Etudes 03a - Bénassy-Quéré Flashcards
Philippon et Reshef, 2012
Étude sur le secteur financier américain
I. Depuis les années 1990, la finance attire des personnes très qualifiées au détriment des autres secteurs, en leur offrant une prime salariale substantielle : avant la crise, jusqu’à 50 % de plus pour un même niveau de formation.
II. L’industrie financière a attiré trop de talents :
1° il y a trop de banquiers et pas assez d’ingénieurs;
2° alors que le coût unitaire de production des services financiers a probablement augmenté.
Gurley et Shaw, 1960
I. A. Auparavant, la théorie distinguait entre les rôles des banques, des compagnies d’assurance et des autres institutions financières.
B. Les auteurs innovent en les regroupant dans le concept d’intermédiation financière.
II. Le rôle principal des intermédiaires financiers est d’aider les deux côtés du marché à se rencontrer en transformant le risque, c’est-à-dire en collectant l’épargne de court terme pour financer à long terme les entreprises.
⚠️ Cette thèse, qui conduisait les économistes à ignorer l’intermédiation financière, a cédé dans les années 1980.
Myers et Majluf, 1984
Théorie de l’ordre hiérarchique financier*
I. Le coût de financement d’une entreprise augmente en fonction de l’asymétrie d’information des investisseurs à propos des perspectives de l’entreprise.
II. Dans ce cas, l’entreprise recourra :
- d’abord à la finance interne ;
- puis à la dette à court terme ;
- puis à la dette à long terme ;
- en dernier ressort aux capitaux propres.
*« <em>Pecking order theory</em> »<em>.</em>
Modigliani et Miller (théorème de), 1958
Sous la double hypothèse d’information parfaite et de marchés sans frictions :
1° Les choix de structure du capital sont sans influence sur la valeur de l’entreprise et sur le coût moyen de son capital ;
2° La valeur de marché de l’entreprise est la valeur actualisée des dividendes et des coupons qu’un actionnaire ou un créancier est en droit de recevoir ;
→ Les résultats de l’entreprise dépendent seulement du rendement de ses actifs et non de la nature de son passif.
⚠️ Les auteurs ont été les premiers à reconnaître que leur théorème repose sur des hypothèses irréalistes.
Langedijk et al., 2015
I. Dans la plupart des pays, l’impôt sur le bénéfice des sociétés introduit un biais en faveur de l’endettement des entreprises.
II. En effet :
1° Les distributions de dividendes sont imposables ;
2° Tandis que les paiements d’intérêts sont au moins partiellement déductibles de l’assiette de cet impôt.
Merton, 1974 (I)
I. Évaluation de la dette des entreprises, permettant de la relier de manière rigoureuse à leur risque de défaut.
II. Cet article ouvrira la voie :
- à l’évaluation d’instruments financiers complexes avec prise en compte du risque de défaut ;
- à l’analyse des écarts de crédit (spreads), c’est-à-dire la différence entre les rendements des dettes risquées et les rendements des dettes sans risque.
⚠️ Le modèle ne reste cependant pas exempt de faiblesses théoriques : l’hypothèse d’une structure de marché parfait, des dettes faisant défaut à l’échéance, et des difficultés de mise en oeuvre liées à la définition d’une frontière de défaut pertinente.
Jensen et Meckling, Theory of the firm: Managerial behavior, agency costs and ownership structure, 1976
Théorie de l’agence
I. Les actionnaires doivent supporter des coûts d’agence dans leurs relations avec les dirigeants de l’entreprise dont ils détiennent les parts :
- Ils doivent surveiller ces dirigeants pour s’assurer que ceux-ci poursuivent bien les objectifs assignés ;
- Les dirigeants peuvent s’attribuer des avantages non pécuniaires dans la gestion de l’entreprise.
II. → Les coûts d’agence regroupent donc les frais de contrôle payés par les actionnaires, le coût des avantages que s’attribuent les dirigeants et la perte résiduelle.
Louis Bachelier, 1900
Formalisation mathématique de l’idée soutenue par Jules Regnault (Calcul des chances et philosophie de la bourse, 1863), selon laquelle les prix des actions fluctuent aléatoirement à court terme autour d’une valeur de long terme du titre évalué par les spéculateurs.
Eugène Fama, 1970
Théorie des marchés efficients
I. « un marché dans lequel les prix “reflètent pleinement” et toujours l’information disponible est appelé “efficient” »*.
