Etudes 04 - Bénassy-Quéré Flashcards
I. Lors de la crise asiatique de 1997, les sorties nettes de capitaux :
- provenant des cinq pays les plus touchés, en l’occurrence la Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie, les Philippines et la Corée ;
- ont dépassé en quelques mois les 100 milliards de dollars, soit environ 10 % de leur PIB agrégé.
II. Deux théories s’opposent habituellement sur les causes de cette crise :
1° Les déséquilibres structurels et la faiblesse des politiques macroéconomiques ;
2° Les modifications arbitraires des anticipations du marché.
III. Seule une synthèse de ces deux positions peut expliquer la complexité de la crise. Celle-ci résulte de l’interaction entre une faiblesse structurelle et des marchés internationaux de capitaux volatiles : une supervision insuffisante des secteurs de la banque et de la finance et la transmission rapide de la crise entre des pays liés par le commerce et le crédit à court terme.
IV. Le rôle joué dans la crise conduit à reposer la question de la vitesse optimale du développement financier, étant préférable de développer les outils de supervision financière et bancaire avant de s’ouvrir au commerce extérieur.
Pesenti et Tille, 2000
Les crises de change de troisième génération qui sont survenues à partir de juillet 1997, d’abord en Thaïlande, puis dans d’autres économies d’Asie orientale, ainsi qu’au Brésil et en Russie, ont reposé sur le secteur financier :
1° Ces pays avaient en commun de s’être endettés en dollars, souvent à court terme ;
2° Par conséquent, une dévaluation de la monnaie avait pour effet d’alourdir la charge de la dette libellée en monnaie étrangère ou de stopper net les entrées de capitaux.
Corsetti, 1998
Mise en évidence de la notion de crise jumelle
I. La crise jumelle désigne une crise de change et une crise bancaire conjointes :
- Les craintes sur la solvabilité des emprunteurs peuvent provoquer une sortie de capitaux (et donc une crise de change) ;
- Réciproquement, une crise de change peut provoquer une crise bancaire lorsque les banques se sont endettées en monnaies étrangères sur le marché international de capitaux.
II. La crise jumelle éclate lorsque les investisseurs internationaux perdent confiance dans cet ensemble.
Krugman, 1999
Les variables ayant le plus grand pouvoir prédictif d’une crise de change sont :
- Les réserves de change ;
- Le taux de change réel ;
- Le taux de croissance du crédit ;
- Le niveau du PIB ;
- Le solde courant.
⚠️ Remarque du manuel : néanmoins ce modèle, comme les autres visant à anticiper les crises de change, est assez peu performant pour prévoir les crises : pour une crise prédite (signal), il y a de nombreuses fausses alertes (bruit).
Frankel et Saravelos, 2012
I. Selon la théorie néoclassique, les pays émergents devraient fournir de meilleurs rendements que ceux, décroissants, des pays riches.
II. Pourtant, la plupart des mouvements de capitaux ont plutôt été des flux « Nord–Nord » entre pays riches plutôt que « Nord–Sud ».
III. Remise en question de la contribution de la mobilité des capitaux au développement économique à long terme, notamment dans les études qui ont suivi.
Lucas (Paradoxe de), 1990
Proposition d’instaurer une taxe sur les transactions de change, afin de décourager les fluctuations excessives de flux de capitaux à court terme.
Tobin, 1972
Les contrôles de capitaux font partie de la boîte à outils et leur usage peut s’avérer adéquat sous certaines conditions.
⚠️ Cependant, ils ne doivent pas se substituer aux ajustements macro-économiques nécessaires, comme l’ajustement du taux de change.
FMI, 2012, “The Liberalization and Management of Capital Flows : An Institutional View”
À partir d’une estimation économétrique réalisée sur un panel d’économies émergentes de 1995 à 2008 :
Il est mis en évidence que les contrôles sur les entrées de capitaux, accompagnés de mesures prudentielles visant à limiter les bulles de crédit, sont efficaces pour réduire la vulnérabilité de ces pays aux conséquences éventuelles d’un arrêt brutal des entrées de capitaux.
FMI, Ostry et al., 2012
Il n’est pas souhaitable de conserver durablement des contrôles de capitaux :
1° Les taxes type Tobin ou les obligations de mise en réserve à la chilienne (en vigueur au Chili de 1991 à 1998) ne sont pas suffisantes pour décourager les sorties de capitaux lorsque les anticipations de dépréciation de la monnaie nationale deviennent fortes ;
2° Les taxes et les contrôles administratifs peuvent être contournés grâce aux innovations financières et à l’existence de paradis fiscaux ;
3° Il est très difficile de distinguer les « bons » des « mauvais » flux de capitaux a priori : tous seront pareillement pénalisés.
Garber et Taylor, 1995
La mobilité du travail joue un rôle important dans l’ajustement aux chocs asymétriques aux États-Unis, et beaucoup moins en Europe.
