Etudes 03 - Bénassy-Quéré Flashcards
Étude sur le secteur financier américain :
Depuis les années 1990, la finance attire des personnes très qualifiées au détriment des autres secteurs, en leur offrant une prime salariale substantielle (avant la crise, jusqu’à 50 % de plus pour un même niveau de formation).
L’industrie financière a attiré trop de talents, il y a trop de banquiers et pas assez d’ingénieurs, alors que le coût unitaire de production des services financiers a probablement augmenté.
Philippon et Reshef, 2012
Le rôle principal des intermédiaires financiers est d’aider les deux côtés du marché à se rencontrer en transformant le risque, c’est-à-dire en collectant l’épargne de court terme pour financer à long terme les entreprises.
Auparavant, la théorie distinguait entre les rôles des banques, des compagnies d’assurance et des autres institutions financières.
L’article innove en les regroupant dans le concept d’intermédiation financière.
⚠️ Cette thèse, qui conduisait les économistes à ignorer l’intermédiation financière, a cédé dans les années 1980.
Gurley et Shaw, 1960
Théorie de l’ordre hiérarchique financier* :
Le coût de financement d’une entreprise augmente en fonction de l’asymétrie d’information des investisseurs, relativement aux perspectives de l’entreprise.
Dans ce cas, l’entreprise recourra d’abord à la finance interne, puis à la dette à court terme, puis à la dette à long terme, et uniquement en dernier ressort aux capitaux propres.
Myers et Majluf, 1984
*« Pecking order theory ».
Sous la double hypothèse d’information parfaite et de marchés sans frictions, les choix de structure du capital sont sans influence sur la valeur de l’entreprise et sur le coût moyen de son capital : la valeur de marché de l’entreprise est la valeur actualisée des dividendes et des coupons qu’un actionnaire ou un créancier est en droit de recevoir.
Ces dividendes et coupons proviennent des résultats de l’entreprise, qui dépendent seulement du rendement de ses actifs et non de son passif.
⚠️ Les auteurs ont été les premiers à reconnaître que leur théorème repose sur des hypothèses irréalistes.
Modigliani et Miller (théorème de), 1958
Dans tous les pays, les paiements d’intérêts sont au moins partiellement déductibles de l’assiette de l’impôt sur le revenu des sociétés, ce qui n’est pas le cas des distributions de dividendes.
→ l’impôt sur le bénéfice des sociétés introduit un biais en faveur de l’endettement des entreprises.
Langedijk et al., 2015
Article sur l’évaluation de la dette des entreprises, permettant de la relier de manière rigoureuse à leur risque de défaut.
Le modèle ne reste cependant pas exempt de faiblesses théoriques : l’hypothèse d’une structure de marché parfait, des dettes faisant défaut à l’échéance, et des difficultés de mise en oeuvre liées à la définition d’une frontière de défaut pertinente.
Il ouvrira la voie à l’évaluation d’instruments financiers complexes avec risque de défaut et à l’analyse de la différence entre les rendements des dettes risquées et sans risque, les écarts (spreads) de crédit.
Merton, 1974
Théorie de l’agence.
Les actionnaires doivent supporter des coûts d’agence dans leurs relations avec les dirigeants de l’entreprisent dont ils détiennent les parts :
- Ils doivent surveiller ces dirigeants pour s’assurer que ceux-ci poursuivent bien les objectifs assignés ;
- Les dirigeants peuvent s’attribuer des avantages non pécuniaires dans la gestion de l’entreprise ;
→ Les coûts d’agence regroupent donc les frais de contrôle des actionnaires, le coût des avantages que s’attribuent les dirigeants et la perte résiduelle.
Jensen et Meckling, 1976
Formalisation mathématique de l’idée défendue par Jules Regnault (Calcul des chances et philosophie de la bourse, 1863), selon laquelle les prix fluctuent aléatoirement à court terme autour d’une valeur du titre de long terme évalués par les spéculateurs.
