Philosophie: La conscience/Le sujet Flashcards
A
Introduction
Je suis. J’ai l’impression d’être. Dans la vie ordinaire, il n’y a aucune raison que le sujet doute de sa réalité. Mais que suis-je ? Je suis dans un corps, un corps que je n’ai pas choisi, un corps que je subis, un corps en mouvement, qui se déplace dans l’espace et le temps. Je découvre les autres moi par le corps. Dans ce corps, il y a un esprit.
“Toute conscience est un pont jeté entre le passé et le futur”
Henri Bergson, Matière et Mémoire
Je suis, j’ai conscience d’être et pourtant en moi, tout ne cesse de changer: mes idées, mes sensations, mes sentiments, mon corps et mon esprit ne cessent de changer: je ne suis plus le même que quand j’avais 12 ans ou 40 ans, et pourtant, je ne doute pas que je suis le même.
I. Qu’est-ce que la conscience ?
A) Définition la conscience
Conscience vient du latin cum et scientia, qui signifient « avec savoir »
Plusieurs sens :
→ Conscience spontanée : fait d’être présent, d’être en éveil etc. (ex : qq qui est évanoui est « inconscient »)
En ce sens, on peut dire que l’animal est conscient (ex : chat a conscience qu’il y a une souris en face de lui)
→ Conscience réfléchie auquel l’animal n’a pas accès : conscience de soi et de ses propres pensées. Capacité à se représenter soi-même (distance avec soi, introspection) → C’est cette distance qui rend possible la liberté pour Sartre
→ Obéir à tous ses instincts sans réfléchir = pas vrmt libre, animal
→ Conscience morale : faculté qui nous permet de discerner le bien du mal, ainsi que le juste de l’injuste, sous forme d’un sentiment
Par exemple, on dit avoir « mauvaise conscience » lorsque nous éprouvons de la culpabilité
→ Pour Rousseau, le caractère naturel de cette faculté permet d’y voir un « juge infaillible » en termes de moralité
Comment savoir si les personnes qui nous entourent sont conscientes ?
Comme nous ne sommes pas dans leur tête, on ne peut pas être certain qu’elles sont conscientes (solipsisme)
I. Qu’est-ce que la conscience ?
B) Remise en cause de la fiabilité de la conscience
Faiblesses de la conscience → Selon Spinoza, elle est influencée par le corps et le désir.
Marx suggère quant à lui qu’elle serait déterminée par notre milieu social (« conscience de classe »)
Conscience morale → acquise et relative
Diversité des opinions dans le domaine moral → se questionner sur le caractère naturel de la conscience morale
→ Pour Freud, c’est seulement par le biais de l’éducation que l’enfant acquiert les interdits, même les plus fondamentaux
→ Russel reprend la thèse de Freud (citation Russel)
Citation Russel
“La conscience est le produit de l’éducation et peut, chez la plupart des hommes, être dressée à approuver et à désapprouver au gré de l’éducateur”
Bertrand Russel, Science et religion, 1935
I. Qu’est-ce que la conscience
C) Remède à la fiabilité de la conscience
→ La prise en compte du regard des autres hommes est un moyen d’obtenir un rapport plus distancié sur soi
→ Sartre affirme d’ailleurs qu’autrui est un « médiateur indispensable entre moi et moi-même »
→ Chaque homme doit recourir à la raison et au dialogue avec autrui afin de porter un regard critique sur les valeurs qu’il porte en lui au lieu d’obéir aveuglément à ce que lui indique sa conscience morale
II. Le moi est-il multiple?
Toute la philosophie occidentale est divisée en deux tendances:
- celle qui vise l’unité du moi (identité réelle), qui commence avec Descartes : “je pense donc je suis”
- celle qui vise la multiplicité du moi (identité personnelle), qui est soutenue par exemple par John Locke et David Hume mais également par Montaigne
II. Le moi est-il multiple?
A)L’Homme
Montaigne, Essais, Livre II, chapitre 6
Montaigne (philosophe de la renaissance) entreprend une réflexion personnelle: “qu’est-ce que l’Homme?”
Cette question, simple en apparence présente très vite des difficultés:
- Homme désigne toute l’espèce humaine. Comment dans ce cas parler de la condition humaine?
