synthese sur l'enonce complexe Flashcards
SO – AS – SUCH
La difficulté consistait à établir une typologie des emplois de chacun de ces opérateurs en les mettant en relation et en montrant comment ces divers emplois s’articulent tout d’abord pour chaque opérateur, puis dans le système formé par l’ensemble des 3 opérateurs.
Typologie et analyse
SO : adverbe de degré affectant l’adjectif ou l’adverbe qui le suit d’un degré identique à celui d’un repère connu.
Références à de l’acquis qui confèrent à SO une valeur assertive positive retrouvée à l’état pur dans le SO proforme (I think so I not). Cette valeur assertive associée à l’expression thématique du degré conduit à une perception de haut degré et donc à une valeur exclamative.
NB : SO, adverbe de degré, ne peut porter que sur un autre adverbe ou un adjectif.
SUCH, prédéterminant affectant tout un GN
Were such a man once more to fall, what plea could be urged in extenuation of his crime?
Le radical lic contenu dans SUCH, qui à partir de son sens premier de « forme, corps, cadavre », exprime l’apparence pour devenir LIKE en anglais moderne, sert à construire autour de l’élément repère une classe qualitative d’éléments ayant la même apparence, autrement dit une ou des qualités communes. C’est ce qui justifie l’association de ce SUCH avec les GN. On pourrait gloser par un homme de cette sorte, un homme comme lui.
Ici encore, la référence est thématique (qualités communes déjà évoquées ), et l’association de la valeur thématique et de la valeur assertive de SUCH conduit à une inférence de haut degré de ces qualités, d’où une interprétation exclamative.
AS, préposition, conjonction ou adverbe indiquant une identité totale (^ eal + swa ), mais avec un repère introduit dans le co-texte après.
1. AS + GN dans un rôle de préposition :
As a priest.
As a man who had once sinned
Dans ces 2 occurrences, AS introduit un repère (a priest/ a man who had once sinned), dont l’élément repéré (Dimmesdale) présente toutes (eall) les qualités définitoires. L’identification posée par AS conduit donc à affirmer une inclusion du repéré dans le domaine notionnel du repère. Nous sommes là très proches de la valeur de BE, verbe qu’il est d’ailleurs possible d’ajouter, ce qui transformerait AS en introducteur non plus de GN mais de subordonnée et en ferait une conjonction :
As he was a priest…
As he was a man who had once sinned….
Le sens évolue. L’adjonction de BE conduit à une adjonction du temps, qui fait glisser l’identification sur le plan temporel, et mène à l’expression de la concomitance, laquelle évolue souvent vers l’expression d’une relation de cause à effet.
2. AS + RP dans un rôle de relatif.
At the head of the social system, as the clergymen of that day stood…
Ce AS introduit une identité totale entre les prédicats : la position de Dimmesdale et la position habituelle du clergé de l’époque. Nous retrouvons ici la relation d’identité-inclusion développée à propos du AS préposition. Effectivement Dimmesdale se situait là où se situaient les prêtres de l’époque, corps auquel il appartenait. C’est un repérage du particulier que l’on décrit par rapport au générique connu.
Cette proposition introduite par AS peut être comparée à une relative en WH-:
At the head of the social system, where the clergymen of that day stood [too]…
La reprise ici ne concernerait que le lieu. L’identité, limitée au lieu, n’entraînerait pas nécessairement l’inclusion de Dimmesdale dans la classe du clergé : on pourrait rajouter à cette relative un TOO qui l’en dissocierait, ce qui serait inacceptable avec une subordonnée introduite par AS.
Enfin, on note que, dans les deux cas, la subordonnée entre virgules tient lieu de proposition commentaire. Et il en va de même des deux subordonnées suivantes :
Thus, we seem to see that, as regarded Hester Prynne, the whole seven years of outlaw and ignominy had been little other than a preparation for this very hour.
Her intellect and heart had their home, as it were, in desert places, where she roamed as freely as the wild Indian in his woods.
Dans la première, la proposition commentaire inclut la proposition repérée dans le domaine général de tout ce qui concerne Hester Prynne, et dans la seconde, le discours de l’énonciateu r est intégré dans tout ce qui peut être défini par it were (prétérit marqué de BE évoquant du fictif).
Avec ces derniers exemples, on fait entrer AS dans le domaine de l’expression du métalinguistique (commentaire de l’énonciateur sur son propre discours ).
3. Corrélation AS1 adverbe … AS2 préposition
She had wandered, without rule or guidance, in a moral wilderness; as1 vast, as1 intricate and shadowy, as2 the untamed forest, amid the gloom of which they were now holding a colloquy that was to decide their fate.
Her intellect and heart had their home, as it were, in desert places, where she roamed as1 freely as2 the wild Indian in his woods.
Comme précédemment, le groupe nominal introduit par la préposition as2 fait office de valeur repère. The untamed forest est le symbole des valeurs de vastness, intricacy ou shadowiness. L’identité qualitative affirmée par ce as2 ressemble fort à une comparaison absolue, à un superlatif. Le rôle de as1, adverbe de degré, est d’indiquer l’identité entre le degré de présence de la qualité commune dans l’élément repéré et dans le repère. Il s’agit d’une comparaison relative.
4. Corrélation SUCH prédéterminant … AS relatif
But Hester Prynne, with a mind of native courage and activity, and for so long a period not merely estranged, but outlawed, from society, had habituated herself to such Ø latitude of speculation as was altogether foreign to the clergyman.
à comparer avec une relative en WHICH après un antécédent déterminé par A.
But Hester Prynne […] had habituated herself to a latitude of speculation which was altogether foreign to the clergyman.
Avec A… WHICH, on isole une propriété qui est ensuite commentée par la relative, élément rapporté à l’antécédent, alors qu’avec SUCH… AS, il y a création d’une catégorie qualitativement évaluée à partir d’une propriété repère, préexistante. Mais dans les deux cas, il y a relative, latitude étant repris par un opérateur qui instancie la case sujet dans la proposition subordonnée qui suit. AS est bien un relatif.
CONCLUSION
• les valeurs de ces trois marqueurs connaissent une évolution logique, à l’intérieur de leur domaine d’emploi, en fonction de leur environnement syntaxique,
• les trois opérateurs sont organisés en système pour indiquer un repérage sur la base de l’identité avec un élément repère,
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L’EXTRAPOSITION
Le sujet portait sur une configuration syntaxique particulière: l’extraposition d’une proposition. Il convenait de définir ce type de structure, de proposer un relevé des occurrences (exhaustif ici, étant donné le nombre restreint au sein du texte), organisées en une classification pertinente, avant d’en étudier la description syntaxique, sémantique et discursive. Il convenait également d’établir un parallèle avec la non extraposition, à savoir l’ordre canonique standard anglais Sujet-Verbe-Objet (SVO) afin de déterminer les contraintes syntaxiques et pragmatiques permettant ou non et régissant l’extraposition.
1. Taxonomie :
Les propositions complétives sujet extraposées :
I think it may be established as a general maxim that those nations treat their old people and women with most difference… and that these can participate… (l.33-35)
It appears to me that nature has been much more deficient… (l.39-40)
It appeared to me at their villages, that they provided tolerably well… (l.56-57)
It is a custom when a person […] for the children or near relations of such a person to leave them… (l.44-48)
It is therefore almost unnecessary to add that we much regret… (l.65-66)
La proposition complétive objet extraposée (une seule occurrence dans le texte) : …she thought it very hard she could not be permitted to see either. (l.7-8)
2. Quelques point communs :
Le point commun à toutes ces propositions est le mouvement vers la droite. La complétive est au départ dans une position d’argument par rapport au verbe de la principale, pour la plupart en position de sujet profond, l’une seulement est objet. Ainsi, la structure du dernier exemple de la première série est :
[[to add that we much regret…] BE therefore almost unnecessary], et celle du seul exemple de la deuxième série :
[…she thought [she could not be permitted to see either] BE very hard]
L’énoncé de surface est obtenu suite au mouvement dit d’extraposition (« extra-poser » = poser après) qui l’amène dans une position postverbale (ou post-prédicative dans le cas du deuxième exemple, qui est un cas de small clause où la copule est effacée, mais où on peut la rétablir). La place ainsi vidée est comblée par le pronom neutre IT ; cette question, en gros, peut relever d’une triple explication :
• Au plan strictement syntaxique, l’anglais fait partie des langues dites « à servitude subjectale » (EPP en grammaire générative), qui en gros rend obligatoire dans un énoncé la présence d’un sujet explicite ; dans cette perspective, il n’aurait alors aucun contenu sémantique et serait un sujet « postiche » (dummy subject).
• Au plan syntactico-sémantique, on peut admettre (position défendue en particulier par Khalifa – voir bibliographie) qu’il est quand même investi d’un certain contenu sémantique, ne serait-ce que parce qu’il renvoie de façon cataphorique à la proposition en THAT : [it-that X is Y].
• Enfin, au plan pragmatique, on sait que la version non-extraposée n’est envisageable que lorsque plusieurs conditions sont réunies, en particulier lorsque le contenu de la proposition en THAT relève de l’information ancienne , ou tout au moins récupérable dans le contexte-avant. Cela est bien entendu lié à la nature de THAT, ce sur quoi il faudra revenir.
3. Quelques éléments d’analyse :
• On observera que sur les 6 exemples fournis par le texte, 4 sont des complétives en THAT à temps fini (la dernière, la complétive objet, n’a pas de THAT explicite, mais on peut le reconstituer sans problème, et cela n’a rien à voir avec le fait que ce soit une complétive objet). Les deux autres sont des complétives infinitives, l’une avec sujet explicite (the children or near relations of such a person), l’autre avec sujet nul (PRO en grammaire générative), que l’on interprète forcément comme coréférentiel au narrateur ;
• Cette répartition, curieusement, et malgré la taille très réduite de l’échantillon, est un reflet assez fidèle de ce qui peut se passer en corpus : on extrapose davantage les complétives en THAT, et par conséquent on trouve beaucoup moins de telles complétives non-extraposées ; corrélativement on trouve davantage d’infinitives non-extraposées. Car les propositions s’extraposent en fonction de leur degré de nominalité : un vrai nom ne s’extrapose pas (*it’s hard this exercise), une gérondive, proche du nominal, assez peu (it’s hard doing that exercise => la version non-extraposée est plus naturelle), et à l’autre bout du spectre, comme on vient de le voir, on trouve les infinitives, puis les complétives en THAT, les plus éloignées du nominal. Quelque part au milieu du continuum, on trouvera les complétives en W H- (interrogatives indirectes et relatives nominales) :
THAT V ⇒ (FOR X) TO V ⇒ WH- V ⇒ V-ING ⇒ NP
• On pourra utilement distinguer entre les cas où l’extraposition est une contrainte syntaxique et ceux où elle relève d’un choix. Les premiers sont illustrés par les deux exemples en appear, où la version non-extraposée n’est pas recevable. Ici, nous avons affaire à un verbe appartenant à un paradigme assez restreint (dont SEEM est le représentant le plus fréquent et le plus étudié), qui sont analysés comme inaccusatifs. En gros, cela signifie qu’ils n’ont qu’un seul argument, en l’occurrence de type propositionnel, et surtout que cet unique argument est objet profond et non sujet. La contrainte subjectale signalée plus haut nécessitera donc soit le recours à un sujet « impersonnel » (IT ou encore THERE), soit la montée du sujet du deuxième verbe (it seems that John is rich / John seems to be rich) ; on peut éventuellement tenter cette manipulation avec nos deux exemples, en modifiant un peu le contexte pour les rendre plus digestes, mais on en a un exemple dans le texte, l. 58… On peut également inclure dans les cas de contraintes syntaxiques toutes les complétives objet extraposées. Là, toujours pour des raisons de degré de nominalité insuffisant, on ne peut maintenir la complétive dans sa position d’origine. On vérifiera sur notre exemple qu’une gérondive, suffisamment nominale, peut en revanche demeurer dans cette position : …she thought her not being permitted to see either (to be) very hard. Dans les autres cas, les versions non-extraposées sont attestables, et il faut regarder du côté de la pragmatique, en particulier de la structure informationnelle, pour dégager les raisons du choix de l’extraposée. On peut évoquer des principes comme celui du end-weight pour le premier exemple (double) ; mais l’essentiel est d’une part de repousser vers la droite, zone d’information maximale, les segments au contenu le plus nouveau, d’autre part d’assurer ainsi une continuité thématique, les propositions à droite des segments extraposés constituant le plus souvent un commentaire sur ces derniers.
• Type de prédicats : on note la présence de prédicats adjectivaux (l. 65, l. 7-8), nominaux (l. 44), et verbaux (autres cas). Dans ce dernier cas de figure, il convient de distinguer les occurrences du verbe appear (l. 39-40 ; l. 55-57), par opposition aux occurrences du verbe think (l. 33) : en effet, avec appear la version non extraposée de la phrase est agrammaticale alors qu’avec think elle est recevable.
Fonction pragmatique de l’extraposée: la question de la motivation linguistique pour l’extraposition de la proposition se pose. Pourquoi l’énonciateur, qui a le choix entre une structure canonique et une structure extraposée, choisit-il cette dernière? Le principe end-weight (« lourdeur/complexité syntaxique ») souvent évoqué ne suffit pas : certes l’on aura tendance à déplacer vers la droite une proposition longue et/ou complexe, mais la non extraposition est également attestée avec des complétives syntaxiquement très complexes et longues. Au-delà de cette contrainte d’ordre syntaxique, il convient donc de considérer une dimension discursive. On touche là à l’organisation pragmatique de la phrase en distinguant le topique du focus, ou encore l’information plus ancienne de l’information plus nouvelle. Extraposer, cela implique mettre le constituant extraposé en position de focus, et par conséquent choisir de ne pas le laisser en position de topique. Il conviendra donc de recherche, en amont et en aval, les raisons (continuité ou rupture thématique) qui pourront justifier l’un ou l’autre choix.
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LES RELATIVES ET RELATIVES NOMINALES
Minutes of Evidence, House of Commons, Scottish Affairs Committee Publications, 21 July 1999, Question 11.
Problématique :
L’intitulé du sujet (par opposition à « Les propositions relatives », sujet donné par ailleurs) devait amener le candidat à articuler une problématique centrée sur la différence entre les propositions subordonnées relatives dites classiques et les propositions subordonnés relatives appelées relatives nominales ou encore libres selon les manuels.
Il fallait donc proposer une classification pertinente en opposant dans un premier temps les relatives nominales aux autres relatives, puis en opérant une autre distinction traditionnelle pour les relatives non nominales, elles-mêmes séparées en deux sous-catégories : les relatives déterminatives/restrictives vs. et les relatives appositives/non-restrictives.
D’autre part, étaient attendues des candidats des remarques sur le choix du pronom relatif, WH-/THAT/Ø d’une part et WHAT d’autre part. Il s’agissait d’expliquer leur distribution en fonction de la typologie proposée (on ne trouvera le relatif WHAT que dans les relatives nominales) et des opérations effectuées par ces différents marqueurs.
Après une brève introduction (afin d’éviter l’infertile plaquage de cours) qui rappellera ce qu’est une proposition subordonnée relative et qui posera la problématique, à savoir l’angle d’approche choisi par le candidat. Une approche satisfaisante du sujet ici proposait une typologie incorporant des remarques sur les contraintes liées au choix du pronom relatif selon la typologie susmentionnée.
1) Les subordonnées relatives nominales
Elles étaient au nombre de trois dans le texte : leur faible nombre demandait évidemment un relevé exhaustif. Ici encore, on évitera le catalogue non organisé dans la mesure où les relatives libres du texte n’étaient pas identiques.
(1) Can I just say that, as regards your description of the previous role of the Secretary of State, it is not entirely accurate; the Secretary of State did, of course, have executive powers in the Department over what are now the devolved areas. (l. 33-4)
(2) And I think we may find that the decentralisation, the empowerment of people, may be attractive to people in the regions of England, perhaps the North East, perhaps Yorkshire, perhaps Cornwall, and, as that process of devolution of power continues, the anomaly of what is called the WLQ (l. 54-5)
Ces deux relatives, qui fonctionnent comme des SN (vide infra), sont compléments prépositionnels (C.O.I.), donc arguments par rapport au V recteur.
