvent aussi s’observer sur le décolleté, les doigts (éruption érythémateuse (érythème), maculeuse ou maculo-papuleuse) et les muqueuses où elles revêtent un aspect érosif ;
- le lupus subaigu : éruption érythémateuse (érythème) annulaire ou polycyclique, très photosensible, qui touche le décolleté, le tronc et les membres mais respecte habituellement le visage (Figure 2). Elle est très souvent associée à la présence d’un anticorps anti-SS-A ;
- les lésions de lupus chronique : l’aspect habituel est le lupus discoïde (Figure 3) : plaques bien limitées associant érythème télangiectasique, squames épaisses, et atrophie cicatricielle.
D’autres lésions non spécifiques peuvent être observées, comme une chute des cheveux, fréquente lors des pous sées, qui peut aboutir à une alopécie diffuse (alopécie et chute des cheveux), régressive avec le traitement du LS. L’analyse de la biopsie cutanée (interprétation d’un compte rendu d’anatomopathologie) est utile en cas de
doute diagnostique (Figures 4 et 5) (voirparagraphe 1.4.4).
1.3.2. Manifestations rhumatologiques (80 % des LS) * Il s’agit typiquement d’une polyarthrite bilatérale, symétrique, non déformante, non destructrice, des petites et moyennes articulations (métacarpo-phalagiennes, inter-phalangiennes proximales, carpes, genoux, chevilles). Elle est souvent inaugurale. Il peut s’agir uniquement de polyarthralgies avec douleurs articulaires de rythme
inflammatoire et raideur articulaire, ou d’arthromyalgies. On peut observer aussi des ténosynovites.
1.3.3. Manifestations rénales (40 % des LS) * Classiquement, elles sont présentes dans les premières années. Elles ont une importance pronostique majeure. Ainsi, la bandelette urinaire (analyse de la bandelette urinaire) doit être répétée régulièrement au cours du suivi pour identifier une protéinurie.
* La présentation est hautement variable, allant de patients asymptomatiques avec une découverte de protéinurie sur la bandelette urinaire (analyse de la bandelette urinaire). Elle peut être aussi celle d’un syndrome néphro tique, d’une insuffisance rénale de degré variable (créatinine augmentée) avec protéinurie et souvent hématurie (analyse du sédiment urinaire), ou plus rarement d’un syndrome de glomérulonéphrite rapidement progressive comportant oedèmes, protéinurie, hématurie, voire hypertension artérielle et insuffisance rénale aiguë.
* L’analyse de la biopsie rénale (interprétation d’un compte rendu d’anatomopathologie) est majeure car il n’existe pas de corrélation stricte biologico-histologique. L’analyse de la biopsie permet de classer le type de
néphropathie lupique, ce qui a une implication pronostique et thérapeutique directe (voir paragraphe 1.4.5).
1.3.4. Autres atteintes * Les autres atteintes sont :
- neurologiques, concernant le système nerveux central ou périphérique (déficit neurologique sensitif et/ou moteur), avec des présentations très hétérogènes. L’atteinte psychiatrique lupique doit être distinguée d’effets indésirables de la corticothérapie ;
- cardiaques, pouvant toucher les trois tuniques. Le plus fréquemment il s’agit de péricardite (douleur thoracique ; dyspnée ; découverte d’anomalie à l’auscultation cardiaque ; réalisation et interprétation d’un électrocardiogramme (ECG)) ;
- respiratoires : il s’agit le plus souvent de pleurésies (douleur thoracique ; dyspnée ; découverte d’anomalie à l’auscultation pulmonaire), unilatérales ou bilatérales, exsudatives et lymphocytaires, parfois latentes ;
- vasculaires : il peut s’agir d’un phénomène de Raynaud, fréquent (35 %), parfois inaugural mais rarement compliqué ; d’une hypertension artérielle (30 %), souvent présente en cas de glomérulopathie grave ; de thromboses veineuses, artérielles (douleur d’un membre (supérieur ou inférieur, déficit neurologique sensitif et/ou moteur)), et microvasculaires fréquentes, parfois révélatrices, fortement associées à la présence d’anticorps anti-phospholipides, et spontanément récidivantes. On note aussi chez ces patients une incidence élevée d’insuffisance coronarienne qui résulte de l’athérosclérose accélérée favorisée par la corticothérapie prolongée et/ou de thromboses dans le cadre d’un SAPL ;
- des signes généraux : hyperthermie/fièvre (qui nécessite d’éliminer une infection), asthénie ; - des adénopathies périphériques (adénopathies unique ou multiples) parfois une splénomégalie, notamment lors des poussées ;
- le LS peut s’associer à d’autres maladies auto-immunes (par exemple : thyroïdites, syndrome de Sjôgren,
connectivité mixte).
1.4. Examens complémentaires B 1.4.1. Anomalies biologiques non spécifiques
* La CRP (élévation de la protéine C-réactive (CRP)) reste peu élevée lors des poussées de LS, sauf en cas de
sérite, d’infection ou de thrombose (syndrome inflammatoire aigu ou chronique).L’hémogramme peut montrer des cytopénies (interprétation de l’hémogramme), le plus souvent d’origine auto-immune : anémie (baisse de l’hémoglobine) hémolytique auto-immune, thrombopénie immunologique (anomalie des plaquettes) responsable de syndrome hémorragique en premier lieu cutané (purpura/ecchymose/hématome), leucopénie modérée pouvant correspondre à une neutropénie et/ou une lymphopénie (ano malie des leucocytes).
* La biochimie peut révéler une hypoalbuminémie ou une élévation de la créatininémie en cas d’atteinte rénale. L’atteinte glomérulaire est dépistée par la bandelette urinaire (analyse de la bandelette urinaire), puis confirmée sur la biochimie urinaire avec une protéinurie > 0,5 g/g de créatininurie (ou > 500 mg par 24 h), parfois de rang néphrotique, associée le plus souvent en cas de poussée à une hématurie microscopique sur la cytologie urinaire (analyse du sédiment urinaire).
* Le bilan d’hémostase peut montrer un allongement du temps de céphaline activé (TCA) en cas de présence
d’un anticoagulant circulant de type lupique (voir paragraphe 2.3).
1.4.2. Intérêt et interprétation du test de dépistage de dépistage des anticorps antinucléaires
* La présence d’anticorps antinucléaires (AAN) est constante au cours du LS. Le dépistage est fait par immuno fluorescence indirecte sur cellules Hep2 (seuil de positivité : titre > 1/160). Les AAN ne sont pas spécifiques du LS : ils sont également mis en évidence dans d’autres maladies auto-immunes, certaines hépatopathies et hémopathies, voire chez le sujet sain notamment âgé. La présence d’AAN ne signe pas le diagnostic de maladie
auto-immune en l’absence de signe clinique ou biologique d’atteinte d’organe.
1.4.3. Autres anomalies immunologiques * La présence d’AAN ne constituant qu’un test d’orientation, il est indispensable de préciser leur spécificité par la recherche :
- d’anticorps anti-ADN natif, très évocateurs de LS, qui sont détectables par diverses techniques de spécificité variable ;
- d’anticorps spécifiques d’antigènes nucléaires solubles (extractable nuclear antigen, ENA) ou extrait de thymus de veau (extrait de cellules thymiques, ECT). Parmi eux, les anticorps anti-SS-A et anti-SS-B peuvent s’observer dans le LS notamment en cas d’atteinte cutanée ou de syndrome de Sjôgren associé ; les anti-Sm sont très spécifique du LS mais moins sensibles (30 %).
* Enfin, une hypocomplémentémie (diminution du CH50, des fractions C3 et C4) est souvent observée lors des
poussées de LS.
1.4.4. Principes et place de l’anatomie pathologique pour le diagnostic des lésions cutanées
* En cas de doute clinique sur l’aspect lupique des lésions cutanées, la biopsie cutanée (interprétation d’un compte rendu d’anatomopathologie) pour examen en coloration standard et immunohistochimie est indiquée (Figure 4). L’histologie typique révèle une altération avec vacuolisation de la couche basale. On peut également observer dans l’épiderme une hyperkératose orthokératosique ; dans le derme une nécrose kératinocytaire, un oedème par vasodilatation des capillaires avec infiltrat lymphocytaires autour des annexes et péri-vasculaires. L’immunofluo rescence directe est très sensible, et révèle une bande lupique faite de dépôts d’immunoglobulines et de fractions
du complément linéaires à la jonction dermo-épidermique (Figure 5
1-4-5- Indication de la biopsie rénale ; principales lésions rénales * Sauf contre-indication, la biopsie rénale par voie percutanée ou transjugulaire est indiquée en cas protéinurie supérieure à 0,5 g/g de créatininurie (ou 0,5 g par 24 heures) de façon à préciser l’atteinte histologique. L’at teinte classique est principalement une glomérulonéphrite dont le stade histologique conditionne le pronostic et le traitement. Une analyse en microscopie optique sur prélèvement fixé, et une analyse en immunofluorescence directe sur prélèvement congelé doivent être réalisées.
* Les classifications des lésions rénales histologiques reposent surtout sur l’aspect des glomérules. Les classes s’ap précient en microscopie optique, tandis que l’immunofluorescence permet de définir le LS comme cause de la néphropathie en observant les dépôts caractéristiques.
* De nombreuses lésions élémentaires histologiques peuvent être observées. Certaines correspondent à des lésions aiguës, d’autres à des lésions chroniques. Sans être exhaustif, on distingue schématiquement : - des dépôts d’immunoglobulines de toutes classes, et de complément (Figure 6). Ces dépôts sont localisés dans le mésangium, en endo-membraneux, et/ou en extra-membraneux ;
- une hypercellularité (dans le mésangium, de moindre gravité, et/ou dans les capillaires et en extra-capillaire, plus graves).
* En microscopie optique, la classe I correspond à un glomérule normal, la classe II à un épaississement mésangial, les classes III et IV à une hypercellularité endo- et/ou extra-capillaire dans respectivement moins et plus de 50 % des glomérules, la classe V (qui peut s’associer aux classes II, III, ou IV) à des dépôts extra-membraneux, et la classe VI à une prédominance de glomérules (plus de 90 %) en pains à cacheter (correspondant à des glomérules scléreux et non fonctionnels). Ces classes permettent d’apprécier le pronostic rénal et de guider le traitement. Des illustrations sont fournies dans la Figure 6.
* L’immunofluorescence directe permet d’affirmer la cause lupique des lésions, mettant en évidence des dépôts d’immunoglobulines de toutes classes et de fractions du complément dans le mésangium, en endo-membraneux,
et en extra-membraneux (Figure 6).
1.4.6. Électrocardiogramme (ECG) * Un ECG (réalisation et interprétation d’un électrocardiogramme (ECG)) de référence doit être réalisé. Devant une douleur thoracique ou une dyspnée, il peut montrer des signes de péricardite dans le cadre du LS, d’infarctus
du myocarde ou d’embolie pulmonaire en cas de SAPL associé.
1.5. Suivi et pronostic du lupus systémique *
Le LS est une maladie chronique qui évolue par poussées entrecoupées de rémissions. * Les poussées peuvent être déclenchées par l’exposition solaire, les estrogènes, et la grossesse.
* La surveillance d’un patient atteint de LS repose sur l’examen clinique et des examens biologiques : hémogramme, ionogramme, créatinine, recherche régulière d’une protéinurie, d’une hématurie. Les dosages du complément sérique et des anticorps anti-ADN natif ont aussi un intérêt dans le suivi pour mesurer l’activité de la maladie. Le dosage de l’hydroxychloroquine permet d’évaluer l’auto-observance du traitement.
* Dans le cas particulier des lupus induits par certains médicaments, l’arrêt du médicament inducteur fait générale ment régresser les manifestations cliniques en quelques semaines. La prescription ou la poursuite de médicaments inducteurs qui restent nombreux doit être discutée selon un rapport bénéfice/risque (exemple : en cas de nécessité
de bêtabloquants pour une insuffisance cardiaque, le bénéfice est supplanté par le risque).
1.6. Prise en charge du lupus systémique 1.6.1. Objectifs du traitement
* En l’absence de traitement permettant de guérir la maladie, la prise en charge a pour objectifs : - à court terme : assurer le confort quotidien, préserver les fonctions vitales dans les poussées graves ; - à moyen terme : s’opposer à l’évolution prévisible des atteintes viscérales, prévenir les poussées, préserver l’insertion socio-professionnelle ;
- à long terme : limiter les séquelles du LS et les effets délétères des traitements.
1.6.2. Éléments clés de la prise en charge * Le LS est une maladie chronique. Le LS est une des 30 affections de longue durée (ALD 30) qui donnent lieu à exonération du ticket modérateur. Les principes de prise en charge sont : - information des patients et de leurs familles au cours d’une consultation d’annonce d’une maladie chronique. L’éducation thérapeutique est d’une importance majeure (voir item 324 - Éducation thérapeutique, observance, auto-médication) ;
- informer des risques de l’arrêt intempestif du traitement ; - photoprotection efficace (port de vêtements et écran solaire d’indice élevé) ; - arrêt du tabac ; - auto-surveillance : bandelette urinaire ; - planifier les grossesses. Le principe est d’attendre que le LS soit quiescent pour autoriser une grossesse ; - nécessité d’une contraception adaptée à évoquer dès la première consultation. Privilégier une contraception progestative et les dispositifs intra-utérins ;
-
- programme vaccinal adapté : proposer une vaccination (vaccinations de l’adulte et de l’enfant) contre le pneumocoque et la grippe en cas de traitement par corticoïdes ou immunosuppresseurs ;
- un traitement de fond, indispensable, est proposé à tous les patients sauf contre-indication : l’hydroxychloroquine, anti-malarique de synthèse, est la pierre angulaire du traitement médicamenteux. Ce médicament nécessite un suivi ophtalmologique régulier pour dépister une atteinte toxique maculaire, ainsi qu’un ECG (réalisation et interprétation d’un électrocardiogramme (ECG)) avant sa prescription et au
cours du suivi.* Le traitement des poussées (voir item 192 - Maladies auto-immunes) repose sur les corticoïdes et/ou des immu nosuppresseurs.
* Les poussées articulaires peuvent être traitées par hydroxychloroquine, et si insuffisant par anti-inflammatoires non stéroïdiens ou stéroïdiens. En cas de poussée mineure (sérite, cytopénies auto-immunes), le traitement d’attaque des poussées repose sur des corticoïdes par voie systémique (prescrire des corticoïdes par voie générale ou locale) (voir item 330 - Prescription de corticoïdes).
* Les immunosuppresseurs (principalement cyclophosphamide, mycophénolate mofétil, azathioprine) sont indi qués en association aux corticoïdes en cas de poussée grave (rénale, système nerveux central), en cas de corticodépendance ou en traitement de fond après une poussée sévère, en plus de l’hydroxychloroquine. Les patients exposés aux corticoïdes et aux immunosuppresseurs nécessitent une surveillance propre en raison de leurs effets indésirables immédiats et retardés (prescrire des corticoïdes par voie générale ou locale ; suivi du patient immunodéprimé). Le cyclophosphamide a par exemple une toxicité gonadique, hématologique, et sur les voies
urinaires. Le mycophénolate mofétil est formellement contre indiqué au cours de la grossesse
2.1. Définition * Le SAPL est individualisé comme l’association de manifestations thrombotiques ou obstétricales associées à la présence d’anticorps dirigés contre les phospholipides persistante dans le temps.
* Le SAPL peut être rencontré en dehors de tout autre cadre pathologique défini (syndrome « primaire » des anti corps anti-phospholipides) ou associé à une autre maladie auto-immune (essentiellement le LS, le SAPL est alors
dit « secondaire »).
2.2. Épidémiologie du syndrome des anticorps anti-phospholipides * Le SAPL est une maladie rare. Il affecte plus souvent la femme jeune, mais peut survenir à tout âge.
2.3. Diagnostic positif 2.3.1. Manifestations cliniques et biologiques rentrant dans le cadre des critères diagnostiques
* Le diagnostic de SAPL repose sur la présence d’au moins un critère clinique et au moins un critère biologique. * Les critères cliniques sont : - thrombose veineuse, artérielle ou de la microcirculation. Les thromboses veineuses peuvent être des thromboses spontanées des membres inférieurs ou des embolies pulmonaires, mais aussi de site inhabituel (veines abdominales, membres supérieurs…). Le SAPL doit être cherché devant tout accident vasculaire cérébral (AVC) du sujet jeune. La recherche de SAPL fait donc partie du bilan de thrombophilie (prise en charge d’un patient suspect de thrombophilie). Les thromboses superficielles ne font pas partie des critères diagnostiques ;
- manifestations obstétricales : au moins 3 fausses-couches précoces (avant 10 semaines d’aménorrhée (SA)), spontanées, consécutives, sans autre cause identifiée, ou au moins une mort foetale in utero (> 10 SA) ou au moins une prématurité non expliquée. En raison des fausses couches répétées, les patientes peuvent consulter
pour difficulté à procréer.
- Les critères biologiques sont définis par la présence persistante (à au moins deux reprises espacées d’au moins 12 semaines) d’au moins un auto-anticorps détecté par des techniques variées. Il peut ainsi s’agir de : - présence d’anticorps anti-cardiolipine de type IgG ou IgM à titre élevé (technique ELISA) ; - présence d’anticorps anti-béta2 glycoprotéine 1 de type IgG ou IgM à titre élevé (technique ELISA) ; - présence d’un anticoagulant circulant par des tests d’hémostase, avant la mise sous héparine : allongement du TCA isolé (taux de prothrombine (TP) normal), non corrigé quand on mélange le plasma du patient avec du plasma de témoin (élimine un déficit en facteur de la coagulation), corrigé par un excès de phospholipides
(neutralisation : adsorption des anticorps anti-phospholipides).
Autres manifestations * D’autres atteintes du SAPL sont possibles, bien que ne rentrant pas en compte dans les critères diagnostiques : - cardiaques : valvulopathie mitrale ou aortique à type d’épaississement diffus ou localisé (endocardite de Libman-Sacks) ;
- cutanées : livedo (coloration érythémateuse foncée, ou bleue-violacée de la peau en forme de mailles de filet ; Figure 7) ;
- rénales : thromboses des artères intra-rénales.Livédo racemosa dans le cadre d’un SAPL (Cuisse vue de profil). Par rapport au livédo hémodynamique, les mailles sont grosses et non fermées, le livédo est fixe.
2.4. Prise en charge * Le traitement du SAPL thrombotique repose sur une anticoagulation la plupart du temps à vie (héparine pour les thromboses récentes puis traitement au long cours (à vie) par anti-vitamine K). Les anticoagulants oraux directs ne sont pas utilisés au cours du SAPL car associés à un excès de risque thrombotique.
* Le traitement du SAPL obstétrical repose lors des grossesses sur l’association d’héparine par voie sous-cutanée
et d’aspirine.
FICHE DE SYNTHÈSE * Le lupus systémique (LS) est une maladie auto-immune systémique chronique survenant fréquem ment chez les femmes jeunes (en âge de procréer). La présentation clinique est protéiforme. Les organes suivants sont les plus fréquemment touchés : peau > articulations > rein > sérites > mani festations neuro-psychiatriques.
* L’hémogramme montre fréquemment une anémie, leucopénie, lymphopénie, et une thrombopénie. * Les anticorps antinucléaires (AAN) sont toujours positifs au cours du LS. Ils sont dirigés contre l’ADN double brin. D’autres auto-anticorps peuvent être trouvés : anti-Sm, anti-SS-A, anti-phospho lipides.
* Le complément est consommé au cours des poussées. * La bandelette urinaire est un élément majeur et indispensable du dépistage des atteintes rénales qui ont un impact pronostique, et sont souvent asymptomatiques.
* La prise en charge repose sur l’éducation thérapeutique et la prévention et le traitement des pous sées. L’hydroxychloroquine est la pierre angulaire du traitement.
* Les corticoïdes et parfois les immunosuppresseurs sont utilisés en cas de poussée sévère. * Le syndrome des anticorps anti-phospholipides (SAPL) est une maladie auto-immune systémique responsable de thromboses et d’une morbidité obstétricale. Les manifestations cliniques s’asso cient avec des anticorps anti-phospholipides (détectés au moins un des 3 tests), persistants dans le temps (pendant au moins 12 semaines). Le traitement repose sur les antiagrégants ou les anticoa
gulants. Le traitement doit être maintenu à vie.
i. Définition des thérapies ciblées_____________________ * Le terme de thérapie ciblée est utilisé pour des médicaments, synthétiques ou biologiques (voir ci-dessous), dont le mécanisme d’action passe par l’inhibition ou la stimulation d’une cible spécifique et identifiée.
* En oncologie, les thérapeutiques ciblées visent à freiner ou à bloquer la croissance de la cellule cancéreuse, en la privant de molécules indispensables à sa croissance, en provoquant sa destruction, en dirigeant le système immu nitaire contre elle ou en l’incitant à redevenir normale, en fonction de leur cible.
* Au cours des maladies auto-immunes, les thérapies ciblées visent à freiner ou bloquer le fonctionnement du sys
tème immunitaire.
Les traitements de fond sont définis par opposition aux traitements dits symptomatiques, qui visent à soulager les symptômes (anti-inflammatoires stéroïdiens et non stéroïdiens, antalgiques).
* Les traitements de fond peuvent avoir pour objectif l’obtention d’une rémission (partielle ou complète) de la maladie, une épargne en corticoïdes, et/ou la prévention de la survenue de rechutes.
* La classification des traitements de fond est illustrée dans la Figure 1.
On distingue deux types de traitements de fond : synthétiques (conventionnels ou ciblés), ou biologiques (= biothérapies, qui sont toutes des thérapies ciblées). Les traitements ciblés sont une classe de médicaments qui ont en commun d’avoir un mécanisme d’action ciblé : ils peuvent être synthétiques (inhibiteurs de protéines kinases), ou biologiques (anticorps monoclonaux ou récepteurs solubles).
* Les biothérapies (ou « biologiques », traduction plus directe de l’anglais « biologics » ou « biologie thérapies ») désignent des médicaments issus des biotechnologies. Ce sont des protéines thérapeutiques issues d’organismes génétiquement modifiés.
* Bien que ce terme ne soit pas directement défini dans le code de la santé publique, on désigne usuellement comme biothérapie des molécules issues des biotechnologies utilisées à des fins immunologiques ou anticancéreuses.
Certaines affections se sont plus récemment ajoutées, comme l’ostéoporose.
Les biothérapies doivent être distinguées des biomédicaments, que le code de la santé publique définit comme « tout médicament dont la substance active est produite à partir d’une source biologique ou en est extraite et dont la caractérisation et la détermination de la qualité nécessitent une combinaison d’essais physiques, chimiques et biologiques ainsi que la connaissance de son procédé de fabrication et de son contrôle ». Ainsi, bien qu’issues de biotechnologies, certaines classes de médicaments ne sont usuellement pas considérées comme des biothérapies. Par exemple, certains vaccins, hormones, protéines de l’hémostase, facteurs de croissance, enzymes, ne sont pas usuellement classés dans les biothérapies, mais appartiennent aux « médicaments biologiques », ou « biomédica ments ». Les biomédicaments comportent par ailleurs les thérapies cellulaires (cellules souches ou différenciées), les thérapies tissulaires (greffes de tissus vivants), et les thérapies géniques (transfert de gènes, intervention sur
les gènes).
Il faut ajouter la définition des médicaments dits « biosimilaires », correspondant à tout médicament biologique de même composition qualitative et quantitative en substance active et de même forme pharmaceutique qu’un médicament biologique de référence mais qui ne remplit pas les conditions prévues pour être regardé comme une spécialité générique. Les biosimilaires n’ont ainsi pas la définition de médicaments génériques, mais sont développés en alternative aux biothérapies dites « princeps », une fois le brevet tombé dans le domaine public, avec des coûts généralement inférieurs à celui du médicament princeps. Des études d’efficacité sont demandées pour les médicaments biosimilaires demandant une autorisation de mise sur le marché, ce qui n’est pas le cas des
médicaments génériques.
- Mécanismes d’action des biomédicaments____________ et traitements ciblés
* Parmi les biomédicaments, on distingue ceux qui sont issus de l’ADN recombinant et ceux qui n’en sont pas issus. On distingue aussi selon leur mode d’action les biomédicaments dits « substitutifs » (qui corrigent une insuffi sance génétique ou non génétique, par exemple le facteur VIII recombinant dans l’hémophilie), et ceux qui sont « correctifs » (ils vont modifier une voie de signalisation ou une protéine défaillante).
* Les thérapies non issues de l’ADN recombinant sont les thérapies cellulaires et tissulaires, certains vaccins, enzymes, hormones, et médicaments dérivés du sang, dont les mécanismes d’action sont divers, substitutifs ou correctifs. Ils ne seront pas abordés dans ce chapitre.
* Les biomédicaments issus de l’ADN recombinant sont les acides nucléiques modifiés (thérapies géniques, oli gonucléotides comme les ARN interférents), et les protéines recombinantes. Parmi ces dernières, on trouve les biothérapies telles que définies ci-dessus, qui comportent un mécanisme d’action correctif basé sur l’inhibition ou
la stimulation d’une protéine extra-cellulaire ou membranaire, modifiant ainsi une voie de signalisation.
Ces biothérapies peuvent être : - un anticorps monoclonal (désignée par le suffixe « mab » pour « monoclonal antibody »). Il s’agit généralement d’une immunoglobuline (Ig)G composée de son fragment Fab qui reconnaît la cible thérapeutique et de son fragment Fc qui permet à l’anticorps d’avoir un effet déplétant (Figure 2). Comme toutes les immunoglobulines G (IgG), l’anticorps monoclonal est composé de 2 chaines légères et 2 chaînes lourdes identiques deux à deux. Chaque chaine est composée d’une portion variable (rouge) et d’une portion constante (bleue) (Figure 2). La région variable, constituée des parties variables de la chaine légère et de la chaine lourde, reconnaît la cible (antigène). Elle est donc à l’origine du caractère ciblé du traitement et peut avoir un effet neutralisant (par exemple vis-à-vis d’une cytokine) ou antagoniste (par exemple vis-à-vis d’un récepteur). Le fragment constant (Fc), constitué des deux derniers domaines de la portion constante des deux chaines lourdes, est en plus responsable de certaines propriétés effectrices de l’anticorps monoclonal en se liant aux récepteurs Fc (qui sont notamment exprimés par les cellules phagocytaires) et au Clq (ce qui entraine
l’activation de la cascade du complément).- une protéine de fusion qui correspond à la fusion entre une molécule d’intérêt (souvent un récepteur) et un fragment Fc d’Ig (en règle une IgG) qui permet notamment de stabiliser la molécule finale et d’en augmenter la demi-vie. Ces médicaments sont désignés par le suffixe « cept » pour réCEPTeur, même si ce ne sont pas
toujours des récepteurs (comme l’abatacept) (Figure 3).
