Etudes 05a - Bénassy-Quéré Flashcards
Bernard et Rey, 2017
I. Il est difficile de mesurer directement les effets des contrats aidés sur l’emploi et le chômage. Pour estimer plus précisément les effets des variations du nombre de bénéficiaires sur le chômage et l’emploi, on utilise habituellement des modèles calibrés, reposant sur une estimation de l’élasticité de la demande de travail à son coût. Plus le coût du travail est abaissé, plus le nombre d’emplois créés augmente.
II. A. Dans le secteur marchand, financer un emploi crée moins d’un emploi, car une partie des recrutements en contrat aidé correspond en réalité à des effets d’aubaine : l’employeur qui bénéficie de l’aide aurait embauché même en l’absence d’aide.
Ainsi, pour les emplois d’avenir marchands, dont le taux de prise en charge était de 35 %, un emploi d’avenir supplémentaire permettait une création nette de 0,15 emploi.
B. Dans le secteur non marchand, les employeurs sont supposés avoir une contrainte de masse salariale ; ils ont des besoins en emploi, mais ne les réalisent pas à cause de la contrainte financière. Ainsi l’effet emploi est beaucoup plus important que dans le secteur marchand : financer un contrat aidé permet de créer un emploi supplémentaire. L’effet emploi retenu correspond ainsi au taux de prise en charge financière par l’État, c’est-à-dire 0,7.
III. Parmi les embauches qui auraient eu lieu même en l’absence d’aide financière, les employeurs ont dans certains cas modifié le profil de la personne recrutée pour bénéficier de l’aide (« effet profil »). Globalement faibles, les effets profils sont davantage prononcés dans le secteur marchand et ont conduit au recrutement de personnes généralement plus jeunes, moins diplômées et moins expérimentées.
IV. En outre, l’aide conduit à avancer le calendrier des embauches.
Goldin et Katz, 2010
I. Il existe une « course » entre l’éducation, qui élève progressivement l’offre de travail qualifié, et la technologie, qui élève progressivement la demande de travail qualifié.
II. Si la seconde tendance est plus rapide que la première, la prime de qualification (écart de rémunération entre qualifiés et non qualifiés) augmente, car l’offre de travail plus qualifiée manque tandis que l’évolution technologique accroît la demande.
III. Dans ce cadre, un pays où le salaire relatif des moins qualifiés tend à baisser accuse probablement un retard dans son effort éducatif.
Autor, Levy et Murnane, 2003
Hypothèse de « routinisation »
I. L’adoption des technologies de l’information et de la communication (TIC) :
- réduit la demande pour des tâches routinières et prévisibles qui peuvent être automatisées et exécutées par des robots ;
- et augmente simultanément la demande des tâches non répétitives, analytiques et intellectuelles.
II. A. Le remplacement des tâches routinières concerne les travailleurs situés au milieu de la distribution des salaires comme les ouvriers qualifiés et les employés de bureau. Il augmente la demande en salariés très qualifiés qui occupent des emplois dans la tranche supérieure de la distribution des salaires (chefs d’entreprise, dirigeants, cadres et autres professionnels hautement qualifiés).
B. En même temps, la réduction de la demande d’emploi en salariés intermédiaires entraîne une augmentation mécanique de l’emploi dans les postes à bas salaire par la déqualification des travailleurs à salaire intermédiaire licenciés et par les changements d’opportunité d’emploi pour les jeunes arrivant sur le marché du travail.
Goos, Manning et Salomons, 2009
I. De 1993 à 2006, on a assisté à une polarisation du marché du travail avec, d’une part, une augmentation de l’offre de travail pour les hauts salaires et les cadres aussi bien que pour les travailleurs dans les services à la personne, et d’autre part une chute de l’emploi dans les professions à tâches répétitives de bureau ou de l’industrie manufacturière. Les travailleurs se concentrent de plus en plus, désormais, en haut et en bas de l’échelle des salaires.