- Difficulté méthodologique: Comment peut-on s’étudier soi-même ? (pas de recul)
Montaigne décide de s’étudier lui-même puisqu’en chaque humain, il y a toute l’humanité.
Il se découvre continuellement changeant (j’ai faim, j’ai froid, je m’intéresse à la pluie…)
II. Le moi est-il multiple?
B) Le “je pense” de Descartes
→ Identité du sujet
→ Quoi que l’on pense, on pense
→ Démonstration du « je pense donc je suis »
→ Objection logique au « je pense donc je suis »
Identité du sujet
Descartes distingue dans chaque sujet deux substances:
- la substance étendue : tout ce qui est contenu dans l’espace. Pour le sujet c’est le corps
- la substance pensée. Pour le sujet, c’est l’esprit
Nous sommes composé de deux substances, dont la jonction est problématique
Qu’est-ce que je suis? Comment puis-je me définir? Suis-je dans le corps ou dans l’esprit?
L’identité n’est pas dans le corps car celui-ci peut subir des transformations lourdes, sans que cela n’affecte l’identité du sujet
Démonstration du “je pense donc je suis”
Démonstration par l’absurde:
Si je pense que je ne pense pas, il faut bien que je le pense.
Or, pour penser, il faut être. Si je pense, alors je suis.
Conclusion : “Je pense donc je suis” (Discours de la méthode)
La conscience que l’on a de soi-même est la seule chose que l’on ne peut pas remettre en question : on peut par exemple douter de la réalité du monde qui nous entoure (ex : nos actions sont contrôlées par qq d’autre) mais pas de notre propre conscience.
Quoi que l’on pense, on pense
Si je pense bien (la France est en Europe), je pense
Si je pense mal (la France est en Afrique), je pense
Objection logique au “je pense donc je suis”
Hobbes trouve le “donc” gênant.
Donc Descartes a reformulé cette phrase en “Je suis, j’existe” dans Méditations métaphysiques
A partir de là, dans chaque action, l’humain pense. On peut ainsi dire “je me promène, je suis”
C) Identité réelle ≠ Identité personnelle
→ Contestation de l’approche de Descartes
John Locke (Essai sur l’entendement humain) et David Hume (Traité de la nature humaine) vont contester l’approche de Descartes
→ Pour eux, il n’y a rien de permanent dans le sujet. L’esprit est sans cesse interrompu par une quantité d’informations en mouvement continuel: on est soumis à une grande quantité d’informations qui proviennent de l’extérieur: enchaînement continuel des idées, sentiments qui changent continuellement.
Pour les anglo-saxons, le moi est multiple et il n’y a pas d’identité réelle puisque tout est changeant.
Simultanément, des moi en moi s’occupent de différentes tâches.
Hume compare l’esprit à une scène de théâtre où différents acteurs joueraient simultanément différents rôles.
Pour les anglo-saxons, il n’y a pas d’identité réelle mais une identité personnelle
Etapes du schéma de la conscience
1- Sensation
2- Captation
3- Perception
4- Entassement (stockage dans la mémoire)
5- Rappel
1- Sensation
A la fois la faculté de l’esprit et les données fournies par les sens.
Sextus Empiricus (philosophe latin) met en avant un sens commun interne, qui synthétise les informations provenant des cinq sens externes.
2- Captation
Reconnaissance de l’objet (inclut les gens) . Cette reconnaissance passe par les concepts (ex: concept de porte).
Exemple de l’ascenseur du philosophe américain Douglas Hofstadter:
J’arrive dans un endroit où je ne suis jamais allé. Il y a un ascenseur que je n’ai jamais pris, et pourtant, je vais le prendre sans difficulté, par analogie.
Comme j’ai déjà eu affaire à des ascenseurs, je vais le prendre facilement
3- Perception
Faculté mentale qui permet le passage de l’extériorité à l’intériorité.
Elle conserve les informations de l’extérieur sous forme d’image mentale (image qui désigne tous les contenus, comme le goût d’un croissant ou le son d’une musique)
4- Entassement
Les images nous arrivent par flux (flux de conscience).
Donc, les images déjà enregistrées doivent laisser place à des images nouvelles, qui sont stockées dans la mémoire.
5- Rappel
Opération qui consiste à réactiver les images sous forme de souvenir.