Louis Bachelier, 1900
Théorie des marchés efficients :
« un marché dans lequel les prix “reflètent pleinement” et toujours l’information disponible est appelé “efficient” »*.
Cette formulation floue a donné lieu à deux interprétations très différentes :
- d’une part, un marché serait « efficient » si le prix des titres suit une « marche aléatoire », rendant son évolution imprévisible (« random walk ») ;
- d’autre part, un marché serait « efficient » si le prix des titres y correspond à leur valeur fondamentale ou intrinsèque, permettant ainsi une affectation optimale des ressources.
La seconde thèse a été remise en cause, entre autres, par Grossman et Stiglitz (1980) et Shiller (1981, 2000).
*« A market in which prices always “fully reflect” available informa-<br></br>tion is called “efficient” ».
Eugène Fama, 1970
I. Modèle dans lequel coexistent deux catégories d’agents :
- les agents informés qui acquièrent une information coûteuse ;
- les agents non informés qui observent uniquement les prix.
II. A. S’il n’y a pas de bruit sur le marché, toute l’information est transmise – plus ou moins rapidement – aux agents non informés par l’intermédiaire des prix. Sur un marché efficient, les prix reflétant toute l’information disponible, chaque agent informé pense qu’il peut arrêter de payer l’information et faire aussi bien qu’un agent non informé qui, lui, ne paie rien et observe l’information au travers des prix.
B. Il s’ensuit un désintérêt à investir dans l’acquisition d’information. Si tous les agents informés font de même, ils vont tenter d’inférer l’information à partir du système de prix qui ne contiendra plus aucune information. Il n’existe donc pas d’équilibre concurrentiel.
→ Si l’acquisition d’information est coûteuse et si les prix reflètent toutes les informations disponibles, comme le postule l’hypothèse des marchés efficients, alors il n’y a aucune incitation à payer ce coût mais dans ce cas, le prix de marché ne peut révéler l’information disponible.
Grossman et Stiglitz (paradoxe de), 1980
I. D’une part, les prix des actions sont trop volatils pour résulter d’un comportement rationnel ; d’autre part, ils « régressent vers leur moyenne »*.
→ ceci est incompatible avec l’hypothèse des marchés efficients.
II. L’auteur met également en évidence le fait que dans leurs décisions, les agents peuvent recourir à des ancrages, comme celui du « prix le plus récent dont on se souvient » (« most recently remembered price ») :
Ainsi, la proportion de la baisse enregistrée en une journée durant le krach du 19 octobre 1987 (22,6 %), était à peu près la même que celle enregistrée le 29 octobre 1929 (23,1 %).
* Pour une variable aléatoire : si cette variable est extrême à sa première mesure, elle va généralement se rapprocher de la moyenne à sa seconde mesure. Si elle est extrême à sa seconde mesure elle va tendre à être proche de la moyenne à sa première mesure. Au contraire, si la variable n’est pas aléatoire, elle devrait s’approcher du même résultat à chaque mesure.
Shiller, 2000
Passage en revue d’études empiriques, qui font ressortir des autocorrélations significatives (prévisibilité de rentabilités futures à partir des rentabilités passées) à horizon court, mais qu’il est impossible d’exploiter pour établir des règles de spéculation conduisant à des profits anormaux, c’est-à-dire comme stratégies d’investissement profitable fondées sur les régularités empiriques des rendements.
Les marchés efficients sont les marchés qui ne permettent pas aux investisseurs d’obtenir des rendements au-dessus de la moyenne sans accepter de prendre des risques au-dessus de la moyenne.
