La société et les échanges Flashcards
Quelle est la nécessité de la société ?
La coopération des hommes est d’abord une nécessité. Comme le souligne Platon dans “La République”, l’échange utilitaire fait le lien social: “Ce qui donne naissance à une cité[•••]c’est[•••] l’impuissance où se trouve chaque individu de se suffire à lui-même, et le besoin qu’il éprouve d’une foule de choses.” De plus, l’individu isolé, vivant sans rapport avec autrui, sans langage, ne pourrait être, selon la formule de Nietzsche, qu’« une brute ou un dieu”. Enfin, ne faut-il pas admettre un sens naturel du lien social? C’est la thèse d’Aristote: les hommes sont par nature des êtres sociaux, que rapprochent des liens d’affection. Grotius aussi affirme que l’homme est, par nature, un être sociable, c’est-à-dire un être qui possède “le désir de la société” ou “une certaine inclination à vivre avec ses semblables paisiblement, et dans une communauté de vie aussi bien réglée que ses lumières le lui suggèrent”. Il va jusqu’à affirmer que la nature même nous porterait encore à rechercher le commerce de nos semblables, quand bien même nous n’aurions besoin de rien .
Société et individu
Toute société est composée d’individus unis par des liens déterminés. Sans le respect de règles communes, la vie en société serait impossible. Mais la résistance que chacun oppose aux contraintes collectives témoigne du fait que l’individu revendique le droit d’exister en tant qu’être ayant une valeur en lui-même, indépendante de son appartenance à un groupe. Schopenhauer affirme même que, plus un individu a de la valeur, moins il supporte la vie sociale qui entrave son développement: “Toute société a pour compagne inséparable la contrainte et réclame des sacrifices qui coûtent d’autant plus cher que la propre individualité est plus marquante.” (Aphorismes,1851.) S’il n’est pas question de nier l’attachement de l’individu à lui-même, on peut toutefois soutenir qu’il n’y a de bonheur bien compris qu’en société. Car ce qui fait homme l’individu, ce n’est pas, comme le souligne Auguste Comte, l’individu lui-même, mais le langage, la pensée, le savoir et le savoir-faire, “toutes choses qui viennent non de lui-même, mais de la société de ses contemporains et de ses prédécesseurs”. Reste que, si l’individu tire son humanité de la société, il ne saurait se fondre en elle en elle sans perdre son identité, donc ce qui fait de lui une personne différente des autres. Il convient d’éviter tout autant la fusion que le divorce. Sans la société, l’individu ne serait pas un être humain mais un simple exemplaire de notre espèce biologique.
Platon et la cité idéale
Dans “La République”, Platon construit la cité parfaite, qui consiste en une hiérarchie s’ordonnant selon les degrés mêmes du savoir: les philosophes doivent gouverner la cité parce qu’ils possèdent le vrai savoir, la connaissance suprême du bien par pure intellection (noêsis). Ils incarnent la science contemplative, et la sagesse, vertu suprême, est leur apanage. En dessous de ces chefs doivent se situer les guerriers ou gardiens de la cité. Ils possèdent en propre la pensée raisonnante ou discursive (dianoia). Le courage est leur vertu. Ils constituent l’armature de l’état. Tout en bas, au champ ou à l’atelier, se trouvent les simples citoyens, la masse des producteurs. Leur connaissance est de l’ordre de la foi et de l’opinion. Ils sont ventre de la cité. La vertu de tempérance se trouve réalisée lorsqu’il y a accord parfait entre les éléments supérieurs et inférieurs de la cité. La justice, quant à elle, consiste dans la division du travail et la spécialisation des fonctions de chaque citoyen. Pour Platon, le dommage suprême résulterait de la confusion et de la mutation des trois classes de la cité. Peu importe, en fait, qu’une telle cité soit réalisable ou non. La cité idéale, dont le juste est le ressort, permet de juger les cités imparfaites: c’est là son mérite essentiel.
Aristote ou la cité comme communauté du bien-vivre
Selon Aristote, la société est entièrement naturelle. Le climat, le sol, la nature même de l’homme, ses facultés imposent des genres de société différents. Il faut donc renoncer au modèle idéal de la cité platonicienne. Dans le “Politique”, il expose les divers stades de la société. Ainsi, la première communauté humaine ou société, c’est le couple, la famille. Selon sa finalité le couple revêt deux aspects différents: l’union de l’homme et de la femme en vue de la procréation, ou l’union du maitre et de l’esclave en vue de la production. Dans le couple, la soumission et la subordination de la “ femelle” au “mâle” et de l’“esclave” au “maître” sont choses naturelles. Le deuxième stade de la société est le village, constitué de la réunion de plusieurs familles. Il a pour but la satisfaction des besoins. Le troisième stade de la société, qui résulte de l’union des villages entre eux, est l’état ou la cité. L’État représente la fin de toutes les sociétés intérieur en réalisant leur plein développement et leur but, qui est le « bien vivre ». En effet, pour Aristote, la fin principale de la vie en société, c’est le bonheur.
