synthese sur le groupe verbal Flashcards
PASSE/PRESENT
Jane Eyre, Charlotte Brontë, Chapter XI, pp 79-80. 1. PROBLEMATIQUE
Il convient de distinguer deux plans d’énonciation manifestes dans le texte :
- une énonciation d’événements présentés de manière consécutive et distanciée : l’énonciation historique
- une énonciation de discoursqui met en scène le co-énonciateur-lecteur et rapproche les événements du temps de l’énonciation
L’expression du temps chronologique passe par l’alternance d’emploi de différents temps grammaticaux. La question qui se pose est celle de la spécialisation des temps grammaticaux dans la progression de la diégèse : le présent (V-S) et le passé (V-ED) se spécialisent-ils dans l’énonciation historique – récit d’événements sur un mode distancié – ou dans l’énonciation discursive ?
2. ANALYSES
Le présent et le prétérit alternent - dans un va-et-vient entre passé révolu et passé reconstruit au moment de la narration dans la (re)construction des faits dans un récit qui met en scène la narratrice-énonciatrice et le co-énonciateur-lecteur.
On distinguera dans un premier temps les emplois du présent simple dans des énoncés génériques qui ne permettent pas au récit de progresser. Puis, dans un second temps, les emplois narratifs du présent et du prétérit seront analysés dans le but de distinguer les plans énonciatifs que l’alternance des temps grammaticaux permet de mettre en scène dans un texte de transition dont la structure et les différents niveaux narratologiques reflètent le questionnement identitaire du personnage-narrateur.
1. V-S de réalité permanente : la valeur aoristique du présent
Les occurrences du présent simple qui ne situent pas les prédications dans la situation d’énonciation – présent immanent - sont situées dans des énoncés génériques placés sous le contrôle de la voix narrative. Le sémantisme des verbes ou bien encore la diathèse employée donnent aux énoncés un caractère statique et hors temps :
- A new chapter in a novel is something like a scene in a play… : la valeur générique ainsi que la présence de l’indéfini contribuent à décrocher l’énoncé de la situation d’énonciation
- …, with such large figured papering on the walls as inn rooms have.
- It is a very strange sensation to inexperienced youth to feel itself quite alone in the world : la valeur aoristique de l’énoncé est co-construite par la détermination en A générique et la présence du nom youth qui opère sur le plan qualitatif et non pas quantitatif.
- … inexperienced youth …, cut adrift from every connection, uncertain whether the port to which it is bound can be reached : le passif (adjectival dans le premier cas) ainsi que le temps présent (infinitif présent dans le second groupe verbal) permettent de prédiquer des qualités à propos du sujet thématique et patient the port.
Dans la première partie de l’énoncé qui suit, le présent constitue une transition entre généricité et métadiscours et retour à la narration :
- The charm of aventure sweetens that sensation, the glow of pride warms it ; the throb of fear disturbs it… : le sémantisme des verbes renvoie aux perceptions de la narratrice qui s’apprête dans l’énoncé suivant à changer de statut et à prendre le statut de personnage narré d’où l’emploi du passé (V-ED) et de la première personne du singulier dans les prédications qui suivent dans l’énoncé.
2. L’alternance de V-S et V-ED à valeur narrative
2.1 Les emplois du présent simple à valeur narrative permettent à l’énonciatrice-narratrice de lever le rideau et de faire partager au lecteur les expériences du personnage, expériences qui se (re)jouent et se (re)construisent sur scène, dans la situation d’énonciation. L’énonciatrice construit son discours en un temps fictif qu’elle partage avec le co-énonciateur-lecteur. Dans certains énoncés, et, secondé par le jeu des pronoms personnels de première et de deuxième personne, ainsi que par le vocatif Reader, l’énonciatrice ou le je-narrant du texte construit au présent et sans distanciation temporelle ou pragmatique – avec le lecteur – le récit de son expérience qu’elle partage avec celui-ci au moment d’énonciation (V-S). Ainsi, le présent simple met en scène et en discours une relation intersubjective particulière entre l’énonciatrice et le lecteur, d’où l’illusion d’un rapport de connivence entre les instances subjectives dans certains énoncés :
- …and, when I draw up the curtain this time, reader…
- you must fancy and see a room in the George Inn at Millcote…
- All this is visible to you by the light of an oil lamp hanging from the ceiling…
Le temps présent est celui de la conscience actuelle, au moment de l’énonciation, sans distanciation temporelle, de l’énonciatrice qui invite le lecteur sans prise de distance avec celui-ci à partager le récit de son expérience qu’elle construit sous ses yeux.
2.2 Le présent simple en discours direct : le discours direct représente de façon mimétique une situation fictive d’interlocution. Les verbes au présent situent les événements sur cette dernière sans distanciation aucune. Ce sont des présents d’expérience actuelle.
- « Is there a place in this neighbourhood called Thornfield ? »
- « Thornfield ? I don’t know, ma’am… »
- « This will be your luggage, I suppose ? »
2.3 La valeur prospective du présent simple : on peut relever une occurrence de V-S à valeur prospective dans une subordonnée temporelle en BEFORE qui met en place la distance qui sépare TO et T+1 :
- « How long shall we be before we get there ».
Le déictique THERE encode, quant à lui, la distance géographique entre deux espaces, celui dans lequel se trouve le personnage et celui dans lequel il se rend.
2.4 Le passé narratif
Le passé en –ED fait progresser la narration : les événements sont présentés de manière consécutive. Le marqueur –ED établit une distance entre le temps de la narration et le temps de l’événement : la narratrice intervient dans la diégèse pour présenter au lecteur les événements déjà construits pour elle. La narratrice-énonciatrice et le co-énonciateur-lecteur ne sont pas placés au même plan d’énonciation : le décalage est d’ordre temporel mais aussi pragmatique ou encore intersubjectif. On pourra dans ces cas parler de récit vertical par opposition au récit horizontal dans lequel narrateur-énonciateur et co- énonciateur-lecteur occupent le même plan.
Les pronoms personnels de troisième personne et de première personne contribuent dans le premier cas à renforcer la distanciation entre récit et événement, dans le second la distance entre je-narrant et je- narré.
Les occurrences de V-ED à la troisième personne sont la manifestation de la narratrice dans un récit factuel « classique ». Les verbes sont essentiellement dynamiques. V-ED permet de saisir l’événement déjà construit dans sa globalité.
- He hoisted it on to the vehicle, which was a sort of car, and then I got in ; before he shut me up…
- He fastened the car door, climbed to his own seat outside, and we set off.
A la première personne, le je-narrant fait le récit d’événements construits et passés qu’a vécus le je- narré :
- I left Lowton at four o’clock a.m, and the Millcote is now just striking eight.
Cet énoncé précis promène le lecteur du temps de l’événement construit I/leave au moment de l’énonciation en discours.
- He hoisted it on to the vehicle, which was a sort of car, and then I got in; before he shut me up…
- He fastened the car door, climbed to his own seat outside, and we set off.
- I thought when the coach stopped here there would be some one to meet me; I looked anxiously round as I descended the wooden steps the « boots » placed for my convenience…
- Nothing of the sort was visible; and when I asked a waiter if any one had been to inquire after a Miss Eyre, I was answered in the negative: so I had no resource but to request to be shown into a private room…
On ne s’attend pas à ce que les candidats traitent des formes aspectuelles (HAVE-EN et BE-ING) du texte. En revanche, les remarques pertinentes concernant la valeur du temps présent porté par l’auxiliaire BE dans les formes périphrastiques ou encore celle de –ED dans HAD –EN sont les bienvenues.
En guise de conclusion, il convient de distinguer deux emplois du présent comme du passé : un présent à valeur aoristique, un présent de narration dont les effets de sens oscillent entre valeur pragmatique, théâtralisation et brouillage de la frontière entre temps de l’événement et temps de la narration ; un passé narratif qui livre de manière distanciée des événements déjà construits et un passé qui permet à la narratrice-énonciatrice de jeter un regard rétrospectif sur les événements qui appartiennent au passé du personnage.
Dans ce cas précis, l’analyse du fait de langue – un concept – devait être mise en relation avec le commentaire du passage et permettre d’éclairer et d’approfondir le brouillage narratologique à l’œuvre.
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LA FORME EN -ING
Définition et délimitation du sujet
-ING est un suffixe qui s’attache à une base verbale pour créer des formes verbales, participiales, adjectivales ou nominales. Historiquement, les formes en –ing ont une double origine, nominale et verbale :
Périphrase beon V –ende, où V –ende est une forme participiale (cf. latin –ent), ayant un sens duratif, de procès en déroulement
Périphrase à valeur locative on + -ynge (ic wæs on huntynge) – littéralement, « à l’intérieur de » - qui s’affaiblit ensuite en a-hunting, etc.
En raison de leur similitude de forme et de sens, ces deux constructions se sont progressivement fondues pour donner les formes en –ing de l’anglais contemporain. Mais leur double origine est responsable d’un continuum d’emplois possibles pour –ing , allant du plus verbal (formes en be + – ing) au plus nominal (dérivation en –ing de noms à part entière).
Il est donc important, dans la présentation de –ing, de bien distinguer entre ces différentes fonctions possibles, et de pouvoir expliquer quelle est la place que les occurrences de –ing relevées dans le texte occupe sur ce continuum entre le verbal et le nominal.
Typologie et analyses
1. Forme verbale be + -ing
Présent ou prétérit avec be + -ing, renvoyant à une situation spécifique, non pas à du générique. The demand for devolution in Scotland is growing, not diminishing.
I am beginning to be converted to the least possible devolution.
Ted Short was soon protesting that there was a clear commitment…
It was asking us to go back on everything we had agreed.
For instance, when we were discussing the devolution of responsibility …
Cette forme en be + -ing peut également être un infinitif :
Mike pointed out that it would hardly do our cause any good in Scotland to be advocating a consensus policy.
Cet exemple de be –ing dans une extraposée (to be advocating a consensus would hardly do our cause any good) illustre bien la valeur subjective de be –ing, avec reprise anaphorique ; advocate a consensus policy n’est pas posé, mais reprend le sens de try and get all-party agreement , quatre lignes plus haut dans le texte; to be advocating peut être glosé en to be seen to advocate… (intérieur et point de vue).
2. Participiales
There was also a paper by CPRS, gloomily questioning whether the whole devolution package was viable. What we needed in October was a document drawing together what we had so far agreed.
Dans ces exemples, les verbes au participe présent sont à sujet nul car ce sujet est coréférentiel avec le GN qui précède la participiale. Le sujet peut être rétabli (There was a paper by CPRS / the paper questioned…) Les exemples peuvent être analysés comme des relatives réduites (a paper that questioned…)
Le texte comporte un exemple potentiellement ambigu, permettant deux analyses possibles:
Philip Rogers admitted to me wickedly that officials talk about him ‘Short-circuiting’ the timetable. Officials talk about him [short-circuiting the timetable]. Le complément de talk about est him, et la forme en –ing marque une participiale à fonction adjectivale, donnant une relative réduite comme dans les exemples précédents.
Officials talk about [him short-circuiting the timetable]. Le complément de talk about est une proposition (he, short -circuit the timetable); -ing permet à cette proposition d’assumer une fonction nominale et de devenir argument du verbe talk about. On a donc un gérondif, avec un « marquage exceptionnel » (he > him> du sujet de short-circuit. Dans un registre soutenu, un génitif serait possible : talk about his short-circuiting the timetable.
3. Gérondif
D’autres exemples du texte sont sans ambiguïté possible des gérondifs :
We would be able to get away with devolving a lot of social policy powers.
We decided to make a constitutional change by joining the EEC.
Les propositions en –ing font partie d’un syntagme prépositionnel et ont donc une fonction nominale ; on pourrait d’ailleurs y substituer, dans ces exemples, des substantifs : … with devolution of a lot of social powers / …by our membership of the EEC.
4. Noms déverbaux
We should leave the decision about consultations to our October meeting.
We have no altenative in view of the feeling in Scotland.
Meeting et feeling sont des noms dérivés des verbes correspondants, et qui ont toutes les caractéristiques habituelles d’un nom (pluralisation, utilisation de déterminants et d’adjectifs).
5. Adjectifs
Les adjectifs en –ing (disturbing, approving, worrying) sont également dérivés des verbes correspondants, mais présentent des degrés différents d’adjectivation. Des trois occurrences dans le texte, worrying et disturbing sont les plus proches de l’adjectif prototypique, étant gradables (very worrying, more worrying, et pouvant être attribut ou épithète (the implications are worrying / worrying implications). Approving a un degré d’adjectivation moindre (? very approving / an approving noise mais ??the noise is approving.
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“SHALL” et “WILL”
A. Hypothèses et remarques
A-1. Distribution selon les personnes ?
Retrouve-t-on ici un état idéalisé de la langue dans lequel shall s’emploie avec des sujets de 1ère personne et will avec des sujets de 2e et de 3e personnes ?
Non :
1.1. les deux occurrences de will ont un sujet de 1ère personne ;
1.2. les occurrences de shall, de should et de would ont une distribution qui couvre les 3 personnes.
A-2. Expression du futur ?
La futurité peut être présente – cf. l. 90, I will place you where you shall hear us […].
Mais même si elle est pertinente elle est toujours colorée d’autres valeurs sémantiques.
l. 101, I will seek him, expression d’un consentement [glose : I’m prepared to seek him].
l. 99, I would unstate myself to be in a due resolution.
[I’d be prepared to… modalité radicale dynamique : disposition du sujet I]
On admettra que l’emploi des modaux will / shall n’est pas destiné à construire un temps grammatical qui entrerait dans un système de représentation du temps chronologique, découpé en passé-présent- futur.
A-3. Etymologie
La problématique pourra s’appuyer plus fermement sur une opposition sémantique, éventuellement construite sur l’étymologie. Will vient d’un verbe (willan), qui signifie vouloir ; shall d’un verbe (scealan) qui signifie devoir.
A-3.1. Convergence sémantique
Ce que les deux verbes ont en commun : l’expression d’un hiatus entre un état de fait donné et un état de fait visé (selon les étymons, qui à l’origine renvoient respectivement à un état de fait voulu [will] ou à un état de fait contraint [shall])… La grammaticalisation de ces verbes tend à s’accompagner d’une désémantisation, qui rend leur sémantisme plus abstrait. De ce hiatus et de la visée vient une prédisposition à exprimer le futur. La visée correspond à une dévirtualisation de la relation prédicative : elle implique une pertinence prépondérante de [l’accès à] la validation.
ex. l. 101, I will seek him, / l. 91, where you shall hear us confer of this. Les relations prédicatives ne sont pas validées, mais c’est leur validation qui est envisagée.
Will et shall ont en commun une orientation vers la validation de la relation prédicative qu’ils nouent.
A-3.2. Divergences sémantiques
Le sémantisme d’origine, rendu plus abstrait par la grammaticalisation, implique par ailleurs une divergence marquée entre will et shall.
– Du sémantisme du vouloir (will) s’abstrait en will l’expression d’une congruence / d’une concordance a priori entre sujet let prédicat. Le sémantisme de will favorise l’expression d’une modalité radicale dynamique (expression des dispositions ou des caractéristiques du sujet)
– Du sémantisme du devoir (shall) s’abstrait une absence de congruence / de concordance a priori entre sujet et prédicat. Le sémantisme de shall favorise l’expression d’une modalité radicale déontique (dépendance par rapport à une norme) et, plus généralement, d’une dépendance externe.
B Typologie (peut se réaliser selon une multitude d’oppositions ou de regroupements : cf. § A-3)
B-1. Will (deux occurrences) [orientation vers la validation de la relation prédicative et congruence a priori entre sujet et prédicat]
l. 90 I will place you where you shall hear us confer of this […] [I am prepared to place you…]
l. 101 I will seek him, sir, […] [offre de service, expression d’un consentement]
Conclusion : deux occurrences de modalité radicale dynamique.
B-2. Shall (quatre occurrences) [orientation vers la validation de la relation prédicative et non congruence a priori entre sujet et prédicat]
l. 79 If it shall please you to suspend your indignation […]
[L’énonciateur s’en remet à l’arbitraire du co-énonciateur : dépendance externe]
l. 91 I will place you where you shall hear us confer of this […]
[dépendance externe : 1. dépendance par rapport à la mise en scène de la principale (I will place you somewhere) 2. l’énonciateur se porte garant de la validation de la relation prédicative]
101
l.02 I will […] convey the business as I shall find means […]
[dépendance annoncée par rapport aux circonstances]
l. 115 Find out this villain, Edmund; it shall lose thee nothing. [dépendance externe : engagement de l’énonciateur]
Conclusion : dépendance externe et / ou arbitraire énonciatif systématique
B-3. Would (4 occurrences) [cf. Will, B-1 + rupture marquée par -ed]
l. 52 If your father would sleep till I waked him, you should enjoy half his revenue […]
[Pas d’indice linguistique de dépendance externe : bonne disposition du père – sommeil éternel ; seul –ed marque que l’accès à la validation de la relation n’est envisagé qu’au prix d’un écart]
l. 64 […] in respect of that, I would fain think it were not.
[glose : would rather ; inclination du sujet : modalité radicale dynamique]
l. 83 where, if you violently proceed against him, mistaking his purpose, it would make a great gap in your own honour […]
[développement prévisible / congruence + orientation vers la validation + modalité épistémique; -ed se justifie pour exprimer un écart : cf. l. 52 ; cette voie est envisagée, mais n’est pas recommandée par l’énonciateur]
l. 99 I would unstate myself to be in a due resolution.
[I’d be prepared to… disposition du sujet : modalité radicale dynamique]
B-4 Should (cinq occurrences) [cf. Shall, B-2 + rupture marquée par -ed]
Deux emplois déontiques :
l. 73 […] the father should be as ward to the son and the son manage his revenue.
[Norme de l’énonciateur / modalité déontique]
l. 82 […] you should run a certain course;
[Norme de l’énonciateur / modalité déontique – conseil]
Deux emplois en contexte hypothétique :
l. 53 / 55 If your father would sleep till I waked him, you should enjoy half his revenue […] [dépendance par rapport à l’hypothèse / la protase; même justification de -ed dans tout le système hypothétique]
l. 131 Fut! I should have been that I am had the maidenliest star in the firmament twinkled on my bastardizing.
[Dépendance par rapport à la protase / subordonnée hypothétique + point de vue rétrospectif (cf. aspect perfect) => irréel du passé / contrefactuel ; c’est le seul cas où on pourrait considérer que la première personne influe sur le choix de should… mais la dépendance par rapport au circonstant et l’arbitraire énonciatif ont en définitive un plus grand pouvoir généralisant]
B-5 L’ambiguïté de ’LL
l. 77 I’ll apprehend him. Trois interprétations :
1. neutralisation de l’opposition shall / will et anticipation ;
2. I want to apprehend him / Je tiens à l’arraisonner … ’ll = will (volition, modalité radicale dynamique) ;
3. I must apprehend him / Il faut que je l’arraisonne… ’ll = shall [modalité radicale déontique]
Lolita, I, ch. 25-26, p. 121 (“There’s a touch of the mythological” …) à 123 (… “Repeat till the page is full, printer.”) : typologie et analyse détaillée des formes en « WH- »
Sémantique de l’indétermination
Wh- signale un vide de détermination, ce qui implique un déficit référentiel. On décrit également les mots en wh- comme opérateurs de parcours : parcours sur un ensemble, sur un paradigme, caractérisé par l’indétermination, et précisé à droite par le sub-morphème combiné à wh-. Ainsi, dans le cas de where, le parcours s’opère sur le paradigme des lieux ; dans le cas de when, sur le paradigme du temps.
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TEMPS & ASPECTS `
vs. ASPECT TEMPS CHRONOLOGIQUE passé/présent/futur TEMPS GRAMMATICAL = marque/flexion sur le SV = façon dont l’énonciateur envisage le déroulement de l’action -Ø/-s (présent) // -ED (prétérit) BE + -ING, HAVE + -EN (+ BE + -EN (passif) pour certains auteurs) Ces définitions ne doivent pas être pour le candidat l’occasion de « plaquer » son cours. En revanche, le candidat pourra dès l’introduction faire remarquer que le texte politique en question est un manifeste qui dresse un bilan critique des années passées, effectue un état des lieux de la situation présente, et envisage l’avenir. Il est donc inévitable que l’on trouve dans ce texte une représentation des différents temps et aspects disponibles en anglais. Typologie : 1. LES TEMPS Il convient de rappeler l’évidence ; les temps ne sont que deux en anglais : le présent (-Ø/-S) et le prétérit (-ED), que l’on retrouve bien évidemment dans le texte. Il était attendu du candidat qu’il propose une valeur de base, déclinée en différents emplois tels qu’utilisés dans le texte et non dans l’absolu, en faisant systématiquement le lien avec les visées communicatives de l’énonciateur : LE PRESENT (Ø/-S) : expression d’un point de vue global sur un événement en lien avec la situation présente Lien avec la situation d’énonciation : The complete collapse of the coalition Government at length gives the Electors an opportunity (l. 1), the nation demands (l. 24), not by what they now say (l. 35), The Liberal Party rejoices that there is now general assent to the Irish settlement (l. 38) Présent de vérité générale : utilisé par l’énonciateur afin de définir le rôle, présenté comme constant, du libéralisme et du Parti libéral : Liberalism repudiates the doctrine of warfare against private enterprise (l. 54) ; It stands for suivi d’une série de syntagmes nominaux (l. 57), it sets the well-being of the community (...) above the interests of any particular section of class (l. 84, cf. emploi du mot essence), it is this spirit which distinguishes Liberalism from any other political party (l. 86) Futur chronologique (l’énonciateur imagine une situation validée dans le futur) : unless and until (...) National Finance is placed upon sure foundations by a course of rigorous economy. (l. 81) (forme verbale employée dans une proposition subordonnée introduite par until) LE PRETERIT (-ED) : expression d’une rupture avec la situation d’énonciation (point de vue global lorsqu’il est simple) Permet de situer une action dans le passé (rupture chronologique) : were (l. 10) ; gave (l. 8), needed (l. 17), did so (l. 33), denied, ridiculed (l. 34), formed, supported, did (l. 35-36), for a year was engaged (l. 40), aroused, pressed, denounced (l. 42-43-45), brought (l. 48) L’énonciateur relate ainsi une série d’événements passés, présentés de façon factuelle et objective (passé historique). Ces exemples s’opposeront naturellement aux exemples au present perfect (cf. infra) Prétérit irréel / modal, qui permet d’exprimer une rupture avec la situation : would (will + -ED) be easy (l. 75): to follow the example of others n’est pas le cas à l’instant d’énonciation, mais si tel était le cas, est alors posé comme easy [emploi rhétorique]. Changement de plan énonciatif (parfois appelé concordance des temps) : the warning which Liberal leaders then gave that the continuance of Coalition meant the abandonment of principle and the substitution of autocratic for Parliamentary Government. (l. 8) 2. LES ASPECTS Il est important que le candidat fasse remarquer que l’aspect vient se combiner avec le temps grammatical employé et ne doit donc pas être présenté comme un emploi décroché de tout repère temporel. BE + V-ING : 1 seule occurrence dans le texte : It is this spirit which distinguishes Liberalism from any other political party which is now appealing for electoral support (l. 87). On retrouve une des valeurs habituelles de la forme, à savoir la valeur d’imperfectif : le procès appeal a commencé mais n’est pas terminé. On pourra également penser à la valeur anaphorique évoquée par certains auteurs : l’énonciateur commente ici l’appel du Parti libéral (on opposera alors la forme en BE + V-ing à la forme simple, qui correspondrait alors à un emploi performatif : We appeal) HAVE + V-EN : très présent ici car l’énonciateur effectue un bilan de la situation présente comme résultant d’événements/décisions passés (et critiqués). L’emploi de cet aspect, par opposition à l’emploi du prétérit simple, amène l’énonciateur à dresser : Le bilan des années écoulées (Coalition 1918 -1922) : has dominated (l.5), have since happened (l. 12), have spent (l. 20), have shown (l. 21), have been (l. 29), have hampered during the last four years (l. 50), has been, has fought (l. 51) Ces exemples s’opposent aux exemples au prétérit. Là où le prétérit présente l’événement comme situé dans le passé et donc simplement décroché de l’instant présent, HAVE + -EN permet de focaliser sur les conséquences de l’événement passé sur l’instant présent (= nous en sommes là à cause des actions menées ces quatre dernières années). Un bilan plus large (historique du Parti libéral : engagement passé lié à des promesses d’engagement à l’instant d’énonciation et pour l’avenir) : has fought, challenged, stood (l. 31- 32). (On pourra parler de present perfect d’expérience, qui permet ici de dresser un bilan historique) Une focalisation sur l’instant présent : has now broken up (l. 5-6) : la situation présente est critique ; break up a été validé dans le passé, mais on s’intéresse au résultat has become (l. 27) : importance du résultat (l’économie est aujourd’hui un watchword)
(the moment) has come (l. 87) : retour à l’instant présent, présenté comme crucial.
L’expression d’une situation validée/accomplie dans le futur : until… has been established (l. 79). On retrouve ici en réalité le présent (present perfect) dans une subordonnée temporelle en until, et la présence de HAVE +-EN permet de construire cet événement comme accompli au moment de l’événement mentionné dans la principale.
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LES FORMES NOMINALISEES DU VERBE
Les questions soulevées par ce sujet peuvent être résumées ainsi :
o Qu’est-ce qu’un N/V, et qu’une forme « nominalisée » ? Quels sont les critères (notamment morphosyntaxiques) qui permettent de les définir ou de les reconnaître ?
o On peut également se poser la question de leur analyse sémantique : que reste-t-il du V dans une forme « nominalisée » ?
On trouvera ci-dessous quelques pistes d’analyse.
∙ V/ N = QUE SONT LES FORMES NOMINALISEES ?
Une forme nominalisée d’un V est une forme verbale qui se trouve « transformée » en N dans le cadre d’un contexte ou d’un usage donné. Il s’agit donc de définir ce que cela peut recouper, et de donner des critères d’analyse.
Pour définir la « nominalisation », on pourra s’appuyer sur des critères morphosyntaxiques « classiques » :
Distribution : environnement syntaxique. La présence d’un article, d’un adjectif pré-modifiant la forme à étudier, indique un fonctionnement nominal, ex. l. 2 a rumble.
