Nutrition diabetologie Flashcards
(166 cards)
I. Diagnostiquer un diabète chez l’adulte et l’enfant A. Critères diagnostiques du diabète sucré et des états prédiabétiques
A. Critères diagnostiques du diabète sucré et des états prédiabétiques
A Le diabète sucré est un état d’hyperglycémie chronique associé à un risque de complications. Il est défini sur le seuil de glycémie à partir duquel il existe un risque significatif de développer des complications de microangiopathie, spécifiques du diabète, et plus précisément une rétinopathie diabétique (tableau 8.1).
Tableau 8.1 A Critères diagnostiques des différents états de tolérance glucidique chez l’enfant et l’adulte en fonction de la glycémie mesurée sur plasma veineux
Tolérance glucidique normale
GAJ < 1,10 g/L (6,1 mmol/L)
ou GA2h < 1,40 g/L (7,8 mmol/L) Anomalie de la glycémie à jeun et intolérance au glucose
GAJ ≥ 1,10 g/L (6,1 mmol/L) et < 1,26 g/L (7 mmol/L) : anomalie de la glycémie à jeun Ou GA2h ≥ 1,40 g/L (7,8 mmol/L) et < 2 g/L (11,1 mmol/L) : intolérance au glucose Diabète sucré et diabète prégestationnel
GAJ ≥ 1,26 g/L (7,0 mmol/L), à deux reprises ou glycémie à n’importe quel moment de la journée ≥ 2 g/L (11,1 mmol/L) ou GA2h ≥ 2 g/L (11,1 mmol/L)
GA2h : glycémie 2 heures après une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) de 75 g de glucose en solution dans 200 mL d’eau ; GAJ : glycémie à jeun après un jeûne nocturne de 8 heures.
Les personnes présentant une anomalie de la glycémie à jeun et/ou une intolérance au glucose sont à haut risque d’évoluer vers un diabète de type 2 (DT2) et sont par conséquent considérées comme présentant un « prédiabète » dans le cadre d’un syndrome métabolique (glycémie à jeun ≥ 1,10 g/L).
- Diabète de type 1 (DT1)
résulte d’une destruction des cellules β des îlots de Langerhans conduisant à un déficit absolu en insuline.
Connaissances
a. Mécanisme auto-immun (classé DT1a) * B Est retrouvé chez environ 10 % des personnes avec un diabète (environ 300 000 personnes en France).
* Représente près de 90 % des diabètes de l’enfant. * Entraîne la destruction auto-immune (lymphocytes CD4) des cellules β des îlots de Langerhans conduisant plus ou moins rapidement à un déficit absolu en insuline.
* Des marqueurs auto-immuns peuvent être retrouvés : auto-anticorps anti-GAD (glutamic acid decarboxylase, GAD65 ; les plus spécifiques), auto-anticorps anti-tyrosine phosphatase IA-2 et auto-anticorps anti-insuline sont les trois principaux recherchés. Un ou plusieurs de ces anticorps sont retrouvés chez 85 à 90 % des individus au moment du diagnostic. Cependant, 3 % des témoins sont porteurs d’anticorps à taux faibles et jusqu’à 8 % des personnes avec un DT2 (alors reclassé en diabète auto-immun lent, type LADA pour latent autoimmune diabetes in adults).
* Il existe une forte association avec les gènes HLA de classe II (les haplotypes DR3 et DR4),
qui ne sont plus recherchés en pratique courante.
* La présence d’un surpoids et/ou d’une obésité n’est pas incompatible avec le diagnostic
(auto-immunité).
* Ces patients ont un risque augmenté (+ 20 % environ) de présenter d’autres maladies auto-immunes telles qu’une maladie de Basedow, une thyroïdite de Hashimoto, une maladie d’Addison, un vitiligo, une maladie coeliaque, une maladie de Biermer.
b. Idiopathique (classé DT1b) * Certaines formes de DT1 (insulinopénie totale avec cétose marquée) n’ont pas d’étiologie connue et ne présentent aucun marqueur d’auto-immunité. Il existe cependant bien une carence absolue en insuline et les personnes atteintes sont sujettes à l’acidocétose et doivent être initialement traitées par l’insuline.
