Le vivant Flashcards
Vivant et mécanique
Dans une machine, le mouvement réglé de diverses parties aboutit à un effet d’ensemble, tel que, par exemple, le mouvement des aiguilles sur le cadran d’une montre. Dans un être vivant, tous les éléments ou organes sont interdépendants. Partant de là, on pourrait, comme Descartes, se représenter le vivant sur le modèle de la machine, mais c’est là faire peu de cas de l’extrême complexité d’un organisme vivant. D’abord, le vivant a la propriété de se construire lui-même. Ensuite, chaque partie du tout que constitue un organisme vivant peut être considéré comme cause efficiente des autres parties : par exemple, les organes de l’appareil digestif conditionnent le développement et l’entretien de ceux de l’appareil circulatoire. Autoconservation, autorégulation, et aussi, dans une certaine mesure autoréparation, caractérisent l’être vivant. Enfin, tout se passe comme si le vivant poursuivair un but : sa propre conservation dans l’harmonie la plus complète possible avec le milieu extérieur avec lequel il entretient des rapports d’échange incessants.
Le vivant et le mort
Quand un système non vivant est isolé ou placé dans un milieu uniforme, tout mouvement cesse généralement assez rapidement à cause de diverses espèces de friction. En revanche, le vivant ne cesse de se mouvoir et de retarder le retour a un état inorganique, en mangeant, buvant, respirant et, dans le cas des plantes, en assimilant. C’est en ce sens que Xavier Bichat (1771-1802) définit le vivant comme « l’ensemble des fonctions qui résiste à la mort ».
Nécessité et finalité du vivant ? Mecanisme et vitalisme
Face aux vivant, deux attitude philosophique s’opposent. La première, le mécanisme, réduit le vivant aux propriétés physico–chimiques de la matière, sans recourir au concept de vie. La seconde, le vitalisme, affirme au contraire que le vivant est animé d’une force vitale distincte de la matière. Le vitalisme permet d’éviter la réduction du vivant à une machine, mais il suppeepose au déterminisme l’hypothèse d’une force occulte incompréhensible. De ce point de vue, il est préférable de constater, comme Kant, que tout se passe “comme si” il y avait une finalité interne à tout être vivant. Il n’est pas nécessaire d’affirmer que cette finalité est objective.
La notion de programme
Au XXe siècle, les scientifiques affirment que l’origine des déterminations du vivant se trouve dans un programme. Or, comme la nature moléculaire des gènes, porteurs du programme, n’est autre que celle de l’ADN et que des gènes peuvent être vus comme des messages codés inscrits dans un alphabet chimique où les lettres sont des molécules particulières, le lien entre la structure moléculaire des organismes et les ordinateurs programmés est établi. La biologie se débarrasse ainsi du finalisme vitaliste et présente un nouveau modèle mécaniste, plus satisfaisant.
Le traitement scientifique de la vie, l’explication mécaniste du vivant
Selon le mécanisme, le vivant n’est qu’une complexification de la matière brute. Les phénomènes de l’organisme vivant ne se distinguent en rien de ceux qui se manifestent dans les corps bruts : le mouvement produit par les muscles est semblable à ce que produit une machine, la chaleur produite par les êtres vivants est semblable à celle qu’engendre la combustion du charbon. Un organisme se décompose en organes, en tissus, qui se réduisent eux-mêmes en cellule. Or, la différenciation progressive des cellules,la construction d’organes de plus en plus compliqués, l’apparition d’une multiplicité d’espèces animales ou végétales distinctes s’expliqueraient par le jeu de causes et de lois mécaniques auquel le vivant est contraint de s’adapter.
La spécificité du vivant
Cependant, l’explication mécaniste ne permet pas de rendre compte des principaux caractères du vivant (organisation, nutrition, évolution, génération). En ce qui concerne la nutrition, la cellule ne trie, parmi les substances du milieu extérieur, que celles qui lui permettent de se réparer, et elle les combines de façon à maintenir et à développer sa propre structure. Enfin, cette chimie appropriée à un but, cette sorte de dessein vital qui trace le plan de chaque être et de chaque organe, ne se manifestent nulle part aussi nettement que dans le phénomène de la génération. L’œuf représente une sorte de formule organique qui résume les conditions évolutive d’un être déterminé. Ils semble donc qu’il y ait chez le vivant une finalité, une spontanéité, une activité organisatrice dont l’hypothèse matérialiste et mécaniste ne semble pas pouvoir rendre compte.
La vie n’est pas réductible à la science
Canguilhem souligne le paradoxe du « vivant séparé de la vie par la science et s’essayant à rejoindre la vie à travers la science ». Le biologiste forge en effet des concepts pour appréhender ce qui n’est pas d’ordre conceptuel : la vie. De plus, dans sa démarche expérimentale, il ne peut qu’isoler les éléments en les séparant du tout dont ils font partie. Or, comme l’écrivait Cuvier au début du XIXe siècle, « toutes les parties d’un corps vivant sont liées : vouloir en séparer une de la masse, c’est la reporter dans l’ordre des substances mortes, c’est en changer entièrement l’essence ». Le scientifique doit donc tenir compte de l’effet perturbateur dû à l’isolement des éléments qui rompt la solidarité organique et, après avoir étudié l’élément isolé en termes physico–chimiques, doit le replacer dans le contexte du tout pour décrire son rôle vital. La méthode expérimentale en biologie a connu d’importants succès grâce à de nouvelles techniques d’investigation. Cependant l’humilité reste nécessaire. « Proscrire l’analyse des organismes au moyen de l’expérience; c’est, dit Claude Bernard, arrêter la science et nier la méthode expérimentale ; mais d’un autre côté, pratiquer l’analyse physiologique en perdant de vue l’unité harmonique de l’organisme, c’est méconnaître la science vitale et lui enlever tout son caractère. »
Qu’est ce que le vivant ? Le vivant et le brut
Dans notre univers, il y a les corps brutes régis par des mécanismes physiques, chimiques, mais il y a aussi des vivants qui se nourrissent, évoluent, se reproduisent et meurent. Le vivant est-il une simple complexification de la matière brute ? Considérer les choses de cette manière serait nier la spécificité du vivant. L’analyse du monde vivant, de son évolution montre le caractère fondamental de l’adaptation générale, ou de la rationalité de l’organisation des êtres vivants. Si cette rationalité de la structure appartient à toutes les formes de la vie, elle est absente dans les conditions naturelles du monde inorganique. Il serait donc vain de chercher son explication dans les seules lois du monde inorganique, dans les seules lois physiques et chimiques.