- Certaines biothérapies ne répondent pas à cette nomenclature, comme l’anakinra qui est un antagoniste du récep teur de l’interleukine (IL)-l à l’origine d’une inhibition compétitive de la liaison de l’IL-113 à son récepteur.
- Toutes ces biothérapies passent difficilement les barrières intestinale et hémato-méningée, et doivent donc être
administrées par voie parentérale (sous-cutanée ou intraveineuse la plupart du temps).
- La syllabe juste avant le suffixe (radical B) désigne l’origine de l’anticorps monoclonal (Figure 3), par exemple « XI » si l’anticorps est chimérique, « ZU » s’il est humanisé, ce qui correspond aux 2 situations les plus fréquentes. Cet élément est important car il conditionne l’immunogénicité des anticorps monoclonaux : très faible en cas d’anticorps humains ou humanisés, plus élevée pour les anticorps chimériques.
- La syllabe précédant l’origine de l’anticorps monoclonal (radical A) peut être « TU » si l’anticorps a été déve loppé initialement dans les tumeurs, ou « LI » (parfois élidé en « I ») s’il a été développé dans les maladies autoimmunes. D’autres radicaux sont possibles : « CI » (parfois élidé en « C » pour les médicaments cardiovasculaires, « IBI » pour les inhibiteurs, « KIN » (parfois élidé en « K » pour les biothérapies ciblant des cytokines », « OS » pour les médicaments à visée osseuse).
- Enfin, le préfixe est spécifique à chaque médicament.
Les mécanismes d’action les plus fréquents des biothérapies utilisées à visée immunomodulatrice sont : - les agents bloquant la voie du tumor necrosis factor (TNF)-a : > anticorps monoclonaux dirigés contre le TFN-a : infliximab, adalimumab, golimumab ;
> récepteur soluble du TNF-a fusionné avec un fragment Fc d’IgG : étanercept.- les agents anti-CD20 qui déplètent les lymphocytes B : rituximab, ocrelizumab ; - les agents anti-récepteur de l’IL-6 : tocilizumab ;
- les agents bloquant la protéine Blys : belimumab.
De très nombreuses autres biothérapies existent. On peut citer les biothérapies agissant comme une immuno thérapie, c’est-à-dire en stimulant la réponse immunitaire anti-tumorale comme les anticorps anti-programmed
cell death ligand-1 (PD-1) par exemple. Ces molécules sont utilisées en oncologie principalement.
On peut également citer le dénosumab (anticorps monoclonal anti-RANK ligand), qui est utilisé dans le traite ment de l’ostéoporose.
Les thérapies ciblées non biothérapies ont des mécanismes d’action variés. Il s’agit principalement d’inhibi teurs de tyrosine kinases. D’autres mécanismes sont possibles : DNA méthyltransférase, histone désacétylase, utilisées en hématologie. Contrairement aux biothérapies qui ont un poids moléculaire élevé et qui ont des cibles uniquement extra-cellulaires ou membranaires, les thérapies ciblées non biothérapies peuvent avoir des cibles extracellulaires, membranaires, intra-cytoplasmiques, ou même nucléaires. Ces traitements s’administrent le plus
souvent par voie orale.
- Bilan précédent l’initiation d’un traitement ciblé______ * Lorsqu’une prescription de biothérapie est envisagée, un bilan pré-thérapeutique doit être réalisé pour en identi fier les principales contre-indications : - Examen clinique : > antécédent d’allergie ; > présence de signes infectieux aigus ou chroniques, situations à risque d’infection (matériel étranger, ulcère cutané, sonde vésicale) ; identification et prise en charge des portes d’entrée infectieuses bucco-dentaires ;
> absence de grossesse ; > affection néoplasique récente non contrôlée (sauf lorsque les biothérapies sont utilisées à visée anticancéreuse) ;
> vérification et mise à jour éventuelle du carnet vaccinal, vaccination de l’entourage (par exemple pour la
grippe) ;> examen cutané éventuellement complété d’une consultation de dermatologie spécifique pour identifier des tumeurs cutanées, en cas de facteurs de risque de carcinome cutané ou de mélanome ;
» vérification du suivi gynécologique (notamment frottis cervico-utérin, dans les indications du dépistage).
- Examens complémentaires : > radiographie thoracique de face ; > hémogramme, transaminases, créatininémie, électrophorèse des protéines sériques ; > sérologies des hépatites virales B et C, sérologie du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ; > pour le dépistage de la tuberculose, un test de relargage de l’interféron (type Quantiferon ® ou équivalent) est recommandé uniquement avant les traitements anti-TNF-a. Il n’y a pas de consensus sur la prescription de ce type de test dans le bilan pré-thérapeutique des autres biothérapies. L’intradermo-réaction à la tuberculine a une valeur discutée, mais peut être proposée dans les autres situations, avant la mise en place du traitement. Il faut rappeler que les immunosuppresseurs (au sens large, biothérapie ou non), peuvent
modifier le résultat de l’intradermo-réaction réaction à la tuberculine et des tests de relargage de l’interféron.
Certaines biothérapies nécessitent des précautions spécifiques : l’infliximab est contre indiqué en cas de lupus systémique, d’insuffisance cardiaque congestive, ou de maladie neurologique démyélinisante. Une biothérapie non immunosuppressive utilisée dans l’ostéoporose, le dénosumab nécessite, avant le début du traitement, un examen odontologique à la recherche de foyers infectieux, accompagné des soins
dentaires éventuellement nécessaires, en raison du risque d’ostéonécrose de la mâchoire.
La prescription initiale d’une biothérapie doit obligatoirement être effectuée par un médecin spécialiste. Le médecin généraliste a un rôle important dans le suivi du patient, en particulier la surveillance de la bonne tolérance et la prise en charge d’éventuelles complications infectieuses. Une carte de surveillance doit être remise aux patients. Une éducation du patient sur les signes d’infection et les effets indésirables potentiels
doit être proposée (expliquer un traitement au patient (adulte/enfant/adolescent)).
- Surveillance d’un patient traité par traitement de fond biologique ou ciblé (examens complémentaires)
* Les patients recevant une thérapie immunosuppressive ciblée dans le cadre du traitement d’un cancer (consulta tion du suivi en cancérologie) ou d’une pathologie inflammatoire peuvent développer des effets indésirables de plusieurs types : - des effets indésirables lors de la perfusion : hyperthermie, fièvre, frissons, céphalées, prurit ; - une immunodépression induite (suivi du patient immunodéprimé) .Des infections sont donc possibles : virales (réactivation d’une hépatite B, zona), bactériennes (tuberculose, infections à germe banals ou opportunistes) ou à champignon (pneumocystose). Ces infections touchent souvent les voies aériennes supérieures et/ou inférieures, le tube digestif, et la peau ;
- des atteintes hépatiques (perturbations du bilan hépatique) ; - des cytopénies, notamment des neutropénies (anomalies des leucocytes).
* D’autres effets indésirables sont bien sûr possibles. Ils sont nombreux et variés et ne peuvent donc pas être tous abordés ici. Il est recommandé de se référer au résumé des caractéristiques du produit et/ou au VIDAL pour les effets indésirables spécifiques.
* Le suivi comporte donc, outre l’évaluation de l’activité de la maladie, l’identification de signes d’infection (fièvre, élévation de la protéine C-réactive (CRP)) ou de situations à risque d’infection, ainsi qu’un suivi de l’hémo gramme et du bilan hépatique.
* Certaines thérapies ciblées nécessitent en outre un suivi du bilan lipidique. * Les biothérapies bloquant la signalisation de l’IL-6 rendent la CRP indétectable. Il faut donc être vigilant pour la
détection des infections chez ces patients.* Un risque accru de cancer cutané est démontré sous biothérapies immunosuppressives (cancers basocellulaires, spinocellulaires, mélanomes) : une surveillance dermatologique régulière doit être mise en place.
* Une immunisation peut survenir, en particulier avec les anticorps monoclonaux chimériques, ce qui conduit généralement à une perte d’efficacité de la biothérapie. Cette immunisation peut être prévenue par la prescription
concomitante d’un immunosuppresseur, comme c’est le cas avec le méthotrexate dans la polyarthrite rhumatoïde.
- Infection sous traitement de fond biologique__________ ou ciblé (identifier une urgence)
* Les points d’appel suivants doivent être cherchés au cours du suivi d’un patient traité par thérapie immunosup pressive ciblée : - hyperthermie, fièvre, sueurs, frissons ; - asthénie inhabituelle ; - toux, dyspnée ; - syndrome grippal, myalgies ; - brûlures mictionnelles, douleurs lombaires ; - douleurs abdominales ; - éruption cutanée.
* Une infection peut aussi se révéler en l’absence de symptôme sur l’identification d’anomalies biologiques (éléva tion de la protéine C-réactive (CRP), hyperleucocytose (anomalies des leucocytes), cytolyse hépatique).
* En cas de signes de gravité (état de choc, fièvre élevée, frissons, détresse respiratoire), le patient doit être hospita lisé en urgence. Idéalement, des prélèvements à visée bactériologique (hémocultures, examen cytobactériologique des urines et prélèvements ciblés selon la présentation clinique) doivent être réalisés avant la mise en route d’une antibiothérapie sans la différer. L’antibiothérapie sera choisie en fonction de la porte d’entrée suspectée.
* En cas d’infection grave, le traitement ciblé doit être interrompu.
- Situations (chirurgie, voyage, grossesse) nécessitant un ajustement des traitements de fond biologiques ou ciblés
* La plupart des médicaments ciblés passe la barrière placentaire, en particulier ceux qui possèdent un fragment Fc d’IgG. Ce transfert placentaire augmente au cours de la grossesse et est maximal au 3e trimestre. Les traitements ciblés ou biothérapies doivent généralement être interrompus avant la grossesse, même si des exceptions sont possibles. Les centres régionaux de pharmacovigilance et le Centre de référence des agents tératogènes (CRAT, accessible sur
www.lecrat.fr ) sont des interlocuteurs privilégiés pour discuter de situations particulières. La gros
sesse doit être idéalement anticipée, et une consultation pré-conceptionnelle permet d’anticiper l’arrêt, avec un éventuel relais, du médicament ciblé, dans de bonnes conditions. Le VIDAL et le CRAT permettent d’obtenir des informations sur le passage dans le lait maternel et la possibilité de l’allaitement, qui est généralement contre-
indiqué.
- Au cours des traitements immunosuppresseurs ciblés, les soins dentaires peuvent généralement être réalisés sans interruption de la biothérapie, sauf en cas de soin à risque infectieux important (extraction dentaire, abcès). Les interventions chirurgicales programmées nécessitent généralement l’interruption du traitement (prévention des infections liées aux soins). Dans tous les cas, le rapport bénéfice/risque doit être évalué, notamment le risque de survenue d’une rechute (potentiellement sévère) de la maladie, versus le risque infectieux et de retard de cicatri sation en post-opératoire et son caractère différable ou non. Une antibioprophylaxie est généralement adminis trée en cas d’intervention chirurgicale. En post-opératoire, le risque thrombo-embolique des inhibiteurs de janus
Kinases (JAK) doit être pris en compte.
- Les vaccinations par des vaccins vivants atténués ne peuvent pas être réalisées chez les patients recevant des bio thérapies immunosuppressives. Avant l’initiation de la thérapie ciblée, il est conseillé de mettre à jour le calendrier vaccinal, de réaliser la vaccination anti-grippale annuelle, et une vaccination anti-pneumococcique avec un vaccin 13-valent suivie 2 mois plus tard du vaccin 23-valent. Tous les vaccins inactivés peuvent être prescrits sans risque chez les patients recevant des biothérapies immunosuppressives. Toutefois, leur efficacité peut être réduite, raison
pour laquelle il est souhaitable, lorsque cela est possible, de les réaliser avant l’initiation du traitement.
- Les patients recevant des biothérapies ou thérapies ciblées synthétiques peuvent voyager. Pour les thérapies ciblées par voie orale ou sous-cutanée, les conditions de stockage du médicament doivent être respectées, certains devant être conservés à +4°C par exemple. Voyager à l’étranger (notamment en milieu tropical) nécessite de respecter des mesures d’hygiène et de précaution (alimentation, insectes) et de prévoir une trousse à pharmacie. Il faut éviter les destinations à haut risque sanitaire. Le vaccin anti-amarile, qui est un vaccin vivant atténué, ne peut pas être réalisé chez les patients recevant un traitement par biothérapie immunosuppressive. En revanche, les vaccinations contre l’hépatite A ou la typhoïde peuvent être réalisées. La prophylaxie anti-paludéenne doit être appliquée, en
prenant en compte d’éventuelles interactions médicamenteuses.
- Principes généraux de l’autogreffe__________________ de cellules souches hématopoïétiques (CSH)
* L’autogreffe de cellules souches hématopoïetiques (CSH) est un traitement essentiellement utilisé pour le traite ment des hémopathies malignes. Elle peut aussi être proposée dans certaines pathologies auto-immunes graves, comme les formes sévères de sclérodermie systémique.
* Le principe est d’effectuer une chimiothérapie intensive pour éradiquer toutes les cellules malignes, suivie de l’injection de CSH pour assurer la reconstitution hématologique. Le donneur est le receveur. Le greffon est obtenu par une mobilisation des CSH à partir du sang périphérique, après injection de facteurs de croissance des leuco cytes. L’autogreffe est précédée d’un conditionnement myélo-ablatif entrainant une aplasie courte, nécessitant une hospitalisation en chambre seule avec filtration d’air. Il n’y a pas de traitement immunosuppresseur après la greffe. Il n’y a pas de risque de rejet puisque le greffon est celui du receveur.
* Le risque principal est lié à l’aplasie induite par le conditionnement.
* La mortalité globale avoisine les 5 %.
- Principes généraux de l’allogreffe de CSH____________ * L’allogreffe de CSH consiste en un traitement par chimio-/radiothérapie dit de conditionnement (qui peut être myéloablatif ou non) suivi par l’injection au receveur d’un greffon de CSH prélevé chez un donneur sain HLA identique ou compatible.
* L’allogreffe de CSH a plusieurs intérêts : - une action anti-tumorale par la chimio-/radiothérapie de conditionnement ; - une reconstitution hématopoïetique à partir d’un greffon sain ; - et une reconstitution immunologique à partir d’un greffon sain qui contribue à détruire cellules malignes du receveur (réaction du greffon contre la leucémie : graft versus leukemia).
* Toutefois, l’allogreffe de CSH est grevée d’une morbi-mortalité associée d’une part au conditionnement, et d’autre part aux effets indésirables de la reconstitution immunologique qui sont liés à la maladie du greffon contre l’hôte (GVH : graft versus host) qui est la conséquence de la reconnaissance des antigènes du receveur par les cellules
immunitaires du donneur.* Il existe différentes techniques de prélèvement pour recueillir les CSH : moelle osseuse (ponctions multiples de la moelle, généralement sous anesthésie générale), CSH périphériques après mobilisation par facteurs de croissance et prélèvement par cytaphérèses, et sang de cordon. La greffe est précédée d’un traitement par chimio-/radiothérapie, qui vise surtout à permettre la prise du greffon.
* Les complications des allogreffes sont liées : - aux chimiothérapies et radiothérapie de conditionnement: myélotoxicité (aplasie), complications infectieuses, complications métaboliques et la toxicité sur les organes (pulmonaire, cardiaque, hépatique et gonadique) ;
- à la reconstitution du système immunitaire qui n’est jamais optimale et induit un déficit immunitaire prolongé (risque infectieux et néoplasique) ;
- à la maladie du greffon contre l’hôte qui nécessite généralement la prescription d’un traitement immunosuppresseur.
* La mortalité globale avoisine les 30 %.
FICHE DE SYNTHÈSE * Les thérapies ciblées sont des médicaments, synthétiques ou biologiques, dont le mécanisme d’action passe par l’inhibition ou la stimulation d’une cible spécifique et identifiée.
* Les champs d’application des thérapies ciblées sont multiples, dans le domaine du cancer, des hémopathies malignes, des pathologies inflammatoires et/ou autoimmunes systémiques, ou de pathologies diverses comme l’ostéoporose.
* Les biothérapies s’administrent par voie parentérale (intraveineuse, sous-cutanée) tandis que les thérapies ciblées synthétiques s’administrent le plus souvent par voie orale.
* Les patients recevant une thérapie immunosuppressive ciblée dans le cadre du traitement d’un cancer ou d’une pathologie inflammatoire peuvent développer de multiples effets indésirables en particulier des infections et doivent faire l’objet d’un suivi spécifique.
* L’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH), précédée d’un conditionnement chimio thérapique, est principalement utilisée dans le traitement des hémopathies malignes et grevée d’une mortalité de 5 %.
* L’allogreffe de CSH, principalement utilisée dans le traitement des leucémies aiguës, est grevée d’une morbi-mortalité importante associée d’une part au conditionnement et d’autre part à la
maladie du greffon contre l’hôte.
i. Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)___________ i.i. Mécanismes d’action * Les prostanoïdes (prostaglandines et thromboxanes) sont impliqués dans de nombreux processus physio logiques ou pathologiques : inflammation, protection gastrique, maintien de la perfusion rénale et agrégation plaquettaire notamment.
* Leur synthèse dépend du métabolisme de l’acide arachidonique et en particulier des cyclo-oxygénases (COX) dont il existe deux types : - la COX-1 qui est une enzyme constitutive, c’est-à-dire présente dans tous les tissus. Elle permet la synthèse de : > prostaglandines impliquées dans la protection de la muqueuse gastrique et le maintien de la perfusion rénale ;
> thromboxane impliqué dans l’agrégation plaquettaire. L’inhibition de la COX-1 est donc responsable de l’effet anti-agrégant des AINS et de certains effets
indésirables comme la survenue d’un ulcère gastro-duodénal ou d’une insuffisance rénale.- la COX-2 qui est une enzyme inductible dans les états inflammatoires et qui permet la synthèse de prostaglandines impliqués dans : > la survenue de fièvre, de douleur et d’inflammation ; > la cicatrisation, la perfusion rénale, la protection vasculaire via un effet sur la cellule endothéliale (vasodilatation et synthèse de molécules anti-agrégantes).
* Les AINS ont donc par leur effet anti-Cox-2 un effet anti-pyrétique, antalgique et anti-inflammatoire pour des doses supérieures à 500 milligrammes. Les coxibs sont des AINS sélectifs qui inhibent préférentiellement la COX-2 et qui ont donc moins d’effets indésirables digestifs et pas d’effet anti-agrégant plaquettaire (ils ont même un risque pro-thrombotique).
* Les AINS non sélectifs inhibent la cyclo-oxygénase 1 (COX-1) et la COX-2.
On distingue différentes classes pharmacologiques selon la sélectivité pour les COX (Tableau 1) (liste non exhaus tive) : - anti-Cox-1 préférentiels : acide acétylsalicylique à faible dose (< 300 mg/j), indométacine, piroxicam ; - anti-Cox-2 préférentiels : méloxicam ; - anti-Cox-2 sélectifs : diclofénac (il s’agit d’un ancien AINS, mais anti-Cox-2 sélectif : si il était sorti dans les années 2000, il s’appellerait probablement « diclocoxib »), classe des « coxib » comme le célécoxib, identifiés plus récemment comme anti-Cox-2 sélectifs par l’industrie pharmaceutique pour éviter certains effets délétères ;
- les AINS classiques qui inhibent la Cox-1 et la Cox-2 : acide acétylsalicylique à dose anti-inflammatoire,
ibuprofène, kétoprofène (liste non exhaustive).
- Ils sont généralement disponibles par voie : - orale : voie préférentielle ; - intraveineuse (IV) pour un nombre limité de molécules (ex : kétoprofène) : réservée à la douleur post-opératoire et au traitement de la colique néphrétique (douleur de la région lombaire) ; durée maximale 72 h ;
- rectale : biodisponibilité irrégulière donc préférer la voie orale ;
- intramusculaire : en contexte d’urgence quand la voie orale ou IV n’est pas possible.
Tableau 1. PRINCIPAUX ANTI-INFLAMMATOIRES NON STÉROÏDIENS (AINS) Famille Salicylés Acide arylcarboxylique Coxibs Oxicams Indoliques Acide acétylsalicylique
Ibuprofène Kétoprofène Diclofénac
Célécoxib
Méloxicam Piroxicam
Indométacine
DCI : dénomination commune internationale.
A 1.2. Principaux effets indésirables * Les effets indésirables sont les mêmes pour tous les AINS mais leur fréquence varie d’un AINS à l’autre et en fonction des caractéristiques du patient (âge notamment), de la dose prescrite, de la durée du traitement et des médicaments associés.
* Les principaux effets indésirables des AINS sont les suivants : - digestifs : dyspepsie, épigastralgies (douleur abdominale), nausées (fréquentes et rapidement résolutives à l’arrêt), ulcères gastro-duodénaux (moins fréquents avec les coxibs) ;
- allergies : cutanée (toxidermie de gravité variable), respiratoire (bronchospasme, syndrome de Fernand Vidal [voir paragraphe 1.3]) ;
- rénaux : insuffisance rénale aiguë fonctionnelle (créatinine augmentée) du fait de la diminution de la perfusion rénale. Il s’agit d’une complication précoce et dose dépendante qui est favorisée par l’association à d’autres facteurs de risque d’insuffisance rénale : > déshydratation ; > injection de produit de contraste iodé ; > traitements : diurétique, inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine-II ou antagoniste des récepteurs de l’angiotensine-II.
* Les AINS peuvent aussi causer des atteintes rénales organiques avec ou sans insuffisance rénale, par glomérulo néphrite extra-membraneuse ou néphropathie tubulo-interstitielle de mécanisme immuno-allergique : - cardio-vasculaire : hypertension artérielle (HTA), thrombose artérielle pour les AINS sélectifs de la Cox-2 par effet pro-agrégant ;
- autres : cytopénies, hépatites, asthme (effet de classe par déviation du métabolisme vers les leucotriènes).
Les AINS peuvent aggraver un certain nombre d’infections, par des mécanismes variés, en particulier les infections
virales (varicelle, grippe), ou les infections à bactéries pyogènes (dermo-hypodermite, infection ORL…).
A 1.3. Principales contre-indications aux AINS * Allergie. * Infection évolutive. * Ulcère gastro-duodénal évolutif. * Antécédent d’ulcère gastro-duodénal ou d’hémorragie digestive récurrente (au moins 2 épisodes). * Syndrome de Fernand Widal (association d’asthme, de polypose naso-sinusienne et d’allergie à l’aspirine). * Insuffisance rénale (adaptation des traitements sur un terrain particulier insuffisant rénal, insuffisant hépa tique, grossesse, personne âgée).
* Insuffisance hépatocellulaire sévère (adaptation des traitements sur un terrain particulier insuffisant rénal, insuffisant hépatique, grossesse, personne âgée).
* Insuffisance cardiaque sévère. * Grossesse à partir du 6e mois (fermeture du canal artériel, oligoamnios par insuffisance rénale foetale) : à l’excep tion des collyres, l’utilisation ponctuelle ou chronique de tous les AINS (y compris l’acide acétylsalicylique > 500 mg/j et les inhibiteurs sélectifs de COX-2) est formellement contre-indiquée à partir du début du 6e mois de grossesse (24 semaines d’aménorrhée), quelle que soit leur voie d’administration, y compris en prise unique (adaptation des traitements sur un terrain particulier insuffisant rénal, insuffisant hépatique, grossesse, per sonne âgée). En revanche, aux doses anti-agrégantes plaquettaires (jusqu’à environ 300 mg/j), l’utilisation de l’acide acétylsalicylique tout au long de la grossesse est possible, de principe à la dose efficace la plus faible possible.
* Allaitement (sauf certains AINS en prise ponctuelle). * Maladies hémorragiques. * Les coxibs et le diclofénac sont contre-indiqués en cas d’antécédent d’accident vasculaire cérébral ou d’accident ischémique transitoire, de cardiopathie ischémique ou d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Les
autres AINS sont seulement déconseillés.
A 1.4. Modalités de prescription * L’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié en 2013 une fiche de rappel des règles de bon usage des AINS, à laquelle il est possible de se référer. Du fait des effets indésirables fréquents des AINS, il est important de bien évaluer le rapport bénéfice/risque et considérer l’emploi d’une autre classe médicamenteuse à but antalgique ou antipyrétique (paracétamol par exemple). Le traitement doit être le plus court possible, et la dose prescrite correspondre à la dose minimale efficace.
* Les précautions d’emploi décrites ci-dessous doivent être considérées : - évaluer le risque d’insuffisance rénale : > sujet âgé, prise concomitante d’un médicament bloqueur du système rénine-angiotensine (risque majoré d’insuffisance rénale fonctionnelle) ; > néphropathie sous-jacente.
- évaluer le risque digestif, en fonction de l’existence d’un ou plusieurs facteurs de risque. Les facteurs de risque de complications digestives des AINS sont les suivants : > âge > 65 ans ; > antécédent d’ulcère gastro-duodénal ou hémorragie digestive haute ou infection à Hélicobacter pylori ; > comorbidités sévères ; > dose élevée ou association d’AINS ; > association à l’acide acétylsalicylique (même à dose anti-agrégante), au clopidogrel, aux anticoagulants, aux corticoïdes ;
> pathologie inflammatoire du tube digestif.* Si aucun de ces facteurs de risque n’est présent, la prescription d’AINS est possible. * Si 1 ou 2 facteurs de risque sont présents, la prescription d’AINS doit s’accompagner d’un inhibiteur de la pompe à proton (IPP) ou l’emploi d’un coxib doit être privilégié.
* Si plus de 3 facteurs de risque sont présents, il est préférable de ne pas prescrire d’AINS ou de demander un avis spécialisé si cette prescription est absolument nécessaire (ce qui est rarement le cas).
* Par ailleurs, concernant le risque de complications hémorragiques, il faut prêter attention aux interactions médi camenteuses qui mènent aux recommandations suivantes : - ne pas associer 2 AINS ; - ne pas associer les AINS aux corticoïdes : augmentation du risque d’ulcère gastro-duodénal et de ses complications ;
- ne pas associer aux anticoagulants ou aux anti-agrégants plaquettaires : majoration du risque hémorragique ; - ne pas associer aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion, diurétiques, antagonistes des récepteurs de l’angiotensine-II : risque d’insuffisance rénale.
* Il existe également des interactions pharmacocinétiques avec le méthotrexate, la metformine, et le lithium qui
doivent être connues : l’association de ces traitements avec des AINS est déconseillée.