* Ces patients représentent une minorité des DT1 et la plupart d’entre eux sont d’origine
africaine ou asiatique.
* Le besoin d’une insulinothérapie peut être variable dans le temps (sevrage en insuline possible après rééquilibre initial de la glycémie) et ces patients peuvent, par la suite, évoluer vers un DT 2 plus classique traité par antidiabétiques oraux.
Pas fini
Insulinorésistance Le stress oxydant, l’accumulation intracellulaire de dérivés lipidiques et l’inflammation de bas grade le plus souvent rencontrés dans la prise de poids sont des éléments favorisant une résistance à l’action de l’insuline. La captation du glucose, en réponse à la sécrétion d’insuline, par les tissus musculaires et adipeux est amoindrie, participant ainsi à l’hyperglycémie postprandiale. Au niveau hépatique, l’insulinorésistance se traduit par une moindre inhibition de la production hépatique de glucose, favorisant l’hyperglycémie à jeun. Il a également été récemment mis en évidence un rôle de la flore bactérienne colique dans le lien entre l’alimentation hypercalorique et l’inflammation de bas grade. L’organisme réagit à la résistance à l’insuline en augmentant la sécrétion d’insuline, permettant dans un premier temps un maintien temporaire de l’équilibre glycémique (état prédiabétique).
L’insulinorésistance n’est pas spécifique du diabète. Elle est retrouvée dans le syndrome métabolique (aussi appelé syndrome d’insulinorésistance) qui associe au moins trois des facteurs suivants : obésité viscérale, hypertension, hyperglycémie, hypertriglycéridémie, baisse du HDL-C (high-density lipoproteins-cholesterol). La mesure de la résistance à l’insuline n’est pas réalisée en pratique, on recherchera donc cliniquement la présence d’un syndrome métabolique chez un patient pour dire qu’il présente une insulinorésistance (tableau 8.2).
Critères du syndrome métabolique Critères diagnostiques NCEP-ATP III (2005) IDF (2005) Tour de taille ≥ 102 cm (H)
≥ 88 cm (F)
Européens : ≥ 94 cm (H) ≥ 80 cm (F) Asiatiques : ≥ 90 cm (H) ≥ 80 cm (F)
Tension artérielle ≥ 130/85 mmHg* ≥ 130/85 mmHg* Glycémie à jeun ≥ 1 g/L* ≥ 1 g/L* Triglycérides ≥ 1,50 g/L* ≥ 1,50 g/L* HDL-C < 0,40 g/L (H)*
< 0,50 g/L (F)*
Nombre de critères pour le diagnostic de SM
Ou traitement en cours pour cette anomalie.
< 0,40 g/L (H) < 0,50 g/L (F)*
3/5 Tour de taille + 2/4 restants
b. Insulinopénie B Chez les personnes avec un DT2, il existe habituellement des anomalies de la pulsatilité de l’insulinosécrétion associée à une diminution de la phase précoce de sécrétion insulinique après stimulation par le glucose. Progressivement, l’évolution se fait vers un déficit global de l’insulinosécrétion dont l’accentuation progressive au cours de l’évolution de la maladie diabétique explique la tendance à l’accentuation de l’hyperglycémie (maladie chronique et évolutive). La rapidité d’altération de l’insulinosécrétion reste un élément majeur retentissant sur le contrôle glycémique, mais les déterminants de ce phénomène restent mal connus à ce jour. Des facteurs génétiques sont très probablement en cause comme en témoignent les nombreux polymorphismes identifiés sur des gènes impliqués, pour la plupart, dans la morphogenèse et le fonctionnement des cellules β. Cependant, la diminution de l’insulinorésistance par la mise en oeuvre d’un mode de vie « sain » va permettre une relative préservation de la fonction d’insulinosécrétion sur le long terme.
D’autres facteurs métaboliques altèrent la sécrétion d’insuline : la glucotoxicité et la lipotoxicité. Glucotoxicité et lipotoxicité semblent jouer un rôle important dans l’aggravation brutale d’un diabète en favorisant une « paralysie » des cellules β lorsque leur environnement sanguin est très hyperglycémique et/ou hyperlipidique (acides gras circulants).