(3) What you do not mention is that 80 per cent of all Members of Parliament are actually English, so that the devolution settlement was agreed by a Parliament where 80 per cent of the Members in that Parliament were English. (l. 35-6).
La relative nominale est sujet syntaxique de is et intervient donc dans le cadre d’une proposition pseudo- clivée avec BE identificationnel, la relation étant réversible : that 80 per cent of all Members of Parliament are actually English is what you do not mention.
Dans ces trois cas, on note que l’antécédent est incorporé au pronom relatif what (qui ne peut permuter ici ni avec that ni avec Ø, d’où les étiquettes “relative libre” ou “relative sans antécédent” que l’on trouve dans certains manuels. (what = the thing that ; that which). Ces relatives sont en position argumentale et ont les propriétés des SN, d’où l’appellation « relative nominale » : on peut par exemple les remplacer par un pronom : the Secretary of State had executive powers in the Department over them ; the anomaly of it ou encore les trouver au sein d’une proposition clivée (constituency test) : It was what are now the devolved areas that had executive powers.
2) Les subordonnées relatives non nominales
On distingue traditionnellement deux types de propositions relatives dites « classiques » (en l’occurrence non nominales): les relatives déterminatives/restrictives/attachées d’une part et les relatives appositives/non restrictives/détachées d’autre part. Cette opposition, que l’on trouvera dans de nombreux manuels, demandait à être justifiée (il est toujours dommageable d’affirmer sans démontrer) ; les candidats devaient également soulever la question (classique en cas de typologie) de l’étanchéité des deux catégories.
2a) Les relatives déterminatives
Le texte contenait de nombreuses occurrences. Comme cela est spécifié supra (rubrique « Conseils »), l’important n’est pas d’être exhaustif mais d’opérer une sélection d’occurrences qui soit pertinente pour la démonstration que le candidat souhaite faire.
(4) those Departments of State which are reserved (l. 15)
(5) Departments which are required to represent all parts of the UK (l. 21-2)
(6) those who perceived themselves in the past as the spirit of the Union (l. 26-7)
(7) [those] whose every word was about the UK (l. 27-9)
(8) [those] who wrapped herself in the UJ and sang Land of Hope and Glory (l. 28-9) [herself est en réalité un lapsus et renvoie à M. Thatcher]
(9) any politician Ø I can remember
(10) the role that they had to play (l. 36)
(11) those who are attempting to fan the flames about English nationalism (l.45)
(12) those who attempted to break up the UK with another brand of narrow nationalism (l.46-47) (13) the paranoia that your own leader, Mr Hague, would attempt to identify and put up. (l. 42-3)
Ces relatives sont des expansions du nom dont ils viennent restreindre le référent : ainsi, en (4) on crée une sous catégorie de départements d’état ; tout comme on crée des sous-catégories de personnes en opérant une comparaison entre those who… et les autres (exemples (6), (7), (8), (11), (12)). Dans tous ces cas, l’antécédent ne peut trouver sa référence sans l’enchâssement de la proposition relative. Les candidats pouvaient mentionner l’absence de ponctuation pour justifier de cette relation serrée entre l’antécédent et la relative ou encore l’insuppressibilité de ladite relative à référence égale. En ce qui concerne le choix du pronom relatif, le candidat pouvait montrer la possibilité d’utiliser les pronoms en WH-, THAT ou Ø dans ce type de relatives : en (4) et (5) par exemple, which peut permuter avec that ; de la même manière, en (13) that peut permuter avec which. Le jury attendait néanmoins des remarques sur le caractère serré, préconstruit, en tout cas posé comme non-problématique, de la relation antécédent- relative avec TH-, et plus encore avec Ø, en opposition avec les pronoms en WH-, dont on pouvait constater la forte présence dans ce texte quel que soit le statut de la proposition relative.
2b) Les relatives appositives
(14) other peoples of the United Kingdom, who already are beginning to feel that they are labouring under a colonial administration (l. 23-4)
(15) London, where we will be devolving substantial executive powers over, say, transport. (l. 50-1) (16) modernisation, which is aimed at strengthening the Union (l. 63)
Ces relatives n’interviennent pas dans la construction du référent de l’antécédent, qui trouve sa référence indépendamment de la relative et sont séparées de l’antécédent par un signe de ponctuation (traditionnellement une virgule). On fera remarquer aux candidats qu’il est exagéré d’en déduire leur systématique suppressibilité (argument souvent entendu) : si la relative appositive est certes suppressible à référence égale de l’antécédent, d’un point de vue discursif cela est totalement faux, notamment dans ce texte où des informations à valeur argumentative sont véhiculées par les relatives.
2c) Limites de la distinction
Comme cela est souvent le cas, la distinction traditionnelle peut être remise en cause à la lumière d’exemples du texte. Trois relatives en particulier pouvaient amener le candidat à démontrer la non étanchéité des deux catégories :
(18) a Parliament where 80 per cent of the Members in that Parliament were English (38-9) (19) a Parliament where 80 per cent of the MPs are English (l. 40)
(20) a Parliament where 80 percent of the people are English (l. 41-2)
Ici, malgré l’absence de ponctuation, la relative n’a pas pour fonction de restreindre la portée référentielle de l’antécédent, qui trouve sa référence par ailleurs (cf. valeur spécifique de l’article indéfini a). On pourrait les qualifier de relatives restrictives non-classifiantes (on n’oppose pas un parlement à un autre), qui remplissent une fonction pragmatique et rhétorique assez claire : le locuteur suggère que, dans un débat sur le budget de l’Ecosse, It’s odd / unacceptable, etc. that 80% of the MPs should be English. Ces relatives à antécédent indéfini spécifique sont à frontière qui sépare les deux catégories car dans la mesure où elles ne viennent pas restreindre la référence de l’antécédent (caractéristique prototypique des relatives appositives). Se pose alors la question de la fonction en discours : l’aspect argumentatif et rhétorique est évident ici (cf. répétition).
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LE PASSIF
Richard Ford, A Multitude of Sins (2001), “Privacy”, p. 4-6. 1. PROBLEMATIQUE :
Le candidat propose une définition du passif/de la voix passive et fait remarquer qu’à une structure de surface (BE+ participe passé/V-EN) correspondent en fait plusieurs types de passif. Il propose une typologie pertinente, montrant ainsi que derrière une structure identique peuvent se cacher différents types d’emplois, et justifie les catégories proposées, dont il n’hésitera pas à remettre en cause le bien- fondé ou tout au moins l’étanchéité.
Le candidat propose également des éléments de réflexion sur la fonction du passif en discours, à savoir la fonction pragmatique du passif (dans le cadre de la théorie de l’information packaging par exemple). La diathèse passive, qui propose une autre configuration syntaxique que l’ordre canonique par défaut, vient alors s’inscrire en système avec la voix active et le candidat doit naturellement s’interroger sur les motivations de l’énonciateur afin de choisir l’une ou l’autre voix.
2. ANALYSE
Le passif, voix ou encore diathèse passive, peut être considéré comme un point de vue sur la relation sujet-prédicat. Certains linguistes comme Lapaire et Rotgé (voir bibliographie) parleront même d’aspect. Les exemples du texte sont variés et doivent permettre au candidat de dresser une typologie, en distinguant particulièrement le passif verbal du passif adjectival. Le candidat peut donc débuter son analyse en classant les exemples les plus prototypiques de la façon suivante :
- LE PASSIF VERBAL (OU VRAI PASSIF, PASSIF D’ACTION), accompagné ou non du complément (alors circonstant) dit « d’agent » introduit par la préposition by (passif long vs. passif court)
. (1) Undoubtedly, I was thrilled by the secrecy of watching out of the dark (l. 31)
. (2) It was on such a cold night that - through the windows at the back of the flat, windows giving first onto an alley below, then farther across a space where a wire factory had been demolished, providing a view of buildings on the street parallel to ours - I saw, inside a long, yellow-lit apartment, the figure of a woman slowly undressing, from all appearances oblivious
to the world outside the window glass.
. (3) But then, sensing I might be noticed even at that distance, I slipped back into the room.
. (4) Once her clothes were shed away (…) the woman would for a while cast about the room in
the bronze light, window to window, enacting what seemed to me a kind of languid, ritual dance or a pattern of possibly theatrical movements, rising and bowing and extending her arms, arching her neck, while making her hands perform graceful lilting gestures I didn’t understand and did not try to, taken as I was by her nakedness and by the sight on occasion of the dark swatch of hair between her legs.
- LE PASSIF ADJECTIVAL (OU FAUX PASSIF, PASSIF D’ETAT) (5) Undoubtedly I was aroused.
(6) Once her clothes were shed away, exposing her bony shoulders and small breasts and thin legs and rib cage and modest, rounded stomach, the woman would for a while cast about the room in the bronze light, window to window…
(7) Eventually I went to the corner and clicked off the small lamp my wife kept beside our bed, so that I was totally hidden in the dark.
Afin de justifier cette distinction (une simple classification ne suffit pas), le candidat peut partir dans un premier temps d’une simple description de la «construction» du passif. Dans le cas d’un vrai passif/passif verbal, on note l’intervention de l’auxiliaire (généralement BE), suivi du participe passé du verbe. Il y a alors, si l’on adopte une approche transformationnelle, perte d’un argument lors du « passage » au passif. A partir d’un exemple prototypique tiré du texte (le candidat doit éviter, même en introduction, d’avoir recours à des exemples fabriqués du type The mouse was chased by the cat), le candidat peut montrer qu’il existe ce qu’il est convenu d’appeler une voix active « correspondante » :
I was thrilled by the secrecy of watching out of the dark => The secrecy of watching out of the dark thrilled me.
Il convient alors de faire remarquer que ce type de manipulation n’est pas possible avec le passif adjectival : I was totally hidden n’a pas d’équivalent actif. Le candidat doit néanmoins faire remarquer les limites réelles de ce type de manipulation (toute voix passive n’a pas d’équivalent actif : cf. exemple I was rapt by this sight, qui sera rediscuté infra, en dépit de la présence du complément d’agent) et toute voix active ne peut pas être passivée. L’idée de transformation passive doit donc être manipulée avec précaution.
D’autres manipulations permettent de montrer la pertinence de la distinction : on citera par exemple la gradabilité de l’adjectif, à opposer à la non gradabilité du participe passé.
La distinction n’est cependant pas totalement opérationnelle. Ainsi l’exemple was aroused, classé supra parmi les exemples de passif adjectival, pose néanmoins problème. S’agit-il d’un passif verbal ou adjectival ? Quelle glose considérer parmi les deux suivantes : I was aroused by the scene ? (passif verbal) ou I felt aroused (passif adjectival) ?
De même, on peut faire remarquer que si l’on supprime le complément d’agent après was thrilled dans l’énoncé I was thrilled by the secrecy of watching out of the dark, le passif peut devenir adjectival (description d’un état) et non plus verbal.
A cet égard l’utilisation de rapt est très intéressante et cet exemple ne doit pas échapper à la perspicacité du candidat : il s’agit d’après les dictionnaires d’un adjectif. (Le Longman Dictionary of Contemporary English en donne la définition suivante : “so interested in something that you do not notice anything else”; exemples : They listened with rapt attention/The rapt expression on his face. L’étymologie de rapt est également intéressante à mentionner même si elle n’est pas nécessairement exigible du candidat.1) Et pourtant on note que dans le texte il est suivi d’un complément d’agent by this sight, traditionnel témoin de la présence d’un passif verbal.
Tout ceci doit amener le candidat à parler de gradient, de continuum, plutôt que de catégories étanches. Tout au moins doit-il faire remarquer les difficultés que pose la distinction traditionnelle, comme beaucoup de typologies linguistiques (exemples : la distinction entre participe passé et adjectif ou encore entre relatives déterminatives et appositives).
De façon complémentaire, le candidat peut aussi mentionner un autre type de distinction, entre le passif fini (forme verbale complète comme dans les exemples cités supra) et le PASSIF NON FINI/ELLIPTIQUE (simple présence du participe passé). Le texte fournissait un certain nombre d’occurrences de passifs non finis :
. (8) The yellow light in the room where she was seemed to blaze and made her skin bronze and shiny, and her movements, seen through the windows, appeared stylized and slightly unreal, like the movements of a silhouette or in an old motion picture.
. (9) I, though, alone in the frigid dark, wrapped in blankets that covered my head like a shawl, with my wife sleeping, oblivious, a few paces away - I was rapt by this sight.
(10) It is also possible I even liked the cold as it surrounded me, as complete as the night itself, may even have felt that the sight of the woman - whom I took to be young and lacking caution or discretion - held me somehow, insulated me and made the world stop and be perfectly expressible as two poles connected by my line of vision. I am sure now that all of this had to do with my impending failures.
Le candidat peut à cet égard mentionner les composés yellow-lit et close-cropped qui se trouvent dans le texte en s’interrogeant sur le statut de lit et cropped : s’agit-il de participes passés résiduels d’une construction passive (lit by a lamp ; cropped by the hairdresser) ?
Des remarques sur ce que la grammaire traditionnelle nomme le COMPLEMENT D’AGENT sont également les bienvenues, d’une part afin d’en expliquer la présence ou l’absence (la mention de l’agent de demolish n’est pas pertinente dans le texte) et d’autre part afin d’en critiquer la dénomination : le complément en by n’est en effet pas un complément mais un circonstant ; le syntagme nominal introduit par by n’est pas nécessairement un agent (cf. this sight ; my line of vision ; the secrecy of watching out of the dark).
FONCTION PRAGMATIQUE
Un autre aspect important de la question est la discussion de la fonction pragmatique de la voix passive : là où une voix active aurait été possible, il convient de s’interroger sur le pourquoi d’un tel choix de la part de l’énonciateur. Premièrement, on fera remarquer que la non pertinence de la mention de l’agent (parce qu’il est inconnu, trop évident ou encore volontairement gardé secret) amène l’énonciateur à opter pour une voix passive. Ainsi, dans l’exemple (2) (had been demolished), l’emploi de la voix active serait incongru :
(2a) #It was on such a cold night that - through the windows at the back of the flat, windows giving first onto an alley below, then farther across a space where (demolition) workers/builders had demolished a wire factory, providing a view of buildings on the street parallel to ours - I saw, inside a long, yellow-lit apartment, the figure of a woman slowly undressing, from all appearances oblivious to the world outside the window glass.
Dans les cas où l’agent est mentionné au moyen du complément d’agent et où une reformulation par une voix active semblerait possible, un autre élément important est alors le choix du terme de départ/topic de la phrase, avec pour motivation la cohérence discursive du texte par exemple. C’est ainsi que le candidat doit faire remarquer que l’emploi de la diathèse passive dans ce texte participe de la cohérence discursive, I étant le terme de départ systématique autorisant la duplicité du « moi » entre le je narré et le je narrant. Ainsi dans le passage suivant :
(11) I don’t know all that I thought. Undoubtedly I was aroused. Undoubtedly I was thrilled by the secrecy of watching out of the dark. Undoubtedly I loved the very illicitness of it, of my wife sleeping nearby and knowing nothing of what I was doing. It is also possible I even liked the
cold as it surrounded me, as complete as the night itself, may even have felt that the sight of the woman - whom I took to be young and lacking caution or discretion - held me somehow, insulated me and made the world stop and be perfectly expressible as two poles connected by my line of vision. I am sure now that all of this had to do with my impending failures.
On remarque que I est le terme de départ de la quasi-totalité des phrases. Un remplacement de was thrilled by… par une voix active ne serait pas recevable ici d’un point de vue pragmatique :
(11a) #Undoubtedly the secrecy of watching out of the dark thrilled me.
King Lear, Act I, sc. 2
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“SHALL” et “WILL”
Morphologie - Will et shall sont des modaux (auxiliaires / verbes) au présent exprimant un jugement de l’énonciateur sur la relation qui se noue entre sujet et prédicat. Leurs formes fléchies au prétérit sont would = will + ed et should = shall + ed. La typologie peut se construire sur la morphologie ; la problématique, quant à elle, pourra se construire sur les caractéristiques du micro-système sémantique constitué par ces modaux.
A. Hypothèses et remarques
A-1. Distribution selon les personnes ?
Retrouve-t-on ici un état idéalisé de la langue dans lequel shall s’emploie avec des sujets de 1ère personne et will avec des sujets de 2e et de 3e personnes ?