2» Corticoïdes (anti-inflammatoires stéroïdiens)_________ 2.1. Principaux mécanismes d’action * Les anti-inflammatoires stéroïdiens, ou corticoïdes (ou corticostéroïdes, ou glucocorticoïdes), sont des dérivés synthétiques d’une hormone naturelle, le cortisol, qui est synthétisée par la glande surrénale. Ils ont un effet antalgique, antipyrétique, anti-inflammatoire et immunosuppresseur.
*
* Leur mécanisme d’action est complexe et implique de nombreuses voies dans de nombreux tissus et organes. C’est pourquoi les corticoïdes peuvent induire des effets indésirables très variés.
* Leur effet sur le système immunitaire (anti-inflammatoire et immunosuppresseur) est utilisé à des fins thérapeu tiques, et est responsable d’une immunodépression dont l’intensité dépend de la dose, de la durée de prescription,
ainsi que des caractéristiques intrinsèques du patient qui les reçoit (âge notamment).
2.2. Principales molécules Tableau 2. PRINCIPAUX ANTI-INFLAMMATOIRES STÉROÏDIENS
Activité Molécules
Non fluorés
Fluorés Dexaméthasone IV : intraveineux ; PO : per os. PO ou IV
Hydrocortisone Prednisone
Prednisolone Voie anti-inflammatoire
PO ou IV PO PO
Méthylprednisolone PO ou IV Béthaméthasone
PO ou IV 1
4 4 5
25-30 25-30
1
0,8 0,8
0,5 0
0 minéralocorticoïde Activité
Equivalence de doses
20 mg 5 mg 5 mg 4mg
o,75 mg
o,75 mg
2.3. Modalités de prescription des corticoïdes (prescrire des corticoïdes par voie générale ou locale ; rédaction d’une ordonnance) * On distingue schématiquement deux types de corticothérapie par voie systémique : - un traitement court dans le cas d’une affection aiguë ;
- un traitement prolongé (habituellement > 3 mois) dans le cas d’une pathologie chronique.
2.3.1. Les traitements courts (< 21 jours) * Objectif : effet antalgique et anti-inflammatoire ; * Indications : surtout respiratoires (asthme sévère, décompensation de broncho-pneumopathie chronique obs tructive (BPCO) par exemple), ou rhumatologiques ;
* Les corticoïdes non fluorés sont utilisés, en une prise le matin, idéalement par voie orale à chaque fois que pos sible ;
* Les prescriptions de corticoïdes, mêmes courtes, sont contre-indiquées en cas de d’infection virale (notamment herpès, zona, varicelle +++) ou d’infection non contrôlée. De façon générale, les corticoïdes sont associés avec un risque d’aggravation d’infections bactériennes et virales actives car facteur d’immunodépression et en consé quence, les corticoïdes sont en général à éviter dans ces situations. Cependant dans certaines infections bacté riennes graves, les corticoïdes sont utilisés car ils ont démontré un effet d’atténuation de la réponse inflammatoire systémique délétère en soi (exemple : COVID-19 sévère) ou la prévention de séquelles (exemple : méningite bactérienne) ;
* Des effets indésirables peuvent survenir : déséquilibre de diabète, hypertension artérielle (HTA), anguillulose maligne, troubles psychiatriques (troubles de l’humeur, insomnie) ;
* L’arrêt peut être brutal sans risque ; * Le principal risque d’une cure courte est lié à la répétition de la prescription, ce qui est fréquent au cours de la
BPCO par exemple. Cela peut aboutir aux mêmes effets indésirables que la corticothérapie au long cours.
2.3.2. Les traitements longs (plus de 21 jours, mais habituellement plus de 3 mois) * Objectif = activité anti-inflammatoire des corticoïdes (contrôler une maladie auto-immune ou inflammatoire) ; * Les molécules non fluorées sont privilégiées car elles ont moins de répercussion sur l’axe hypothalamo-hypophy saire. Par ailleurs, la prednisone a une meilleure biodisponibilité, qui est également plus stable, que la prednisolone, et doit donc être privilégiée. La prednisolone présente l’avantage de disposer d’une forme soluble (enfants, sujets âgés) ;
* En cas de forme grave de la maladie, le traitement oral est parfois précédé de perfusions par voie intraveineuse (méthylprednisolone) ;
* Le traitement oral doit s’administrer de préférence en une seule prise quotidienne matinale, pour limiter l’effet
sur l’axe hypothalamo-hypophysaire.
Quel bilan réaliser avant d’instaurer une corticothérapie au long cours ? - évaluer les facteurs de risque de mauvaise tolérance : obésité, diabète, HTA, insuffisance cardiaque, antécédent de tuberculose non ou mal traitée. Ces facteurs de risque ne constituent pas une contre-indication absolue ;
- bandelette urinaire ; - analyses biologiques : hémogramme, kaliémie, glycémie à jeun ; - peuvent être réalisées également : électrophorèse des protéines sériques (évaluation des gammaglobulines), exploration d’une anomalie lipidique (évaluation du risque cardio-vasculaire global) ;
- évaluer le risque d’anguillulose maligne (voyage même ancien en région endémique) et traitement préventif au
moindre doute (ivermectine).
- Mesures associées à la corticothérapie au long cours : - Prévention de l’ostéoporose (dépistage et prévention de l’ostéoporose) : > l’évaluation de la prévention ostéoporotique doit être réalisée quelle que soit la dose de corticoïdes pour tous les patients débutant une corticothérapie par voie orale pour une durée de plus de 3 mois ou recevant déjà une corticothérapie par voie orale depuis plus de 3 mois ;
> évaluer et prendre en charge les facteurs de risque associés d’ostéoporose : hypogonadisme, hyperthyroïdie, dénutrition, alcool, tabagisme ;
> évaluer la présence de facteurs de risque majeurs de fracture : antécédent personnel de fracture de faible traumatisme, notamment vertébrales, âge ;
> évaluer le risque de chutes (et prévenir les chutes chez les sujets âgés) ; > la densitométrie osseuse (DMO) est recommandée chez tous les patients débutant ou recevant une corticothérapie orale pour une durée supérieure à 3 mois, mais elle est à elle seule insuffisante dans l’évaluation du risque de fracture. Elle est remboursée lors d’une corticothérapie > 7,5 mg par jour d’équivalent prednisone pour au moins 3 mois consécutifs ;
> conseiller une activité physique régulière ; > supplémentation en vitamine D en cas de carence, et en calcium si apports insuffisants (apport calcique quotidien recommandé = 1000 mg/jour alimentation comprise). Il est recommandé d’évaluer les apports calciques quotidiens grâce à des auto-questionnaires ;
> traitement spécifique de l’ostéoporose (Figure 2) : les bisphosphonates (acide zolédronique, risédronate) sont utilisables. Le tériparatide peut être prescrit en première intention chez les patients à haut risque de fracture, remboursé s’il existe au moins 2 fractures vertébrales prévalentes au moment du diagnostic.
L’indication du traitement spécifique de l’ostéoporose doit être réévaluée tous les 2 ans.
- Pour des doses supérieures à 10 mg/j d’équivalent prednisone, on conseille d’équilibrer l’alimentation selon les recommandations suivantes (prévention du surpoids et de l’obésité ; prévention des maladies cardiovasculaires) : > apports en sel selon le terrain (notamment en cas d’hypertension artérielle ou insuffisance cardiaque). Il n’y a pas d’indication à un régime dit « sans sel ». L’objectif reste celui de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) (moins de 5 g de sel par jour pour la population générale chez les adultes). Les aliments les plus riches en sel sont la charcuterie, les bouillons, les sauces et condiments, les plats cuisinés, les fromages, et le pain, dont la consommation doit être limitée.
Il est important de comprendre que l’hypertension artérielle cortico-induite est principalement due à une augmen tation des résistances vasculaires et pas à l’effet minéralo-corticoïdes.
> limiter la consommation de sucres, quel que soit l’index glycémique ; > privilégier les légumes et les fruits (en faisant attention au sucre contenu dans certains fruits : raisin, banane) ;
> maintenir ou augmenter l’activité physique ; > prévenir les patients de l’effet orexigène (augmentation de l’appétit) des corticoïdes, très souvent responsable d’une prise de poids ;
Le régime ne doit pas être trop strict chez la personne âgée.
- Le risque infectieux doit être évalué et surveillé : prévention de l’anguillulose maligne, suivi gynécologique (dépistage et surveillance d’une infection à papilloma virus oncogène), risque de réactivation d’une tuberculose et d’autres infections latentes (notamment infection par le virus de l’hépatite B), mise à jour du calendrier vaccinal avec vaccinations spécifiques de l’immunodéprimé (grippe annuelle et vaccination antipneumococcique), contre-indication aux vaccins vivants en cas de dose quotidienne supérieure ou égale à 10
milligrammes par jour d’équivalent prednisone.
- Une surveillance métabolique et cardiovasculaire doit être mise en place : dépistage d’une hypertension artérielle et d’un diabète favorisés par la corticothérapie (dosage d’une glycémie en fin de matinée après
quelques jours de traitement).
- Suivi et éducation du patient - Surveillance des paramètres permettant d’évaluer l’activité de la maladie. - Pas d’arrêt brutal du traitement. - Kaliémie (dyskaliémie) : il existe un risque d’hypokaliémie en début de traitement. On conseille donc de surveiller la kaliémie 1 à 2 semaines après le début du traitement.
- Une glycémie (hyperglycémie) en fin de matinée, quelques jours après l’instauration du traitement, permet de dépister les troubles glycémiques aggravés par la corticothérapie. Ces défauts de régulation de la glycémie sont dose-dépendants et surviennent généralement sur des terrains « prédisposés » (surpoids, antécédent personnel ou familial de diabète, antécédent de diabète gestationnel).
- Identifier des effets indésirables (Tableau 3). - Prévenir le patient qu’il doit consulter rapidement en cas de : > fièvre (hyperthermie/fièvre) : infection bactérienne jusqu’à preuve du contraire ; > possibilité de survenue d’une infection sans fièvre (effet antipyrétique des corticoïdes) : consulter en cas de toux, douleurs abdominales ;
> douleurs abdominales, même frustes, en raison du risque de perforation digestive (ulcère gastro-duodénal, diverticulite) dont la symptomatologie peut être très fruste. - Une éducation thérapeutique est recommandée. - La prise d’une corticothérapie entraîne des modifications cliniques fréquentes (Tableau 3), et des anomalies biologiques quasi constantes pour des doses >10 milligrammes par jour d’équivalent-prednisone : éosinopénie,
basopénie, lymphopénie, polynucléose neutrophile (anomalie des leucocytes).
- Durée du traitement et sevrage - Il n’y a pas de schéma universel. - La dose initiale varie en fonction des indications. L’objectif est de mettre la maladie en rémission. - Ensuite, la dose est diminuée progressivement en fonction : > du contrôle de la maladie ; > de la tolérance du traitement.
- Lorsque la corticothérapie n’est pas assez efficace et/ou mal tolérée, on peut discuter d’ajouter un traitement immunosuppresseur ou une biothérapie pour diminuer les doses des corticoïdes. On parle de traitement d’épargne en corticoïdes.
- Sevrage : > à envisager à partir de 5 mg/j d’équivalent prednisone si la maladie est contrôlée ; > risque = insuffisance corticotrope (voir encadré) ; > les méthodes de sevrage varient ; > une substitution par hydrocortisone peut s’envisager à partir de 5 milligrammes par jour d’équivalent prednisone, pendant 1 à 4 semaines avant la réalisation d’un test au Synacthène®. D’autres méthodes de
sevrage sont possibles.
Risques Liés au sevrage de la corticothérapie * L’axe corticotrope (corticotropin releasing hormone (CRH) -» hormone corticotrope ou adrénocorticotrophine (ACTH) -» cortisol) est freiné par la corticothérapie au long cours.
* L’arrêt de la corticothérapie expose à 3 risques : rechute de la maladie traitée par corticoïdes, insuffisance corticotrope et syndrome de sevrage.
* Le syndrome de sevrage est lié à une dépendance aux corticoïdes et se manifeste par une fatigue (asthénie) et des troubles de l’humeur au moment du sevrage. Le test au Synacthène® est normal.
* Il faut distinguer l’insuffisance corticotrope, au cours de laquelle il n’y a pas d’insuffisance en minéralocor ticoïdes, de l’insuffisance surrénale. Les symptômes de l’insuffisance corticotrope sont peu spécifiques : fatigue (asthénie), douleurs musculaires, troubles digestifs. Le test au Synacthène® est généralement perturbé (même si il ne reflète qu’imparfaitement l’axe corticotrope), et il est nécessaire d’instaurer un traitement par hydrocortisone et de répéter le test au Synacthène ultérieurement. Le patient doit être toutefois considéré comme un insuffisant surrénalien, avec éducation, port d’une carte sur soi, et nécessité de doubler les doses
en cas de stress.
- Les perfusions de méthylprednisolone Elles sont parfois utilisées pour obtenir un effet anti-inflammatoire rapide, au cours des formes graves de maladies systémiques auto-immunes ou inflammatoires. On utilise la méthylprednisolone par voie intraveineuse à la dose de 7,5 à 15 mg/kg/jour (en pratique 250 à 1000 mg/j) pendant 1 à 3 jours. Elles sont administrées par voie intraveineuse en milieu hospitalier avec surveillance de la pression artérielle, de l’électrocardiogramme (réalisation et interprétation d’un électrocardiogramme) à la recherche de signes
d’hypokaliémie (dyskaliémie) ou de troubles du rythme, et du ionogramme plasmatique.
A 2.4. Effets indésirables des corticoïdes * Ils sont détaillés dans le Tableau 3.
* Ils peuvent être précoces, lors de l’utilisation de fortes doses de corticoïdes : décompensation d’une insuffisance cardiaque, hypertension artérielle, décompensation d’un diabète (hyperglycémie), ostéonécrose aseptique,
troubles psychiatriques.Les autres surviennent plus tardivement et correspondent à un syndrome de Cushing (hypercorticisme exogène) : obésité facio-tronculaire (obsésité et surpoids), amyotrophie des membres, hypertension artérielle, diabète (hyperglycémie), fragilité cutanée, ostéoporose (dépistage et prévention de l’ostéoporose).
* Leur fréquence est corrélée à la dose cumulée de corticoïdes donc à la fois à la dose journalière et à la durée de la
corticothérapie.tab3
A 2.5. Cas particuliers * Vaccins
Un patient recevant une corticothérapie au long cours est à considérer comme immunodéprimé (suivi du patient immunodéprimé). Les vaccins vivants atténués (tuberculose, poliomyélite oral, fièvre jaune, rougeole-oreillons- rubéole) sont contreindiqués en cas de corticothérapie >10 mg/j et/ou en cas de traitement immunosuppresseur associé. Les vaccinations anti-grippale (annuelle) et anti-pneumococcique (Prevenar 13® puis Pneumovax® au moins 8 semaines après) sont conseillées en cas de corticothérapie prolongée.
* Grossesse (adaptation des traitements sur un terrain particulier insuffisant rénal, insuffisant hépatique, gros sesse, personne âgée) et allaitement Les corticoïdes ne sont pas tératogènes et peuvent être employés pendant la grossesse. En revanche, ils majorent le risque d’infection maternelle et de diabète gestationnel. Il faut donc utiliser la dose
minimale efficace.Pour le traitement de la femme enceinte, il est préférable d’utiliser la prednisone ou la prednisolone dont le pas sage transplacentaire très faible. La bétaméthasone et la dexaméthasone, qui passent la barrière placentaire, sont utilisées pour le traitement du foetus (par exemple, pour la maturation pulmonaire). Le passage dans le lait maternel est très faible (environ 10 %). L’allaitement est possible si la dose est inférieure à
30 mg/j. Sinon, il faut l’éviter ou allaiter au moins 4 heures après la prise.
A 2.6. Principales causes d’échec * Le traitement par corticoïdes peut être inefficace en cas de : - non prise du traitement par le patient (voir item 324 - Éducation thérapeutique, observance et automédication). Ceci peut être suspecté en cas d’absence de signes d’imprégnation cliniques ou biologiques en corticoïdes (syndrome cushingoïde, lymphopénie, éosinopénie).
- erreur diagnostique (par exemple dans l’artérite à cellules géantes ou la pseudo-polyarthrite rhizomélique, la non réponse au traitement par corticoïdes doit faire envisager une erreur diagnostique. De nombreuses autres situations d’erreurs diagnostiques sont possibles).
- maladie cortico-résistante (notamment certaines maladies-auto-immunes).
FICHE DE SYNTHÈSE * Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont un effet antipyrétique, antalgique et anti-inflam matoire.
* Les AINS non sélectifs inhibent la cyclo-oxygénase i (COX-i) et la COX-2. * Les principaux effets indésirables des Al NS sont digestifs, allergiques, rénaux, et cardio-vasculaires. * Les corticoïdes ont un effet antalgique, antipyrétique, anti-inflammatoire et immunosuppresseur. * Leur mécanisme d’action est complexe et implique de nombreuses voies dans de nombreux tissus et organes.
* Les effets indésirables des corticoïdes sont variés : ils peuvent être précoces, lors de l’utilisation de fortes doses : décompensation d’une insuffisance cardiaque, HTA, décompensation d’un diabète, ostéonécrose aseptique, troubles psychiatriques, et les complications infectieuses liées à l’immu nodépression induite par les corticoïdes.
* Les autres effets indésirables surviennent plus tardivement et correspondent à un syndrome de Cushing (hypercorticisme exogène) : hypertension artérielle (HTA), troubles cutanéo-muqueux, ostéoporose, difficulté de cicatrisation, atrophie cutanée et musculaire, effet orexigène, troubles
métaboliques.
i. Définition d’une hypercalcémie_____________________ * La calcémie totale chez un individu sain est comprise entre 2,2 et 2,6 mmol/L ; le calcium ionisé est, quant à lui, compris entre 1,15 et 1,35 mmol/L.
* L’hypercalcémie est une situation clinique fréquente pouvant être de découverte fortuite ou symptomatique dans le cadre de l’urgence.
* L’hypercalcémie totale (dyscalcémie) est définie par une concentration plasmatique de calcium supérieure à 2,6 mmol/L.
* Le dosage de la calcémie totale plasmatique mesure : - le calcium ionisé : 50 % ; - le calcium lié aux protéines (principalement à l’albumine) : 40 % ; - le calcium complexé aux anions (citrates, phosphate, bicarbonates) : 10 %.
* Seul le calcium ionisé représente la fraction métaboliquement active et est soumis à une régulation stricte. * Une hypercalcémie ionisée est définie par une concentration plasmatique de calcium ionisé supérieure à
1,35 mmol/L.
- Il convient de distinguer l’hypercalcémie vraie, avec élévation du calcium ionisé des fausses hypercalcémies par augmentation de la fraction liée aux protéines et notamment l’albumine : hyperprotidémie, hémoconcentration, déshydratation extracellulaire.
- Le bilan d’une hypercalcémie doit donc comporter un dosage de la calcémie totale couplé à un dosage de l’albu minémie (hypoprotidémie, hyperprotidémie) et/ou un dosage du calcium ionisé.
- En cas d’hyperalbuminémie, il convient de calculer la calcémie corrigée afin de distinguer une hypercalcémie vraie d’une pseudo-hypercalcémie :
Calcémie corrigée = (40 - albuminémie) x 0,025 + calcémie totale - L’acidose augmente le calcium ionisé et réduit la fraction liée à l’albumine. En pratique, le dosage du pH plasma
tique doit être envisagé avant de retenir formellement le diagnostic d’hypercalcémie.
- Physiopathologie : principaux mécanismes___________ des hypercalcémies
* Le calcium est réparti de façon majoritaire au niveau osseux (98 %). Outre son rôle de structure (os, dents, tissus mous), le calcium a de multiples rôles dans l’organisme (transmission de signaux électriques, second messager des hormones, perméabilité membranaire, coagulation sanguine, contraction musculaire, etc.). La calcémie ionisée est finement régulée par deux hormones : l’hormone parathyroïdienne (PTH) et la vitamine D, qui contrôlent l’absorption du calcium par le tube digestif, la formation/résorption osseuse et l’excrétion rénale.
* Les deux sources principales du calcium sanguin sont le tube digestif (alimentation = 1000 mg/j) et l’os. L’hyper calcémie survient lorsque l’entrée de calcium dans la circulation dépasse les sorties (urinaire++/digestive/sueur + dépôt osseux).
* La calcémie est essentiellement régulée par l’action de 2 composantes : la PTH, sécrétée par les glandes parathy roïdes, et la forme active de la vitamine D (1-25 OH D3 ou calcitriol) : - la PTH va avoir pour effet une résorption osseuse et une réabsorption tubulaire du calcium ; - le calcitriol va avoir pour effet une augmentation de l’absorption intestinale du calcium et une augmentation de la résorption osseuse.
* L’hypercalcémie peut ainsi être secondaire : - à une augmentation de la résorption osseuse, par excès de PTH (hyperparathyroïdie primaire), excès de PTHrelated peptide (PTHrp) stimulant l’ostéoclastose par effet mimétique de la PTH, excès d’autres hormones (thyroxine, cortisol), excès de cytokines à effet ostéolytique (néoplasique : métastases osseuses, myélomes, lymphomes) ou suite à une immobilisation prolongée (prise en charge d’un patient en décubitus prolongé) ;
- à une augmentation de l’absorption du calcium au niveau digestif, secondaire à une hypervitaminose D par surdosage thérapeutique ou par excès de production (granulomes), ou à un excès majeur d’apports calciques alimentaires ;
- à une diminution de l’excrétion rénale du calcium, par exemple issue de l’effet hypercalcémiant de certains médicaments (diurétiques thiazidiques, lithium ; prise volontaire ou involontaire d’un toxique ou d’un
médicament potentiellement toxique).
- Signes cliniques d’une hypercalcémie_______________ * Ils sont multiples et dépendent du niveau de l’hypercalcémie et de sa vitesse de constitution, ainsi que du terrain
(comorbidités).* Certains troubles peuvent engager le pronostic vital (troubles du rythme cardiaque, déshydratation, encéphalo pathie, par exemple).
3.1. Signes cliniques liés à une hypercalcémie sévère ou d’installation rapide * Ils apparaissent le plus souvent lorsque la calcémie dépasse 3 mmol/L. L’hypercalcémie sévère, urgence théra peutique, est définie par une calcémie totale supérieure à 3,5 mmol/L ou supérieure à 3 mmol/L avec des signes cliniques de mauvaise tolérance.
* Les signes cliniques pouvant évoquer une hypercalcémie sont : - altération de l’état général (asthénie, amaigrissement) ; - des troubles digestifs : anorexie, nausées et vomissements, douleur abdominale (parfois pseudo-chirurgicale), constipation (parésie des fibres lisses), pseudo-occlusions ;
- des troubles neuropsychiques : faiblesse musculaire (pseudo-myopathie), troubles neurologiques ou psychiatriques : déficit neurologique sensitif et/ou moteur, hallucinations, humeur triste/douleur morale, idées délirantes, agitation, confusion mentale/désorientation, coma et troubles de conscience ;
- des troubles cardiovasculaires aigus : hypertension artérielle, troubles du rythme et de la conduction cardiaques (voir paragraphe 4), tachycardie, malaise/perte de connaissance, arrêt cardiaque ;
- une déshydratation extracellulaire : syndrome polyuro-polydipsique ; - fièvre (hyperthermie/fièvre) ; - une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle (créatinine augmentée), liée aux pertes hydrosodées souvent aggravées par la diminution des apports (secondaires aux troubles de la conscience et aux nausées et vomissements). Cette déshydratation extracellulaire entretient l’hypercalcémie en induisant une réabsorption
tubulaire secondaire de sodium et de calcium.
3.2. Signes cliniques liés à une hypercalcémie chronique * Lithiase rénale : surtout en cas d’hypercalcémie (hypercalciurie) prolongée. * Insuffisance rénale chronique (suivi d’un patient en insuffisance rénale chronique).
* Troubles cardiovasculaires : médiacalcose pouvant toucher les artères coronaires, les valves cardiaques.
b 4. Principales anomalies de l’électrocardiogramme en lien avec une hypercalcémie
* Les anomalies observées à l’électrocardiogramme (ECG) (réalisation et interprétation d’un électrocardio gramme) sont les suivantes (Figure 1) : - raccourcissement du QTc ; - aplatissement voire inversion de l’onde T ; - tachycardie sinusale ; - possibles troubles de la conduction : bradycardie, bloc sino-auriculaire ou auriculoventriculaire, élargissement des QRS ;
- troubles du rythme ventriculaire (extra-systoles ventriculaires (ESV), tachycardie ventriculaire (TV),
fibrillation ventriculaire (FV)) en cas d’hypercalcémie majeure (> 3,5 - 4 mmol/L).
- Examens complémentaires de première intention à réaliser devant une hypercalcémie
A 5.1. Devant toute hypercalcémie * Calcium ionisé (1,15-1,35 mmol/L) et/ou albuminémie pour interpréter la calcémie totale. * lonogramme sanguin ± urinaire, créatininémie : recherche d’une déshydratation extra-cellulaire, d’un trouble ionique associé.
* pH sanguin pour ajuster la calcémie.
* ECG (réalisation et interprétation d’un électrocardiogramme) : pour identifier la gravité et le degré d’urgence.
B 5.2. Pour déterminer la cause * PTH plasmatique : il s’agit de l’examen clé et indispensable. Il faut déterminer si la calcémie est PTH dépendante ou non. Devant une hypercalcémie, la PTH est normalement freinée. Si elle est normale, et a fortiori élevée, cela évoque un mécanisme dépendant de la PTH.
* Phosphorémie sérique. * PTH-relatedpeptide (PTHrp). * 25-OH vitamine D, éventuellement selon le contexte la 1,25-OH2 vitamine D. * calciurie des 24 h. * Les autres examens complémentaires sont demandés en fonction de l’orientation étiologique : - électrophorèse des protéines sériques (analyse de l’électrophorèse des protéines sériques) ; - protéinurie et électrophorèse des protéines urinaires ; - hémogramme; - thyroid stimulating hormon ultra-sensible (TSHus) (analyse du bilan thyroïdien), enzyme de conversion de l’angiotensine;
- Protéine C-réactive (CRP) ;
- ± dosage sanguin des digitaliques.
- Démarche étiologique * Une fois l’hypercalcémie authentifiée, en dehors d’un contexte évident (immobilisation (prise en charge d’un patient en décubitus prolongé), néoplasie connue, iatrogénie (souvent potentialisation d’autres causes) thiazidiques, intoxication à la vitamine D, etc. (prise volontaire ou involontaire d’un toxique ou d’un médicament potentiellement toxique)), deux diagnostics sont à évoquer en priorité (« 90 % des cas) : - l’hyperparathyroïdie primaire ; - les causes malignes : tumeurs solides ou hémopathies malignes. Dix à vingt pour cent des patients cancéreux ont au cours de l’évolution de leur maladie au moins un épisode d’hypercalcémie.