Rousseau ou la nécessité d’une religion civile
Pour Rousseau, le lien social doit être fondé sur un contrat. Mais tout contrat présupposant d’être établi par une société, il ne peut servir à la fonder. Le législateur doit donc recourir a une autorité d’un autre ordre, qui puisse entrainer sans violence et persuader sans convaincre. Cet autre ordre, c’est celui des sentiments religieux. Ainsi, Rousseau reconnaît que la religion peut servir d’instrument à la politique. Toutes les religions sont bonnes pour autant qu’elles favorisent le sentiment de sociabilité. Elles sont mauvaises dès qu’elles engendrent la division, édictent des élections ou des rejets, et instituent des intermédiaires comme les prêtres ou les prophètes entre Dieu et les hommes. Aussi Rousseau propose-t-il une “religion civile”. Les dogmes en sont fort simples: “Existence de la divinité, bonheur des justes, châtiment, sainteté du contrat social et des lois.” Pour Rousseau, la société est fondamentalement morale, elle est même un ordre sacré. Est donc nécessaire “une profession de foi purement civile dont il appartient au souverain de fixer les articles, non pas précisément comme dogmes de religion, mais comme sentiments de sociabilité, sans lesquels il est impossible d’être bon citoyen ni sujet fidèle”.
Les hommes sont-ils vraiment sociables? L’“insociable sociabilité” des hommes
La plupart des êtres humains éprouvent une répugnance naturelle à voir périr ou souffrir tout être sensible et principalement leurs semblables, mais c’est, peut-être, plus par crainte pour soi que par sympathie. Admettons toutefois que les hommes aient une certaine propension à la sociabilité. Il n’en demeure pas moins que c’est d’abord leur bien-être et la conservation d’eux-mêmes qu’ils recherchent. De ce fait, ils veulent tout diriger dans leur sens et cherchent à échapper aux contraintes de la vie en société. Si l’homme a des tendances sociables, celles-ci sont donc inséparables de tendances inverses, de penchants à l’insociabilité. Et Kant, dans “idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique” (1784), n’hésite pas à évoquer ce qu’il appelle « l’insociable sociabilité” des hommes.
L’insociabilité est un facteur de progrès
C’est insociabilité résulte des passions égoïste. Cependant, si elle est moralement condamnable, elle constitue pour une société des ferments de progrès. Imaginons en effet une communauté qui ignore les antagonismes : vivant dans une concorde, une satisfaction est un amour mutuel parfaits, les hommes, « doux comme les agneaux qu’ils font paître, ne donneraient à l’existence guère plus de valeur que n’en a leur troupeau domestique ». Les talents resteraient à jamais enfouis en germe. Ainsi, deux forces s’opposent en l’homme : la sociabilité, qui le pousse à rechercher ses semblables, et l’insociabilité, qui le porte à résister aux autres et menace sans cesse de dissoudre la société.
La fin de l’insociabilité peut elle etre pensée ?
Faut-il, pour autant, considérer cette insociabilité comme le dernier mot de l’histoire ? La véritable destination de l’homme n’est-elle pas la réalisation de sa nature d’être raisonnable ? L’idée que la sociabilité disparaîtra pour laisser place à la sociabilité a un usage régulateur : elle peut orienter dynamiquement la pensée des hommes et les amener à réaliser les actes nécessaires à son actualisation. La société ne sera plus alors vécu comme une contrainte.
Les echanges ont contraint les hommes à vivre en société
Les échanges ont permis d’éviter la dispersion des individus et des groupes qui aurait pu être mortelle pour l’espèce humaine, l’homme pouvant difficilement survivre seul. En outre, sans la disposition des hommes à échanger, chacun aurait été obligé de se procurer lui-même tous les biens nécessaires à la vie. Chacun aurait eu la même tâche à exécuter et les mêmes produits à fabriquer, et n’aurait pas existé la diversité d’occupation que nos sociétés connaissent, diversité qui a donné naissance à des talents différents. Si bien que de moyen de la société, les échanges en sont devenus la fin, en particulier sous la forme de nombreux d’agrément : conversations (échange de parole), jeux, fêtes, rencontres… Le penchant humain pour l’échange à entraîné la division du travail, la multiplication des métiers, chacun vendant ce qu’il a fabriqué et achetant ce que d’autres ont produit. La puissance de l’homme sur la nature c’est ainsi accrue.
Du troc a l’apparition de la monnaie
Les premiers échanges ont eu lieu de groupe à groupe et correspondent à une division géographique du travail. Ainsi, sur les bords de la Méditerranée, on échangeait le blé des montagnes contre le vin des plaines côtières. La première forme de l’échange est donc le troc d’objets utiles contre d’autres. Mais, lorsque les groupes humains s’agrandissent, la division du travail s’instaure en leur sein et les différents travailleurs sont amenés à échanger entre eux les produits de leur travail. Dès lors apparait une autre forme de l’échange: le commerce par “achat” et “vente”. Ce commerce intérieur suppose la propriété privée. De plus, il exige des commerçants, un marché, une monnaie. La monnaie résout le problème de l’équivalence entre des marchandises de valeur inégale: par exemple, si la maison vaut plus que les chaussures, la différence sera compensée en argent. Cependant, si l’argent permet de comparer les produits à échanger, il n’est en aucun cas le fondement de la valeur. A l’origine, ce n’est jamais qu’une marchandise parmi d’autres, un objet d’usage qui peut etre facilement conservé, transporté, et divisé. Avec le développement des échanges, les pièces vont être frappées d’un signe indiquant leur quantité de métal. Ce signe est une convention sociale et peut être manipulé.
