Autrui Flashcards
” autrui n’est ni le semblable ni le différent “ Expliquer.
Considérer autrui comme semblable parce qu’il partagerait les mêmes pensées, les mêmes valeurs que moi, ce serait le considérer comme un autre moi-même et donc nier son altérité. Le considérer comme différent, c’est risquer de l’enclore dans sa différence, car un être humain ne se définit pas par sa différence culturelle, son appartenance à un groupe religieux ou politique. Autrui est un humain comme moi, un être distinct des choses, une dignité, une valeur absolue.
Autrui est-il un objet de connaissances ?
Vouloir connaître autrui, c’est d’abord le considérer comme un objet de connaissance. Or, qui dit objet, dit quelque chose d’extérieur, sur quoi l’on agit et dont on se sert. Ce que je vois donc d’abord en autrui, c’est ce qu’il m’apporte, sa fonction et donc les services qu’il peut me rendre. Je peux donc l’apprécier en tant que commerçant, artisan. Cette appréciation est fonction de mes goûts, de mes besoins, de mes désirs, de mes habitudes et préjugés… Et ne saurait constituer une connaissance. Bien plus, si je pose autrui comme un objet, je le jugerai d’après l’attitude qu’il prend en face de moi et qui est fonction de la mienne. Elle peut être tout autre quand je ne suis plus avec lui. Mais cette influence exercée par moi sur lui, je n’en tiens aucun compte: ce qu’elle est pour moi, je décide qu’elle l’est pour tous. Et c’est une source d’erreur. Par ailleurs, les indices qu’autrui donne à voir peuvent être interprétés de manière très différente puisqu’on peut pleurer de tristesse, de joie, de rage, de rire. Donc, la connaissance d’autrui selon le raisonnement par analogie serait impossible. “ c’est tout un monde que chacun porte en soi! Un monde ignoré qui naît et meurt en silence.” ( musset, Fantasio). Comment puis-je arriver à considérer autrui comme un sujet, c’est-à-dire comme un être qui a une intériorité ?
La connaissance d’autrui par sympathie
Il faudrait dépasser les impressions premières, pénétrer autant que possible dans l’intimité d’autrui. Cela ne peut se faire que par sympathie, au sens étymologique du mot, c’est-à-dire par un accord complet avec les pensées et les sentiments d’autrui. Plus exactement, je peux connaître autrui de l’intérieur si j’éprouve les mêmes sentiments et émotions que lui . Il faut donc que je me mette à la place de celui que je veux connaître, que je le regarde non à travers mes habitudes, mes soucis et mes sentiments, mais en lui-même, me faisant en quelque sorte lui en sortant de moi. Mais la sympathie suppose la communication des consciences, la relation à autrui sous forme de participation et de communion.
Parler de l’isolement des consciences
Au premier abord il semble que l’isolement des consciences soit un fait irréductible. Mes états de conscience ne sont-ils pas indissociables de moi qui les éprouve? N’en suis-je pas l’unique témoin et le seul capable de les percevoir et de les définir ? Pour que l’autre puisse participer à ma conscience, c’est-à-dire éprouver les mêmes sentiments que moi en même temps,il faudrait qu’il soit moi-même. Ce qui est impossible. Si je suis impuissant à faire partager aux autres ce que je ressens, eux-mêmes se trouvent dans la même situation par rapport à moi. Si mon ami souffre, je peux sans doute l’aider par des gestes efficaces, je peux le réconforter par mes mes paroles, essayer de compenser par la douceur la douleur qui le déchire. Mais si je souffre, je souffre de la voir souffrir, parce que c’est mon ami. Je souffre autant que lui, plus peut-être mais autrement. Je ne souffre pas de la même souffrance que lui, je ne partage pas son état affectif. Son épreuve lui reste strictement personnelle.
Il n’y a de véritable communion que dans l’amour ou l’amitié
La communion des sentiments et des personnes qui participent l’une l’autre dans un sentiment identique est ce que Max Scheler appelle, dans “Nature et formes de la sympathie “, la fusion affective. C’est le cas, par exemple, de 2 parents qui veillent leur enfant mort. Ils éprouvent une souffrance identique car l’épreuve est la même. Mais , au lieu de l’éprouver chacun pour soi, ils participent l’un l’autre dans une souffrance commune. S’ils communient dans le même sentiment, c’est en raison de leur amour préexistant dont l’enfant était le symbole. Seul l’amour permet à chacun des parents qui souffrent de connaître l’autre suffisamment pour éprouver de l’intérieur une souffrance identique et des pensées semblables causées par le deuil commun.