Substitution : une forme verbale nominalisée peut être remplacée par un N ou un pronom : ex. so chary of running risk (31) = so chary of it.
Morphologie : les formes nominalisées ou nominales adoptent la morphologie du N, ex. rumbles became rattles (l. 10), où le –s est le –s du pluriel nominal.
Une forme nominalisée du V provient d’un verbe : on pourra éventuellement discuter de la difficulté, notamment, sans dictionnaire, et en synchronie, de savoir s’il s’agit d’une forme nominalisée du V, ou d’une forme verbalisée du N, voire d’une forme indifférenciée : il faut que la base que l’on retrouve dans le nom soit également verbale, mais l’ordre d’apparition de l’une et de l’autre forme n’est pas toujours immédiatement apparent. On note un grand nombre de formes dans le texte pouvant être soit N, soit V : par ex. form (13), light (23), risk (32), ground (36), stack (33), sound (72), chain (34), move (2), promise (55), neglect (56), light (23), light (72), sound (72), etc., sont tous potentiellement, hors présence de marques morphologiques et hors contexte, ou bien verbales ou bien nominales. On peut rappeler quelques critères possibles : historiques (avant tout ?), les types de gloses possibles (e.g. a flash = something that flashes), éventuellement le sémantisme (voir infra).
On pourra également comparer les formes nominalisées du V et celles des propositions, mais il ne s’agit pas de glisser vers une analyse complète des propositions. Les formes en V-ing sont ici parfois des formes nominalisées du V seulement (ricking-rod (20), tethering chains (34). V-ing permet de nominaliser toute une proposition : worked entirely by feeling with his hands. (18) / so chary of running risk (31) / Fancy finding you here at such an hour = test fancy that, toute la proposition a un statut nominal (57), mais le verbe en V-ing conserve son statut verbal (cf. you COD de finding).
On pourra rappeler aussi à quoi sert une forme nominalisée du V : elle permet de faire entrer une forme verbale dans une position verbale dans la phrase (ex. polished by handling (18) la nominalisation permet de faire entrer handling dans une construction prépositionnelle).
Il est également possible d’évoquer des degrés de lexicalisation, ainsi flash(es) est une entrée de dictionnaire, handling, avec V-ing, ne l’est pas forcément.
∙ DIFFERENTS TYPES DE NOMINALISATION PRESENTS DANS LE TEXTE
(NB. Seuls les types de nominalisation présents dans le texte doivent être étudiés).
On trouve principalement :
- V-ing
- V+-ion
- Un nom d’agent, formé ici avec le suffixe -or
- Et un grand nombre de conversions
V-ING.
Il est également possible de discuter du statut sémantique de –ing ; a-t-il une dimension encore proche de la valeur aspectuelle de BE +V-ing ici ou s’agit-il d’un «simple» convertisseur N/V dans les exemples du texte ?
-ION.
On pourra s’appuyer sur reverberation pour montrer que le suffixe nominalisant est plutôt – ION et pas –ATION, puisque –AT(E) est déjà dans le verbe (reverberate).
On pourra aussi noter la présence de confusion (15), direction (13), position (11). Le degré de nominalisation est éventuellement plus grand qu’avec –ING, dans la mesure où ces mots ici n’ont pas de complémentation verbale.
Le degré de transparence de la formation peut être discuté (position), s’il ne l’a pas encore été.
Une dimension phonétique peut également être abordée (modification du schéma accentuel en raison de la présence du suffixe, « lion rule » : reverberate /0100/ mais reverberation /02010/).
N D’AGENT : Il n’y en a qu’un seul dans le texte : lightning-conductor (38). Le suffixe n’est pas ici –er mais –or, mais il sert bien à indiquer celui qui V : a conductor is someone/ something who/ which conducts something. On note ici que le verbe conduct garde « sa » complémentation, conduct lightning. On a ici la création d’un nom composé.
CONVERSION. On en trouve un grand nombre dans le texte : rumble (2), peal (4), rumbles (10), rattles (10), smack (25), spring (40), shout (40) …. et le cas remarquable dans le texte de support utilisé comme verbe et comme nom l. 22. On peut discuter du statut de nominalisation du V pour des formes converties, dans la mesure où il n’y a pas de marquage (formes « indifférenciées » ?), mais on constate bien que la position syntaxique ainsi que la morphologie sont nominales (voir supra). Les types de rapport sémantique entre les deux formes, verbales et nominales, peuvent être discutés, ainsi que leur degré de transparence (ex. drop « goutte » (28) et drop « tomber » : lien, mais spécialisation du sens). Voir Tournier : 2004 à ce sujet.
∙ FORMES NOMINALISEES ET SEMANTISME :
Il est possible également d’analyser la question sémantique, si elle n’a pas été abordée avant :
Dans quelle mesure le fait d’avoir un N provenant d’un V signifie que l’on a toujours des « procès » ? C’est le cas de flash, rattle, rumble, etc. Ce n’est pas celui de drop (ou plus
indirectement)
On peut également organiser la présentation à partir de la notion de gradient : gradient morphosyntaxique (+/- verbal / nominal), et gradient sémantique, éventuellement.
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la référence à l’avenir : Will Shall/ /Should
Introduction/Définition du sujet: Si ces formes verbales ont été regroupées dans ce sujet, c’est parce qu’elles ont en commun de pouvoir exprimer la référence à l’avenir, mais elles appartiennent à des catégories différentes. Will/Would, Shall/Should sont des auxiliaires modaux, qui ont d’autres emplois. Be going to est un semi-auxiliaire, grammaticalisé. Il est donc nécessaire de comparer ces formes quand elles font référence à l’avenir, d’étudier les autres emplois des modaux dans ce texte ainsi que la valeur des formes passées de ceux-ci.
I– Will / Would - Be going to et la référence à l’avenir
Will / Would : 2 exemples de ce type sont présents dans le texte, l’un avec le modal au présent et l’autre avec le modal au prétérit :
l.55 We will leave him out : Will exprime la prédiction d’un événement à venir (le petit propriétaire ne sera pas imposé), résultat d’une décision, prise par we : le référent du sujet grammatical est un animé humain en position de prendre une telle décision (Lloyd George et les Libéraux sont au pouvoir). La référence à l’avenir est donc associée à une valeur modale, celle d’une acceptation dans le contexte : l’énoncé est en effet prononcé à l’issue d’un débat, en réponse aux critiques des Conservateurs (cf. …we were so very impressed … that at last we said…).
l.74 : Would, la forme prétérit du modal apparaît dans une proposition complétive : I made up my mind […] that no lot would be harder : la prédiction est à nouveau liée à une décision du sujet énonciateur (I), c’est-à-dire Lloyd George dans sa préparation du budget, ce qui le conduit à asserter la non-réalisation de . Par ailleurs, la forme passée du modal est due à la concordance des temps puisque le verbe recteur est au prétérit. Il n’y a donc pas qu’une prédiction pure ici, mais une prédiction liée à une valeur modale affaiblie. (Le modal will a pour origine willan en vieil-anglais, vouloir).
Be going to
La périphrase verbale est présente de façon répétée (5 fois) à l’intérieur du même paragraphe, l.11 à 22, faisant suite à une structure conditionnelle :
if we proceed they will cut down their benefactions and cut labour ; What is the labour they are going to choose for dismissal? Are they going to devastate rural England by feeding and dressing themselves? Are they going to reduce their gamekeepers?[…] But that is not the kind of labour they are going to cut down. They are going to cut down productive labour […] and they are going to ruin their property…
. Be going to est une forme grammaticalisée ayant pour origine le verbe go associé à l’aspect be+-ing. Sa valeur de base est d’indiquer un lien avec le présent, l’événement est prévisible à partir de la situation présente : ici, l’énonciateur ayant exprimé sa volonté présente de proceed (c’est-à-dire d’imposer les propriétaires terriens), l’hypothèse est vue comme allant se réaliser, et donc également sa conséquence (they will cut down labour). Nous pouvons noter que tous les énoncés en be going to font suite à l’expression de cette conséquence et la reprennent comme étant en voie de réalisation tout en discutant les modalités de sa réalisation.
Be going to peut-il également exprimer une intention ? Cette valeur peut être construite par le contexte. Pour qu’il y ait intention, le sujet grammatical doit être un animé humain agent, c’est-à-dire réalisant une action nécessitant sa volonté consciente ; c’est bien le cas ici, mais l’intention a surtout été exprimée par threaten, dans le cotexte gauche (l.9 They go on threatening that if we proceed…). Et c’est parce qu’il y a eu cette menace que l’on peut considérer les événements comme prévisibles dans la situation présente.
La référence à l’avenir ne se fait donc pas de la même façon avec will /would et be going to.
Les autres emplois de will ou de would se trouvent dans des structures conditionnelles. II- Will / Would dans un système hypothétique :
2 occurrences de will se trouvent dans des phrases complexes conditionnelles comportant une subordonnée en if explicite, au présent :
l.9-10 […]: if we proceed , they will cut down their benefactions and cut labour
l.31-32: if they cease to discharge (1) their functions […] / (2) those functions, the time will
come to reconsider the conditions under which the land is held in this country
Dans les deux exemples, la subordonnée en if exprime une hypothèse de l’ordre du possible,
et will dans la matrice va permettre d’indiquer une référence à l’avenir certes, mais il s’agit en fait de l’ultériorité temporelle et logique de l’événement conséquent à l’hypothèse : will revêt alors une valeur implicative et la référence à l’avenir est différente de celle présente dans les exemples précédents.
Would se rencontre à deux reprises :
l.15: Are they going to reduce their gamekeepers? Ah that would be sad!
l.18-19: What would happen in the season?
Nous avons ici une hypothèse implicite récupérable dans le contexte : if they reduced their gamekeepers, indiquée dans le cotexte droit comme étant contraire à l’attente (l.20 : But that is not the kind of labour they are going to cut down), la présupposition est donc non réelle, et le modal va exprimer à nouveau que l’événement ou le jugement exprimé dans la matrice résultent de cette hypothèse ; il est au prétérit cette fois, pour marquer la valeur de non-réel.
III-Shall /Should:
Ces deux formes apparaissent dans les subordonnées de phrases complexes, à l’exception d’un exemple. Les types de subordination peuvent jouer un rôle dans l’emploi du modal, et c’est ce critère qui guide le classement ci-dessous.
Should dans une phrase simple :
Cette seule occurrence apparaît dans une phrase interrogative introduite par why : l.62: Why should I put burdens on the people?
Tout le contexte montre que ceci est contraire à la volonté de l’énonciateur et l’emploi de why correspond à une mise en cause, un rejet d’une norme imposée ou voulue par d’autres. On retrouve ici la valeur de contrainte que l’on a dans shall/should (liée à l’origine du modal sculan en vieil-anglais, devoir) mais dans un emploi polémique. La forme passée marque une désactualisation : la norme ne sera pas réalisée.
Shall/should dans les subordonnées
Shall apparaît dans une subordonnée de but : l.23: […] so that it shall not be taxed.
Il permet de faire référence à l’avenir et il est employé dans ce cas pour marquer le virtuel (deux valeurs inhérentes à la notion de but) et faire la distinction avec le factuel/conséquence, ce qui serait exprimé avec une subordonnée sans modal introduite par so that; shall utilisé ici avec un sujet de 3ème personne permet de marquer une forte valeur de contrainte. La subordonnée ayant une polarité négative, le but est d’empêcher l’actualisation du procès dans l’avenir; un autre modal serait possible, avec une autre valeur associée au virtuel (par exemple, so that it won’t be taxed, emploi comparable au will vu en I., ou so that it can’t be taxed : impossibilité).
Should apparaît à deux reprises dans des subordonnées complétives de matrices à contenu directif :
l.66: God forbid that I should add one grain of trouble…
l.72-73: I made up my mind […] that at any rate no cupboard should be barer.
Remarques.
1) Should/Would apparaissent successivement, régis par la même matrice, I made up my mind […] that at any rate no cupboard should be barer, no lot would be harder. (l. 73-74) Should ou le subjonctif ne sont pas obligatoires grammaticalement dans les complétives de matrice directive, et celles-ci permettent d’avoir un would de prédiction vu en I. Il faut noter les valeurs différentes des formes passées de ces deux modaux dans le contexte : si l’on avait un present perfect au lieu d’un prétérit dans la matrice, should serait maintenu (forme désactualisée), mais c’est will qui serait utilisé dans la 2ème subordonnée : I have made up my mind that no cupboard should be barer, that no lot will be harder. ; la forme passée du modal will dans le texte est en effet due à la concordance des temps et non à une valeur de désactualisation.
2) Dans ce texte, les shall/should sont tous utilisés dans des phrases dont la polarité négative est explicite (grammaticale ou lexicale) ou implicite : l’interrogative en why (l.62) est une question rhétorique et pourrait être reformulée par une phrase négative : there is no reason why I should. Les différentes constructions indiquent ainsi que c’est la non-réalisation de différents événements qui est visée.
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Les formes en –ing
-ing est un morphème de dérivation qui permet la création de noms et d’adjectifs. C’est aussi, plus largement, un opérateur de nominalisation qui donne un statut nominal à un verbe, un prédicat, une relation prédicative, une phrase entière. Nous étudierons successivement sa fonction de morphème de dérivation, puis, dans un deuxième temps, sa fonction d’opération de nominalisation et le continuum auquel il peut être associé. Nous tenterons de déterminer la nature du lien qui existe entre toutes ses utilisations et fonderons notre analyse sur le corpus suivant :
1. That morning Arvo’s wife had rung at the theatre, where she was directing the rehearsals of Ostroky’s The Dragon (1).
2. She was not to be interrupted in rehearsal. She was having particular difficulty with one of the leads (4)
3. An actress who needed directing with a hand of iron (5).
4. She had seen her ruin several fine plays by acting everybody else off the stage (7)
5. [she] was determined that it wasn’t going to happen in this production (7).
6. Nothing (8)
7. During (9)
8. [he] blamed it on his wife’s drinking (11)
9. she had enough of to-ing and fro-ing (13)
10. He countered by saying that P (14).
11. She waited […] after showering (15-16)
12. Without removing their wrapping (21)
13. This morning (23)
14. You go to Moscow by going to Moscow (34)
15. Charcoal was blazing in two braziers (41).
16. She felt a sinking as in an aeroplane (43)
17. [She] sipped at the red wine. You don’t mind me drinking ? (50)
18. I had some hard thinking to do (55).
19. [I] had the abortion without telling you (56)
20. [I] rang you after coming out of the clinic (57).
21. The whole week had been like walking round under a dark cloud (57).
22. I was so understanding. (58).
23. That evening (59).
Introduction
EXTRAITS DE BONNES COPIES
« -ING est un suffixe, il peut être soit un suffixe dérivationnel, soit un suffixe flexionnel. Un suffixe flexionnel concerne la grammaire : -ING peut s’ajouter à un verbe pour former un gérondif, un participe présent ou la forme en BE + -ING. Ces formes sont des formes non finies du verbe. D’autre part, -ING peut être un suffixe dérivationnel (qui concerne le lexique), c’est-à-dire qu’on peut l’ajouter à un verbe pour former une nouvelle unité lexicale, par exemple un adjectif : interesting, ou un nom, a building. Mais la frontière entre flexion et dérivation s’amenuise en ce qui concerne la forme en –ING car c’est un suffixe qui provoque une lexicalisation plus ou moins importante. En effet, un participe présent ou un gérondif sont des formes verbales (non finies) qui vont dans le sens d’une lexicalisation de la forme initiale. Lexicaliser, c’est faire entrer une forme dans le lexique, autrement dit dans le dictionnaire. Mais il y a différents degrés de lexicalisation. Nous essaierons de montrer, à travers les exemples du texte, si ces formes verbales impersonnelles ont un fonctionnement identique à celui de noms ou pas, et si les formes en –ING en général ont le même rôle que les noms ou pas. Nous allons tenter de trouver quel est le fonctionnement des différentes formes en –ING, et pour cela nous allons relever les exemples et les classer. »
« La forme –ING est une forme dépendante et neutre. La forme –ING provient d’une fusion entre les participes présents en –ENDE et les noms féminins du vieil anglais en –UNG. Cet affixe peut être flexionnel ou dérivationnel. Il peut en effet s’affixer à un verbe et donner un mot qui appartiendra au domaine verbal ou bien il peut donner un mot dont la catégorie syntaxique sera différente. Ainsi, l’affixation de -ING à un verbe pourra donner des adjectifs ou des noms. Dans le domaine verbal, l’affixation de -ING à un verbe permet la création de l’aspect inaccompli, du participe présent et du gérondif. Cependant, ces deux frontières sont poreuses dans la mesure où la distinction entre gérondif et nom verbal est quelquefois difficile. Comment ces formes fonctionnent-elles syntaxiquement et sémantiquement ?
Nous traiterons tout d’abord de -ING adjectivant et nominalisateur puis des formes verbales que sont l’aspect inaccompli, le gérondif et le participe présent. »
I/ -ing morphème de dérivation
-ing morphème de dérivation adjectivale
-ing peut apparaître, d’un point de vue lexicologique, comme un morphème lié de dérivation adjectivale (« adjectif déverbal » ou encore «adjectif verbal »). Nous en avons un exemple ligne 58 (ex. 2) : I was so understanding. La dérivation est clairement effectuée à partir du verbe understand. [Quelle différence y a-t-il entre cette forme adjectivale et la forme be V-ing que nous pourrions rencontrer en l’absence de l’intensifieur so — qui confirme la nature adjectivale de understanding?
L’utilisation de l’aspect be V-ing serait ici liée à la situation particulière dans laquelle se trouverait le personnage représenté par le sujet I. L’énonciateur effectuerait alors un commentaire sur l’activité mentale du sujet, par le biais de l’aspect, transformant un verbe ponctuel en verbe de processus et signifiant par la même que le procès n’était pas parvenu à son terme au moment de référence. On pourrait imaginer que l’énoncé comporte un adverbe de type gradually pour mettre l’accent sur cette transformation d’un procès ponctuel en procès dynamique.]
En revanche, quand –ing est morphème de dérivation adjectivale, le verbe qui le porte perd tout dynamisme et l’adjectif ne renvoie plus qu’à une qualité, une propriété ponctuelle ou permanente du sujet auquel il est attribué. [Ce n’est plus une situation qui sert de référence, mais une ou plusieurs, voire toutes. L’adjectif ne convoque pas la création d’un repère, rôle dédié au contexte et à be aux ou be copule, dans le cas de be V-ing.]
V-ing est alors lexicalisé, comme c’est le cas dans l’exemple 2, et stabilisé notionnellement parlant, understanding étant ici glosable par son synonyme approché, sympathetic.
-ing morphème de dérivation nominale
-ing a aussi pour aptitude de pouvoir créer des noms (action nominal). [Il existe d’ailleurs plusieurs –ing en diachronie.] Nous nous appuierons sur les exemples suivants :
8. [he] blamed it on his wife’s drinking (11) 9. she had enough of to-ing and fro-ing (13) 12. Without removing their wrapping (21) 16. She felt a sinking as in an aeroplane (43) 18. I had some hard thinking to do (55).
? Morning, evening, nothing, during
Dans chacun des exemples numérotés, V-ing se présente sous la forme d’un nom renvoyant à une activité, et en tant que tel, le plus souvent indénombrable (uncountable, fonctionnant en continu compact) — wrapping admettant une forme plurielle wrappings, de sens légèrement différent de l’emploi continu. Ce nom accepte la détermination par le génitif (exemples 8, 12),
le déterminant Ø (exemple 9), le déterminant à fonctionnement symbolique a (exemple 16) ou encore le déterminant indéfini some (exemple 18).
Comme le nom, il peut être qualifié par un adjectif : his wife’s constant drinking ; she had enough of this uninterrupted to-ing and fro-ing ; without removing their beautiful wrapping; she felt a sudden sinking; I had some hard thinking.
Il pourrait d’ailleurs également être suivi d’une relative ou d’une complémentation prépositionnelle, comme le nom.
La plupart de ces noms, à l’exception de sinking, sont répertoriés dans le dictionnaire, [et correspondent aussi à des noms créés par nominalisation en français: alcoolisme, tergiversations, allées et venues, emballage, réflexion].
Sinking ne semble pas fonctionner de la même façon. La nominalisation en –ing ne stabilise pas la valeur notionnelle du verbe qui la porte et il conserve en partie son dynamisme. Ceci est renforcé par l’utilisation conjointe du déterminant a et du complément prépositionnel comparatif as in an aeroplane. Ce complément crée une situation de référence dans laquelle peut se ressentir sinking. En tant que stimulus, sinking doit donc conserver un dynamisme intrinsèque qui bloque sa dérivation en nom lexicalisé. Il ne renvoie pas à un concept mais à un ressenti événementiel, l’occurrence de sinking signalée par le déterminant a étant envisagée comme expérienc e virtuelle.
La question se pose également pour to-ing and fro-ing, nom fondé sur deux adverbes coordonnés, to and fro, généralement associés à un verbe de mouvement. Son utilisation est ici à la frontière du verbal et du nominal et le segment pourrait tout aussi bien être interprété comme une nominalisation, et inclure un adverbe (constantly). La décomposition du segment en deux directions opposées mais complémentaires, to-ing et fro-ing, est responsable de ce dynamisme résiduel. Ce qu’implique –ing, c’est la validation in-finie du schéma binaire, dans toutes les situations déjà existantes. Le sujet potentiel du verbe sous-jacent ne serait pas le sujet she mais vraisemblablement Arvo. En ne le mentionnant pas, l’énonciateur passe des situations spécifiques ante à une généralisation du processus, pour aboutir à la création d’un concept. En tant que concept, to-ing and fro-ing devient un nom, d’ailleurs présent dans le dictionnaire (Oxford Advanced Learner’s Dictionary, 7th ed.).
II/ Betps V-ing
Betps V-ing provient de l’association de la préposition on avec V-ing, on signifiant alors une intériorité glosable par in. Le sujet était conçu comme placé à l’intérieur de l’idée exprimée par V-ing, cette idée étant par essence fondée sur une abstraction induisant la nominalisation V-ing réclamée par la préposition. Notre corpus comporte quatre occurrences manifestant l’emploi de l’aspect betps V-ing.
1. That morning Arvo’s wife had rung at the theatre, where she was directing the rehearsals of Ostroky’s The Dragon (1).
2. She was not to be interrupted in rehearsal. She was having particular difficulty with one of the leads (4)
5. [she] was determined that it wasn’t going to happen in this production (7)
15. Charcoal was blazing in two braziers (41).
Les énoncés 1 et 15 peuvent être regroupés. En effet, les propositions comportant l’aspect betps V-ing incluent des précisions concernant un lieu posé antérieurement. 15 est également glosable par une relative appositive :
1. That morning Arvo’s wife had rung at the theatre, where she was directing the rehearsals of Ostroky’s The Dragon (1).
15. On either side of the entrance to the Mannerheim, where charcoal was blazing in two braziers (41).
V-ing y est mis en relation avec le sujet grammatical par be, en fonction d’auxiliaire, portant la marque du temps (ici, le prétérit de narration). Le sujet n’est pas vu comme faisant une action, mais comme objet de discours focalisé, décrit par l’énonciateur. Ces structures aspectuelles ne déroulent pas la dynamique événementielle mais font état d’une situation existant au moment précis où l’énonciateur choisit d’en décrire une composante. La transitivité de direct et celle, moins évidente, de have sont ainsi bloquées par l’opération de commentaire prise en charge par l’énonciateur. [Le français passerait d’ailleurs ici du passé simple, utilisé en narration, à l’imparfait, temps de la focalisation commentée, de l’arrêt du dynamisme verbal.]
Nous constatons que dans l’énoncé 1, the theatre, lieu de travail d’Eva, inclut par définition une série d’événements potentiels pouvant s’y dérouler : répétitions, spectacles, etc. She was directing the rehearsals of Ostroky’s The Dragon nous renseigne sur la nature de l’activité en cours, à un moment donné, ponctuel — mais inclus dans un ensemble plus vaste par le pluriel porté par rehearsals — dont on peut penser qu’il est celui de l’appel téléphonique (had rung). Direct est un verbe dynamique, un verbe de processus. La présence conjointe de be et de –ing modifie son fonctionnement et permet de saisir l’action à un moment particulier de son déroulement, puis de focaliser sur elle en arrêtant le procès. L’on peut voir là une valeur imperfective de betps V-ing dans la mesure où, si la borne de gauche du procès a bien été franchie, la stase prédicative ne permet pas d’envisager la complétude du procès (la situation sert de cadre aux événements qui s’y déroulent) — ou une activité permettant de décrire le sujet grammatical.
Dans l’exemple 15, be tps V-ing a une valeur clairement imperfective.
La glose de l’exemple 2 est différente. Nous serions tentée de voir dans la seconde proposition une justification du dire contenu dans la première, glosable par le subordonnant since :
She was not to be interrupted in rehearsal since she was having particular difficulty with one of the leads (4)
La seconde proposition apparaît alors comme une justification a posteriori de la première, son contenu informatif précisant et justifiant la raison pour laquelle Eva refusait d’être interrompue. Cette proposition émane directement de l’énonciateur / narrateur et vise à informer le lecteur supposé en décrivant l’un des éléments contenus dans la situation rehearsal. Elle ne se situe pas dans la chronologie de la narration, mais sur un plan décalé, celui de la relation fictionnelle narrateur / lecteur supposé. Il s’agit ici d’un aparté discursif et non pas d’une progression diégétique. À ce titre, betps V-ing confirme son caractère anaphorique [au service de l’analepse]. Dans le même temps, l’aspect dit aussi que le procès have difficulty est saisi en cours de déroulement, en concomitance peut-être avec l’événement had rung. Il est encore possible de lui attribuer une valeur imperfective ou de caractérisation du sujet grammatical.
Que betps V-ing soit utilisé dans une optique descriptive ou justificative, il repose dans ces exemples sur l’anaphore et le commentaire. C’est également le cas, à un autre niveau, dans l’énoncé
Dans l’exemple 5, [de type conatif,] [she] was determined that it wasn’t going to happen in this production (7), l’aspect est porté par le verbe go suivi de sa complémentation infinitive en to.