II. Le modèle met en évidence le rôle du changement technologique, de la mondialisation, des institutions, mais le facteur le plus important reste l’hypothèse de routinisation développé par Autor, Levy et Murnane (2003).
III. La même tendance fondamentale se généralise dans les seize pays étudiés, en dépit d’importantes différences entre les pays :
- dans la structure de leurs industries ;
- dans la réglementation de leurs marchés du travail ;
- dans leurs niveaux de croissance économique locaux.
Autor, 2015, “Why are There Still So Many Jobs ? The History and Future of Workplace Automation”
I. Le progrès technologique permet de réduire les emplois. En 1900, le secteur agricole employait 41 % de la main-d’œuvre américaine. En 2000, cette part s’était réduite à 2 %.
Pour autant, les deux derniers siècles d’automatisation, depuis la crise des Luddites, n’ont pas empêché le taux d’activité de croître, avec l’entrée des femmes sur le marché du travail.
II. Au-delà de la part des emplois qui pourraient disparaître du fait de l’automatisation des tâches, le principal problème tient à la polarisation du marché du travail.
Plutôt qu’une déformation générale en faveur du travail qualifié, on observe plutôt une polarisation du marché du travail en défaveur des qualifications intermédiaires :
- le progrès technique favorise la création d’emplois peu qualifiés (typiquement chauffeurs livreurs et services à la personne) et d’emplois très qualifiés ;
- au détriment des emplois de qualification intermédiaire (comptables, vendeurs, agents d’assurance).
Déjà observable, cette tendance devrait être amplifiée par les progrès de l’intelligence artificielle.
III. Toutefois, de nouveaux emplois moyennement qualifiés, combinant des compétences moyennes et spécialisées et n’étant pas remplaçables par des machines sans une chute de la qualité du travail rendu, peuvent également se développer dans les années futures : techniciens en radiologie, électriciens, plombiers, chauffagistes, etc.
Le Ru, 2016
I. Les théories néo-luddites les plus alarmistes, qui tablent sur la disparition d’un emploi sur deux dans les vingt prochaines années, raisonnent en termes de métiers et non de tâches.
Ainsi, l’industrie allemande, qui est une des plus robotisée au monde, emploie 100 000 salariés de plus qu’il y a vingt ans.
II. Le contenu des métiers évolue avec le numérique dans un sens qui les rend paradoxalement moins automatisables.
III. En adoptant une approche par compétences requises, seuls 15 % des emplois français sont susceptibles de faire l’objet d’une automatisation.
France Stratégie, 2016, « Quels leviers pour l’emploi ? »
En 2014 en France, 60 % des chômeurs au sens du BIT n’avaient pas dépassé le secondaire.
Pour rappel, c’était alors le cas de 23 % des 15-64 ans en France, contre seulement 10 % aux Etats-Unis et 9 % en Pologne.
Rapport Charpin, Commissariat général au Plan, 1993
I. Depuis 1991, le chômage ne cesse d’augmenter, touchant en 1993 plus de 10 % de la population active. La population active augmente de manière dynamique alors que, au regard de ses partenaires, la France crée moins d’emplois pour un niveau de croissance donné.
II. Le rapport met en évidence d’un problème spécifique au coût du travail au SMIC. Il propose une mesure générale de baisse du coût du travail prenant la forme d’une franchise de cotisations sociales sur les mille premiers francs de salaire mensuel (152 euros).
III. Comme il difficile d’isoler les seules catégories peu qualifiées, suivant les recommandations de ce rapport, seront régulièrement mis en place des allégements de cotisations sociales employeur sur les bas salaires durant les années 1990.
Bossler et Gerner, 2016
I. L’introduction en 2015 d’un salaire minimum fédéral allemand a donné lieu à controverses, mais il ne semble pas qu’elle ait nui à l’emploi agrégé.
II. Cependant, les premières évaluations indiquent qu’elle l’a réduit :
- dans les Länder de l’Est, où la proportion de salaires inférieurs au nouveau minimum légal était sensiblement plus importante ;
- ainsi que dans les entreprises faisant face à une concurrence intense.