Non :
1.1. les deux occurrences de will ont un sujet de 1ère personne ;
1.2. les occurrences de shall, de should et de would ont une distribution qui couvre les 3 personnes.
A-2. Expression du futur ?
La futurité peut être présente – cf. l. 90, I will place you where you shall hear us […].
Mais même si elle est pertinente elle est toujours colorée d’autres valeurs sémantiques.
l. 101, I will seek him, expression d’un consentement [glose : I’m prepared to seek him].
l. 99, I would unstate myself to be in a due resolution.
[I’d be prepared to… modalité radicale dynamique : disposition du sujet I]
On admettra que l’emploi des modaux will / shall n’est pas destiné à construire un temps grammatical qui entrerait dans un système de représentation du temps chronologique, découpé en passé-présent- futur.
A-3. Etymologie
La problématique pourra s’appuyer plus fermement sur une opposition sémantique, éventuellement construite sur l’étymologie. Will vient d’un verbe (willan), qui signifie vouloir ; shall d’un verbe (scealan) qui signifie devoir.
A-3.1. Convergence sémantique
Ce que les deux verbes ont en commun : l’expression d’un hiatus entre un état de fait donné et un état de fait visé (selon les étymons, qui à l’origine renvoient respectivement à un état de fait voulu [will] ou à un état de fait contraint [shall])… La grammaticalisation de ces verbes tend à s’accompagner d’une désémantisation, qui rend leur sémantisme plus abstrait. De ce hiatus et de la visée vient une prédisposition à exprimer le futur. La visée correspond à une dévirtualisation de la relation prédicative : elle implique une pertinence prépondérante de [l’accès à] la validation.
ex. l. 101, I will seek him, / l. 91, where you shall hear us confer of this. Les relations prédicatives ne sont pas validées, mais c’est leur validation qui est envisagée.
Will et shall ont en commun une orientation vers la validation de la relation prédicative qu’ils nouent.
A-3.2. Divergences sémantiques
Le sémantisme d’origine, rendu plus abstrait par la grammaticalisation, implique par ailleurs une divergence marquée entre will et shall.
– Du sémantisme du vouloir (will) s’abstrait en will l’expression d’une congruence / d’une concordance a priori entre sujet let prédicat. Le sémantisme de will favorise l’expression d’une modalité radicale dynamique (expression des dispositions ou des caractéristiques du sujet)
– Du sémantisme du devoir (shall) s’abstrait une absence de congruence / de concordance a priori entre sujet et prédicat. Le sémantisme de shall favorise l’expression d’une modalité radicale déontique (dépendance par rapport à une norme) et, plus généralement, d’une dépendance externe.
B Typologie (peut se réaliser selon une multitude d’oppositions ou de regroupements : cf. § A-3)
B-1. Will (deux occurrences) [orientation vers la validation de la relation prédicative et congruence a priori entre sujet et prédicat]
l. 90 I will place you where you shall hear us confer of this […] [I am prepared to place you…]
l. 101 I will seek him, sir, […] [offre de service, expression d’un consentement]
Conclusion : deux occurrences de modalité radicale dynamique.
B-2. Shall (quatre occurrences) [orientation vers la validation de la relation prédicative et non congruence a priori entre sujet et prédicat]
l. 79 If it shall please you to suspend your indignation […]
[L’énonciateur s’en remet à l’arbitraire du co-énonciateur : dépendance externe]
l. 91 I will place you where you shall hear us confer of this […]
[dépendance externe : 1. dépendance par rapport à la mise en scène de la principale (I will place you somewhere) 2. l’énonciateur se porte garant de la validation de la relation prédicative]
101
l.02 I will […] convey the business as I shall find means […]
[dépendance annoncée par rapport aux circonstances]
l. 115 Find out this villain, Edmund; it shall lose thee nothing. [dépendance externe : engagement de l’énonciateur]
Conclusion : dépendance externe et / ou arbitraire énonciatif systématique
B-3. Would (4 occurrences) [cf. Will, B-1 + rupture marquée par -ed]
l. 52 If your father would sleep till I waked him, you should enjoy half his revenue […]
[Pas d’indice linguistique de dépendance externe : bonne disposition du père – sommeil éternel ; seul –ed marque que l’accès à la validation de la relation n’est envisagé qu’au prix d’un écart]
l. 64 […] in respect of that, I would fain think it were not.
[glose : would rather ; inclination du sujet : modalité radicale dynamique]
l. 83 where, if you violently proceed against him, mistaking his purpose, it would make a great gap in your own honour […]
[développement prévisible / congruence + orientation vers la validation + modalité épistémique; -ed se justifie pour exprimer un écart : cf. l. 52 ; cette voie est envisagée, mais n’est pas recommandée par l’énonciateur]
l. 99 I would unstate myself to be in a due resolution.
[I’d be prepared to… disposition du sujet : modalité radicale dynamique]
B-4 Should (cinq occurrences) [cf. Shall, B-2 + rupture marquée par -ed]
Deux emplois déontiques :
l. 73 […] the father should be as ward to the son and the son manage his revenue.
[Norme de l’énonciateur / modalité déontique]
l. 82 […] you should run a certain course;
[Norme de l’énonciateur / modalité déontique – conseil]
Deux emplois en contexte hypothétique :
l. 53 / 55 If your father would sleep till I waked him, you should enjoy half his revenue […] [dépendance par rapport à l’hypothèse / la protase; même justification de -ed dans tout le système hypothétique]
l. 131 Fut! I should have been that I am had the maidenliest star in the firmament twinkled on my bastardizing.
[Dépendance par rapport à la protase / subordonnée hypothétique + point de vue rétrospectif (cf. aspect perfect) => irréel du passé / contrefactuel ; c’est le seul cas où on pourrait considérer que la première personne influe sur le choix de should… mais la dépendance par rapport au circonstant et l’arbitraire énonciatif ont en définitive un plus grand pouvoir généralisant]
B-5 L’ambiguïté de ’LL
l. 77 I’ll apprehend him. Trois interprétations :
1. neutralisation de l’opposition shall / will et anticipation ;
2. I want to apprehend him / Je tiens à l’arraisonner … ’ll = will (volition, modalité radicale dynamique) ;
3. I must apprehend him / Il faut que je l’arraisonne… ’ll = shall [modalité radicale déontique]
Lolita, I, ch. 25-26, p. 121 (“There’s a touch of the mythological” …) à 123 (… “Repeat till the page is full, printer.”) : typologie et analyse détaillée des formes en « WH- »
Sémantique de l’indétermination
Wh- signale un vide de détermination, ce qui implique un déficit référentiel. On décrit également les mots en wh- comme opérateurs de parcours : parcours sur un ensemble, sur un paradigme, caractérisé par l’indétermination, et précisé à droite par le sub-morphème combiné à wh-. Ainsi, dans le cas de where, le parcours s’opère sur le paradigme des lieux ; dans le cas de when, sur le paradigme du temps.
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1 SUJET N°1 — LA NÉGATION
Texte : William Shakespeare, The Winter’s Tale, IV.4.
(Penguin Shakespeare, 2005, p. 63-65)
Introduction : Plusieurs types de négation existent : négation non linguistique (gestes, signes, dessins, etc.), négation logique, négation linguistique. Nous ne prendrons en compte que la négation linguistique, qui inclut la négation lexicale, la négation syntaxique ainsi que la négation implicite (étudiée à partir de marqueurs du texte).
Après avoir présenté une typologie des différents marqueurs de négation, nous prendrons en compte la portée de la négation, les phénomènes de négation totale et de négation partielle – ou négation locale.
(Le sujet doit être le cas échéant redéfini. Dans le cadre d’une épreuve de linguistique, il faut se limiter à l’étude des marqueurs et de l’implicite appréhendé au travers des marqueurs.)
Typologie
1. Négation lexicale :
1.1. par dérivation : préfixe en un- : unusual (1) ; préfixe n- : never (21) ; nor (33) [never & nor
peuvent éventuellement aussi être considérés comme des composés] 1.2. par composition (no + N) : nothing (25)
1.3. par le sémantisme du mot : rarer (32). Il s’agit de termes marquant une quasi-négation, que l’on pourrait gloser dans le cas de rarer par not often. On peut aussi inclure dans cette sous-partie des verbes à « connotation négative » tels que dread, fear ou darken (pour ce dernier verbe, on peut noter la possibilité d’une graduation ; degré plus ou moins grand de darkness).
2. Négation grammaticale / syntaxique
2.1. no : no shepherdess (2). Dans ce cas, no est un déterminant du nom (shepherdess). Avec no + N, l’appartenance à la classe des « shepherdesses » est niée ; il y a négation de l’existence de
toute occurrence quelle qu’elle soit (glose : there was no shepherdess). Avec not + a N, il y aurait construction d’une occurrence pour la nier (glose : not a shepherdess but Flora = Flora was not a shepherdess).
2.2. not : construction AUX. NOT + V (comme en anglais contemporain): your greatness hath not been used to fear (19); your resolution cannot hold (37); I be not thine (45).
L’élément négativant peut être placé après le verbe : since my desires run not before mine honour (34) ; darken not the mirth o’th’feast. (42) ou avant : it not becomes me (7). En anglais contemporain, dans des structures plus ou moins figées, pour des raisons d’emphase, la négation ne peut être placée qu’après le verbe lexical (par exemple, I think not).
2.3. marqueurs corrélatifs : no + but : nothing but jollity (25); were never for a piece of beauty rarer, nor in a way so chaste (33); since my desires run not before mine honour, nor my lusts burn
hotter …(34): paraphrase run not … and my lusts burn not. Nor n’a pas d’indépendance référentielle par rapport à la première proposition ; ce marqueur peut être glosé par « and not + négation » (et de manière intéressante, and… not plutôt que not… or que l’on peut penser reconnaître dans nor) ; and montre le caractère lié de la deuxième proposition : since my desires run not before mine honour, and my lusts burn not hotter.
[Il est à remarquer qu’il n’y a pas de marqueurs corrélatifs dans : no shepherdess, but Flora (2), puisque Flora n’est pas « shepherdess ». Une glose pourrait être : there is no shepherdess ;
however, there is Flora].
3. Négation totale et négation partielle (locale). La négation peut porter sur l’ensemble de la relation prédicative : dans To chide at your extremes it not becomes me (7). Elle peut aussi ne porter que sur une partie de celle-ci : Apprehend nothing but jollity (25) que l’on peut gloser par apprehend nothing except jollity. L’élément qui suit but (jollity) échappe à la négation.
La négation porte sur le degré en 34 : [Their transformations were never for a piece of beauty rarer,/ Nor in a way so chaste], since my desires/Run not before mine honour, nor my lusts/Burn hotter than my faith. Il s’agit d’une négation partielle puisque ce qui est nié, ce n’est pas la mise en relation sujet/ prédicat (comme s’il était écrit : my lusts do not burn hot), mais un degré de la notion (not hotter than my faith).
Une restriction peut être introduite au moyen d’une proposition en if comme dans la phrase suivante dans laquelle une négation partielle (I cannot be mine own if …) est suivie d’une négation absolue (I be not thine) : For I cannot be Mine own, nor anything to any, if I be not thine (43-15)
4. Ellipse / rôle anaphorique de not : Or I’ll be thine, my fair, or not my father’s (44). La deuxième proposition peut être glosée comme suit: or I’ll not be my father’s ; not reprend et nie I’ll be (mais on peut aussi dire que not nie un élément qui est élidé).
5. Négation implicite.
Lift up your countenance as it were the day of celebration (49). On peut dire qu’iy a négation implicite véhiculée par l’irréel as it were ; cet énoncé peut être glosé de la façon suivante : it is not the day of celebration.
Enfin, les questions rhétoriques des l. 21-24 appellent des réponses négatives (I don’t know; I can’t say) : How would he look to see his work, so noble, Vilely bound up? What would he say? Or how should I, in these my borrowed flaunts, behold The sternness of his presence?
Conclusion : La négation peut s’exprimer grâce à des moyens lexicaux et grammaticaux. Shakespeare l’utilise de manière complexe pour nuancer les propos des personnages, pour laisser deviner au spectateur le sens de façon implicite.
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Les formes en WH-
(P. Roth, American Pastoral, pp.104- 105)
Pistes d’analyse envisageables
Les termes en WH- sont d’origine interrogative et peuvent s’employer comme termes interrogatifs, comme relatifs ou comme subordonnants pour introduire les propositions circonstancielles.
En ce qui concerne la problématique, il convient de se poser les questions suivantes : comment peut-on distinguer ces différents cas ? Quels peuvent être les points communs entre l’interrogative et la relative pour qu’elles fonctionnent avec WH- ? WH- est-il de même nature dans le cas des circonstancielles ?
Typologie/classification
Le texte comporte des occurrences de ces catégories:
- Interrogatives directes : What ? (1, 2, 3, 12, 13, + 43; what do you think war is?) – what else (4) – who ? (2, 12, 30) – how? (how old : 12) – why? (13) – where? (27, 28,31, 32 – how (37, 50) – interrogative indirecte : 14 = I’d like to know what you’re doing.
- Relatives : relative nominale (what: 4, 50, 51) – who you go to see: 8 (the kind of person who…) – where : 29 (= the place where..) – who (7, 30, 34, 40, 50) – pseudo clivée (what I do : 3).
- Subordonnant : when (1, 47): circonstancielle.
Note : dans la présentation, il est inutile de citer l’intégralité des lignes où apparaissent les exemples relevés.
Analyse
Reconnaissance de la relative : il y a un contenu manquant dans la relative représenté par WH-, et ce contenu s’identifie avec l’antécédent.
La circonstancielle est un adjoint mobile et effaçable dans une structure simple. WH- sert à introduire cette proposition en la reliant à la principale.
- les interrogatives en WH- : fonctionnement syntaxique/sémantique
Rappel de la syntaxe des questions en WH-WH + AUX + Sujet + GV ?, sauf quand la question porte sur le Sujet (pas d’inversion).
Notons la différence entre questions fermées et questions ouvertes :
- question fermée : “Is she involved in politics?” (36) porte sur la validité de la relation. Dans la question indirecte correspondante, on emploie IF (ou WHETHER) (I don’t know if… : 48) qui marque une suspension de la validation de la relation.
- question ouverte = la relation est acquise, ce qui manque est un contenu particulier à définir.
Exemple: « Where do you eat your meals in NY? » (27) présuppose la relation « you eat your meal in NY » et que le lieu encore indéfini suggéré par WHERE existe. Le terme en WH- construit une classe de possibilités indéfinies à identifier dans la réponse. Cette information manquante est la portée de WH- . Par exemple, dans « What do you think war is? » (43), la question porte sur la complétive de THINK et non sur la principale. C’est sur la donnée manquante que porte WH- (war is (?) = la définition de war est manquante). L’identification de cette information est l’élément saillant de la question. WH- est maintenu quand la question est elliptique (Where? : 28, 32) : la relation prédicative complète est récupérable en contexte. WH- est en position initiale dans la question directe (le thème de la question directe).
- les relatives
Exemple : « people who are against » (7). La relation « x – be against war » est acquise, il reste à définir un contenu, à identifier avec l’antécédent.
Cet antécédent peut être laissé indéfini (relative nominale : antécédent amalgamé) même si son existence est présupposée.
- WH- = subordonnant (1, 47). Il y a deux analyses possibles. D’une part, WHEN ne réfère pas à un moment mais désigne le contenu de la subordonnée comme un moment qui repère la principale. D’autre part, il est aussi possible d’interpréter WHEN comme un relatif à antécédent amalgamé (WHEN = « the moment when » avec effacement de l’antécédent).
Conclusion
Syntaxiquement, le terme en WH- permet une mise en relation (entre la complétive et la proposition enchâssante, entre la relative et l’antécédent, entre la principale et la circonstancielle). Du point de vue sémantique, le terme en WH- est la trace d’un déficit informationnel. Les relatives en WH- et les interrogatives en WH- ont pour point commun d’établir une relation prédicative avec une zone d’indétermination (la réponse à la question ou l’identification de l’antécédent permet de combler ce déficit informationnel). Dans le cas de la circonstancielle, c’est la fonction de mise en relation qui prédomine.