Malkiel, 2003
Les explications possibles des krachs boursiers :
1° L’éclatement d’une bulle : une bulle rationnelle se développe lorsque les investisseurs achètent des titres uniquement sur la base des plus-values attendues, jusqu’à ce que la bulle éclate sans aucun changement des fondamentaux ;
2° La pénurie de liquidités : le marché ne revient pas à l’équilibre après une baisse inattendue des cours, si les investisseurs n’ont pas accumulé suffisamment de coussins de liquidités dans la période favorable pour absorber les pertes ultérieures, si bien que leur capacité d’acheter ou de conserver des actifs est limitée lorsque le prix est bas ;
3° Les équilibres multiples et taches solaires : lorsque l’information sur les fondamentaux est imparfaite, les investisseurs coordonnent leurs anticipations sur un prix arbitraire et un événement extrinsèque peut faire basculer le marché vers un équilibre associé à un autre prix si les investisseurs pensent, même à tort, que cet événement révèle de l’information sur les fondamentaux ;
4° : L’agrégation séquentielle ou « grumeleuse » de l’information : l’information sur les fondamentaux est imparfaite et la publication d’une nouvelle information, qui s’ajoute à la connaissance des prix passés, déclenche une réévaluation par les investisseurs de la valeur fondamentale. Par exemple, un krach peut se déclencher si chaque participant infère de la vente de titres par d’autres participants que la qualité des fondamentaux est moins bonne que ce qu’il supposait précédemment.
Brunnermeier, 2001
Sur tout marché, le fait que les vendeurs soient mieux informés que les acheteurs sur la qualité des produits peut créer une décote, voir décourager toute transaction.
Akerlof, The market for lemons, 1970
Application du raisonnement d’Akerlof au marché du crédit, où l’information est clairement asymétrique : en l’absence d’information sur la qualité des emprunteurs, la banque applique le même taux d’intérêt à tous, en y incluant une prime de risque pour compenser les pertes sur les emprunteurs qui feront défaut.
En cas de rationnement du crédit, le taux d’intérêt élevé décourage les projets les moins risqués, ceux dont le taux de rendement interne est plus bas. Les investisseurs peuvent alors être tentés de se lancer dans des projets plus risqués, augmentant in fine la probabilité de défaillance.
La banque refuse de financer ceux qui acceptent, les porteurs des projets les plus risqués.
Stiglitz et Weiss, 1981
Notion de liquidité interne :
1° La liquidité interne est la capacité du système financier à mobiliser et à redistribuer les revenus présents et futurs engendrés dans l’économie ;
Par exemple, le marché peut répartir les bénéfices futurs des entreprises, en émettant des obligations et des actions ;
2° Face à un choc de liquidité global, la liquidité interne n’est pas suffisante et l’économie a besoin de liquidité externe que seul un acteur public peut fournir : le gouvernement, la banque centrale ou une institution comme le Fonds monétaire international.
Tirole et Holmström, 1998
I. Modèle canonique de crise de liquidité :
1° Les prêts intermédiaires par les banques sont supérieurs à des prêts et emprunts décentralisés sur les marchés parce que les banques peuvent mutualiser le risque de liquidité des déposants individuels et fournir ainsi une assurance ;
2° Il y a des équilibres multiples parce que la confiance d’un déposant individuel est affectée si les autres déposants retirent leur argent ;
3° Dans le modèle, il y a deux équilibres possibles :
- un équilibre paréto-efficace dans lequel les déposants font confiance à la banque ;
- un équilibre de marché où tous les déposants retirent leur argent - « ruée » ou « panique » bancaire - qui peut être fatal à la banque si son financement repose trop sur les dépôts.
II. A. ⚠️ Dans le modèle, rien ne permet de prédire quel équilibre va émerger. Une panique peut être déclenchée par une rumeur, par la nouvelle d’une première vague de retraits ou par la faillite d’une autre banque. Elle revêt bien souvent un caractère auto-réalisateur.
B. Le modèle met en évidence la nécessité pour les établissements bancaires de posséder des réserves de fonds propres fortes.
Diamond et Dybvig, 1983
Pour éviter les paniques financières, il faut prêter libéralement aux banques solvables, contre des garanties solides et à un taux d’intérêt élevé (afin de lutter contre l’aléa moral).
Bagehot (Principe de), 1873
La spécificité de la dette, qu’il s’agisse d’un contrat de prêt ou d’un instrument financier négociable comme une obligation, est d’être insensible à l’information, car elle sert des intérêts fixes.