To V introduit une prédication visée mais non encore validée [dont le sujet effacé est co- référentiel du sujet it de la matrice]. La négation présente en contexte invalide toute dévirtualisation de cette relation prédicative.
Il est coutume de considérer betps going to V comme un marqueur de futurité, la situation future étant construite par l’énonciateur à partir de la situation d’énonciation et présentée comme virtuellement validable. La négation ici-présente nie donc cette futurité. Notons que le prétérit de was determined impose le prétérit dans la subordonnée, selon le jeu de la concordance des temps, la subordonnée étant inscrite dans le temps de la matrice.
La détermination du sujet grammatical est liée à son expérience du comportement de l’actrice. L’objet de sa détermination est en lien étroit avec le contexte ante (amont), dont elle nie la possibilité de validation renouvelée. Nous sommes donc bien ici encore face à une anaphore renforcée par la présence de la proforme it, elle-même anaphorique d’un commentaire marqué fortement par la modalité négative de l’énoncé.
Si la nominalisation consiste en la réification d’un procès verbal, nous pouvons justifier cette appellation ici, l’opération de commentaire étant toujours seconde par rapport à l’événement commenté. Cependant, la présence du temps dans l’auxiliaire be, même si elle n’introduit pas de dynamisme intra-propositionnel, inscrit V-ing dans la situation de référence et dans la chronologie. À ce titre, nous préférons ne pas utiliser cette étiquette pour les énoncés que nous venons d’analyser. Nous parlerons d’aspect, cette notion recouvrant bien celle de commentaire, et marquant le point de vue de l’énonciateur sur un événement qu’il choisit de saisir à un moment donné de son déroulement.
III/ -ing opérateur de no minalisation
La fréquence d’utilisation de -ing en tant que morphème de dérivation nominale a suscité la généralisation de son emploi comme marqueur d’une opération de nominalisation.
V-ing et la nominalisation prédicative
Nous avons relevé les 9 occurrences ci-dessous de ce que nous nommerons la nominalisation prédicative et une occurrence de nominalisation d’une relation prédicative S/P (autre approche : le gérondif ; le prédicat garde sa spécificité de relateur en admettant un argument en position complément mais le marquage de l’argument-terme de départ (sujet du gérondif) n’est pas stable [Bouscaren-Chuquet]). Nous nous attarderons en chemin sur la notion de présupposition.
4. She had seen her ruin several fine plays by acting everybody else off the stage (7) 10. He countered by saying that P (14).
11. She waited […] after showering (15-16)
12. [She laid the flowers… ] without removing their wrapping (21)
14. You go to Moscow by going to Moscow (34)
19. [I] had the abortion without telling you (56)
20. [I] rang you after coming out of the clinic (57).
21. The whole week had been like walking round under a dark cloud (57). 17. [She] sipped at the red wine. You don’t mind me drinking? (50)
Les sept premiers énoncés présentent des points communs que ne partage pas l’énoncé 21. En effet, ils incluent tous une préposition (by, after, without) qui indique soit la manière (by, without), soit la chronologie (after). Ces prépositions fondent un lien entre le prédicat V-ing (nous nommons prédicat V-ing l’ensemble V-ing + complémentation éve ntuelle) et le reste de la proposition. Ce lien est de type circonstanciel, et chacun des compléments prépositionnels pourrait être omis sans que cela nuise à la structure grammaticale de l’énoncé. En conséquence, le «complément » de ces prépositions appartient lui aussi aux circonstances et est nécessairement pré-construit, les circonstances encadrant l’événement principal.
Dans chacun de ces sept énoncés, le prédicat V-ing a pour sujet implicite le sujet du verbe conjugué, cette co-référentialité justifiant son effacement [le terme de départ n’est pas spécifié, et est reconstruit à partir du contexte, factive nominal, le repérage de la RP au gérondif par rapport au terme de départ effacé détermine le procès en tant qu’activité prédiquée d’un argument et non en tant qu’événement ponctuel. Cette activité est présentée comme unique : il s’agit donc en termes aspectuels d’un ouvert, on n’envisage pas de dernier point, de frontière. Le gérondif part de l’événement pour le nominaliser en activité. Il reconstruit l’espace notionnel à partir d’une occurrence de p. Le point de départ est donné et la forme repose sur la préconstruction. Du quantitatif on ne retient que le qualitatif. L’activité est prédiquée à propos d’un agent récupérable en contexte.].
Le prédicat V-ing peut être intransitif, showering, transitif direct, saying, telling, removing, ou encore intransitif complété par un circonstant locatif, going to Moscow, ou prépositionnel, coming out of the clinic.
Dans chaque énoncé, la structure verbale V + (C) est restée la même que celle du prédicat utilisé de façon dynamique. C’est donc le prédicat entier qui a été nominalisé, aucune modification interne n’ayant affecté sa structure.
Tous ces compléments de préposition peuvent être glosés par la proforme it, ce qui confirme leur fonctionnement nominal, une préposition étant par définition suivie d’un segment de statut (+ ou -) nominal, pré-posé.
L’énoncé 21, The whole week had been like walking round under a dark cloud (57), est de structure apparemment similaire, mais en fait légèrement différente. Like n’est pas ici une simple préposition introduisant un complément circonstanciel de comparaison (adverbial), elle est partie intégrante du sémantisme du verbe prépositionnel be like, glosable par resemble. Le prédicat V-ing complémente bien ce verbe complexe, et il est attribut du sujet. Ceci nous conduit à lui donner une valeur purement qualitative, la comparaison inscrivant le comparant dans le domaine du pré-construit conceptuel. De plus, le sujet de ce prédicat V-ing n’est pas directement récupérable dans l’énoncé, il est non présent, car générique [classe d’occurrence de l’activité : le gérondif atteint son degré maximal de déverbalisation et perd son autonomie de prédicat-relateur].
Le comportement du prédicat V-ing est bien encore nominal, mais contrairement aux autres cas étudiés plus haut, il ne renvoie pas à un événement stabilisé mais à une notion.
La complémentation des verbes présuppositionnels
La plupart des nominalisations verbales ou prédicatives sont contraintes par le contexte grammatical dans lequel elles sont utilisées; ainsi, certains verbes exigent une complémentation nominalisée dans la mesure où leur complément présente un caractère acquis. [Ces verbes sont appelés présupposants ou présuppositionnels]. C’est le cas de need, exemple 3 : An actress who needed directing with a hand of iron (5).
Sémantiquement parlant, le verbe need exprime un besoin et sa complémentation précise la nature de ce besoin. [Le sujet du verbe a pour rôle sémantique d’être « experiencer », expérient, siège d’un ressenti, alors que le complément est le stimulus de ce ressenti. En tant que tel, le stimulus existe avant que ne soit créée la sensation qu’il provoque et l’on peut donc affirmer que le complément est pré-construit, déjà existant .]
En l’occurrence, le complément de need est directing with a hand of iron. V-ing n’apparaît pas seul, mais suivi d’un complément de moyen introduit par la préposition with. Ce complément est en fait un sujet potentiel (instrumental) du verbe direct en structure sous- jacente. Nous pourrions en théorie gloser cette nominalisation par un passif ; les occurrences de passif en -ing après need sont très fortuites : ??? she needed being directed with a hand of iron. En revanche, celles en to V sont tout à fait courantes : she needed to be directed with a hand of iron. Dans ce cas, le sujet est virtuellement mis en relation avec le prédicat be directed, et la structure apparaît plus inscrite dans l’événementiel qu’avec directing, plus abstrait.
Le dernier cas que nous étudierons est celui posé par l’exemple 17 : [She] sipped at the red wine. —You don’t mind me drinking? (50) que l’on pourrait traiter en opposition avec his wife’s drinking (11).
Il rassemble en fait tout ce que nous venons de dire sur le fonctionnement de -ing.
Le verbe recteur est un verbe présuppositionnel, mind, dont le complément ne peut être que préconstruit dans la mesure où mind exprime une réaction face à un événement réel ou virtuel. Le mode narratif a changé et l’on est passé de la narration au discours direct, raison pour laquelle he apparaît sous la forme me.
Comme nous l’avons noté plus haut, le sujet d’un prédicat V-ing ne peut plus être agent. Sa forme grammaticale reflète cette impossibilité et, comme le rend évident l’utilisation de la proforme, il devient un objet de discours auquel le prédicat est attribué par l’énonciateur. Il est donc sous la forme accusative correspondant antérieurement au cas objet (accusatif ou datif) dans la grammaire casuelle.
Ce sujet n’a pas pour autant perdu toutes ses prérogatives nominales et conserve un potentiel de représentation du référent du sujet. C’est sur lui que focalise l’énonciateur.
Il en serait autrement si la nominalisation avait été totale et si le référent du sujet avait été abstrait sous forme de déterminant possessif. Un déterminant ne portant que très rarement une tonique, c’est le prédicat qui aurait été mis en position focale.
Nous constatons, au travers de cette étude, qu’il existe plusieurs degrés de nominalisation qui permettent à l’énonciateur de rappeler un événement dans sa globalité, de centrer l’attention sur le sujet de cet événement ou sur l’activité menée par ce dernier.
Conclusion
Quelle que soit la structure dans laquelle se trouve intégré –ing, et nous n’avons pas ici d’emplois véritablement participiaux (participe présent), il semble donc que son invariant soit double : anaphore (pré-construction) et commentaire. L’énonciateur domine –ing, et -ing remplit donc bien la fonction d’opérateur. Nous avons vu également qu’il opérait en tant que morphème de dérivation, ce qui n’est pas contradictoire ; il semble en effet qu’il existe un continuum allant de la dérivation première à la nominalisation verbale, prédicative, de relation prédicative. Pour qu’un lexème intègre le dictionnaire, il faut qu’il ait d’abord été créé (néologisme) et ensuite été utilisé par de nombreux énonciateurs avant de pouvoir prendre un statut de nom ou d’adjectif en langue. Nous avons vu également que la forme en –ing permettait ce passage progressif du spécifique au générique, de la référence au réel à l’abstraction la plus totale.
Au terme de cette étude, nous avons pu établir que -ing est un outil au service de la création langagière tout autant qu’un outil au service de l’énonciateur, une seule forme au service de plusieurs opérations.
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DO
I do want to know what you propose to do. Étaient plus particulièrement attendus :
• questionnement des deux formes. Annonce du plan ;
• do auxiliaire . NICE properties démontrées ;
• do dans une phrase affirmative. Discussion de la notion d’« emphase » ;
• prise en compte du contexte. Anaphore ;
• but de rupture + do + prédicat non gradable ‡ contraste plutôt qu’intensité ‡
accentuation ;
• manipulation : I want … ;
• pragmatique : conviction, insistance sur l’interrogation indirecte ;
• do lexical : infinitif. Syntaxe. Sens fort : agir ;
• permutations : do what ‡ reference au paradigme, hyperonyme… ;
• accentuation ;
• rapport entre les deux do : « grammaticalisation » ?
Pistes de réflexion
Cet énoncé présente deux occurrences de do, qui manifestement ne reposent pas sur les mêmes critères d’utilisation. Nous nous interrogerons sur leur fonctionnement, en gardant en mémoire que do lexical est à l’origine du fonctionnement dit par certains « grammaticalisé » — et donc plus abstrait — de do opérateur et auxiliaire.
Nous étudierons en conséquence le passage du verbe lexical à l’auxiliaire / opérateur.
La seconde occurrence de do dans cet énoncé manifeste sa nature de verbe lexical. En effet, il apparaît ici sous sa forme infinitive, forme qu’il ne peut avoir en tant qu’auxiliaire. Sémantiquement parlant, il signifie faire, et peut être considéré comme étant l’hyperonyme de tous les prédicats relatifs à l’agir (paradigme des do [what] possibles dans le contexte donné). Il se charge ici d’une valeur sémantique forte, est porteur de tonique (last lexical item rule), dernier terme lexical de l’interrogative indirecte. Son sens est bien «faire / agir », au sens propre du terme. En effet, l’énonciateur regrette, tout au long du texte, la tendance à la procrastination d’Arvo. Dans son comportement vis-à-vis d’Eva, tout est «dire », rien n’est « faire ». La proforme that qui initie la phrase est, en l’occurrence, anaphorique des paroles prononcées par Arvo. Do crée alors un contrepoint contrastif au co-texte amont.
D’un faire concret, associé au dynamisme prédicatif, do a progressivement évolué vers l’abstraction pour devenir l’indicateur d’un faire abstrait codifiant une opération grammaticale (méta-opération dans la terminologie adamczewskienne) associée à la faisabilité de la relation prédicative. En se grammaticalisant, ce méta-opérateur a pris une nature et une fonction d’auxiliaire.
Les propriétés syntaxiques spécifiques de l’auxiliaire, connues sous l’appellation NICE properties, sont sa capacité à structurer la négation, l’interrogation avec inversion auxiliaire-
sujet, le « code », qui repose sur la nécessité de prendre en compte le contexte pour détecter la valeur prise par l’auxiliaire, et l’emphase.
Le premier do est, par certains, considéré comme sémantiquement vide, et parfois étiq ueté dummy do (Huddleston & Pullum, The Cambridge Grammar of the English Language, 93). Il permet la formation d’une construction dite emphatique ayant pour base une relation prédicative dépourvue d’autre auxiliaire, et est interprétable en relation avec le co-texte amont. Il satisfait donc aux conditions définissant théoriquement ce qu’est un auxiliaire (tests de la négation et de l’interrogation : I don’t want to know … ; do I want to know… ?)
Dans la théorie des opérations énonciatives, il est vu comme marquant une opération de l’énonciateur, qui, par ce biais, prend en charge la relation <i> et la «sur-asserte » en la validant, en quelque sorte, une deuxième fois. On peut d’ailleurs remarquer qu’à la 3ème personne du singulier c’est do, marque de l’intervention de l’énonciateur (de la source énonciative), qui prend l’accord, et non plus le verbe. C’est en cela que ce do est la marque d’un agir non vide de sens (valeur sémantique marquée par l’assertion). Ce do « opérateur » est le même que le do « auxiliaire » des formes interrogative et négative, où sa fonction n’est plus aujourd’hui perçue que comme « grammaticale ».
Dans l’énoncé proposé, do entre au service d’une construction dite emphatique. Il est l’indice de surface d’une opération portant sur le nœud prédicationnel (modalité 1 de l’assertion, ce qui interdit l’affaiblissement de la voyelle). En effet, do métalinguistique vient matérialiser la polarité positive de la proposition, et non pas la valeur sémantique du verbe want qui le suit : ce serait le cas si want apparaissait seul, en italiques ou souligné ; on peut cependant douter de la faisabilité de la chose, want étant déjà l’expression forte d’une assertion, sémantiquement parlant. Si l’on ôte do, la relation anaphorique avec le co-texte gauche disparaît. I want to know what you propose to do annoncerait une demande nouvelle, alors qu’en texte, cette demande a déjà été formulée (différemment) à plusieurs reprises.
L’emploi de do permet à l’énonciateur de mettre en opposition le co-texte gauche et le co- texte droit : il y a des choses qu’Eva choisit d’ignorer (les excuses d’Arvo), et des choses qu’elle tient à savoir. Cependant, la relation prédicative <i> n’est qu’implicite dans le co-texte gauche, et, si l’anaphore est sous-jacente, elle n’est pas stricte du point de vue de l’expression. «That doesn’t matter » n’a pas la même force illocutoire que «I don’t want to know … » et nous pourrions ici sémantiquement et pragmatiquement opposer indifférence à refus. Le contraste est en fait établi par la présence de points de suspension et d’un but quasi- adversatif (ajout différentiel). L’énonciateur n’utilise pas do pour contrer un argument antagoniste et asserter avec force la validation de la relation prédicative < I / want to know C >, il l’emploie pour manifester que son affirmation précédente, «that doesn’t matter », ne concerne que le co-texte gauche, «I’m sorry about this morning, Eva…», et qu’il y a néanmoins des choses qui importent (matter). Le contraste est inter-phrastique et non pas pragmatique, de nature intersubjective.
Nous pourrions opposer cette utilisation de do à une focalisation sur l’objet du vouloir ; l’accent serait alors mis sur la complémentation de know grâce, par exemple, à l’utilisation d’une pseudo-clivée : what I want to know is what you propose to do.
De fait, la valeur de do en contexte est une valeur d’assertion de l’actualisation de la relation prédicative, de sa réalité effective. Il est au mieux glosable par l’adverbe indeed. En français, ceci pourrait être rendu par : le reste, je m’en «fiche », en revanche, je veux vraiment savoir ce que tu te proposes de faire (cf. ll.13-14 She had enough of to-ing and fro- ing… This time he would have to make up his mind).
Une valeur concessive de la proposition aurait pu être envisagée si that n’avait pas été anaphorique : although that doesn’t matter, I do want to know what you propose to do. En effet, pour qu’il y ait concession, il faut qu’il y ait un rapport sémantique entre deux éléments de la concessive et de la principale. That aurait alors dû être cataphorique, annoncer la principale qui suit, ce qui n’est pas le cas ici, la continuité discursive le rendant nécessairement anaphorique. Insister pour savoir et dire que cela n’a pas d’importance seraient en effet deux actes langagiers contradictoires.
Dans la mesure où cet énoncé n’est pas polémique, mais clairement contrastif, do est porteur de l’accent nucléaire et réalisé [δυ], ce qui crée un écho avec le second do, lui aussi porteur d’accent nucléaire, en fin d’énoncé.</i></i>
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« les repérages temporels »
La question dite “large” permet de revenir au texte lui-même et d’étudier un ensemble d’exemples choisis dans leur contexte. Elle oblige aussi à se situer par rapport à un problème de linguistique particulier, à définir celui-ci et à en tirer une problématique dynamique. La question posée cette année, « les repérages temporels », se prêtait à une erreur d’interprétation, commise malheureusement par un très grand nombre de candidats, qui consistait à confondre le processus de repérage1 avec les marqueurs de ce repérage temporel, qui indiquent les repères temporels dans la ou les situations d’énonciation.
Repérer : i) marquer, signaler par un repère, par des repères (repérer le niveau, l’alignement) ; borner, jalonner ; utiliser comme repère ; ii) trouver, reconnaître, situer avec précision, en se servant de repères ou par rapport à des repères (repérer l’ennemi) ; iii) Fam. reconnaître ou retrouver (qqn) (repérer qqn dans la foule), iv) Se repérer : reconnaître où l’on est grâce à des repères (je n’arrive pas à me repérer dans cette histoire). Le Grand
Les plans d’énonciation
Nous sommes, dès la première ligne, dans ce que Benveniste appelle le “discours”, c’est-à-dire, le mode d’énonciation organisé autour du locuteur lui-même. La première phrase contient plusieurs adverbes et pronoms déictiques qui posent « le repère origine » : tonight, now, here et Ø. Ces repères servent à localiser les temps présents qui permettent au narrateur de faire des ‘commentaires’ - I must say I am quite satisfied (2), I suppose (4), I cannot say (9), I must confess (22) – d’établir des ‘bilans’ - The first day of my trip is now completed (1), I have become much more acquainted with…(13), I have heard…(17) - et d’avoir recours à des performatifs : But I tell you (47), I believe (30).
Le narrateur raconte ensuite, au prétérit, l’histoire de son voyage et de ses rencontres. On passe donc à l’”histoire”, c’est-à-dire, à un mode d’énonciation organisé autour d’un ou de plusieurs moments en rupture avec le moment origine : This expedition began this morning (T-1) almost an hour later than I had planned (T- 2), despite my having completed my packing and loaded the Ford with all necessary items well before eight o’clock (T-3) (2-4).
A côté de ces trois niveaux de repérage temporal, on trouve des énoncés qui sont atemporels, exprimant une notion générique - one does make various excursions…(12); the moment, when…one finally loses sight of the land (17-18); You got to have a good pair of legs and a good pair of lungs to go up there (39-40) -, ou alors qui sont sur un plan irréel, exprimant hypothèses, conditions, irréels, c’est-à-dire, renvoyant à un ‘repère fictif’ : once I departed, Darlington Hall would stand empty (5); if I was in better shape, I’d be sitting up there (40); If what you say is true (43); you’ll be sorry if you don’t take a walk up there…(51)
Enfin un certain nombre de formes verbales non-finies et constructions de phrase participent à cette organisation :
• les gérondifs, qui indiquent l’antériorité ou la simultanéité de l’événement par rapport au temps repère : despite my having completed my packing and loaded the Ford (3); a stronger impression than ever of being perched on the side of a hill (27-28) ;
• les infinitifs, qui indiquent souvent que la validation de la RP est envisagée à un moment postérieur au temps repère : I decided to step out and stretch my legs a little (27);
• les participes, présents ou passés, qui indiquent, soit la simultanéité, soit l’antériorité d’un événement par rapport au temps repère : Sitting on the large stone that marked this spot was a thin, white-haired man in a cloth cap, smoking his pipe, I felt compelled to stop the car (25);
• la coordination, qui indique souvent la succession de deux événements dans le temps : I took a turning and found myself on a road (20); the surroundings grew unrecognizable and I knew I had gone beyond all previous boundaries (16-17).
Les adverbes et adverbiaux de temps
A l’intérieur de chaque réseau de repérage, les adverbes et adverbiaux de temps permettent de lier tel procès à tel moment de repère ou à tel autre procès, de diverses façons, selon : la nature de la relation sémantique qu’ils expriment (itératif, duratif, ponctuel, inchoatif, etc.) et leur mode de repérage (déictique ou non-déictique: calendrier, liste, etc.), les deux listes se recoupant presque systématiquement.
Si on les regroupe par relation sémantique, on obtient un certain nombre qui posent un repère ponctuel : before 8 o’clock (3-4), this morning (2), an hour later (2), then (16), one last time (7), once (8), finally (8), the moment (17), this moment (18-19), when I had assured myself (25), etc. ; d’autres qui indiquent un intervalle de temps : until this point (31), a couple more years (51-52), a moment (25), of a moment (24), this century (5), over time (12), so long (7), for the first 20 minutes (8), etc. ; et enfin, un troisième groupe d’adverbes qui indiquent une itération ou un parcours : many times, over time (12), again (34), ever (28), often (18), never (51), etc.
2 Dans « Les relations de temps dans le verbe français », Problèmes de linguistique générale, 1966. 38
Si maintenant on procède par mode de repérage, on obtient des marqueurs qui fonctionnent par rapport à un repère déictique, c’est-à-dire qui sont liés directement à la situation d’origine, SIT0 : tonight (1), now (1, 53), this morning (2, 54), the week (4), this century (5), then (16, 35), until this point (31), this moment (18-19), etc. ; alors que d’autres fonctionnent indépendamment du repère origine (T±1, 2, etc.) : on a good day (49), the moment (when) (17), a moment, over time (12), moment qui peut se situer avant le repère ou au début d’une liste : before (3), the first day (1), once (5), before 8 o’clock (3-4), until this point (31), for the first 20 minutes (8); ou se situer après le repère ou à la fin de la liste : later (2), one last time (7), finally (8, 17), eventually (16), then (16, 35), an hour later (2), a couple more years (51-52), et
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« les formes en –EN »
Introduction
Le sujet invite à se pencher sur les “formes en –EN”. Dans le texte given en est une, mais on s’intéresse bien sûr, au-delà de la forme orthographique, à ce qu’il est convenu d’appeler les “formes en –EN”, c’est à dire les participes passés (tels que switched l. 24, thrown l. 34, grown l. 44, done l. 49, expected l. 45), par opposition aux verbes au prétérit (par exemple said dans you said l. 1), dits “forme en –ED”. Ainsi, même si dans the chandeliers had been switched on l. 24 et he might have had l. 71, les deux had ont exactement la même forme, le premier est une forme en –ED et le second une forme en –EN.
Les formes en –EN sont donc les participes passés, c’est-à-dire une forme non conjuguée du verbe (à l’instar du participe présent ou de l’infinitif et contrairement au prétérit ou présent). Ils apparaissent notamment, mais pas exclusivement, dans la périphrase du parfait (périphrase est ici entendu comme groupe verbal composé d’un verbe lexical et d’un (ou plusieurs) auxiliaire(s). Ils permettent (là encore, pas exclusivement) de construire la référence au passé. Dans ce texte il est question d’une cérémonie à la mémoire d’un défunt. On est donc dans une situation où l’on parle parfois de procès passés. Il pourra être intéressant de comparer à l’occasion prétérit et parfait.
Nous avons jusqu’ici parlé de “participe passé”, mais la dénomination proposée pour le sujet (“formes en –EN”, plutôt que “participe passé”) a l’intérêt d’inclure sans ambiguïté des formes que l’on pourrait plus légitimement appeler “participes passifs” (ex. switched dans had been switched on l. 24), ainsi que certaines formes que l’on peut hésiter à classer, au moins en première instance, comme participe passé ou comme adjectif qualificatif (par exemple the crowded occasion l. 35, Dupont looked nonplussed l. 4), voire entre participe passé et nom : grown up dans grown up plays l. 44.
La formulation du sujet invite donc à s’interroger sur les différentes parties du discours (participe, adjectif) illustrées par les formes en –EN, ainsi que sur la référence de ces différentes formes. Les formes en -EN disent-elles un procès (dynamique) ou une propriété (un état)? Dans the chandeliers had been switched on l. 24, le participe switched permet-il de dire un procès (dynamique ponctuel, en l’occurrence : someone switched on the chandeliers), ou une propriété (les chandeliers sont dans un état plutôt qu’un autre, allumés plutôt qu’éteints) ? Existe-t-il une continuité entre ces significations qui justifierait la forme commune (en -EN) ? Pour formuler la question autrement : existe- t-il une unité sémantique des formes en –EN ? Qu’est ce qui dans le participe passé rend possible cette diversité d’emplois (qui peuvent d’ailleurs se combiner : dans had been switched on l. 24, on a un participe passé et un participe passif) ? Pour tenter de répondre à ces questions on procédera en trois temps.
Dans un premier temps on se penchera sur les participes passés, soit les formes entrant dans la périphrase aspectuelle du parfait.
Dans un deuxième temps on abordera les participes passifs, soit les formes entrant dans la construction du passif.
Dans un troisième temps on envisagera les formes en –EN qui paraissent plus adjectivales (ou nominales) que participiales, ou qui paraissent à la limite entre deux parties du discours.
