Famille et générations Flashcards
3 définitions de génération
- Au sens familial : ensemble d’individus au sein d’une lignée, par rapport aux parents, aux enfants ou aux collatéraux
- Au sens démographique ou sociologique : synonyme de cohorte pour qualifier ensemble d’individus nés la même année et qui auront donc le même âge tout au long de leur vie, partageant en général certaines références culturelles et un même air du temps
- Au sens historique : groupe d’individus sensiblement du même âge qui, par son expérience face à des évènements marquants, ou dans le cadre d’un conflit aigu avec une autre génération, fabrique une véritable identité collective
Les sociétés donnent leur sens à ces différents âges en organisant des rites de passage
Arnold van Gennep, Les rites de passage, 1909 :
par-delà leur diversité, les rites de passage suivent le même schéma ternaire : les individus sont isolés, obligés un temps de vivre à l’écart, le cas échéant surmontant des épreuves, enfin réintégrés dans le groupe, après avoir été symboliquement transformés.
Recul de ces rites en France (fin du service militaire, des bizutages, etc.)
La révolte contre le père a longtemps constitué la forme classique du choc des générations
2 refs mythologie et un tableau
1 ref de l’époque contemporaine
- Mythologie : Œdipe et Laïos, Chronos et Ouranos, etc.
- Goya, Saturne dévorant un de ses fils : Saturne mange sa progéniture par nécessité ; s’il ne le fait pas, c’est lui qui périra
- Sigmund Freud,
- Totem et tabou (1913) : mythe de la horde primitive qui proscrit l’inceste et le parricide
- Malaise dans la civilisation (1929) : lien qui existe entre le père symbolique et les fonctions psychologiques de la religion. Dieu est en réalité l’image du père dans le ciel. L’ambivalence des fidèles, qui alternent à l’égard de Dieu amour et colère ou peur et admiration, n’est que la répétition mimétique de l’ambivalence du complexe paternel
L’individualisme contemporain remet en cause le rôle et le fonctionnement traditionnel de la famille
Gilles Lipovetsky, Le crépuscule du devoir, 1992 : « Loin d’être une fin en soi, la famille est devenue une prothèse individualiste, une institution où les droits et désirs subjectifs l’emportent sur les obligations catégoriques. Longtemps, les valeurs d’autonomie individuelles ont été assujetties à l’ordre de l’institution familiale. Cette époque est révolue : la puissance décuplée des droits individualistes a dévalorisé tant l’obligation morale du mariage que celle de procréer en grand nombre. Les parents se reconnaissent certes des devoirs envers leurs enfants : pas au point toutefois de rester unis toute leur vie et de sacrifier leur existence personnelle. Telle est la famille postmoraliste que l’on construit et reconstruit librement, le temps que l’on veut, comme l’on veut. […] L’institution ‘‘obligatoire’’ s’est métamorphosée en institution émotionnelle et flexible. »
il est désormais impossible de fonder le pouvoir sur la tradition
Hannah Arendt, La crise de la culture : une brèche s’est ouverte entre le passé et l’avenir , c’est-à-dire sur le legs de générations antérieures. A l’échelle de la société, il y a une crise généralisée de la transmission : la « tyrannie des pairs » a remplacé la « tyrannie des pères »
exemples de l’intervention croissante des politiques publiques sur la famille
quotient familial, aides à la petite enfance, avantages et cartes séniors, prêts étudiants
Les sociétés modernes tendant à réduire la place accordée à la mort et aux rites funéraires, qui scandaient la succession des générations
Philippe Ariès, Essai sur l’histoire de la mort en Occident du Moyen-Âge à nos jours, 1975 : « la mort à l’hôpital n’est plus l’occasion d’une cérémonie rituelle que le mourant préside au milieu de l’assemblée et de ses parents et amis […]. La mort est un phénomène technique obtenu par l’arrêt des soins ». => 60% de la population meurt en établissement de santé
Après le trépas, la plupart des rites qui entouraient la mort ont disparu : funérailles discrètes, condoléances simplifiées, pudeur du deuil, injonction aux survivants de « refaire leur vie » le plus vite possible
Un véritable culte de la jeunesse s’est imposé dans nos sociétés, qui traduit moins une nostalgie de l’insouciance des commencements de la vie qu’une volonté de reculer le plus longtemps possible l’inévitable vieillissement naturel
2 refs
- Les métamorphoses d’Ovide
- Oscar Wilde, Le portrait de Dorian Gray, 1890 : « Comme c’est triste ! Je vais devenir vieux, horrible, effrayant. Mais ce tableau n’aura jamais un jour de plus qu’en cette journée de juin… Si seulement ce pouvait être le contraire ! Si c’était moi qui restais jeune, et que le portrait lui vieillit ! Pour cela, pour l’obtenir je donnerais tout ce que j’ai ! »
il montre que les inégalités entre les classes d’âge sont particulièrement fortes dans notre société, en raison d’une triple causalité
Louis Chauvel, Le destin des générations, 1998 :
Economique, tout d’abord, car la fin des Trente Glorieuses marque une rupture : tout est plus difficile après 1975, notamment l’accès aux diplômes, à l’emploi et au logement ;
Démographique, ensuite, car la population des pays développés se caractérise par un déséquilibre croissant ;
Ecologique, enfin, car l’accumulation du CO2 dans l’atmosphère, notamment en raison des rejets massifs survenus à partir de 1945, l’épuisement de certaines ressources naturelles et le déclin de la biodiversité dessinent pour les générations futures un avenir biens moins riant (émergence de la figure de Greta Thunberg).