Ceci est vrai à la condition que l’emprunteur ne fasse jamais défaut.
Merton, 1974
Lorsque le risque de défaut de l’emprunteur est faible, ou lorsque la dette est sur-garantie, les investisseurs ne sont pas incités à s’informer sur sa valeur.
La dette devient alors une sorte de monnaie privée, en partie substituable à la monnaie émise par la banque centrale. C’est pour cette raison que les agrégats monétaires larges utilisés par les banquiers centraux incluent la dette commerciale à court terme.
Brunnermeier et Sanikov, 2017
Dans les débats académiques, l’argumentation sur le prêteur en dernier ressort est encore conduite dans les termes de Bagehot.
D’où les controverses sans fin sur les dilemmes entre illiquidité et insolvabilité, entre coûts sociaux de la non-intervention et aléa moral de l’intervention.
Aglietta et Valla, Macroéconomie financière, 2017
I. Le rôle de prêteur en dernier ressort est défini comme celui de la banque centrale ou du gouvernement qui apporte une assistance aux intermédiaires financiers sous la forme de prêts d’urgence, de garanties, ou d’acquisitions d’actifs pour procurer les liquidités ou la santé financière requises pour mettre un terme aux paniques bancaires fondées sur des retraits de dépôts à court terme.
II. A. Le statut de prêteur en dernier ressort revêt la caractéristique d’un pouvoir politique, il doit donc résulter d’une négociation politique.
Or, le principe de Bagehot demeure une référence pour les banquiers centraux : c’est le sort du système financier qui prévaut, et non celui des banques considérées individuellement.
B. En passant empiriquement en revue les statuts de nombreuses banques centrales depuis les années 1960, les auteurs ne peuvent établir aucun lien entre leurs pouvoirs et des facteurs observables tels que le PIB/habitant, le régime politique ou le ratio endettement privé/PIB.
→ Ils semblent donc bien plutôt refléter une idiosyncrasie politique.
Calomiris, Flandreau et Laeven, 2016
Mise en évidence de la sensibilité à l’information.
A. La maximisation du bien-être requiert l’ignorance symétrique (entre deux agents économiques) de la solvabilité des débiteurs dont la dette est utilisée comme collatéral : cette situation est supérieure à celle d’une information symétrique ou même d’une information parfaite.
B. La dette constitue la monnaie optimale pour le commerce. La dette constitue également le collatéral optimal pour la dette :
1° Quand la dette est utilisée comme collatéral pour un contrat portant sur un autre emprunt, elle réduit l’incitation à s’informer sur son remboursement, rendant la dette moins sensible à l’information, c’est-à-dire plus liquide. Cette liquidité est optimale pour l’économie ;
2° Cependant, une information négative rendue publique (choc) sur la valeur du collatéral d’une dette peut rendre cette dette sensible à l’information. La valeur du collatéral diminue alors à mesure que les agents cherchent à réduire sa détention (sélection adverse), conduisant à une crise financière lorsque le phénomène se répand.
Dang, Gorton et Holmström, 2012
I. Mise en évidence de la sensibilité à l’information :
- la monnaie est insensible à l’information en période de stabilité des prix (caractéristique d’une unité de compte) ;
- à l’opposé, les actions sont très sensibles à l’information : leurs valeurs fluctuent en temps réel en fonction des anticipations des investisseurs sur les dividendes futurs.
II. La panique financière de 2007-2008 a pris place sur le marché des repo, qui étaient collatéralisés (« prêts sécurisés ») :
- Les inquiétudes des agents concernant la liquidité des sûretés utilisées comme collatéraux ont conduit à une hausse des décotes (haircuts) auxquelles donnaient lieu les repo, c’est-à-dire à une augmentation du montant requis de collatéral pour une transaction donnée ;
- Avec la baisse de la valeur des actifs utilisés comme collatéraux et la hausse simultanée des décotes, le système bancaire américain a fini par devenir illiquide pour la première fois depuis la Grande dépression ;
→ Les comportements des agents peuvent être irrationnels par rapport aux risques portés par leurs contreparties, entraînant des clôtures massives de positions, des augmentations de la volatilité et l’assèchement de la liquidité du marché.