Kramarz et Philippon, 2000
I. Étude empirique sur la relation entre chômage et salaire minimum en France.
II. Sur la période 1990-1998, l’élasticité de la demande de travail était à peu près égal à 1,5 : une hausse de 1 % du salaire minimum en France, induisait une augmentation de 1,5 points de la probabilité de perte d’emploi des salariés directement concernés*.
III. L’effet reste toutefois faible sur l’emploi global, les salariés au smic ne représentant qu’entre 3 et 4 % de l’ensemble des personnes en emploi.
* Cet ordre de grandeur été confirmé par des études ultérieures.
Card et Krueger, 1994
Recours à l’expérimentation « naturelle », par la méthode des « doubles différences ».
L’augmentation en 1992 du salaire minimum au New Jersey, alors que dans l’État voisin de Pennsylvanie, ce salaire minimum n’augmentait pas, a fait comparativement augmenter l’emploi dans les fast-food.
Des travaux ultérieurs ont généralisé cette analyse aux États-Unis (Dube, Lester et Reich, 2010).
Card et Krueger, 1997, Myth and Measurement : The New Economics of the Minimum Wage
Une série de constats empiriques contredit les implications du modèle classique du marché du travail, qui suppose que tous les travailleurs sont toujours payés à leur productivité marginale, en présence d’une hausse du salaire minimum :
- Beaucoup de salariés dont le salaire était inférieur au nouveau niveau du salaire minimum n’ont pas été licenciés après la hausse de ce dernier ;
- Même des salariés qui ne sont pas rattrapés par le nouveau salaire minimum voient, à la suite de la hausse de ce dernier, leur salaire augmenter.
Dube, Lester et Reich, 2010
Travaux généralisant l’analyse de Card et Krueger (1994) en exploitant un ensemble d’hétérogénéités entre États et comtés. Les hausses du salaire minimum aux Etats-Unis se sont faites sans dommage pour l’emploi.
⚠️ N.B. : tandis qu’en France, le Smic net est à 60 % du salaire médian, il est à 40 % aux Etats-Unis.
Cahuc et Carcillo, 2014
Synthèse de plusieurs études sur le rapport entre salaire minimum et demande de travail :
1° Les résultats trouvés par Card et Krueger (1994) peuvent être nuancés : ils peuvent varier en fonction du groupe de contrôle (en l’espèce, leur étude portait sur les fast-foods) ;
2° Confirmation des résultats de l’étude de Kramarz et Philippon (2001) : en France, une augmentation de 1 % du salaire minimum diminue la probabilité de conserver son emploi de 1,3 % pour les hommes, et de 1 % pour les femmes.
John Schmitt, 2013
I. Selon cette méta-analyse, une hausse du salaire minimum n’a pratiquement aucun effet perceptible sur l’emploi.
Passage en revue de 1500 études, dont la presque totalité concluent que l’effet d’une hausse du salaire minimum n’a presque pas d’effet sur l’emploi, les résultats se retrouvant dans une écrasante majorité autour d’une élasticité avoisinant zéro, avec un effet très légèrement négatif toutefois.
Ce résultat s’explique parce que le choc que représente une augmentation du salaire minimum ne représente qu’une part modeste de l’ensemble de leurs coûts. L’étude classique se focalise sur l’effet négatif de cette augmentation sur les revenus de l’employeur, mais ce dernier peut recourir à d’autres canaux d’ajustement.
II. Les hausses du salaire minimum ont en revanche un effet positif sensible sur le turnover des salariés, qui représente un autre coût pour les employeurs, en rendant plus facile le recrutement de nouveaux employés, en incitant ceux en poste à rester ou à augmenter leur productivité.
Abowd et al., 2000
I. Réplication des études françaises (Kramarz et Philippon, 2000) et américaines (Card et Krueger, 1994) en appliquant la même méthode aux données des deux pays :
Elle consiste à analyser à la fois les effets directs d’un changement du salaire minimum réel et les effets résultant des différents comportements des individus proches les uns des autres dans la distribution des salaires à la suite de ces hausses ou baisses du salaire minimum réel.