L’échange domestique et l’échange chrématistique
Pour Aristote, le véritable fondement de la valeur d’un produit est l’usage qu’on peut en faire. S’il n’y avait besoin de rien, il n’y aurait pas échange. Mais on peut objecter à Aristote qu’il y a des biens d’usage gratuits, l’air par exemple. D’autre part, on constate dans les sociétés développées qu’une marchandise qui ne trouve pas d’acquéreur ne perd pas pour autant son prix. Il revient à Adam Smith d’avoir découvert le fondement de la valeur. Dans “Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations”(1776), il affirme que le prix d’un bien est le travail que coûte sa production. Voilà pourquoi certains biens d’usage sont gratuits tandis que des biens de peu d’usage comme l’or ou l’argent coûtent un prix élevé. L’échange n’est donc d’abord qu’un moyen de se procurer des objets nécessaires à la vie et utiles à la communauté. Pour Aristote, cet art d’acquérir, propre à l’économie domestique, est conforme à la nature. Mais, avec l’introduction de la monnaie, une nouvelle forme d’échange apparait: “chrématistique”. Dans l’échange propre à l’économie domestique, l’argent (A) n’est qu’un moyen terme dans l’échange entre marchandises (M). On a la formule MAM. Dans l’échange chrématistique, l’argent devient le terme de l’échange : on a AMA. La limite de cette forme d’échange est le prêt à intérêt, ou encore, comme aujourd’hui, la spéculation boursière. Là, dit Aristote, « l’argent produit de l’argent, de telle sorte que cette manière d’acquérir des richesses soit la plus contraire à la nature ». L’argent dénature aussi le travail lui-même, qui ne se définit plus d’après son résultat mais d’après le gain qu’il procure.
L’échange chrématistique
Pour que deux marchandises différentes puissent être échangées, il faut qu’il y ait une commune mesure permettant de les comparer quantitativement. Pour Adam Smith, le travail est la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise. Qualitativement et quantitativement différentes, les marchandises ont néanmoins en commun d’être des produits du travail humain. De quel travail s’agit-il ? Pour Marx, la détermination de la valeur la quantité de travail suppose que tous les travaux, aussi différents et concrets soient-ils, puissent être ramenés à un même travail abstrait, général, indifférencié. Or, tout travail est une dépense de force physique et intellectuelle. Ainsi, au double caractère de la marchandise qui est à la fois valeur d’usage (objet utile) et valeur d’échange (objet échangeable) correspond le double caractère du travail qui est à la fois concret et abstrait. Par exemple, le travail du tailleur est concret, différencié, producteur de vetements donc de choses utiles, mais il est aussi abstrait, indifférencié, comme dépense de force humaine de travail et producteur d’une valeur d’échange. Une marchandise n’a de valeur que pour autant que du travail humain abstrait est matérialisé en elle. Ainsi, deux marchandises qui pour leur production exigent le meme temps de travail auront la même valeur. Encore faut-il considérer le travail dans une société donnée, c’est-à-dire le temps qu’il faut en moyenne pour produire telle ou telle marchandise.Marx a montré, dans « le capital », que le salaire n’est pas le prix du travail mais le prix de la force du travail, c’est-à-dire « l’ensemble des facultés physiques et intellectuelles qui existe dans le corps d’un homme […] Et qu’il doit mettre en mouvement pour produire des choses utiles ». La force de travail est une marchandise qui vaut comme tout autre : sa valeur est déterminée par le temps de travail nécessaire à sa production, c’est-à-dire le temps de travail nécessaire à la production des moyens de subsistance dans l’ouvrier a besoin pour l’entretien de sa force de travail. La plus-value ou profit résulte de la différence entre la valeur d’usage de la force de travail (c’est-à-dire le travail qu’elle fournit qui peut se mesure en quantité de produits) et sa valeur d’échange (c’est-à-dire le travail qu’elle coûte). Ainsi s’éclaire le mystère de l’échange chrématistique. Le changement de valeur exprimé par AMA’ provient de l’exploitation par le capitaliste de cette marchandise particulière dont la valeur d’usage est source de valeur échangeable : la force de travail.
Qu’est-ce que la société (Définition)
Par société, on entend un groupe d’hommes unis par des intérêts communs et des relations d’interdépendance. Ces liens ne vont pas de soi dans la mesure où des antagonismes traversent la société. Parler de “bonne société” ou de “haute société”, n’est-ce pas reconnaître implicitement que toute société est divisée en couches ou classes dont les intérêts sont contradictoires ? Mais, au-delà des divergences ou des intérêts particuliers, il faut bien que la société réponde à une nécessité, sans quoi elle éclaterait.