Repo (Sale and Repurchase Agreement) : marché de refinancement d’actifs financiers négociables (obligations, BTAN, certificats de dépôt, actions…) à un taux d’intérêt négocié entre les deux parties contractantes (il ne s’agit pas nécessairement d’une activité de shadow banking - les banques centrales y recourent - mais de nombreuses shadow banks opèrent sur ce marché).
Gorton et Metrick, 2012
Le prêt sur gage (prêt d’argent en échange de la remise d’un gage, qui devient la propriété du prêteur en cas de défaut de l’emprunteur) présente l’avantage pour l’emprunteur en manque de liquidités de pouvoir valoriser le bien (généralement d’occasion) plus efficacement que sur un marché, quant au prêteur, l’application de la décote (le gage vaut davantage que la somme prêtée) lui permet de revenir dans ses frais en cas d’incapacité de l’emprunteur à le rembourser.
Dans cette opération, il n’y a jamais de « découverte du prix » du gage comme il le serait sur un marché :
1 La dette garantie est la forme moderne du prêt sur gage ;
2. Pour que la dette soit insensible au risque de défaut de l’émetteur, il faut que le collatéral vaille plus que la somme empruntée (décote) ;
3. Toutes les paniques financières ont donc à voir avec la dette, car lorsque le risque de défaut augmente ou que la valeur du collatéral s’effondre, la dette garantie devient sensible à l’information ;
4. L’absence d’information qui caractérise les marchés de liquidités devient soudainement un problème : les conditions sont réunies pour qu’une panique financière se produise.
Holmström, 2015
1° Les marchés monétaires diffèrent fondamentalement des marchés d’action. Les marchés d’action reposent sur la découverte du prix afin d’allouer une valeur au risque.
Les marchés monétaires visent à éviter le besoin de découverte du prix en utilisant de la dette collatéralisée pour réduire le coût de l’emprunt (« I will argue that a state of “no questions asked” is the hallmark of money market liquidity; that this is the way money markets are supposed to look when they are functioning well. ») ;
2° Lorsque le risque de défaut augmente ou lorsque la valeur du collatéral s’effondre, la dette garantie devient soudainement sensible à l’information. On peut considérer que toutes les paniques financières ont à voir avec la dette.
Cette conclusion est similaire à celle de Gorton et Metrick, 2012.
Holmström, 2015
I. Lorsque la valeur marchande des titres que les acteurs économiques apportent en garantie de leurs emprunts diminue, leur capacité d’emprunt se réduit et des contraintes de crédit apparaissent.
II. La diminution de la capacité d’endettement des acteurs non financiers pèse sur la demande globale.
⚠️ Ce phénomène s’aggrave encore plus lorsque, dans le cadre d’un épisode de déflation, les prix à la consommation baissent régulièrement, gonflant ainsi la valeur réelle de la dette, comme ce fut le cas lors de la Grande dépression.
Irving Fisher, 1933
Description du cycle du crédit :
baisse du prix des actifs
↓
baisse de la valeur du collatéral
↓
baisse de l’offre de crédit
↓
baisse des investissements et du PIB
↓
baisse des profits attendus
↓
baisse du prix des actifs
Kiyotaki et Moore (modèle de), 1997
I. De nos jours, des institutions financières, les shadow banks, fournissent des prêts à long terme aux acteurs économiques en se finançant à court terme sur les marchés, les titres ainsi acquis servant de collatéraux :
- les shadow banks ne sont pas soumises aux obligations de réserves imposées par la banque centrale ;
- la création monétaire est assurée pour une part non négligeable par ce shadow banking.
II. La capacité à lever de la dette à court terme est limitée par la valeur des actifs. Cette valeur peut elle-même se trouver pénalisée par les ventes au rabais.