* En l’absence de contexte évident, la démarche diagnostique (Figure 2) débute donc par le dosage de la PTH. On distingue alors : - l’hypercalcémie liée à la PTH (d’origine parathyroïdienne) : la PTH est inadaptée à la calcémie, c’est à dire élevée ou « anormalement normale » ;
- l’hypercalcémie indépendante de la PTH : la PTH est basse, adaptée à l’hypercalcémie, par freination de la
sécrétion parathyroïdienne de manière adaptée à l’hypercalcémie.
6.1. Hypercalcémies liées à la PTH * Hyperparathyroïdie primaire Cause la plus fréquente chez le patient ambulatoire. L’hyperparathyroïdie primaire touche plus volontiers les femmes autour de 50-60 ans. Il faut noter que 80 % des patients sont asymptomatiques. L’augmentation de la sécrétion de PTH entraine une hypercalcémie, une hypophosphatémie, et une hypercalciurie. Le diagnostic positif est biologique : PTH élevée ou anormalement normale (valeur normales hautes) malgré une hypercalcémie corrigée persistante. Les examens recommandés sont : des dosages de la calcémie, de la phospho rémie, des phosphatases alcalines, de la créatininémie, de la calciurie des 24h (risque de complications rénales), une ostéodensitométrie et une imagerie rénale.
Piège : une élévation de la PTH peut être liée à une carence en 25-OH-vitamine D, mais dans ce cas il n’y a pas d’hypercalcémie.
L’échographie parathyroïdienne et la scintigraphie parathyroïdienne au sesta-MIBI n’ont pas d’intérêt dia gnostique mais permettent de localiser l’adénome mais peuvent avoir un intérêt en pré-opératoire (découverte d’une anomalie cervico-faciale à l’examen d’imagerie médicale). En cas de suspicion de néoplasie endocri nienne multiple (NEM) (jeune âge, caractère familial), les investigations pour chercher d’autres endocrinopathies sont systématiques (imagerie par résonance magnétique (IRM) hypophysaire, scanner pancréatique, dosage de la calcitonine pour la détection du cancer médullaire de la thyroïde).
* Hyperparathyroïdie tertiaire L’hyperparathyroïdie tertiaire survient après une période prolongée d’hyperparathyroïdie secondaire (hypo- ou normocalcémique) et constitue typiquement une complication de l’insuffisance rénale chronique. Les glandes parathyroïdiennes hyperplasiées peuvent s’autonomiser et produire de façon non-régulée de la PTH à l’origine
d’une hypercalcémie.
6.2. Hypercalcémies tumorales * Les hypercalcémies associées aux affections malignes surviennent plus fréquemment en cas de cancer métasta tique, s’installent plus rapidement et sont, de fait, moins bien tolérées. Les cancers les plus fréquemment en cause sont le myélome multiple, et parmi les cancers solides surtout les cancers du sein, prostate, poumon, thyroïde, digestif, testicule, et rein.
* Elles sont principalement liées à 2 mécanismes : - soit liées à la sécrétion de PTHrp (ou hypercalcémie humorale). C’est la cause la plus fréquente d’hypercalcémie chez les patients ayant un cancer. La PTHrp est une substance PTH-like exprimée de façon physiologique dans certains tissus qui se lie au récepteur de la PTH avec un effet agoniste. En contexte pathologique, son expression est augmentée, non régulée, et elle exerce un effet hyperrésorptif osseux.
- Soit liées à l’ostéolyse.
Vingt pour cent des hypercalcémies liées aux cancers sont liés à l’existence de métastases osseuses ostéolytiques.
6.3. Hypercalcémies liées à une hypervitaminose D * Dans l’intoxication à la vitamine D exogène, l’hypercalcémie est liée à une augmentation de l’absorption diges tive de calcium suite à l’apport de vitamine D ou de ses dérivés métaboliques actifs. La PTH est basse, le phos phore augmenté et la calciurie élevée.
* L’hypercalcémie par hypervitaminose D exogène reste rare, et son apparition doit donc faire rechercher une association avec une autre cause d’hypercalcémie.
* Les maladies granulomateuses comme la sarcoïdose sont responsables d’une augmentation de la synthèse de la-hydroxylase par les macrophages du granulome. L’hypercalcémie est le plus souvent asymptomatique et asso ciée à une hyperphosphorémie, une hypercalciurie et un effondrement de la PTH.
* Pour cette raison, il est classique de contre-indiquer la supplémentation en vitamine D chez les patients atteints
de sarcoïdose.
6.4. Autres causes * Excès d’apports calciques
La prise excessive de calcium per os (« syndrome des buveurs de lait », excès de supplémentations calciques) est une cause rare. L’hypercalcémie survient majoritairement en cas d’insuffisance rénale qui limite l’élimination urinaire du calcium en excès. Une prédisposition ou une cause alternative doivent donc être systématiquement recherchées.
* Causes médicamenteuses Les diurétiques thiazidiques favorisent la réabsorption tubulaire du calcium, diminuent ainsi la calciurie et peuvent provoquer une vraie hypercalcémie. Le lithium et la vitamine A sont deux autres traitements pourvoyeurs d’hypercalcémie.
* Autres endocrinopathies Quinze à vingt pour cent des hyperthyroïdies s’accompagnent d’hypercalcémie très modérée, liée à l’accélération
du turn-over osseux.
- Traitement des hypercalcémies sévères______________ * Une hypercalcémie sévère est une urgence thérapeutique.
* Le traitement de l’hypercalcémie aiguë sévère comporte : - hospitalisation en soins intensifs en cas d’hypercalcémie sévère. Surveillance de la conscience, de l’état d’hydratation, de la diurèse, de la calcémie et de l’ECG (scope) ;
- arrêt systématique des traitements inducteurs ou à risque : substituts calciques, vitamine D, diurétiques thiazidiques, lithium, digitaliques (risque de trouble du rythme ventriculaire) ;
- réhydratation extracellulaire du patient par perfusion de soluté salé isotonique ; - blocage de la résorption osseuse par biphosphonates ; - éventuellement, dans les formes graves avec insuffisance rénale, l’épuration extra-rénale peut être nécessaire ; - dans certains cas, un traitement par corticoïdes peut être proposé. Ce traitement est adapté aux hyper calcémies secondaires au myélomes, aux hémopathies, et aux granulomatoses (sarcoïdose).
- de façon générale, le traitement de la cause doit être entrepris.
FICHE DE SYNTHÈSE * L’hypercalcémie totale est définie par une concentration plasmatique de calcium supérieure à 2,6 mmol/L Seul le calcium ionisé représente la fraction métaboliquement active et est soumis à une régulation stricte.
* Les signes cliniques pouvant évoquer une hypercalcémie sont une altération de l’état général, des troubles digestifs, des troubles neuropsychiques, des troubles cardiovasculaires aigus et notam ment des troubles du rythme et de la conduction cardiaques, une déshydratation extra-cellulaire par syndrome polyuro-polydipsique, de la fièvre, et une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle.
* En l’absence de contexte évident, la démarche diagnostique débute systématiquement par le do sage de l’hormone parathyroïdienne (PTH). On distingue alors : - l’hypercalcémie liée à la PTH (d’origine parathyroïdienne) : la PTH est inadaptée à la calcémie, c’est à dire élevée ou « anormalement normale » ;
- l’hypercalcémie indépendante de la PTH : la PTH est basse, adaptée à l’hypercalcémie, par freina
tion de la sécrétion parathyroïdienne de manière adaptée à l’hypercalcémie.
i. Artérite à cellules géantes A 1.1. Définition de l’artérite à cellules géantes * L’artérite à cellules géantes (ACG, ou maladie de Horton) est une vascularite granulomateuse qui survient chez le sujet de plus de 50 ans. Elle est caractérisée par une atteinte inflammatoire de la paroi des vaisseaux de gros calibre (aorte et ses branches). L’atteinte prédomine au niveau des vaisseaux à destination céphalique (branches de divi sion de l’artère carotide externe, de l’artère carotide interne, et des artères vertébrales), de l’aorte et des vaisseaux
des membres supérieurs (artères sous-clavières, axillaires).
1.2. Epidémiologie de l’artérite à cellules géantes * L’ACG est la vascularite la plus fréquente chez l’adulte. Néanmoins, cela reste une pathologie peu fréquente (inci
dence de 1 cas pour 10 000 personnes de plus de 50 ans par an). Le sexe ratio est de 4 femmes pour 1 homme.
1.3. Signes cliniques de l’artérite à cellules géantes * Les manifestations cliniques de l’ACG sont polymorphes et aucune n’est constante. Elles peuvent être isolées ou s’associer entre elles.
* Les signes dominants sont : 1.3.1. Les signes généraux
* Fièvre (hyperthermie/fièvre), asthénie, anorexie, amaigrissement. La fièvre dépasse rarement 39°C. 1.3.2. Les signes céphaliques
* Céphalée temporale uni ou bilatérale, récente, et habituellement résistante au paracétamol. Son intensité est variable.
* Hyperesthésie du cuir chevelu (« signe du peigne »). * Claudication intermittente des mâchoires : survenue d’une contracture douloureuse des masséters lors de la mas tication, cédant à l’arrêt de l’effort masticatoire.
* Anomalie(s) à la palpation de l’artère temporale : - elle se palpe des deux côtés, en commençant en avant du tragus et en remontant vers sa branche frontale ; - on recherche : * une artère temporale indurée et/ou sensible (Figure 1) ;
* une abolition ou une diminution du pouls temporal.
1.3.3. Les signes rhumatologiques Raideurs et douleurs articulaires d’horaire inflammatoire des ceintures pelvienne et scapulaire (correspondant à la pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR), présente chez la moitié des patients ayant une ACG).
Douleurs articulaires voire arthrites des autres articulations, notamment distales (poignets).
1.3.4. i-es signes ophtalmologiques (anomalie de la vision) L’atteinte ophtalmologique est la complication ischémique la plus fréquente de l’ACG. La prévalence des troubles visuels est d’environ 30 % au diagnostic de la maladie et peut aboutir à une cécité irréversible dans 10 à 15 % des cas.
Il existe plusieurs types d’atteintes ophtalmologiques au cours de l’ACG. La plus fréquente est la neuropathie optique ischémique antérieure aiguë (NOIAA) : - liée à l’atteinte vascularitique des artères ciliaires courtes, branches de l’artère ophtalmique, qui vascularisent la tête du nerf optique ;
- survient très rarement une fois le traitement instauré ; - Manifestations cliniques : » baisse d’acuité visuelle brutale, généralement unilatérale. L’atteinte peut être d’emblée complète ou débuter par un déficit du champ visuel périphérique. Elle est généralement définitive ;
> oeil indolore ; > pas de rougeur oculaire.
- le fond d’oeil montre typiquement un oedème papillaire et des hémorragies en flammèches péripapillaires
(Figure 2).
1.3.5. Les complications macro-vasculaires * L’atteinte aortique est fréquente au cours de l’ACG (jusqu’à 2/3 des patients). Elle est souvent asymptomatique mais peut (rarement) se compliquer de dissection aortique, d’anévrysme voire d’une dilatation diffuse de l’aorte.
* L’atteinte des artères des membres est plus plus fréquente aux membres supérieurs qu’aux membres inférieurs. Elle est la conséquence de l’apparition d’une ou plusieurs sténose(s) (voire occlusion(s)) artérielle(s). Les signes cliniques évocateurs sont : - la claudication intermittente d’un membre (douleur et/ou faiblesse survenant à l’effort et soulagée au repos) ; - un souffle vasculaire (découverte d’un souffle vasculaire) (sous-clavier, huméral ou fémoral notamment) ; - la diminution ou l’abolition d’un pouls périphérique ; - une asymétrie tensionnelle.
* Les autres atteintes macro-vasculaires sont plus rares :
- accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques (7 %) liés à l’atteinte des artères vertébrales et plus rarement
carotides pouvant être à l’origine d’un déficit neurologique sensitif et/ou moteur.
1.4. Urgences au cours de l’artérite à cellules géantes : complications ophtalmologiques de l’ACG (amaurose brutale, paralysie oculomotrice) *
Il faut savoir évoquer le diagnostic d’ACG car un retard diagnostique et donc thérapeutique peut aboutir à la survenue de complications ischémiques, source de morbimortalité : atteinte ophtalmologique = risque de cécité.
* L’atteinte ophtalmologique définitive est généralement annoncée par des prodromes qu’il faut rechercher à l’in terrogatoire car ils constituent une urgence thérapeutique : - amaurose (anomalie de la vision) : perte de vision transitoire, de quelques secondes à quelques minutes, complète ou simple amputation du champ visuel ;
- diplopie transitoire secondaire à une paralysie oculomotrice.
1.5. Signes biologiques au cours de l’artérite à cellules géantes * Les examens utiles en cas de suspicion d’ACG sont : - la recherche d’un syndrome inflammatoire (syndrome inflammatoire aigu ou chronique) (> 95 % des cas) : > élévation de 2 protéines de l’inflammation (élévation de la protéine C-réactive (CRP) et du fibrinogène par exemple) ;
> élévation de la vitesse de sédimentation (VS) et d’une protéine de l’inflammation. La réaction inflammatoire systémique est quasi-constante au cours de l’ACG : l’absence de syndrome inflammatoire rend le diagnostic d’ACG assez improbable. Il est d’usage de doser à la fois la CRP en tant que marqueur inflammatoire de cinétique rapide, et un ou plusieurs marqueurs inflammatoires de cinétique lente, tels que la VS ou le fibrinogène.
- l’hémogramme peut montrer une anémie et/ou une thrombocytose d’origine inflammatoire ; - le bilan hépatique peut montrer une cholestase anictérique (élévation des gamma-GT et des phosphatases
alcalines avec bilirubine normale).
1.6. Examens utiles pour confirmer le diagnostic d’artérite à cellules géantes
* Le diagnostic d’ACG est suspecté devant l’existence de signe(s) clinique(s) évocateur(s), en particulier céphalique(s) et/ou visuel(s) (car les autres sont moins spécifiques) et d’un syndrome inflammatoire (syndrome inflamma toire aigu ou chronique).
* Cependant, pour confirmer le diagnostic, il faut réaliser des examens complémentaires confirmant l’existence d’une vascularite (biopsie d’artère temporale (BAT) et/ou imagerie vasculaire).
* La biopsie d’artère temporale (BAT) est l’examen de référence pour confirmer le diagnostic d’ACG. Malgré les progrès de l’imagerie, sa réalisation reste recommandée pour éliminer d’éventuels diagnostics différentiels et sur tout confirmer avec certitude le diagnostic d’ACG. Il est important de savoir interpréter le compte rendu d’ana
tomopathologie (interprétation d’un compte rendu d’anatomopathologie) d’une biopsie d’artère temporale.
- Les conditions de réalisation de la BAT sont : - sous anesthésie locale ; - du côté le plus symptomatique ; - prélèvement > 0,5 à 1 cm après fixation dans le formol (en-dessous, risque de faux négatif) ; - sans retarder l’initiation du traitement lorsque la suspicion clinique est forte. La sensibilité de la BAT
diminue après 2 semaines de traitement par corticoïdes mais les lésions peuvent persister plusieurs mois.
- Au cours de l’ACG, la BAT peut être normale dans environ 1/3 des cas car l’atteinte de l’artère temporale n’est pas constante au cours de l’ACG et peut être segmentaire et focale si bien qu’on peut prélever un fragment d’artère qui se révèle indemne d’anomalie à l’examen histologique. Ainsi, la négativité de la BAT n’élimine pas le diagnostic.
- Typiquement, la BAT trouve une réaction inflammatoire (Figure 3) (réaction inflammatoire sur biopsie) : - un infiltrat inflammatoire constitué de cellules mononucléées (lymphocytes, macrophages) pouvant siéger dans les trois tuniques de l’artère (panartérite). La présence de cellules géantes mononucléées est caractéristique de la maladie mais inconstante ;
- une fragmentation de la limitante élastique interne qui sépare l’adventice de la média ; - une hyperplasie intimale responsable d’une sténose voire d’une occlusion vasculaire.
- Au cours de l’ACG, il n’y a pas de nécrose fibrinoide.
- L’imagerie vasculaire est en plein développement avec une amélioration constante des techniques. L’objectif des examens d’imagerie vasculaire est de montrer des signes indirects de vascularite pour augmenter les chances de diagnostiquer une ACG. L’imagerie de l’aorte permet également de faire un état des lieux des complications macrovasculaires.
- On distingue : - l’imagerie de l’artère temporale : Il s’agit surtout de l’écho-Doppler des artères temporales à la recherche d’un épaississement hypoéchogène de la
paroi de l’artère temporale (signe du halo). Cet examen doit être effectué par un opérateur entrainé (Figure 4).- L’imagerie de l’aorte et des gros vaisseaux : > Echo-Doppler : recherche du signe du halo sur les artères des membres comme pour l’artère temporale. Ne permet pas d’étudier l’aorte.
» Angio-tomodensitométrie (TDM) ou angio-imagerie par résonnance magnétique (IRM) : pour identifier un épaississement circonférentiel et homogène de la paroi vasculaire (Figure 5).
» Tomographie par émission de positons (TEP)-TDM au 18F-fluorodésoxyglucose (l8F-FDG) : pour identifier
un hypermétabolisme des parois vasculaires (Figure 6).
1.7. Principaux diagnostics différentiels de l’artérite à cellules géantes * Dans sa forme typique, il n’existe quasiment aucun diagnostic différentiel à l’ACG. * Cependant, il existe parfois des formes frustres d’ACG, qui se limitent à un syndrome inflammatoire prolongé (syndrome inflammatoire aigu ou chronique), avec ou sans signes généraux, chez des patients de plus de 50 ans. La liste des diagnostics différentiels correspond donc aux causes de syndrome inflammatoire prolongé (infec tions, néoplasies, pathologie thrombo-embolique et autres pathologies inflammatoires). Ceci démontre l’impor tance de confirmer l’existence d’une vascularite avant de conclure au diagnostic d’ACG, idéalement grâce à la BAT, ou par l’imagerie vasculaire.
* La non-cortico-sensibilité des symptômes et signes cliniques à 48 heures doit remettre en cause le diagnostic. * Lorsque le diagnostic d’ACG est évoqué devant une atteinte ophtalmique inaugurale (NOIAA) (anomalie de la vision), le diagnostic différentiel principal est celui d’une cause athéromateuse. La NOIAA peut être la seule manifestation clinique chez un patient ayant une ACG jusqu’alors asymptomatique. La NOIAA n’est pas spéci fique de l’ACG, l’artériosclérose en est la cause la plus fréquente. Cela justifie de contrôler les paramètres inflam matoires (fibrinogène et CRP) en urgence devant une amaurose transitoire ou une NOIAA au-delà de 50 ans et de débuter un traitement par prednisone 1 mg/kg/j au moindre doute avant de confirmer ou non le diagnostic d’ACG.
* L’endocardite infectieuse notamment subaiguë est un diagnostic différentiel majeur, car elle est responsable de fièvre (hyperthermie/fièvre) et/ou d’un syndrome inflammatoire (syndrome inflammatoire aigu ou chronique) et de manifestations rhumatologiques (arthralgies (douleurs articulaires), myalgies), ainsi que parfois neurolo giques (accident vasculaire cérébral).
* Devant des céphalées (céphalée), les autres causes de céphalées doivent être envisagées, mais l’existence d’un
syndrome inflammatoire chez un patient de plus de 50 ans doit toujours faire envisager le diagnostic d’ACG.
A 1.8. Principes de prise en charge * La corticothérapie (prescrire des corticoïdes par voie générale ou locale) constitue la pierre angulaire du trai tement de l’ACG. Elle doit être débutée dès la suspicion du diagnostic pour éviter la survenue de complications ischémiques, notamment visuelles.
* Le traitement comporte 2 phases : - le traitement d’attaque : > objectif: contrôler rapidement les symptômes et éviter la survenue de complications ischémiques ; > dose : 0,7 mg/kg/j en l’absence d’atteinte ophtalmologique ou de complication ischémique d’une atteinte macrovasculaire ; 1 mg/kg/j voire plus (possibilité de « bolus » intraveineux de méthylprednisolone pendant 1 à 3 jours) en cas d’atteinte ophtalmologique ou de complication ischémique d’une atteinte macrovasculaire.
- la phase de décroissance (après disparition des symptômes et du syndrome inflammatoire). L’objectif est d’atteindre un sevrage autour de 18 mois.
* Un suivi clinique et biologique régulier est recommandé pendant au moins toute la durée du traitemen
* Ce suivi permet notamment : - de chercher des signes d’activité de la maladie (cliniques ou biologiques) ; - d’adapter la dose des corticoïdes ; - de dépister, prévenir ou prendre en charge les complications de la corticothérapie.
* Au cours de la décroissance de la corticothérapie, environ 50 % des patients rechutent. Chez ces patients corticodépendants, la durée de la corticothérapie est prolongée et peut nécessiter le recours à des traitements d’épargne en corticoïdes comme le méthotrexate (hors autorisation de mise sur le marché (AMM)) ou le tocilizumab (anti corps monoclonal anti-récepteur de l’interleukine 6) (qui a une AMM dans cette indication).
* Au cours du suivi, la réapparition d’un syndrome inflammatoire en l’absence de signe évocateur de PPR doit toujours faire évoquer une complication infectieuse dont les signes peuvent être masqués par la corticothérapie.
* L’acide acétylsalicylique à dose anti-agrégante (75-250 mg/j) peut être prescrit. Il est toujours proposé en cas de complication ischémique.
* La corticothérapie doit être accompagnée des mesures associées habituelles, détaillées dans l’item 330 - Prescrip
tion et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant : anti-inflamma toires non stéroïdiens et corticoïdes.
* Il est souhaitable de réaliser une prévention de l’ostéoporose (dépistage et prévention de l’ostéoporose) :
- exercice physique ; - évaluation des apports en calcium et vitamine D, et supplémenter si besoin ; - prise en charge médicamenteuse selon les recommandations.
* On y associe, au début du traitement (pour les doses élevées), des conseils pour contrôler l’apport en sucres à index glycémique élevé.
* Les autres mesures sont :
- prévention des maladies cardiovasculaires : exercice physique régulier ; - prévention du surpoids et de l’obésité : informer le patient du caractère orexigène de la corticothérapie de façon à éviter les grignotages (risque de prise de poids) ;
- surveillance de la pression artérielle, du poids, du ionogramme plasmatique, de la glycémie à jeun et du bilan lipidique ;
- éviction des foyers infectieux ; - traitement anti-helmintique chez tout patient à risque d’anguillulose pour prévenir l’anguillulose maligne ; - dépistage d’une tuberculose latente ; - vaccination anti-grippale annuelle ; - vaccination anti-pneumococcique à proposer. NB : les vaccins vivants sont contre-indiqués en cas de traitement immunosuppresseur et/ou de corticothérapie à
plus de 10 mg/j de prednisone.
1.9. Pronostic *
Le pronostic de l’ACG est globalement bon, avec une survie globale qui est identique à celle de la population générale.
* Le pronostic est donc dominé par :
- le risque de séquelles visuelles ; - et surtout de séquelles liées aux effets indésirables de la corticothérapie prolongée (hypertension artérielle (HTA), diabète, ostéoporose fracturaire, cataracte, glaucome…) qui sont très fréquents ;
- les complications de l’athérome.
A 2.1. Définition de la pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR) * Contrairement à l’ACG, la PPR n’est pas une vascularite. Il s’agit d’un rhumatisme inflammatoire des ceintures, scapulaire et pelvienne (« rhizomélique » signifie « de la racine des membres »). La PPR n’atteint pas d’autres appareils que l’appareil locomoteur.
B 2.2. Épidémiologie de la pseud
B 2.2. Épidémiologie de la pseudo-polyarthrite rhizomélique * La PPR peut exister seule ou associée à l’ACG. Environ 40 à 60 % des patients atteints d’ACG ont des symptômes de PPR. Environ 20 % des patients présentant une PPR ont une ACG. La PPR est environ 3 fois plus fréquente que
l’ACG. Le sexe ratio est le même que pour l’ACG.
2.3. Diagnostic de la pseudo-polyarthrite rhizomélique *
La PPR est une affection du sujet de plus 50 ans caractérisée par :
- des douleurs articulaires rhizoméliques (de la racine des membres) de rythme inflammatoire ; - durant plus de 1 mois ; - fréquemment associées à des signes généraux : asthénie, anorexie, amaigrissement, parfois fébricule ; - accompagnées d’un syndrome inflammatoire (syndrome inflammatoire aigu ou chronique) d’intensité variable.
* Il s’agit de douleurs articulaires et de myalgies inflammatoires de topographie rhizomélique, bilatérales et le
plus souvent symétriques. Elles atteignent les épaules, le rachis cervical (= la ceinture scapulaire) (douleur du rachis), les cuisses et/ou les fesses.
*
Les douleurs sont responsables d’une impotence fonctionnelle avec une raideur s’accompagnant d’un dérouillage matinal plus ou moins long.
* Aucun signe clinique, biologique ou d’imagerie n’est véritablement spécifique de la PPR. Il s’agit donc souvent
d’un diagnostic d’élimination.
2.q. Diagnostics différentiels de la pseudo-polyarthrite rhizomélique * La présentation de la PPR est en général très caractéristique mais de nombreuses maladies peuvent mimer une PPR.
* En dehors des cas où elle s’associe à une ACG, la PPR n’atteint pas d’autre organe que l’appareil locomoteur. Ainsi, l’atteinte d’un autre organe évoque une association fortuite avec une autre maladie ou un diagnostic diffé rentiel de la PPR.
* Il existe des situations où le diagnostic différentiel avec d’autres affections peut être difficile :
- l’ACG qui doit être cherchée cliniquement devant toute PPR. En cas de symptôme ou signe clinique évocateur, il faut réaliser une BAT ;
- la polyarthrite rhumatoïde à début rhizomélique (plus fréquente chez le sujet âgé) ; - les néoplasies (myélome multiple, métastases osseuses, syndrome douloureux paranéoplasique) ; - les rhumatismes microcristallins à forme rhizomélique (rhumatisme à hydroxyapathite, chondrocalcinose) ; - des toxicités musculaires médicamenteuses (exemple : statine) ; - d’autres vascularites ;
- les myosites ;- une endocardite ; - si douleurs rhizoméliques sans syndrome inflammatoire : ostéomalacie, hyperthyroïdie.
- L’analyse des données cliniques et paracliniques doit donc être très attentive pour ne pas poser à tort le diagnostic de PPR.