Enfin, plus récemment, l’accent a été porté sur le rôle d’une réduction de l’effet incrétine dans les défauts de sécrétion d’insuline du DT2. L’effet incrétine est lié à deux hormones issues des cellules neuroendocrines de l’intestin, le GIP (glucose-dependent insulinotropic peptide) et le GLP-1 (glucagon-like peptide-1). Le GLP-1 sécrété en réponse à la prise alimentaire exerce sur la cellule β un effet de stimulation de l’insulinosécrétion glucose-dépendant (c’est-à-dire ne stimulant la sécrétion d’insuline que lorsque la glycémie s’élève, c’est-à-dire en postprandial) et réduit la sécrétion de glucagon. Cet effet incrétine est à la base du développement d’une nouvelle classe de traitement antidiabétique.
Facteurs de risque de diabète de type 2 (important pour le dépistage)
A Ils sont importants à connaître pour identifier les sujets chez qui un dépistage du diabète par mesure de la glycémie sera proposée (prévention du DT2).
Le risque de DT2 augmente avec : * l’âge ;
* la sédentarité ; * l’obésité (en particulier abdominale) ; * chacune des autres composantes du syndrome métabolique : hypertension artérielle (HTA),
dyslipidémie mixte ou HDL-C bas ;
* la stéatose hépatique (nutritionnelle et/ou alcoolique) ; * les antécédents familiaux de DT2 ;
* un antécédent de diabète gestationnel ou de macrosomie ; * le syndrome des ovaires polykystiques.
C. Autres formes de diabète 1. Défaut génétique de la cellule β
a. Diabètes MODY
Ils sont regroupés sous la dénomination de diabète de la maturité chez le jeune (maturityonset diabetes in the young ou MODY), avec un déficit prédominant de l’insulinosécrétion. Ils se caractérisent par une élévation de la glycémie à un âge précoce (et en l’absence de syndrome métabolique le plus souvent).
Plusieurs formes de diabètes MODY sont associées à un déficit monogénique du fonctionnement de la cellule β (MODY 1 à 8). Ils sont transmis de façon autosomique dominante. Ils se traitent par insulinosécréteurs oraux, voire par insulinothérapie si le déficit en insuline est plus marqué.
b. Diabète néonatal Les diabètes diagnostiqués dans les six premiers mois de vie ne sont en règle générale pas des DT1 (pas d’auto-immunité à cet âge).
Ces diabètes néonataux peuvent être transitoires ou permanents en fonction du type de l’atteinte génétique en cause. Ils peuvent le plus souvent être traités par sulfamides hypoglycémiants.c. Diabète mitochondrial Des mutations ponctuelles de l’acide désoxyribonucléique (ADN) mitochondrial entraînent un diabète par altération de la sécrétion d’insuline. De transmission maternelle, ce diabète est volontiers associé à une surdité et parfois à une myopathie mitochondriale.
- Maladies du pancréas exocrine
Tous les processus entraînant une altération diffuse du pancréas peuvent provoquer un diabète. Pancréatite, traumatisme, infection, pancréatectomie partielle ou totale et carcinomes pancréatiques. La première cause de diabète secondaire en France est la pancréatite chronique alcoolique. La mucoviscidose et l’hémochromatose restent des causes fréquentes de diabètes secondaires en France.
- Diabètes secondaires aux endocrinopathies
Ces diabètes résultent d’un excès d’hormones hyperglycémiantes. Ils peuvent être secondaires à une acromégalie, un syndrome de Cushing, un glucagonome, un phéochromocytome ou une hyperthyroïdie. - Diabètes induits par un traitement médicamenteux
Plusieurs traitements médicamenteux interfèrent avec l’action ou la sécrétion d’insuline. Ces traitements n’induisent le plus souvent pas le diabète par eux-mêmes, mais précipitent le diabète chez des individus prédisposés (prédiabétiques). Les traitements les plus communs sont : les glucocorticoïdes (diabète cortico-induit), les neuroleptiques, les γ-interférons, les antiprotéases et certaines immunothérapies anticancéreuses (anti-PD1).
Cas du diabète gestationnel
Le diabète gestationnel (DG ; voir chapitre 5) est défini comme un trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la première fois pendant la grossesse, quels que soient le traitement nécessaire et l’évolution dans le post-partum (OMS).
