Etudes 05b - Bénassy-Quéré Flashcards
Solow, 1956
La productivité globale des facteurs explique les 7/8e du doublement de la productivité du travail aux Etats-Unis de 1909 à 1949, tandis que l’augmentation de l’intensité capitalistique explique le huitième restant.
L’auteur l’appelle aussi « la mesure de notre ignorance ».
Jorgenson et Vu, 2016
I. Les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont profondément modifié les habitudes de travail et les interactions entre les individus. Elles ont fait évoluer les pratiques des entreprises et de l’administration.
II. L’importance accordée à l’innovation est remise en question : comparée au progrès technologique (notamment le développement des semi-conducteurs dans la puissance de calcul informatique), elle n’a joué en fait qu’un rôle relativement modeste, qui ne justifie pas sa place centrale dans les théories modernes de la croissance économique.
III. Les politiques économiques devraient donc mettre l’accent sur la remise en cause de leurs modèles pour tenir compte du progrès technologique.
Barro et Sala-ì-Martin, 1995, Economic Growth
Les variables qui exercent un effet significatif sur le PIB par tête de long terme sont :
1° La qualité du capital humain : niveau d’éducation, espérance de vie ;
2° Le bon fonctionnement des marchés : degré de concurrence, distorsions introduite par l’intervention de l’État, corruption ;
3° La stabilité macroéconomique (notamment la stabilité des prix) ;
4° L’instabilité politique (guerres, coups d’état, ou simplement alternance entre partis politiques).
Piketty, 2013, Le capital au XXIe siècle
Au niveau mondial, la redistribution opérée par les impôts et transferts a un impact limité sur les inégalités.
Celles-ci dépendent bien davantage :
- Des forces motrices de la rémunération du capital et du travail ;
- De l’impact politique et économique cumulatif de la concentration du revenu ;
- Du rôle des inégalités de patrimoine.
Milanovic, 2016
I. Comme d’autres auteurs, mise en évidence que :
- la baisse des inégalités intra-pays observée entre 1820 et 1990 n’est pas spécifique aux pays d’Europe occidentale ;
- que les inégalités à l’échelle mondiale, entre pays, ont augmenté au cours de cette même période ;
- que, depuis la fin du XXe siècle, cette tendance s’est inversée : moins d’inégalités à l’échelle mondiale et plus d’inégalités à l’intérieur des pays, avec des exceptions notables.
II. A. La « déconcentration » du capital et les interventions avant impôts et transferts sont une approche plus prometteuse pour réduire les inégalités que la redistribution, en particulier compte tenu de la difficulté qu’il y a à augmenter la fiscalité des revenus du capital dans un monde globalisé.
B. Il s’agirait notamment de réduire les inégalités de dotations :
- en matière de détention d’actifs ;
- dans l’éducation.
C. Dans ces conditions, les inégalités de revenus de marché diminueraient et n’impliqueraient plus qu’une redistribution de nature plus modeste, de nature à satisfaire ceux qui considèrent les taxes trop élevées comme mauvaises pour l’activité.
Thomas Malthus, 1798, Essai sur le principe de population
I. Conclusions sur des rendements décroissants qui correspondaient à une expérience très précise de la fin du XVIIIe siècle : celle de la mise en valeur de terres de moins en moins fertiles et de plus en plus difficiles à cultiver, à laquelle s’est justement opposée la contre-expérience de l’innovation et des gains de productivité.
La croissance géométrique de la population s’oppose à la croissance arithmétique de la production.
II. La fécondité est considérée comme le ressort fondamental de la croissance. Le report des mariages compense les chocs négatifs en période de crise et leur avancée permet d’encourager les reprises en accompagnant les chocs technologiques, si bien que le niveau de vie par tête demeure constant sur longue période.
⚠️ Harrod, 1939, et Domar, 1946
(Modèle Harrod-Domar)
Il s’agit de deux contributions séparées, qui parviennent aux mêmes conclusions.
I. A. Fonction de production à facteurs complémentaires qui adapte la théorie de Keynes au long terme :
1° Harrod cherche à dynamiser la théorie keynésienne pour en faire un modèle de la croissance de long terme ;
2° Puisqu’à court terme, le seul effet de l’investissement est celui du multiplicateur keynésien de la demande, Domar montre que l’investissement joue également un rôle sur l’offre.
B. Il s’agit de l’ancêtre des modèles de la théorie de la croissance exogène, notamment du modèle de Solow (1956).
II. Les modèles, qui ne se prétendent pas réalistes, prédisent un déséquilibre croissant entre capital et travail, jusqu’à ce que l’insuffisance de capital bride la croissance.