- Certaines données cliniques et biologiques sont plutôt contre le diagnostic le PPR : - des signes généraux intenses ; - l’absence de syndrome inflammatoire ; - l’absence d’atteinte des épaules ;
- la réponse incomplète à de faibles doses de corticoïdes car dans la PPR, la corticothérapie a un effet spectaculaire.
2.5. Principaux examens utiles au diagnostic de pseudo-polyarthrite rhizomélique * Ils sont destinés à chercher un syndrome inflammatoire et à éliminer les diagnostics différentiels. Ils sont résumés dans le Tableau 1. Certains examens n’y figurent pas, ils sont guidés par l’orientation clinique. Tableau 1. PRINCIPAUX EXAMENS UTILES POUR LE DIAGNOSTIC DE PSEUDO-POLYARTHRITE RHIZOMÉLIQUE (PPR) Examens complémentaires
Objectif/Résultats
Hémogramme CRP, fibrinogène (ou VS) (syndrome inflammatoire aigu ou chronique, élévation de la protéine C-réactive)
Electrophorèse des protéines sériques CK
TSH
Dans la PPR, on s’attend à trouver * des anomalies en rapport avec le syndrome inflammatoire :
- élévation VS, CRP, fibrinogène - anémie inflammatoire, thrombocytose - profil inflammatoire de l’électrophorèse
* Des CK normales * Une TSH normale
FR, Anticorps anti-CCP Radiographies articulaires (épaules, bassin)
Objectif : éliminer une PR à début rhizomélique Attention, 30 % des sujets âgés ont un FR positif sans avoir de PR. Les anti-CCP sont en revanche beaucoup plus spécifiques de la PR.
Normales au cours de la PPR
2.6. Principes de prise en charge de la pseudo-polyarthrite rhizomélique * L’objectif du traitement est de soulager le patient. * La corticothérapie (prescrire des corticoïdes par voie générale ou locale) a une efficacité constante et remar quable.
* Une dose initiale de prednisone de 20 mg/j (ou 0,2 à 0,3 mg/kg /j) est normalement suffisante pour contrôler les symptômes. Les symptômes disparaissent habituellement en 24 à 72h et le syndrome inflammatoire biologique en 2 à 4 semaines selon la cinétique des protéines. En l’absence de réponse au bout de quelques jours, il faut évoquer un autre diagnostic.
* La dose de corticoïdes est ensuite progressivement réduite selon des modalités proches de celles de l’ACG. * Les mesures associées sont les mêmes qu’au cours de l’ACG et détaillées dans voir l’item 330 - Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant : anti-inflammatoires
non stéroïdiens et corticoïdes.
B 2.7. Pronostic de la pseudo-polyarthrite rhizomélique * Le pronostic de la PPR est bon car il s’agit d’un rhumatisme inflammatoire non érosif qui n’atteint pas d’autre appareil que l’appareil locomoteur.
* Les rechutes (réapparition de douleurs et d’un syndrome inflammatoire) sont néanmoins fréquentes lors de décroissance de la corticothérapie. Chez ces patients, la durée de la corticothérapie est prolongée et peut aboutir à l’apparition d’effets indésirables cortico-induits (HTA, diabète, ostéoporose… (voir item 330 - Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant, hors anti-infectieux (voir item 177). Connaître le bon usage des principales classes thérapeutiques.). Cela peut nécessiter l’utilisation
de traitement d’épargne en corticoïdes comme au cours de l’ACG.
3.1. Définition de l’artérite de Takayasu * La maladie de Takayasu est très rare en France. Il s’agit d’une vascularite granulomateuse des vaisseaux de gros
calibre qui touche de manière prédominante les femmes (9 femmes pour 1 homme).
3.2. Diagnostic de l’artérite de Takayasu * Les éléments suivants la distinguent de l’ACG : - elle débute avant l’âge de 50 ans ; - elle débute généralement de façon insidieuse, si bien que le diagnostic est souvent fait tardivement, après plusieurs mois voire années d’évolution. Ainsi, le syndrome inflammatoire est souvent modeste ou absent au moment où le diagnostic est posé ;
- à l’inverse, les lésions vasculaires (sténoses, anévrysmes) sont fréquentes au moment où le diagnostic est posé ; - elle touche souvent l’aorte et ses principales collatérales, les artères rénales, les artères à destination des membres et plus rarement les artères céphaliques. Les symptômes sont donc essentiellement en rapport avec la topographie de l’atteinte artérielle : claudication des membres (claudication intermittente d’un membre), souffles vasculaires (découverte d’un souffle vasculaire), abolition d’un pouls, HTA réno-vasculaire… C’est pour cette raison que l’artérite de Takayasu est parfois appelée « maladie des femmes sans pouls » ;
- à l’atteinte vasculaire des gros vaisseaux peuvent s’associer des atteintes inflammatoires d’autres systèmes : » signes généraux : fièvre (hyperthermie/fièvre), asthénie, amaigrissement, anorexie ; > douleurs articulaires et myalgies ;
> douleurs sur les trajets des gros vaisseaux, en particulier la carotidodynie.
3.3. Examens complémentaires * L’imagerie vasculaire (écho-Doppler, angio-TDM, angio-IRM, TEP-scanner) joue un rôle majeur pour le dia gnostic et le suivi de la maladie. Ils permettent d’évaluer le retentissement vasculaire de la maladie.
* Les aspects histologiques (interprétation d’un compte rendu d’anatomopathologie) de la maladie de Takayasu sont proches de ceux de l’ACG. On y trouve cependant davantage de fibrose et un infiltrat inflammatoire souvent moins intense (aspect scléro-inflammatoire média-adventitiel) (réaction inflammatoire sur biopsie). Le plus souvent, on ne dispose pas d’un prélèvement biopsique artériel pour affirmer le diagnostic sauf lorsqu’une inter vention chirurgicale a été nécessaire. La BAT ne doit pas être réalisée systématiquement.
* Le diagnostic est donc retenu devant le tableau clinique et des examens complémentaires (imagerie essentielle ment) concordants.
FICHE DE SYNTHÈSE * L’artérite à cellules géantes (ACG) doit être discutée devant tout syndrome inflammatoire persistant chez un sujet de plus de 50 ans. Il s’agit d’une vascularite des gros vaisseaux. La pseudo-polyar thrite rhizomélique (PPR) est un tableau douloureux inflammatoires des racines des membres, qui s’associe fréquemment à l’ACG.
* Sont des arguments forts contre le diagnostic d’ACG (ou de pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR)) : - une organomégalie (adénopathies, splénomégalie, hépatomégalie) ; - des signes d’atteinte des petits vaisseaux (notamment purpura vasculaire, syndrome néphritique ou néphrotique, mononeuropathie multiple ou polynévrite) ;
- l’absence de réponse clinique après quelques jours d’une corticothérapie.
* La corticothérapie est obligatoire en cas de diagnostic d’artérite à cellules géantes. * La biopsie d’artère temporale (BAT) doit être systématique en cas de suspicion d’ACG : il s’agit d’un geste chirurgical simple qui s’effectue sous anesthésie locale et dont les contre-indications sont exceptionnelles et les complications très rares.
* Devant une suspicion clinique forte d’ACG, un traitement corticoïde doit être débuté rapidement. * Une BAT normale n’élimine pas le diagnostic d’ACG.
* La durée de la corticothérapie dans l’ACG et la PPR est de 18 mois environ.
- Définition d’une maladie rare_______________________ * On considère qu’une maladie est rare si sa prévalence dans la population générale est inférieure à 1/2000 (ou 50/100 000). Il y a plus de 7000 maladies rares répertoriées à ce jour. Elles se répartissent en 80 % d’origine géné tique et 20 % d’origine non génétique et/ou polygénique. Ainsi à ce jour il y a plus de 3000 gènes pour lesquels des modifications ont été identifiées comme responsables de la survenue de maladies rares. Dans % des cas, il s’agit d’enfants mais certaines maladies rares, même monogéniques, peuvent se révéler à l’âge adulte. Près de 95 % des
maladies rares n’ont pas de traitement curatif.
- Organisation des soins des maladies rares en France * En 2004, un Plan National Maladies Rares (PNMR) a été mis en place en France. Il a permis d’identifier des centres de référence maladies rares (CRMR) et des centres de compétences maladies rares (CCMR). Un 3e Plan Maladies Rares (PNMR3) a été mis en place pour la période 2018-2022 ( ).
https://fondation-maladiesrares.org/wpcontent/uploads/2018/07/PNMR3.pdf
* L’organisation nationale pour le diagnostic et la prise en charge des patients atteints de maladies rares est aujourd’hui bien structurée et repose :
- sur des CRMR, des CCMR, et désormais des filières de santé maladies rares (FSMR).* Les CRMR sont labellisés par le Ministère des Solidarités et de la Santé avec une réévaluation tous les 5 ans, et ont 5 missions principales : - mission de coordination de la filière de soins en lien avec les associations de patients ; - mission d’expertise impliquant l’organisation de réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP), d’élaboration et de diffusion des recommandations et de protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS), de recueils épidémiologiques réguliers avec mise à jour de la base nationale des maladies rares (BNDMR) ;
- mission de recours régionale, inter-régionale, nationale voire internationale ; - mission de recherche ; - mission d’enseignement et de formation.
* Les CCMR ont une compétence régionale. Ils participent au diagnostic des maladies rares, à leur traitement, à la prise en charge des patients en lien avec les CRMR auxquels ils sont rattachés.
* Les FSMR coordonnent en réseau un ensemble de CRMR et de CCMR. Vingt trois FSMR ont été individualisées.
La Figure 1 schématise l’organisation de la prise en charge des maladies rares en France.
b 3. Connaître quelques maladies rares parmi les plus_____ fréquentes : exemples de maladies rares
* Avec plus de 7 000 maladies rares, il est impossible de les connaître toutes. Il faut avoir à l’esprit la diversité des symptômes initiaux possibles, qui parfois sont d’allure tout à fait banale, et l’existence de phénotypes parfois très différents au sein d’une même maladie rare parfois avec la même mutation. Des anomalies d’un même gêne peuvent entraîner des maladies différentes.
* Certaines maladies rares, un peu plus fréquentes (mais dont la prévalence reste < 1/2000), sont abordées dans le programme de connaissances du 2e cycle : item 45 - Spécificité des maladies génétiques (trisomie 21, mucovisci dose, syndrome de l’X fragile) ; item 90 - Pathologie des glandes salivaires (qui amènera à discuter le syndrome
de Sjôgren) ; item 109 - Troubles de la marche et de l’équilibre (chez l’enfant et le jeune adulte, penser auxmyopathies notamment la dystrophie musculaire de Duchenne) ; item 112 - Dermatose bulleuse touchant la peau et/ou les muqueuses externes ; item 189- Déficit immunitaire (notamment un déficit immunitaire primitif, le déficit immunitaire commun variable) ; item 190 - Fièvre prolongée (qui peut être un mode de révélation de l’artérite à cellules géantes par exemple) ; item 192 - Pathologies auto-immunes (syndrome de Sjôgren, lupus systémique, sclérodermie systémique…) ; item 193 - Connaître les principaux types de vascularite systémique, les organes cibles, les outils diagnostiques et les moyens thérapeutiques ; item 194- Lupus systémique, syndrome des anticorps anti-phospholipides (SAPL) ; item 195 - Artérite à cellules géantes ; item 210 - Pneumopathie interstitielle diffuse ; item 213 - Anémie chez l’adulte et l’enfant (anémie hémolytique, drépanocytose ou tha lassémie par exemple) ; item 214- Thrombopénie (purpura thrombopénique immunologique par exemple) chez l’adulte et l’enfant ; item 216 - Syndrome hémorragique d’origine hématologique (hémophilie par exemple) ; item 218- Eosinophilie (quand une atopie, une maladie parasitaire ou une hypersensibilité médicamenteuse ont été éliminées) ; item 261 - Néphropathie glomérulaire (glomérulonéphrite extra-membraneuse par exemple) ; item 275 - Splénomégalie (quand une hémopathie ou un hypersplénisme ont été éliminés).
* Le syndrome de Sjôgren et le lupus systémique sont deux exemples de maladies rares dont la prévalence se situe tout juste en dessous de 50/100 000.
* L’immense diversité des portes d’entrée cliniques et le caractère pluri-systémique d’un bon nombre de maladies rares justifient habituellement un suivi pluridisciplinaire des patients (consultation de suivi d’une pathologie
chronique, prescription d’une rééducation).
b 4. Epidémiologie des maladies rares___________________ * Avec plus de 7000 maladies rares, plus de 3 millions de personnes en France sont concernées (patients et familles). On peut résumer les maladies rares en quelques chiffres ( uploads/2018/07/PNMR3.pdf) (Tableau 1).
https://fondation-maladiesrares.org/wp-content/ Tableau 1. LES MALADIES RARES EN QUELQUES CHIFFRES 7000 maladies rares
3200 gènes responsables de maladies rares identifiés
75 % des malades sont des enfants
1,5 an : délai moyen pour poser un diagnostic et plus de 5 ans pour un quart des personnes atteintes
50 % des malades sont sans diagnostic précis
5 maladies dépistées en néonatal
20 % de maladies rares non génétiques
95 % des maladies rares n’ont pas de traitement curatif
12 % des nouveaux médicaments sont des médicaments dits orphelins
350 millions de malades souffrant de maladie rare à travers le monde et 3 millions en France
Un quart des personnes atteintes attend 4 ans pour que le diagnostic soit envisagé
50 % des nouvelles thérapies génétiques s’appliquent aux
maladies rares
- Lorsqu’une maladie rare se discute à la faveur de la « culture du doute », Orphanet, qui est un portail et un ser veur d’informations dédié aux maladies rares et aux médicaments orphelins, est un lien à privilégier (https.7/ ). On y trouve un recensement et une classification des maladies rares et des gènes associés, avec
www.orpha.net
un inventaire des médicaments orphelins, un répertoire des associations et service aux patients, un répertoire des professionnels et institutions, un répertoire des centres experts (CRMR et CCMR), un répertoire des laboratoires médicaux fournissant des tests diagnostiques, un répertoire des projets de recherche en cours et une collection de
rapports thématiques.
- La plateforme Maladies Rares Info Services est un pôle de ressources et de mobilisation qui favorise les synergies entre associations de malades, professionnels de santé et acteurs publics (
www.maladiesraresinfo.org
permanence téléphonique, elle peut répondre aux questions des professionnels de santé.
- Les CRMR et CCMR ont pour vocation de couvrir l’ensemble du territoire national incluant les départements d’Outre-Mer. Récemment ont été créées des « plateformes d’expertise maladies rares » qui rassemblent au sein des institutions habituellement universitaires les CRMR et CCMR dans le but de mettre en place un guichet
unique d’accueil et d’orientation des patients atteints ou suspects de maladie rare.
- Errance et impasse diagnostiques :__________________ définitions et enjeux
* Le diagnostic positif des maladies rares constitue un défi pour le système de santé. Les maladies sont extrêmement diverses avec une sémiologie et une histoire naturelle qui ne sont pas nécessairement établies et qui peuvent varier d’un patient à l’autre pour la même maladie. Un bon nombre de maladies rares partage des signes avec des mala dies ou situations fréquentes (toutes les situations de départ correspondant à « symptômes et signes cliniques » (N°l à 177) et « données paracliniques » (N°178-237)).
* C’est le cas par exemple du phénomène de Raynaud qui touche jusqu’à 5 % de la population générale mais qui peut révéler une maladie rare notamment une sclérodermie systémique. C’est la « culture du doute » qui doit amener à mieux évoquer les causes rares en enseignant non pas toutes les maladies rares mais les atypies devant un symptôme. Inversement, devant des situations de départ, les maladies fréquentes doivent être envisagées en premier. Ce sont les atypies, l’absence de réponse au traitement, l’absence de diagnostic, qui doivent faire envi sager une maladie rare. Certaines maladies rares, d’autre part, sont reclassées au fur et à mesure des découvertes (c’est par exemple le cas d’une neuropathie héréditaire, la maladie de Charcot-Marie-Tooth pour qui on identifie
plus de 30 phénotypes cliniques différents).
- L’impossible connaissance de l’ensemble des maladies rares par les professionnels de santé explique l’errance diagnostique qui peut parfois durer de nombreuses années. On définit l’errance diagnostique comme la période allant de l’apparition des premiers symptômes à la date à laquelle un diagnostic précis est posé. Parfois l’errance
peut durer toute une vie car de nouvelles maladies rares sont identifiées ou caractérisées chaque année.
Certains patients sont de ce fait aussi en impasse diagnostique. On définit l’impasse diagnostique comme le résultat de l’échec à définir la cause précise de la maladie après avoir mis en oeuvre l’ensemble des investigations disponibles en l’état de l’art. Elle concerne les malades atteints d’une forme atypique d’une maladie connue ou d’une maladie dont la cause génétique ou autre n’a pas encore été reconnue. Bien sûr, l’ensemble de ces situations n’a pas pour cause une maladie rare (voir item 72 - Troubles à symptomatologie somatique et apparentés à tous les âges). La première ambition du PNMR3 est de permettre un diagnostic rapide pour chacun, afin de réduire l’errance et l’impasse diagnostiques. (
https://fondation-maladiesrares.org/wp-content/uploads/2018/07/PNMR3.
pdf).Pour aider au diagnostic des maladies génétiques, 2 plateformes de séquençage du génome entier ont été mises en place en 2019 pour les cas d’impasse diagnostique dont la cause apparait probablement génétique.
Le cheminement diagnostique des maladies rares peut être une lourde épreuve pour les patients. L’errance dia gnostique peut aller de quelques mois à de nombreuses années soit par méconnaissance de la pathologie, soit du fait du symptôme d’appel qui parait très banal ou de l’absence de la « culture du doute » du ou des médecins ayant pris en charge le patient.
* Les CCMR, CRMR et FSMR sont là pour couvrir l’ensemble du territoire et permettre un accès plus facile au dia gnostic. Parfois, les patients sont en réelle impasse diagnostique qui résulte de l’échec à définir la cause précise de la maladie après avoir mis en oeuvre l’ensemble des investigations disponibles en l’état de l’art. Ces impasses dia gnostiques concernent les malades atteints d’une forme atypique d’une maladie connue ou d’une maladie dont la cause génétique ou autre n’a pas encore été reconnue, ou de troubles à symptomatologie somatique. Afin de limiter le nombre des impasses diagnostiques, les CCMR et CRMR ont pour mission de mettre en place des RCP pour
discuter les cas de diagnostic difficile. Les filières de santé ont aussi mis en place des RCP nationales (exemple lafilière des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares (FAI2R) : www.fai2r.org/rcp-nationales). Parfois, la maladie est dite ultra rare et une expertise européenne peut être requise. Des RCP à l’échelon des réseaux européens maladies rares (European Reference Network : ERN) ont été mises en place. C’est le cas notamment pour l’ERN ReCONNET qui couvre les maladies systémiques (lupus systémique, sclérodermie systémique, syndrome de Sjôgren notamment) et l’ERN RITA qui couvre les vascularites systémiques, les déficits immunitaires primitifs et les maladies
auto-inflammatoires (lien vers ReCONNET : https://reconnet.ern-net.eu; RITA : http://rita.ern-net.eu).
- Prise en charge des maladies rares en ville___________ * La loi hospitalière place les médecins spécialistes de médecine générale de premier recours au centre de la coor dination des soins, en lui confiant la responsabilité « d’orienter ces patients, selon leurs besoins » et « de s’assurer de la coordination des soins nécessaires à ces patients » (article L.4130-1 du Code de la Santé Publique). Cet article concerne autant les maladies rares que les maladies fréquentes. Pour les patients en situation de maladie rare et parfois complexe, appelant à un recours à une diversité d’intervenants dans des champs comme le champ sanitaire, le champ social ou médico-social, le médecin généraliste aura besoin d’un appui que sont les CCMR et CRMR voire les associations de patients. Le parcours de soins qui doit intégrer le parcours de vie doit articuler la prise en charge médicale et médico-sociale. De nombreux acteurs de santé sont amenés à intervenir : infir mières, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, rééducateurs fonctionnels, psychologues, partenaires de soins pour le handicap. La gestion du handicap, visible ou invisible, doit se faire en lien avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
* L’ « Alliance Maladies Rares » rassemble plus de 200 associations de malades et accueille aussi en son sein des malades et familles isolés, orphelins d’associations (
http://www.alliance-maladies-rares.org). * Les missions de l’Alliance Maladies Rares sont :
- de faire connaître et reconnaître les maladies rares auprès du public, des pouvoirs publics et des professionnels de santé ;
- d’améliorer la qualité de l’espérance de vie des personnes atteintes de pathologie rare ; - d’aider les associations de malades ; - de promouvoir la recherche afin de donner un espoir de guérison.
* Ces missions ne peuvent être concrétisées qu’en partenariat avec les professionnels de santé et les CCMR, CRMR et les FSMR.
* Les plateformes d’expertise maladies rares en cours de mises en place sur le territoire vont permettre dans les régions de rassembler les CRMR et CCMR sous la forme d’un guichet unique. En 2020, 10 plateformes d’exper tise ont été labellisées par le Ministère des Solidarités et de la Santé. Ces plateformes vont constituer au sein des régions une porte d’entrée unique pour les patients et les professionnels de santé pour les aider dans le diagnostic des maladies rares et leur orientation pour optimiser, avoir une approche holistique et multi-professionnelle du
parcours de soins.
a 1. Définition________________________________________ * Le purpura (purpura/ecchymoses/hématome) correspond à des lésions cutanées rouges ou violacées, séparées par un intervalle de peau saine. Elles ne s’effacent pas à la vitro-pression. Elles sont liées à l’extravasation de sang dans le derme.
* L’aspect de ces lésions peut être variable : punctiforme, en « tête d’épingle » (purpura pétéchial, Figure 1), sous
forme de trainées linéaires (vibices) ou de lésions de plus grande taille (purpura ecchymotique, Figure 2).
a 2. Diagnostic clinique de purpura______________________ * Le purpura résulte de deux mécanismes principaux : - pathologie de la paroi vasculaire dans le cas du purpura dit « vasculaire » secondaire à : » une inflammation de la paroi (vascularite) (Figure 3) ; > une fragilité de la paroi vasculaire capillaire.
- trouble de l’hémostase primaire (surtout thrombopénie (anomalie des plaquettes), éventuellement
thrombopathie) dans le cas du purpura dit « thrombopénique ».
- L’aspect clinique peut aider à différencier un purpura vasculaire d’un purpura thrombopénique, élément essentiel dans l’identification de la cause et des urgences (Tableau 1) : - un purpura thrombopénique n’est pas en relief (= il est non infiltré) et en général n’est pas confluent ; - un purpura vasculaire secondaire à une vascularite est le plus souvent infiltré.
Tableau 1. CARACTÉRISTIQUES DES PURPURAS THROMBOPÉNIQUES ET VASCULAIRES
Purpura vasculaire des vascularites
Mécanisme
Inflammation de la paroi vasculaire
Purpura vasculaire par fragilité capillaire
*
Fragilité de la paroi vasculaire
Purpura thrombopénique
Thrombopénie (anomalie des plaquettes) (plus rarement thrombopathie)
Aspect clinique habituel
Distribution Infiltré, parfois nécrotique Non infiltré, non nécrotique
Déclive, prédomine aux membres inférieurs Aggravé par l’orthostatisme Pas d’atteinte muqueuse
Autres sites hémorragiques
Non
Non déclive, zones de frottement (périfolliculaire dans le scorbut) Atteinte muqueuse possible (gingivorragies)
Oui (gingivorragies possibles dans le scorbut)
Non infiltré, non nécrotique
Peut toucher toutes les zones mais prédomine dans les zones déclives Atteinte muqueuse possible
Oui
(hématomes, ecchymoses, épistaxis, gingivorragies, bulles hémorragiques intrabuccales ou hémorragies viscérales) - Purpura vasculaire par fragilité capillaire non vascularitique (hypercorticisme, scorbut, purpura de Bateman…)
a 3. Identifier et prendre en charge une urgence___________ dans un contexte de purpura
* Le diagnostic de purpura étant établi, il faut en premier lieu identifier une urgence. * Deux situations cliniques constituent des urgences et doivent être toujours envisagées car elles justifient une prise
en charge avec hospitalisation en urgence.
3.1. Urgence infectieuse : le purpura fulminans * Le purpura fulminans est défini par l’extension rapide (quelques minutes ou heures) en taille et en nombre d’un purpura vasculaire, avec au moins un élément nécrotique ou ecchymotique de plus de 3 mm de diamètre, associé à un sepsis ou choc septique. Il est le plus souvent secondaire à une infection bactériémique à méningocoque, voire à pneumocoque, qui peut s’intégrer (mais pas toujours) dans le cadre d’une méningite infectieuse.
* Les signes cliniques à chercher en faveur de cette cause sont : - fièvre (hyperthermie/fièvre) ; - signes de défaillance hémodynamique (hypotension, marbrures, polypnée, collapsus, oligoanurie…) ; - signes neurologiques (obnubilation, coma, syndrome méningé). Attention, le syndrome méningé peut être absent ;
- purpura nécrotique et/ou ecchymotique et/ou extensif (examen physique à réaliser chez un patient en sousvêtements).
* Le pronostic vital est en jeu (décès dans 20 % des cas sous traitement) et la prise en charge est urgente et hos pitalière. Elle consiste en : - en urgence, et avant tout examen : injection intra-musculaire (IM) ou intra-veineuse (IV) d’antibiotiques (de préférence céphalosporine de 3e génération : cefotaxime ou ceftriaxone) ;
- réalisation d’hémocultures (si possible et sans retarder l’injection de la première dose d’antibiotique) ; - réaliser un bilan biologique (détaillé ci-dessous) ; - la mise en place de précautions de type gouttelettes (masque chirurgical) pendant la prise en charge.
* La ponction lombaire est contre-indiquée jusqu’à correction du trouble de la coagulation.
A 3.2. Urgence hémorragique : la thrombopénie profonde * La thrombopénie profonde est définie par un nombre de plaquettes circulantes inférieur à 20 000 plaquettes/mm3 et expose à un risque hémorragique important et grave (hémorragie aiguë).
* Les signes de gravité à chercher sont : - purpura des muqueuses : bulles hémorragiques des muqueuses (endo-buccales), gingivorragies reflétant un risque hémorragique élevé ;
- épistaxis, hématurie macroscopique ; - méno-métrorragies (saignement génital anormal (hors grossesse connue)) ; - hémorragie digestive (méléna/rectorragie, hématémèse (émission de sang par la bouche)) ; - signes faisant suspecter un saignement intracrânien (céphalées, confusion, coma, déficit focal, crise convulsive).
* La prise en charge est conditionnée par la cause et le degré d’urgence.