Dans un consensus de 2010, la Société francophone du diabète (SFD) et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) recommandent d’adopter les critères de l’International Association of Diabetes Pregnancy Study Group (IADPSG) pour un dépistage ciblé (à partir des facteurs de risque) et non systématique.
On parle de DG en cas de (tableau 8.3) : * DG «précoce » dépisté dès la première consultation prénatale par la glycémie à jeun (GAJ)
chez les femmes ayant au moins un facteur de risque de DG ;
* DG « tardif » dépisté entre 24 et 28 semaines d’aménorrhée (SA) par la GAJ et l’HGPO chez les femmes ayant au moins un facteur de risque de DG et une GAJ normale au 1 er trimestre ;
* diabète avéré découvert pendant la grossesse. Le DG régresse après l’accouchement (arrêt de l’insuline le lendemain de l’accouchement), mais une surveillance biologique des jeunes mères est nécessaire compte tenu de leur risque élevé de faire un DT2.
B Il faut différencier le DG du diabète prégestationnel qui se définit par la présence d’un diabète antérieur à une grossesse. Ce dernier justifie une optimisation du contrôle glycémique avant le début de la grossesse et une adaptation constante du traitement antidiabétique durant toute la grossesse.Tableau 8.3 A Classification et définition des diabètes gestationnels d’après les recommandations CNGOF-SFD, 2010
Date Exploration DG « précoce » DG « tardif » « Diabète avéré découvert pendant
la grossesse »
1 re consultation prénatale
GAJ ≥ 0,92 g/L
< 1,26 g/L
Entre 24 et 28 SA GAJ HGPO inutile ≥ 0,92 g/L
< 1,26 g/L
GA1h ≥ 1,80 g/L GA2h ≥ 1,53 g/L
< 2 g/L
< 0,92 g/L < 0,92 g/L ≥ 1,26 g/L
≥ 1,26 g/L HGPO inutile
≥ 2 g/L
D. Critères d’orientation diagnostique
A La majorité des diabètes sont soit des DT2, soit des DT1 auto-immuns. C’est le plus souvent la clinique qui permet de trancher entre ces deux types de diabète sans la nécessité d’aucun examen complémentaire. Les principaux critères d’orientation diagnostique sont donnés dans le tableau 8.4. Aucun critère n’est cependant spécifique d’un type de diabète donné ; on peut par exemple diagnostiquer un DT1 chez une personne à l’âge de la maturité et/ou en surpoids.
Tableau 8.4 A Principaux critères d’orientation diagnostique entre diabète de type 1 et diabète de type 2
Diabète de type 1 Diabète de type 2 Âge habituel de découverte Nourrisson, enfant, adolescent, jeune
adulte
Circonstance de découverte Rapide, aigu : syndrome polyuropolydipsique, acidocétose
Hérédité Faible (< 10 % des apparentés au
premier degré atteints)
Adulte
Dépistage, complication vasculaire d’emblée (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, etc.)
Forte (> 20 % des apparentés au premier degré)
Histoire pondérale Perte de poids Surpoids/obésité androïde Pathologies associées Maladies auto-immunes (thyroïdite
de Hashimoto, maladie de Biermer, vitiligo, etc.)
Syndrome métabolique complet ou non
Ainsi, les diabètes diagnostiqués chez l’adulte ne sont pas tous des DT2 et il importe d’identifier les autres types de diabète (particulièrement en l’absence d’insulinorésistance), car leur prise en charge est sensiblement différente (moins d’éducation nutritionnelle et escalade thérapeutique plus rapide).
Les principaux diagnostics à évoquer sont : * DT1 d’évolution lente également nommé LADA : recherche d’un taux élevé d’au moins un
auto-anticorps (> 2 × N) ;
* diabète de type MODY (arbre généalogique évocateur d’une transmission monogénique,
absence de syndrome métabolique) : recherche d’un panel de mutations ;
* diabète secondaire (listé précédemment : maladie du pancréas, alcoolisme chronique).
