L'histoire Flashcards
Il n’y a pas d’histoire sans récit historique
Comme les sciences physiques, l’histoire en tant que « science historique » a pour objet des faits. Mais, à la différence d’un fait physique (comme, par exemple, à la réfraction de la lumière), un fait historique et daté, localisé, individuel, unique : il n’y a eu et il n’y aura jamais qu’un massacre de la Saint-Barthélemy. Certes, l’historien puise à d’autres sources comme, par exemple, les vestiges laissés par l’homme. Néanmoins, l’histoire proprement dite se limite aux époques pour lesquelles nous disposons de documents écrits. Le temps qui s’est écoulé avant l’apparition de l’écrit a pu connaître des transformations, voire de révolution : il est toutefois « sans histoire objective » parce qu’il n’a laissé « aucune histoire subjective »,aucun récit historique, aucune trace écrite. Autrement dit, il n’y a pas d’histoire sans écrit, sans récit historique. Un fait historique est aussi un événements, c’est-à-dire qu’il présente une importance pour la collectivité humaine et il n’est connu que par des documents écrits.
L’histoire commence avec la formation des états
Mais il ne peut pas non plus y avoir de récit historique sans acte ni événements historiques. Or, un peuple qui n’est pas constitué en état n’a pour ainsi dire pas d’histoire. Ainsi, les « souvenirs de famille », les « traditions patriarcales » des communautés primitives présentent sans doute un intérêt à l’intérieur de la famille, de la tribu, mais ils ne sont pas « objets de mémoire » et ne peuvent donc pas être susceptible d’une narration historique. Pour Hegel, seule une communauté « qui se consolide et s’élève à l’État » requièrent « au lieu d’ordres subjectifs, suffisants pour les besoins du moment, des commandements, des lois, des déterminations générale est universellement valable » qui produisent à leur tour « une conscience capable de les saisir clairement » et de les conserver durablement. L’État est donc l’universel qui produit l’histoire à la fois comme récit et comme ensemble d’événements.
La rationalité cachée de l’histoire
L’histoire est en apparence chaos. Elle offre le spectacle du déchaînement des passions, de la déraison. Mais, derrière « l’apparence bariolée des événements », se dévoile, pour Hegel, une finalité rationnelle : l’histoire est la marche graduelle par laquelle l’esprit parvient à sa vérité et prend conscience de soi. De ce fait, les acteurs de l’histoire ne sont pas des « personnes singulières, réduites à leurs individualités particulières », mais les différents peuples historiques avec leur esprit, leur constitution, leur art, leur religion, leur science. De plus, ces peuples ne maîtrisent pas le sens de ce qu’ils font. Ils ne sont que « les moyens et les instruments d’une chose plus élevée, plus vaste qu’ils ignorent et accomplissent inconsciemment » (la raison dans l’histoire).
La lutte des classes comme source de toute historicité
Marx rejette la philosophie de l’histoire de Hegel, qui prône le salut de l’homme par la découverte du sens de l’histoire et non par la transformation du monde réel. Dans le “manifeste du parti communiste” (1848), il affirme que « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des classes ». La société, dit Marx, se divise de plus en plus en deux grandes classes qui s’affrontent directement : la bourgeoisie et le prolétariat. Cet antagonisme ne peut se résoudre que par la suppression du capitalisme et l’instauration de la société communiste. Contrairement aux révolutions passées qui n’ont fait que substituer aux anciennes classes de nouvelles classes, de nouvelles conditions d’oppression, la révolution prolétarienne met fin à tous les antagonismes. En s’accomplissant et en se dépassant elle-même, la lutte des classes, dit Marx, mène, non pas à la fin de l’histoire, mais à la fin de la Préhistoire. Il restera à l’humanité réconcilié avec elle-même à résoudre les problèmes posés aussi bien par la nature que par sa propre nature.
Les hommes font l’histoire
Si la révolution communiste répond à une certaine nécessité interne, elle n’est pas inéluctable. Contrairement à Hegel pour lequel l’histoire s’explique sans l’homme réel, en tant que mouvement autonome a de l’esprit, Marx affirme que « l’histoire ne fait rien », que « ce sont les hommes réels qui font l’histoire ». Mais ils le font dans des conditions historiques et sociales très déterminées. Ainsi, s’ils prennent l’initiative de changer les rapports sociaux, ce n’est pas en vertu d’une volonté créatrice ou d’une liberté transcendante, mais parce qu’ils sont contraints à le faire précisément par les contradictions de ces rapports sociaux. En affirmant le primat de l’avenir et en montrant la possibilité, voir la nécessité, d’un dépassement du réel, la conception historique du marxisme s’oppose aussi bien au fatalisme qu’a un déterminisme mécaniste qui ne laisserait à l’homme que la passivité ou la soumission.