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Question large : « Les questions »
Une bonne introduction doit donc comprendre une analyse du sujet, une analyse du texte et l’annonce d’un plan, dont la pertinence est liée au sujet. A ce titre, on peut s’interroger sur la justification d’un ordre
- Questions en Oui/Non,
- Questions en Wh-,
- Formes déclaratives, dans la mesure où il sépare les parties 1. et 3.
Notons tout d’abord que le texte, même si c’est un récit, comprend de nombreux dialogues, puisqu’il s’agit d’un interrogatoire médical. On a donc de nombreux passages de discours à l’intérieur du récit. Les questions s’inscrivent dans un régime énonciatif de discours (on n’a aucune question dans les parties de récit). Elles entrent parfaitement dans la définition du discours en ce qu’elles impli- quent un tour de parole (par exemple, Have you drunk any coffee since arriving here? -No. [l. 22-23]), elles incluent des pronoms personnels de première et deuxième personne (Have you drunk… [l. 22]), et sont produites pour influencer le co-énonciateur : le docteur dit Have you drunk any coffee? pour obtenir une réponse (cf. le no qui suit), le patient dit subjective? pour demander au docteur de s’expliquer.
Pour la définir de la façon la plus simple, une question est un énoncé qui appelle une réponse. Il fallait donc distinguer les questions des constructions interrogatives. Les questions peuvent prendre la forme de constructions interrogatives, mais ce n’est pas toujours le cas.
- Questions et constructions interrogatives
Certaines questions sont exprimées par une construction interrogative. Ainsi, Have you drunk any coffee…? (l. 22) est une construction interrogative car l’ordre sujet - auxiliaire est inversé. C’est aussi le cas de Isn’t it? (l. 79), un question tag. Rappelons à ce propos qu’il convient bien de parler de l’ordre sujet - auxiliaire, et non pas sujet - verbe.
D’autres en revanche ne prennent pas la forme de constructions interrogatives. C’est le cas de You went looking for some, then? (l. 25), où l’on a pas d’inversion de l’ordre sujet - auxiliaire, mais (probablement) une montée intonative. Il en va de même pour You’ve become acquainted with my colleague, then? (l. 70), Doctor Madison knew her as well? (l. 88), ou encore Subjective? (l. 44) qui n’est pas une proposition, mais la reprise d’un mot de la phrase qui précède.
Lorsqu’une question prend la forme d’une construction interrogative (Have you drunk any cof- fee…? [l. 22]), on a a priori un acte de langage direct, c’est-à-dire une adéquation entre la construction et la force illocutoire attendue de cette construction. Ainsi, lorsque le docteur demande And how do you feel….? (l. 27), ou Why do you drink so much? (l. 29), il attend vraiment une réponse à la ques- tion. Avec That is your first name, isn’t it? (l. 79), on peut encore parler d’acte de langage direct car l’énonciateur demande une confirmation.
Dans d’autres cas il en va un peu différemment.
Ainsi, avec Could you bring me last night’s EEC on Mr Worth, please? (l. 53), le médecin for- mule une requête, voire un ordre. La force illocutoire est directive : il demande à quelqu’un (Lorna) de faire quelque chose. On pourrait avoir un impératif à la place, comme (please) bring me last night’s EEC… Plus précisément, il y a en fait plusieurs forces illocutoires. On a un acte de langage indirect parce que le médecin, supérieur hiérarchique de l’infirmière, lui donne un ordre. Mais on peut aussi penser, et les deux significations sont véhiculées, qu’il interroge véritablement sur la possibilité (Could you…?) : « Etes-vous libre ? Est-ce matériellement possible ? ». En fait on interroge sur la possibilité afin d’orienter vers l’acte (« si c’est possible, alors vous le faites »). Deux forces illocutoires sont cumulées : il y a un acte de langage direct (la question sur le possible) et un acte de langage indirect (l’ordre).
Certaines questions, telle que You went looking for some, then? (l. 25) ne prennent pas la forme de constructions interrogatives. Il s’agit dans cet exemple d’une demande de confirmation, car le patient a en fait d’une certaine manière déjà dit qu’il avait cherché du café : There doesn’t seem to be any on the premises (l. 23). Il s’agit donc d’un acte de langage indirect. On a une force illocutoire d’interrogation pour une construction déclarative positive. Il en va de même pour You’ve become ac- quainted with my colleague, then? (l. 70). On peut noter la présence de then, qui indique une infé- rence du médecin, et une demande de confirmation, qui sera donnée par le patient. En effet pour po- ser une question il faut penser que le co-énonciateur sera capable de répondre, c’est-à-dire avoir un certain nombre de connaissances mutuelles.
Notons également Subjective? (l. 44). Comme il ne s’agit pas d’une proposition, on ne peut pas parler de construction, mais il est possible de parler de force illocutoire (c’est un énoncé). Le patient exprime à la fois un questionnement (« qu’est ce que c’est? »), un étonnement (il ne connaissait pas ce type d’insomnie), et une demande d’explication (« pouvez-vous m’expliquer ce que c’est ? »). On a donc bien une force illocutoire d’interrogation, mais aussi d’exclamation (l’énonciateur est surpris).
De même, Doctor Madison knew her as well? (l. 88) est bien une question (au sens de de- mande de confirmation), mais pas seulement, comme l’indique la suite du texte : Now the wariness was turning into something like panic. C’est aussi une exclamation (le nom Madison est écrit en itali- ques, indiquant une intonation particulière). Il s’agit donc d’un acte de langage indirect, de deux fa- çons : on a une construction déclarative positive pour poser une question et pour s’exclamer.
La question indirecte porte ici bien son nom : avec I wonder if you can clarify another point for me (l. 56), il ne s’agit pas de discours rapporté, mais de mise en abyme de la question. Le verbe de la principale explicite ce qui serait resté implicite dans la question directe (si on pose une question on se demande quelque chose). Le docteur aurait pu dire Can you clarify another point for me? On ne peut parler de force illocutoire pour la subordonnée, mais on le peut pour la proposition entière. Il s’agit d’une question, exprimée par une construction déclarative positive. L’acte de langage est donc indi- rect. Mais là aussi il y a le cumul de deux forces illocutoires : le docteur asserte qu’il se demande (en ce sens c’est aussi un acte de langage direct), et en même temps invite le patient à répondre à la question contenue dans la subordonnée, donc pose une question. C’est cette dernière signification qui ressort, le patient répond d’ailleurs à la question.
Notons enfin les cas où l’on a des constructions déclaratives positives, qui, hors contexte, ne seraient pas forcément comprises comme des questions, mais qui sont interprétées comme telles par le co-énonciateur, qui donne d’ailleurs une réponse, le plus souvent en oui ou non. En voici quelques exemples : Perhaps my watch is fast, but I make the time to be twenty-three (l. 5) (la réponse est Yes, you’re right, I’m late) ; You probably get these jokes all the time (l. 11) (réponse : Occasionally ; … you claim an average coffee consumption of between thirty to forty cups per day (l. 19) (réponse : That’s right (équivalent de Yes) ; You mean … I might be imagining it. Or putting it on. Malingering (l. 46) (réponse : That, with all due respect, is an unhelpful word, ce qui est l’équivalent de No) ; That must give you great satisfaction. (l. 51) (réponse : It always gives me satisfaction to help people, ce qui est un équivalent de Yes, qui n’aurait d’ailleurs pas été impossible ici, soit à la place de la réponse, soit au début de la réponse. Le statut de réponse de cet énoncé est confirmé par Dr Dudden answered drily). On a encore From what you said to Dr Goldsmith yesterday, there seems to have been an extraordi- nary change in your sleeping habits some … twelve years ago (réponse : In ninety eighty-four, yes) ; Prior to which, you claim to have frequently slept for up to fourteen hours a day (réponse : Yes ; This was when you were a student (réponse : Yes) ; A student … at this university, I notice (réponse : That’s right (équivalent de Yes) ; I suppose that’s something your researchers dug up. Réponse : No. En fait la différence entre cette « question » et la suivante (You’ve become acquainted with my collea- gue then?) paraît ténue. La présence d’un point d’interrogation est peut-être un peu aléatoire. Dans ces deux derniers exemples on a le même acte de langage : la demande d’une confirmation.
On évoquera enfin le cas de Lorna? (l. 53). On peut considérer que c’est une question dans la mesure où cela peut vouloir dire Is that you?, mais cet énoncé a aussi simplement une fonction phati- que. On établit le contact avant de parler ; il s’agit d’une conversation téléphonique.
On voit que le sujet ne se limitait pas à commenter une construction mais consistait plutôt à commenter les différentes constructions permettant de formuler des questions.
Reste que la construction interrogative est celle qui correspond typiquement aux questions, il faut donc s’attarder sur la syntaxe des questions. - La syntaxe des questions
Nous passerons rapidement sur le cas des questions telles que You probably get these jokes all the time (l. 11), et dirons simplement qu’il s’agit d’une déclarative (positive), comme l’indique l’ordre cano- nique sujet – verbe (nous reviendrons sur le fait qu’on les interprète comme des questions).
Nous nous attarderons en revanche sur les cas où la syntaxe se démarque de l’ordre canoni- que, sans toutefois perdre de vue que ce ne sont pas les cas les plus nombreux.
Toutes les questions n’appellent pas le même type de réponse. Par exemple, à Have you drunk any coffee since arriving here? on peut répondre Yes ou No (dans le texte la réponse est No), tandis que ce n’est pas possible avec How do you feel…? (l. 27) (la réponse du patient est uncomfortable, et il y a plus de deux réponses possibles). On appelle les premières des questions « fermées » (car le choix est « fermé ») et les secondes des questions « ouvertes » (car il y a une infinité de réponses possibles). Toutes les terminologies (question « polaires » pour « fermées », par exemple) étaient bien sûr acceptées.
Avec les questions fermées on s’interroge sur la validation de la relation prédicative : /you — drink coffee/ pour l’exemple cité. Il y en a d’autres occurrences dans le texte, comme That is your first name, isn’t it? (l. 79), Has it occurred to you that you may not really be insomniac? (l. 40).
Les questions fermées se distinguent des questions « ouvertes », ou questions en wh-, comme How do you feel…? (l. 27). Notons à propos de cet exemple que l’on inclut how parmi les mots en wh-. On a aussi dans le texte : Why do you drink so much? (l. 29). Contrairement aux précédentes, ces questions supposent que le procès est acquis. On parle parfois de questions « présupposantes », par opposition aux questions fermées, « non-présupposantes ». Le docteur sait que le patient boit beau- coup de café, donc il peut lui demander pourquoi. De même, le docteur sait que le patient se sent de telle ou telle façon (puisque cela est toujours vrai) donc peut lui demander comment il se sent. Ici les questions en wh- permettent de s’interroger sur une circonstance du procès (la manière, la cause), et non pas un participant. Le mot en wh- (why, how) est un adverbe interrogatif. On notera qu’il était inutile de s’attarder sur le cas où le mot en wh- dit un participant du procès, puisqu’il n’y en a pas d’exemple dans le texte.
C’est en respectant cette règle que l’on reste dans le cadre d’un commentaire de texte et qu’on évite l’écueil de la récitation de cours.
Le point commun aux deux constructions est l’inversion auxiliaire – sujet (là encore nous insis- tons sur le fait qu’il est plus pertinent de parler de l’inversion auxiliaire - sujet plutôt que de l’inversion sujet - verbe). Dans le texte l’auxiliaire est celui du parfait (Have you drunk…? [l. 22]) ou un auxiliaire de modalité (Could you bring me last night’s EEG… ? [l. 53]).
Lorsqu’il n’y a pas d’auxiliaire dans la construction déclarative positive correspondante, l’auxiliaire do apparaît : And how do you feel…? (l. 27), Why do you drink so much? (l. 29).
La construction interrogative requiert donc un auxiliaire. Cela fait même partie des caractéristi- ques qui permettent de définir la classe des auxiliaires en anglais, caractéristiques parfois appelées NICE properties : negation, inversion, code, emphasis. On relève un exemple de negation dans That hasn’t been your experience (l. 37), un exemple de code dans So did I (l. 73), et un exemple de em- phasis dans I did see her from time to time (l. 86).
On n’a pas d’auxiliaire cependant pour That is your first name, isn’t it? (l. 79). Avec le verbe be, on n’a pas besoin d’auxiliaire pour former la construction interrogative. Be est pourtant bien lexical (il s’agit du be d’identification) mais il a un comportement d’auxiliaire, en ce qu’il permet la formation de la question, et permettrait aussi la construction de la négation (that is not your first name), de la re- prise (cf. la réponse courte Yes it is [l. 80]), et de l’emphase (cf. dans le texte There was a girl here called Sarah, avec was en italiques dans le texte). Une autre possibilité est de considérer que be est toujours auxiliaire. Alors la raison pour laquelle do n’apparaît pas est que la construction comporte déjà un auxiliaire. Le jury n’a pas d’a priori théorique et accepte tous les cadres, pourvu que la rédac- tion et le raisonnement soient clairs et argumentés.
L’auxiliaire est conjugué, contrairement au verbe lexical. C’est le cas dans Has it occurred to you….? (l. 40), où has est conjugué à la troisième personne du singulier et au présent, tandis que occurred, participe passé, est une forme non conjuguée du verbe. Lorsque l’auxiliaire est do (Why do you drink so much?, And how do you feel…? l. 27), il ne dit même que la conjugaison (il porte le temps et la personne). L’auxiliaire permet donc de séparer la conjugaison et le verbe lexical, ce qui n’est pas fait dans les constructions déclaratives positives.
Dans les questions fermées, cette séparation de la conjugaison et du verbe lexical permet de thématiser la conjugaison. L’auxiliaire passe en effet en première position : has it occurred… Or qu’est-ce que la conjugaison? C’est le signe de la prise en charge par un énonciateur d’une relation sémantico-référentielle. Par la conjugaison l’énonciateur dit comment il situe le procès par rapport à lui-même (repérages temporels) et indique qu’il prend en charge la relation, qu’il la tient pour vraie et l’asserte. Ce qui est en question, littéralement, est la prise en charge de la relation. Si l’énonciateur pose la question (have you drunk any coffee…?), c’est précisément qu’il ne peut asserter la relation prédicative, il ne peut la prendre en charge, d’où l’appel au co-énonciateur. La question représente alors un moment de suspension entre un pôle positif (l’assertion que oui : You have drunk some cof- fee) et un pôle négatif (l’assertion que non : You haven’t drunk any coffee).
Le fait que l’énonciateur ne puisse asserter la relation pouvait être mis en rapport avec le dé- terminant any qui apparaît dans Have you drunk any coffee since arriving here? (l. 22). Le déterminant any est plus compatible avec les questions que some (même si some n’est pas impossible), car il présente le référent comme virtuel, alors que some présente le référent comme existant. C’est parce que any présente le référent comme théorique qu’il est éminemment compatible avec les questions : si on s’interroge sur l’actualisation du procès /drink coffee/ on ne suppose pas l’existence du café.
Dans les questions en wh-, ce n’est pas la conjugaison qui est thématisée, c’est le mot en wh- (you drink for a reason devient why you drink), car c’est précisément de cela qu’il est question. Dans Why do you drink so much? le procès /you drink a lot/ est acquis ; ce dont le médecin veut parler est la raison de cela. Le mot en wh- indique un vide informatif qui demande à être comblé. La question correspond à un stade où plutôt que d’être intégré à une unité syntaxique supérieure, comme c’est le cas dans that’s why I drink coffee (l. 39), le segment reste un énoncé, se (re-)conjugue, le procès res- tant alors au premier plan de l’énonciation.
- Questions et suspension / l’arrêt sur un procès
La représentation d’une polarité On a déjà vu à propos des questions fermées (Have you drunk any coffee…?) que si l’énonciateur pose la question c’est qu’il ne peut asserter la relation prédicative, il ne peut la prendre en charge, d’où l’appel au co-énonciateur. Le question tag (That is your first name, isn’t it) illustre ce va-et-vient entre positif et négatif, car le tag est de la polarité opposée à la première proposition.