E. Dépistage du diabète chez les personnes asymptomatiques
La prévalence du diabète traité pharmacologiquement a été estimée en 2016 à 4,5 % de la population résidant en France. Le nombre de personnes diabétiques est estimé à environ 3 millions de personnes, soit au moins 300 000 personnes diabétiques de type 1 et au moins 2,5 millions de personnes diabétiques de type 2 traitées pharmacologiquement.
Le nombre de cas de diabètes en France, comme à l’échelle de la planète, augmente rapidement, parallèlement à l’augmentation de la prévalence de l’obésité et au vieillissement de la population (en France, 15 % des sujets de plus de 70 ans sont diabétiques).
La prévalence du diabète, notamment du DT2, ainsi que la gravité de ses complications en font un problème de santé publique justifiant son dépistage dans les populations à risque de façon à mettre en place un traitement et un dépistage des complications précoces, ceci afin d’en prévenir leur évolution et d’en limiter le poids financier sur notre système de santé (fig. 8.1).Les candidats au dépistage du diabète sont les sujets avec : * surpoids ou obésité (IMC > 25 kg/m 2 );
* antécédent de diabète familial au premier degré (père, mère, frères, soeurs) ; * origine non caucasienne ;
* femmes ayant un antécédent de DG ou de naissance d’un enfant pesant plus de 4 kg ; * HTA traitée ou non traitée ;
* dyslipidémie traitée ou non traitée ; * stéatose hépatique ;
* traitement pouvant induire un diabète (antipsychotiques atypiques, corticoïdes, etc.). Pour ce qui concerne le DT1, le dépistage des apparentés du premier degré n’est pas recommandé de façon systématique en l’absence de moyen de prévention reconnu.
II. Décrire les principes de la prise en charge au long cours
A. Prévenir les complications chroniques
Le diabète sucré est une maladie chronique complexe dont la gravité tient pour l’essentiel à ses complications à long terme. Celles-ci se répartissent en deux grands groupes avec, d’une part, les complications macrovasculaires liées à la présence de plaques d’athérome (coronaropathie, accidents vasculaires cérébraux, artériopathie oblitérante des membres inférieurs) et, d’autre part, les complications microvasculaires liées à l’hyperglycémie chronique (rétinopathie, néphropathie, neuropathie). Si les complications microvasculaires sont les complications spécifiques du diabète, ce sont les complications macrovasculaires qui constituent la première cause de morbimortalité de cette maladie.
B. Approche multifactorielle
Le diabète sucré exige des soins médicaux quotidiens et continus avec des stratégies multifactorielles de réduction des risques ne se limitant pas au contrôle glycémique. Le contrôle des principaux facteurs de risque cardiovasculaire, notamment de la pression artérielle et des lipides, tient une place centrale.
C. Objectifs glycémiques
En ce qui concerne les objectifs glycémiques, ceux-ci doivent être fixés par le taux d’HbA1c qui correspond à la fraction d’hémoglobine exposée à la glycation non enzymatique de la partie N-terminale de la chaîne β de l’hémoglobine A. Compte tenu de la durée de vie des érythrocytes (environ 120 jours), le taux d’HbA1c est influencé par les glycémies des trois derniers mois, mais les glycémies des 30 jours précédents sont responsables de 50 % de sa valeur. Elle doit être dosée quatre fois par an. D’une façon générale, la réduction de l’HbA1c en dessous ou autour de 7 % pour le DT1, comme pour le DT2, est associée à une diminution des complications microvasculaires et potentiellement des complications macrovasculaires.
L’HbA1c peut être prise en défaut dans un certain nombre de circonstances. Toute modification de l’érythropoïèse et/ou de la durée de vie des hématies va retentir sur la fiabilité du taux d’HbA1c. Les cibles d’HbA1c pour le DT2 telles que définies par les recommandations de la HAS (2013, revues en 2017) et par la SFD (2019) sont indiquées dans le tableau 8.5.