II. Cette formulation floue a donné lieu à au moins deux interprétations très différentes :
1° Un marché est considéré comme « efficient » si le prix des titres suit une « marche aléatoire », rendant son évolution imprévisible (« random walk ») ;
2° Un marché est « efficient » si le prix des titres y correspond à leur valeur fondamentale ou intrinsèque, toute l’information étant connue de tous, permettant ainsi une affectation optimale des ressources.
⚠️ La seconde thèse a été remise en cause, entre autres, par Grossman et Stiglitz (1980) et Shiller (1981, 2000).
* « A market in which prices always “fully reflect” available information is called “efficient” ».
Grossman et Stiglitz, 1980
I. Modèle dans lequel coexistent deux catégories d’agents :
1° les agents informés qui acquièrent une information coûteuse ;
2° les agents non informés qui observent uniquement les prix.
II. A. S’il n’y a pas de bruit sur le marché, toute l’information est transmise – plus ou moins rapidement – aux agents non informés par l’intermédiaire des prix. Sur un marché efficient, les prix reflétant toute l’information disponible, chaque agent informé pense qu’il peut arrêter de payer l’information et faire aussi bien qu’un agent non informé qui, lui, ne paie rien et observe l’information au travers des prix.
B. Il s’ensuit un désintérêt à investir dans l’acquisition d’information. Si tous les agents informés font de même, ils vont tenter d’inférer l’information à partir du système de prix qui ne contiendra plus aucune information. Il n’existe donc pas d’équilibre concurrentiel.
→ Paradoxe : si l’acquisition d’information est coûteuse et si les prix reflètent toutes les informations disponibles, comme le postule l’hypothèse des marchés efficients, alors il n’y a aucune incitation à payer ce coût mais dans ce cas, le prix de marché ne peut révéler l’information disponible.
Shiller, Irrational Exuberance, 2000
I. D’une part, les prix des actions sont trop volatils pour résulter d’un comportement rationnel ; d’autre part, ils « régressent vers leur moyenne »*.
→ ceci est incompatible avec l’hypothèse des marchés efficients.
II. L’auteur met également en évidence le fait que dans leurs décisions, les agents peuvent recourir à des ancrages, comme celui du « prix le plus récent dont on se souvient » (« most recently remembered price ») :
Ainsi, la proportion de la baisse enregistrée en une journée durant le krach du 19 octobre 1987 (22,6 %), était à peu près la même que celle enregistrée le mardi 29 octobre 1929 (23,1 %).
* Pour une variable aléatoire : si cette variable est extrême à sa première mesure, elle va généralement se rapprocher de la moyenne à sa seconde mesure. Si elle est extrême à sa seconde mesure elle va tendre à être proche de la moyenne à sa première mesure. Au contraire, si la variable n’est pas aléatoire, elle devrait s’approcher du même résultat à chaque mesure.
Malkiel, 2003
I. L’auteur définit les marchés efficients comme les marchés qui ne permettent pas aux investisseurs d’obtenir des rendements au-dessus de la moyenne sans accepter de prendre des risques au-dessus de la moyenne.
II. Un passage en revue d’études empiriques lui permet d’identifier des autocorrélations* significatives à horizon court. Il est cependant impossible de les exploiter pour établir des règles de spéculation conduisant à des profits anormaux.
→ Sur les marchés, il n’est pas possible d’établir des stratégies d’investissement profitable fondées sur les régularités empiriques des rendements.
III. Malgré les erreurs ponctuelles des agents, l’imperfection de l’information sur les marchés (l’auteur fait référence à Grossman et Stiglitz, 1980), et même l’existence de régularités empiriques → les marchés sont remarquablement efficients.
* prévisibilité de rentabilités futures à partir des rentabilités passées.
Brunnermeier, 2001
Les explications possibles des krachs boursiers :
1° L’éclatement d’une bulle : une bulle rationnelle se développe lorsque les investisseurs achètent des titres uniquement sur la base des plus-values attendues, jusqu’à ce que la bulle éclate sans aucun changement des fondamentaux ;
2° La pénurie de liquidités : le marché ne revient pas à l’équilibre après une baisse inattendue des cours, si les investisseurs n’ont pas accumulé suffisamment de coussins de liquidités dans la période favorable pour absorber les pertes ultérieures. En effet, leur capacité à acheter ou conserver des actifs se trouve limitée alors que le prix est bas ;
3° Les équilibres multiples et taches solaires : lorsque l’information sur les fondamentaux est imparfaite, les investisseurs coordonnent leurs anticipations sur un prix arbitraire. Un événement extrinsèque peut faire basculer le marché vers un équilibre associé à un autre prix si les investisseurs pensent, même à tort, que cet événement révèle de l’information sur les fondamentaux du prix ;
4° : L’agrégation séquentielle ou « grumeleuse » de l’information : l’information sur les fondamentaux est imparfaite et la publication d’une nouvelle information, qui s’ajoute à la connaissance des prix passés, déclenche une réévaluation par les investisseurs de la valeur fondamentale. Par exemple, un krach peut se déclencher si chaque participant infère de la vente de titres par d’autres participants que la qualité des fondamentaux est moins bonne que ce qu’il supposait précédemment.