Les candidats constateront que dans l’introduction qui vient d’être proposée les points suivants apparaissent: justification du sujet dans le texte, éléments de définition, éléments de problématisation, annonce du plan.
1. Le parfait
Certaines formes en –EN sont des participes passés et apparaissent dans la périphrase du parfait.
1.1. Repérage temporel
Dans l’exemple de la l. 25 it seemed the blond man had already left, la forme en –EN permet d’envisager un procès passé (qui pourrait être dit par the blond man left). Ici ce procès est repéré en antériorité par rapport à un autre procès lui-même situé dans le passé (c’est le prétérit de have qui indique cela). Le moment repère est un moment interne au récit.
Le participe passé apparaissant dans la périphrase en HAVE –EN peut ne dire que cela (le repérage temporel en antériorité), notamment lorsque la forme en –EN apparaît dans un infinitif passé, comme c’est le cas dans : could hardly have expected then to have been up in London half a century later l. 45, où l’on notera then, qui veut dire ici “at the time” et signifie une rupture entre le moment dit par then et le moment où se déroulent les événements racontés (half a century later). Le repérage en antériorité apparaît également dans he might have had l. 71.
Mais, hormis les cas d’infinitif passé, les formes en HAVE –EN servent surtout à dire l’aspect d’un procès, c’est-à-dire la façon dont l’énonciateur se représente le procès du point de vue de son inscription dans le temps.
1.2. L’aspect : l’état résultant
Dans l’exemple de la l. 25, the blond man had already left, l’intérêt du parfait est de dire l’après du procès /the blond man - leave/. La forme en –EN dit un procès et ce procès est en quelque sorte réattribué à son agent. L’homme blond est parti (c’est ce qui est dit par la forme en –EN), et ceci implique qu’il n’est plus là (ceci est dit par la périphrase du parfait). On peut distinguer l’agent dans l’acte (l’homme blond qui est parti) et l’agent hors de l’acte : l’homme blond qui n’est pas là.
C’est l’auxiliaire have qui dit la ré-attribution. Pourquoi cet auxiliaire ? Le have grammatical est issu du have lexical, par un processus de grammaticalisation. On peut penser que le have grammatical conserve certaines propriétés du have lexical, soit l’expression d’une localisation. Ici un procès (dit par la forme en –EN) est vu comme séparé d’une situation repère (repérage en rupture), puis mis en relation avec le moment repère (par have). On peut donc penser que le procès est dit deux fois : une fois pour lui-même et une fois en tant qu’il est rapporté à une autre situation. En ce sens il y deux conjugaisons successives : la forme en –EN synthétise une première conjugaison et le procès est attribué une seconde fois à the blond man. On parle de the blond man pas seulement en tant qu’il a pris part au procès mais en tant qu’il est désormais caractérisé par le procès (il est absent). L’aspect grammatical se superpose à l’aspect lexical. Dans the blond man had left l’aspect lexical est ponctuel (procès dynamique, passage d’un lieu à un autre), mais ce qui est représenté au final est un état (l’état résultant). Il y a donc en fait deux procès représentés : l’un dit par le verbe lexical, avec la forme en –EN, et l’autre dit par l’auxiliaire have, l’état. La forme complexe (périphrastique) peut être vue comme reflétant les étapes de la construction du sens : pour se représenter l’après d’un procès, il faut d’abord se représenter le procès lui-même.
Cette réattribution permet donc un retour sur le procès, sur l’agent du procès, mais également sur la situation en général. La forme en –EN prise dans la périphrase du parfait permet de parler de l’après du procès, soit ici de la situation qui résulte du procès (un état) : Rob ne voit pas l’homme blond, il y a moins de monde (the room was thinning), Rob est soulagé (he felt almost relieved l. 25). Le procès dit par left est vu en tant qu’il caractérise la situation.
Un autre exemple permet de montrer que le procès dit par un participe passé (inscrit dans une périphrase aspectuelle) permet de commenter une situation : these two who had tussled over Cecil Valance were doing it again. l. 15. Parler de ce procès (they tussled…) est pertinent seulement parce qu’il est mis en relation avec une situation repère, où ils font justement la même chose (were doing it again). Le procès est évoqué non pas pour lui-même mais parce qu’il permet de parler de la situation repère et de la commenter (it was comical).
Si l’on considère maintenant he hadn’t been in touch with Desmond at all since 1995 l. 56, là encore le procès dit par la forme en –EN est vu comme ayant une incidence sur le référent de he et sur la situation : il ne peut s’attendre à un accueil chaleureux (Desmond’s coldness, He meant nothing to Desmond). À propos de ce dernier exemple on notera le complément circonstanciel : since 1995. Since est compatible avec une date, tandis que for serait compatible avec l’expression d’une durée (he hadn’t been in touch with Desmond for years). Dans les deux cas on dit qu’une situation commencée dans le passé dure jusqu’à la situation repère.
On peut comparer he hadn’t been in touch à he hadn’t been to the funeral l. 55. Dans le second de ces deux exemples, be a le sens de go (équivalent de he hadn’t gone to the funeral). En témoigne la préposition to. He hadn’t been at the funeral aurait plus clairement un sens statique : il n’était pas à l’enterrement. L’important pour le sujet posé est que cela n’est possible qu’avec la forme en –EN. On peut bien sûr dire He was at the funeral, mais alors be n’a pas le sens de go ; et on ne peut pas dire *he was to the funeral. Quelle que soit la raison de ce phénomène, encore une fois le procès est vu en tant qu’il a une conséquence sur une autre situation (la conséquence étant: Desmond’s coldness). C’est là la différence majeure entre la forme en –EN (en tout cas utilisée dans la périphrase du parfait) et la forme en –ED, le prétérit.
1.3. Comparaison avec le prétérit
Si dans la périphrase du parfait le procès est vu en tant qu’il a une incidence sur une situation repère, le prétérit (forme en –ED) présente un procès comme repéré en rupture par rapport à une situation repère (le plus souvent la situation d’énonciation).
C’est ce qui explique –ED dans : Did you know Peter well? l. 34, I sold him a lot of expensive books l. 37, ou encore You knew Peter all his life l. 41. En effet Peter est mort, on n’est donc plus en contact avec le procès tout simplement parce qu’il est impossible d’être en contact avec Peter, participant du procès. Si Peter était vivant, on aurait pu avoir : You’ve known Peter all his life (alors on le connaîtrait encore).
On voit que les formes en –ED disent des procès révolus (comme en témoigne aussi le passage l. 43 et suivantes : How Petie used to put on plays when he was quite small – him and hism sister played all the parts.
Cela dit, il serait excessif d’affirmer que le prétérit implique nécessairement que le procès n’est plus valable au moment de l’énonciation et que donc un procès, dit par une forme en –ED, n’entretient aucun lien avec la situation d’énonciation. Par exemple, Mrs Sorley dit : I knew Rose in the Wrens – all those years ago l. 39, alors qu’elle connaît et fréquente encore Rose, comme en témoigne we’re old friends of Terry and Rose. Pourquoi le prétérit ? On aurait pu avoir I’ve known Rose in the Wrens (mais pas avec ago, qui n’est compatible qu’avec le prétérit). Le prétérit semble être favorisé ici par le sens de know qui se rapproche de met (I met Rose in the Wrens, all those years ago).
Avec l’exemple de They were Yorkshire, it seemed lived there still l. 36, il est plus clair que le prétérit n’exclut pas qu’un procès passé continue jusqu’à un moment repère. Ils habitaient dans le Yorkshire avant le moment repère (la conversation) et y habitent encore (still). Une forme en -EN semble possible : they had lived in Yorkshire all their lives (puisque la phrase dit qu’ils en sont originaires), mais c’est la forme en –ED qui apparaît. Le procès n’est pas vu comme revenant à l’un de ses participants au titre de détermination. Certes il n’est pas en rupture chronologique avec le moment repère, mais il n’est pas dit pour caractériser le référent de they. Ainsi le choix entre –ED et –EN se fait sur des paramètres plus énonciatifs que strictement chronologiques, il est lié à la façon dont l’énonciateur veut représenter le procès.
C’est ce paramètre énonciatif qui peut expliquer que dans la phrase suivante on a une forme en –ED et pas en –EN : Just now… when you said dear old Pete’s famous Imp was pea-green l. 3. Cet exemple présente un paradoxe. Si on considère que le parfait dit un procès qui a une incidence sur la situation repère (le présent de l’énonciation, en l’occurrence), just now fait qu’on pourrait s’attendre à trouver un present perfect. L’exemple I even washed it once l. 6 présente le même paradoxe. Pourquoi n’a-t-on pas I’ve even washed it once? Il y a bien une incidence sur la situation : l’énonciateur a lavé cette voiture et peut donc dire de quelle couleur elle est. Mais ce n’est pas cet aspect des choses qui est retenu. Le procès dit par I washed it once est inclus dans une série (un micro-récit) : before a group of us went to Windsor Castle in it l. 7 (on notera before qui dit l’enchaînement chronologique). Pour le premier cas (you said dear old Pete’s famous Imp was pea-green), le procès est vu comme en entraînant un autre : I had to take issue with one thing. L’énonciateur Bryant raconte quelque chose (enchaînement d’événements). Les procès ne sont pas vus en tant qu’ils ont une incidence sur une situation repère mais dans leur rapport avec d’autres procès avec lesquels ils forment une succession logique et chronologique, c’est-à-dire un récit.
Une différence entre –ED et –EN est donc que –EN, associé à have, permet de construire la périphrase du parfait. Même si -EN dit un procès passé (c’est un “participe passé”) la forme entre donc dans la construction de l’aspect (par opposition au temps).
1.4. Comparaison avec le participe présent : be –ing / cas de cumul de be –ing et have –en
La forme en –ING est aussi un participe, mais un participe dit “présent”, qui apparaît par exemple dans had been avoiding l. 27. Quelle est la différence avec whom he had avoided, où avoided serait une forme en –EN ? La forme en –ING ajoute une nuance, elle permet d’appuyer l’idée d’intention.
La forme en –ING ajoute l’idée d’effort soutenu, inscrit dans la durée (valeur d’interception de be + -ing). He’s been avoiding Desmond signifie qu’il a fait en sorte ne pas le voir : il a parlé à d’autres gens afin de l’éviter. La forme en –ING, comme souvent, permet également d’attribuer une étiquette notionnelle à un procès, ici /He - talk to people/ est appelé /He - avoid Desmond/. (On a là l’effet de sens de réinterprétation de be + -ing, qui apparaît dans l’exemple classique If you vote for X you’re voting for the death penalty).
L’intérêt de cette occurrence est donc qu’elle permettait de comparer –EN et –ING, en plus de montrer qu’il peut y avoir cumul des deux participes. Ici le participe passé been sert à repérer le procès /He - avoid Desmond/ en antériorité par rapport à He looked round. On ne peut pas exclure un cumul de valeur pour been, c’est-à-dire le repérage en antériorité mais aussi l’incidence sur la situation repère : maintenant il l’a assez évité, ou il se rend compte qu’il l’a évité, et il veut lui parler (he slid towards him).
1.5. have got (et well done) : cas de lexicalisation / figement
Le cas de have got dans we’ve got your email l. 50 est particulier. La phrase est synonyme de we have your email. Got est une forme en -EN, mais il y eu désémantisation : le sens de “obtenir” a disparu. We’ve got your email ne veut pas dire “nous nous sommes débrouillés pour obtenir ton adresse” mais “nous l’avons”. Have conserve encore malgré tout quelques-unes des propriétés des auxiliaires (on doit dire have I got your email? et non pas: *Do I have got your email?), mais pas toutes, puisque un question tag pourrait se former avec do (You’ve got my email, don’t you?). Si have a encore, au moins partiellement, un statut d’auxiliaire, got est bien une forme en –EN.
Notons que, malgré le figement, on ne peut pas toujours employer have got à la place de have. Ainsi have got est peu compatible avec le passé. On a ainsi l. 68 he had a soft, intelligent but very nervous face, et on imagine difficilement à la place He had got a soft, intelligent but very nervous face. Certes dans le texte on trouve Now they’d got him, l. 61, au passé, mais justement ici on peut comprendre get comme conservant son sens d’origine : les Sorleys sont bien contents d’avoir quelqu’un à qui parler (ils se sont bien débrouillés) car ils sont intimidés par tous ces inconnus, et en conséquence ils font tout ce qu’ils peuvent pour le retenir (He could see the Sorleys rather sticking to him, now they’d got him, among all these strangers and alarming if sometimes unnamable celebrities).
On ne peut pas non plus utiliser have got à la place de have lorsque have a un sens dynamique (We often have got a drink after work). Enfin have got ne fonctionne pas au futur : *we’ll have got your email.
Nous avons dans le texte un autre cas de figement avec well done l. 49, lorsque Rob félicite Desmond. Cette occurrence pose néanmoins un problème : quelle est la structure de départ ? Il y a deux possibilités : you have done it well (parfait) et it is / was done well (passif). Dans les deux cas, on note l’antéposition de well qui participe du figement (différent du cas précédent où il y avait plus de désémantisation et pas de remaniement syntaxique). Surtout, on note qu’au final il n’y a pas grande différence entre les deux possibilités : on dit que quelque chose a été fait pour en réalité commenter la situation présente (“tout va bien”). En ce sens le participe passif ne paraît pas très éloigné du participe passé (tous deux sont des formes en –EN, qui disent un état résultant). L’examen des formes en –EN entrant dans une construction passive confirme ce rapprochement.
2. Le passif
Un second emploi de la forme en –EN est la construction passive.
2.1. La construction de la périphrase du passif
Plusieurs formes en –EN dans le texte appartiennent à des constructions passives, comme par exemple: and was then introduced to Mr and Mrs Sorley l. 32 (passif dans une proposition finie), a bit thrown perhaps by a glass of wine in the afternoon l. 34 (passif dans une relative tronquée), as though never given the credit due to him ) l. 17 (passif dans une subordonnée participiale.
Le passif correspond à une thématisation du patient dans la proposition. Le patient apparaît donc en fonction sujet, alors que cette fonction est typiquement dévolue à l’agent. Cette thématisation peut être due au fait que le patient est objet de discours (à l’échelle du texte, donc). En effet, en ce qui concerne le premier exemple (and was then introduced to Mr and Mrs Sorley l. 32), on parle de Rob : Rob thought it rather comical that… l. 15, he saw that Bryant…, Rob thought he might…, he accompanied the old man up the grand stairs…, Rob felt almost relieved… He looked round for Desmond… He saw him… he gave him (a) smile… Rob gave him a hug… and was then introduced to… Même si c’est Desmond qui présente Rob à Mr et Mrs Sorley, et qui est donc l’agent du procès, on parle de Rob, et c’est lui qui apparaît en fonction sujet.
L’agent, tout à fait logiquement, est souvent peu pertinent, et n’est pas exprimé (il n’y a pas de complément d’agent), comme c’est le cas dans and was then introduced to Mr and Mrs Sorley l. 32 (l’agent est Desmond, mais, comme dit ci-dessus, le but est de parler de Rob. Dans le cas de as though never given the credit due to him l. 17 l’agent serait “tout le monde”, et pour the chandeliers had been switched on l. 24 ce serait “quelqu’un” – un particulier non spécifique.
Il y a en revanche un complément d’agent dans …Mrs Sorley …, a bit thrown perhaps by a glass of wine in the afternoon l. 34-35. Il ne s’agit cependant pas d’un agent tout à fait typique : a glass of wine in the afternoon dit un inanimé, non doué d’intention. On note également la référence non- spécifique de a glass of wine in the afternoon. On peut même avancer que ce syntagme nominal réfère à un procès, qui pourrait être dit par to have a glass of wine in the afternoon – la précision in the afternoon étant importante car elle justifie l’état de légère ébriété du personnage : un verre de vin l’après-midi fait plus d’effet qu’un verre de vin le soir. Ces éléments justifient peut-être une particularité de cette occurrence : l’énoncé n’est possible qu’au passif. On ne peut pas dire *a glass of wine in the afternoon threw her. Seule la formulation avec -EN est permise, pas celle avec -ED. Pourquoi ? Le procès détermine le patient (il change son comportement) ; il ne détermine pas le verre de vin, qui, encore une fois, n’est pas spécifique. Le verre de vin n’est dit qu’en tant qu’il modifie le comportement du patient, c’est-à-dire le détermine.
De façon plus générale, qu’est-ce qui fait qu’une relation est passivable ? Toutes les relations ne le sont pas, comme en témoignent : *Mary is resembled by her mother, *Houses are built by John. Pour qu’une relation soit passivable, il faut que le procès soit de type action ou ponctuel (donc dynamique avec bornes inhérentes), qu’il y ait un agent et un patient, que le patient soit dans le rayon d’action de l’agent. C’est ce qui explique l’impossibilité de *Mary is resembled by her mother. En revanche Someone introduces someone est une relation facilement passivable.
Il faut surtout que le procès revienne au patient au titre de détermination, d’où l’impossibilité de Houses are built by John comme équivalent de John builds houses, où l’on veut indiquer le métier de John (build houses forme un bloc sémantique). Dans John builds houses on parle de l’activité de John, les maisons ne sont pas déterminées par le fait qu’elles sont construites par John, et le passif est impossible.
Le participe d’une construction passive dit donc un procès (passé) qui revient à son patient au titre de détermination : on rejoint ce qu’on disait sur les formes en –EN du parfait.
2.2. Différences et points communs entre le passif et le parfait
La forme en –EN d’un passif permet de dire un procès passé. Dans and was then introduced to Mr and Mrs Sorley l. 32, la forme en –ED dit que la présentation a eu lieu et que cela modifie la situation : maintenant les protagonistes se connaissent. Là aussi un auxiliaire (be, cette fois, plutôt que have) indique la ré-attribution du procès à l’un de ses participants. On ne peut pas dire que le passif inverse la relation. La relation est la même qu’à l’actif (X introduces Y), elle est simplement reversée à l’un de ses participants. Le participe passif synthétise un procès : X introduced Y, dit qu’il est passé, et le ré-attribue au patient plutôt qu’à l’agent.
La logique du passif n’est donc pas si différente de celle du parfait : cela peut expliquer l’apparition de la même forme en –EN. De même que pour le parfait, on peut parler d’état résultant pour le passif. L’état résultant de X introduces Y est : X and Y know each other. La construction passive permet donc de dire un nouvel état.
De même, dans as though never given the credit due to him. l. 17, le procès /X – never give credit to him/ est dit autant pour son état résultant que pour lui-même : on parle du personnage (Bryant), de son expression (look of exasperation). Le procès est vu en tant qu’il caractérise le sujet, c’est-à-dire Bryant.
On peut avoir un cumul du parfait et du passif, c’est-à-dire deux formes en -EN, un participe passé et un participe passif, comme c’est le cas avec : the huge brass chandeliers had been switched on l. 24 (been est un participe passé et switched on un participe passif). Cela ne change pas la valeur du passif. Quelqu’un a allumé les chandeliers, donc ils éclairent, la pièce est éclairée. On voit encore une fois qu’on est proche de la notion d’état résultant utilisée plus haut pour le parfait. Dire le procès /X – switch on the chandeliers/ permet de parler de la situation, qui a changé : le soir tombe, les lumières sont allumées, les gens s’en vont, Rob lui-même songe à partir (thought about saying his goodbyes and going).
Le be du passif est lui-même à la forme de participe passé, cette fois plus pour indiquer un repérage passé par rapport à une situation elle-même passée (he accompanied the old man up the grand stairs and thought about saying his goodbyes) que pour indiquer l’état résultant. On ne peut exclure la possibilité d’un cumul des deux valeurs (passé et état résultant), mais le passé prime.
Si les formes en –EN, qu’elles soient prises dans une périphrase du parfait ou dans une construction passive, disent un état résultant, il n’est peut-être pas étonnant qu’elles puissent s’employer comme adjectifs assez facilement, puisque les adjectifs disent des états. On envisage maintenant les formes adjectivales.
3. Formes en –EN et parties du discours
Les formes en –EN peuvent être participes ou adjectifs. Comment faire la différence ? Est-elle toujours nette ?
3.1. Participe ou adjectif ? Quels tests ?
La plupart des formes en –EN qui sont des adjectifs reçoivent une interprétation passive.
Une façon de tester le statut adjectival ou participial d’une forme en –EN est sa compatibilité avec d’autres verbes copules que be, tels que seem ou become. Dans le texte nous avons Rob felt almost relieved. Nous pourrions également dire : Rob seemed relieved. Relieved est donc adjectif. De même on peut dire He seemed determined, determined l. 18 est donc adjectif.
Un autre test est la gradabilité, puisqu’un adjectif est typiquement gradable. Dans l’exemple
Rob felt almost relived il n’est pas certain que l’on puisse traiter almost comme une forme de gradabilité (almost porte sur toute la relation prédicative: He’s relieved: this is almost true). Reste que relieved est gradable: Rob was very relieved ne pose aucun problème. Selon le critère de la gradabilité crowded est un adjectif : on peut dire a very crowded room; nous reviendrons sur cet exemple.
Il existe malgré tout des formes qui ne répondent pas au test de la gradabilité et qui peuvent pourtant être considérées comme des adjectifs. Ainsi nonplussed parait difficilement compatible avec very. Mais cela est probablement dû non pas au fait qu’il s’agit d’un participe mais au fait que nonplussed indique en lui-même un degré maximal (“on ne peut pas être plus surpris”). Cette forme répond d’ailleurs au premier test : il peut être précédé de seem.
Étant donné que la coordination réunit normalement des unités de même statut syntaxique, cela fournit une autre façon de tester le statut adjectival ou participial d’une forme en–EN. Dans thick shoulder-length grey hair, unwashed and unmanageable l. 69, unmanageable est clairement un adjectif qualificatif (certes il n’est pas gradable, mais il peut apparaître en position attribut : his hair is unmanageable), donc unwashed est aussi adjectif, même s’il ne répond pas aux autres tests, notamment celui de la gradabilité (very unwashed). Cela est dû au préfixe un- qui dit la négation de washed, et construit ici (ce n’est pas toujours le cas) une signification en tout ou rien : soit lavé, soit pas lavé (dirty en revanche serait gradable).
La complémentation des verbes et des adjectifs n’est pas la même et fournit une autre façon de distinguer adjectif et participe. Un participe est verbal et peut être suivi d’un COD (we’ve got your email l. 50). Ce n’est pas le cas des adjectifs. Toujours du point de vue de la complémentation, un exemple pose problème : a bit thrown by a glass of wine in the afternoon. La présence d’un complément d’agent semble indiquer une forme participiale, mais la gradation (a bit) semble indiquer une forme adjectivale. Existe-t-il un gradient entre les deux statuts ? On peut peut-être considérer que a bit commente la relation prédicative : (she - be thrown) - a bit. Alors thrown serait encore bien participial. Cela dit, à titre de comparaison, drunk et tipsy dans a bit drunk, a bit tipsy ne poseraient pas problème, ils seraient clairement adjectifs.
Le cas de sweet-faced l. 34 est particulier. Il s’agit bien d’un adjectif qualificatif, comme en témoigne la coordination avec small, adjectif prototypique, et ce même s’il n’est pas gradable. On peut cependant se demander s’il s’agit réellement d’une forme en –EN. Sa morphologie l’en rapproche, mais il n’existe pas de verbe *to sweet-face ; il ne peut donc s’agir du participe passé de ce verbe. On peut néanmoins considérer que cette forme intègre la référence à un procès : she has a sweet face, et que –EN est la trace de cette prédication. Le fait d’avoir un visage doux caractérise la personne (le procès lui revient au titre de détermination).
En fin de compte, le facteur essentiel pour distinguer adjectif et participe est celui du sens. La forme en –EN est adjectivale lorsqu’on s’éloigne de la référence à un procès, lorsqu’on dit un état plutôt qu’un procès dynamique. On peut envisager une continuité entre les deux significations. Revenons à l’exemple Dupont looked nonplussed. l. 4. On note dans le texte plusieurs formes en –EN qui disent la surprise : Dupont said in a cleverly bemused tone l. 12, he felt abashed l. 64. Le statut adjectival est très clair avec bemused l. 12 (même si cleverly ne peut pas être interprété comme une forme de gradation de bemused). Toutes ces formes en –EN (qui disent la surprise) sont adjectivales, elles disent un état. Ces états sont cependant advenus à la suite d’un procès: someone bemused him he’s bemused. Mais le procès n’est plus vu en tant que tel, c’est seulement l’après du procès qui est considéré, l’état qui lui succède.
3.2. Parfait ou passif ?
Dans certains cas il est difficile de dire si l’adjectif provient d’un participe passé ou d’un passif. Ainsi on peut interpréter Rob felt almost relieved l. 25 de plusieurs façons : soit He felt as if someone had relieved him (of a burden) – l’adjectif serait alors issu d’un participe passé, soit He felt as if he had been relieved by someone of a burden (participe passif). Au final la signification communiquée est la même. Le participe dit que quelque chose est fait (un procès a été accompli) et il revient à un de ses participants au titre de détermination.
On a un cas un peu différent avec and almost determined to get it l. 18. Determined peut apparaître dans la périphrase du parfait: he has determined to get some recognition for his work. Le parfait disant l’état résultant, le fait d’avoir décidé quelque chose peut rendre quelqu’un… décidé, et la forme en –EN peut apparaître précédée de la copule be, sans pour autant être un passif.
Enfin the crowded occasion l. 35 pose encore un autre problème. Le verbe crowd existe, et peut apparaître dans des constructions du parfait ou du passif. Il est difficile de faire la part des choses dans cette construction, car il s’agit en fait d’une hypallage, la relation développée étant the room was crowded on that occasion. Il s’agit plus probablement d’un passif, mais avec la particularité que le verbe crowd contient la mention de l’agent. La construction est très synthétique.