A Objectifs d’HbA1c selon le profil du patient (HAS et SFD) Profil du patient HbA1c cible Cas général La plupart des patients avec un DT2 ≤ 7 %
DT2 nouvellement diagnostiqué, dont l’espérance de
vie est > 15 ans et sans antécédent cardiovasculaire
Enfants, adolescents DT1
Patients avec antécédents cardiovasculaires
Patients avec insuffisance rénale chronique (IRC) 4
Patientes enceintes ou envisageant de l’être
DT2 : – avec une espérance de vie limitée (< 5 ans) – ou avec une comorbidité sévère
– ou ayant une longue durée d’évolution du
diabète (> 10 ans) et pour lequel la cible de 7 % s’avère difficile à atteindre, car l’intensification thérapeutique provoque des hypoglycémies sévères
La cible peut être augmentée dans certaines situations particulières (adolescent très déséquilibré, petit enfant à risque d’hypoglycémies sévères, perte de la sensation des hypoglycémies)
Personnes âgées 2 Dites « en bonne santé », bien intégrées socialement,
autonomes d’un point de vue décisionnel et
fonctionnel et dont l’espérance de vie est jugée satisfaisante
(diabète préexistant à la grossesse)
Dites « fragiles » à l’état de santé intermédiaire et à risque de basculer dans la catégorie « dépendantes et/ou à la santé très altérée »
Dites « dépendantes et/ou à la santé très altérée » en raison d’une polypathologie chronique évoluée génératrice de handicaps et d’un isolement social
Antécédents de maladie cardiovasculaire considérée comme non évoluée
Antécédents de maladie cardiovasculaire considérée comme évoluée 3
≤ 6,5 % 1
≤8 %
< 7 %
≤7 %
≤ 8,5 %
< 9 % et/ou glycémies capillaires préprandiales entre 1 et 2 g/L
≤7 %
IRC modérée (stades 3A et 3B) ≤ 7 % IRC sévère et terminale (stades 4 et 5) ≤ 8 %
≤ 8 %, éviter toute hypoglycémie
Avant d’envisager la grossesse ≤ 6,5 % Durant la grossesse ≤ 6,5 % et/ou glycémies
< 0,95 g/L à jeun et < 1,20 g/L
en postprandial à 2 h 1 S
L’atteinte des objectifs doit se faire en évitant les complications iatrogènes et notamment les hypoglycémies et la prise de poids. Une HbA1c dans la cible peut néanmoins être le reflet d’un mauvais équilibre par l’alternance d’hypo- et d’hyperglycémies, tout particulièrement dans le DT1. L’autosurveillance continue glycémique permettra de mettre en évidence ce phénomène. Pour les patients traités par insuline, ayant une cible d’HbA1c de 7 %, les cibles glycémiques suivantes semblent raisonnables :
* glycémie au réveil : 1,00 à 1,20 g/L (0,7 à 1,3 g/L chez l’enfant et l’adolescent) ; * glycémie avant les repas : 0,80 à 1,20 g/L (0,7 à 1,3 g/L chez l’enfant et l’adolescent) ; * glycémie 2 heures après les repas : 1,20 à 1,80 g/L (0,9 à 1,8 g/L chez l’enfant et l’adolescent) ; * glycémie au coucher : environ 1,2 g/L ;
* glycémie à 3–4 heures du matin : > 0,80 g/L. Ces cibles doivent être atteintes sans hypoglycémies tant que possible.
D. Surveillance glycémique
Les patients traités par multi-injections d’insuline ou par pompe à insuline doivent impérativement réaliser une autosurveillance glycémique (ASG) en mesurant plusieurs fois par jour leur glycémie capillaire dans le but d’ajuster leur dose d’insuline. Il existe actuellement des appareils pris en charge par la Sécurité sociale qui permettent au patient de suivre son profil glycémique grâce à la mesure continue des taux de glucose au niveau interstitiel du tissu sous-cutané (méthode flash).
Pour les personnes DT2 traitées par une seule injection d’insuline lente, l’ASG peut être plus espacée : glycémie au réveil pour l’adaptation des doses et occasionnellement, en cas de doute sur une hypoglycémie.
L’ASG chez les DT2 non traités par insuline doit avoir une utilisation très ciblée et n’a d’intérêt que si elle est susceptible d’entraîner une modification de la thérapeutique. Elle doit s’inscrire dans une démarche d’éducation du patient sur ses objectifs glycémiques et les décisions à prendre lors d’une dérive glycémique. Elle est utile lorsqu’une insulinothérapie est prévue à court ou moyen terme ou lorsque le traitement médicamenteux comprend un sulfamide ou un glinide. Si l’objectif glycémique n’est pas atteint et que l’adhésion thérapeutique n’est pas satisfaisante, l’ASG peut s’avérer utile pour démontrer au patient l’effet de l’activité physique, de l’alimentation et du traitement médicamenteux. Dans ce cadre, le nombre de bandelettes pris en charge par les caisses d’assurance maladie est limité à 200 par an.