Akerlof, 1970
The market for lemons
Sur tout marché, le fait que les vendeurs soient mieux informés que les acheteurs sur la qualité des produits peut créer une décote de leur prix à l’équilibre concurrentiel, voire décourager toute transaction.
Stiglitz et Weiss, 1981
Application du raisonnement d’Akerlof au marché du crédit, où l’information est clairement asymétrique :
1° En l’absence d’information sur la qualité des emprunteurs, la banque applique le même taux d’intérêt à tous, en y incluant une prime de risque pour compenser les pertes sur les emprunteurs qui feront défaut ;
2° En cas de rationnement du crédit, le taux d’intérêt élevé décourage les projets les moins risqués, ceux dont le taux de rendement interne est plus bas ;
3° Les investisseurs peuvent alors être tentés de se lancer dans des projets plus risqués, augmentant in fine la probabilité de défaillance ;
4° Finalement, la banque refuse de financer les seuls investisseurs qui acceptent le prix de l’emprunt, car il s’agit des porteurs des projets les plus risqués.
Tirole et Holmström, 1998
Notion de liquidité interne :
I. A. La liquidité interne est la capacité du système financier à mobiliser et à redistribuer les revenus présents et futurs engendrés dans l’économie.
B. Par exemple, le marché peut répartir les bénéfices futurs des entreprises, en émettant des obligations et des actions.
II. Face à un choc de liquidité global, la liquidité interne n’est pas suffisante et l’économie a besoin de liquidité externe que seul un acteur public peut fournir : le gouvernement, la banque centrale ou une institution comme le Fonds monétaire international.
Diamond et Dybvig, 1983
Modèle canonique de la crise de liquidité
I. A. Les prêts intermédiaires proposés par les banques sont supérieurs, pour le bien-être social, à l’équilibre concurrentiel réalisé par les marchés des prêts et emprunts décentralisés, parce que les banques peuvent mutualiser le risque de liquidité des déposants individuels et fournir ainsi une assurance contre le risque de défaut.
B. Sur le marché du crédit bancaire, il y a des équilibres multiples, parce que la confiance d’un déposant individuel est affectée si les autres déposants retirent leur argent.
II. A. Dans le modèle, il y a un jeu de Nash qui aboutit à deux équilibres possibles :
1° un équilibre paréto-efficace dans lequel les déposants font confiance à la banque, en estimant que les autres déposants vont faire de même ;
2° un équilibre de marché où tous les déposants retirent leur argent - « ruée » ou « panique » bancaire - qui peut être fatal à la banque si son financement repose trop sur les dépôts.
B. Dans le modèle, rien ne permet de prédire quel équilibre va émerger :
1° Une panique peut être déclenchée par une rumeur, par la nouvelle d’une première vague de retraits ou par la faillite d’une autre banque ;
2° Elle revêt bien souvent un caractère auto-réalisateur.
III. Le modèle met en évidence la nécessité pour les établissements bancaires de posséder des réserves de fonds propres fortes.
Bagehot (Principe de), 1873
Pour éviter les paniques financières :
- il faut prêter libéralement aux banques solvables ;
- contre des garanties solides et à un taux d’intérêt élevé (afin de lutter contre l’aléa moral).
Merton, 1974 (II)
I. La spécificité de la dette, qu’il s’agisse d’un contrat de prêt ou d’un instrument financier négociable comme une obligation, est d’être insensible à l’information, car elle sert des intérêts fixes.
II. ⚠️ Ceci est vrai à la condition que l’emprunteur ne fasse jamais défaut.
Brunnermeier et Sanikov, 2017
I. A. Lorsqu’une dette est sur-garantie, ou que le risque de défaut de l’emprunteur est faible…
…les investisseurs ne sont pas incités à s’informer sur la valeur de cette dette.
B. → La dette devient alors une sorte de monnaie privée, en partie substituable à la monnaie émise par la banque centrale.
II. ⚠️ C’est pour cette raison que les agrégats monétaires larges utilisés par les banquiers centraux incluent la dette commerciale à court terme.