3.3. Un cas de substantivation
Il y a un cas de substantivation avec proper grown up play. l. 44, qui signifie plays for grown- ups. Cet exemple est différent du précédent : il ne s’agit pas d’une hypallage (on ne dit pas que les pièces sont adultes). Grown up est un nom qui provient d’un participe passé : someone who has grown (up). Puis seul le résultat est pris en compte et l’on peut dire he is grown up (dans des énoncés comme Look at him, he’s all grown up, car ce procès est caractérisant pour le sujet. Le procès est même tellement caractérisant pour le sujet que la forme peut devenir un nom, a grown up, car la propriété devient catégorisante : on oppose les enfants et les adultes. Il se trouve que dans le contexte l’opposition enfant / adulte est claire puisqu’on parle d’enfants qui mettent en scène dans leurs jeux des pièces pour adultes. Dans cet exemple on peut enfin noter la présence de up, qui marque peut-être qu’on a atteint une borne. On dit he has grown, mais pas *he’s a grown.
Conclusion
Ce sujet invitait donc à une réflexion sur les parties du discours : le verbe, l’adjectif, le nom et la relation entre les parties du discours et les significations véhiculées.
Une forme en –EN dit d’abord un procès passé (donc inscrit dans le temps). Ce procès peut alors être perçu comme caractérisant un de ses participants, qui conserve la trace de sa participation au procès, ou même, plus largement, la situation. La forme ne réfère alors plus à un procès dynamique mais à un état, et elle peut devenir adjectivale.
x
la référence à l’avenir
La référence à l’avenir est donc calculée par rapport à des repères variables : soit le moment présent, pour les personnages, soit des événement révolus évoqués dans le dialogue ou par la narration (ce qui correspond à ce que l’on appelle couramment « futur dans le passé ») ; enfin, un moment à venir peut aussi servir de repère à un événement qui lui est postérieur. La notion d’avenir n’a donc de sens que par rapport à un repère donné. Il faut encore la distinguer de la simple postériorité : un événement révolu postérieur à un autre événement révolu ne sera pas pour autant situé dans l’avenir au moment de l’énonciation.
Par ailleurs, l’avenir relève par essence du non-certain, à la différence de l’actuel et du révolu, avec plus ou moins d’assurance quant à la validation, marquée comme assurée, simplement potentielle ou hypothétique, à propos d’événements possibles, probables ou soumis à conditions ; c’est pourquoi la référence à l’avenir est souvent associée à la modalité. Cela dit, les locuteurs ne tiennent pas forcément compte du caractère par définition non-certain des événements à venir et peuvent aussi les décrire à l’aide de formes qui présentent l’avenir comme certain. Cette référence à l’avenir est de surcroît souvent valuée : un événement à venir peut être souhaité ou redouté. Il est fréquent aussi qu’elle s’inscrive dans l’intersubjectivité par le biais d’ordres, d’interdictions ou de conseils. [Des verbes à sens modal comme want, decide, need, ‘d rather, des noms comme plan, eligibility, ou immunization, des verbes comme challenge (l. 16) ou send a letter (l. 70) présupposent, à des titres divers, une suite ou une réaction.]
La problématique pour cette question consistera donc à se demander quels moyens (grammaticaux, lexicaux, syntaxiques) sont utilisés dans cet extrait pour renvoyer à l’avenir, dans quel cas ces outils permettent une interprétation renvoyant à l’avenir, et si certains sont réservés à cet usage, voire spécialisés pour certains types de référence à l’avenir.
On s’intéressera pour commencer aux références à l’avenir via des opérateurs verbaux, puis aux subordonnées et adverbiaux, pour terminer par les références opérées par le biais du lexique.
I – Référence à l’avenir par les opérateurs verbaux
Les marqueurs les plus fréquents pour renvoyer à l’avenir sont sans doute BE GOING TO et WILL, d’ailleurs souvent opposés. Le texte en présente plusieurs occurrences.
I. 1. Le modal WILL apparaît dans le discours direct sous sa forme contractée : I think I’ll move to Paris, l. 40, ou We’ll see you later, l. 68. C’est un opérateur congruent, indiquant que la validation de la relation prédicative est perçue comme ne posant pas problème, ce qui peut entraîner comme effet de sens une valeur de forte probabilité ou de prédiction, parfois décrite comme conséquence nécessaire.
[L’invariant actuel du modal WILL est donc assez éloigné de son sens étymologique de volonté, encore présent dans le nom will et le verbe lexical correspondant. Certains candidats, conscients de cette étymologie, affirment trop vite que WILL indique « toujours » une volonté, quitte à se contredire en glosant les exemples relevés : les incohérences de ce genre sont à éviter. Il est en revanche bienvenu de préciser que la valeur de prédiction peut, dans certains cas, notamment une première personne sujet, s’appuyer sur une volonté émanant des sujets parlants. Cette nuance est cependant absente d’un énoncé tel que “That’s where we’ll come through.” (l. 66), ou d’un énoncé qui construit un repère fictif à venir : “Otherwise, she’ll be frantic.” (l. 70), aisément glosé par if you don’t write to your mother, she’ll be frantic. La protase, sous la forme de l’adverbe otherwise, entraîne la conséquence nécessaire she’ll be frantic.]
Mais WILL n’est pas en soi un « auxiliaire du futur » : même si le texte support ne comporte aucune ocurrence de will générique (de type oil will float on water), cette valeur de renvoi à un événement spécifique dans l’avenir est liée au contexte, lui aussi spécifique, des occurrences de will dans l’extrait.
Par ailleurs, WILL est souvent opposé à SHALL, dont le texte ne comporte aucune occurrence au présent. Ce modal, avec BE GOING TO d’ailleurs, est l’une des rares formes de l’anglais qui renvoie de façon non ambiguë à l’avenir – peut s’y ajouter une valeur d’engagement de la part de l’énonciateur.
- L’autre forme protoypique de renvoi à l’avenir est BE GOING TO, qui figure par exemple l. 26 : we’re going to be research assistants. Elle se compose d’une forme en to, opérateur de visée (c’est-à-dire indice d’une projection vers la validation de la relation prédicative, ou d’une RP vue comme validable) ; le mouvement vers la validation est signalé par go, ici grammaticalisé, à ne pas confondre avec les emplois de go lexical qui figurent ausi dans l’extrait (l. 25 par exemple : You’re going to India ?), et la forme be + -ing indique que ce mouvement est vu comme étant en cours de déroulement.
À l’inverse, BE GOING TO + V est impossible lorsque l’énonciateur évoque des décisions pour son avenir prises sur l’instant, comme le fait Madeleine l. 33 : Maybe I’ll take a trip too. C’est parce qu’elle vient d’entendre le récit que Madeleine, en réaction de défense (in a menacing tone), formule cette projection possible. Be going to, ici, impliquerait que le personnage présente cette décision comme ayant fait l’objet d’une réflexion.
BE GOING TO peut également marquer une RP vue comme « en voie de validation » lorsqu’il n’y a pas eu décision préalable, ainsi l. 58 : you’re going to be late. C’est au vu des indices fournis par la situation (l’heure, l’affluence et le trajet à parcourir) que Madeleine conclut que son père s’achemine vers un retard. Will aurait également été possible, mais l’emploi de be going to + V met en avant le cheminement vers une réalisation inévitable, là où will souligne une prédiction fondée sur une déduction.
En dehors du discours direct, le cadre du récit étant le révolu, le temps employé avec ces opérateurs n’est pas le présent, mais le prétérit, qui marque alors une rupture temporelle par rapport au moment d’énonciation, mais le raisonnement est le même. Par exemple, dans l’énoncé That she would never fall in love with Mitchell and marry him… was yet another indication…, l. 5, le prétérit de rupture temporelle associé à will est ici une translation au prétérit, exigée par la concordance des temps, d’un will de prédiction.
[Dans un contexte différent, la même suite she would never fall in love ne réfèrerait pas à l’avenir, mais à de l’irréel du présent. Par exemple : She is obviously falling in love with Mitchell. She would never fall in love with him and marry him if he was not rich. Il est donc clair que would, pas plus que will, ne renvoie pas systématiquement à l’avenir ; précisons aussi qu’il était inutile de lui attribuer une « valeur de conditionnel », dans la mesure où cette appellation renvoie à un mode propre au français, et non à une valeur clairement identifiée en anglais.] Dans la narration au prétérit figurent aussi des occurrences de BE GOING TO : they were going to
backpack through Europe (l. 21) ou they were going to fly to India (l. 22). Il s’agit de discours indirect libre : le passage est introduit par he explained (l. 17), même si ce verbe introducteur n’est pas repris. Comme dans le passage au présent cité plus haut (l. 26), l’énonciateur détaille le projet de voyage décidé en amont (cf. l. 19 : had decided, after much consideration). Il est donc naturel qu’il utilise le même opérateur.
I. 3. En plus de ces deux marqueurs prototypiques du renvoi à l’avenir, le texte comporte plusieurs occurrences du marqueur aspectuel BE + V-ING, sans go, associé au présent ou au prétérit. Il marque un procès inaccompli, vu en déroulement par rapport à un repère donné (révolu, actuel ou à venir) ou par rapport à un ensemble de repères (whenever, always). On lit ainsi l. 25 : You’re going to India? ou l. 32 : You’re going to the right place. Mais il faut distinguer les occurrences renvoyant à un procès
déjà en cours de déroulement au moment d’énonciation, de celles qui renvoient à l’avenir. Dans l’interrogative à la forme affirmative You’re going to India? (l. 25), la référence à l’avenir est construite par le contexte gauche (la description du projet de voyage, lignes 18 à 24) et le temps présent, autorisé par le DRD. L’autre ocurrence du verbe de mouvement go, l. 32, You’re going to the right place, fonctionne de la même manière : l’aspect indique que le procès est vu comme étant en déroulement, en voie de validation. Comme le contexte indique par ailleurs que l’événement n’as pas réellement commencé, Mitchell n’étant manifestement pas encore parti, l’effet de sens est un rejet du procès dans l’avenir, avec une valeur de pre-arranged, de déjà pensé. L’aspect simple serait impossible ici ; en revanche, il serait possible de substituer, l. 25, You’re going to go to India? La différence avec le présent en BE + V-ING est qu’avec be going to, le mouvement vers la validation (non encore atteinte) serait explicité, et cette dernière semblerait donc plus éloignée dans le temps.
Si la séquence “I’m never drinking again”, she said (l. 79) s’interprète comme renvoi à l’avenir, c’est pour une raison différente : la présence des adverbes never et again. Le premier interdit une interprétation spécifique de l’énoncé ; le second confirme qu’il est orienté vers l’avenir. Ce be + V-ing en DRD avec un sujet de première personne est l’expression d’un engagement de la part du référent de I, mais la nuance de volonté n’est pas attachée en soi à be + -ing, comme le suggère un segment tel que And now I’m not moving to the Cape (l. 88) : la volonté du sujet parlant n’entre certainement pas en jeu. Les nuances de volonté viennent d’ailleurs, quand elles se laissent filtrer. Ligne 79, never… again marque par exemple un engagement solennel de la part de l’énonciateur, Madeleine.
Enfin, comme pour WILL et BE GOING TO, la même valeur de déroulement vers un avenir, mais construit par rapport à un révolu (prétérit de translation) se retrouve avec be + -ing dans la suite Then it looked like I was moving to the Cape, l. 87. Cet emploi est intéressant à comparer avec le non- avenir, si l’on peut dire, auquel renvoie l’énoncé now I am not moving to the Cape, l.88, où be + -ing est accompagné de l’adverbe now, renvoyant au présent : Madeleine indique ici que la non-réalisation de move to the Cape peut déjà être considérée comme réelle, même si le procès lui-même ne devait se réaliser que dans l’avenir. L’énoncé est donc à la limite, parfois assez perméable, entre référence à l’avenir et référence au présent.
I. 4. Autre modaux. Les opérateurs étudiés jusqu’ici permettent des références à l’avenir sans valuation. D’autres, en revanche, ajoutent une valuation, que ce soit dans l’intersubjectivité ou non, dans les conseils ou le déontique, qui ne peuvent que référer à du validable. Le renvoi à l’avenir reste non-certain, mais se teinte de valuation qualitative : souhaits, conseils, reproches camouflés, rapports à des normes, par exemple. Là encore, aucune forme n’est spécifique à la représentation de ces valeurs référentielles, que le contexte construit en les filtrant.
L’extrait comporte ainsi plusieurs emplois d’autres modaux qui renvoient à l’avenir : il s’agit de should et might. Par exemple, dans la suite was the kind of … boy she should fall in love with and marry (l. 5), should marque la non-congruence, c’est-à-dire une mise en relation entre sujet et prédicat qui ne va pas de soi mais est le fait de l’énonciateur. Ici, l’effet de sens est de renvoyer à ce que cette jeune femme devrait faire dans l’avenir (référence à une norme), mais qu’elle ne fait/fera pas. Dans d’autres occurrences, should prend une valeur de conseil, ainsi dans You should get going (l. 60) ou you should go now (l. 62). Or le conseil, par définition, porte sur l’avenir.
Quant à l’auxiliaire modal MAY, au prétérit modal également, il peut exprimer indirectement aussi un conseil : c’est une lecture possible de You might find it interesting to meet him, l. 47, où to meet him est une création de repère fictif. À la référence à l’avenir s’ajoute ici une valeur de non certain, puisque may marque l’équi-possibilité, et might une équipossibilité dépendant d’un repère fictif, que l’on peut gloser comme You might find it interesting if you had the chance. Le degré de probabilité de la validation s’en trouve donc très réduit. Cet énoncé peut cependant être considéré comme un cas- limite, relevant autant de l’hypothèse (par définition non encore réalisée) que de la référence à l’avenir proprement dite.
Le conseil peut être mâtiné de critique, toujours dans le discours direct : c’est le cas dans You might change that dress before the march (l. 72), où se retrouve le même procédé consistant à laisser, par courtoisie, un choix à l’interlocuteur (que l’on peut paraphraser par you could change that dress or not), mais où l’énonciateur suggère en réalité de changer de vêtements. On note que dans cet énoncé est construite une succession d’actions à venir : before annonce un événement postérieur à ce qui est explicitement marqué comme peut-être à venir (change that dress).
Quant au would de la phrase We’d be happy to introduce you (l. 48), il est à étudier à la suite de You might find it interesting to meet him (l. 47) : ce n’est pas un prétérit de rupture temporelle, mais un prétérit de rupture modale dans une construction qui passe par l’hypothétique (glose : if you wanted), ou plus exactement par un potentiel teinté d’irréel à des fins de politesse, à la différence de we’ll be happy to introduce you (if you want).
II. Référence à l’avenir par des subordonnées et adverbiaux
Les subordonnées permettent d’observer un fonctionnement de la référence à l’avenir très différent de ce que permettent les opérateurs du groupe verbal.
II.1. L’extrait comporte plusieurs propositions adverbiales en when, donc à sémantisme temporel, telles que when you’re on your Grand Tour, l. 69-70, ou when we’re in the City, l. 48. Dans les deux cas, le verbe employé est be au présent, mais la première occurrence renvoie à l’avenir, alors que dans la seconde, le présent a une valeur générique. La première pourrait d’ailleurs être interprétée en ce sens dans un autre contexte tel que : when you’re on your Grand Tour, you usually forget to write home. Autrement dit, la référence à l’avenir n’est pas inhérente à la subordonnée temporelle elle- même, mais liée au prédicat de la principale. Dans le cas de when you’re on your Grand Tour, be sure to send your mother loads of letters, l. 69-70, c’est seulement le prédicat be sure to… qui fait interpréter l’ensemble de l’énoncé comme référant à l’avenir. Le contenu de la subordonnée constituant un repère pour celui de la principale, c’est seulement lorsque be on your Grand Tour sera validé que send your mother letters pourra l’être à son tour. Les deux procès sont donc à venir, mais ordonnés dans le temps, dans le même ordre que celui où ils sont mentionnés. Il est à noter que will est exclu de ces subordonnées renvoyant à l’avenir, puisque ces dernières ne font que poser un repère pour la validation de la principale ; elle ne peuvent donc pas dans le même temps se prononcer sur le degré de probabilité de validation d’un procès.
Les subordonnées en AFTER ne sont pas moins ambiguës. On lit par exemple l. 20-21: At the end of the summer, after they’d saved up enough money, they were going to backpack through Europe. Dans les explications de Mitchell, rapportées dans du discours indirect introduit par he explained, l. 17, donc situées par rapport à un repère passé, c’est en raison de l’expression modale were going to + BV (base verbale), qui ne peut que référer à l’avenir, que l’on reconstruit tout le début de la phrase At the end of the summer, after they’d saved up enough money, comme référant à l’avenir par rapport à ce repère passé. La même séquence introduite par after ne serait pas comprise en ce sens si elle était suivie par exemple de they had backpacked through Europe (At the end of the summer, after they’d saved up enough money, they had backpacked through Europe) : Mitchell parlerait alors de révolu. L’expression at the end of the summer est elle aussi ambiguë, interprétée en fonction de la référence temporelle de la principale. Il en va de même pour le groupe prépositionnel after graduation, l. 10 (What are your plans after graduation?), qui a souvent été relevé comme référence à l’avenir. AFTER signale seulement une succession d’événements ; c’est la combinaison du temps (présent) et du lexique (plans) qui permet l’interprétation comme référence à l’avenir. Les repères temporels doivent donc pour certains être reconstruits rétrospectivement par une activité langagière de (re)construction du sens, fondée sur la combinaison de divers éléments. En revanche, the next summer ou, l. 68, later, indiquent en eux-mêmes une date ultérieure au moment repère.
[Le past perfect, dans After they’d seen everything, est lui aussi interprété comme référant à l’avenir par rapport à un repère révolu dans les explications de Mitchell. La subordonnée as long as their money held out (l.23) impliquant une simultanéité avec ce procès, elle est elle aussi comprise dans ce contexte comme se situant dans l’avenir. Cela dit, comme cette proposition en as long as n’est pas une subordonnée de temps mais de durée, il n’était pas attendu des candidats qu’ils l’incluent dans leur corpus.]
II.2. Pour revenir aux propositions, un autre type de subordonnée peut lui aussi renvoyer à l’avenir ; il s’agit des subordonnées en TO, dites « infinitives ». C’est le cas l. 87-88 : I told them to get another roommate, où to indique que le procès get another roommate est vu comme étant à valider ; c’est la valeur de visée de TO. Une glose possible est la suivante : I told them that they should get… L’intersubjectivité directive (volonté de quelqu’un exercée sur quelqu’un d’autre pour que ce dernier accomplisse une action) est forte lorsque, comme ici, deux agents sont mentionnés ; de même dans My mother wants me to move back home (l. 88) ; they invited Mitchell to sit down (l. 1). Dans ce cas, les validations éventuelles sont considérées comme positives par les « premiers agents » (référents de I, my mother ou they), ceux qui impriment leur volonté sur autrui.
Les mêmes valuations téléonomiques4 (liées à la finalité) positives se retrouvent dans le but ou plus généralement dans la visée. Le rôle de TO et FOR y est crucial. Dans la proposition I have
4 Une valeur téléonomique, terme emprunté à Antoine Culioli, indique une orientation vers un but ou un objectif.
nowhere to go (l. 88), par exemple, to introduit un procès go non encore réalisé, mais recherché ; ou encore, dans went back to the counter to get more coffee (l. 2), le second to n’est pas une préposition et pourrait se gloser par in order to, indiquant bien une intention.
[Cette occurrence de to est d’ailleurs proche d’un emploi de for : une autre glose possible aurait été she went back to the counter for more coffee. On retrouve une valeur de for proche de celle-ci l. 39 : what the shots were for. Mais ces emplois de for étant en fait assez périphériques par rapport à la référence à l’avenir, la mention de ces occurrence n’était pas indispensable.]
Il faut toutefois signaler que si to marque la visée, définie ci-dessus comme le renvoi à une relation prédicative vue comme validable, et s’il est donc tout à fait compatible avec la référence à l’avenir, il ne suffit pas toujours à l’indiquer. Ainsi une subordonnée infinitive en to ne constitue pas nécessairement une référence à l’avenir : ligne 2 (glad to have Mitchell keeping her parents occupied), Mitchell est en train d’occuper les parents de l’énonciatrice, si bien que la subordonnée renvoie à un procès en cours au moment repère. Ce que permet alors to, c’est un recul par rapport à cette validation, condition nécessaire au commentaire appréciatif exprimé par l’adjectif glad.
Pour résumer cette partie sur la syntaxe, ni les subordonnées, ni la plupart des compléments de temps relevés, pris isolément, n’indiquent une référence à l’avenir. Ces structures ne prennent cette valeur qu’en fonction d’un autre élément de l’énoncé. En ce sens, elles sont subordonnées non seulement par la syntaxe, mais aussi par le sens, au reste de l’énoncé qui détermine leur référence temporelle. Leur placement sur l’échelle du temps n’est que relatif, antérieur ou postérieur à celui du procès décrit par le prédicat dont elles dépendent.
III. Référence à l’avenir via le lexique
L’adverbe later, l.68, a déjà été mentionné, mais d’autres parties du discours peuvent impliquer une référence à l’avenir.
Certains lexèmes incluent dans leur sens, à des degrés divers, une téléonomie marquée. Le cas le plus évident est le nom plan, employé à deux reprises : What are your plans after graduation ? (l. 10) et a plan to fight the recession (l. 18). Ce nom évoque à lui seul l’avenir, souhaité et positivement valué.
Cette étude aura montré que, si l’anglais est dépourvu de temps futur spécifique, il dispose cependant de nombreuses manières de référer à l’avenir, parmi lesquelles il faut distinguer celles qui le font de façon non ambiguë (be going to, ainsi que be (about) to, absent de l’extrait), et celles, bien plus nombreuses, dont la valeur de renvoi à l’avenir est un effet de sens dépendant du contexte. C’est le cas des autres opérateurs verbaux, et notamment des modaux, qui permettent de se prononcer sur la validation : prédiction notamment pour will, qui aujourd’hui sert principalement à ces projections dans l’avenir, processus déjà engagés, essentiellement décrits par BE + -ING et BE GOING TO, ou encore valuation, suggestion ou hypothèse.
Exemples de bonnes remarques sur des occurrences
- Le texte contient trois occurrences de propositions adverbiales ou de GN adverbiaux qui font référence à l’avenir. Ces trois structures sont construites à l’aide de la conjonction ou préposition « after » : « after graduation » (l. 10), « after they’d saved up enough money » (l. 21), « after they’d seen everything in Europe» (l. 22). After opère un agencement temporel d’événements. La conjonction (ou préposition) permet de positionner temporellement un événement après l’autre. Si le premier événement chronologique n’a pas encore eu lieu, alors le second qui aura lieu ensuite, mais aussi le premier, font référence à l’avenir. Dans le texte, la conjonction est suivie du plu-perfect, temps du passé car le récit se fait au style indirect libre. Lorsqu’on rétablit le discours direct, les énoncés se retrouvent au present perfect, qui est un temps du présent en anglais. Le présent permet donc de faire référence à un avenir, en conjugaison avec la conjonction « after ».
- L’expression de l’avenir peut être liée à l’actualisation d’une volonté présente. Par exemple, Mitchell énonce ses projets pour l’avenir. Cette temporalité (time) peut alors être considérée comme l’espace temporel d’une projection de soi selon une modalité en accord avec sa propre volonté. Ainsi les parents demandent-ils « What are your plans after graduation ? » (l. 10). Le temps (tense) du présent sert à ancrer la projection dans l’avenir. Le narrateur présente ensuite les projets : « a plan to fight the recession » (l. 18). Il est intéressant de remarquer l’emploi de l’infinitif en « to », opérateur verbal qui exprime typiquement la visée. On retrouve ce même opérateur après une expression forte de la volonté : « had decided (…) to leave the country » (l. 19-20). On remarque la présence du verbe « decide », qui implique une action future. Ainsi, le sémantisme du verbe peut à lui seul indiquer l’avenir comme l’expression d’une volonté.
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« Les formes en -ing »
La question large porte sur une notion ou une forme linguistique dont le candidat est invité à analyser la délimitation, la valeur et
les réalisations en discours en s’appuyant sur les occurrences présentes dans l’ensemble de l’extrait proposé.
Le traitement de cette question doit être mené dans le cadre d’un plan cohérent et dynamique qui permet de faire ressortir les enjeux soulevés par ces occurrences et de dégager des réflexions synthétiques sur le phénomène étudié.
A nouveau, le jury insiste sur l’importance d’une gestion efficace du temps. Dans de nombreux cas, le traitement de la question sur les formes en -ing a été laissé inachevé ou a visiblement été écourté, ce qui suggère qu’un entraînement inadapté n’a pas permis aux candidats de développer leur analyse dans le temps imparti.
La question abordée cette année par cette partie de la sous-épreuve était classique, et la plupart des candidats ont été en mesure de proposer une problématique et de traiter les occurrences les plus fondamentales. La majeure partie des compositions ont fait état des trois grands domaines dans lesquels les formes en -ing sont observées : le domaine verbal, le domaine adjectival et le domaine nominal. Plusieurs compositions n’ont proposé cependant aucun plan et fournissaient uniquement un catalogue d’occurrences classées avec plus ou moins de rigueur et de pertinence.
Le jury souhaite rappeler que le traitement de la question large doit absolument comporter une introduction apparente délimitée par un ou plusieurs paragraphes distincts. Les compositions qui ne comportaient pas d’introduction sont celles qui ont obtenu les notes les plus faibles, car il est essentiel que le sujet à traiter soit en premier lieu défini et circonscrit de manière non ambiguë. Cette définition doit ensuite donner lieu à une problématisation élaborée en fonction de la palette des formes recensées dans le passage. Il faut enfin que cette problématisation donne lieu à l’élaboration d’un plan structuré, logique et opératoire, annoncé à la fin de l’introduction, puis respecté dans la suite du traitement.
Le recensement des occurrences constitue une phase essentielle à la mise en œuvre de cette démarche. Si l’extrait a été retenu par les concepteurs, c’est qu’il présente une configuration propice au traitement du phénomène ou de l’opérateur sélectionné. Cette phase préliminaire doit déboucher ensuite sur un travail de catégorisation, ce qui suppose que la nature et la fonction de chacune des formes recensées soient correctement identifiées. De nombreux traitements proposés cette année contenaient des erreurs de catégorisation, le jury ayant déploré un grand nombre de confusions entre le participe présent et le gérondif. Si le traitement de la question large gagne généralement à être synthétique et articulé autour des points de convergence que l’étude d’un opérateur unique fait ressortir, il convient également de mettre en lumière les différences de fonctionnement que celui-ci manifeste dans ses diverses occurrences, notamment lorsqu’elles sont rendues manifestes par des considérations d’ordre syntaxique. En l’occurrence, si les formes en -ing doivent bien être analysées au niveau lexical lorsque l’on a affaire à des substantifs ou à des adjectifs, tout traitement du gérondif et du participe présent devait amener à parler de propositions gérondives et participiales, la détermination effectuée par l’opérateur s’étendant dans ces cas à l’ensemble du prédicat.