L’histoire est elle une science ? La vérité se trouverait dans les documents
C’est à partir du XIXe siècle que les historiens rêvent de faire de l’histoire une science objective, en s’inspirant du modèle de sciences physiques. L’historien trouve des documents (témoignages écrits, vestiges du passé) puis procède à leur critique externe et interne. La critique externe vise à déterminer l’authenticité du document et à le rétablir dans son état primitif, en supprimant ce qui a pu être ajouté par les copistes lorsqu’il s’agit d’un témoignage écrit et en reconstituant les parties disparues du fait d’accidents ou d’usure. La critique interne vise à déterminer la signification du document. La confrontation de témoignages indépendants permet d’aboutir à une certitude pratique. L’analyse fournit ainsi une masse de documents qui permettent d’établir des faits particulier. Il s’agit ensuite de procéder un travail de synthèse, c’est-à-dire de déterminer la place et l’importance relative de ses faits dans la chaîne des événements. C’est là un travail de reconstruction : la vérité se trouverait dans les documents, et il suffirait de l’en extraire.
L’histoire ne peut prétendre à la même objectivité que les sciences physiques
Mais croire que l’histoire peut prétendre à la même objectivité que les sciences physiques relève de la naïveté, car les documents, comme d’ailleurs la nature, ne parlent qu’a ceux qui les questionne. L’élaboration historique présuppose donc une idée préconçue, une prise de parti sans laquelle l’historien est hors d’état de comprendre et de connaître. Autrement dit, l’historien ne peut faire l’économie d’une philosophie de l’histoire. Par ailleurs, c’est à partir des préoccupations de leur époque que les historiens reconstituent le passé. Il est impossible de séparer l’histoire de l’historien. L’histoire ne peut donc prétendre à la même objectivité que les sciences physiques. C’est pourquoi, à chaque génération, l’histoire est réécrite. Chaque époque reprend l’histoire à la lumière de l’aujourd’hui. Enfin, si l’histoire ne peut se constituer sur le modèle des sciences physiques, c’est aussi parce que l’historien se penche sur des faits qui se caractérisent par leur singularité temporelle. L’historien ne peux donc ni instituer des lois établissant des rapports de causalité, ni prévoir l’avenir. Croire le contraire, ce serait nier la liberté des hommes. Il ne peut non plus avoir recours au contrôle expérimental rigoureux tel qu’il est pratiqué en physique. La subjectivité de l’historien intervient dans les critères qui président au choix des événements. Chaque historien ne s’intéresse aux faits que dans la mesure où il confirment ou infirment un système d’explication du monde, une philosophie de l’histoire, qui est la sienne.
Les deux sens du mot histoire
Pendant très longtemps l’histoire n’a fait que s’écrire. Ce n’est que tardivement que le mot en vient à désigner la « réalité historique ». L’histoire en tant que science historique n’est jamais que la connaissance que l’on peut avoir de la réalité historique. Il s’agit donc de penser l’histoire à la fois comme mode d’être et comme conscience de ce mode d’être. Comment l’existence humaine peut-elle être considérée comme historique ? Comment l’histoire peut-elle se constituer comme connaissance, voir comme science ? D’où l’ambiguïté du terme histoire qui désigne aussi bien les événements que le récit des événements.
L’histoire est une discipline originale
L’élaboration de l’histoire comporte toutefois un aspect scientifique : d’abord, au stade de l’étude de documents, l’historien a recours aux sciences auxiliaires de l’histoire (critique de documents écrits, paléontologie, archéologie, numismatique, sociologie, économie) et peut ainsi établir les faits de manière rigoureuse. Ensuite, au stade de la reconstruction du passé, l’historien vise le vrai, en cherchant à enchaîner les événements, en mettant au jour les causes singulières de leur succession, tout en sachant que ces causes ne se répéteront pas. L’historien doit aussi dégagee les causes d’un événement et en comprendre le sens. Mais les causes ne sont pas directement données dans les documents, ni les significations dans les témoignages. La compréhension suppose la mise à l’épreuve d’hypothèses interprétatives. Paul Veyne, dans « comment on écrit d’histoire » (1971), donne cette exemple : « Louis XIV devient impopulaire parce que les impôts étaient trop lourd.» Cette proposition peut signifier que l’historien sait par des documents que les impôts ont bien été la cause de l’impopularité de Louis XIV. Elle peut aussi signifier que l’historien sait seulement que les impôts étaient trop lourd et que, par ailleurs, le roi était impopulaire à la fin de son règne. L’historien suppose alors que son impopularité est lié à l’impôt. Dans le premier cas, il rapporte ce qu’il a lu. Dans le second, il fait une hypothèse explicative. Mais, dans les deux cas, il recourt au “parce que”. L’histoire est une discipline originale qui s’attache au singulier, au successif, a ce qui a cessé d’être mais aussi à des réalités humaines.