On ne peut bien connaître autrui que si on est capable d’aimer. Expliquer.
Encore faut-il s’entendre sur le sens de ce mot, l’un des plus ambigus qui soient dans la langue francaise. Aimer une chose, c’est la désirer d’une facon ou d’une autre, vouloir la posséder pour jouir des avantages qu’on y trouve, et nombre de nos amours ne sont que des désirs de ce genre. Aimer une personne, ce doit être ou plutôt ce devrait être uniquement se dévouer pour elle, désirer son bien à elle plutot que le plaisir que l’on trouve près d’elle. Le véritable amour est un don de soi qui exige une parfaite entente des esprits et des coeurs, une communauté des goûts et des sentiments. Mais le véritable amour est rare et si l’on se penche sur l’histoire de la philosophie, c’est d’abord la relation conflictuelle à autrui qui est mise en avant.
La relation conflictuelle à autrui
Toute conscience rencontre autrui, l’autre, une autre conscience de soi et il n’y a, en fait, de véritable conscience de soi que moyennant le retour soi à partir de cet “ être autre”. Autrement dit, la conscience de soi est impossible dans un monde où autrui n’existe pas. Comment pourrais-je être un “moi” s’il n’y avait pas un autre “moi” différent de moi ? Le moi ne peut donc exister que s’il se reconnaît comme relation. Si la conscience est mouvement et retour à soi-même à partir de l’être autre, elle ne peut d’abord l’être que par la négation de l’autre. Autrement dit la relation à autrui se présente d’emblée comme une affaire de conflit. Le “moi” de l’enfant, par exemple, ne se forme-t-il pas en s’opposant au non-moi ? Autrement dit, n’est-ce pas dans l’opposition à ses parents que l’enfant forge sa personnalité ?
Qu’est ce que “ autrui “ ?
Même si autrui fait partie des autres, il s’en distingue néanmoins. Il est,comme l‘indique l’étymologie (alter huic), cet autre-ci,celui qui me fait face. Autrui est un autre moi que moi, ce qui ne signifie pas qu’il est un double de moi-même. Il est en fait, comme le souligne Levinas, « ce moi que je ne suis pas ». ll est donc radicalement autre que moi.Autrui est l’altérité absolue d’un « je » qui n’est pas moi. Autrui désigne une autre conscience de soi que la mienne. Autrui se distingue de l’autre ( ce qui n’est pas moi ou qui est étranger à moi) qui peut renvoyer à une chose, à un animal ou encore a Dieu ou à l’inconscient.
Parler de la dialectique hégélienne du maitre et de l’esclave.
Le point de départ en est que toute conscience est désir de reconnaissance, désir qui passe d’abord par la négation de l’autre. Toute conscience poursuit la mort de l’autre, afin de se faire reconnaître et de se reconnaître elle-même au risque de sa propre vie, comme libre et indépendante de toute attache sensible. Autrement dit, il s’agit pour chaque conscience de se prouver qu’elle n’est pas de l’ordre de l’en-soi ( mode d’existence des choses), pure immédiateté, mais qu’elle est seulement un pur être-pour-soi, une personne qui a une valeur, une dignité : “L’individu qui n’a pas mis sa vie en jeu peut bien être reconnu comme personne, mais il n’a pas atteint la vérité de cette reconnaissance comme reconnaissance d’une conscience de soi indépendante.” (Hegel, Phénoménologie de l’esprit)
La lutte à mort pour la reconnaissance ( dialectique hégélienne du maître et de l’esclave)
A l’issue de cette lutte décisive pour la reconnaissance de soi, la conscience n’a pas eu peur de la mort, qui est allée jusqu’au bout dans le risque de la mort prend la figure du maître. L’autre, qui a préféré la vie à la liberté, entre dans le rapport de servitude. L’esclave reconnait le maître sans être reconnu par lui. Il n’est plus qu’une chose aux mains du maître qui l’a épargné: il a perdu toute dignité. Mais, en travaillant, l’esclave transforme le monde, lui donne la “ forme” de son activité. Il peut ainsi se reconnaitre dans ce monde effectivement transformé par lui et portant la marque de son intériorité. Jouissant de cette manière de lui-même comme d’une réalité extérieure, l’esclave accède à une certaine reconnaissance de soi et à la dignité. En outre, en transformant le monde, il se libère de sa nature d’esclave. En créant quelque chose de stable et de durable en dehors de lui, il se libère de l’angoisse de la mort qui le liait au monde sensible et avait fait de lui un esclave. Le maître, en revanche, se contentant de consommer et de détruire les produits du travail de l’esclave, affirme toujours davantage sa dépendance à l’égard de ce dernier. De plus, sa jouissance n’a aucune valeur de vérité, elle n’intéresse personne et ne lui permet donc pas d’accéder la reconnaissance de soi. Certes, le maître est reconnu par l’esclave. Mais que vaut une telle reconnaissance, puisque l’esclave n’est qu’une chose? En libérant l’esclave de lui-même, le travail l’a libéré de sa propre nature d’esclave. Il lui suffit de se faire reconnaitre par le maître pour que s’établisse la reconnaissance mutuelle: “ Ils se reconnaissent comme se reconnaissant mutuellement. “
Comment une conscience peut-elle se poser ?