C’est la classification des occurrences en plusieurs types catégoriels qui doit permettre de définir la problématique de l’analyse et
14 Les périphrases modales peuvent comme les modaux avoir un fonctionnement radical : on s’intéresse alors aux conditions/propriétés requises pour que le sujet valide le procès. Dans ce cas, on obtient souvent une valeur de contrainte – obligation ou interdiction – émanant de l’énonciateur
(valeur déontique) (You are to stay there until further notice ; You have to leave right now) ou de décision prise/planifiée (We are to take the train to London, and after that to drive to Leeds). Les périphrases modales peuvent aussi avoir un fonctionnement épistémique, dans quel cas l’énonciateur s’intéresse à la probabilité de réalisation de la relation prédicative. On obtient alors une valeur de nécessité logique, comme c’est le cas avec have to : Where’s my key ? It has to be somewhere. Dans un contexte révolu, avec be to, on obtient une valeur rétrospective de nécessité logique, d’où la valeur de fatalité/destinée.
15 Cet effet est accentué par la présence de be to dans le segment qui introduit le focus de la clivée (it was to be an unexpected visitor who was to monopolize Morse’s time that evening). La répétition de be to crée ici un effet d’emphase, de surenchère, et peut même être considérée comme une maladresse stylistique. On aurait pu se contenter de be : it was an unexpected visitor who was to monopolize Morse’s time that evening. Ceci s’accorde avec l’atmosphère générale du passage, entièrement articulé autour du fait que Morse, qui ne souhaite voir que Christine, subit toutes les autres visites et les perçoit comme intempestives.
le plan qui doit être suivi pour traiter celle-ci. Le passage offrait une palette étendue de formes en -ing et plusieurs illustrations de la porosité qui existe entre certaines catégories. C’est pourquoi la problématique retenue dans la proposition de corrigé fournie ci- dessous s’articule autour de la valeur invariante de l’opérateur et des continuums observés sur les axes qui relient les formes verbales aux formes nominales d’une part, et les formes verbales aux formes adjectivales d’autre part. Le plan suivi pour traiter cette problématique n’était en aucune manière le seul attendu et la valeur invariante de nominalisation proposée pour l’analyse de - ing n’était pas la seule recevable. De bonnes compositions ont par exemple attribué à l’opérateur une valeur centrale d’acquis ou d’anaphore. Il semblait en revanche plus malaisé de maintenir que la valeur invariante de -ing était aspectuelle ou liée à la durée. Cette approche, adoptée par plusieurs copies, était vraisemblablement issue d’une confusion entre -ing et l’agrégat be + -ing et achoppait rapidement sur de multiples difficultés. On signalera enfin que l’approche théorique adoptée dans le corrigé pour l’analyse de be + -ing n’a pas été la seule acceptée.
S’il n’était pas question d’exiger une analyse exhaustive de chaque occurrence, il était bienvenu de sélectionner les exemples les plus représentatifs de chacun des fonctionnements de l’opérateur, sans occulter ceux qui étaient ambigus ou problématiques. Il est enfin indispensable que le développement du traitement comporte des micro-analyses. Celles-ci doivent donner lieu à des démonstrations cohérentes en contexte, appuyées par des observations pertinentes et des manipulations.
La conclusion, quant à elle, peut être l’occasion de prendre du recul sur le sujet, de récapituler la démarche ou d’effectuer un pas supplémentaire dans la réflexion synthétique, voire d’ouvrir la discussion sur des sujet connexes.
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Proposition de corrigé :
Introduction
- Délimitation du phénomène, description de l’opérateur et catégorisation générale des formes en -ing
Par « formes en -ing », on entendra ici les formes qui comportent l’opérateur -ING. Sur le plan de l’analyse linguistique, des mots morphologiquement simples (c’est-à-dire ni dérivés ni conjugués) tels que ring (l. 44) et anything (ll. 48, 63), dérivé de thing, n’offrent qu’un intérêt limité, étant seulement des mots terminés par la graphie . Morning (l. 5) et evening (l. 14 et l. 35) sont étymologiquement des noms dérivés dans lesquels on retrouve le morphème -ing ou ses précurseurs, mais ils seront exclus également car les verbes desquels ils dérivent originellement sont devenus opaques. Seul le morphème -ing adjoint à des verbes transparents offre un véritable intérêt pour qui souhaite analyser les opérations et processus linguistiques qui lui sont liés16. C’est donc à lui que cette analyse sera consacrée.
Le morphème -ing (parfois représenté en majuscules : -ING) est une forme non autonome, un morphème lié17, qui se manifeste sous la forme d’une terminaison. Il s’adjoint, en position finale, à une base (un verbe) pour marquer certaines informations d’ordre grammatical ou afin de former certains types de mots. En grammaire traditionnelle, on considère que -ing peut être 1) une désinence (ou flexion18), ou 2) un suffixe de dérivation. Une désinence sert à marquer le genre, le nombre ou le cas des noms ou encore le temps, le nombre et la personne des verbes. Les suffixes de dérivation permettent de former, à partir de certains mots, des unités nouvelles appartenant à une catégorie grammaticale différente.
En tant que désinence, -ing s’adjoint à un verbe pour former le gérondif et le participe présent. En tant que suffixe de dérivation, il s’adjoint à un verbe pour former un mot appartenant à une autre catégorie lexicale (en l’occurrence un nom ou un adjectif)19. La portée de -ing diffère selon les cas : il porte sur le mot pour les noms et adjectifs déverbaux, sur l’ensemble du prédicat pour le gérondif et le participe.
- Problématisation et plan
On note que : 1) les formes en -ing peuvent être de nature nominale, adjectivale ou verbale ; 2) le « point de départ » de la formation de ces mots est toujours le verbe, que l’on ait affaire à des gérondifs, des participes (domaine verbal), des noms ou des adjectifs. La frontière entre les catégories est parfois floue. Selon le degré de lexicalisation des occurrences ou les spécificités de leur fonctionnement, il est parfois difficile de déterminer à quel type de forme il s’agit.
Après avoir répertorié les occurrences présentes dans ce passage, nous proposons de les regrouper dans les trois grands domaines identifiés plus haut : le domaine nominal, le domaine adjectival et le domaine verbal20. Nous fondant sur l’observation systématique des formes ainsi classées, nous examinerons les spécificités syntaxiques et sémantiques de leur fonctionnement en contexte et les processus linguistiques qui leurs sont liés. Nous tenterons d’identifier une valeur invariante de -ing, que celle-ci soit sémantique ou identifiable à un degré d’abstraction plus élevé.
I. Le domaine nominal
1) Le substantif lexicalisé (/le nom déverbal)
16 Cela dit, toute bonne remarque ou analyse de ces mots en a été prise en compte par le jury.
17 Dans une unité lexicale, un morphème est le plus petit élément doué de sens. Pour identifier les morphèmes présents dans un mot, il faut la plupart du temps « découper » ce dernier. Il y a par exemple trois morphèmes dans le mot hangings : le morphème hang, au statut lexical, le morphème -ing, et le morphème -s, marqueur du pluriel.
18 Certains grammairiens établissent une différence entre les désinences, terme qu’ils appliquent exclusivement au marquage des formes verbales (la conjugaison), et les flexions, désignation qu’ils réservent au marquage des formes nominales (la déclinaison). D’autres se réfèrent toutefois aux flexions verbales (les conjugaisons) et aux flexions nominales (les déclinaisons), ou encore aux suffixes désinentiels et aux suffixes flexionnels.
19 En termes techniques, -ing suffixe de dérivation est donc un suffixe déverbal nominal ou adjectival.
20 On aurait pu choisir de partir du domaine verbal. L’approche inverse, qui consiste à identifier et à étudier les processus linguistiques liés aux formes en -ing en partant de leur aboutissement et en remontant jusqu’à leur source, a été retenue parce qu’elle permet d’analyser finement certains phénomènes observés au plus près du pôle verbal à la lumière des opérations identifiées dans les domaines nominal et adjectival.
Le procédé à la base de la formation de ces mots est la dérivation par suffixation. En tant que suffixe nominal déverbal, -ing permet de créer des noms déverbaux21. Les substantifs lexicalisés sont officiellement répertoriés en tant qu’unités lexicales (c’est-à-dire qu’on les trouve dans les dictionnaires). On trouve dans le passage les deux occurrences suivantes :
(1) the visitors began to filter through with their offerings (l. 11) (2) the half-masked smile of understanding (l. 30)
En (1), offerings a un fonctionnement dénombrable (discret). On pourrait le qualifier par un adjectif (their kind offerings), et il porte la marque du pluriel, ce qui témoigne d’un très haut degré de nominalité. Il pourrait d’ailleurs être remplacé par gifts. Ce nom témoigne de la réification d’une activité ; en termes plus simples, il ne désigne plus l’activité d’offrir ou de comprendre, mais se réfère à des objets, au produit de l’activité.
En (2), le substantif understanding fonctionne de manière indénombrable. Il est ici complément de préposition dans un syntagme prépositionnel lui-même complément du nom smile. Déterminé par l’article Ø, il pourrait être modifié par un adjectif (the half- masked smile of Ø implicit understanding). Il renvoie à une activité, même si celle-ci est mentale. Si l’activité exprimée par le verbe sous-jacent peut être indirectement rattachée à Christine Greenaway par le biais de her smile, l’article Ø montre que l’on a ici un renvoi à la notion : aucune occurrence précise de understanding n’est ancrée dans la situation, et la référence est purement qualitative. L’action de comprendre, à laquelle renvoie le verbe sous-jacent understand est à nouveau réifiée par la substantivation. Dans le cas de offerings, ce processus était poussé très loin puisque de l’activité on avait glissé vers les objets de celle-ci. Avec understanding, c’est l’activité désignée par le verbe originel qui fait elle-même l’objet de cette réification.
2) Le nom verbal
Dans le cas des substantifs lexicalisés, -ing est la trace d’un travail déjà réalisé en amont de l’énonciation. L’énonciateur se contente d’employer des noms déjà présents dans une réserve de lexique existant. Par contraste, le nom verbal est la marque d’un travail « actif » de l’énonciateur au moment même de l’énonciation. Les noms verbaux sont donc, en principe, non lexicalisés. Une occurrence de notre corpus nous amène cependant à relativiser le caractère catégorique de cette distinction :
(3) the evening’s ordering (l. 35)
Ordering pourrait être qualifié par un adjectif (the evening’s particular ordering). Comme les substantifs précédemment examinés, cette forme dérive d’un verbe (order) et renvoie à une activité. Elle est ici déterminée par un génitif. On pourrait paraphraser ce segment par the ordering of the evening22.
À l’instar de understanding et offering, ordering est répertorié en tant que substantif dans certains dictionnaires23. Toutefois, le degré de réification et d’autonomie du procès exprimé par le verbe sous-jacent apparaît ici moindre que dans understanding, qui désigne une notion, et offerings, qui renvoie à des objets. On est plus proche d’un événement, c’est-à-dire un procès ancré dans une situation donnée (ici, une action). C’est pourquoi on suggère de l’analyser comme un nom verbal24, ou nominalisation d’action25. Ceci illustre la porosité observée à la frontière des catégories.
Conclusion partielle
Dans le domaine nominal, on voit donc que -ing permet d’opérer la réification des verbes auxquels il est adjoint, et par là-même leur nominalisation. Ce processus peut être plus ou moins avancé. A l’extrémité de ce que l’on pourrait désigner comme un continuum de nominalisation, on trouve des occurrences autonomes de substantifs qui désignent des notions ou des objets. Un peu en retrait sur ce gradient, on trouve des formes apparentées au nom verbal. On aurait envie de poursuivre avec within a second of his going (l. 56), qui se situe vraisemblablement plus loin encore en direction du pôle verbal. Mais cette occurrence sera analysée ultérieurement, dans la section consacrée au gérondif.
II. Le domaine adjectival
En tant que suffixe de dérivation adjectivale, -ing permet de former des adjectifs déverbaux et des adjectifs verbaux. C’est le cas dans les segments suivants :
(4) a wilting collection of white chrysanthemums (l. 14) (5) a sombre-looking woman of late-middle age (l. 15)
21 C’est vrai aussi d’autres suffixes dérivationnels comme -ation (assassinate = >assassination) ou -er (bake => baker), même si les opérations mises en œuvre dans la formation de ces substantifs sont loin d’être aussi complexes que celles dont -ing est la trace.
22 La construction du syntagme nominal dont elle est le noyau est assez similaire, en surface, à celle de their offerings, où le déterminant est
possessif (cas génitif). Ici, en revanche, on peut parler de procès repéré par rapport à son complément. L’orientation de ce procès est en effet passive et non pas active (there was a hiatus in the way the evening was ordered). Bien que la validation d’une RP soit présupposée, le sujet du prédicat sous-jacent n’apparaît pas dans l’énoncé car il ne correspond à aucune réalité extralinguistique (??[Someone] ordered the evening). Avec des termes différents, la même syntaxe de surface pourrait pourtant permettre d’obtenir un sens actif (Morse’s ordering of the evening was appreciated by the guests), mais il n’existe ici aucune ambiguïté en raison du sens de l’énoncé initial (celui-ci ne peut pas signifier The evening ordered something).
23 “Ordering: noun (Uncountable): The process of putting something in a particular order.” (Cambridge Online Dictionary).
24 Le nom verbal sera également opposé au gérondif dans la section consacrée au domaine verbal. Quelques-uns des tests qui permettent de distinguer ces deux degrés de nominalisation seront alors passés en revue.
25 Les dictionnaires qui répertorient ce substantif fournissent quasi-systématiquement des exemples tels que The ordering of the items in the
questionnaire is very important, the successful ordering of complex data, dans lesquels on a plutôt affaire à un nom verbal (cf. Quirk et
al. 1985: 1291).
(6) Mrs G. dragged her long-suffering feet away from Ward 7C (l. 27) (7) this hiatus in the evening’s ordering was getting… infuriating (l. 35) (8) a malfunctioning stop-cock (l. 43)
En (7), l’adjectif lexicalisé infuriating remplit après le verbe copulatif get la fonction d’attribut du sujet. Dérivé du verbe infuriate, il exprime une propriété du référent du nom hiatus26. On pourrait le remplacer par un adjectif comme bothersome, ou l’intensifier (it was getting absolutely infuriating). Comme de nombreux adjectifs, il peut être employé avec un comparatif, comme c’est le cas ici : as infuriating as waiting for breakfast…. On pourrait aussi l’employer en position épithète (this infuriating hiatus was getting too much for him). Tous ces tests montrent que l’on se trouve tout près de l’adjectif central (prototypique). Il s’agit donc d’un adjectif déverbal à part entière.
Les segments (4) et (8) peuvent être analysés ensemble. Les adjectifs épithètes wilting et malfunctioning sont respectivement dérivés des verbes wilt et malfunction. On pourrait reconstruire une relation prédicative sous-jacente en associant une propriété au nom sur lequel ils portent au moyen d’une proposition relative : (4) flowers that wilt ; (8) a stop-cock that malfunctions. Dans les deux cas, les propriétés exprimées sont d’emblée considérées comme acquises du fait de la position épithète des adjectifs. Une différence existe cependant entre ces occurrences et (7) : wilting et malfunctioning ne sont pas des formes lexicalisées, et les notions auxquelles elles renvoient sont moins stabilisées que si elles faisaient partie de l’inventaire lexical. S’il semble plus ou moins possible de remplacer ces formes par des adjectifs (a scabby collection of chrysanthemums ; a nonfunctional stop-cock) on ne pourrait pas les intensifier par very (a very wilting collection of chrysanthemums ; a very malfunctioning stop-cock)27 ou les placer en position d’attribut (these chrysanthemums look wilting ; that stop-cock was getting malfunctioning). Sur le plan sémantique, ces formes évoquent davantage des opérations effectuées en discours sur des éléments verbaux pour se référer à des procès ancrés dans une situation donnée. Sur un axe dont les pôles extrêmes seraient le verbe et l’adjectif, ces adjectifs participiaux se situent plus près du verbe que infuriating dans (7). Dans le cas présent, on se trouve quelque part entre l’adjectif prototypique et le participe présent. Il s’agit d’adjectifs verbaux, ou participes présents employés comme adjectifs.
En (5), l’adjectif composé sombre-looking apparaît en position épithète. -ing y est adjoint à un verbe copulatif juxtaposé à droite d’un adjectif attribut. La propriété qu’il exprime pourrait en effet être rendue au moyen de la proposition a woman that looks sombre, dans lequel look serait copule et sombre attribut. La forme est non lexicalisée, et les tests syntaxiques évoqués pour les segments (4) et (8) donneraient des résultats similaires. Il s’agit à nouveau d’un adjectif participial (/d’un adjectif verbal / participe présent employé comme adjectif).
Il en va de même pour la forme composée qui apparaît en position d’épithète en (6). Le sujet (her feet) du verbe sous-jacent suffer a un rôle thématique d’expérient. La forme suffering est juxtaposée à droite de long, de nature adverbiale, et l’adjectif composé attribue une propriété qui pourrait être exprimée par la proposition that had been suffering for a long time. La subtilité de l’emploi de long-suffering réside dans son ambiguïté : la forme se réfère-t-elle à la douleur éprouvée par les pieds de la visiteuse (d’où la visite chez le podologue mentionnée l. 26), ou désigne-t-elle, par hypallage, l’endurance de cette dernière au cours d’une visite précédée d’un long trajet comportant deux changements de ligne d’autobus (l. 22) ? Dans le premier cas, elle exprime un procès et marque une opération effectuée en discours, ce qui l’assimile à une forme non lexicalisée. Dans le second, il s’agit d’un adjectif lexicalisé, dont le sens est proche de celui de l’adjectif patient28. Ce qui permet ces effets est le jeu sur le degré de lexicalisation de l’adjectif et sa position sur l’axe qui relie le domaine adjectival au domaine verbal.
Conclusion partielle
Comme le substantif verbal ou déverbal, l’adjectif verbal ou déverbal en -ing réifie un procès. Alors que le substantif renvoie à une notion indépendante, l’adjectif exprime une propriété attribuée à un référent. Si, dans le domaine nominal, il est relativement aisé de concevoir que c’est l’opération de substantivation qui produit cette réification, qu’en est-il de l’expression des propriétés dans le domaine adjectival ? On suggèrera que l’adjectivisation est une opération apparentée à la substantivation, car à l’instar de la transition du domaine verbal vers le domaine nominal, le passage de la catégorie verbale à la catégorie adjectivale donne lieu à des formes autonomes, qui ne possèdent pas de sujet et sont dépourvues de toute marque de temps ou de personne. En grammaire générative, ce passage de la catégorie verbale à la catégorie adjectivale implique d’ailleurs l’adjonction d’un trait nominal au trait verbal initial. L’adjectif est en effet caractérisé non seulement par un trait verbal {+V}, mais encore par un trait nominal {+N}. (Le verbe possède les traits {+V, -N} et le nom les traits {+N, -V}. L’adjectif possède les traits {+V, +N}.)
[Note : Ces derniers éléments n’étaient pas exigibles. Il importait avant tout de montrer que pour les adjectifs comme pour les noms, -ing éloigne du pôle verbal (il n’y a plus de marque de temps ni de personne) et rapproche du pôle nominal.]
III. Le domaine verbal
Les formes en -ing qui relèvent du domaine verbal sont d’une part les gérondifs et d’autre part les participes présents, au nombre desquels la grammaire traditionnelle classe les formes rencontrées dans les énoncés en be + -ing 29. La question large invite à se pencher sur le statut des formes en -ing, mais nous verrons cependant que dans le domaine verbal, l’opérateur -ing détermine l’ensemble de la relation prédicative. Dans cette section, nous nous pencherons en premier lieu sur les formes en -ing observées dans les propositions gérondives avant d’examiner celles que l’on rencontre dans les énoncés en be + -ing et de finir en nous penchant sur celles que l’on observe dans divers types de propositions participiales.
26 La position d’attribut montre que la propriété exprimée est attribuée de manière rhématique. Le dynamisme de la copule get indique que le déroulement de la soirée acquiert graduellement les qualités prototypiques de la notion de ce qui est irritant.
27 Il devient en revanche moins difficile de les intensifier en employant des adverbes de sens plus spécifique : a badly wilting collection of chrysanthemums ; a severely malfunctioning stop-cock.
28 En réalité, l’hypallage semble plus complexe encore. De façon ironique, la propriété exprimée par long-suffering peut aussi paraître indirectement attribuée à Morse, qui subit avec irritation une scène qui se prolonge à l’excès.
29 Le participe est nommé de la sorte parce que les philologues le considéraient comme participant de plusieurs catégories grammaticales.
1) Le gérondif
Le gérondif est traditionnellement défini comme une forme verbo-nominale. On observe deux occurrences de gérondifs dans notre corpus :
(9) this hiatus in the evening’s ordering was getting just about as infuriating as waiting for breakfast in some ‘Fawlty Towers’ hotel (ll. 35-36)
(10) within a second of his going (l. 56)
En (10), going est spécifié par un déterminant possessif. Il dérive du verbe go et, comme les formes examinées précédemment, renvoie à une activité. Going existe en tant que substantif lexicalisé30. Cependant, his going est ici plus vraisemblablement une proposition gérondive (à forme non-finie) qui remplit la fonction éminemment nominale de complément de la préposition of : il s’agit d’une reprise de He was gone (l. 56). On pourrait remplacer going par leaving (within a second of his leaving), qui ne peut cette fois être un substantif lexicalisé. La présence du déterminant de nom his indique que going possède un statut nominal. D’autres éléments montrent cependant qu’il convient aussi de lui reconnaître un statut en partie verbal. On pourrait en effet le remplacer par une forme au parfait (within a second of his having gone) ou lui ajouter un complément de verbe, par exemple un circonstant constituant du syntagme verbal sous-jacent (within a second of his going to the bathroom)31. Il est en outre possible de le modifier par un adverbe, surtout si going reçoit un complément (within a second of his rapidly going [to the bathroom]). Enfin, on ne peut exclure la possibilité de le faire précéder par un pronom personnel au cas accusatif au lieu d’un possessif (cas génitif) : within a second of him going (on se situerait alors plus près du pôle verbal qu’avec his going).
His going a été ici analysé comme un gérondif, c’est-à-dire comme une nominalisation factive (on désigne alors le fait que le personnage s’en soit allé). En l’absence de complémentation, on pourrait cependant aussi envisager qu’il s’agisse d’une nominalisation d’action (nom verbal), par laquelle going désignerait l’action de partir (on se situerait alors davantage dans le domaine nominal). Ceci peut être démontré par la possible adjonction d’un adjectif au lieu d’un adverbe avant la forme en -ing (within a second of his rapid going)32. Bien que la présence de He was gone dans le contexte avant (l. 56) fasse indiscutablement pencher la balance en faveur du gérondif, cette possible ambiguïté met à nouveau en lumière la porosité des frontières catégorielles et signale l’existence d’un continuum entre domaine verbal et domaine nominal.
En (9), on note que la marque du temps est portée uniquement par l’auxiliaire du syntagme verbal de la principale33 dont dépend la proposition enchâssée waiting for breakfast in some ‘Fawlty Towers’ hotel. Ceci montre que -ing constitue dans ce type de proposition un marqueur de dépendance syntaxique. Cette proposition gérondive est ici encore nominalisée : elle occupe la même place et remplit la même fonction qu’un syntagme nominal. On pourrait la remplacer par something (This hiatus…was getting as infuriating as [something]). On trouve après waiting un complément d’objet indirect (for breakfast). Alors que cela était moins évident en (9), où going n’était suivi d’aucun complément, il est manifeste que c’est l’ensemble du prédicat, waiting for breakfast in some Fawlty Towers hotel, qui est nominalisé par -ing34. La nominalisation est donc plus partielle que lorsque l’on a affaire à des noms ou à des adjectifs.
Dans ce passage au discours indirect libre, l’énoncé peut aisément être interprété comme émanant du personnage principal. Il ne fait quoi qu’il en soit aucun doute que son contenu s’applique avant tout à la situation de celui-ci. Dans la proposition gérondive waiting for breakfast in some ‘Fawlty Towers’ hotel, la relation prédicative sous-jacente n’a pourtant vraisemblablement pas Morse pour sujet implicite. Cette proposition étant ici le terme repère d’une structure comparative, il est plus vraisemblable que le sujet sous-entendu soit générique. Pour que le repère soit efficace, la référence à la comédie de situation Fawlty Towers doit en effet être stabilisée et identifiable par tout lecteur indépendamment du contexte. Le procès possède ainsi une valeur qualitative et non une valeur quantitative d’occurrence spécifique.
2) Be + -ing
Dans les énoncés en be + -ing, un sujet grammatical est mis en relation avec un participe présent par le moyen de l’auxiliaire be,
qui porte le temps grammatical. Notre passage contient six occurrences de ce type :
(11) All mortals, Morse knew, were ever treading that narrow way by Tophet flare to Judgement Day (ll. 5-6)
(12) as earlier and darkly rumoured, Nessie was going to be on the night-shift (ll. 9-10)
(13) The clock behind Sister’s desk… was showing 7.30 when the visitors began to filter through (ll. 9-10)
(14) this hiatus in the evening’s ordering was getting…infuriating (l. 35)
(15) Morse knew, within a second of his going, that he would not be forgiving himself easily for such monumental ingratitude (ll. 56- 57)
30 Plusieurs dictionnaires donnent de going des définitions telles que the act of leaving a place ou a departure.
31 On pourrait ajouter un complément d’objet direct à leaving : within a second of his leaving the room.
32 Il ne serait alors plus question de déterminer going par un pronom au cas accusatif (within a second of him rapid going) ni de lui substituer une forme au parfait (within a second of his rapid having gone). Les tests proposés ici sont au nombre des manipulations qui permettent de distinguer traditionnellement le gérondif du nom verbal.