4.1. Examen clinique * Une fois le diagnostic de purpura posé et les urgences éliminées on s’attachera à rechercher la cause du purpura. Le type de purpura (vasculaire ou thrombopénique) constitue un élément majeur d’orientation (voir paragraphe 2) et Tableau 1). L’examen doit donc être orienté en fonction du type de purpura : - En cas de purpura vasculaire, on cherchera : » des éléments orientant vers une vascularite : fièvre (hyperthermie/fièvre), signes ORL, neuropathie périphérique, protéinurie sur la bandelette urinaire, hémoptysie ;
> des éléments orientant vers une endocardite : fièvre (hyperthermie/fièvre), souffle cardiaque (découverte d’anomalies à l’auscultation cardiaque) ;
> des éléments orientant vers un scorbut : signes de dénutrition.
- En cas de purpura thrombopénique on cherchera : > une prise de médicaments ; > un syndrome tumoral (hépatosplénomégalie, adénopathies), dont la présence impose la réalisation du
myélogramme (interprétation d’un myélogramme).
4.2. Examens biologiques * La prescription d’analyses biologiques est orientée par les données cliniques. On réalise ainsi : - Dans tous les cas : > hémogramme (interprétation de l’hémogramme) (en cas de purpura, le contrôle d’une thrombopénie (anomalie des plaquettes) sur tube citraté est inutile puisqu’il existe des signes cliniques en lien avec la thrombopénie) ;
> recherche d’une diminution du taux de prothrombine (TP), ou d’un allongement du temps de céphaline activée (TCA), fibrinogène (à la recherche d’une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD)) ;
> frottis sanguin (prescription et analyse du frottis sanguin) ; > bilan hépatique ; > groupe sanguin, recherche d’agglutinines irrégulières (qui permettront de réaliser une transfusion plaquettaire ou de globule rouge en cas de nécessité).
- En cas de fièvre (hyperthermie/fièvre) et/ou de souffle cardiaque nouveau (découverte d’anomalies à l’auscultation cardiaque) : hémocultures (hémoculture positive).
- En cas de purpura vasculaire : > protéine C-réactive (CRP) (élévation de la protéine C-réactive (CRP)) ; > ionogramme sanguin, créatinine ; > protéinurie; » anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) ;
> cryoglobulinémie.
A 4.3. Étiologie des purpura 4.3.1. Principales causes des purpura vasculaires
* Les principales causes sont : - Infectieuses: > purpura fulminans ; > endocardite infectieuse.
- Vascularites. Les vascularites intéressant les vaisseaux de gros calibre ne donnent pas de purpura. En revanche, toutes les vascularites des vaisseaux de petit et de moyen calibre peuvent causer un purpura vasculaire (voir item 193 - Vascularites systémiques). On peut identifier des lésions de purpura dans : > les vascularites des vaisseaux petit calibre : * vascularites associés aux ANCA (granulomatose avec polyangéite, granulomatose éosinophilique avec polyangéite, polyangéite microscopique) ;
* vascularite à dépôt de complexes immuns (vascularite de cryoglobulinémie, vascularite à IgA (ancien nement purpura rhumatoïde), vascularites post-infectieuses) ;
* vascularites cutanées (souvent médicamenteuses). > les vascularites des vaisseaux de moyen calibre : périartérite noueuse.
Il n’y a jamais de purpura dans les vascularites des gros vaisseaux. - Fragilité capillaire : > purpura sénile de Bateman (purpura secondaire à la fragilité capillaire du sujet âgé) ; > hypercorticisme endogène ou iatrogène ;
> scorbut (carence en vitamine C) (dénutrition/malnutrition).
4-3-2. Principales causes des purpuras thrombopéniques * Les principales causes sont : - défaut de production des plaquettes dans la moelle osseuse : thrombopénie centrale ; - immunologique : purpura thrombopénique immunologique (PTI) (voir item 214 - Thrombopénie chez l’adulte et l’enfant) ;
- consommation des plaquettes : trouble de l’hémostase associé (CIVD) ou microangiopathie thrombotique (syndrome hémolytique et urémique, purpura thrombotique thrombocytopénique). Ces 2 causes constituent une urgence ;
- dysfonction plaquettaire (thrombopathie) sans thrombopénie (exemple : secondaire à la prise de médicament
antiagrégant plaquettaire).
Pec * En dehors des 2 situations d’urgence décrites dans ce chapitre, la prise en charge d’un purpura dépend principa lement de celle de sa cause.
*
La transfusion de plaquettes (prescrire et réaliser une transfusion sanguine) peut être indiquée dans le cadre
d’une thrombopénie centrale en cas d’hémorragie et/ou de thrombopénie profonde.
FICHE DE SYNTHÈSE * Le diagnostic de purpura est clinique : il s’agit d’une lésion cutanée qui ne s’efface pas à la vitro pression.
* Il existe 2 mécanismes principaux expliquant un purpura : atteinte de la paroi vasculaire (par fragi lité ou inflammation), ou thrombopénie (plus rarement thrombopathie).
* Le purpura est une situation pouvant révéler une urgence infectieuse ou hémorragique. La coagu lation intravasculaire disséminée, et les vascularites systémiques, constituent d’autres urgences à
envisager rapidement dans l’arbre diagnostique.
- Définition du syndrome mononucléosique____________ * La définition du syndrome mononucléosique est biologique (hématologique et cytologique) et repose sur l’inter prétation de l’hémogramme et du frottis sanguin (prescription et analyse du frottis sanguin).
* Il se définit par l’association de : - la présence de plus de 50 % d’éléments mononucléés (lymphocytes et monocytes) parmi les leucocytes sur la numération formule sanguine, du fait d’une hyperlymphocytose (anomalie des leucocytes) ( > 4 x 109/L chez l’enfant de > 12 ans et chez l’adulte) ;
- et de > 10 % de lymphocytes activés sur le frottis sanguin (prescription et analyse du frottis sanguin).
NB : la présence de quelques lymphocytes activés (<5-10 %), témoin d’une réponse anti-infectieuse ou immune, est fréquemment observée. Même si un tel résultat ne permet pas de définir le syndrome mononucléosique, il pourrait
avoir en pratique la même signification.
Caractéristiques du frottis sanguin__________________ *
Le frottis sanguin montre des cellules mononucléées activées, caractérisées par une grande taille et un cyto
plasme hyperbasophile. Ces cellules activées sont polymorphes (Figure 1). Elles peuvent être décrites comme « atypiques ». Ces cellules correspondent essentiellement à des lymphocytes T activés suite à une stimulation antigénique.
* Par ailleurs, le frottis ne montre pas de cellules blastiques et les autres lignées hématopoïétiques sont normales.
Diagnostic positif: interrogatoire du patient__________ avec un syndrome mononucléosique
* L’interrogatoire cherche à préciser : - lage du patient (les syndromes mononucléosiques surviennent majoritairement chez l’enfant et le jeune adulte) ;
- un contact avec de jeunes enfants (Cytomégalovirus (CMV)) ou une nouvelle relation amoureuse (Cytomégalovirus (CMV), Epstein Barr virus (EBV)) ;
- la notion de rapports sexuels à risque, ou d’une toxicomanie intraveineuse (Virus de l’immunodéficience humaine (VIH)) ;
- un contact avec un chat ou la consommation d’aliments souillés par un chat, ou la consommation de viande crue (toxoplasmose) ;
- l’introduction récente de nouveaux médicaments, de prises médicamenteuses dans les semaines précédentes, dans l’hypothèse d’une toxidermie (suspicion d’un effet indésirable des médicaments ou d’un soin) ;
- la présence de signes généraux : fièvre (hyperthermie/fièvre), asthénie, qui peuvent accompagner le syndrome mononucléosique, quelle que soit sa cause ;
- l’existence d’une odynophagie/dysphagie et d’une douleur pharyngée (angine ou pharyngite dans le cadre d‘une primo-infection à EBV ou au VIH ; l’angine est rare au cours de la primo-infection à CMV ;
- l’existence de douleurs articulaires, de myalgies (VIH, CMV) ;
- l’existence de douleurs abdominales (colite à CMV) ;- la présence, même fugace et transitoire, d’une éruption cutanée (érythème) (faux rash à l’ampicilline lors de la primo-infection à EBV, VIH) ou d’ulcérations muco-génitales (VIH) ;
- la présence d’adénopathies (adénopathies unique ou multiples) cervicales ou diffuses notées par le patient ; - en cas de primo-infection à CMV, la recherche d’une femme enceinte dans l’entourage est importante, sachant
le risque d’infection materno-foetale grave en cas de contagion.
- Principales causes infectieuses d’un syndrome________ mononucléosique et leurs moyens diagnostiques
* La majorité des syndromes mononucléosiques sont secondaires à une primo-infection à EBV. * Les autres causes fréquentes sont l’infection par le CMV, le VIH et Toxoplastna gondii, l’agent de la toxoplas mose. Les autres causes infectieuses, plus rares, principalement virales, ne seront pas abordées ici.
* Aucun élément de l’examen clinique ne permet de diagnostiquer avec certitude l’origine du syndrome mononu
cléosique, et le bilan étiologique doit être systématique chez l’adulte.
4.1. Primo-infection à EBV * La primo-infection à EBV est à l’origine de 80 % des syndromes mononucléosiques. Il s’agit de l’agent infectieux responsable de la mononucléose infectieuse. La primo-infection à EBV est le plus souvent asymptomatique. Lorsqu’elle est symptomatique, elle associe un ou plusieurs des signes suivants : - signes généraux : hyperthermie/fièvre élevée, persistante, asthénie ; - angine ou pharyngite érythémateuse, érythémato-pultacée, ou pseudo-membraneuse avec amygdalite ; - poly-adénopathies (adénopathies unique ou multiples) : cervicales, possiblement diffuses ; - autres signes : splénomégalie fréquente ; céphalées ; éruption maculo-papuleuse (survenant le plus souvent après l’administration d’ampicilline) ; myalgies ; troubles digestifs.
* Les anomalies biologiques non spécifiques observées lors d’une primo-infection à EBV sont : - un syndrome mononucléosique avec hyperlymphocytose importante ; - des cytopénies possibles (thrombopénie (anomalies des plaquettes), anémie hémolytique) ; - cytolyse hépatique modérée fréquente (élévation des transaminases sans cholestase associée).
* Le diagnostic de certitude est apporté par le MNI test ± les sérologies EBV (voir Tableau 1) (interprétation d’un résultat de sérologie).
* Les complications sont exceptionnelles. La survenue d’une éruption morbilliforme a été associée à la primo-infec tion EBV après l’utilisation d’amoxicilline. Elle ne constitue pas une allergie à la pénicilline.
* L’évolution est favorable chez l’immunocompétent.
* Comme toutes les infections par un herpès virus, l’EBV persiste à l’état latent après la primo-infection.
Tableau 1. DIAGNOSTIC SÉROLOGIQUE DE LA PRIMO-INFECTION À EBV Valeur diagnostique
Non immunisé Primo-infection EBV MNI test
Test diagnostique de la primo infection Sensibilité imparfaite chez l’enfant
Sérologie EBV : - IgM anti-VCA
- IgG anti-VCA - IgG anti-EBNA
Infection ancienne
+ -
Présence constante lors de la primo-infection puis disparition
-
Apparition lors de la primo infection puis persistance
Apparition tardive, au cours de l’infection latente
+ + + +
Le diagnostic repose sur la positivité du MNI test. En cas de négativité de celui-ci, le bilan consistera en la réalisation des sérologies EBV, qui retrouveront la présence d’IgM ± IgG anti-VCA, en l’absence d’IgG anti-EBNA lors de la primo infection. MNI : mononucléose infectieuse. VCA : Virus Capsid Antigen, EBNA : Epstein Barr nuclear antigen.
* NB : La PCR EBV n’a pas d’indication chez le sujet immunocompétent en l’absence de difficulté diagnostique.
4.2. Primo-infection à CMV * La primo-infection à CMV est responsable d’environ 10 % des syndromes mononucléosiques. Elle survient prin cipalement chez l’enfant et l’adulte jeune. Elle est le plus souvent asymptomatique. Lorsqu’elle est symptoma tique, elle se présente avec un ou plusieurs des signes suivants : - signes généraux : hyperthermie/fièvre élevée persistante, frissons, asthénie ; - douleurs articulaires (douleur articulaire), myalgies ; - autres signes : splénomégalie fréquente, céphalées ; - polyadénopathie, hépatomégalie et angine sont rares.
* Les anomalies biologiques non spécifiques observées lors d’une primo-infection à CMV sont les suivantes : - syndrome mononucléosique (prescription et analyse du frottis sanguin) ; - cytolyse hépatique fréquente.
* Le diagnostic de certitude s’obtient grâce à la sérologie CMV, où les IgM sont positives et associées à une aug mentation du taux des IgG 2 semaines plus tard (interprétation d’un résultat de sérologie).
* L’évolution est favorable chez l’immunocompétent. Le CMV persiste à l’état latent.
4.3. Toxoplasmose * La primo-infection par le parasite protozoaire Toxoplasma gondii est très fréquente et le plus souvent asympto matique. Lorsqu’elle est symptomatique, elle peut être à l’origine des symptômes suivants : - signes généraux (hyperthermie/fièvre, asthénie) ; - polyadénopathie généralisée (adénopathies unique ou multiples).
* Biologiquement, on peut donc noter un syndrome mononucléosique (prescription et analyse du frottis san
guin).* Le diagnostic de certitude est apporté par la sérologie toxoplasmose (interprétation d’un résultat de sérologie) : positivité des IgM anti-toxoplasmose, en l’absence d’IgG ou en présence d’IgG dont le titre augmente sur 2 prélè vements à 2 semaines d’intervalle.
* L’évolution est bénigne chez l’immunocompétent. * Il existe un risque de réactivation chez les patients immunodéprimés (transplantation, infection par le VIH, défi cits immunitaires primitifs ou secondaires) à distance de la primo-infection, et d’infection congénitale et/ou post
natale grave si elle survient chez la femme enceinte.
A 4.4. Primo-infection à VIH * Le VIH infecte les cellules immunitaires ayant à leur surface le récepteur CD4 (lymphocytes T CD4+, monocytes et autres cellules immunitaires) et dissémine dans l’organisme avec la constitution progressive d’un déficit en lymphocytes T CD4+.
* La primo-infection est souvent symptomatique : un peu plus de la moitié des personnes présente un tableau fébrile, polymorphe, non spécifique, constitué de : - signes généraux : hyperthermie/fièvre élevée, asthénie ; - douleurs articulaires (douleur articulaire) et myalgies ; - polyadénopathies généralisée (adénopathies unique ou multiples) ; - angine et/ou ulcérations muqueuses buccales et génitales ; - éruption maculo-papuleuse (érythème) ; - symptômes neurologiques : méningite lymphocytaire, encéphalite, mononeuropathie ; - autres signes : splénomégalie fréquente.
* Les anomalies biologiques qui peuvent être présentes sont : - syndrome mononucléosique (prescription et analyse du frottis sanguin) ; - thrombopénie (anomalies des plaquettes) ; - cytolyse hépatique (élévation des transaminases sans cholestase associée) ; - autres anomalies : hypergammaglobulinémie polyclonale (analyse de l’électrophorèse des protéines sériques), méningite lymphocytaire (ponction lombaire).
* Le diagnostic de certitude repose sur la réalisation en première intention d’une PCR VIH, associée à une sérolo gie VIH avec une détection combinée de l’antigène p24 (interprétation d’un résultat de sérologie) : la présence d’une polymerase chain reaction (PCR) VIH et/ou d’un antigène p24 positif avec une sérologie négative ou moins
de 5 bandes au western blot définit la primo-infection.
En pratique on réalisera donc devant tout syndrome mononucléosique de l’adulte : MNI test ± sérologie EBV, sérologie CMV, sérologie VIH avec détection de l’antigène P24 et PCR VIH, et sérologie toxoplasmose.
Principales causes non infectieuses_________________ de syndrome mononucléosique
* Des causes non infectieuses peuvent être à l’origine d’un syndrome mononucléosique.
B 5.1. Réaction allergique médicamenteuse (suspicion d’un effet indésirable des médicaments ou d’un soin) * C’est principalement le syndrome DRESS (Drug Rash with hyperEosinophilia and Systemic Symptoms) qui peut
entrainer un syndrome mononucléosique.* L’interrogatoire doit systématiquement chercher les prises médicamenteuses lors des 6 semaines précédentes. * Son diagnostic repose sur : - la recherche de prises médicamenteuses antérieures à l’apparition d’un syndrome mononucléosique, dans un délai de 2 à 6 semaines ;
- la présence d’une éruption cutanée évocatrice : érythème maculaire avec possible érythrodermie, oedème de la face ;
- la présence de polyadénopathies (adénopathies unique ou multiples) ; - la présence de signes généraux : hyperthermie/fièvre ; - des anomalies biologiques associées : > hyperéosinophilie associée au syndrome mononucléosique ; > cytolyse hépatique (élévation des transaminases sans cholestase associée), altération de la fonction rénale, selon les atteintes d’organe potentiellement graves.
* Les médicaments incriminés sont essentiellement les antibiotiques (sulfamides et béta-lactamines), les anti-
convulsivants et l’allopurinol.
5.2. Les maladies auto-immunes * Certaines maladies auto-immunes (lupus systémique, polyarthrite rhumatoïde…) sont parfois associées à un syndrome mononucléosique modéré.
Attention, la présence d’un syndrome mononucléosique au cours d’une maladie auto-immune ne dispense pas de
rechercher les autres causes, infectieuses et médicamenteuses, de syndrome mononucléosique.
FICHE DE SYNTHÈSE * Le syndrome mononucléosique est l’expression, le plus souvent fébrile, d’une primo-infection, avec quatre causes infectieuses principales (EBV, CMV, VIH, toxoplasmose), largement dominées par la mononucléose infectieuse (EBV).
* Son diagnostic est évoqué sur l’existence d’une hyperlymphocytose constituée de cellules activées sur la numération formule sanguine avec examen du frottis sanguin.
* C’est un syndrome bénin, de régression spontanée, ne nécessitant aucun traitement spécifique sauf
dans le cas du VIH ou de situations particulières (grossesse, immunodépression sous-jacente).
Définition d’une éosinophilie * Une éosinophilie sanguine est définie par une anomalie des leucocytes (interprétation de l’hémogramme) cor respondant à un nombre de polynucléaires éosinophiles (PNE) circulants > 500/mm3, et constatée sur plusieurs hémogrammes successifs (caractère persistant).
* Entre 500/mm3 et 1 500/mm3, on parle d’éosinophilie « modérée », et d’hyperéosinophilie au-delà de 1 500/mm3. * Le pourcentage de PNE, souvent mentionné dans les formules leucocytaires, n’est d’aucune utilité dans le dia
gnostic ou le suivi d’une éosinophilie.
- Éléments physiopathologiques : rôle délétère_________ de l’excès d’éosinophiles
* Le rôle délétère que les PNE sont susceptibles de jouer, dans certaines situations pathologiques au cours desquelles ils sont en excès, est lié à leur capacité à libérer, au sein de différents tissus, plusieurs types de médiateurs inflam matoires : protéines cationiques du PNE mais aussi cytokines, médiateurs lipidiques et radicaux oxygénés.
* Ces médiateurs peuvent altérer ou détruire de nombreuses cibles dont les larves de parasites, des virus ou encore des cellules tumorales (rôles physiologiques).
* Cependant, ces médiateurs sont plus largement cytotoxiques, prothrombotiques, et sont aussi capables, dans cer taines situations, de léser la plupart des tissus infiltrés par les PNE, causant alors des dégâts tissulaires potentiel
lement graves (par exemple atteintes cardiaques, ou encore thromboses vasculaires artérielles et/ou veineuses).
- Causes et démarche diagnostique___________________ devant une éosinophilie
A 3.1. Causes classiques d’éosinophilie (atopie, parasitoses, iatrogènes, cancer) * Une éosinophilie peut se rencontrer dans de très nombreuses affections (Figure 1). Schématiquement, on évo quera prioritairement, par argument de fréquence et/ou de gravité : - une parasitose ; - une atopie ; - un syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse ;
- un cancer (cancer solide ou hémopathie maligne).
3.2. Causes infectieuses * Parmi les parasitoses, ce sont essentiellement les helminthoses qui s’accompagnent d’une éosinophilie. On rap pellera que c’est surtout la phase de migration tissulaire du parasite qui est responsable d’une hyperéosinophilie marquée, par opposition aux parasites purement intra-luminaux, comme l’oxyure, qui ne franchissent jamais les barrières muqueuses, et n’entrainent pas habituellement d’éosinophilie (voir paragraphe 6.1 ).
* Une origine virale est également envisagée systématiquement devant une éosinophilie, qui nécessite de chercher
une infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
3.3. Démarche diagnostique devant une éosinophilie * Une éosinophilie peut être découverte soit fortuitement : hémogramme réalisé lors d’un bilan de santé (inter prétation de l’hémogramme), en médecine du travail, ou à la suite de manifestations cliniques diverses (signes cutanés, ORL, respiratoires, digestifs, neurologiques…).
* Devant toute éosinophilie, on cherchera : - l’ancienneté de l’éosinophilie (certaines éosinophilies très anciennes permettent d’exclure une cause néoplasique) ;
- les antécédents personnels et familiaux (atopie, cancers) ; - le mode et l’hygiène de vie (exposition éventuelle à des toxiques ou des allergènes en milieu professionnel, habitudes alimentaires, contacts avec des animaux…) ;
- le contexte ethno-géographique et la notion de voyages et de séjours en zones tropicales d’endémie parasitaire (même anciens) ;
- la notion de prises médicamenteuses (y compris en automédication) et leurs antériorités par rapport à l’apparition de l’éosinophilie ;
- les signes fonctionnels associés, même fugaces ; - à l’examen physique : état général, signes cutanés, ORL, respiratoires, cardio-vasculaires, digestifs, hépato
biliaires et neurologiques.
3.4. Pathologies à évoquer face à une éosinophilie dans un contexte d’asthme * Devant une éosinophilie dans un contexte d’asthme, il faut évoquer certaines pathologies : - un syndrome (ou triade) de Fernand Widal : polypose naso-sinusienne avec asthme en relation avec la prise d’aspirine ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ;
- la granulomatose éosinophilique avec polyangéite (GEPA, anciennement angéite de Churg-Strauss), dont les manifestations initiales sont principalement un asthme, généralement sévère et survenant à un âge tardif, l’hyperéosinophilie, la présence d’infiltrats pulmonaires à la tomodensitométrie (TDM) et une atteinte nasosinusienne, avant que ne surviennent les manifestations systémiques de vascularite ;
- l’aspergillose broncho-pulmonaire allergique (ABPA), qui survient dans un contexte d’asthme ancien avec la notion de toux et d’expectoration de « moules bronchiques » (émission de bouchons mycéliens). Il s’agit d’une hypersensibilité de type I (IgE médiée) à une colonisation par Aspergillusfumigatus. Il existe donc souvent une élévation très marquée des IgE sériques totales, une hyperéosinophilie massive et des images radiologiques pulmonaires variées. La présence d’IgE spécifiques anti-Aspergillus constitue un critère majeur du diagnostic.
- le syndrome de Lôffler se présente également par un tableau respiratoire, avec signes cliniques généralement modestes et fugaces (toux, dyspnée, fébricule), et peut être d’origine parasitaire (migration de larves à travers le parenchyme pulmonaire à l’origine d’infiltrats radiologiques labiles, souvent périphériques, parfois multiples
et bilatéraux).
- Principaux retentissements viscéraux________________ d’une éosinophilie chronique
* La possibilité de lésions viscérales liées aux PNE, quels que soient les mécanismes sous-jacents et la maladie cau sale, est une notion importante.
* La fibrose endomyocardique (complication cardiaque grave des hyperéosinophilies chroniques) peut ainsi com pliquer l’hyperéosinophilie des helminthoses, des hémopathies lymphoïdes ou myéloïdes, comme des hyperéosi
nophilies médicamenteuses.Parmi les autres retentissements viscéraux d’une éosinophilie chronique, on citera les atteintes pulmonaires, digestives, cutanées ou encore neurologiques, centrales ou périphériques.
* Il faut souligner ici l’absence de corrélation entre l’importance de l’éosinophilie circulante et la présence de mani festations viscérales : des hyperéosinophilies > 100 000/mm3 peuvent être asymptomatiques, tandis que des éosinophilies < 5 000/mm3 peuvent menacer le pronostic vital en étant à l’origine d’une atteinte cardiaque.
* En pratique, toute éosinophilie persistante, quel que soit le chiffre, doit donc faire l’objet d’une prise en charge
dont l’objectif sera double : déterminer la cause, et identifier un éventuel retentissement viscéral.
- Identifier tes situations d’urgence en présence________ d’une éosinophilie
A 5.1. Identifier les situations d’urgence devant une éosinophilie * Devant toute éosinophilie, il faudra identifier une éventuelle situation d’urgence, en rapport avec le retentisse ment viscéral de l’hyperéosinophilie elle-même (en cas d’hyperéosinophilie persistante) ou en rapport avec la cause de celle-ci, qui peut être grave et nécessiter une prise en charge urgente en hospitalisation.
* Parmi les lésions viscérales graves pouvant être la conséquence d’une hyperéosinophilie, on cherchera ainsi une défaillance respiratoire (détresse respiratoire aiguë), neurologique (parfois d’origine thrombotique artérielle) ou cardiaque, cette dernière pouvant engager le pronostic vital (fibrose endomyocardique).
* Parmi les causes d’éosinophilie pouvant s’associer à des situations d’urgence, on citera certaines parasitoses (syn drome d’invasion larvaire et syndrome d’hyperinfestation à Strongyloïdes ou anguillulose maligne, par auto-réinfestation digestive chez un patient immunodéprimé, en particulier sous corticoïdes), l’atteinte myocardique au cours de la GEPA, ou encore le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse sévère (ou DRESS, pour « Drug
Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms »).
5.2. Identifier un syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse sévère * En effet, alors que les éosinophilies médicamenteuses (suspicion d’un effet indésirable des médicaments) sont le plus souvent asymptomatiques ou associées à une simple éruption cutanée, elles peuvent parfois s’accompa gner de manifestations cliniques sévères, comme dans le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse sévère, ou DRESS, défini par l’association d’une éruption cutanée (érythème), d’une hyperéosinophilie > 1 500/mm3, de signes généraux (fièvre (hyperthermie/fièvre), adénopathies (adénopathies unique ou multiples)) et d’une atteinte viscérale. Le pronostic vital peut être engagé par une hépatite fulminante ou une insuffisance rénale aiguë liée à une néphropathie interstitielle immuno-allergique.
* Le délai d’apparition après introduction du médicament en cause est classiquement de 2 à 8 semaines. Dans de rares cas, les manifestions cliniques et hématologiques peuvent durer plusieurs mois après l’arrêt du médicament incriminé.