III. Lorsque les marchés connaissent une crise, les shadow banks sont à l’origine d’une externalité sociale négative, car ces activités de transformation ne permettent pas d’internaliser le coût social des ventes au rabais :
- en situation de crise, le seul moyen pour les shadow banks d’honorer leurs engagements est de vendre « au rabais » leurs actifs : elles payent ainsi leur dette à court terme, mais contribuent à l’abaissement du coût des actifs ;
- Elles ne paient pas les conséquences financières importantes de cette vente « au rabais ».
Stein, 2010
Une réponse publique possible au problème de la vente au rabais consiste :
- à faire en sorte que les banques intègrent l’externalité…
- …en les forçant préventivement à accumuler des liquidités…
- par le moyen de la taxation de leur dette à court terme.
→ Cette taxation des financements courts va contraindre les banques qui n’ont pas de bonnes opportunités d’investissement, mais ne va pas limiter celles qui ont des projets profitables.
Perotti et Suarez, 2011
I. Lorsque le taux long est « trop bas », les prix des actifs à long terme sont « trop élevés » :
1° Lorsque les prix des actifs augmentent, les bilans des intermédiaires financiers ont tendance à gonfler. Ceci crée une situation de capital excédentaire, ce qui encourage à son tour à l’augmentation de l’effet de levier ;
2° Or une hausse de la valeur de marché des actifs détenus par les emprunteurs potentiels permet à ces derniers de proposer plus d’actifs en collatéral afin d’obtenir de nouveaux prêts.
II. Une courbe des rendements de court et de long terme assez plate réduit les revenus que les banques tirent de la transformation de la maturité des prêts :
- Par conséquent, un relèvement des taux courts les conduit à diminuer leur offre de crédit.
⚠️ La gestion de la courbe des rendements est un élément fondamental des instruments macroprudentiels.
Adrian et Shin, 2011
Réunis pour faire face aux conséquences de la crise financière, les chefs d’État et de gouvernement du G20 lancent un vaste programme de réformes réglementaires en matière de régulation financière et bancaire.
Les États-Unis proposent d’accroître les exigences de fonds propres des banques, plutôt que de réguler le risque, notamment les primes des intermédiaires financiers.
Ce programme a été mis en œuvre par le Conseil de stabilité financière (CSF), qui avait, au sommet du G20 de Londres d’avril 2009, succédé au Forum de stabilité financière. Le CSF associe banques centrales, régulateurs et ministères des finances des grands pays développés et émergents.
Sommet de Pittsburg, septembre 2009
Les banques centrales se sont vues depuis longtemps confier le rôle de stabilisatrices du système financier - à des degrés différents - en raison de leur capacité à assurer le rôle de prêteurs en dernier ressort.
En revanche, elles n’assurent pas toutes le rôle de superviseures du système financier.
Il existe deux modèles de surveillance bancaire, dont l’optimalité fait l’objet de débats :
- La surveillance intégrée à la banque centrale : Réserve fédérale aux Etats-Unis (partageant toutefois cette mission avec la Federal Deposit Insurance Corporation et le Contrôleur de la monnaie) ; Prudential Regulation Authority dépendante de la Banque d’Angleterre au Royaume-Uni ; BCE en Europe pour les plus grandes banques (mais en coordination avec des autorités nationales comme l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en France - ACPR) ;
- La surveillance par des autorités séparées de la banque centrale : c’est le cas au Japon (Japanese financial services authority) et en Allemagne (Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht).
Coeuré, 2013
L’utilisation d’instruments multiples pour faire face aux risques de liquidités et de crédit pesant sur les banques, peut se justifier :
- Par la multiplicité des sources de risque pour les banques ;
- Et par l’incertitude pesant sur l’efficacité de chaque instrument.
Contrairement à ce qu’aurait probablement préconisé Tinbergen, les ratios de capital obligatoire poursuivent plusieurs objectifs et interagissent avec la réglementation de la liquidité.
Par exemple :
- les coussins de liquidité* présentent le bénéfice auxiliaire de réduire le risque de crédit** pesant sur les banques ;
- des coussins de capital élevés protègent également la liquidité des banques en rassurant les déposants sur leur solvabilité.