Or, les images sont déformées, ce qui explique que les souvenirs ne correspondent pas exactement aux perceptions, qui elles-mêmes ne correspondent pas à la réalité extérieure
III. Conscience et mémoire
→ Importance de la mémoire
“Avoir une bonne mémoire”, “avoir des trous de mémoire”, “avoir la mémoire qui flanche” etc.
Toutes ces expressions tirées de la vie de tous les jours montrent l’importance de la mémoire. En effet, c’est grâce à elle que l’on maintient l’unité de la personnalité.
Par contre, elle connaît des variations, des troubles… qui fait qu’elle n’est pas constante
III. Conscience et mémoire
A)
1) Mémoire affective
St Augustin, Confessions, X
Il y a une différence dans la mémoire entre le ressenti sur l’instant et l’affection que l’on a dans un souvenir: on peut se souvenir tristement d’un événement joyeux (ex: repas de famille heureux, mais des gens de ce repas sont morts depuis). Ce souvenir provoque de la nostalgie et du regret.
On peut se souvenir en rigolant d’un événement triste (ex: rupture amoureuse)
III. Conscience et mémoire
A)
2) Mémoire et oubli
Les gens comprennent mal la véritable nature de l’oubli.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’oubli appartient à la mémoire et fait partie de son processus: c’est parce qu’on oublie qu’on peut accueillir de nouveaux souvenirs.
Cependant, il faut distinguer l’oubli simple de l’oubli de l’oubli.
L’oubli simple, c’est quand on oublie mais qu’on peut réussir à se rappeler.
L’oubli de l’oubli, c’est lorsqu’on a oublié mais qu’en plus, on a oublié qu’on a oublié, et donc, on a aucune raison de se rappeler.
Tout ce qui a été perçu a été enregistré, mais, en principe, cela ne se réveillera pas
Oliver Zacks, L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau
III. Conscience et mémoire
B) Trouble de la mémoire
La mémoire peut faire l’objet de troubles sévères, qui l’affectent différemment: hypermnésie, paramnésie, amnésies
Hypermnésie
Hypermnésie : se souvenir absolument de tout
Si on se souvient d’absolument tout, on devient incapable de développer sa propre personnalité car une personnalité se fait par des choix. Or, choisir, c’est renoncer (André GIDE), donc si on se souvient de tout, on est incapable de renoncer et on a donc a pas de personnalité.
L’hypermnésie enregistre tout mais de manière neutre. C’est une maladie incurable.
Platon, Philèbe, “l’éponge humaine”
Paramnésie
Paramnésie: Appelée dans le langage de tous les jours la “fausse mémoire”
Ribot, L’Imagination créatrice (traité de 1926), “L’Homme de Fontainebleau”:
Ribot a pour patient un jeune banquier, qui poursuit une belle carrière, et, avec son épouse, ils ont pris l’habitude d’aller se promener à Fontainebleau (banlieue très chic de Paris) le dimanche.
Sauf que l’homme est atteint de paramnésie, qui le persuade qu’il vit déjà à Fontainebleau, et comme sa véritable épouse lui dit que non, il la remplace dans son esprit par un double consentant.
Il finit interné et sa femme déclare “il vit à Fontainebleau”, en sous-entendant que c’est fini pour lui : la maladie est incurable
Amnésies
La première est l’amnésie rétrograde: on oublie tout ce qu’il y a avant le traumatisme, mais après, la mémoire fonctionne normalement.
L’amnésie rétrograde affecte plutôt la mémoire événementielle et affective.
D’autre part, elle introduit l’ère du soupçon: les prochains m’apparaissent lointains et les lointains peuvent venir me voir pour me dire qu’ils sont prochains. Cela entraîne le développement de paranoïa
La seconde est l’amnésie antérograde: on se souvient très bien de tout ce qui précède l’accident mais après, la mémoire ne fonctionne plus
La Main amnésique, Oliver Zacks
Psychopathologie, Freud
Conclusion III. Conscience et mémoire
La mémoire maintient l’unité de la conscience.
Cependant, nous avons vu aussi que la mémoire n’est pas continue et qu’elle connaît des troubles (sommeil, maladie, évanouissement).
Donc, la mémoire ne peut pas garantir l’identité réelle (nos pensées sont différentes de ce que nous sommes).
Elle garantit donc l’identité personnelle et chaque identité est unique.