E. Contrôle de la pression artérielle
La pression artérielle (PA) doit être mesurée à chaque visite de routine. La pratique de l’automesure tensionnelle doit être encouragée et le patient formé.
La cible de PA est < 140/85 mmHg en consultation (< 130 mmHg en automesure), en visant en règle 130/80 mmHg. Elle doit être individualisée, notamment chez la personne âgée, suivant l’âge et l’existence de fragilités.
La prise en charge initiale repose sur les modifications thérapeutiques du mode de vie (MTMV) : activité physique, diététique dont sel < 6 g/j et perte de poids si surpoids ou obésité. Le traitement médicamenteux doit privilégier les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) en première intention.
F. Contrôle du bilan lipidique
Le bilan lipidique chez une personne diabétique doit être réalisé au minimum de façon annuelle en prescrivant une exploration d’une anomalie lipidique (EAL).
Les personnes diabétiques sont à haut risque sur le plan cardiovasculaire avec un risque d’événement fatal à 10 ans multiplié par 2 pour les hommes et par 4 pour les femmes, justifiant un contrôle intensif du bilan lipidique.
Les recommandations HAS de 2017 fixent comme cible de LDL-C (low-density lipoproteinscholesterol) pour toutes les personnes diabétiques de plus de 40 ans une valeur < 1 g/L. Cette valeur est abaissée à 0,70 g/L pour les patients présentant une maladie cardiovasculaire avérée ainsi que pour les patients à risque cardiovasculaire très élevé (de plus de 40 ans avec un ou plusieurs facteurs de risque associés ou une atteinte d’un organe cible).
Les modifications thérapeutiques du mode de vie sont à la base du traitement : réduction des acides gras (AG) saturés, des AG trans, augmentation des apports en AG n-3, consommation de fibres solubles, contrôle du poids et activité physique (voir chapitre 10).
Un traitement par statine devrait être ajouté si la cible de LDL-C n’est pas atteinte à 3 mois ou d’emblée chez les patients à risque très élevé pour qui la cible de LDL-C a été fixée à 0,70 g/L. Un taux de triglycérides < 1,50 g/L et de HDL-C > 0,40 g/L chez l’homme et > 0,50 g/L chez la femme est considéré comme souhaitable. La cible prioritaire doit cependant rester le LDL-C et doit être atteinte à l’aide du traitement par statine éventuellement associée à l’ézétimibe si la cible n’est pas atteinte sous statine de forte intensité.
G. Antiagrégants plaquettaires et arrêt du tabac
A L’acide acétylsalicylique (aspirine) en prévention secondaire (75–160 mg/jour) doit être recommandé.
En prévention primaire, une faible dose d’aspirine (75–160 mg/jour) est envisageable chez les personnes avec un diabète à risque cardiovasculaire très élevé :
* celles ayant une protéinurie, une insuffisance rénale sévère ou une maladie athéromateuse silencieuse documentée (athérome sténosant périphérique ou maladie coronaire silencieuse) ;
* celles ayant un risque cardiovasculaire fatal > 5 % à 10 ans, si un score de risque est utilisé. L’acide acétylsalicylique (aspirine) en prévention primaire ne doit pas être recommandé chez les diabétiques à risque cardiovasculaire modéré ou élevé.
L’arrêt du tabac doit être évoqué à chaque consultation pour les patients concernés. L’utilisation d’un substitut nicotinique pris en charge par la Sécurité sociale peut leur être proposée.
H. Évaluation du risque cardiovasculaire
Le principe de l’évaluation du risque cardiovasculaire est d’identifier les pathologies qui classent d’emblée les patients à risque cardiovasculaire élevé ou très élevé (voir chapitre 10). En fonction de l’âge et de l’existence de facteurs de risque cardiovasculaire associés, les DT1 et DT2 sont à risque cardiovasculaire :
* élevé :– < 40 ans avec au moins un facteur de risque cardiovasculaire ou une atteinte d’organe
cible,
– ≥ 40 ans sans facteurs de risque cardiovasculaire ni atteinte d’organe cible ; * très élevé : ≥ 40 ans avec au moins un facteur de risque cardiovasculaire ou une atteinte
d’organe cible.