III. La croissance économique étant instable, cela justifie l’intervention de l’État.
IV. Ces contributions ont fourni une justification théorique aux politiques d’aide à la reconstruction de l’immédiat après-guerre (plan Marshall de 1947).
Solow et Swan, 1956
I. Modèle constituant toujours aujourd’hui un cadre de référence de l’analyse néoclassique de la croissance.
II. Sur le sentier de croissance :
- les marchés sont en équilibre ;
- les facteurs de production sont substituables ;
- le rendement marginal du capital est décroissant : l’incitation à investir disparaît quand le rendement marginal est égal au coût d’usage du capital.
II. Le modèle s’appuie sur deux courbes majeures : celle de l’augmentation de l’épargne, et donc du capital, et celle de la dépréciation du capital. La dépréciation est représentée par une courbe linéaire, tandis que l’épargne cesse de croître après une certaine quantité dépassée.
En effet, l’incitation à accumuler du capital diminue au fur et à mesure que l’économie croît, et elle disparaît lorsqu’une hausse supplémentaire du stock de capital coûte davantage qu’elle ne rapporte en termes de production.
III. Toute économie atteint à un moment un point où toute augmentation des facteurs de production n’engendrera plus d’augmentation de la production par tête. Ce point correspond à l’état stationnaire, où chaque économie est censée converger à terme.
Cette prédiction étant irréaliste, un facteur supplémentaire doit expliquer la poursuite de la croissance : c’est le progrès technique. Les équations ne permettant pas d’établir son origine, il est exogène au modèle, et ainsi appelé « résidu ».
Ramsey (Modèle de), 1928, A Mathematical Theory of Saving
L’objectif social est de maximiser durablement la consommation par tête.
Ce modèle montre qu’il existe bien un taux d’épargne qui maximise la consommation par tête* :
- ce taux d’épargne optimal est exactement égal au poids du capital dans la fonction de production.
→ Les revenus du capital doivent être réinvestis dans l’économie, tandis que les revenus du travail sont consommés.
* “<em>The rate of saving multiplied by the marginal utility of money should always be equal to the amount by which the total net rate of enjoyment of utility falls short of the maximum possible rate of enjoyment</em>.”
Mankiw, Romer et Weil, 1992
Le modèle de Solow et Swan fournit un cadre théorique cohérent avec la comptabilité de la croissance mais n’est pas réaliste : il sous-estime les effets positifs de l’accumulation du capital sur l’accroissement de la population et oublie un facteur de production accumulable, le capital humain.
Les dépenses d’éducation doivent donc être traitées comme un investissement et non comme une consommation.
⚠️ Le nouveau modèle proposé par les auteurs est encore imparfait : la croissance à l’équilibre stationnaire ne dépend toujours que de facteurs exogènes, la démographie et le progrès technique.
Arrow, 1962 (“The Economic Implications of Learning by Doing”)
Formalisation du learning-by-doing
I. L’action et la pratique permettent de construire empiriquement des savoir-faire et, dans une certaine mesure, des connaissances.
L’entreprise qui investit pour former ses employés à une nouvelle technologie incorporée à une nouvelle génération du capital, rend disponible à d’autres entreprises ce savoir-faire.
II. Cette information est un bien collectif en raison de ses propriétés d’indivisibilité et d’inappropriabilité. Par conséquent, un équilibre concurrentiel peut s’avérer sous-optimal en matière d’invention et de transmission de savoir-faire : le retour sur investissement dans ce domaine est incertain pour une entreprise, d’autant que les salariés sont libres de se faire débaucher (notamment pour un salaire plus élevé), soustrayant ce capital de savoir-faire de l’entreprise qu’ils quittent.
III. L’auteur propose plusieurs solutions dont aucune n’est infaillible :
Barro et Sala-ì-Martin (Modèle de), 1995
Les dépenses publiques (éducation, services publics) sont envisagées comme un facteur de production supplémentaire susceptible de bloquer la baisse des rendements marginaux du capital privé.
Néanmoins, la mise à disposition de ce facteur de production introduit une distorsion susceptible d’abaisser le niveau de production.
Le modèle fournit une justification de l’intervention publique en montrant qu’à un certain taux, celle-ci peut conduire la croissance à être positive à long terme, mais il montre aussi que si son coût d’opportunité est trop élevé, il peut être un frein à la croissance.
J. Schumpeter, 1942, Capitalisme, Socialisme et Démocratie
Analyse du processus de destruction créatrice par lequel une innovation majeure conduit à la disparition de la génération précédente de produits ou de procédés.
Les entrepreneurs engagent des ressources pécuniaires et humaines pour trouver et exploiter les technologies nouvelles. Ils risquent à tout instant d’être évincés par une innovation concurrente, mais tant que l’innovation concurrente n’est pas là, l’entreprise innovante fait du profit.