les représentations symboliques très positives qui entourent la jeunesse contrastent fortement avec le sort qui est réellement réservé aux jeunes par nos sociétés, qui font face à une précarité eco, soc et psycho indéniable
2 études
- OFCE, 2011 : toutes choses égales par ailleurs, les jeunes paient plus d’impôt que les seniors parce que les revenus du travail sont plus taxés que ceux du patrimoine, parce que la consommation est plus taxée que la rente, parce que les cotisations pesant sur le travail sont élevées, parce que les anciens sont plus riches et que le taux d’imposition réel décroît à cause des niches et optimisations fiscales, etc.
- CEVIPOF, 2016 :
- 53% des 18-34 ans ont le sentiment que leur existence sera « plutôt pire » que celle que leurs parents ont menée ;
- 20% des décès des 16-24 ans sont des suicides ;
- Les jeunes, désabusés de la politique et régulés par la famille et les systèmes sociaux, se taisent et subissent en silence
Les différentes générations peuvent s’opposer par des systèmes de valeur incompatibles ou par des intérêts objectivement divergents
1 stat + 1 ref
- Les > 65 ans = 20% de la popu mais 1/3 des votants
Jérôme Fourquet, L’archipel français, 2019 : « [Les] retraités, relativement aisés en majorité, se comportent de façon générale comme les actionnaires de l’entreprise France : ils applaudissent ceux qui proposent des réductions de coûts et de dépenses pour assurer le versement des dividendes (en l’espèce, leurs pensions de retraite), la stabilité financière de l’entreprise garantissant leur capital (en l’espèce, leur patrimoine). C’est ainsi que différents sondages témoignent d’un décrochage très net entre l’opinion des retraités (et a fortiori de ceux qui bénéficient d’un assez bon niveau de vie) et le reste de la population sur tous les projets de réformes libérales ».
On constate encore heureusement de multiples formes de solidarité entre les générations
1 ref et 2 exemples
Drees, 2018 : 19% des grands-parents gardent leurs petits-enfants de manière régulière, 15% uniquement pendant les vacances et les week-ends et 32% en dépannage à tout moment de l’année
De façon générale, l’indifférence ne prévaut pas entre les générations. Le drame de la canicule de 2003 a suscité un scandale national. Des jeunes ont participé aux mobilisations contre les réformes des retraites successives, ce qui a parfois été moqué, mais qui témoigne peut-être d’une sorte de solidarité intergénérationnelle
le souci des générations futures doit guider les politiques publiques
Hans Jonas, Le principe responsabilité, 1979
3 axes pour renforcer les solidarités intergénérationnelles
- Mieux soutenir les actions de solidarité entre les générations (refonte du service national universel, système d’épargne orienté vers la solidarité intergénérationnelle, reconnaissance du rôle des aidants familiaux, etc.)
- Favoriser la mixité intergénérationnelle dans toutes les opérations d’urbanisme (mixité générationnelle, équipements publics intergénérationnels, etc.)
- Favoriser la transmission et le partage de l’expérience entre les plus âgés et le plus jeunes (meilleur emploi des seniors, dispositifs de tuilage au sein des entreprises, renforcement des stages et apprentissages, soutien effectué par des retraités à l’école, etc.)