II. Elle confirme qu’une hausse du salaire minimum est beaucoup plus défavorable à l’emploi en France qu’aux Etats-Unis.
Nouveau et Ourliac, 2012
I. À partir des études disponibles, les auteurs ont conclu que les allégements de cotisations sociales antérieures à 1997 ont accru l’emploi de 200 000 à 400 000 unités, pour un coût net par emploi de l’ordre de 8000 à 28 000 €.
II. Les allègements de cotisation sociale sur les bas salaires peuvent avoir un effet positif sur l’emploi en raison de deux effets qu’elles peuvent entraîner :
1° Un « effet de substitution et d’assiette » : la baisse du coût relatif du travail par rapport au capital conduit à une nouvelle combinaison des facteurs de production favorable à l’emploi ;
2° Un « effet volume » : la baisse des coûts de production induit une baisse des prix de vente ainsi que des prix de consommation. Cela génère à la fois une hausse de la compétitivité à l’extérieur, une hausse du pouvoir d’achat à l’intérieur, ce qui stimule la demande et donc la création d’emploi.
III. Les effets des allégements de cotisations sociales patronales sur l’évolution des salaires sont a priori ambigus :
- La baisse du chômage ainsi que le partage du surplus entre salarié et employeur peuvent conduire à une hausse des salaires négociés ;
- Inversement, la progressivité des taux de cotisation peut limiter la progression des salaires, en rendant plus coûteuse pour l’employeur l’augmentation de salaire avec les gains de productivité.
⚠️ Les études empiriques existantes ne permettent pas de conclure à l’existence d’effets significatifs de « trappe à bas salaires ».
Koléda, 2015
I. Critique des baisses de charges ciblées sur les bas salaires (baisses de charges Juppé, Pacte de responsabilité 2015) qui ont peu aidé la compétitivité du secteur manufacturier exportateur. Ces entreprises emploient en effet moins de travailleurs peu qualifiés à bas salaires et leur compétitivité-coût ne serait donc pas améliorée par ce type de baisses de charges.
II. Des allégements de cotisations sociales sur le travail qualifié devraient être plus favorables à l’emploi que ceux sur le travail non qualifié.
⚠️ Cette thèse est répandue dans les milieux industriels, qui mettent en avant un effet de compétitivité. Ce fut l’argument principal sous-tendant l’extension en avril 2016 du Pacte de responsabilité au-delà de 1,6 SMIC et jusqu’à 3,5 SMIC dont le fondement se trouvait dans le rapport Gallois.
Malinvaud, 1998, Les cotisations sociales à la charge des employeurs : analyse économique
I. Rapport rendu sur les modifications possibles de l’assiette des cotisations sociales. Or, en la matière, il n’y a pas d’« assiette miracle » :
- la masse salariale augmente aussi vite en tendance que la valeur ajoutée ;
- toute modification des modes de financement de la sécurité sociale ont pour effet de faire payer par le travailleur le coût de la protection sociale.
II. Toute augmentation de salaire, parce qu’elle induit une augmentation du taux de cotisations sociales, est de fait « taxée ». Une trop forte progressivité des cotisations sociales peut conduire à la formation de trappes à bas salaire : elle découragerait les employeurs d’augmenter leurs salariés et ces derniers de se former en rendant plus difficile la valorisation de cet investissement.
⚠️ N.B. : selon les auteurs du BQ, l’existence des trappes à bas salaire n’est pas démontrée empiriquement.
Carbonnier et al., 2015
Les politiques socio-fiscales d’allégements sur les bas salaires :
- auraient permis la survie de certaines entreprises à faible productivité et positionnées sur des produits de médiocre qualité ;
- décourageant ainsi la réallocation des facteurs de production vers les entreprises les plus performantes ;
- et perpétuant une orientation défavorable de l’appareil productif vers des emplois pour lesquels la France n’a pas d’avantage comparatif.