La perspective de ce profit constitue l’incitation à innover, et c’est parce que ce profit est construit sur l’élimination des innovations de la génération précédente que l’auteur parle de destruction créatrice.
Aghion, Antonin, Bunel, 2020, Le pouvoir de la destruction créatrice
I. Les auteurs s’appuient sur le « paradigme schumpeterien », par opposition au modèle de croissance néoclassique :
« La destruction créatrice est ce moteur du capitalisme qui assure le renouvellement permanent et la reproduction, mais qui en même temps génère du risque et des bouleversements qu’il faut savoir réguler et orienter. »
II. Quatre thèses principales :
1° L’innovation est à l’origine de la croissance économique qui elle-même est le socle de l’amélioration du bien-être des sociétés. L’innovation est créatrice de bien-être ;
2° L’innovation produit des effets néfastes sur certains secteurs de la société, ce qui la rend difficile à accepter socialement et politiquement. L’innovation est aussi destructrice de bien-être ;
3° L’État doit produire un contexte institutionnel permettant de favoriser l’innovation tout en protégeant les victimes de l’innovation pour qu’elles s’adaptent aux nouvelles conditions économiques. L’État est au cœur d’un capitalisme régulé favorisant et rendant acceptable la destruction créatrice. Son rôle est central puisqu’il doit assurer un double équilibre :
- Il doit assurer un équilibre entre protection des innovateurs par des rentes spécifiques et mise en concurrence des entreprises. Les innovateurs sont encouragés à innover par l’existence de droits de propriété leur octroyant un monopole temporaire (les brevets) et par des investissements spécifiques de l’État (éducation, secteur innovants, etc.). Mais, une fois la juste récompense de l’innovateur reçue, la concurrence doit reprendre ses droits car elle est elle-même favorable à l’innovation lorsque les nouveaux innovateurs cherchent à gagner des parts de marché. La mise en concurrence suppose par ailleurs la lutte contre des rentes illégitimes (non liée à l’innovation) ;
- L’État doit assurer un équilibre entre l’insécurité endogène au processus d’innovation et la stabilité pour les secteurs qui sont victimes des nouvelles vagues technologiques. L’innovation créé du chômage, de la précarité et des mauvaises conditions de santé, ce qui la rend légitimement contestable à court terme. L’État doit alors protéger les citoyens par des garanties sociales de toutes sortes (assurance chômage, formation professionnelle, système de santé, etc.) ;
4° L’État n’est cependant pas un acteur exempt de défauts, il est capable de collusion avec les intérêts économiques et peut de ce fait protéger des rentes illégitimes au regard de l’efficacité économique. L’enjeu est alors de favoriser une constitution démocratique et, surtout, d’opposer au marché et à l’État un troisième pôle : la société civile. Celle-ci peut par ses choix de consommation, par l’influence dans les entreprises (responsabilité sociale de l’entreprise) ou par des manifestations obliger l’Etat (et le marché) à se réformer dans le sens d’une plus grande prise en compte de l’intérêt général.
III. Dans la conclusion, reprenant la distinction de Daron Acemoglu, James Robinson et Thierry Verdier (Acemoglu et al., 2017), les auteurs contestent l’idée d’avoir à choisir entre un capitalisme féroce (cutthroat capitalism), efficace et féroce pour les individus, et un capitalisme douillet (cuddly capitalism), inefficace économiquement mais protecteur pour les individus. Le capitalisme est le meilleur système économique pour l’intérêt général, mais les forces du marché (innovation et concurrence) doivent être tenues par un État puissant et une société civile jouant son rôle de contrepouvoir.
« Le capitalisme est un cheval fougueux : il peut facilement s’emballer, échappant à tout contrôle. Mais si on lui tient fermement les rênes, alors il va où l’on veut ».
Bartelsman, Scarpetta et Schivardi, 2003
I. Le taux d’entrée et de sortie (turnover) sur le marché des entreprises aux États-Unis et en Europe sont similaires. Il est plus facile pour des petites entreprises de s’insérer sur un marché, mais la plupart des entreprises en sortent avant d’avoir atteint un niveau de production rentable.
II. Dans les économies développées, un tiers des gains de productivité du travail proviennent du processus de création et destruction, les deux tiers restants se faisant à l’intérieur des entreprises existantes.
III. Les anciennes entreprises contribuent aux gains de productivité en investissant et en substituant du capital au travail, les nouvelles plutôt en augmentant la PGF.
IV. Aux Etats-Unis, les entreprises naissent petites, mais celles qui survivent font plus que doubler leur effectif en deux ans, tandis qu’en Europe, elles croissent de 10 à 20 % seulement.