* Toute éosinophilie médicamenteuse nécessite donc la surveillance de la créatininémie et du bilan hépatique (transaminases et taux de prothrombine) jusqu’à disparition de l’éosinophilie, même si la présentation clinique
est parfois faussement rassurante (simple éruption cutanée).
- Principales causes d’éosinophilie___________________ * Les principales causes d éosinophilie sont illustrées dans la Figure 1.
6.1. Causes parasitaires * Outre le niveau et l’évolution de l’éosinophilie, les principaux éléments d’orientation sont fournis par l’anamnèse et surtout la notion ou non de séjour à l’étranger.
B
6.1.1. Principales causes parasitaires des éosinophilies chez un patient n’ayant pas séjourné hors France métropolitaine
* En cas d’hyperéosinophilie > 1 500/mm3 (phase invasive), on cherchera : - une toxocarose (Toxocara canis ou cati, ingestion d’aliments souillés par des déjections de chien ou de chat, bacs à sable), qui peut être totalement asymptomatique, ou se manifester par un prurit, des signes digestifs, respiratoires, ou un syndrome de larva migrans viscérale (tous les organes peuvent être touchés, impasse parasitaire). Les localisations oculaires peuvent être sévères ;
- une distomatose hépatique (Fasciola hepatica, ingestion de cresson), se manifestant habituellement par un tableau d’angiocholite avec ictère et fièvre (hyperthermie/fièvre) ;
- une trichinose ou trichinellose (Trichinella spiralis, ingestion de viande de porc, sanglier ou cheval insuffisamment cuite), à l’origine d’une fièvre (hyperthermie/fièvre), d’oedèmes et de myalgies.
* Le diagnostic de ces 3 helminthoses repose sur la réalisation de sérologies (voire d’une biopsie musculaire pour
la trichinellose).
Lorsque l’éosinophilie est plus modérée (< 1 500/mm3, parasitoses sans cycle tissulaire), on cherchera : - une oxyurose (Enterobius vermicularis), se manifestant par un prurit anal, en particulier chez l’enfant. Le diagnostic repose sur la réalisation d’un scotch-test ;
- un taeniasis {Taenia saginata, ingestion de viande de boeuf crue ou mal cuite), se manifestant par des signes digestifs (dyspepsie) ;
- une anisakiase ou anisakidose (Anisakis, ingestion de poissons crus), se manifestant également par des signes digestifs ;
- une hydatidose (Echinococcus granulosus, ingestion d’aliments ou d’eau souillés par des déjections canines), à l’origine de kystes hydatiques hépatiques ou d’autres organes. La rupture/fissuration d’un kyste hydatique peut aussi s’accompagner d’une hyperéosinophilie > 1 500/mm3 ;
- une échinococcose alvéolaire (Echinococcus multilocularis, dans l’Est de la France).
* Le diagnostic de ces helminthoses repose sur la réalisation d’examens parasitologiques des selles (taeniasis) ou de
sérologies (anisakiase, hydatidose et échinococcoses).
6.1.2. Principales causes parasitaires des éosinophilies chez un patient ayant séjourné en zone tropicale/hors France métropolitaine
* Les parasitoses principales suivantes doivent être évoquées : - les bilharzioses ou schistosomoses, à l’origine d’une diarrhée et d’une hépato-splénomégalie dans le cas d’une bilharziose digestive (Schistosoma mansonï), et d’hématurie et d’atteinte de l’arbre urinaire dans le cas d’une bilharziose urinaire (Schistosoma haematobium) (à noter quelques cas de bilharziose uro-génitale rapportés en Corse du Sud) ;
- la strongyloïdose (ou anguillulose) (Strongyloides stercolaris), responsable d’un syndrome de larva currens cutanée, d’une hyperéosinophilie oscillante, cyclique, et de troubles digestifs. Une forme d’anguillulose disséminée (ou anguillulose maligne) peut survenir sous corticoïdes, et nécessite un traitement antiparasitaire systématique chez des patients ayant séjourné en zone tropicale, avant introduction d’une corticothérapie ;
- les filarioses, responsables d’oedèmes, de nodules sous-cutanés et de cécité ;- les distomatoses, associant un tableau d’angiocholite (fièvre (hyperthermie/fièvre), ictère) et d’hyper éosinophilie très évocatrice ;
- une ascaridiose (devenue exceptionnelle en région tempérée) (Ascaris lumbricoides), à l’origine d’un syndrome
de Lôffler et de signes digestifs.* Le diagnostic des helminthoses repose sur la réalisation d’examens parasitologiques des selles (bilharziose digestive, anguillulose, distomatose, ascaridiose), des urines (bilharziose urinaire) et de sérologies (bilharzioses, anguillulose et filarioses, pour lesquelles la recherche de microfilaires peut également être réalisée dans le sang/ le derme).
* Parmi les mauvaises pratiques à éviter, il faut proscrire la réalisation de sérologies parasitaires tropicales multiples (bilharzioses et filarioses notamment), coûteuses, et surtout inutiles chez des patients n’ayant jamais quitté la métropole.
* Une enquête parasitologique négative ne permet pas toujours d’éliminer une cause parasitaire (sérologie trop précoce pour documenter une séroconversion, positivité tardive après infestation de l’examen parasitologique des selles, en rapport avec le délai nécessaire à la maturation parasitaire…). C’est pourquoi un traitement antihel-
minthique d’épreuve, réalisé sous surveillance (suivi de l’éosinophilie), peut être proposé.
B 6.2. Principales causes non parasitaires d’une éosinophilie 6.2.1. Atopie
* L’éosinophilie satellite des états atopiques est souvent modérée (< 1 000/mm3) et associée à une élévation du taux sérique des IgE totales.
* Ce sont surtout les données de l’anamnèse (antécédents d’atopie) et le contexte clinique (asthme, rhinite spasmo dique, dermatite atopique, urticaire) qui orientent vers une allergie.
* Le bilan allergologique confirme le diagnostic et oriente la conduite à tenir. L’interrogatoire guide les choix pour la réalisation des tests cutanés vis-à-vis des différents allergènes (pollens, acariens, moisissures, phanères d’ani maux…). Les tests cutanés (pricktests) demeurent l’examen clé pour démontrer une sensibilisation IgE médiée à un ou plusieurs allergènes. Le dosage des IgE totales n’est d’aucune utilité pour orienter vers une cause allergique, car les IgE totales peuvent être élevées dans la plupart des causes d’éosinophilie et au contraire être normales en cas d’allergie.
En pratique, il ne faut pas se contenter d’un diagnostic d’atopie devant une hyperéosinophilie > i 500/mm3,
au risque de retarder le diagnostic de pathologies potentiellement graves.
6.2.2. Causes médicamenteuses * Une cause médicamenteuse (suspicion d’un effet indésirable des médicaments) doit être évoquée devant toute éosinophilie sanguine. L’ancienneté de l’éosinophilie et le lien temporel entre son apparition et l’introduction d’un médicament sont des éléments essentiels du diagnostic.
* Potentiellement tous les médicaments peuvent être incriminés. Par argument de fréquence, on citera : bêta lactamines, sulfamides, AINS, héparines, produits de contraste iodés, antiépileptiques, allopurinol, antirétrovi raux et neuroleptiques.
* Les éosinophilies médicamenteuses, parfois massives, peuvent être de découverte fortuite et être asymptoma tiques. Dans d’autres situations, elles s’accompagnent d’un simple rash cutané (érythème) sans gravité, mais parfois de manifestations cliniques sévères, comme dans le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse sévère, ou DRESS (« Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms ») (voir paragraphe 5).
* Le médicament en cause est parfois rapidement identifié (prise récente de |3-lactamines ou d’anti-épileptiques comme la carbamazepine). Dans d’autres cas, l’imputabilité d’un médicament dans l’apparition de l’éosinophilie est difficile à établir et la preuve n’est parfois apportée que par la disparition progressive et parfois lente de l’éosi
nophilie après éviction du médicament incriminé.
6.2.3. Hémopathies et cancers * Toute éosinophilie doit faire éliminer un cancer solide ou une hémopathie. * Le diagnostic de néoplasie est rapidement évoqué si l’éosinophilie s’associe à une profonde altération de l’état général (asthénie, amaigrissement), à un syndrome inflammatoire (syndrome inflammatoire aigu ou chro nique) et à des signes d’appel clinico-biologiques focalisés (douleurs, anomalies fonctionnelles, masse palpable, adénopathies (adénopathies unique ou multiples)…).
* On peut insister sur la maladie de Hodgkin, qui peut se présenter chez le sujet jeune par une éosinophilie, parfois associée à un prurit. La recherche d’adénopathies (adénopathies unique ou multiples) périphériques, éventuel lement complétée par une TDM thoraco-abdomino-pelvienne, doit être systématique.
* Il faut également évoquer les lymphomes T cutanés (le syndrome de Sézary est une forme agressive de lymphome T cutané caractérisé par la triade érythrodermie, lymphadénopathie et présence de lymphocytes atypiques circu lants appelées cellules de Sézary), ou systémiques, mais aussi les éosinophilies satellites de cancers solides (diges tifs et pulmonaires notamment, mais aussi rénaux, thyroïdiens…).
* En pratique, en plus de l’examen clinique, la recherche d’une hypercalcémie, une radiographie de thorax et une échographie abdomino-pelvienne, éventuellement complétés par une TDM thoraco-abdomino-pelvienne peuvent permettre de dépister une tumeur solide. Des explorations médullaires (myélogramme, biopsie ostéo médullaire), une biopsie ganglionnaire ou ciblée sur les anomalies cliniques ou radiologiques peuvent contribuer
à identifier une hémopathie maligne sous-jacente.
6.2.4. Maladies systémiques * Une éosinophilie s’intégre parfois dans le cadre d’une maladie systémique. Différentes manifestations clinico-bio logiques apparaissent alors souvent au premier plan (syndrome inflammatoire aigu ou chronique/élévation de la protéine C-réactive, signes d’atteinte viscérale).
* Parmi ces situations, on évoquera certaines vascularites, et en particulier la GEPA dont il est déjà fait mention au-dessus. Le tableau clinique évocateur associe de façon variable une altération de l’état général (asthénie, amai grissement), de la fièvre (hyperthermie/fièvre), l’apparition à un âge tardif d’un asthme habituellement sévère, d’une sinusite ou d’une polypose naso-sinusienne, une atteinte neurologique périphérique à type de mononeu ropathie unique ou multiple, une atteinte cardiaque (myocardite et/ou péricardite), un syndrome inflammatoire, la présence non systématique d’anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) de spécificité anti-myéloperoxydase (MPO) et d’infiltrats pulmonaires sur la TDM thoracique.
* Il est également possible d’observer une éosinophilie au cours de certaines dermatoses bulleuses (pemphigoïde bulleuse, touchant les sujets âgés, qui se manifestant parfois initialement par un prurit intense isolé, avant l’appa rition des lésions bulleuses).
* Une éosinophilie peut enfin être observée au cours de certaines connectivités (dont la polyarthrite rhumatoïde),
ainsi qu’au cours de l’insuffisance surrénale.
6.2.5. Diagnostic d’éosinophilie clonale, syndrome hyperéosinophilique (SHE) * Un syndrome hyperéosinophique (SHE) est un diagnostic d’exclusion qui ne peut être évoqué qu’après avoir écarté toutes les causes d’hyperéosinophilie, après une enquête étiologique rigoureuse et répétée, demeurée néga tive.
* Il se caractérise par une hyperéosinophilie (> 1 500/mm3) d’origine inconnue, évoluant depuis au moins 6 mois, après exclusion des causes connues d’éosinophilie.
* Certaines formes sont pauci-symptomatiques et se résument une hyperéosinophilie sanguine isolée, tandis que d’autres sont associées à des lésions viscérales variées (cardiaques, neurologiques centrales ou périphériques, pul monaires, digestives, cutanées), dont certaines peuvent engager le pronostic vital, en particulier la cardiopathie
(fibrose endomyocardique).
Certains de ces SHE sont dits « clonaux » (ou myéloprolifératifs), car liés à une anomalie clonale affectant direc tement la lignée éosinophile au niveau de la moelle osseuse. Certaines caractéristiques cliniques (splénomégalie, en l’absence d’autre cause), biologiques (augmentation de la vitamine B12 et/ou de la tryptase sérique) et théra peutiques (cortico-résistance) sont évocatrices de ces éosinophilies dites clonales (ou SHE myéloprolifératifs).
* Il existe deux types de SHE : - le SHE myéloïde qui correspond à un syndrome myéloprolifératif lié à une anomalie clonale affectant la lignée éosinophile. Certaines caractéristiques cliniques (splénomégalie, en l’absence d’autre cause), biologiques (augmentation de la vitamine B12 et/ou de la tryptase sérique) et thérapeutiques (cortico-résistance) sont évocatrices de SHE myéloïde ;
- le SHE lymphoïde qui est lié à la présence de clones lymphocytaires T produisant des cytokines (IL-5 notamment) induisant une hyperéosinophilie. Certaines caractéristiques biologiques (élévation des IgE
totales) et thérapeutiques (bonne réponse à la corticothérapie) sont évocatrices de SHE lymphoïde.
- Quels examens paracliniques réaliser________________ devant une éosinophilie ?
* En cas d’éosinophilie, les examens paracliniques de première intention à demander sont illustrés dans la Figure 1 et comportent : - hémogramme (interprétation de l’hémogramme) avec frottis sanguin (recherche de blastes, myélémie ou cellules de Sézary pouvant orienter vers une hémopathie) ;
- ionogramme sanguin/créatininémie ; - bilan hépatique et tests de coagulation ; - créatine kinase (CK) ; - sérologie VIH ; - examens parasitologiques des selles (prescription et interprétation d’un examen microbiologique des selles) (3 espacés de quelques jours) ; examen parasitologique des urines si séjour en Afrique sub-Saharienne ;
- sérologies parasitaires orientées par la clinique et les voyages ; - en cas de voyage en zone tropicale : recherche de microfilaire, dosage des IgE totales, sérologies au moins filariose, bilharziose, strongyloïdose, et examen parasitologique des selles (prescription et interprétation d’un examen microbiologique des selles) ;
- sérologie toxocarose et distomatose, même en l’absence de signes cliniques et de voyages en zone tropicale.
* D’autres explorations ne seront envisagées qu’en cas de point d’appel clinique (ANCA en cas de signe de vascularite/de GEPA ; radiographie de thorax, échographie abdominale ou TDM thoraco-abdomino-pelvienne en cas d’atteinte pulmonaire, d’adénopathies, ou d’autres signes évocateurs de cancer ou d’hémopathie), et après un éventuel traitement anti-parasitaire d’épreuve.
* Un électrocardiogramme et une échocardiographie feront également partie du bilan du retentissement d’une éosinophilie persistante.
* Une éosinophilie persistante, malgré des explorations de première intention négatives, doit être prise en charge en
milieu spécialisé pour chercher des causes rares et réaliser un bilan du retentissement viscéral.
FICHE DE SYNTHÈSE * Toute hyperéosinophilie doit faire l’objet d’une enquête étiologique minutieuse. * Une atopie simple doit être évoquée devant une éosinophilie modérée associée à un asthme ou un eczéma ; elle n’explique pas une hyperéosinophilie > i 500/mm3 et des explorations plus pous sées doivent alors être menées.
* Les causes les plus fréquentes d’hyperéosinophilie > 1 500/mm3 en France métropolitaine sont iatrogènes et parasitaires.
* Il faut éviter les recherches de parasitoses tropicales si le patient n’a pas quitté la France métropo litaine (notamment les sérologies).
* Une hyperéosinophilie peut révéler des pathologies graves qu’il ne faut pas méconnaître : infec tions virales chroniques (VIH), cancers et hémopathies, vascularites systémiques.
* Une hyperéosinophilie persistante malgré des explorations de première intention négatives doit être prise en charge en milieu spécialisé pour rechercher des causes rares et réaliser un bilan du retentissement viscéral.
* Les diagnostics à ne pas manquer : - maladie de Hodgkin chez le sujet jeune avec éosinophilie, prurit et/ou adénopathie ; - granulomatose éosinophilique avec polyangéite devant un asthme tardif et rebelle, avec éosi nophilie et signes systémiques ;
- cancer devant une éosinophilie avec altération majeure de l’état général.
* Une éosinophilie apparue en cours d’hospitalisation est iatrogène jusqu’à preuve du contraire : produits de contraste, héparine de bas poids moléculaire, anti-vitamine K, antibiotiques…
* Le dosage systématique des IgE totales a peu d’intérêt en 1e ligne. * Le traitement antiparasitaire d’épreuve est souvent proposé, même en l’absence de parasitose identifiable.
* Les polynucléaires éosinophiles (PNE) peuvent être directement responsables de thrombose arté rielle ou veineuse.
* Les organes les plus fréquemment infiltrés par les PNE, quel que soit la maladie causale, sont le
coeur, la peau, les poumons, le tube digestif et le système nerveux
i. Définitions et diagnostics différentiels_______________ des adénopathies superficielles
A 1.1. Diagnostic des adénopathies superficielles de l’adulte * Une adénopathie superficielle est un ganglion lymphatique hypertrophié, c’est à dire de taille supérieure au cen timètre (sauf en inguinal, où une taille supérieure à 2 centimètres est requise), et/ou de consistance pathologique. Les adénopathies superficielles peuvent être localisées en cervical (notamment jugulo-carotidien, sous-mandibulaire, occipital, pré-tragien, voir Figure 1), sus-claviculaire, axillaire, épitrochléen, inguinal et/ou poplité.
* Le diagnostic d’adénopathie superficielle est clinique. La taille n’est jamais en elle-même un critère de bénignité ou de malignité.
* Souvent, l’adénopathie est découverte par le patient lui-même. Elle peut aussi être découverte lors d’un examen
médical systématique ou orienté (par exemple par une douleur locale).
i.2. Diagnostics différentiels d’une adénopathie superficielle de l’adulte * Toutes les tuméfactions (masse/tuméfaction pariétale, tuméfaction cervico-faciale) superficielles palpables ne sont pas des adénopathies, d’autres structures anatomiques pouvant être en cause (Tableau 1).
Tableau i. PRINCIPAUX DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS D’UNE ADÉNOPATHIE SUPERFICIELLE
* lipome (tuméfaction souple ou molle, d’origine graisseuse, située sous la peau) * tumeur parotidienne (au-dessus et en arrière de l’angle de la mandibule) * tumeur sous-maxillaire (dans la région sous-mandibulaire, en avant de l’angle et au-dessous du rebord infé rieur de la mandibule) * tumeur de la thyroïde (mobile avec la déglutition) (goitre ou nodule thyroïdien) * kystes congénitaux du cou * hidrosadénite en zone sudoripare, en particulier axillaire (sensible, superficielle et adhérente à la peau) * masse pariétale vasculaire artérielle (pulsatile)
* hernie inguinale (impulsive à la toux)
- Examen clinique devant une adénopathie superficielle * L’examen clinique devant une adénopathie superficielle comporte 3 temps : 1. identifier s’il s’agit d’une adénopathie unique ou d’une polyadénopathie ; 2.
si les adénopathies sont localisées, il faut évaluer les organes dans le territoire de drainage ; 3. il faut évaluer le terrain du patient, chercher des signes généraux, et examiner les autres organes lymphoïdes en
l’absence d’anomalie cliniquement décelable dans le territoire de drainage.
2.1. Examen clinique des adénopathies * Les adénopathies peuvent être : - unique ou multiples ; - localisée(s) dans le territoire de drainage d’une lésion cutanée (lésion cutanée/«grain de beauté») ou d’une atteinte d’organe (infectieuse, tumorale, autre), ou diffuses.
* Un diamètre supérieur à 1 centimètre (2 centimètres en inguinal) est généralement pathologique. Toutefois, cette limite n’est pas absolue : une adénopathie inguinale non indurée non douloureuse de 2 cm peut être physiolo gique.
* La consistance d’une adénopathie peut être : - molle, fluctuante (en faveur d’une suppuration) ; - dure, ligneuse, rocailleuse (en faveur d’un cancer) ; - ferme, élastique (possible dans des causes bénignes comme malignes).
* Sa consistance est fondamentale car, même de taille normale, une adénopathie très dure est suspecte de malignité. * L’adénopathie peut être adhérente éventuellement aux plans superficiels et profonds. * Une cause tumorale maligne doit être recherchée si le ganglion est dur, immobile par rapport aux plans adjacents, et comprime les structures voisines (veines et nerfs) (hémopathies, cancers solides).
* Le caractère inflammatoire (rougeur, douleur, chaleur) oriente vers une cause infectieuse : - l’adénopathie peut être douloureuse, spontanément ou à la palpation ; - la peau en regard peut être normale, rouge, inflammatoire (Figure 2) voire ulcérée ou fistulisée ; - l’identification d’une porte d’entrée est alors indispensable : parfois évidente (plaie, morsures et piqûres) ou tumeur (mélanome) (lésion cutanée/« grain de beauté »).
* Il faut préciser la date et le mode de début (brutal ou progressif). * Ces caractères seront utiles au diagnostic étiologique, mais il faut insister sur le fait qu’il n’existe aucun signe sémiologique formel de bénignité d’une adénopathie.
* Il faut représenter la localisation et la taille des ganglions objectivés à l’examen physique sur un schéma daté. * L’examen clinique doit analyser l’ensemble des localisations détaillées ci-dessus afin de déterminer si l’adénopa
thie est unique ou si elles sont multiples, localisée(s) ou diffuses.
A 2.2. Territoires de drainage * Devant toute adénopathie superficielle isolée, le clinicien doit rechercher une lésion cutanée infectée (plaie, mor sures et piqûres, griffure) ou tumorale (cancer, mélanome) (lésion cutanée/« grain de beauté ») dans le terri toire de drainage des ganglions concernés (Tableau 2).
* Une cause maligne doit être suspectée en présence d’une adénopathie sus-claviculaire gauche (ganglion de Troisier).
* Une adénopathie inguinale doit faire chercher une infection sexuellement transmissible (syphilis, chancre mou, maladie de Nicolas Favre).
Tableau 2. TERRITOIRES DE DRAINAGE GANGLIONNAIRE Adénopathie Cervicale Territoire de drainage
Peau de la face et du cuir chevelu Cavité buccale Sphère ORL Thyroïde
Sus-claviculaire droite Poumons, médiastin
Sus-claviculaire gauche : ganglion de Troisier Ganglion de drainage du canal thoracique. Peut témoigner d’un envahissement ganglionnaire par un cancer sous-diaphragmatique : abdomen et/ou pelvis en particulier tube digestif, reins, prostate, testicules, et lymphomes sous-diaphragmatiques.
Axillaire
Membres supérieurs Paroi thoracique Glandes mammaires
Inguinale et rétro-crurale
Membres inférieurs Organes génitaux externes (hors testicule) Marge anale, rectum
Quel que soit le territoire de drainage
Mélanome, hémopathies lymphoïdes
A 2.3. Examen physique général devant une adénopathie superficielle de l’adulte * S’agit-il d’une adénopathie unique ou d’une polyadénopathie ? D’autres adénopathies doivent être cherchées, et représentées sur un schéma daté (localisations, tailles). Les adénopathies épitrochléennes, en dehors de lésions dans le territoire de drainage (main), doivent faire évo quer une sarcoïdose, une syphilis, une bartonellose (maladie des griffes du chat), ou un lymphome.
* Exste-t-il une atteinte lymphoïde extra-ganglionnaire ? Il faut chercher une hépatomégalie, une splénomégalie, une hypertrophie amygdalienne et une hypoesthésie de la houppe du menton (la neuropathie mentonnière est très évocatrice d’une atteinte méningée dans le contexte d’une hémopathie maligne).
* Des signes généraux sont-ils présents ? En cas de fièvre (hyperthermie/fièvre), il faut évoquer en premier lieu une cause infectieuse (Tableau 3). En l’absence de fièvre, une infection reste possible et l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) doit être systématiquement suspectée. Outre la fièvre, l’interrogatoire recherche une asthénie, une anorexie avec un amaigrissement, des sueurs noc turnes, ou encore un prurit généralisé. Ces symptômes doivent orienter vers une hémopathie lymphoïde (lymphome).
* Quel est le terrain du patient ? - Âge : une polyadénopathie cervicale haute persistante de petite taille est relativement banale chez l’adolescent ou l’adulte jeune. Les sujets jeunes sont plus facilement confrontés aux infections par Epstein Barr virus (EBV), Cytomégalovirus (CMV), le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) (voir item 217 - Syndrome mononucléosique), alors que les sujets plus âgés sont plus à risque de développer un cancer.
- Consommation de toxiques : alcool, tabac, drogues, en particulier en injection intraveineuse (héroïne). - Rapports sexuels à risque : il faudra évoquer une infection sexuellement transmissible. - Contacts avec des animaux : une adénopathie épitrochléenne et/ou axillaire doit motiver la recherche d’un contact (morsure (morsures et piqûres), griffure) même ancien avec un chat (maladie des griffes du chat).
- Séjours en zone d’endémie parasitaire : une polyadénopathie fébrile au retour d’un voyage en zone tropicale doit faire évoquer le diagnostic de leishmaniose viscérale.
- Activités professionnelles ou de loisirs : une adénopathie cervicale chez un chasseur ou un taxidermiste doit faire suspecter une tularémie.
- Antécédent de maladies infectieuses, de cancer ou de lymphome. - Statut vaccinal.
- Traitements médicamenteux en cours et récemment instaurés.
- Orientation diagnostique en fonction du contexte______ et des manifestations associées à une adénopathie de l’adulte
* Trois grands types de causes prédominent : les infections, les lymphomes, et les cancers (Tableau 3). Ces causes sont fréquentes et donc à évoquer avant les maladies auto-immunes et inflammatoires systémiques.
* Une infection sera d’autant plus suspectée qu’il existe une porte d’entrée, de la fièvre (hyperthermie/fièvre) et un caractère inflammatoire de l’adénopathie.
* Un cancer doit être cherché dans le territoire de drainage, avec l’examen clinique et éventuellement des examens complémentaires (voirplus bas). Des signes généraux (asthénie, anorexie, amaigrissement) peuvent être présents
et constituer un élément d’orientation.* Les lymphomes donnent des adénopathies volontiers diffuses et chroniques (plus de 3 semaines). Une altération de l’état général (amaigrissement, sueurs ou hyperthermie/fièvre) peut être présente mais n’est pas systématique et l’hémogramme (interprétation de l’hémogramme) peut être normal, montrer des signes indirects inflamma toires ou des cytopénies (en cas d’envahissement médullaire associé). L’examen essentiel est la biopsie ganglion
naire.