On peut alors comprendre ce qui fait qu’on interprète certaines constructions déclaratives comme des questions. Dans certains cas on a la représentation d’une polarité, c’est-à-dire qu’on se représente simultanément l’actualisation et la non actualisation du procès. Dans le texte, les construc- tions déclaratives qu’on interprète comme des questions contiennent à plusieurs reprises des mar- queurs de modalité (auxiliaires modaux, adverbes…). Il en va ainsi pour Perhaps my watch is fast, but I make the time to be twenty-three (l. 5), où l’adverbe perhaps laisse planer un doute sur l’actualisation du procès. C’est également le cas de probably dans You probably get these jokes all the time (l. 11), de might dans You mean… I might be imagining it. (l. 46), de must dans That must give you great sat- isfaction (l. 51). Ces modaux relèvent de la modalité épistémique, tandis que seem dans From what you said to Dr Goldsmith yesterday, there seems to have been an extraordinary change in your sleep- ing habits some… twelve years ago (l. 57) relève de la modalité évidentielle. A cette liste on peut ajou- ter I suppose that’s something your researchers dug up (l. 68), et I wonder (l. 56). Le verbe suppose est modalisant car il indique que le contenu de la subordonnée n’est pas certain. Il en va de même pour wonder (l. 56) qui indique que l’énonciateur n’est pas sûr de lui.
Les verbes de déclaration apparaissent également à plusieurs reprises dans les constructions déclaratives qu’on interprète comme des questions. Ils sont parfois associés aux marqueurs de moda- lité que nous venons d’évoquer. On les trouve dans … you claim an average coffee consumption of between thirty to forty cups per day (l. 19), From what you said to Dr Goldsmith yesterday, there seems to have been an extraordinary change in your sleeping habits some… twelve years ago. (l. 57- 58) ; Prior to which, you claim to have frequently slept up to fourteen hours a day. (l. 60). Le verbe claim en particulier, mais aussi say, indiquent que même si le patient a dit cela, le docteur ne le tient pas pour acquis. La question se construit sur une suspension entre l’assertion que oui et l’assertion que non.
Dans le cas de That hasn’t been your experience? (l. 37), la polarité consiste en ce que l’expérience de most people s’oppose à celle du patient : on a un même procès pour des participants différents. Avec most people on a la représentation de l’actualisation, avec le patient, la représentation de la non-actualisation. L’effet de sens de question naît de cette suspension entre un p`ôle positif et un pôle négatif (seul le co-énonciateur peut confirmer).
Cette suspension a souvent des manifestations discursives : on interprète certaines construc- tions déclaratives comme des questions parce qu’on reste sur un procès, plutôt que de passer à un autre. Ainsi, lorsque le docteur dit Perhaps my watch is fast, but I make the time to be twenty-three (l. 5), il s’arrête sur une circonstance du procès (l’heure) plutôt que d’enchaîner sur l’entretien prévu. Lorsque le patient dit You probably get these jokes all the time (l. 11), le patient vient précisément de faire une plaisanterie, ou fait semblant a posteriori d’avoir voulu en faire une (cf. le these anaphori- que).
Avec subjective? (l. 44), c’est un mot de la phrase précédente (One of the most important and fundamental distinctions to be made at this stage in a diagnosis … is between psychophysiological and subjective insomnia) qui est repris. On s’arrête sur un mot pour demander une explication. Avec You mean, I might be imagining them. (l. 46), on s’arrête en revanche sur l’intention, c’est-à-dire sur ce que le docteur a voulu dire.
Il est également possible de s’arrêter sur un élément de la situation d’énonciation. C’est ce qu’on a avec Lorna? (l. 53), où l’énonciateur questionne l’identité du co-énonciateur.
Avec Dr Madison knew her as well? (l. 88), on s’arrête cette fois sur un participant de la relation prédicative, comme en témoignent les italiques, signe d’insistance.
Enfin dans le cas de I see. You’ve become acquainted with my colleague, then?(l. 70) on s’arrête sur une inférence. En effet le fait que le patient a rencontré le Docteur Madison est impliqué par ce que vient de dire le patient : Dr Madison told me last night (l. 70).
De façon générale on voit que lorsqu’on pose une question on s’arrête sur un procès. Ceci est particulièrement flagrant avec le procès /drink coffee/, thématisé à l’échelle du texte (objet de discours). Lorsque le docteur dit Why do you drink so much, il est question de boire du café (et même, plus précisément, beaucoup de café), depuis un moment (on en parle de la ligne 19 à la ligne 39).
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LES INFINITFS ET PROPOSITIONS INFINITIVES
W. Shakespeare, Coriolanus IV, 5 (153-235)
On sait que l’anglais possède en fait deux infinitifs, une base nue et un infinitif associé à un marqueur to.
Les deux degrés codent une sémantique différente de la complémentation.
Typologie :
1) Interrogatives indirectes :
He had sir, a kind of face me thought—I cannot tell how to term it. (l.11)
Faith, look you, one cannot tell how to say that: (l.24/25)
Dans les deux cas, la proposition est argument (objet) du V supérieur. Ces structures ressemblent formellement à des relatives nominales infinitives, mais le sémantisme du prédicat supérieur (I cannot tell) renvoie bel et bien à une question sous-jacente. Le sujet de l’infinitive n’est pas exprimé, mais on sait qu’il renvoie référentiellement à I dans le premier cas et à one dans le second, avec une valeur clairement générique. Il est intéressant de constater qu’on peut également distinguer une valeur générique dans le premier cas (I or anyone else).
2) Relatives infinitives :
‘Tis as it were a parcel of their Feast, and to be executed ere they wipe their lips. (l.74-76)
This peace is nothing, but to rust Iron, increase Taylors, and breed Ballad-makers. (l.78-79)
Nous sommes ici dans un cas plus complexe, où l’infinitive n’est plus argument d’un verbe comme au cas précédent, mais postmodifie un nom. La difficulté d’identification, par rapport à des cas classiques et bien répertoriés comme this is the man (for you) to see, est que l’antécédent (a parcel / peace) est ellipsé ([a parcel] to be executed, …is … but [a peace] to rust iron…). Une glose pourra renforcer l’analyse (a parcel of their feast that is to be executed, a peace that will rust iron…). On peut bien évidemment évoquer la valeur de visée associée à to, mais également noter que l’on obtient, dans le premier cas, où la diathèse est passive, et l’antécédent sémantiquement patient de la relation [X execute Y], un effet de sens très proche de is to : « au point de référence, il existe des circonstances qui conduisent nécessairement à l’événement … ». C’est ce que l’on a dans la formule elliptique to be continued, par exemple. En revanche, dans le second cas, avec une diathèse active et un antécédent plus agentif, ne serait-ce que par métaphore, on obtient une valeur proche d’un will à valeur mixte de caractéristique et de visée, comme le fait ressortir la glose évoquée plus haut. Dans les deux cas, il y a bien, au plan des opérations abstraites, prise en compte d’un hiatus et d’un chemin pour combler ce hiatus. Le deuxième exemple n’est plus franchement envisageable en anglais contemporain.
3) Adverbiales :
He was too hard for him directly, to say the Truth on’t (l.44/45)
Ce qui rapproche cet exemple de ceux relevant de la rubrique précédente, c’est le fait que nous n’avons pas affaire à un argument verbal, mais à un circonstant, fonctionnant comme un adverbial. Le test du déplacement, de la mobilité dans l’énoncé, est ici opératoire (To say the Truth on’t, he was too hard for him directly). La glose peut aussi faire apparaître une valeur proche de is to, et la fonction de la séquence est la même que celle d’un adverbe de phrase (frankly par exemple).
4) Structures à montée :
He’s as like to do it as any man I can imagine (l.62)
‘Tis so, and as war in some sort may be said to be a Ravisher, so it cannot be denied, but peace is a great maker of Cuckolds. (l.85/86)
Nay not so neither: but I take him to be the greater Soldier. (l.22/23)
Ces trois exemples illustrent assez bien divers cas de figure liées à la montée, dont le point commun est qu’un groupe nominal se trouve en surface dans une position de sujet ou d’objet syntaxique d’un prédicat dont il n’est cependant pas un argument sémantique. Par exemple, dans le premier énoncé, he n’est pas un argument du prédicat adjectival be like (= be likely en anglais contemporain). Ce qui est déclaré probable / vraisemblable, c’est bien tout l’événement he / do it. Le prédicat adjectival be likely fait partie des prédicats dits « à montée » (raising predicates), dont l’exemple prototypique toujours donné en illustration est le prédicat verbal seem. Sans entrer dans les détails théoriques (ces prédicats sont dits « inaccusatifs »), ce qui est intéressant est précisément que leur sujet syntaxique n’entretient avec eux aucun rapport sémantique. Dans notre exemple, he est argument sémantique (agent) de do. Bien entendu, il y a des raisons pragmatiques, en particulier liées à la thématisation : par exemple, le discours en amont et en aval est bel et bien un discours à propos de he (= our general), il est donc attendu que l’on préserve ainsi la continuité thématique.
On retrouve le même mécanisme avec les constructions passives des verbes d’opinion (say, think, believe, consider, etc.). dans le second exemple, là où à l’actif, on aurait one may say that war is a ravisher…, on va voir war, argument sémantique de be, monter en position de sujet syntaxique de be said ; là encore, les motivations de ce mouvement sont essentiellement pragmatiques, même si on peut également évoquer des raisons syntaxiques.
Le troisième cas est un exemple assez classique de ce que l’on appelait autrefois montée du sujet en position objet : à partir de la structure I take [il faudrait ici consider en anglais contemporain] that he is the greater soldier, he, sujet sémantique de be, va se retrouver, dès que l’on passe à l’infinitive, dans une position où il est marqué à l’accusatif par take, exactement comme s’il était son objet direct. C’est ce que l’on nomme plus souvent à présent une structure ECM (exceptional case marking).
5) Structures à contrôle ?
Il faut distinguer ici deux cas :
I had thought to have strucken him with a cudgel… (l.3/4) Why here’s he that was wont to thwack our General (l.35/36)
La première chose à noter à propos du premier exemple, c’est bien entendu qu’une telle construction est désormais impossible en anglais contemporain, qui nécessitera une complétive à temps fini (I had tought that I had struck him…). Mais syntaxiquement, c’est tout simplement une structure à contrôle, dite également équi-sujets, dont le prototype est John wants to kiss Mary. Le sujet de kiss, non exprimé, est « contrôlé » par (= a la même référence que) le sujet du verbe supérieur, c’est-à-dire John. Cependant, il convient d’y regarder à deux fois, dans la mesure où cette interprétation ne rend pas compte du sens du segment : le verbe think n’est pas un verbe de pensée, mais est paraphrasable par « faillir, manquer de ». Le OED répertorie ce sens comme ! (disparu), et le définit ainsi : To seem likely (to do something): thought to = ‘was like to’, was on the point of, nearly did. Cette valeur existait, du reste, pour le verbe « penser » en français (« Je ressemble à un homme, qui, mesurant des yeux l’abyme où il a pensé tomber, est plus effrayé qu’au moment du danger » (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797). Ce qui est intéressant ici, c’est que l’infinitif passé dans la subordonnée semble bel et bien, dans la construction globale, prendre la valeur contrefactuelle qu’il peut avoir après des modaux, comme dans I could / would have strucken him (= I didn’t strike him). Dès lors, on pourra légitimement s’interroger sur l’analyse syntaxique : compte tenu du sémantisme du verbe, il semble bien plus cohérent d’y voir une structure à montée telle que décrite au § précédent.
Le deuxième exemple est archaïsant (l’anglais contemporain dirait he was used to twacking…), mais la structure est cette fois incontestablement une structure à contrôle classique, dont la valeur globale, associée à l’adjectif wont, est aspectuelle, puisqu’on renvoie à un procès itéré qui prend une valeur habituelle.
6) Complémentations en ØV :
Bien entendu, on peut citer les modaux, mais également had as lief (l.33) ; les autres prédicats admettant cette complémentation étaient présents dans le texte, à savoir verbes de perception et causatifs :
I have heard him say so himself (l.42/43)
Let me have war, say I. (l. 80)
On aura tout intérêt à mettre ces exemples en contraste avec d’autres types de complémentation, ce qui était assez facile avec le premier exemple (I have heard him saying so himself), beaucoup moins avec le deuxième (où il faudrait évoquer d’autres verbes causatifs admettant des constructions différentes) ; on peut ainsi raisonner en termes de notion de procès (ØV) par opposition à procès actualisé saisi de l’intérieur (V-ING), ou toute autre approche de type cognitiviste qui permettrait d’illustrer l’opposition. En règle générale, la complémentation en ØV signale iconiquement une agentivité minimale du sujet du prédicat inférieur, et corrélativement un degré maximal de contrôle du sujet du prédicat recteur.
Notons pour terminer que, même s’il était quelque peu délicat d’aborder ces structures sans préparation, le candidats étaient tout de même censés être familiers au moins du texte, et on pouvait au minimum s’attendre à ce qu’ils ne commettent pas de contresens sur l’anglais lui-même.
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La comparaison
Elle se construit en trois étapes :
1) La mise en relation orientée de deux éléments (repère et repéré) à partir dřun paramètre commun.
2) L’évaluation différentielle du degré de réalisation du paramètre dans l’élément repéré par rapport à l’élément repère.
3) L’appréciation du résultat de l‟évaluation : égalité, supériorité, infériorité ou négation de l’un des éléments de cette liste.
Trois données complémentaires sont à prendre en compte :
a) Chaque élément peut renvoyer à une unité ou à un groupe.
b) L’évaluation peut être d’essence qualitative ou quantitative.
c) D’un point de vue linguistique, la comparaison n’est pas limitée au seul comparatif.
La première partie de l’analyse peut ainsi porter sur ces points de départ que constituent les repères, lesquels sont donc véritablement des points de repère.
Dans un second temps, on pourra s’intéresser aux formes d’évaluation comparative (et superlative), en examinant dans le détail les formes employées et en remarquant celles qui ne le sont pas.
Point(s) de repère
Pour construire une évaluation de la réalité, il faut un point d’appui, un repère. DAn animal (10) : Le choix de ce terme construit un système de rapprochement / opposition par rapport à lřhumain, lřanimal étant vu comme voisin inférieur de lřhumain. DLa notion de potentiel à la fois connu et non connu se retrouve dans Most (no stupider than most, 26), avec une généralisation sous-jacente (most businesses) qui ouvre vers lřinfini qualitatif, ou avec That (that dumb, 49), forme dérivée de as dumb as that, avec renvoi à un repère présupposé non explicité.
. De même, (as far as) I took it (25) construit sans lřexpliciter une extension personnelle.
Si on poursuit dans la direction de lřimplicite, on trouve alors Ø (9, 58). Lřabsence de point de repère permet de renvoyer à tout point de repère imaginable. Mais une autre explication de lřapparition de Ø est le lien à la situation dřénonciation, comme pour later (29). On remarque pour ce qui concerne les comparatifs et superlatifs que seule la base adjectivale est présente dans le texte (pas de comparatifs numériques, nominaux ou verbaux).
On compare prioritairement deux objets sur la base dřune caractéristique commune. Ce sont les variations qualitatives qui singularisent les objets,
Les formes dřinfériorité sont absentes (même worse nřest pas un comparatif dřinfériorité mais la forme de supériorité de bad).
, cette caractéristique est justifiée en général par le mode privilégié de représentation dynamique de la quantité à partir de zéro et par le fait que le repère est naturellement porteur de la qualité évaluée, ce qui permet de construire une saillance renforcée du repéré
lřanalyse du texte met au jour des formes problématiques de comparatifs, des formes dont la spécificité a souvent été laissée de côté,
Les comparatifs négativés (no better, 10 ; no stupider, 26) peuvent donner lieu à plusieurs remarques. Le choix de No plutôt que Not semble coder le niveau de langue
Plus globalement, un comparatif négativé souligne la différence entre lřattendu et lřeffectif, la négation venant signaler ce décalage, alors quřun comparatif dřégalité (forme la plus proche sémantiquement, cf lien entre inégalité et infériorité) ne dirait que le rapprochement (certes problématique en contexte) : You‟re as bad as an animal. En fait, la négation ouvre vers la réalité inverse (not better and maybe even worse ; not stupider and maybe even more reasonable).