Blanchard et Katz, 1992
Mise en évidence d’un effet très positif d’une union monétaire sur le commerce entre les pays qui en sont membres.
⚠️ Cette théorie n’aura pas beaucoup de suite, l’article lui-même étant critiqué pour l’usage biaisé des statistiques sur lesquels il se fonde (certaines étant laissées de côté), les inversions de causalité et les erreurs de spécifications du modèle (Baldwin, 2006).
Rose (effet), 2000
I. Critique des travaux de Rose. Ce dernier confondrait les unions monétaires avec des baguettes magiques : il suffit qu’elles touchent le commerce intra-zone et ce dernier augmente de 5 % à 1 400 %.
II. Étude de l‘effet Rose au sein de plusieurs unions monétaires :
L’euro est associé par l’auteur à une augmentation du commerce au sein de la zone euro, depuis sa mise en place, de l’ordre de 5 à 10 %.
Baldwin, 2006
Depuis l’introduction de l’euro, les échanges intra-zone n’ont pas significativement augmentés.
Cependant, le volume des échanges peut-être un indicateur trompeur : d’autres paramètres comme la réglementation, le cadre juridique, les impôts ou la barrière de la langue peuvent influer sur ce volume.
L’euro a probablement joué un rôle positif en la matière en ce qu’il a contribué à maintenir des prix plus bas et moins volatiles, et spécialement dans la zone euro.
Fontagné et al., 2009
Étude empirique mettant en évidence un effet pro-concurrentiel de l’euro, qui a abouti à une convergence des prix du commerce intra-zone de biens et services :
Avant la mise en place de la monnaie unique, les prix dans la zone euro étaient de 15 % plus élevés que dans le reste de l’Union européenne ; après 1999, l’écart passe à 8,1 %.
⚠️ Néanmoins, cet effet est beaucoup moins important qu’aux États-Unis.
Martin et Méjean, 2010
I. La littérature économique n’a pas été capable d’arrêter une position claire sur la réalité de l’effet Rose, notamment au sein de la zone euro. Ses effets sur le commerce ont été considérés, selon les études, comme allant de nuls à plutôt positifs.
II. Ces résultats non concluants s’expliquent d’abord parce que la recherche n’a pas su écarter les biais endogènes impliqués par la participation à une union monétaire (liens historiques et institutionnels par exemple).
III. Une union monétaire, en diminuant les frais de transaction, sera d’autant plus efficace que le commerce y est déjà développé notamment via des accords de libre-échange. Il y a ici renversement de causalité.
⚠️ Les variables à étudier font donc ici défaut.
Head et Mayer, 2014
I. Un grand pays a une probabilité plus faible de choisir un régime de change fixe qu’un petit pays.
II. Conformément à ce que le triangle d’incompatibilité suggère, les contrôles de capitaux accroissent la probabilité de choisir un régime de change fixe.
III. Pour les pays en développement, la probabilité d’un régime de change fixe augmente positivement avec le PIB par habitant, les réserves officielles en pourcentage des importations et l’endettement extérieur rapporté au PIB.
IV. Pour les économies avancées, une forte concentration des exportations est associée à un régime de change fixe.
Ghosh, 2014
En septembre 2000, confrontée à des pressions à la baisse contre l’euro, la Banque centrale européenne a cherché à intervenir sur les marchés dans une action coordonnée avec les autorités monétaires des Etats-Unis, du Japon, du Canada et du Royaume-Uni, pour un montant de 6 Md€. Un mois plus tard, la baisse du taux de change de l’euro reprenait.
Pour les auteurs, ces interventions n’ont eu d’effet qu’à court terme sur les dynamiques des taux de change et aucun au delà, ce qui leur permet de conclure à leur inefficacité.
Frenkel et al., 2001
Remise en cause de l’efficacité des interventions de change lorsque celles-ci sont stérilisées*, ce qui est généralement le cas dans les économies avancées.
⚠️ Ces interventions semblent accroître plutôt que réduire l’instabilité des cours.
* Une intervention stérilisée est une intervention de la Banque centrale qui n’implique pas de changement dans la base monétaire nationale.
Sarno et Taylor, 2001, “Official intervention in the foreign exchange market : Is it effective and, if so, how does it work ?”
Au moyen d’une étude empirique portant sur des données de la Federal Reserve et de la Bundesbank, les auteurs mettent en évidence un troisième canal de transmission de la politique de change*, l’effet de signal :
1° Même lorsque la plupart des agents qui interviennent sur le marché jugent une monnaie désalignée, la présence de chaînes mimétiques ou de chartistes peut retarder le retour vers l’équilibre ;
2° Par conséquent, même une intervention stérilisée peut avoir un effet significatif sur le taux de change, en jouant sur les anticipations : l’effet de l’intervention de la banque centrale sur le taux de change est renforcé quand il est connu du public.