33 C’est-à-dire his hiatus …was getting…infuriating…
34 On peut ainsi considérer que -ing détermine l’ensemble de la relation prédicative, préconstruite. On note d’ailleurs que la structure Verbe-Objet-
Complément est restée semblable à celle de l’énoncé dynamique sous-jacent.
(16) the nurses were starting out on yet another circuit (ll. 75-76)35
La valeur de be + -ing est parfois décrite comme aspectuelle. On parle alors d’aspect duratif, imperfectif, inaccompli, progressif, ou de procès perçus « en cours de déroulement ». On pourrait ainsi analyser (14) And for Morse, this hiatus in the evening’s ordering was getting …infuriating comme permettant d’insister sur le développement graduel, l’intensification progressive du caractère irritant de la situation. Le verbe get exprimant un mouvement, un passage d’un état à un autre, ce processus est alors décrit comme inaccompli ou en déroulement.
Il est moins facile de recourir à ce type d’explication pour (16) the nurses were starting out on yet another circuit, car l’aspect sémantique de start oblige à concevoir le procès comme limité en durée. Certains parlent alors d’un effet sémantique d’« arrêt sur image » produit par la mise en relation du sujet avec V-ing au moyen de l’auxiliaire BE. On est toujours proche de l’« aspect imperfectif », de la valeur de déroulement.
En (13), The clock behind Sister’s desk…was showing 7.30 when the visitors began to filter through, show n’est pas un verbe d’action. L’horloge n’accomplit aucun geste. L’énoncé décrit uniquement les indications qui s’offrent au regard de Morse lorsque celui-ci se tourne vers la pendule. Si la valeur sémantique d’« arrêt sur image » peut toujours sembler pertinente, il faut alors recourir à des valeurs métaphoriques du déroulement pour adopter cette perspective. Certains évoquent par exemple une
« dilatation » du procès pour dire que celui-ci fournit un cadre temporel à la relation prédicative introduite par la subordonnée inversée when the visitors began to filter through. Certains préféreront considérer que les procès sont simplement concomitants et se contenter de parler d’ancrage du procès exprimé par show dans la situation, cet ancrage étant effectué par le temps de l’auxiliaire be.
À moins d’étendre la valeur métaphorique du « déroulement », il semble plus difficile d’adopter ce type d’approche pour appréhender (11) All mortals, Morse knew, were ever treading that narrow way by Tophet flare to Judgement Day. On a affaire à l’énoncé d’une vérité générale. [Le jury a malgré tout accepté ce type d’analyse, s’il était argumenté. Voici une autre piste d’explication qui a paru plus convaincante à la commission :] Pour rendre compte de la valeur de cette occurrence, on suggère que l’opération dont be + -ing est la trace est plus abstraite qu’un marquage aspectuel. Le sujet, ostensiblement mis en relation par l’énonciateur (au moyen de be) avec un prédicat déterminé par -ing, devient objet de discours et n’est plus envisagé comme agentif. Quant à la forme en -ing, elle signale, comme dans les propositions gérondives, un figement qui s’étend à l’ensemble du prédicat. Le procès n’est plus envisagé comme dynamique, mais l’énonciateur recourt à be + -ing pour se référer à une situation, souvent pour la commenter, l’expliciter ou justifier certaines de ses composantes. Lorsque be est au présent, cette situation est la situation d’énonciation. Quand il est au prétérit, comme ici, les procès sont présentés comme en rupture avec elle. Dans ce passage au discours indirect libre, le prétérit permet un ancrage dans la situation du personnage central. En produisant l’énoncé All mortals …were ever treading that narrow way by Tophet flare to Judgement Day, l’énonciateur n’informe pas le lecteur que les hommes sont des agents qui se dirigent vers leur destin. Les ruminations de Morse s’appuient sur un fait déjà établi36. Le figement du prédicat déterminé par -ing constitue déjà une réification que l’on peut considérer comme l’essence d’une nominalisation. Be + - ing sert à construire, à partir de la reprise d’une relation prédicative préconstruite dont la validation est présentée comme acquise, une qualité stable dépourvue de tout repère spécifique. Le procès est alors rapporté à un sujet dans une nouvelle relation prédicative par le biais de be, qui porte la marque du temps. On pourrait d’ailleurs évoquer la parenté de (11) avec Man keeps treading that narrow way by Tophet flare to Judgement Day, où l’imbriquée en -ing serait clairement une proposition gérondive.
L’analyse proposée peut aussi être appliquée aux énoncés précédents : this hiatus in the evening’s ordering was getting…infuriating ; the nurses were starting out on yet another circuit ; The clock behind Sister’s desk…was showing 7.30. Dans l’intégralité de ce passage au discours indirect libre, l’opérateur be + -ing permet de signaler ostensiblement la présence du personnage central, observateur du monde sensible. Les personnages et autres composantes de la situation d’énonciation fictive deviennent objets de discours. Leur présence et leurs agissements sont relayés par la perception de Morse. La narration repose en permanence sur l’anaphore situationnelle.
On peut également appréhender de la sorte (15) Morse knew…that he would not be forgiving himself easily for such monumental ingratitude. Le modal will au prétérit de translation marque une projection dans l’avenir. Le sujet grammatical de he would not be forgiving himself n’est pas présenté ici comme agentif, comme cela aurait été le cas dans Morse knew that he would never forgive his colleagues. En (15), Morse s’envisage et se décrit lui-même comme un simple objet de discours, se projetant non pas dans l’accomplissement d’un acte qu’il réaliserait volontairement, mais dans une situation dans laquelle son remords le placerait plus tard du fait de son ingratitude.
Dans (12), as earlier and darkly rumoured, Nessie was going to be on the night-shift, c’est l’opérateur be going to qui est employé pour se référer à une situation à venir. Le verbe go y revêt une valeur métaphorique, y désignant un mouvement temporel vers l’actualisation d’une relation prédicative qui va se dévirtualiser (c’est ce qu’indique l’opérateur to). Conjugué à be + -ing, il permet de décrire la situation d’énonciation (fictive) comme renfermant des éléments à venir37. La structure exprime en cela une prédiction plus certaine que will ou shall, la référence à l’avenir se basant sur des éléments déjà actuels. La situation de Morse est décrite comme déjà assombrie à ses yeux par la perspective du tour de garde de Nessie, infirmière peu amène.
Conclusion partielle
Dans les énoncés en be + -ing, le sujet est mis en relation par le biais de be avec un prédicat nominalisé par -ing. La validation du
procès y est présentée comme acquise. L’opération signalée par -ing, assimilable à une réification, met en lumière la parenté du 35 Une telle liste n’est pas nécessairement attendue dans les copies. Elle n’est fournie ici que par commodité.
36 Voir d’ailleurs la suite de l’énoncé : but he now prayed that the last few steps in his own case might be deferred at least a week or two. Le fait que l’énoncé constitue une citation du poème « Buddha at Kamakura », de Rudyard Kipling, ne fait que renforcer la pertinence de son analyse en tant que reprise anaphorique. Il n’est d’ailleurs pas dépourvu d’intérêt de noter que le passage repris comporte dans le poème un présent simple : “O ye who tread the Narrow Way / By Tophet-flare to Judgment Day / Be gentle when ‘the heathen’ pray / To Buddha at Kamakura!”.
37 Be going to peut ainsi être envisagé sous certains rapports comme une image miroir du perfect, au moyen duquel on décrit une situation qui
renferme des éléments passés.
rôle de -ing dans les énoncés en be + -ing et les propositions gérondives, où il est la trace d’une opération apparentée. Ceci s’accorde avec les origines diachroniques de la structure, be + -ing étant issu d’une construction qui localisait métaphoriquement le sujet à l’intérieur d’un procès réifié exprimé par un nom verbal au moyen de be et de la préposition on38. [Ces connaissances n’étaient pas exigibles. Elles sont fournies ici à titre indicatif dans la mesure où elles éclairent la situation qui prévaut en anglais contemporain.]
3) Les propositions participiales
Le participe présent est la tête d’une proposition subordonnée participiale qui a souvent une fonction de circonstant par rapport au procès dénoté par la principale. C’est pourquoi de telles propositions sont fréquemment analysées comme des participiales adverbiales. Notre corpus renferme deux occurrences de telles propositions :
(16) Bearing a… collection of white chrysanthemums, a… woman… proceeded to commandeer the sole chair set at his bedside (ll. 14-16),
(17) And soon he was deeply and happily engrossed – his temporary despondency departing on the instant (ll. 79-80)
On trouve dans (16) une proposition subordonnée participiale détachée (c’est-à-dire séparée de la principale, ici par une virgule) que n’introduit aucun subordonnant. Comme la plupart des circonstants, cette proposition participiale pourrait être supprimée, car elle exprime un commentaire accessoire et non indispensable. Elle est mobile : ici antéposée, elle pourrait également être postposée39 ou incise40. Le sujet de la proposition n’est pas fourni explicitement, mais il peut être récupéré dans la principale (a woman). C’est le cas pour toute subordonnée participiale en -ing au sujet non exprimé. Ce type de proposition peut entretenir divers types de relations sémantiques avec la principale et exprimer le moyen, la manière, une relation de cause à effet ou la concomitance. C’est cette dernière valeur qui est présente ici41.
En (17), le sujet de la subordonnée participiale détachée his temporary despondency departing on the instant diffère de celui de la principale et doit par conséquent être exprimé. La place de la proposition apparaît plus contrainte que dans (16). Une incise paraît difficilement envisageable, et l’antéposition induirait un rapport sémantique absent de l’énoncé initial, qui exprime, comme en (16), la concomitance42. Notons que la participiale n’est pas issue d’un énoncé en be + -ing, mais de his temporary despondency departed on the instant. Dans les participiales, à forme non finie comme les gérondives, -ing marque la dépendance syntaxique. La prédication sous-jacente apparaît de ce fait repoussée au deuxième plan. Dans les participiales, -ing est également un opérateur de nominalisation dans le sens où il éloigne le terme auquel il s’adjoint du pôle verbal : celui-ci ne porte plus de marque de temps et n’a pas nécessairement de sujet exprimé.
Il reste à présent à considérer deux cas dont la catégorisation peut paraître plus problématique. Il s’agit également de propositions participiales.
(18) he found himself consciously willing her to get up and go (ll. 22-23) (19) We’ve got some librarians coming from California – (l. 63)
Dans (18), la nature copulative du verbe find employé dans une tournure réfléchie montre que l’on a affaire à une construction transitive complexe dans laquelle la participiale remplit la fonction d’attribut de l’objet himself (à l’instar de l’adjectif complémenté ready dans he found himself ready to get up and go)43. Bien que la proposition remplisse une fonction attributive, willing n’est cependant pas un adjectif verbal (l’énoncé est très différent de He found himself willing to let her go, où willing serait cette fois de nature adjectivale). Non seulement le sens de la forme en -ing willing est ici distinct de celui de l’adjectif (Morse n’est pas disposé à faire quelque chose, mais désire positivement que quelque chose se produise), mais le participe présent admet un argument complément et un autre attribut44. Une telle construction serait impossible avec un adjectif (*He found himself desirous [of] her to get up and go). La forme observée en (18) est résolument située dans le domaine verbal. À l’instar de ce qui se produit avec le gérondif et les énoncés en be + -ing, la structure de départ du prédicat dynamique sous-jacent (Verbe-Objet-Attribut) est préservée, ce qui montre une fois encore que l’opération effectuée par -ing porte sur l’ensemble du prédicat et non uniquement sur le verbe. Le degré de nominalisation est donc faible. Le phénomène de figement observé dans (18) est pourtant caractéristique de la réification d’un procès.
38 On trouvait assez récemment encore des traces de cette construction dans des emplois de structures en be + a- + -ing où a- constitue un reliquat de la préposition on. (“He looks as if he was a-going, miss” [C. Dickens, Oliver Twist, 1837] ; “A fool I am, a-crying About a tender lad! [Dorothy Parker, “The Trusting Heart”, 1926]). Dans toutes les langues celtiques, on trouve des constructions assez similaires impliquant une préposition locative et un nom verbal : He is walking => Mae e yn cerdded (gallois), Tha e ag coisicheadh (gaélique d’Écosse), Tá sé ag siúl (irlandais). Cette ressemblance avec l’anglais est peut-être plus qu’une simple coïncidence.
39 A woman proceeded to commandeer the sole chair set at his bedside, bearing a collection of white chrysanthemums…
40 A woman, bearing a collection of white chrysanthemums, …
41 La validation d’une relation prédicative ainsi rattachée au sujet de la principale n’est pas sans évoquer une attribution de propriétés, et l’on peut discerner dans les subordonnées participiales un premier pas en direction du domaine adjectival. On pourrait presque paraphraser (16) par un énoncé contenant un adjectif participial non lexicalisé : ?A chrysanthemum-bearing woman sat in the chair set at his bedside. Ce glissement vers l’adjectif est d’ailleurs à rapprocher du fait que certains refusent à des propositions comme celles-ci le statut d’adverbiales, les assimilant plutôt à des appositions qui ne portent pas sur un syntagme verbal, un prédicat ou une relation prédicative, mais sur un syntagme nominal (en l’occurrence, a sombre-looking woman [l. 15]).
42 His temporary despondency departing on the instant, he was soon deeply and happily engrossed indiquerait en effet que l’euphorie de Morse est
la conséquence de la disparition instantanée de son abattement. Ce rapport de cause à effet est absent de l’énoncé original.
43 D’autres analysent ce type de construction comme une structure de type Sujet-Verbe-Complément d’objet avec scission du complément d’objet
(split object) ou une structure de type Sujet-Verbe-Complément d’objet dans laquelle le complément d’objet se décompose en un sujet et un prédicat.
44 La 3e proposition, imbriquée dans la participiale, fait appel à une construction transitive complexe dans laquelle le pronom her est objet direct du
verbe sous-jacent will alors que la proposition infinitive remplit la fonction d’attribut de celui-ci.
En (19), coming from California est une proposition subordonnée participiale qui reprend la relation prédicative sous-jacente . Have got remplit dans l’énoncé une fonction analogue à celle qu’aurait eu have et permet la thématisation (rethématisation) du sujet we (We have some librarians coming from California). On est proche des tournures existentielles. Le sens de l’énoncé pourrait d’ailleurs être rendu par There are/will be some librarians coming from California. En (19), la proposition participiale présente une deuxième prédication à partir de la première : We have some librarians that are/will be coming from California. Il s’agit d’une proposition relative elliptique, c’est-à-dire d’une participiale adjectivale45. Le participe coming étant suivi du circonstant obligatoire from California (constituant du syntagme verbal), on est clairement dans le domaine verbal, mais cette participiale nous entraîne déjà en direction du domaine adjectival. On perçoit la parenté de cet énoncé avec un exemple comme The nurses were busy making space for the coming guests46.
Conclusion
En remontant des formes les plus lexicalisées vers les formes les plus verbales, dans lesquelles -ing constitue la trace d’opérations linguistiques effectuées en discours, nous avons observé le fonctionnement de l’opérateur à proximité des trois pôles qui délimitent la palette de ses occurrences : le pôle nominal, le pôle adjectival et le pôle verbal, ce dernier constituant le point de départ de toute la structure. Plus on se rapproche du pôle verbal, plus les formes en -ing expriment des événements, c’est-à-dire des procès ancrés dans une situation d’énonciation. En remontant vers le pôle nominal, on observe des formes désignant des procès réifiés qui ne sont repérés par rapport à aucun sujet ou situation précise (on est alors proche de la notion) voire des objets matériels indépendants. Vers le pôle adjectival, on rencontre des formes susceptibles de renvoyer jusqu’à la notion adjectivale, exprimant alors des propriétés stabilisées. Dans tous les cas, à des degrés divers, la présence de -ing signale un éloignement du pôle verbal et une réification de l’élément qu’il détermine.
L’examen des formes du passage révèle également l’absence d’étanchéité des catégories. Il existe ainsi des chevauchements entre les domaines verbal et nominal, les contours de catégories telles que le nom déverbal, le nom verbal et le gérondif étant parfois brouillés. En direction du pôle adjectival, le même phénomène est observé en lien avec les adjectifs et les participes présents. Il est alors pertinent de parler de continuums. A proximité du pôle verbal, on s’aperçoit que l’opération dont -ing est la trace porte sur des prédicats tout entiers et que ce phénomène, observé dans les propositions gérondives, l’est aussi dans les énoncés en be + -ing ainsi que dans les propositions participiales. Dans tous les cas, le morphème -ing est la trace d’une opération invariante : la nominalisation, que nous définissons sémantiquement comme l’autonomisation et la réification décrites plus haut, mais aussi comme l’introduction d’un trait {+N} dans les énoncés construits autour des formes auxquelles il s’adjoint. L’absence de complémentation (ou le fait que celle-ci soit sous-entendue) alliée à la fréquence d’usage de certaines formes conduit éventuellement à la lexicalisation de celles-ci, d’où leur présence dans les dictionnaires en tant qu’unités lexicales attestées.
x
Question large : may, can, must
Introduction
— may, can, must sont des auxiliaires modaux (might et could étant les prétérits des deux premiers respectivement).
— Ils ont les propriétés syntaxiques des auxiliaires (‘NICE’ properties) , en particulier :
— Ils peuvent être directement suivis de l’adverbe négatif not (p. ex. l. 49 I may not see you again . . . ).
— Ils peuvent s’inverser avec le sujet (p. ex. l. 88 What can one do when . . . )
— Leur complément peut être ellipsé s’il est récupérable dans le contexte discursif immédiat (p. ex. l. 78 that it could satisfy me).
— Ils ont en outre des propriétés spécifiques :
— Pas de -s à la 3e personne du singulier.
— Suivis de l’infinitif sans to
— Toujours le 1er auxiliaire
— Pas de formes non finies et pas de forme de prétérit pour must.
— Sémantiquement ils expriment une modalité c-à-d un jugement sur une relation prédi- cative, plus précisément un jugement de possibilité (pour can et may) ou de nécessité (pour must). On distingue classiquement trois types d’interprétations de la modalité :
— La modalité radicale déontique exprimant l’obligation ou la permission.
— La modalité dynamique exprimant la capacité et la possibilité matérielle.
— La modalité épistémique exprimant une évaluation du degré de probabilité.
Nous verrons dans ce devoir que cette catégorisation fonctionne bien pour certains cas simples, mais que les limites ne sont pas toujours claires.
— Parmi les questions qui se posent concernant les modaux on peut noter :
— Modalité subjective (présentée comme dépendante de l’énonciateur) ou objective
(présentée comme indépendante de l’énonciateur).
— La portée de la négation (qui est syntaxiquement derrière le modal mais peut porter soit sur lui soit sur la relation prédicative)
— L’interprétation du prétérit des modaux.
Plan
1. La modalité épistémique : l.49, (annoncer l.61)
2. La modalité déontique : l.22, l.67, l.34/49, l.43.
3. La modalité dynamique
(a) La capacité : l.31, (l.55, 70), l.76,
(b) Possibilité matérielle : l.27, l.39, l.78, l.41
(c) Possibilité/légitimité morale : can l.85, might l.8
4. can épistémique l.61
5. Conclusion
— Synthèse sur la négation
— Synthèse sur subjectif/objectif
— Synthèse sur le prétérit
La modalité épistémique : l.49
(annoncer l.61)
l.49. But I may not see you again . . . Interprétation épistémique prototypique. Lily évalue les chances de réalisation du procès [I — see you again]. La négation porte clairement sur la proposition enchâssée (≈‘It is possible that I not see you again for a long time’)
La modalité déontique : l.22, l.67, l.34/49, l.43
l.22. And now you must let me make you some tea On a ici une modalité déontique. Il y a un conflit de volontés entre Selden et Lily. Il tente de lui imposer d’accepter son offre, mais elle refuse : She shook her head). Evidemment ce qu’il lui commande est vu par Selden comme devant lui être bénéfique, c’est ce qui explique qu’on doit comprendre qu’il s’agit d’une offre pressante de sa part et non d’un ordre, d’autant qu’il n’au aucune supériorité hiérarchique sur elle (au contraire, elle est son hôte).
l.67. Whether he wished it or not, he must see her . . . DIL, opposition de volontés (whether he wished it or not), déontique, mais il ne s’agit pas d’un ordre (puisque Lily se parle à elle- même). Coercition indirecte.
l.34. I must go in a moment cf. aussi l.49 On a ici une interprétation déontique avec le cas particulier où l’énonciateur I est identique au sujet. Il ne s’agit donc pas d’un ordre que Lily se donnerait à elle-même, mais d’une nécessité morale/matérielle (confusedly reflète ce manque de clarté) de laquelle elle se présente comme solidaire.
l.43. every demonstration must be scrupulously proportioned to the emotion it elicits On a une interprétation déontique d’obligation où l’énonciateur se montre solidaire d’une norme sociale qui existe indépendamment de lui. On notera le passif qui ne modifie pas l’interprétation de la modalité : one must scrupulously proportion every demonstration to . . . . Comparer avec la l.39.
La modalité dynamique
La capacité : l.31, (l.55, 70), l.76
l.31. and yet she could always relive it in . . . On a ici une interprétation dynamique de ca- pacité. Le prétérit est temporel, avec une interprétation de capacité passée récurrente (always). La phrase précédente crée une attente d’un oubli possible (remote) la capacité est donc une information pertinente, qui va dans le sens contraire des attentes.
l.55. she could not leave him without . . . Interprétation de capacité ou légitimité, mais dans le premier cas il s’agit bien sûr d’une capacité psychologique plutôt que physique. La négation porte sur le modal (≈ ‘It is not possible for her to leave him without’ ; = ‘It is possible for her not to leave him without’). Prétérit de concordance des temps (felt).
l.70. I could never be happy Très similaire à l.55.
l.76. Perhaps I might have resisted a great temptation Très proche de l.8. On notera que le remplacement de might par could change très peu l’interprétation. On notera que le perhaps initial n’est pas redondant. Il introduit un jugement épistémique sur le jugement dynamique.
3.2 Possibilité matérielle : l.27, l.39, l.78, l.41
l. 27. You know I can coax the water to boil . . . On a ici une interprétation dynamique de possibilité matérielle. Selden dispose d’un moyen de chauffer de l’eau.
l. 39. Such a situation can be saved only by an . . . On a ici une interprétation dynamique de possibilité matérielle ou de possibilité morale. On notera la voix passive. Une des preuves qu’on est dans la modalité dynamique et non déontique est que le passif ne modifie pas l’interprétation de la modalité par rapport à l’actif correspondant : Only an immediate outburst of feeling can only save such a situation. Comparer avec la l.43.
l.78. Such a life could never satisfy me . . . that it could Très proche de l.39. dynamique ;
prétérit modal (protase implicite : if I tried it)
l.41. The discovery did not disturb Lily as it might once have done. Proche de l.8, mais sujet inanimé. Interprétation dynamique de possibilité matérielle au sens psychologique. L’interpré- tation épistémique est également possible.
Possibilité/légitimité morale : can l.85, might l.8, l.76, l.41
l.85. I can hardly be said to have an independent existence Dynamique, légitimité. Noter le passif.
l.8. I might have trusted you to . . . Le have perfectif permet un jugement présent sur une situation passée. Il ne s’agit pas d’un jugement épistémique : Selden n’évalue pas les chances de réalisation du procès ‘I trusted you’ (le présent may aurait forcé cette interprétation épisté- mique, incohérente dans ce contexte). Il ne se donne pas non plus une permission rétrospective.
On a ici une interprétation de légitimité morale où le modal acquiert une valeur de type dyna- mique.
4 can épistémique
l.61. it can’t really matter to you what people think Interprétation épistémique. Portée de la négation sur la modalité. Cette interprétation n’est pas possible avec can assertif sans négation (#It can matter to you what people think), seul may serait possible : It may matter to you what
. . . . Si on met la négation avec may, elle porte sur la proposition. Le passage à can permet d’obtenir la négation de la modalité avec l’interprétation épistémique.
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LE PRÉTÉRIT ET LE PRESENT PERFECT.
Cette question longue tendait elle aussi le piège de la familiarité, pour ne pas dire de la facilité : tous les candidats ont entendu parler du prétérit ou du present perfect au cours de leur scolarité, et ce depuis la classe de cinquième pour le prétérit et de quatrième pour le present perfect. Ceci peut expliquer qu’elle a presque toujours été traitée (95% des copies), sauf mauvaise organisation du candidat qui se trouve à court de temps généralement sur cette question (environ 5% des copies). Toutefois on a pu constater dans quelques copies que leurs auteurs n’avaient pas réfléchi sur ces temps grammaticaux et ne pouvaient pas en dire beaucoup plus qu’un élève de quatrième.
Dans un premier temps, il fallait recenser et classer les occurrences. Certes on pouvait dénombrer plus de formes de prétérit que de present perfect, mais cela n’impliquait pas qu’il faille analyser plus longuement le premier. Il appartient en effet au candidat de sélectionner les occurrences les plus intéressantes pour construire un raisonnement, démarche bien éloignée de la liste d’occurrences que l’on trouve dans certaines copies, parfois accompagnée d’un commentaire étriqué. On rappellera aussi que l’infériorité numérique du present perfect ne doit pas pousser le candidat à considérer que what must you have been like on a jeep? (l. 42) en est une occurrence, alors qu’il s’agit tout simplement d’un auxiliaire de modalité suivi d’un infinitif passé.
Il fallait ensuite faire parler les termes du sujet proposé pour essayer d’aboutir à une problématique. Cette étape trouvait naturellement sa place dans l’introduction. On pouvait constater que prétérit et present perfect sont des termes qui réfèrent à des temps grammaticaux (au sens de “ tiroirs ”, terme plutôt utilisé en linguistique du français), ce qui oriente d’abord vers le problème du repérage temporel : le prétérit est lié au passé, le present perfect au présent, mais également au passé. Cependant le candidat ne peut ignorer que ces temps grammaticaux permettent aussi d’exprimer des aspects grammaticaux : aspect accompli pour le prétérit, aspect résultatif pour le present perfect. Il était également possible de
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développer une autre problématique, où le prétérit serait plus lié au repérage temporel et le present perfect à l’aspect grammatical.