Des équations de calcul de risque réalisées chez tous les individus – tables SCORE (Systematic COronary Risk Estimation) – viennent compléter l’évaluation du risque cardiovasculaire et permettent sa gradation en quatre niveaux (voir chapitre 10 et tableau 10.3).
I. Éducation thérapeutique
L’éducation thérapeutique du patient (ETP) et la formation à l’autogestion de la maladie sont essentielles pour prévenir les complications aiguës et réduire le risque de complications à long terme. Elles sont également un élément essentiel pour une qualité de vie optimale du patient. Elles doivent dans ce cadre aborder les questions d’ordre psychologique, le bien-être émotionnel étant un élément important du devenir du diabète.
Il est nécessaire de proposer une ETP ciblée sur les compétences que le patient doit acquérir pour prendre en charge son traitement et s’adapter à sa maladie :
* modifier son alimentation ; * augmenter son activité physique ; * surveiller ses pieds ;
* connaître ses objectifs en matière d’HbA1c et de PA, de LDL-C, d’arrêt du tabac. En cas de « prédiabète », la prévention du diabète repose sur l’éducation nutritionnelle (activité physique et alimentation équilibrée réduite en graisses) et l’obtention du changement durable du comportement.
J. Dépistage et prise en charge des principales complications chroniques
Un dépistage régulier des principales complications chroniques associées au diabète sucré est indispensable afin d’instaurer un traitement précoce et de prévenir leur évolution.
1. Complications macrovasculaires
Les atteintes cardiovasculaires sont plus fréquentes et plus graves en présence d’un diabète : l’infarctus du myocarde (IDM) et l’accident vasculaire cérébral (AVC) sont par exemple plus souvent mortels. Elles touchent tous les territoires (coronaires, artères cérébrales et membres inférieurs) et sont fréquemment présentes dès le début du diabète, voire avant, en relation avec le syndrome métabolique.
En cas de diabète, les femmes perdent leur avantage naturel et ont un risque cardiovasculaire équivalent à celui des hommes, y compris avant la ménopause.
a. Accident vasculaire cérébral B En dehors de sa plus grande incidence et de sa plus grande gravité, l’AVC ne présente pas de spécificité dans sa présentation clinique et dans sa prise en charge.b. Ischémie myocardique B Elle est plus fréquente et plus grave. Elle est plus fréquemment asymptomatique ou paucisymptomatique : on parle d’ischémie myocardique silencieuse. Il faudra savoir y penser en cas de troubles digestifs, douleurs épigastriques, dyspnée d’effort, asthénie, etc.
Une éventuelle nécrose asymptomatique doit être recherchée par un électrocardiogramme (ECG) de repos systématique annuel.
Les personnes diabétiques présentant des symptômes typiques ou atypiques, ou des anomalies à l’ECG doivent bénéficier rapidement d’un avis cardiologique et d’explorations.c. Artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) B Son dépistage repose sur la palpation des pouls périphériques et la détermination de l’index de pression systolique (IPS : rapport de la pression systolique cheville/bras) ; pour rappel, l’IPS est défini comme normal entre 1 et 1,30 et comme anormal s’il est inférieur à 0,9. La confirmation repose en premier lieu sur l’échographie Doppler artériel.
- Complications microvasculaires et pied diabétique
B Les complications microvasculaires du diabète sont les complications chroniques spécifiques du diabète. Les principales sont la rétinopathie, la néphropathie et la neuropathie diabétique. On en rapproche les complications du pied diabétique et notamment le mal perforant plantaire, qui survient toujours sur un terrain de neuropathie diabétique altérant la sensibilité plantaire. Chez l’enfant, les complications microvasculaires sont recherchées à partir de l’âge de 11 ans (ou à partir du début de la puberté si celle-ci commence avant l’âge de 11 ans) et si le diabète évolue depuis au moins 5 ans.