On retiendra que toute conscience ne peut se poser qu’en s’opposant à ce qui n’est pas elle, mais que le conflit n’est qu’un moment qui, comme tel, est destiné à être dépassé.
Quelles sont les conditions d’une véritable reconnaissance de soi ?
Il n’y a de véritable reconnaissance de soi que lorsque les consciences se reconnaissent mutuellement et réciproquement comme libres et autonomes.
Quelle est la leçon essentielle qui se dégage de la dialectique hégélienne ?
Ce qui vaut pour les relations intersubjectives (rapport du “moi” à autrui) vaut aussi pour les relations entre les hommes au sein d’une cité, entre les peuples, entre les états.
” ma chute originelle, c’est l’existence de l’autre”
Si, pour Hegel, le conflit n’est qu’un moment, Sartre semble y voir le fondement constitutif de la relation à autrui. On connait la fameuse formule de sa pièce Huis clos (1944) : “L’enfer, c’est les autres. “ Ce thème est développé dans “L’Etre et le Néant “ (1943). Reprenant l’idée hégélienne selon laquelle “chaque conscience poursuit la mort de l’autre”, Sartre y affirme que ma chute originelle, est l’existence de l’autre. D’abord j’existe, je suis jeté dans le monde, et ensuite seulement je me définis peu à peu par mes choix et mes actes. Et cest précisément parce que je ne que pure subjectivité et liberté, que le simple surgissement d’autrui est une violence fondamentale. Peu importe qu’il m’aime, me haïsse ou soit indifférent à mon égard. ll est là, je le vois et je découvre que je ne suis plus le centre du monde,sujet absolu. Il me voit, et avec son regard s’opère une métamorphose dans mon être profond : je me vois parce qu’il me voit, je m’appréhende comme objet devant une transcendance et une liberté. Si autrui me regarde, je le regarde aussi. S’il tend à me chosifier, je peux en faire autant. Mon projet de récupérer mon être ne peut se réaliser que si je m’empare de la liberté d’autrui et la réduis à être une liberté soumise à ma liberté (ainsi dans le “combat” amoureux )
Autrui médiateur
Notons cependant que Sartre, à la suite de Hegel, reconnait que j’ai besoin de la médiation d’autrui pour obtenir quelque vérité sur moi. Autrui est ainsi un médiateur indispensable entre moi et moi-même. Sartre en donne des exemples concrets. Tout ce qui semble faire un caractère (être jaloux), tout ce qui semble faire une qualité (être intelligent), ou un défaut (être méchant) n’est pas une propriété dont on disposerait d’abord et une fois pour toutes. Il faut qu’autrui lui reconnaisse cette propriété pour que le sujet puisse enfin la revendiquer comme son bien propre. Reconnaissance qui donne naissance au sujet et qui, pour être efficace, doit se poursuivre dans le temps. Des sentiments comme la honte ou la pudeur ne me découvrent-ils pas des aspects essentiels de mon être que j’ignorerais sans autrui ? Avoir honte, n’est-ce pas reconnaitre que l’image qu’autrui me tend de moi-même n’est pas une vaine image ?
Ainsi, contrairement à la philosophie classique, pour Sartre, le moi ne peut prétendre se connaitre par la seule introspection. La position d’autrui comme médiateur fait que le sujet n’est sujet que par autrui. Moi seul je ne suis rien, c’est autrui qui me fait être. Aussi aller à la recherche du plus profond de soi, c’est trouver cet autre. Autrui me fait accéder à une véritable conscience de moi-même. D’où la formule : “ Je suis un être pour soi,qui n’est pour soi que par un autre. “