La décadence Flashcards
Tableaux sur le thème de la décadence
Paul Jamin, 1883, Le Brenn et sa part du butin
Thomas Couture, 1847, Les romains de la décadence
def décadence
“état de ce qui va tombant”, i.e. qui chute et qui tend à en être conscient. Cette prise de conscience est d’autant plus douloureuse qu’elle semble inéluctable.
référence à un point de comparaison, “âge d’or” nourrissant sentiment de nostalgie
implique jugement de valeur, remise en cause des moeurs d’une époque donnée
Pb
La décadence ne renvoie-t-elle pas intrinsèquement à un jugement porté sur le présent ? En tant que telle, l’idée de décadence peut-elle être objective ou, au contraire, la décadence n’est-elle que l’affirmation d’une conception tragique de l’histoire qui peut, malgré tout, motiver une quelconque forme d’espoir ?
tout organisme vivant est voué à perdre, tôt ou tard, cette dynamique
Rudolf CLAUSIUS (1822-1888) : « Le désordre d’un système isolé ne peut qu’augmenter dans le temps. » qui corrige le principe de Carnot. En effet, il y a conservation, certes, de l’énergie, mais accompagnée de sa dégradation.
PLATON, La République, 546a : « Tout ce qui naît est sujet à corruption. »
La conception nécessaire de la décadence s’applique aux systèmes politiques
St-Augustin d’HIPPONE, Sermons sur la chute de Rome, :
« Le monde est comme un homme : il naît, il grandit, il meurt. »
« Cependant Dieu a créé pour toi un monde destiné à s’écrouler et c’est pourquoi il t’a créé comme devant mourir. Oui, cet homme, ornement de la cité, cet homme qui l’habite, la dirige, qui gouverne la cité, est ainsi venu pour s’en aller, est ainsi né pour mourir, est ainsi entré pour passer. Le ciel et la terre passeront ; quoi d’étonnant qu’une ville finisse un jour ? Et s’il se trouve qu’elle ne finisse pas maintenant, elle ne manquera pas de finir un jour ? »
Oswald SPENGLER, Le déclin de l’Occident : « Le déclin de l’occident ne signifie rien de moins que le problème de la civilisation […] Qu’est-ce que la civilisation, considérée comme la conséquence organique et logique d’une culture, comme son achèvement et sa propre fin. »
La décadence un concept avant tout moral issu de la modernité
Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur les sciences et les arts, 1750 : « Nos âmes se sont corrompues à mesure que nos sciences et nos arts se sont avancés à la perfection … On a vu la vertu s’enfuir à mesure que leur lumière s’élevait sur notre propre horizon, et le même phénomène s’est observé dans tous les temps et tous les lieux. »
Pierre CHAUNU, Histoire et décadence : « Pour qu’il y ait place pour la décadence, il faut qu’il y ait le progrès. Et pour qu’il y ait décadence et progrès, il faut une longue cohabitation, un important brassage entre les deux notions et pratiques du temps, le temps vectoriel de l’évidence psychologique et de l’eschatologie chrétienne, le temps cyclique de la nature et de la pensée païenne antique (…) La décadence est un cadeau de la modernité. »
la décadence est aussi ambivalence poétique porteuse d’espoir
Les tableaux “caprici” de Hubert Robert : ruines imaginées de la Rome antique qui annonce le goût qui s’panouit au 18e s, en référence aux idées humanistes et philosophiques de retour à l’état de nature, chères à Rousseau
la décadence est une “grandeur dissidente”, i.e. une concentration sur la sphère esthétique et artistique au détriment de la dimension politique
Claude-Marie SENNINGER, Baudelaire par Gautier, 1986: “à nos yeux, ce qu’on appelle décadence est au contraire maturité complète, la civilisation extrême, le couronnement des choses”
Pierre GRIMAL, La civilisation romaine, 1981 : la décadence romaine correspond à une « période de grande richesse culturelle ».
Pierre CHAUNU, Histoire et décadence, p. 284 : « Rome reste donc dans la mémoire culturelle de l’Occident comme un rêve. Rome ou le rêve de l’unité. C’est moins la culture que l’empire que l’on regrette. Rome, en vérité, est associée, dans l’imaginaire de la plus vieille souche culturelle, au mythe de l’un. »
la décadence se revendique comme la critique de la modernité politique d’un pdv moral et politique (nouvelles valeurs, individualisme)
Nietzsche, Par delà bien et mal : Le problème de la décadence moderne réside dans le refus de la « hiérarchie naturelle », faisant advenir une morale des esclaves
Oswald Spengler, Le déclin de l’occident : la tragédie de la culture vient également de la montée de l’individualisme et de l’atomisation de la société qui s’ensuit. L’erreur de l’humanisme rationaliste a été de fonder sa vision du monde sur l’individu, ses droits, sa liberté et son épanouissement. La masse des métropoles mondiales n’est que la somme des égoïsmes individuels. »
Hippolyte TAINE, Les origines de la France contemporaine, 1875 : « la Révolution française prend les dimensions d’un « véritable désastre culturel » : elle s’explique par la revanche des petits et des faibles sur les grands et les puissants, par une réaction plébéienne contre les maîtres naturels. La chute de « la vieille France » a été l’aboutissement de la démission des élites devant la « vile populace » (ndlr : dont la terreur est emblématique de la fureur destructrice. »
la décadence est la sanction du tribunal de l’histoire contre l’incapacité du politique
MACHIAVEL, Discours sur la première décade de Tite-Live: « C’est de là que viennent pour nous les inégalités de la fortune : les temps changent et nous ne voulons pas changer. De là vient aussi la chute des cités, parce que les Républiques ne changent pas leurs institutions avec le temps. »
Marc BLOCH, L’Étrange défaite, 1946 : « Jusqu’au bout, notre guerre aura été une guerre de vieilles gens ou de forts en thèmes, engoncés dans les erreurs d’une histoire comprise à rebours : une guerre toute pénétrée par l’odeur de moisi qu’exhalent l’École, le bureau d’état-major du temps de paix ou la caserne. Le monde appartient à ceux qui aiment le neuf. C’est pourquoi, l’ayant rencontré devant lui, ce neuf, et incapable d’y parer, notre commandement n’a pas seulement subi la défaite ; pareil à ces boxeurs, alourdis par la graisse, que déconcerte le premier coup imprévu, il l’a acceptée. »
HEGEL, Principes de la philosophie du droit, §323, 1820 : la « santé morale » des peuples (« Sittlichkeit ») se vérifie inéluctablement dans l’épreuve collective qu’est la guerre.
enquête sociologique qui montre que chaque groupe étudié semble habité par une peur majeure
Jérôme Fourquet, L’archipel français : l’immigration pour les populations rurales, le déclassement pour les classes moyennes, le réchauffement climatique pour les jeunes générations