On pouvait signaler toutefois que 1/ le present perfect n’a pas toujours existé en anglais (il s’est développé au 15e ou 16e siècle selon les grammaires – mais on rencontre déjà des constructions en have + participe passé dans la chronique de Peterborough), ce qui permet de supposer que le prétérit pouvait exprimer ce que le present perfect exprime maintenant ; 2/ que ces deux temps grammaticaux sont liés au passé, et 3/ que certaines variétés d’anglais (notamment l’anglais américain) emploient parfois le prétérit là où l’anglais britannique emploie le present perfect. Ces faits semblent montrer que le prétérit et le present perfect ne sont finalement pas aussi différents que certaines présentations voudraient le faire croire, et le développement pouvait essayer de mettre à l’épreuve l’hypothèse d’une séparation nette ou celle d’un lien entre ces deux temps grammaticaux.
L’examen de cette hypothèse, quelle qu’elle soit, devait s’organiser de façon à comparer les deux temps grammaticaux sur des points partagés, les plus évidents étant le repérage temporel et l’aspect grammatical. Trop de candidats (90% environ) se sont contentés d’un plan en deux parties : 1/ le prétérit, 2/ le present perfect, sans même envisager une confrontation des deux dans une troisième partie où l’on ferait le bilan des similarités et des différences. Certains candidats ont proposé une dernière partie sur le past perfect comme dépassement ou résolution de l’opposition entre prétérit et present perfect, en oubliant qu’un past perfect peut être un décalage de prétérit ou de present perfect, ce qui prolonge la problématique au lieu de la résoudre. D’autres ont terminé par une étude de be + ing, ce qui correspondait plus à un placage de cours qu’à un dépassement de la problématique. Diviser son exposé en deux colonnes, une consacrée au prétérit, l’autre au present perfect donne au candidat l’illusion d’une comparaison sans tromper le correcteur. Il était plus logique de confronter ces deux temps grammaticaux sur la question du repérage temporel et de l’aspect grammatical.
Parler de repérage temporel implique qu’on en donne une définition, si minimale soit-elle. Trop de candidats (95% semble-t-il) considèrent les termes qu’ils utilisent comme allant de soi et ne prennent pas la peine de préciser ce qu’ils entendent par “ temps ” (grammatical ? chronologique ?), “ repérage ” (temporel? spatial?) ou “aspect” (grammatical? lexical?). Une définition du repérage temporel implique qu’on fixe un point repère, le moment d’énonciation, à partir duquel s’organisent trois périodes, le présent (en coïncidence) et le passé ou le futur (en non-coïncidence, par antériorité ou postériorité). Antériorité et postériorité impliquent une orientation de l’axe du temps, dont le déroulement conduit à une séparation de plus en plus grande entre un événement passé et le moment présent. Il s’agit ici de précisions consensuelles, on pourrait dire “ banales ”, mais il est regrettable que, sur un échantillon de 70 copies, seulement 4% des candidats aient jugé bon de définir ce qu’ils entendaient par repérage temporel, par aspect lexical ou grammatical, ou bien par régime énonciatif.
Certains candidats ont fait remarquer, à juste titre, que ce que l’on entend par “moment d’énonciation ” varie dans le texte à étudier. Les verbes au prétérit utilisés dans le récit (c’est-à-dire, “ une présentation des faits survenus à un certain moment du temps, sans aucune intervention du locuteur ” selon E. Benveniste), comme ceux du premier paragraphe du texte (ll. 1-5) sont situés dans le passé par rapport au moment où le narrateur, Joseph, écrit son histoire (on peut facilement supposer qu’il s’agit d’un récit autobiographique). Les verbes au prétérit qui apparaissent dans le dialogue, qui n’est par forcément du discours (c’est-à-dire, toujours selon E. Benveniste, “ toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur, et chez le premier l’intention d’influencer l’autre en quelque manière ”), sont repérés dans le passé par rapport au moment où les personnages parlent, dialogue qui est présenté comme étant lui-même déjà dans le passé. Ainsi, All the grades rolled into one (l. 33) ou I was there with Errol Flynn on the day of victory… (ll. 44-46) décrivent des procès qui sont obligatoirement antérieurs au moment repère interne au récit de Joseph.
La plupart des copies insistent sur la différence entre le prétérit et le present perfect, arguant du fait que le moment du procès exprimé par un verbe au prétérit est précisé dans la proposition ou le contexte. Il est vrai qu’une date précise va souvent de pair avec un prétérit : You know, the jovial type you met in the Smoke at Christmas (l. 19, avec une date et un lieu précis) ; 39. I was there with Errol Flynn on the day of victory (l. 44). En effet, le moment d’actualisation de procès qui ont eu lieu dans le passé est généralement identifiable. Il y a peut-être en cela une cohérence logique : le fait de parler d’un procès particulier pourrait conduire à identifier le moment de ce procès ; il y aurait une cohérence de cadre.
Cette datation est apportée par le contexte : circonstants de temps (comme nous venons de le voir), adverbes, propositions circonstancielles, ou même enchaînement de procès à l’intérieur duquel les procès se repèrent les uns les autres. Les candidats ont souvent illustré ce dernier repérage par : The motor-bike cut in on us, scraping the front wing with a fraction of an inch to spare. Charles shook his fist at him. ‘You stupid bastard!’ he yelled. (47-48).
Ils ont aussi mentionné, mais plus rarement, le repérage d’un procès passé par un autre procès passé : Nunky thought he was very clever when he bought her cheap and patched her up (l. 20-21), et bien peu ont insisté sur la valeur de repère de cette proposition subordonnée temporelle où le verbe au prétérit n’exprime plus un procès repéré mais un procès repère. En effet, cette phrase ne peut s’entendre que si l’achat et la réparation ont eu lieu avant l’emprunt de la voiture par Roy, repérage qui n’est pas très précis. Toutefois, les procès buy et patch sb up étant circonscrits, il fournissent un cadre borné : leur propre délimitation implique un découpage de l’axe temporel par un intervalle délimité dans le temps. C’est ainsi que la temporalité de he thought est repérée à l’intérieur de ce cadre.
Quelques rares candidats ont signalé que la localisation temporelle du procès pouvait être vague : A coolie cost me a hundred chips once (l. 53), datation qui n’est pas plus précise que some time ago. S’il est fréquent qu’on ait une idée assez précise du moment où un événement exprimé au prétérit a eu lieu, il faut quand même remarquer que le prétérit n’exige pas vraiment une localisation temporelle précise : Men like you lost us the Empire (l. 54) ne dit pas exactement quand le procès lose a eu lieu. Il est vrai, comme l’a constaté la grande majorité des candidats, que lorsqu’on précise le moment où un procès a eu lieu, c’est souvent le prétérit qu’on utilise. Mais il ne faudrait pas en déduire hâtivement que le prétérit exige une date précise. Finalement, ce n’est pas le prétérit lui-même qui opère le repérage temporel du procès, mais les circonstants apportés dans le contexte.
En revanche, le present perfect est la périphrase du parfait conjuguée au présent. Dans une première approche un peu simple, certes, mais qui suffit à ce stade de la démonstration, on peut dire que le résultat d’un procès antérieur est localisé dans le présent, c’est-à-dire en coïncidence avec le moment d’énonciation. On considère généralement qu’il est incompatible avec un repère passé, bien qu’on puisse rencontrer There have been more deaths yesterday dans un bulletin d’information.
Nous aboutissons bien à une différence qui semble irréductible : le prétérit verse les procès dans le passé ; le present perfect localise le résultat d’un procès dans le présent. Et même si le procès exprimé au prétérit est envisagé au moment présent, une différence persiste puisque la distance temporelle exprimée par un prétérit temporel devient une distance modale. Certes le texte ne comportait pas d’exemple classique d’irréel du présent (If you were in my shoes…) qui aurait aisément ravivé les souvenirs de certains candidats. Mais beaucoup trop de copies ont affirmé de façon péremptoire que le texte ne comportait pas de prétérit modal en oubliant un peu vite le should de la ligne 34, et surtout le would de la ligne 29 (It wouldn’t be Julia?), plus facile à analyser parce qu’il figure dans un dialogue et qu’il peut facilement se comparer avec That will be Julia, par exemple. Cependant, la dichotomie entre prétérit et present perfect n’est pas si tranchée qu’on voudrait le croire.
Pour dégager une similarité entre ces deux temps grammaticaux, il faut bien distinguer entre les notions de période et de procès. Le procès est le référent du verbe ; dans un énoncé, il est repéré en coïncidence ou non avec le moment d’énonciation. La période implique une organisation intellectuelle du temps chronologique : la période passée est coupée du présent parce que l’énonciateur met une frontière entre les deux, bien que dans l’extralinguistique, le temps soit nécessairement un continuum. Un procès est repéré sur la ligne du temps par rapport à un point, le moment d’énonciation. En utilisant un temps grammatical du passé (le prétérit), l’énonciateur dit que le procès s’est actualisé dans une période coupée du présent. Mais le procès peut continuer à avancer sur la ligne du temps, et donc être encore actualisé à un moment passé plus proche du présent, ou même au moment présent.
Ainsi, tout porte à croire que le coup de soleil sur le visage de Roy (Beneath the cap his face was brick-red, l. 2) ne va pas se résorber d’un coup de baguette magique juste après le moment de la rencontre entre les trois amis, bien qu’on ne puisse pas préciser le nombre de jours que la guérison nécessitera – ce qui d’ailleurs importe peu à l’énonciateur. Par contre, notre connaissance du monde nous porte à croire qu’il est peu probable que ce même coup de soleil dure jusqu’au moment où Joseph écrit l’histoire de sa vie.
De même, dans Roy … worked at the library in the borough adjacent to Charles (l. 3), va-t-on dire que Roy avait un travail à la bibliothèque juste au moment où les trois amis se sont rencontrés ? Cela serait possible, mais on peut aussi envisager que le prétérit signifie qu’une partie du procès seulement est localisée dans le passé. En effet, l’actualisation du procès passé peut progresser vers l’avenir (cf. le temps ascendant de G. Guillaume). Il est incontestable que le moment où Joseph rencontre ses amis est bel et bien coupé du présent, comme cela est signalé par le prétérit. Mais ce temps grammatical ne porte pas sur le procès work at the library ; il porte sur l’observation de ce procès par Joseph au moment de la rencontre des trois amis, procès d’observation qui n’est pas mentionné. Or le procès (work at the library) qui est observé, intercepté, à un moment passé peut continuer jusqu’au moment présent et même au-delà. Le prétérit est le seul temps morphologique du passé de l’anglais, mais, si l’on se permet une comparaison avec le français, il est plus abstrait que l’imparfait et le passé simple : il dit qu’il y a du passé dans le procès, mais il ne dit pas si tout le procès ou seulement une partie du procès est dans le passé.
D’autre part, il ne faut pas négliger totalement la part d’accompli exprimée par la périphrase du present perfect, qui comprend un participe passé. Lorsque Roy déclare I’ve been earmarked for matrimony too (l. 36), les fiançailles (nous éviterons les comparaisons déplacées de certains candidats sur le marquage des bovins sur l’oreille) se situent dans le passé de son énonciation. Le participe passé earmarked saisit la partie accomplie d’un procès qui a été actualisé et qui est représenté en mémoire. L’accompli est une caractérisation du procès pour un moment donné, sachant que l’occurrence particulière de ce procès ne peut plus changer de statut : elle restera antérieure à ce moment, comme le moment d’observation d’un procès passé restera antérieur au moment d’énonciation.
On pourra cependant faire remarquer qu’en anglais, le participe passé est compatible avec un procès dont seulement une partie s’est réalisée, comme dans he has lived here for 20 years, et donc compatible avec un procès qui est encore actualisé au moment d’énonciation. Si l’on considère la subordonnée de l’énoncé You’ve not kept your looks as well as I have [kept my good looks], on comprend bien que le procès keep one’s good looks est encore actualisé au moment où Joseph parle, du moins en ce qui le concerne puisqu’il est le référent du sujet. Et il est évident pour lui que ce procès continuera à s’actualiser pendant une partie non négligeable de l’avenir. Ici encore le procès peut être actualisé après le moment où il est observé. Si le participe passé exprime la partie accomplie du procès, on doit souligner qu’un procès transforme de l’inaccompli en accompli au fur et à mesure qu’il s’actualise. Joseph est séduisant, et chaque moment qui passe augmente la partie accomplie de ce procès. Il s’agit donc de ce que l’on peut appeler un accompli dynamique, puisqu’il s’accroît à chaque instant. En saisissant la partie accomplie d’un procès, que ce procès soit entièrement révolu ou en accomplissement, le participe passé permet aussi à la périphrase du present perfect de stabiliser une partie du procès pour en mesurer la durée.
Grâce au participe passé, nous pouvons établir un lien entre le repérage temporel du prétérit et celui du present perfect. Le prétérit signale que le procès a été observé dans le passé, et le participe passé indique que le procès est saisi dans un moment d’après. La continuité entre le prétérit et le participe passé inclus dans la périphrase du parfait est une continuité de position : il faut être à l’extérieur d’un procès pour le saisir, et il est préférable d’être dans l’extérieur d’après ; si l’on était dans l’extérieur d’avant, on ne pourrait saisir que la première borne du procès. C’est à la deuxième borne du procès (ou borne de droite) qu’on peut saisir l’intégralité du procès.
Cet accompli du procès, qui implique une différence (et une association) entre deux moments, est plus souvent présenté comme statique, immuable, avec le prétérit et comme dynamique avec le present perfect. Le repérage temporel du prétérit distingue entre le moment passé d’observation du procès et le moment présent de l’énonciation. Le participe passé signale une distinction semblable entre un moment antérieur d’observation du procès et un moment repère postérieur. La plupart des candidats ont souligné que le présent de l’auxiliaire have de la périphrase du present perfect situe ce moment repère en coïncidence avec le moment d’énonciation. Mais la confusion entre moment d’observation et résultat du procès les pousse trop souvent à oublier qu’au present perfect, le procès est présenté comme observé dans le passé par le participe passé, et en se focalisant ainsi sur la coïncidence du résultat du procès avec le moment d’énonciation, ils en viennent à occulter le fait qu’au prétérit, l’actualisation du procès peut se prolonger jusqu’au moment d’énonciation.
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On rencontre la même tendance à accentuer la différence entre prétérit et present perfect à propos de l’aspect. Soulignons qu’il était nécessaire de donner une définition succincte de ce terme, ne serait-ce que pour dire qu’il concerne le déroulement (ou temps interne) du procès. On pouvait ensuite préciser que l’aspect grammatical est une visualisation du procès à partir d’un point d’où le procès apparaît en cours, réalisé ou pas encore réalisé.
Le prétérit n’attribue toutefois aucune valeur aspectuelle particulière au procès. Cette neutralité n’annule cependant pas la composante aspectuelle : il laisse s’exprimer l’aspect lexical (ou notionnel, encore appelé Aktionsart) du verbe. Cet aspect, qui se détermine à partir du verbe et de ses compléments, permet d’établir des types de procès : état, processus (ou activité), action, action ponctuelle. Par exemple, le verbe meet somebody désigne une rencontre, c’est-à-dire un procès qui a des bornes ; on comprend donc que c’est l’intégralité du procès qui est signifiée dans I met Charles and Roy after lunch (l. 1). En revanche, He had a Lancashire comedian’s face (l. 9) traduit un état ; c’est donc l’aspect duratif, non borné qui ressort.
Au prétérit, la combinaison de procès bornés et du linéaire du discours permet ainsi de présenter des procès en succession, malgré la conjonction de coordination and qui pousse généralement les candidats à penser à une concomitance : I looked at the cigar and remembered that I’d given up smoking. The guilt began to work inside me again; but when we’d finished the song I put the cigar back in my mouth.. (l. 61- 62). Le texte offre de nombreux exemples de ce phénomène, qu’il est impossible de reproduire au present perfect : I have looked at the cigar and remembered that I’ve given up smoking n’exprime pas la succession de deux procès mais plutôt la concomitance au moment présent des résultats de ces procès. Cette concomitance des résultats se retrouve entre you’ve decided to settle down (l. 31) et I’ve been earmarked for matrimony (l. 36). On peut faire remarquer que have got, qu’on peut décomposer en auxiliaire have et participe passé got, peut exprimer la concomitance des possessions (résultats d’acquisitions) dans la situation présente, comme on pourrait le prouver, en modifiant légèrement le texte des lignes 12-15 : He’s got a natty suit, a dazzling white shirt, and a Panama… And do you know why he’s got those knife-edge creases in his pants ?.
Il ne faut pourtant pas conclure à une incompatibilité du prétérit avec la concomitance des procès. Si ces procès ne sont pas bornés (état ou processus), il est parfaitement possible qu’ils s’actualisent en même temps : ‘I was there with Errol Flynn on the day of victory. Driving over a causeway of Jap corpses. Mountbatten and Slim and the rest followed at a respectful distance. Beautiful Burmese girls smothered us with kisses and flowers and the Warner Brothers hovered overhead singing Te Deums…’ (l. 44-46). Le prétérit, en laissant transparaître l’aspect lexical du verbe, permet à l’énonciateur d’agencer les procès de différentes façons sur la ligne du temps. Les repérages interprocès obtenus sont parfois incompatibles (succession) ou compatibles (concomitance) avec ceux exprimés par le present perfect.
Si l’on considère maintenant le déroulement d’un seul et même procès, le texte montre que le prétérit peut décrire une habitude (ou itération) : (it was) a trick of his when he was embarrassed. (ll. 27-28), habitude qu’un whenever soulignerait et qui pourrait se prolonger jusqu’au présent car l’on pourrait ajouter : and still is. Il montre aussi que l’acquis d’un procès au present perfect peut lui aussi être habituel : Here’s a health to the drinking classes in Mobile / When they’ve finished with their glasses –. (ll. 59-60).
D’autres exemples permettaient aux candidats de faire remarquer que ces deux temps grammaticaux sont compatibles avec un procès en accomplissement, aspect inaccompli souligné par la périphrase en be + ing : Roy … was wearing blue suede shoes, blue linen slacks, an orange T-shirt, and white sunglasses. Both were smoking cigars (ll. 3-5) et No doubt you have been working your fingers to the bone preparing our little home for us.’.(ll. 10-11). Il ne s’agissait pas ici de s’attarder longuement sur l’inaccompli, la question proposée ne portant pas sur la comparaison entre le prétérit ou le present perfect dits simples et le prétérit ou le present perfect dits progressifs. Parler d’interception du procès à un moment donné ou de vision sécante semblait suffisant. Il était assez facile, mais pas toujours à propos, d’insister sur un commentaire de l’énonciateur au sujet du procès au present perfect, mais cela était un peu plus délicat en ce qui concerne les procès au prétérit cités ci-dessus.
En revanche, on pouvait développer la valeur aspectuelle de la périphrase du parfait, qui signale qu’à un moment du temps (le moment d’énonciation lorsqu’il s’agit du present perfect), une situation garde la trace d’un procès antérieur. Les candidats ont généralement parlé, à juste titre, des conséquences ou de la pertinence d’un procès, en prenant souvent pour exemple She’s killed three men (l. 20), procès dont les traces sont encore visibles au moment d’énonciation (the bloodstains are still on the front seat – ll. 21-22) et qui explique pourquoi l’oncle de Roy ne peut pas vendre cette voiture (but he can’t sell her – l. 21). Nous avons vu que le participe passé indique que le procès est accompli totalement ou partiellement. Dans la périphrase du parfait, ce participe passé est subordonné à l’auxiliaire have (ou admet aussi qu’il s’agit d’un verbe), dont la conjugaison signale son lien avec le sujet et qui met donc en relation le sujet et son complément, le verbe lexical au participe passé. Le participe passé marquant l’accompli en soi, on peut penser que la périphrase du parfait consiste à rapporter cet accompli au sujet, ou plutôt, à la situation dont le sujet fait partie. C’est en ce sens qu’on peut dire que le present perfect exprime l’incidence d’un procès accompli sur la situation présente, alors que le prétérit ne met pas cette incidence en avant, comme peut le prouver une comparaison entre We hired it from Roy’s uncle at cut rates (l. 18-19) et We’ve hired it from Roy’s uncle.
On peut souligner que ce rapport entre le procès accompli et la situation où se trouve le sujet s’exprime aussi au travers du sens de l’auxiliaire have, même si certains insistent sur la perte de sens ou son amuïssement sémantique lors de son auxiliarisation. On sait que le verbe have exprime la possession. Le référent du sujet est alors le centre d’un domaine et il y inclut un objet qui est distinct de lui : dans the engine had plenty of power (l. 55), le moteur de la voiture n’est pas la même chose que l’importante puissance motrice, mais il l’inclut dans ses caractéristiques. Cette inclusion implique l’association dans un même domaine et une séparation. Si l’on projette cette vision abstraite dans le domaine temporel des procès, on aboutit à un schéma qui ressemble au parfait : on a un domaine identifié comme une situation repère où figurent le référent du sujet et un procès, accompli totalement ou partiellement, à l’intérieur de ce domaine, mais l’accompli du procès est par définition séparé du centre du domaine.
L’autre caractéristique de have est que cette possession n’est pas neutre : si le moteur a de la puissance, il permet sans doute à la voiture d’aller vite ou de tirer une grosse remorque ou une caravane. Il y a donc une incidence entre le centre du domaine et ce qui est inclus dans le domaine. En transposant ceci sur le parfait, on peut dire que la situation repère est vue comme incluant la partie accomplie du
procès, même si le procès continue, et que cette partie du procès a une incidence sur le centre du domaine, la situation repère. Outre l’exemple cité ci-dessus, les candidats ont fréquemment pris pour exemple l’énoncé No doubt you’ve been working your fingers to the bone preparing our little home for us (ll. 10-11), sans doute parce qu’ils avaient dû en analyser une partie dans la question 1B, en faisant remarquer que You look tired, Joseph (l. 10) en exprimait la conséquence sur la situation présente.
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On finit donc par apercevoir une continuité sémantique entre le prétérit et le parfait : le prétérit se fonde sur la conscience du moment d’énonciation afin de situer le procès sur lequel il porte avant ce moment. Cette opération peut impliquer, d’un point de vue aspectuel, que le procès est accompli. Mais on ne peut pas vraiment dire que la ligne du temps est coupée. La différence entre le point T0 repère et un procès antérieur ne fait sens que si l’on peut envisager la totalité du temps et donc, une continuité entre les instants : il faut penser ensemble le procès et le moment d’énonciation pour remarquer leur différence et situer l’un par rapport à l’autre. Donc la rupture entre passé et présent établie par le prétérit ne se comprend que sur un fond de continuité. Pour sa part, le present perfect laisse émerger (dévoile ou explicite, si l’on veut mettre en lumière le choix de l’énonciateur) la condition implicite du prétérit : l’énonciateur pense ensemble deux éléments différents, l’accompli du procès et la situation d’énonciation, pour souligner l’incidence (l’inclusion, donc aussi, la continuité) de cet accompli sur le présent.
Certes le prétérit souligne l’antériorité du procès par rapport au moment d’énonciation alors que l’accompli du participe passé ne sert plus à repérer directement le procès par rapport à ce moment. Mais la relation d’antériorité, qui implique une comparaison, donc une différence sur un fond commun, se retrouve dans ces deux temps grammaticaux. Le prétérit l’utilise à des fins de repérage temporel ; le present perfect dépasse ce repérage temporel pour finalement exprimer, au delà du lien entre le procès passé et son résultat présent, un jugement de valeur (donc une modalité appréciative) sur ce lien. La complexité de construction de la périphrase pourrait donc être iconique de la complexité sémantique, et il semblerait que le parfait soit un aspect grammatical élaboré (certains diront “ renouvelé ”) à partir du repérage temporel du prétérit.
Nous insistons sur le fait que les remarques développées ci-dessus se situent à l’intérieur d’un cadre théorique qui pouvait ne pas être partagé par les candidats. Le jury accueille favorablement tous les points de vue qui sont exposés clairement et correctement. Cette clarté implique une méthodologie dans l’analyse et une logique dans l’exposé, ces deux composantes devant être au service de la connaissance de la langue dont le candidat doit absolument faire preuve, notamment lors des manipulations, bien trop rares au goût du jury. On ne peut accueillir favorablement des copies montrant une connaissance théorique exposée de façon brouillonne, une absence de méthode d’analyse et une méconnaissance de la langue. Souvent cette prétendue connaissance théorique se limite à un vernis entretenu par certains termes qui voudraient faire illusion. Le present perfect a souvent suscité des “ analyses ” assez surprenantes. Pour ne citer que deux exemples, un(e) candidat(e) affirme que “ le present perfect he’s worn l. 15 semble extraire le participe passé worn depuis le prétérit since he came : ici on se représente l’arrivée du personnage avec le fameux pantalon dans sa valise. Ce pantalon est donc présent dès le moment passé jusqu’à ce jour today l. 15 où le personnage décide de le sortir de la valise et de le mettre. (…) [Le] mécanisme inhérent [du present perfect] est celui de l’extraction, de la liaison fluide dans une continuité de deux éléments sous la forme métaphorique de la valise que l’on ouvre ou du tour de magie. ” Il est permis de s’inquiéter du résultat d’un tel tour de prestidigitation sur la compréhension des élèves ou des étudiants. L’envolée lyrique n’est d’ailleurs pas plus explicative : à propos de he hasn’t been thinking of us (l. 14), on peut lire, sous la plume d’un(e) autre candidat(e) que “ c’est une vaguelette du passé qui vient mourir sur la berge du présent, l’aspect -ing exagérant encore davantage la notion d’achèvement en cours et trahissant aussi par ailleurs le point de vue, le sentiment de l’énonciateur ”.
Nul besoin cependant de faire montre de ses lectures en enfilant des noms de linguistes comme autant de perles précieuses. Si la connaissance d’un, voire plusieurs, cadres théoriques est certainement appréciée, un candidat peut très bien obtenir une bonne note en montrant qu’il connaît la langue et en faisant preuve de bon sens et d’organisation. Dans cette optique, il arrive sans doute que des candidats non spécialistes tirent mieux leur épingle du jeu que certains candidats spécialistes de l’option C qui se laissent aveugler par ce qui n’est parfois qu’une caricature de théorie.
Pierre LABROSSE
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