Le comparatif fractionnel rencontré dans le texte est lui aussi négativé (not half as tough as,
. Il se fonde sur une double reprise dřun comparatif dřégalité (qui est la base naturelle de la comparaison) par fractionnement de la quantité de qualité (avec valeur conséquente dřinfériorité) puis négation donnant une valeur finale dřinfériorité
(Ré)élaboration(s)
La comparaison déborde du cadre traditionnel du comparatif pour construire dřautres formes de mise en relation.
Hypothétique (as if I can still hear the words, 12 ; as if I‟d been punched, 59). Variation sur le thème Attendu / Effectif, avec une combinaison de rapprochement (as) et de décalage (if ; -ed).
Concessif (Tough as I was for that age, 61). Le degré élevé de réalisation de la caractéristique (I was very tough for that age) construit dans un premier temps une conséquence logique laissée dans lřimplicite. Dans un second temps, le dépassement de cette caractéristique (par ellipse, réorganisation linéaire du dire) crée un contraste et finalement invalide la logique initiale.
Annexe : Relevé ordonné des formes
1) Formes classiques
Il sřagit des formes que lřon sřattend à rencontrer dans toutes les copies (comparatifs et superlatifs), mais aussi celles auxquelles lřanalyse ne doit pas se limiter.
Comparatif dřégalité (Ø), dřinégalité (I wasn’t half as tough as I pretended to be, 62), de supériorité (what I did was greater than anything, 7 ; You‟re no better than an animal, 10 (+12) ; the business about flying was no stupider than most, 26 ; something worse than that, 46), dřinfériorité (Ø)
N.B. Tous les comparatifs du texte sont sur base adjectivale.
Superlatif de supériorité (the smallest, the dirtiest, the most abject, 9 ; the lowest animal, 58), dřinfériorité (Ø)
N.B. Tous les superlatifs du texte sont sur base adjectivale.
2) Formes modifiées
Sont regroupées ici des formes figées pour lesquelles la comparaison peut passer inaperçu ou la caractérisation du fonctionnement est moins facile à mettre au jour.
Superlatif ordinal (first time, 1 ; first sentence, 10 ; the last you‟ll ever see of me, 36)
Quasi-totalité (the business about flying was no stupider than most, 26)
Locution comparative (sure as hell, 15 ; as far as I took it, 25 ; later, 29 ; sure as I was standing there, 46 ; could be that dumb, 49 ; the best you can do for a family, 54)
3) Formes élaborées
La comparaison est ici encore moins apparente, soit parce quřelle se combine à une autre opération, soit parce quřelle sřéloigne de la définition retenue initialement.
Comparatif hypothétique (as if I can still hear the words, 12 ; as if I had been punched, 59) Comparatif concessif (tough as I was for that age, 61)
Métonymie / Métaphore (Mr Monkey Suit, 41 ; such a weasel-faced guttersnipe, 51 ; that dough- fleshed sow he calls his wife, 53)
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Différentes occurrences de l’expression du degré.
– les degrés de comparaison (comparatif, superlatif) de la grammaire traditionnelle ;
– des marqueurs grammaticaux récurrents dans le poème tels que as, so, such ;
– l’expression lexicale du degré, au moins dans ses manifestations les plus évidentes ( grow, wax, diminish, etc.).
L’un des tests du caractère gradable d’une notion adjectivale est la mise au comparatif : pour prendre des exemples issus du poème, un objet ou un processus peut être plus ou moins grand ou petit, plus ou moins long ou court, de telles qualités constituant des paires dites d’antonymes gradables. On ne peut normalement être plus ou moins athée ou plus ou moins marié, sauf jeu rhétorique consistant à dilater la frontière entre être et ne pas être. On sait que dans la théorie des opérations énonciatives c’est avec un intérieur, un extérieur et une frontière que l’on représente le domaine notionnel : l’intérieur est doté d’un centre organisateur correspondant à l’occurrence typique de la notion, dont on s’éloigne sur un gradient d’occurrences jusqu’à la frontière
Le comparatif de supériorité s’applique à l’infériorité (v. 10 : as they wax lesser) dans le cadre d’un oxymore, la définition de wax étant « grow gradually larger ». Le comparatif d’infériorité est nié (v. 13 : not less cared for) pour exprimer le haut degré dans le cadre tortueux d’un « conceit », qui se définit comme « far-fetched comparison ». Le comparatif d’égalité est gaillard (v. 22 : Ah cannot we, as well as cocks and lions…) et faussement résigné à l’infériorité dans la performance. Enfin la séquence no more (v. 33 : I’ll no more dote and run marque non pas la négation du degré supérieur (not more) mais qualitativement l’absence de tout degré et donc l’absence tout court, résumant ainsi le propos du poème, du moins avant le retournement final.
On sait que as marque l’opération fondamentale d’identification. Mais comparaison n’est pas pure équation symétrique
car elle implique l’identification à un degré repère, donc un repère et un repéré. Or, dans un schéma de comparaison, l’élément logiquement premier, le repère, vient en seconde position. Pour reprendre la qualité que, chez Donne, les hommes envient aux lions, dans un énoncé tel que Men are as jocund as lions, c’est ce dernier élément qui est le repère, tandis que le sujet de la phrase est le repéré et le comparé.
Les marqueurs as, so et such, liés à l’expression du degré, sont récurrents dans le poème. Ils sont étymologiquement apparentés puisque as dérive de all + so et que such résulte d’états anciens de so + like, mais ils ont des comportements syntaxiques nettement différenciés. As pose une relation d’identification et n’est jamais autonome syntaxiquement. Il est attesté dans le poème tantôt comme adverbe (v. 6 : as ignorantly ; v. 22 : as well as cocks), tantôt comme conjonction
(v. 4 : as atheists call what they cannot name ; v. 36 : as men do) dans des structures corrélatives binaires. De son côté, so revient sur une quantification ou une relation préconstruite et peut être le connecteur, proche de la coordination, de deux propositions indépendantes. Le contraste se trouve illustré par exemple aux vers 14 et 15 :
Our desires give them fashion, and so
As they wax lesser, fall, as they size, grow.
So et such partagent une fonction anaphorique et dans certains contextes l’expression du haut degré, principalement avec le statut d’adverbe pour so (v. 14 : which lovers so blindly admire ; v. 19 : and that so lamely), de déterminant ou pronom pour such (v. 15 : and with such worship woo ; v. 23 : after such pleasures).
Le degré est bien entendu aussi exprimé dans le poème par des moyens lexicaux. Plusieurs items indiquent explicitement le changement de degré : grow (v. 10, 37), wax (v. 10), diminish (v. 25). Ce dernier, du latin de + minuere, se rattache, à une série, moins évidente, de préfixations sur des pseudo-bases opacifiées qui marquent, au moins étymologiquement,
un changement d’état : de façon transparente, l’entrée dans un état négatif avec endamaged (v. 34), de façon plus opacifiée, l’abaissement ou l’éloignement avec decay (v. 16, de de + cadere , « tomber »), despise (v. 26, de de + specere, « regarder »), jusqu’à desire (v. 9, 32, de de + siderare, « regretter l’absence de »).
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les infinitives en TO
Méthodologie de la question large
La question large porte sur une notion, sur une forme linguistique, ou sur un ensemble de formes. Elle offre l’occasion de s’interroger sur les valeurs et les délimitations de cette notion ou de ces formes par le biais de l’analyse des occurrences du texte ; elle nécessite donc de confronter des connaissances théoriques solides à des analyses fines d’occurrences en contexte.
Le candidat doit garder à l’esprit que la finalité de l’épreuve n’est pas de réciter un cours en forçant des occurrences à illustrer coûte que coûte les étiquettes traditionnelles. Il s’agit d’opérer une classification rigoureuse et fine des différents cas, en étudiant les occurrences les plus typiques ou conformes aux descriptions traditionnelles sans jamais négliger les inévitables points de résistance que constituent d’autres occurrences. La prise en compte de la diversité des occurrences et la confrontation de leurs caractéristiques est en effet déterminante pour aboutir à une problématique, qu’il convient ensuite de décliner sous forme de plan raisonné.
Le développement consiste à expliquer en quoi les occurrences peuvent être rapprochées ou distinguées les unes des autres, en procédant à des microanalyses étayées par des gloses et des manipulations. L’exposé doit refléter le fait que le candidat entreprend de démontrer quelque chose. Pour ce faire, dans chacune des sous-parties, le candidat est invité à sélectionner les occurrences les plus représentatives des phénomènes qu’il souhaite tour à tour mettre au jour ; s’il est inutile de multiplier les analyses d’occurrences semblables, il est en revanche nécessaire, lorsqu’un regroupement d’occurrences est effectué, que la logique de ce regroupement soit explicitée.
Rappelons enfin que la question large doit comporter une introduction, dans laquelle figure une définition du sujet, une problématique claire et une annonce du plan ; un développement, qui se doit de respecter le plan annoncé ; et une conclusion, qui synthétise les étapes de la démonstration et offre une réponse à la problématique, de manière tranchée ou nuancée.
Nous proposons ici quelques pistes d’analyse possibles associées à des remarques sur la façon dont elles ont été abordées dans les copies.
Proposition de corrigé
Les infinitives en TO sont des propositions non finies organisées autour d’un verbe à l’infinitif précédé de TO. Elles se distinguent des propositions à verbe fini en ce que leur sujet peut ne pas apparaître explicitement dans les limites de la proposition (ex. low enough to pretend it was a whisper, l. 50) et doit être précédé de FOR lorsqu’il est exprimé (ex. but high enough for everyone to hear, ll. 50-51). Ces propositions peuvent appartenir aux trois grandes catégories de subordonnées de la grammaire
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traditionnelle : elles peuvent être adjectivales (ex. the only sound to be heard, l. 5), adverbiales (ex. stringing them together to form fluffy garlands, ll. 58-59) ou nominales (ex. she pretended to wear her power lightly, l. 33).
Les infinitives en TO se distinguent en outre des autres propositions non finies que sont les participiales, les gérondives et les infinitives sans TO du fait de la valeur de TO. TO est décrit, selon les grammaires et les linguistes, comme la particule de l’infinitif, un subordonnant de syntagme verbal26, un opérateur métalinguistique intervenant dans la construction d’une relation prédicative27, un opérateur de visée28, un archiprédicateur29, ou encore un marqueur de dévirtualisation30. Cette liste n’est pas exhaustive, mais la diversité dont elle témoigne peut être considérée comme un révélateur de la complexité de la valeur de TO.
L’enjeu de l’étude est donc de proposer une présentation raisonnée de la diversité des infinitives en TO aux niveaux syntaxique, sémantique et discursif, en se demandant dans quelle mesure il est possible d’attribuer à TO une valeur qui permette de rendre compte de manière satisfaisante de l’ensemble des cas envisagés.
Pour ce faire, nous allons commencer par envisager les rapports entre les infinitives en TO et la subordination, en montrant par quels moyens ces propositions sont subordonnées et quelles fonctions syntaxiques elles sont susceptibles d’occuper. Nous nous intéresserons ensuite au sujet des infinitives en TO, qui pose des problèmes d’ordre syntaxique, mais également d’ordres sémantique et discursif. Enfin, nous étudierons la valeur de TO et la façon dont elle se décline dans le texte.
1. Les infinitives en TO et la subordination
Il était possible de remarquer que l’écrasante majorité des infinitives en TO du texte étaient subordonnées, et de s’interroger sur les moyens par lesquels cette subordination était effectuée, ainsi que sur les fonctions occupées par les infinitives.
1.1. La nature de FOR et de TO
On a vu que lorsque le sujet de l’infinitive est explicite, il est précédé de FOR ; outre l’exemple de la ligne 50, on peut citer “What did you say?” Sister Ibinabo asked quietly, offering a chance for Ifemelu to apologize, to put the words back in her mouth (ll. 67-68).
La nature de FOR, lorsqu’elle est explicitée, est diversement décrite selon les sources : pour certains, il s’agit d’une préposition31, pour d’autres, le FOR des infinitives s’est détaché de son origine prépositionnelle et joue le rôle d’un subordonnant portant sur l’intégralité de la proposition qui suit32.
Comme FOR, TO a une origine prépositionnelle dont il s’est graduellement détaché pour finir par être perçu comme étant étroitement lié à l’infinitif. Si beaucoup de grammaires décrivent TO comme la « particule » ou « marque » de l’infinitif, cette dénomination est parfois remise en cause. Elle suggère en effet une relation exclusive entre TO et le verbe à l’infinitif, qui est difficile à maintenir lorsque l’on
26 Huddleston & Pullum (2002 : 1185).
27 Henri Adamczewski & Claude Delmas, Grammaire linguistique de l’anglais, 5e éd., Paris : Armand Colin, 1998, p. 10.
28 Jean-Claude Souesme, Grammaire anglaise en contexte, Gap / Paris : Ophrys, 2003, p. 331.
29 Pierre Cotte, « Autour de TO », Apports français à la linguistique anglaise, Travaux XXXV du C.I.E.R.E.C., Saint-Étienne : Université de Saint-Étienne, 1982, p. 58.
30 Cotte (1982 : 59).
31 Huddleston & Pullum écrivent par exemple : « traditional grammars and dictionaries classify it as a preposition » (2002 : 1182) ; on peut citer également Bouscaren, Persec, Celle, Flintham & Gresset (1998 : 260).
32 Huddleston & Pullum (2002 : 1181) l’appellent « clause subordinator » ; Khalifa (2004 : 80-82) parle de complémenteur, pour traduire le terme anglais complementizer.
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observe que l’infinitif est susceptible d’apparaître sans TO33 ; en outre, elle laisse penser que TO constitue une forme de flexion verbale34, mais cette analyse est affaiblie par le fait que TO est susceptible d’apparaître dans des constructions elliptiques, comme c’est le cas dans l’énoncé des lignes 37-38 : She could prevent pastoral approval of a marriage, if she wanted to. Il est en effet impossible d’envisager que TO puisse être séparé de la base verbale s’il constitue une flexion du verbe. Par ailleurs, c’est bien l’ensemble du prédicat qui se trouve placé en ellipse : une version non elliptique de cet énoncé, certes difficilement acceptable, serait ?she could prevent pastoral approval of a marriage, if she wanted to prevent pastoral approval of a marriage35.
Comment alors décrire TO ? Pour Huddleston & Pullum, il s’agit d’un subordonnant, d’un genre cependant particulier car il ne subordonne pas une proposition (contrairement à FOR), mais un syntagme verbal (2002 : 1184)36.
1.2. La fonction des infinitives en TO
Les infinitives sont susceptibles d’appartenir aux trois grandes catégories de la classification traditionnelle des propositions subordonnées. On trouve en effet dans le texte des infinitives nominales, dont la fonction peut être :- sujet extraposé : It was difficult to tell how old she was (l. 39) ; It is best to avoid it (ll. 51-52).
- complément caténatif d’un verbe : she pretended to wear her power lightly (l. 33) ; Any girl that wears tight trousers wants to commit the sin of temptation (ll. 51-52) ; she was asked to talk to young and troubled girls (ll. 43-44).
- complément d’un adjectif : But Ifemelu felt herself unable to stop (l. 68).
- complément d’un nom : There is no need to show the world that things are hard for us. (l. 31) ; “What did you say?” Sister Ibinabo asked quietly, offering a chance for Ifemelu to apologize, to put the words back in her mouth (l. 67-68). Dans ce dernier cas, on peut noter que le complément de chance est en fait une coordination asyndétique des deux prédicats to apologize et to put the words back in her mouth. Toutes ces propositions sont généralement considérées comme nominales, car elles occupent des fonctions nominales et que des SN peuvent leur être substitués. Notons cependant qu’une telle substitution impose parfois d’ajouter une préposition : si l’on considère par exemple l’énoncé There is no need to show the world that things are hard for us (l. 31), la substitution donne There is no need for this. La classification de l’infinitive dans la catégorie des nominales ne s’envisage donc qu’au prix d’une manipulation qui consiste à faire abstraction de la préposition pour ne se concentrer que sur le SN qui la suit. Le cas de unable est particulier, car il constitue la négation de able ; or BE ABLE TO est généralement considéré comme une périphrase modale37. Mais il n’est pas certain que BE UNABLE TO soit à classer dans la même catégorie, car cet ensemble est moins fortement soudé que BE ABLE TO. Quirk et al. observent qu’il est possible de placer l’adjectif unable en position détachée en début d’énoncé, alors que c’est impossible pour able. Ainsi, unable to stop, Ifemelu felt her heart thumping, 33 Comme l’observe Souesme (2003 : 331). 34 Huddleston & Pullum (2002 : 1184) évoquent le parallèle établi entre TO et le suffixe -er du français de ce point de vue. 35 Pour plus de détails sur cette question, voir Huddleston & Pullum (2002 : 1183-1184). 36 Il est à noter que Huddleston & Pullum réfutent l’hypothèse défendue par certains selon laquelle TO serait un auxiliaire d’un genre particulier. L’un des arguments avancés à l’appui de cette idée est que les structures elliptiques telles que celle des lignes 37-38 évoquent le code, l’une des propriétés des auxiliaires. Pour de plus amples détails sur cette hypothèse et sur les arguments qui conduisent les auteurs à la rejeter, voir Huddleston & Pullum (2002 : 1185-1187). 37 Quirk et al. parlent de semi-auxiliaire (1985 : 143).