Aghion et al., 2012, Credit Constraints and the Cyclicality of R&D Investment: Evidence from France
I. Étude empirique menée sur 13 000 entreprises de 1994 à 2004 pour étudier la relation entre la contrainte de crédit et les investissements en recherche et développement (R&D) sur le cycle économique.
II. Les conclusions sont les suivantes :
1° L’investissement en R&D est contre-cyclique en l’absence de contrainte de crédit, mais devient procyclique lorsque les entreprises font face à un durcissement des contraintes de crédits ;
2° Ce résultat est seulement observé pour les entreprises dont les secteurs d’activité reposent davantage sur un financement externe, ou qui se caractérisent par des actifs majoritairement immatériels ;
3° Au sein des entreprises les plus contraintes par le crédit, les chutes d’investissement en R&D durant les récessions n’augmentent pas en proportion durant les phases de reprise.
Aghion et al., 2012, Industrial Policy and Competition
I. Une concurrence accrue et la menace de nouvelles entrées obligent les entreprises existantes à investir pour faire face à cette pression concurrentielle.
II. Une politique sectorielle ciblant la production peut améliorer la situation si elle est compatible avec le maintien de la concurrence.
Paul David, 1985, “Clio and The Economics of QWERTY : The constraints of history”
Exemple de « dépendance au sentier » (Path Dependency) :
1° Adopté dans les années 1870 par l’un des premiers fabricants de machines à écrire, la société Remington, le clavier QWERTY minimisait le risque d’enchevêtrement des touches quand l’utilisateur frappait rapidement. Il a été repris par tous les concurrents, alors même que les études ont montré qu’il n’était pas optimal ;
2° Le système DSK (Dvorak Simplified Keyboard), breveté en 1932, qui permettait de frapper beaucoup plus vite, n’a pas réussi à le supplanter. Le système QWERTY s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui sur les claviers d’ordinateurs, alors que la raison initiale de son existence a disparu depuis bien longtemps.
Bartelme et Gorodnichenko, 2015
I. Une voiture Honda est faite de 20 à 30 000 éléments produits par des centaines d’entreprises différentes.
L’idée révolutionnaire d’Henry Ford, dont le rêve d’autosuffisance totale dans la production automobile fut réalisé dans son usine située au confluent des fleuves Rouge et Detroit (États-Unis), s’est révélée être à contre-courant de l’histoire de l’économie.
Les décennies passant, l’idée d’intégrer verticalement toutes les étapes de la production s’est montrée inadaptée aux objectifs des entreprises transnationales (ETNs).
II. Les gains de productivité sont devenus de plus en plus dépendants de la division internationale du travail entre entreprises, qui vendent des inputs intermédiaires à d’autres entreprises, générant un réseau complexe de relations commerciales.
Aghion et Howitt (Modèle de), 1992
I. Modèle de croissance développé en 1987 puis amélioré en tenant compte des critiques. Il repose sur quatre idées inspirées de Schumpeter :
1° La croissance de long-terme résulte de l’innovation. Sans innovation, l’économie est stationnaire. L’économie stationnaire prévaut avant le capitalisme et fonctionne à l’image d’une boucle fermée se reproduisant à l’identique ;
2° L’innovation ne tombe pas du ciel et est un processus éminemment social. Elle résulte en effet de décisions d’investissement de la part des entrepreneurs. Contrairement aux classiques et à la vision marxiste, l’entrepreneur de Schumpeter ne se rattache à aucun groupe social particulier. Il est celui qui innove (Schumpeter distingue les inventeurs et les entrepreneurs qui innovent). Il répond aux incitations positives ou négatives données par les institutions et les politiques publiques : ainsi, un pays qui connaît l’hyperinflation ou une protection des droits de propriété insuffisante découragera l’innovation ;
3° Le concept de destruction créatrice : les nouvelles innovations rendent les innovations antérieures obsolètes ;
4° La croissance de la productivité peut être engendrée soit par l’innovation « à la frontière » soit par l’imitation de technologies plus avancées. Plus un pays se développe (c’est-à-dire se rapproche de la frontière technologique), plus c’est l’innovation qui devient le moteur de la croissance et prend le relais de l’accumulation du capital et du rattrapage technologique (de l’imitation).
II. A. Le taux de croissance de la production dépend :
- de la probabilité qu’une innovation découle de la recherche ;
- de la taille de cette innovation ;
- de la taille de l’économie (l’innovation rapporte davantage sur un grand marché) ;
- de la part des profits dans la valeur ajoutée : une part élevée incite à l’innovation, car la rente correspondante est importante.
B. → L’effort d’innovation est moindre quand :
- l’innovation est facilement réplicable (absence de système de brevets) ;
- la concurrence est forte sur le marché des biens (la rente d’innovation diminue).