* Les deux canaux traditionnels de transmission des interventions sur le taux de change sont le canal monétaire et l’effet de portefeuille.
Dominguez et Frankel, 1993
I. En tant que monnaie internationale à l’époque de l’étalon-or, le dollar devait satisfaire deux objectifs inconciliables :
1° La stabilité, car le dollar servait d’étalon de mesure pour les monnaies et les marchandises ;
2° L’abondance, puisqu’il constituait un moyen de règlement international et un instrument de réserve.
II. Les flux sortants de capitaux pour abonder les échanges conduisaient à une appréciation de la monnaie, donc à une hausse du coût des exportations et un déficit chronique de la balance commerciale.
III. La détérioration de la balance commerciale ne pouvait que conduire à une perte de confiance dans la monnaie :
- La monnaie de référence censée être gage de stabilité (« as good as gold »), perdait peu à peu en fiabilité et devenait paradoxalement moins attractive et de moins en moins « de référence » ;
- Une telle dynamique aurait conduit à terme à déclencher de la volatilité et des crises autoréalisatrices qui rend, à terme, le système monétaire international instable.
⚠️ Les États-Unis ne pouvaient équilibrer leur balance commerciale, sous peine de priver les agents de liquidités, de bloquer leurs échanges et de les voir rechercher une autre monnaie de référence.
Triffin (paradoxe de), 1960, Gold and the Dollar Crisis: The Future of Convertibility
I. Les fonctions traditionnelles de monnaie* que remplit une monnaie de réserve internationale sont peu séparables les unes des autres.
II. Mise en évidence d’un effet de réseau de la monnaie :
La monnaie revêt un caractère auto-renforçant ou auto-justifiant, les coûts de transaction devenant plus bas et le degré de convertibilité de la monnaie plus élevé.
→ Ceci rend la relation entre l’utilisation d’une monnaie et ses déterminants non linéaire, car ces externalités peuvent être à l’origine d’une inertie à court terme qui maintient l’utilisation d’une monnaie au niveau international (dollar), alors même que les autres déterminants ont changé.
* « it is a medium of exchange, a unit of account, and a store of value »
Krugman, 1984
I. Par l’étude du remplacement de la livre sterling par le dollar (qui se serait produit dès 1929), les auteurs démontrent qu’une monnaie de réserve internationale n’est pas éternelle, et que ce qui s’est déjà produit peut se produire à nouveau. Le glissement intervient lorsque les avantages de la monnaie de réserve en charge n’apparaissent plus incontournables.
Par ailleurs, il y a de la place pour plus d’une monnaie de réserve dans le système monétaire international.
II. Sur la période 1947-2013, les effets de réseau jouent beaucoup moins après 1973, ce qui pourrait être défavorable au dollar à l’avenir, alors que l’inertie se renforce comme déterminant des monnaies de composition des réserves de change.
Chitu, Eichengreen et Mehl, 2014
I. Les cinq conditions pour qu’une monnaie devienne internationale :
1° Être émise par un grand pays ou une grande zone monétaire ;
2° Être utilisée pour libeller des actifs échangés sur des marchés profonds et liquides ;
3° Être stable sur les plans interne (inflation) et externe (taux de change stable ou du moins ne se dépréciant pas tendanciellement) ;
4° Bénéficier d’un environnement réglementaire sécurisant et d’une stabilité financière ;
5° Être soutenue par des attributs de pouvoir non économiques (force militaire, place dans les forums internationaux, etc.).
II. L’euro remplit bien le premier, le troisième (rôle de la BCE) et le quatrième critères, mais pas le deuxième, car son secteur bancaire est trop développé et ses marchés financiers trop fragmentés et surtout pas le dernier, l’influence géopolitique de l’europe en tant que telle faisant défaut, contrairement à celle des États-Unis.
III. L’euro a donc jusqu’à présent échoué à prendre le rôle de monnaie de réserve internationale. La fenêtre de tir pourrait se refermer avec la montée du renminbi.
Bénassy-Quéré, 2015
L’inadéquation entre un système monétaire international unipolaire et une économie réelle multipolaire est l’une des causes ayant mené à la crise financière mondiale de 2008 :
1° Ainsi, si les banques européennes ont fortement développé leurs activités internationales, elles l’ont fait en dollar et non en euro, en finançant le commerce et les infrastructures en dollar dans les grands pays émergents ;
2° Cette dépendance au dollar s’est révélée un facteur de fragilité pour la zone euro : à partir de 2007, les financements privés s’étant taris, la BCE a dû prêter aux banques européennes des dollars qu’elle empruntait elle-même à la Fed.
⚠️ Le système monétaire contribue donc à l’instabilité financière.
Ivashina, Scharfstein et Stein, 2012