4.1. Examens biologiques à réaliser en première intention dans le cadre d’une adénopathie * En l’absence de cause locale évidente, et avant de pratiquer une biopsie ganglionnaire, les examens complémen taires suivants, de première intention, sont proposés (demande/prescription raisonnée et choix d’un examen diagnostique) : - Hémogramme et frottis sanguin (prescription et analyse du frottis sanguin) à la recherche de signes en faveur d’une infection (polynucléose neutrophile dans le cadre d’une infection bactérienne, lymphocytose et/ou syndrome mononucléosique dans le cadre d’une infection virale) ou d’une hémopathie (cellules lymphomateuses circulantes au cours de certains lymphomes, cellules blastiques au cours d’une leucémie aiguë) ;
- Protéine C-réactive (CRP) (élevée en cas d’inflammation, quelle qu’en soit la cause) (syndrome inflammatoire aigu ou chronique) ;
- Electrophorèse des protéines sériques (pic monoclonal au cours de certaines hémopathies lymphoïdes, hypergammaglobulinémie polyclonale au cours de certaines infections virales ou parasitaires) ;
- Lacticodéshydrogénases (LDH) (dont le taux augmente au cours des lymphomes de forte masse tumorale, élévation cependant non spécifique) ;
- Bilan hépatique ; - Sérologies VIH, EBV, CMV, toxoplasmose ; - Échographie ganglionnaire (pour le diagnostic différentiel d’autres causes de tuméfactions) ; - Tomodensitométrie (TDM) thoraco-abdomino-pelvienne ; - Mammographie et une échographie du sein en présence d’adénopathie axillaire.
* En fonction des éléments d’orientation clinique, des examens spécifiques (hémocultures, sérologies, examens immunologiques…) seront demandées à la recherche des causes évoquées dans le Tableau 3 (demande/prescrip
tion raisonnée et choix d’un examen diagnostique).
A 4.2. Indication de la cytoponction, d’une biopsie, d’une exérèse devant une adénopathie * La cytoponction ganglionnaire est un examen à visée microbiologique et cytologique (adénogramme) qui peut être utile pour : - dépister le micro-organisme en cause dans des adénopathies d’origine infectieuse ; - orienter vers le caractère néoplasique d’une adénopathie quand le cancer primitif ou le lymphome n’est pas connu (attention, il s’agit d’un examen uniquement cytologique, et non histologique, qui ne suffit pas au diagnostic de cancer ou de lymphome et devra donc être confirmé par un examen histologique). Elle peut donner des éléments d’orientation intéressants, en identifiant des cellules tumorales d’un cancer solide (cellules non hématopoïetiques) ou d’un lymphome (par exemple la présence de cellules de Reed-Sternberg au
cours du lymphome de Hodgkin).
- Les avantages de la cytoponction sont : - sa faisabilité (en consultation) ; - sa rapidité d’interprétation (dans la journée) ; - sa rentabilité en cas de métastases d’un cancer épithélial, de cellules de Sternberg (lymphome de Hodgkin) ou d’adénopathie purulente avec la possibilité de mise en culture et d’analyse en biologie moléculaire (Polymerase Chain reaction (PCR)) à visée d’identification microbiologique dans le cadre d’une adénopathie d’origine infectieuse.
- Les limites de la cytoponction sont : - l’absence d’étude de l’architecture du tissu ganglionnaire (uniquement fournie par un prélèvement histologique) ;
- la difficulté de l’analyse cytologique en microscopie optique ; - la fréquente négativité, même en cas de pathologie maligne (une cytoponction négative n’élimine pas une cause
tumorale en cas de suspicion clinique, elle n’a de valeur que si elle est positive).
- Malgré l’aide des immunomarquages, de l’hybridation in situ ou des analyses en biologie moléculaire par PCR pour optimiser sa rentabilité diagnostique, la cytoponction, même positive, doit être complétée par une biopsie ganglionnaire.
- En effet, toute adénopathie inexpliquée et persistante doit faire l’objet d’une biopsie à visée diagnostique (demande/ prescription raisonnée et choix d’un examen diagnostique). En cas de forte suspicion d’un processus tumoral sans autre explication dans le territoire de drainage, cette biopsie doit être réalisée d’emblée (tumeurs malignes sur pièce opératoire/biopsie).
- A l’inverse, il faut savoir proposer une simple surveillance de quelques semaines à un sujet jeune qui présente une polyadénopathie récente d’allure bénigne, susceptible de régresser spontanément.
- Il existe 2 types de techniques pour biopsier une adénopathie : biopsie à l’aiguille (sous contrôle échographique le plus souvent dans le cadre d’une adénopathie superficielle), qui permet d’obtenir une analyse histologique d’un échantillon du ganglion, et biopsie/exérèse chirurgicale (il s’agit alors de l’exérèse complète du ganglion).
- La biopsie à l’aiguille se pratique sous anesthésie locale. L’exérèse chirurgicale se pratique sous anesthésie locale ou générale, au bloc opératoire.
- On évite si possible l’exérèse d’un ganglion inguinal, en raison de la rentabilité faible de la biopsie dans cette zone et du risque de lymphoedème définitif. La biopsie à l’aiguille reste possible.
- En ce qui concerne l’étude en anatomo-pathologie, il est indispensable de mentionner au chirurgien que le pré lèvement doit être acheminé rapidement, à l’état frais et sans délai, dans une compresse stérile imbibée de sérum physiologique au laboratoire d’anatomie pathologique.
- En cas d’exérèse, le ganglion doit être coupé dans son plus grand axe pour donner lieu à une apposition sur lame de la tranche de section (empreinte). Il faut prévoir également la congélation rapide d’une partie du ganglion pour effectuer des études complémentaires différées si nécessaire. Le ganglion est destiné, selon une demande explicite du médecin, aux laboratoires d’anatomie pathologique et de bactériologie, principalement pour mise en culture. Le ganglion pourra faire l’objet d’une étude cytologique,
histologique, mais aussi immuno-histochimique, si besoin.
4.3. Examens d’imagerie (radiologique et de médecine nucléaire) à pratiquer devant une adénopathie, en fonction du contexte clinique et des examens de première intention * Les examens radiologiques seront orientés par le tableau clinique, par exemple : - échographie abdomino-pelvienne devant un ganglion de Troisier (découverte d’une anomalie pelvienne à l’examen d’imagerie médicale) ;
- TDM thoraco-abdomino-pelvienne injectée devant des polyadénopathies superficielles, des signes généraux,
un syndrome inflammatoire biologique, ou des anomalies de l’hémogramme ou du frottis sanguin ;- endoscopies digestives devant un ganglion sus-claviculaire gauche ; - mammographie et échographie mammaire chez la femme en cas d’adénopathies axillaires.
* Pour chercher des adénopathies profondes, une TDM thoraco-abdomino-pelvienne injectée permettra de repé rer des adénopathies sus et sous-diaphragmatiques et de les mesurer.
* La réalisation d’une tomographie par émissions de positons (TEP) -TDM au 18 fluoro-deoxyglucose (18FDG) peut mettre en évidence des adénopathies hypermétaboliques (lymphome, cancer ou infection) et orienter le prélèvement anatomo-pathologique au niveau d’une adénopathie hypermétabolique accessible ou d’une tumeur
solide.
FICHE DE SYNTHÈSE * Les adénopathies superficielles peuvent être : - unique ou multiples ; - transitoires chez un sujet jeune ; - localisées dans le territoire de drainage d’une lésion évidente ou moins évidente ; - le mode d’entrée d’une affection généralisée, bénigne ou maligne, du système lymphatique.
* L’enjeu est d’identifier l’adénopathie révélatrice d’un cancer ou d’un lymphome. * La rentabilité diagnostique maximale de l’exérèse du ganglion est conditionnée par la bonne inte
raction du médecin, du chirurgien, du microbiologiste et de l’anatomopathologiste.
Les acrosyndromes vasculaires (anomalies de couleur des extrémités) sont des troubles vasomoteurs des extré mités touchant les petits vaisseaux (artères, artérioles, capillaires, veinules post-capillaires). On distingue les troubles paroxystiques (qui évoluent par crise) comme le phénomène de Raynaud (acrosyndrome de loin le plus
le plus fréquent), des acrosyndromes permanents telle l’acrocyanose.
Phénomène de Raynaud (ou syndrome de Raynaud) A 1.1. Définition du phénomène de Raynaud * C’est le trouble vasomoteur le plus fréquent (5 % de la population générale, mais jusqu’à 15 % de la population féminine en France).
* Le phénomène de Raynaud est un acrosyndrome vasculaire paroxystique, touchant une ou plusieurs phalanges,
d’un ou plusieurs doigts. L’atteinte des orteils, du nez et des oreilles est possible.
1.2. Diagnostic clinique du phénomène de Raynaud * Le diagnostic d’un phénomène de Raynaud est clinique. Le diagnostic est en règle générale un diagnostic d’in terrogatoire. Il peut être conforté par les photographies de la crise prises par le patient ou ses proches.
* Il associe classiquement trois phases successives (anomalies de couleur des extrémités) (Figure 1) : - une phase blanche ou syncopale : les doigts ont un aspect blanc, exsangues, avec des limites très nettes. Le patient décrit une sensation de doigts morts ;
- une phase cyanique, inconstante, avec un aspect cyanosé, bleuté ou violacé ; - une phase érythémateuse (érythème), souvent douloureuse (douleur d’un membre (supérieur ou inférieur)).
* Seule la première phase « blanche » est indispensable pour retenir le diagnostic de phénomène de Raynaud. Les
autres sont inconstantes.
- Le phénomène de Raynaud est souvent déclenché par le froid (sortie en extérieur, contact avec de l’eau ou une surface froide), ou par un changement de température (passage l’été dans un lieu climatisé) ou encore une émo tion ou un stress.
- La durée totale du phénomène de Raynaud est très variable, de quelques minutes à une trentaine de minutes. * Si le diagnostic positif est uniquement clinique, la démarche sémiologique est centrée par l’identification d’élé ments orientant vers un phénomène de Raynaud essentiel, également appelé maladie de Raynaud, situation de loin la plus fréquente, ou vers un phénomène de Raynaud secondaire, situation plus rare mais aux conséquences cliniques et thérapeutiques importantes.
- La maladie de Raynaud est bénigne et ne se complique pas de trouble trophique. * Le phénomène de Raynaud secondaire est plus sévère et peut se compliquer de troubles trophiques, en particulier de nécrose ischémique, surtout au cours de la sclérodermie systémique.
- Il est aussi important d’apprécier le retentissement des crises de Raynaud dans la vie quotidienne de la personne,
ce phénomène pouvant être invalidant au plan physique, psychologique, social et professionnel.
1.3. Connaître Les éléments en faveur d’une maladie de Raynaud et d’un phénomène de Raynaud secondaire *
La majorité des phénomènes de Raynaud sont primaires (synonymes : phénomène de Raynaud primitif ou essen
tiel ; maladie de Raynaud). Il s’agit du trouble vasomoteur le plus fréquent dont la prévalence est très élevée dans la population générale (5 à 15 %). Une enquête étiologique est cependant nécessaire pour éliminer un phénomène de Raynaud secondaire à une maladie auto-immune systémique, en particulier la sclérodermie systémique.
* Le phénomène de Raynaud secondaire est globalement plus sévère, sans recrudescence hivernale nette, les crises
sont plus fréquentes et plus longues et les troubles trophiques sont possibles. Le Tableau 1 illustre les éléments en faveur d’un phénomène de Raynaud primaire ou secondaire.
Tableau 1 : ÉLÉMENTS CLINIQUES EN FAVEUR D’UN PHÉNOMÈNE DE RAYNAUD PRIMAIRE OU SECONDAIRE Critères Antécédent familial Âge de début Ratio femme/homme Facteur déclenchant
Distribution des symptômes
Clinique Examen physique
Troubles trophiques de doigts
Facteur professionnel
Autres signes associés en lien avec une maladie systémique
Autres signes associés en faveur d’une sténose ou obstruction artérielle
Pronostic Phénomène de Raynaud primaire = Maladie de Raynaud Fréquent
Avant l’âge de 35-40 ans (le plus souvent à l’adolescence)
Phénomène de Raynaud secondaire Rare A tout âge, souvent après 40 ans Touche préférentiellement la femme Survenue possible aussi chez un homme
Le froid, les variations de température, le stress
Bilatérale et symétrique Epargne les pouces Normal hors crise Absence Absent
Absence de signe clinique orientant vers une maladie systémique
Absence de signe d’artériopathie des membres supérieurs
Excellent Pas de facteur déclenchant net Unilatérale ou asymétrique Atteinte des pouces
Anomalies possibles : perte d’un pouls radial ou ulnaire, signes associés de maladies auto immunes systémiques.
Présence (actuels ou passés) : ulcération(s) (ulcère cutané), cicatrice(s) rétractile(s) pulpaire(s), doigts scléreux.
Possible
Signes de sclérodermie systémique, ou autres maladies autoimmunes systémiques : dermatomyosite, lupus systémique, connectivité mixte, syndrome de Sjbgren.
Perte d’un pouls aux membres supérieurs, asymétrie tensionnelle, présence d’un souffle vasculaire.
Fonction de la cause
- Ainsi, l’examen clinique d’un patient ayant un phénomène de Raynaud doit reprendre les éléments clés permet
tant d’orienter vers un phénomène de Raynaud primaire ou secondaire : - antécédent familial, âge de début, caractère uni ou bilatéral, existence de troubles trophiques associés, facteurs déclenchant, existence de signes de maladies auto-immunes systémiques (Tableau 1) ; - activité professionnelle: vibrations ou traumatismes répétés (Tableau 2); - prise médicamenteuse ou de toxique pouvant créer ou aggraver un phénomène de Raynaud (Tableau 2) ; - signes de maladies auto-immunes systémiques, dont signes de sclérodermie systémique (détaillés ci-dessous) ;
- identification d’un souffle (découverte d’un souffle vasculaire) et prise de la pression artérielle aux deux bras.Des explorations complémentaires spécifiques au diagnostic de ces maladies sont nécessaires hormis pour la maladie de Raynaud.
PRINCIPALES CAUSES D’UN PHÉNOMÈNE DE RAYNAUD *
1) Phénomène de Raynaud essentiel = maladie de Raynaud (80 à 90 % des cas) 2) Facteurs aggravants quel que soit le type de phénomène de Raynaud * Médicamenteux (souvent facteur aggravant d’une prédisposition pré-existante) - p-bloquants (par voie générale ou en collyre), anti-migraineux (dérivés de l’ergot de seigle, triptans)
* Toxiques - tabac
3) Phénomènes de Raynaud secondaires : * Toxiques - cannabis, cocaïne, amphétamines
* Maladies auto-immunes systémiques : - Sclérodermie systémique - Connectivité mixte - Lupus systémique - Syndrome de Sjôgren - Dermatomyosite
* Causes locorégionales - Maladie professionnelle (n° 69) des engins vibrants (marteau-piqueur, scies, fraiseur, polisseur…) - Anévrisme de l’artère ulnaire (maladie du marteau hypothénar : carreleur, maçon, ouvrier métallurgiste, carrossier, emboutisseur, volleyeur…)
* Sténose ou obstruction artérielle - Syndrome du défilé costo-claviculaire (côte surnuméraire) - Artériopathie inflammatoire (Takayasu, artérite à cellules géantes)
- Artériopathie non inflammatoire
1.4. Signes dermatologiques de la sclérodermie systémique * Devant un phénomène de Raynaud, il est important de se poser la question d’une sclérodermie systémique débu tante, ou d’une autre maladie auto-immune. Le phénomène de Raynaud est pratiquement constant au cours de la sclérodermie systémique et il est le plus souvent le premier signe clinique de la maladie.
* Les signes dermatologiques devant faire suspecter une sclérodermie systémique face à un patient (souvent une femme après 35 ans) présentant un phénomène de Raynaud sont les suivants : - hémorragies du lit capillaire sous-unguéal visibles à l’oeil nu (parfois associées à une hypertrophie de la cuticule de l’ongle) (Figure 2) ;
- ulcération distale (ulcères cutanés), cicatrices rétractiles pulpaires (Figures 3,4) ; - doigts boudinés ou scléreux (sclérodactylie) (Figure 5) ;
- télangiectasies (ectasies vasculaires de la peauÀ noter que les ulcérations pulpaires et les cicatrices pulpaires peuvent s’observer dans d’autres causes que la sclérodermie systémique (connectivité mixte, myosites notamment).
1.5. L’examen physique et la manoeuvre d’Allen * La palpation des pouls périphériques aux membres supérieurs et l’auscultation des axes artériels (sous-claviers, axillaire) doivent être systématiques. La prise de la pression artérielle aux deux bras ainsi que l’auscultation des trajets vasculaires (découverte d’un souffle vasculaire) complètent l’examen clinique et permettent de rechercher des lésions sténosantes sous-clavières ou axillaires.
* L’examen physique doit chercher les troubles trophiques des extrémités (ulcérations, cicatrices pulpaires) et les signes évocateurs d’une maladie systémique, dont la sclérodermie systémique.
* La manoeuvre d’Allen est la pierre angulaire de l’étude de la vascularisation en aval du poignet (arcades radio et cubito-palmaires, artères digitales). Elle permet, devant un phénomène de Raynaud, d’identifier une sténose des gros vaisseaux, qui peut être responsable du phénomène de Raynaud. En créant une ischémie de la main par compression des artères ulnaire (cubitale) et radiale, elle permet d’apprécier la fonctionnalité de la circulation digitale, de l’arcade palmaire et d’identifier une occlusion ulnaire ou radiale (Figure 7).
* La manoeuvre d’Allen consiste à : 1. comprimer les artères radiale et ulnaire sur le poignet ;
2. demander au patient de faire des mouvements de flexion-extension des doigts avec sa main jusqu’à ce que celle-ci se décolore ;
3. lever la compression vasculaire (une seule artère à la fois, l’artère ulnaire puis l’artère radiale) en regardant bien la face palmaire, une vague d’érythrose se propage normalement de la paume de la main aux pulpes digitales :
la main se recolore.
1.6. Examens complémentaires (connaître l’indication de la réalisation d’anticorps antinucléaires (AAN) et de la capillaroscopie) * Dans sa forme typique, en l’absence de tout signe évoquant un phénomène de Raynaud secondaire à l’interroga toire et à l’examen clinique, aucun examen complémentaire ne doit être réalisé pour le diagnostic d’un phéno mène de Raynaud primaire (maladie de Raynaud).
* En présence d’un ou plusieurs élément(s) atypique(s) et seulement dans ce cas, sans orientation clinique autre, on demande en première intention (demande/prescription raisonnée et choix d’un examen diagnostique) : - la recherche d’anticorps antinucléaires (test de dépistage d’une maladie auto-immune systémique) : détermination du titre et de l’aspect de la fluorescence nucléaire ;
- une capillaroscopie péri-unguéale : elle peut mettre en évidence des éléments orientant vers une microangiopathie organique (mégacapillaires surtout, que l’on observe au cours de la sclérodermie systémique, des connectivités mixtes, et des dermatomyosites ; raréfaction voire désert capillaire au cours de la sclérodermie systémique).
* Tout patient présentant un phénomène de Raynaud unilatéral ou asymétrique ou avec une anomalie vasculaire clinique (manoeuvre d’Allen pathologique) ou avec des facteurs de risque d’athérosclérose, en particulier un phé nomène de Raynaud chez un homme de plus de 50 ans, doit avoir une échographie-Doppler artérielle des membres supérieurs.
* Au terme de ce bilan de première intention, seront retenus le diagnostic de maladie de Raynaud, de phénomène de Raynaud secondaire ou de phénomène de Raynaud suspect d’être secondaire qui pourra alors nécessiter de pousser les investigations et de revoir le patient annuellement à la recherche de signes de sclérodermie systémique
ou d’une autre maladie auto-immune systémique ou d’une autre cause.
- Acrocyanose_____________________________________ 2.1. Définition d’une acrocyanose * L’acrocyanose est un acrosyndrome vasculaire périphérique permanent en rapport avec une microangiopathie fonctionnelle bénigne. Les extrémités sont froides et moites, parfois oedématiées, siège d’une coloration érythro-
sique ou bleutée voire violacée (anomalie de couleur des extrémités), s’effaçant à la vitro-pression (Figure 8).
2.2. Diagnostic clinique * L’acrocyanose est majorée par le froid et la déclivité. Elle se distingue du phénomène de Raynaud par son carac tère permanent (non paroxystique) et surtout par l’absence de phase blanche, syncopale.
* Il s’y associe fréquemment un livedo de stase, déclive, prédominant aux membres inférieurs et/ou une hyperhydrose des mains et des pieds. L’acrocyanose ne s’accompagne pas de douleur.
* Elle est très fréquente au cours des troubles du comportement alimentaire, chez les personnes de faible indice de masse corporelle (IMC), ou chez le sujet âgé dénutri.
* Le diagnostic est clinique et aucune exploration n’est nécessaire.
- Erythromélalgie et/ou érythermalgie________________ 3.1. Définition * C’est un acrosyndrome vasculaire paroxystique rare. Il touche les extrémités (les pieds plus que les mains) qui deviennent rouges, chaudes et intensément douloureuses (à type de brûlure, de striction) durant quelques minutes à quelques heures (douleur d’un membre). L’immersion dans l’eau froide calme le patient. Cette vasodilatation
artériolo-capillaire survient spontanément ou est déclenchée par la chaleur, l’effort et l’orthostatisme.
3.2. Diagnostic clinique * Son diagnostic est clinique et repose sur une association de critères majeurs (évolution par crises, érythème pen dant les crises (anomalie de couleur des extrémités), douleurs très intenses à type de brûlure) (douleur d’un membre (supérieur ou inférieur)) et mineurs (déclenchement au chaud ou par l’exercice, crises calmées par le froid et ou le repos, augmentation de la chaleur locale pendant les crises, sensibilité à l’acide acétyl salicilique).
* Bien que les termes « érythromélalgie » et « érythermalgie » soient souvent employés comme synonymes, le terme érythermalgie est utilisé pour la forme idiopathique et le terme d’érythromélalgie lorsque ce phénomène est
secondaire aux syndromes myéloprolifératifs (polyglobulie primitive et thrombocytémie essentielle).
a 4. Engelures_______________________________________ 4.1. Définition * Les engelures font partie des acrosyndromes vasculaires à composante trophique. Ce sont des lésions cutanées survenant après une exposition en général prolongée à un froid habituellement modéré (8 à 10°C) mais humide. Elles sont fréquentes dans certaines régions au climat prédisposant et chez les sujets souffrant d’acrocyanose et
d’hyperhydrose.
4.2. Diagnostic clinique * Les engelures surviennent chez la femme jeune (Figure 9). Elles sont de survenue saisonnière (automne, hiver), et sont souvent récidivantes.
* Leurs localisations préférentielles sont les zones exposées au froid : orteils, plus rarement doigts, mais possibles
sur toute zone cutanée exposée au froid ; elles sont aggravées par l’humidité.* Le diagnostic est clinique et repose sur la présence de macules érythémateuses (érythème) puis maculo-papules violacées (anomalie de couleur des extrémités) plus ou moins oedémateuses, d’aspect variable, unique ou mul tiples, souvent alors symétriques. Elles sont douloureuses (douleur d’un membre (supérieur ou inférieur)), sont responsables d’une sensation de brûlure, et sont souvent prurigineuse notamment au réchauffement.
* L’évolution est spontanément régressive en quelques semaines (donc plus longue que celle d’un épisode de phé
nomène de Raynaud).
- Ischémie digitale_________________________________ 5.1. Définition * L’ischémie digitale résulte d’un déficit de la perfusion sanguine en rapport avec des lésions artérielles. Elle peut être transitoire (parfois plus de 30 minutes), ou permanente avec trouble trophique pulpaire (formes symptoma
tiques les plus fréquentes).
5.2. Diagnostic clinique * L’ischémie digitale se caractérise par un doigt froid, douloureux (douleur d’un membre (supérieur ou infé rieur)) et blanc ou cyanique (anomalies de couleur des extrémités) pendant une période prolongée, habituelle ment de plusieurs jours. Le temps de recoloration de la pulpe est allongé. Lorsque la revascularisation n’est pas assurée rapidement, les troubles trophiques peuvent survenir : infarctus péri-unguéal, ulcération (ulcère cutané), nécrose digitale (Figure 10), plus au moins étendue avec un aspect parfois trompeur de pseudo-panaris. Il existe alors un risque d’infection locale.
* Les nécroses digitales des mains sont beaucoup plus rares que les nécroses d’orteils.* Les artériopathies des membres supérieurs ont une sémiologie variée : claudication, phénomène de Raynaud, ischémie distale, abolition d’un pouls, souffle vasculaire. Elles peuvent toucher les gros vaisseaux à destination des membres ou les vaisseaux plus distaux. Les mécanismes peuvent être : - emboliques : > embole d’origine cardiaque, cause la plus fréquente ; > embole provenant d’une plaque athéromateuse, chez un patient ayant des facteurs de risque de maladie cardio-vasculaire ;
> maladie des emboles de cholestérol responsable d’une ischémie très distale.
- artériopathies inflammatoires : vascularites des gros vaisseaux ; - artériopathies compressives ou de causes diverses : maladie de Buerger, compressions mécaniques (kystes, côte surnuméraire, syndrome du défilé).
- microcirculatoires non athéromateux : sclérodermie systémique, syndrome des anticorps anti-phospholipides.
- On décrit quatre grands modèles de relation entre le médecin et le malade, en fonction de l’autonomie décision nelle du patient et de la manière de prendre en compte sa perspective : - paternaliste : le soignant prend les décisions qu’il juge, de son point de vue, bonnes pour le malade ; - interprétatif : le soignant aide la patient à exprimer ses valeurs et préférences, puis prend les décisions qu’il juge bonnes de ce point de vue ;
- informatif : le soignant informe le malade et le laisse prendre seul les décisions ; -
- délibératif : le soignant aide le malade à élaborer son point de vue et à choisir les décisions adaptées (décision
partagée).
FICHE DE SYNTHÈSE * L’approche contemporaine de ia relation médecin-malade considère le patient comme un acteur de soins à part entière, et favorise son implication en tant que personne autonome dans la mesure où il le souhaite, en interdépendance avec les différents professionnels de la santé.
* Dans sa relation avec le patient, le médecin devrait prendre en compte les aspects personnels, inter personnels et sociaux avec la même attention critique que les aspects somatiques et biologiques.
* Une telle perspective est notamment essentielle dans la prise en charge des maladies chroniques, pour lesquelles les modèles exclusivement biocliniques sont souvent en échec.
* Dans ce cadre, les différentes actions qui concourent à l’information et à la formation du patient s’efforcent de prendre en compte sa perspective, fondée sur l’expérience personnelle et des savoirs
profanes.