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hurtling on a fast-moving path est naturel, mais l’acceptabilité de ??able to stop, Ifemelu felt her heart thumping est beaucoup plus douteuse. Cela justifie donc le classement de l’infinitive to stop dans la catégorie des compléments d’adjectifs.
Les infinitives peuvent également être adverbiales, lorsqu’elles ont une fonction de complément circonstanciel, comme dans : Uju is coming after church to take us to see the house in Dolphin Estate (l. 20) ; Mummy, but you know Aunty Uju is not paying one kobo to live there (l. 26) ; stringing them together to form fluffy garlands (ll. 58-59). On peut s’interroger sur l’opportunité d’ajouter her school friends came to visit à cette liste, car le sens de l’ensemble est glosable par her school friends came and visited, de sorte que to visit apparaît davantage comme un complément de came que comme un circonstant38. De façon intéressante, le fait d’insérer un circonstant entre les deux verbes fait tendre l’interprétation vers la valeur circonstancielle de façon beaucoup plus nette : dans Uju is coming after church to take us to see the house in Dolphin Estate, l’infinitive identifie clairement le but de la venue d’Uju. Cette différence est attribuable au fait que le SP after church situe la venue dans le temps, et lui donne de ce fait une indépendance référentielle ; dans came to visit au contraire, les deux verbes sont envisagés comme deux facettes d’un même procès, le mouvement vers un lieu, que l’un de ces verbes décrit dans son dynamisme tandis que l’autre identifie sa valeur sociale.
On relève dans le texte deux autres infinitives dont certains considèrent qu’elles sont adverbiales :
“I saw you wearing tight trousers last Saturday,” Sister Ibinabo said to a girl, Christie, in an exaggerated whisper, low enough to pretend it was a whisper but high enough for everyone to hear (ll. 49-51). La nature de ces infinitives fait débat39. On peut considérer qu’elles sont compléments des adjectifs low et high, qui sont les têtes des syntagmes dans lesquels les propositions s’insèrent ; dans ce cas, les infinitives sont nominales (pour les raisons exposées plus haut). Cependant, les deux propositions ne sont pas régies par les adjectifs, mais par les deux adverbes enough ; c’est la raison pour laquelle Huddleston & Pullum appellent ce type de propositions des « indirect complements » (2002 : 443). De fait, la suppression de enough rend la présence de l’infinitive agrammaticale : *low to pretend it was a whisper, *high for everyone to hear. Ce lien entre l’adverbe et la proposition conduit certains linguistes à considérer que l’infinitive n’est pas complément de l’adjectif, et donc pas nominale ; comme la proposition n’occupe pas de fonction par rapport à un support nominal, elle ne peut pas être adjectivale non plus ; il n’est donc pas possible de la considérer autrement que comme une adverbiale40.
Les infinitives peuvent enfin être adjectivales : on relève deux occurrences dans le texte, the hum of the refrigerator was the only sound to be heard (l. 5) et There was nothing else to say (l. 16).
Dans les deux cas, les infinitives sont des subordonnées relatives, qui ont pour fonction d’être modifieur de leur antécédent. Elles sont glosables par des relatives à verbe fini : the refrigerator was the only sound that could be heard et there was nothing else that could be said / that he could say. On observe que ces relatives infinitives ne sont pas introduites par des relatifs explicites. En outre, elles sont restrictives, ce qui est typique des relatives en TO : on constate ainsi que la suppression de l’infinitive dans there was nothing else to say changerait fortement le sens de l’énoncé, car la prédication d’existence porterait alors sur l’intégralité des choses, et non pas seulement sur la sous-catégorie des choses pouvant être dites dans cette situation.
38 On s’appuie ici sur Huddleston & Pullum, qui décrivent and + VP comme un « non finite complement » (2002 : 1225). 39 Voir Gardelle & Lacassain-Lagoin (2012 : 209-213). 40 Voir Gardelle & Lacassain-Lagoin (2012 : 212). - 68 -
Pour finir, on peut mentionner deux cas qui n’entrent pas dans les catégories mentionnées jusqu’ici. À la ligne 25, on trouve “God is faithful. Look at Uju, to afford a house on The Island!” her mother said happily. L’infinitive n’occupe pas de fonction par rapport à un autre élément explicite de l’énoncé ; nous avons affaire à une infinitive indépendante (voir Cotte 1982 : 58). Nous verrons que c’est la valeur de TO qui permet de rendre compte de ce type d’emploi.
La dernière occurrence remarquable du texte peut être relevée aux lignes 63-64 : as often happened when she was about to say something she knew was better unsaid, the words rushed up her throat. On observe en effet la présence de la périphrase be about to, qui n’est pas décomposable, et que Quirk et al. rangent dans la catégorie des semi-auxiliaires (1985 : 137).
2. Le sujet des infinitives en TO
Dans la plupart des cas, le sujet d’une infinitive en TO n’est pas explicitement mentionné dans les limites de la proposition. On peut dès lors se demander s’il est toujours identifiable, et si c’est le cas, comment il est identifié ; la question du sujet des infinitives est alors la question du rapport syntaxique et sémantique au contexte dans lequel la proposition apparaît.
Pour commencer notre étude, nous allons envisager les cas dans lesquels le sujet implicite de l’infinitive est identifié par un SN de la proposition de rang supérieur. Dans ce type de cas, il faut établir une distinction entre structures à contrôle et structures à montée.
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Structures à contrôle et structures à montée
Le texte présente deux énoncés particulièrement intéressants pour établir la différence entre contrôle et montée : Any girl that wears tight trousers wants to commit the sin of temptation (ll. 51-52) et she seemed to be everywhere at the same time (l. 38). À première vue, ces deux énoncés ont une structure comparable : sujet (any girl that wears tight trousers dans le premier cas, she dans le second), verbe conjugué (wants et seemed), proposition infinitive en TO (to commit the sin of temptation et to be everywhere at the same time). Mais dans le premier énoncé, any girl that wears tight trousers est un argument à la fois syntaxique et sémantique du verbe conjugué ; tandis que dans le second, she est le sujet syntaxique de seemed, mais pas son sujet sémantique. SEEM est un prédicat particulier, qui n’a qu’un seul argument, en position objet41. Or la position du sujet de SEEM ne peut pas demeurer vide. Deux solutions sont envisageables : la position du sujet peut être instanciée par un IT explétif (it seemed that she was everywhere at the same time) dans une structure qui s’apparente à une forme d’extraposition, ou alors le sujet de la proposition subordonnée peut monter en position de sujet syntaxique du verbe de la principale. C’est la solution retenue dans le texte ; l’énoncé présente donc une montée du sujet en position de sujet (subject-to-subject raising). Le texte comporte un autre exemple de ce phénomène : a round man with bulging, reddened eyes who was said to start his day with a glass of harsh gin (ll. 7-8). Comme dans le cas précédent, si who est sujet syntaxique de was said, c’est l’ensemble < who – start his day with a glass of harsh gin > qui est en est le sujet sémantique ; en revanche, ici, c’est le passif qui rend nécessaire le recours à un réagencement, extraposition (telle que dans it was said that he started his day with a glass of harsh gin) ou montée, car *that he started his day with a glass of harsh gin was said est agrammatical.
41 Pour de plus amples détails, voir Khalifa (2004 : 115-116 et 133-134). - 69 -
Dans Any girl that wears tight trousers wants to commit the sin of temptation, on n’observe pas de phénomène de montée, car il n’y a pas de disjonction entre la syntaxe et la sémantique. L’énoncé présente ainsi une structure à contrôle, en ce que le sujet du verbe conjugué contrôle l’interprétation du sujet de l’infinitif : les deux sujets sont coréférentiels. On parle parfois dans ce cas de structure équi- sujet, que les générativistes proposent de représenter comme suit : [Any girl that wears tight trousers]i wants PROi to commit the sin of temptation42. Il est à noter cependant que le sujet de want n’est pas toujours coréférentiel avec celui de l’infinitive ; dans Any girl that wears tight trousers wants them to commit the sin of temptation, par exemple, c’est le SN them qui permet d’identifier le sujet de l’infinitive. Ce SN est syntaxiquement objet de wants, mais l’objet sémantique du verbe est l’ensemble de la relation < they – commit the sin of temptation >. Dès lors, il est possible de considérer que l’on a ici affaire à une montée du sujet de la subordonnée en position d’objet de want (subject-to-object raising). On pouvait mentionner le cas problématique de begin : The girls began to organize themselves (ll. 56-57). Begin est un verbe inchoatif, qui dit la phase initiale d’un procès. Mais la question se pose de savoir ce qui constitue le sujet sémantique de ce verbe : s’agit-il du procès qui commence, ou du référent du sujet qui se trouve à l’initiative de ce commencement ? Dans le premier cas, on tendrait vers une structure à montée ; dans le second, vers une structure à contrôle. L’agentivité associée au référent du sujet joue donc un rôle important43 ; or ici, deux interprétations sont recevables. Il est possible de considérer que les filles prennent en main l’organisation de leurs activités, auquel cas le sujet the girls est clairement agentif ; mais il est également envisageable de considérer que c’est Sœur Ibinabo qui donne les ordres et répartit les rôles que les filles doivent remplir, de sorte que leur agentivité est réduite. La première lecture peut conduire à décrire cet énoncé comme une structure à contrôle, la seconde permet de l’identifier comme une structure à montée44. 2.2. Sujets non identifiés dans l’énoncé Dans certains cas, la proposition de rang supérieur contenant l’infinitive ne comporte pas de SN ou constituant permettant d’identifier le référent du sujet de l’infinitive. Ce cas de figure est illustré par There is no need to show the world that things are hard for us. (l. 31). L’infinitive complète ici le nom need. En tant que nom, need dénote une entité indépendante qui n’est pas mise en relation avec un support, contrairement à ce qui serait le cas si need était un verbe. L’énonciatrice présente donc l’injonction comme indépendante de toute personne spécifique, de sorte que l’identité précise du référent du sujet est difficile à établir. Il est nécessaire de s’appuyer sur le contexte pour restreindre les possibilités, mais cela reste insuffisant : ici on peut se demander si le référent du sujet implicite de l’infinitive est Ifemelu, ou ses parents, ou les trois à la fois. 42 Khalifa (2004 : 147-148) propose des tests pour distinguer les structures équi-sujets des structures à montée. Les structures équi-sujets admettent le pseudo-clivage, ce qui n’est pas le cas des structures à montée : what any girl that wears tight trousers wants is to commit the sin of temptation / *what she seemed was to be everywhere. Les structures à contrôle n’admettent pas de sujets explétifs ou constitués d’une « séquence phrastique nominalisée », contrairement aux structures à montée. Les structures à montée peuvent avoir des « contreparties réduites », ce qui n’est pas le cas des structures à contrôle : ainsi pourrait-on dire alternativement, et sans différence d’acceptabilité, she seemed to be busy et she seemed busy, alors que seul she wanted to be free est acceptable. 43 Pour plus de détails sur cette question, ainsi que sur le débat concernant la distinction entre contrôle et montée dans ce type de cas, voir Huddleston & Pullum (2002 : 1197-1198). 44 Il est à noter cependant qu’une telle distinction ne fait pas l’unanimité. Khalifa (2004 : 149) note par exemple que tous les tests syntaxiques applicables à begin vont dans le sens d’une structure à montée, et Huddleston & Pullum (2002 : 1197-1198) plaident pour une description unifiée de begin comme verbe à montée, que le référent du sujet soit agentif ou non.
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Parfois, la référence du sujet non exprimé n’est pas identifiable dans le contexte, car elle n’est pas spécifique. Le texte présente trois occurrences de ce cas de figure : There was nothing else to say. (l. 16) ; It was difficult to tell how old she was (ll. 39-40) ; It is best to avoid it. (l. 52).
À première vue, cette classification peut sembler discutable, car il ne serait en fait pas impossible de trouver dans le cotexte une référence possible pour le sujet de l’infinitif ; ainsi pourrait-on gloser le premier énoncé par There was nothing else that he could say, le second par it was difficult for Ifemelu / the girls to tell how old she was et le dernier par It is best for you to avoid it. Cependant ces gloses ne semblent pas rendre compte de manière entièrement satisfaisante du sens des infinitives.
Dans le premier cas, par exemple, ce qui est mis en avant est l’impossibilité d’un quelconque ajout : l’identité de l’agent du procès importe peu. Le sens est donc glosable par there was nothing else anybody could have said ou par une tournure passive comme dans there was nothing else that could be said.
La structure extraposée it was difficult to tell how old she was permet à l’énonciateur de porter un jugement sur le contenu propositionnel tell how old she was : ce prédicat est déclaré difficile à actualiser, et cette difficulté concerne tout agent potentiel. Il s’agit d’une caractéristique du prédicat qui transcende ses actualisations effectives par des individus spécifiques.
Enfin dans it is best to avoid it, on peut affirmer que, bien que l’énoncé soit présenté comme une injonction dirigée vers une personne particulière (en l’occurrence Christie), il s’agit en fait d’une prescription d’origine religieuse qui s’applique à toute femme.
Si le sujet de l’infinitive peut donner lieu à des jeux si divers avec le contexte, c’est grâce à la forme non finie du verbe, qui permet de ne pas donner au sujet de réalisation explicite. Nous allons nous pencher à présent sur la valeur spécifique de cette forme non finie, qui permet de la distinguer d’autres formes verbales non conjuguées.
3. La valeur de TO 3.1. TO et la « nominalisation de la modalité »45
Les deux relatives infinitives du texte présentent des valeurs nettement modales : comme on l’a dit, elles sont glosables par the hum of the refrigerator was the only sound that could be heard / they could hear et there was nothing else that could be said / that he could say. Cette valeur modale que TO peut prendre dans un contexte favorable constitue, selon certains linguistes, une clé de compréhension de son fonctionnement. Cotte considère ainsi que TO est une nominalisation de la modalité, entendue au sens large : la valeur assertive potentielle du prédicat est placée au second plan énonciatif et libère le premier plan pour d’autres modalités, portées par le verbe conjugué avec lequel TO est généralement mis en relation (1982 : 59). Ainsi, la genèse des relatives présente une nominalisation d’une relation originelle (ex. it could be heard, he could say nothing else), nominalisation qui subordonne la proposition et lui permet de venir s’insérer dans une proposition de rang supérieur. La notion de nominalisation de la modalité est particulièrement intéressante pour rendre compte d’énoncés comme to afford a house on The Island! (l. 25). En effet, ici la proposition n’est pas mise en relation avec un élément recteur, de sorte qu’il faut se fier à d’autres éléments contextuels pour l’interpréter (en l’occurrence, l’exclamation et l’intonation). Le fait que la valeur assertive soit mise au second plan par la nominalisation ouvre la
45 Cotte (1998 : 168).
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voie à une autre modalité, dont on déduit de l’étude du contexte qu’elle est appréciative : la mère d’Ifemelu exprime son admiration et peut-être son envie face à la situation d’Uju.