* Cash et actifs fortement liquides détenus pour pouvoir faire face à la réalisation d’un risque de liquidité.
** Risque de perte sur une créance ou celui d’un débiteur (une entreprise défaillante par exemple) qui n’honore pas sa dette à échéance.
Haldane, 2017
Mandaté par le Conseil de stabilité financière pour évaluer les conséquences macroéconomiques de Bâle III, qui renforçait les exigences en capital des banques.
Il conclut à ce que Bâle III entraînerait une hausse modeste des taux de prêts et un faible repli de leur volume, si bien que la croissance du PIB serait plus faible de 0,03 point par année pendant plusieurs années (35 quarters), puis contrebalancé par une hausse équivalente du PIB durant plusieurs années.
⚠️ À l’époque, « guerre des chiffres » entre les régulateurs et le lobby bancaire qui publie des prévisions beaucoup plus pessimistes (exemple : ?). Les scénarios contrefactuels ne sont évidemment pas connus.
Macroeconomic Assessment Group, 2010
Fédération bancaire française en 2010
La mise en œuvre progressive de l’accord de Bâle III dans les années 2010 ne s’est traduite par rien d’autre, sur le marché du crédit, qu’une petite baisse du profit des banques et s’est accompagné d’une forte reprise économique aux États-Unis et au Royaume-Uni ainsi que, plus tard, dans la zone euro, dans un contexte monétaire très accommodant.
Cecchetti, 2014
Les dirigeants des grandes banques sont conscients qu’elles sont aujourd’hui trop importantes pour faire faillite (too big to fail) et peuvent donc se lancer dans des opérations spéculatives car ils savent que les autorités seront obligées – quoi qu’il arrive – de venir à leur secours en cas de problème.
Les exigences de capital devraient représenter encore plus :
- 23,5 % des actifs pondérés pour les plus grandes banques ;
- 38 % des actifs pondérés pour les banques que le Trésor américain identifie comme « too big to fail ».
Neel Kashkari (président de la Banque fédérale de réserve de Minneapolis), 2016, Lessons from the Crisis
Approbation des régimes de résolution.
L’ordre d’imputation des pertes doit être le suivant :
1° Les actionnaires de la banque ;
2° Les créanciers obligataires juniors (ex : les détenteurs de dettes contractuellement convertibles en actions) ;
3° Les créanciers obligataires seniors ;
4° En dernier viennent les déposants, à l’exclusion des dépôts garantis.
Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board), 2014
Proposition d’une norme standard (Total Loss-Absorbing Capacity – TLAC) pour les banques d’importance systémique mondiale (Global systemically important banks - G-SIBs) :
La capacité totale d’absorption des pertes devrait atteindre 16 % des actifs pondérés le 1er janvier 2019 et 18 % le 1er janvier 2025.
Ce montant devrait être suffisant pour qu’une GSIB faisant faillite puisse être liquidée, à l’occasion de sa résolution par le régulateur, sans avoir à engager excessivement les finances publiques.
Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board), 2015
⚠️ D’après le Conseil de stabilité financière (2019), toutes les banques d’importance systémique respectaient ou dépassaient les cibles de ratio TLAC du minimum de 16 % requis d’actifs pondérés et les 6 % de ratio de levier de Bâle III.
I. Elle prévoit une procédure de résolution pour les banques systémiques.
II. Elle anticipe une telle crise en fixant le montant minimum de fonds propres et d’engagements éligibles des banques (Minimum Requirements for Own Funds and Eligible Liabilities - MREL), afin de limiter la mobilisation des dépôts des clients ou des fonds publics en cas de faillite.
III. Les filiales européennes de la banque russe Sberbank ont été déclarées en faillite par le Conseil de résolution unique fin février 2022, après l’annonce des sanctions européennes.
Bank Recovery and Resolution Directive (BRRD) du 15 mai 2014
Directive du 15 mai 2014 « pour le redressement et la résolution des banques ».
(Directive du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement)
Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2015.