Les deux extrapositions présentes dans It was difficult to tell how old she was (ll. 39-40) et It is best to avoid it (l. 52) sont également remarquables du point de vue de la valeur de TO. D’abord, on peut remarquer que l’extraposition des infinitives est plus naturelle que celle des gérondives : ainsi préfèrera- t-on les formulations du texte à ??it was difficult telling how old she was et ??it is best avoiding it. Comme nous le verrons ultérieurement, la valeur de visée est importante dans ce jugement ; mais la nominalisation dite par TO joue également un rôle. Pour Cotte, la situation s’explique par le fait que TO, disant une nominalisation analytique, focalise le procès qu’il introduit ; il est ainsi naturel de trouver le prédicat en fin d’énoncé, alors que ce n’est pas le cas pour -ING, qui, en tant que nominalisation synthétique, ne focalise pas le procès46.
3.2. TO et la dévirtualisation
TO est historiquement dérivé de la préposition TO. Cette préposition a une valeur spatiale : elle indique le point final d’un mouvement de A à B.
Il est possible de considérer que le TO de l’infinitif hérite de manière abstraite de cette valeur, en disant avec Cotte (voir, par exemple, 1982 : 57-58) que TO est un opérateur de dévirtualisation, qui, reprenant la valeur fondamentale de mouvement de la préposition dont il est issu, dit la marche au procès depuis sa virtualité totale jusqu’à son actualisation, en orientant vers celle-ci. Ainsi, dans l’énoncé “What did you say?” Sister Ibinabo asked quietly, offering a chance for Ifemelu to apologize, to put the words back in her mouth (ll. 67-68), le nom chance indique que les procès dits par les infinitives ne sont pas actualisés ; en posant la question what did you say?, Sœur Ibinabo ouvre la voie à l’actualisation des procès, mais il n’est pas certain que cette actualisation devienne effective. TO ne place pas le procès dans l’actuel, mais permet de représenter ce cheminement envisagé du virtuel à l’actuel. Les infinitifs se distinguent donc nettement de la forme en -ING offering, qui, au contraire, dit l’actualisation du procès ; elle constitue en fait une reprise et un commentaire de “What did you say?” Sister Ibinabo asked quietly.
3.3. TO et la visée
La valeur de TO que nous venons de décrire est très étroitement liée à la description classique de TO comme opérateur de visée. La définition de la notion de visée n’est pas uniforme : Bouscaren et al. la définissent comme « un hiatus entre un repère et un repéré », hiatus qui peut donner lieu à la construction d’une valeur virtuelle ou temporelle (prospective) (1998 : 256). Pour Mignot47, la visée est la « représentation simultanée de l’actualisation et de la non-actualisation d’un procès » ; à l’inverse, Souesme (2003 : 331) indique que l’emploi de TO bloque le parcours de deux valeurs, et oriente uniquement vers la validation du procès48. Enfin la notion de visée est parfois limitée à une stricte valeur temporelle prospective. Le point commun à toutes ces définitions de la visée, c’est qu’elles indiquent que le procès est considéré en amont de son actualisation (indépendamment de la réalité extralinguistique de cette actualisation).
46 Pour de plus amples détails, voir Cotte (1998 : 169-170).
47 Élise Mignot, Linguistique anglaise, Paris : Armand Colin, 2016, p. 238.
48 Il faut noter cependant que, si on les éclaire à la lumière de l’idée de dévirtualisation, les définitions de Mignot et de Souesme ne sont pas incompatibles ; du mouvement du virtuel vers l’actuel, l’une retient l’orientation en direction de l’actualisation, tandis que l’autre retient le trajet, moment de suspension entre la non-existence et l’existence.
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Disant le mouvement qui va du virtuel à l’actuel, TO est compatible avec chacun des instants de ce mouvement. Il peut apparaître dans des cas dans lesquels l’actualisation du procès ne fait pas de doute, comme dans The girls began to organize themselves (ll. 56-57), ou au contraire dans des cas, comme offering a chance for Ifemelu to apologize (ll. 67-68), dans lesquels le procès n’accède pas à l’existence. - Visée et procès non encore actualisés
Le texte présente des occurrences dans lesquelles le procès associé à TO est visé parce qu’il est futur par rapport à un moment repère. Cette futurité peut s’entendre par rapport au moment de l’énonciation, comme dans Uju is coming after church to take us to see the house in Dolphin Estate (l. 20), mais également par rapport au moment repère du verbe conjugué, comme dans She was asked to talk to troubled and troublesome girls (ll. 43-44). Dans ce cas en effet, le procès dit par ask précède mais aussi conditionne l’actualisation du procès dit par son complément : c’est la demande qui permet de déboucher sur l’actualisation de talk to troubled and troublesome girls. La valeur de visée de TO est congruente avec le sens du verbe recteur car le procès considéré est envisagé en amont de son actualisation.
TO dit que la relation prédicative est validable ; il est donc parfaitement compatible avec des contextes dans lesquels l’actualisation est souhaitée par l’énonciateur ou par le référent du sujet. Mais la futurité du procès rend son actualisation seulement potentielle : comme on l’a vu, dans offering a chance for Ifemelu to apologize, to put the words back in her mouth (ll. 67-68), l’actualisation des procès dits par les infinitives, bien que souhaitée par le référent de Sister Ibinabo, ne deviendra pas effective. On observe en effet un conflit de visée : si Sœur Ibinabo favorise l’actualisation, ce n’est pas le cas de l’agent des procès envisagés, Ifemelu. C’est ce même conflit de visée qui permet d’expliquer Ifemelu felt herself unable to stop, her heart thumping, hurtling on a fast-moving path (ll. 68-69) : la branche positive de l’actualisation est préconstruite par la question de Sœur Ibinabo et l’intention qui la sous-tend, mais l’état d’esprit d’Ifemelu favorise au contraire la branche négative de la non-actualisation (comme en témoigne la négation portée par l’adjectif unable).
On peut mentionner la relative to say dans there was nothing else to say (l. 16). Ici, le procès dit par l’infinitive est seulement envisagé, mais n’est pas actualisé : l’énonciateur rejette, par le biais de la négation portée par nothing, la possibilité que le procès say something advienne à l’existence.
Enfin, dans she was about to say something she knew was better unsaid (ll. 63-64), la visée est directement liée à la valeur prospective du procès, et elle contribue à la valeur de futur immédiat de BE ABOUT TO.
De la valeur de futurité associée à la visée découle, si le contexte s’y prête, un sens de but : ainsi dans stringing them together to form fluffy garlands (l. 59), où le procès dit par l’infinitif succède à la séquence de procès dite par les participiales, et constitue le but, le point final envisagé qui sous-tend l’actualisation de la séquence en question. - Visée et procès actualisés
Le procès dit par l’infinitive est parfois indubitablement actualisé. C’est le cas par exemple dans The girls began to organize themselves (ll. 56-57) : ici il n’y a pas de mouvement du virtuel à l’actuel, ni de doute quant à l’actualisation potentielle d’un procès futur. Il est d’ailleurs remarquable qu’une forme en -ING, qui dit l’actualisé, puisse être substituée à l’infinitif. La clé de l’emploi de TO est à chercher dans le sens du verbe recteur begin. Ce verbe inchoatif dit en effet le premier moment d’un procès, c’est-à- - 73 -
dire le moment qui suit immédiatement le passage de la frontière séparant la non-existence de l’existence; en employant TO, c’est à ce moment que se place mentalement l’énonciateur, indépendamment de l’actualisation effective du procès.
Ce type de positionnement énonciatif explique aussi un énoncé comme Any girl that wears tight trousers wants to commit the sin of temptation (ll. 51-52). Ici en effet, l’énonciatrice remonte à la volonté supposée du référent du sujet en se fondant sur son comportement (en l’occurrence, sur sa façon de s’habiller). Il ne fait pas de doute, dans la vision rigoriste du monde qu’a Sœur Ibinabo, que le fait de porter un pantalon moulant constitue un péché ; à partir du moment où wear tight trousers est actualisé, l’actualisation du procès commit the sin of temptation n’est donc pas douteuse. Mais l’utilisation de TO permet à l’énonciatrice de se positionner mentalement en amont de l’actualisation, et donc de remonter aux racines du procès : selon Sœur Ibinabo, c’est la volonté qui est à la source de l’actualisation du procès. Cette formulation lui permet donc de reprocher à Christie (dont il ne fait pas de doute qu’elle est directement visée, malgré la généricité de l’énoncé) davantage que d’avoir commis un péché : elle l’accuse d’avoir eu l’intention de le commettre.
L’interprétation à donner de la visée dans you know Aunty Uju is not paying one kobo to live there (l. 26) est similaire : ici encore, l’actualisation du procès dit par l’infinitive ne fait pas de doute, mais l’énonciatrice revient à ce qui le sous-tend et fonde son actualisation. Plus précisément ici, elle s’oppose à la vision de sa mère qui, en s’exclamant to afford a house on The Island!, suggère que l’origine de la relation < Uju – live there > est la situation financière d’Uju. - Visée et jugement énonciatif
La possibilité qu’offre TO de coder une telle dissociation entre le positionnement mental de l’énonciateur et le statut effectif du procès dans le monde explique son emploi dans des contextes de jugement énonciatif porté sur un procès : l’énonciateur place le procès à distance pour mieux le juger.
Les énoncés présentant des extrapositions sont particulièrement représentatifs de cette valeur : It was difficult to tell how old she was (ll. 39-40) et It is best to avoid it (l. 52). Dans les deux cas, le procès dit par l’infinitive est considéré en amont de son actualisation, c’est-à-dire qu’il est suspendu entre le virtuel et l’actuel, et le jugement énonciatif vient prendre place au sein de cette suspension : l’énonciateur prend parti en orientant l’interprétation vers l’une ou l’autre des deux branches de l’alternative actualisation – non-actualisation. On observe un phénomène similaire dans There is no need to show the world that things are hard for us (l. 31). L’actualisation du procès a été préconstruite dans le contexte. Pour la mère d’Ifemelu, le fait de sortir avec une robe froissée trahit une situation sociale difficile, et c’est exactement ce qu’elle juge que sa fille envisage de faire. Il y a donc un conflit de visées posé par l’énonciatrice : elle attribue à sa fille l’intention d’actualiser le procès, et rejette cette actualisation, en portant sur elle un jugement négatif.
Le commentaire énonciatif est parfois de nature modale : ainsi les occurrences a round man with bulging, reddened eyes who was said to start his day with a glass of harsh gin (ll. 7-8), she pretended to wear her power lightly (l. 33) ou she seemed to be everywhere at the same time (l. 38) relèvent- elles de la modalité évidentielle ; l’enjeu est d’identifier la source d’une mise en relation entre un sujet et un prédicat, mise en relation dont la validité n’est au mieux pas assurée, au pire niée. Avec was said to et seem, la visée est à lier au fait que l’actualisation des procès n’est pas avérée ; avec pretended, la visée reflète la distance entre ce que Sœur Ibinabo veut suggérer, et ce qui est effectivement le cas. - 74 -
Enfin la valeur de jugement énonciatif porté sur un procès considéré dans sa potentialité permet d’expliquer deux cas dont on a vu qu’ils résistent par ailleurs dans une large mesure aux descriptions habituelles des infinitives en TO, ce qui permet d’affirmer que c’est fondamentalement la valeur de TO qui constitue le principe d’unification des propositions dans lesquelles il apparaît.
Dans to afford a house on The Island! (l. 25), TO est utilisé alors que le procès est actualisé, ou plus exactement, alors que l’énonciatrice pense que le procès est actualisé ; ce n’est en fait pas le cas, comme l’indique la correction qu’apporte sa fille par la suite. Comme dans les autres cas, le recours à l’opérateur de visée montre cependant que l’énonciatrice se positionne mentalement en amont de l’actualisation du procès, ce qui lui permet ici de mesurer l’écart entre la situation telle qu’elle est (actualisation du procès) et la situation à laquelle on aurait pu s’attendre (non-actualisation du procès). C’est l’expression de cet écart, jugé si important par l’énonciatrice qu’elle attribue l’actualisation du procès à une intervention divine, qui donne à l’infinitive sa valeur appréciative : le procès est bien actualisé, ce qui est remarquable car il aurait pu ne pas l’être.
Enfin, dans low enough to pretend it was a whisper but high enough for everyone to hear (ll. 50- 51), l’emploi de TO est directement lié au fait que l’infinitive est complément indirect de l’adjectif. Les infinitives disent en effet un repère par rapport auquel le degré dit par les adjectifs (low et high) est évalué ; l’adverbe enough dit quant à lui que ce degré est suffisant pour que les procès soient actualisés. Mais c’est par rapport à l’actualisation seulement envisagée que le degré est mesuré, ce qui explique la présence de la visée.
Conclusion
Cette étude des infinitives en TO nous a permis de rendre compte à la fois de leur diversité et des caractéristiques qui unifient la catégorie. Les infinitives en TO peuvent être subordonnées ou non ; lorsqu’elles le sont, elles peuvent occuper des fonctions variables. Il arrive que leur sujet soit exprimé, mais il reste souvent implicite, auquel cas il faut exploiter le cotexte, immédiat ou élargi, pour l’identifier ; parfois, le sujet est implicite car il n’est pas spécifique. Enfin, les infinitives sont susceptibles de dire des procès virtuels ou actualisés. La diversité de leurs emplois en contexte est frappante, mais il est possible d’en rendre compte de manière raisonnée en s’appuyant sur les valeurs de TO. En particulier, cette étude montre qu’une analyse attentive des interactions entre les valeurs de visée et de dévirtualisation associées à TO et le contexte dans lequel les infinitives apparaissent permet de rendre compte de l’ensemble des occurrences du texte, y compris des moins prototypiques ; en particulier, nous avons montré que la valeur de visée était applicable à l’ensemble des emplois des infinitives en TO, y compris dans les cas où le procès était indubitablement actualisé.
Remarques sur le traitement de la question large par les candidats
Commençons par quelques remarques concernant le format de l’épreuve. Le jury a pu constater qu’en dépit des rappels effectués chaque année dans les rapports d’épreuve, un certain nombre de copies n’a pas respecté les prérequis méthodologiques : absence de problématique et/ou de plan, d’introduction et/ou de conclusion, ou encore de définition de l’objet d’étude. Certaines copies ne présentaient que des listes d’occurrences, sans les accompagner d’aucune analyse, et sans que la logique des regroupements effectués soit toujours apparente.
Sur le fond, le jury a remarqué que les analyses syntaxiques posent beaucoup de problèmes aux candidats. Le sujet nécessitait de savoir faire la différence entre TO préposition et TO particule d’infinitif ; or de très nombreuses copies ont décrit le TO des infinitives comme une préposition. Il était essentiel - 75 -
de savoir distinguer une proposition relative d’une proposition nominale, une proposition nominale d’une proposition adverbiale, ou encore un cas d’extraposition d’une occurrence de clivage, mais là encore, de nombreuses copies présentaient des étiquetages fautifs voire, dans certains cas, variables d’une partie de l’analyse à l’autre. Les phénomènes de contrôle et de montée ont souvent été complètement ignorés par les candidats ; dans certaines copies, la montée a été mentionnée mais mal identifiée (des cas de confusion entre montée et extraposition ont par exemple été relevés). Les futurs candidats sont invités à ne pas négliger l’étude de la syntaxe, et à travailler régulièrement tout au long de l’année pour combler leurs éventuelles lacunes ; une bonne maîtrise de la syntaxe est un préalable indispensable à l’analyse linguistique.
La question de la valeur de TO a également trop souvent été négligée. Dans certaines copies, elle n’a même pas été envisagée ; dans d’autres, elle a fait l’objet d’une simple mention, mais sans étude contextualisée de la façon dont elle était exploitée dans le texte. En particulier, même lorsqu’ils mentionnaient la visée, les candidats ont été peu nombreux à proposer une analyse de sa valeur en fonction du statut actualisé ou non du procès.
D’une manière générale, les copies n’ont pas fait apparaître suffisamment de micro-analyses détaillées ; très peu de manipulations ont été proposées (par exemple, peu de candidats ont essayé de remplacer TO par -ING dans the girls began to organize themselves, ou de placer une relative à verbe fini en lieu et place des relatives infinitives).
Pour conclure, nous souhaitons rappeler que la démarche proposée dans le corrigé ci-dessus ne constituait en aucun cas un passage obligé et que le jury a eu le plaisir de lire de très bonnes copies qui ne suivaient pas ce cheminement ; certaines d’entre elles présentaient une structuration pertinente et efficace, ainsi qu’une problématisation et une analyse confrontant les valeurs généralement associées à TO et les occurrences du texte.
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