Leçon 2 Flashcards

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Q

La notion de territoire et ses subdivisions

A

La première composante d’un Etat est le territoire. Les frontières du territoire belge furent fixé par des traités internationaux. Dans les premières années qui suivirent sont indépendance, la Belgique comprenait, outre le territoire actuel, ce que sont devenus le Limbourg hollandais et le grand-duché de Luxembourg. Cet ensemble de territoire perdura jusqu’en 1839, lorsque les Pays-Bas et la Belgique conclurent à Londres le Traité des 24 articles consacrant l’abandon par la BE du Limbourg hollandais et du grand-duché de Luxembourg actuels.

Cette amputation d’une partie du territoire fit naître un groupe de personnes fort mécontentes clamant que ce Traité était inconstitutionnel. Ils faisaient valoir que la Constitution avait déterminé les parties constitutives de la BE et que toute modification de celles-ci impliquait le respect de la procédure de révision constitutionnelle. Cependant, les chambres refusèrent de se rallier à ce point de vue, invoquant les articles 3 et 167, §1er, al. 3 de la Constitution qui dictent que les modifications des frontières ne peuvent être opérées qu’en vertu d’une loi, et qu’une révision constitutionnelle n’est donc pas nécessaire.

Après la Première Guerre mondiale, en application du Traité de Versailles, approuvé par la loi du 15 septembre 1919, le territoire national s’accrut de cantons cédés par l’Allemagne et du territoire neutre de Moresnet.

La Constitution détermine également les subdivisions du territoire: régions linguistiques, provinces, communes. Le territoire est ainsi morcelé en 4 régions linguistiques, 10 provinces et 581 communes, dont 19 à Bruxelles.

Les régions linguistiques, dont l’existence est consacrée à l’article 4, Const., s’analysent comme une simple division du territoire. Elles ne sont pas pourvues d’une organisation politique propre mais permettent de définir l’aire de compétence des Communautés française, flamande et germanophone, et assurent une division du territoire en trois régions unilingues et en une région bilingue, permettant la mise en œuvre de la législation linguistique et le tracé d’une frontière linguistique. Chaque commune du royaume doit faire partie de l’une de ces régions linguistiques, dont les limites ne peuvent être modifiées que par une loi spéciale.

Les provinces ont, quant à elles, une double fonction. D’une part, elles sont de véritables collectivités politiques dotées d’organes propres, et notamment d’une assemblée élue au suffrage universel direct et d’un organe exécutif. D’autre part, en vertu de l’art. 5, Const., elles permettent de définir le territoire des Régions wallone et flamande. En revanche, le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale est lui identifiable que par soustraction des Régions wallone et flamande à l’ensemble du territoire national. Le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale se confond en fait avec la région bilingue de Bruxelles-Capitale et est, par ailleurs, le seul qui ne soit pas intégré au sein d’une province.

Avant la 6e réforme de l’Etat, les régions, compétentes en matière de pouvoirs locaux, ne pouvaient ni supprimer, créer ou remplacer les provinces par de nouvelles institutions. Et si les auteurs de la 6e réforme n’ont pas décidé de supprimer les provinces, ils ont n’empêche créé un contexte juridique permettant aux régions d’atteindre cet objectif. Les art. 41 et 162, Const. ont, en effet, été modifiés afin de permettre aux régions, par décret spécial, de les supprimer, et, le cas échéant, de les remplacer par des collectivités supracommunales. Cependant, s’il est opté pour la création de collectivités supracommunales, celles-ci doivent être dotées d’un statut constitutionnel identique à celui des provinces. E, particulier, elles doivent être pourvues d’une assemblée dont les membres sont élus au suffrage universel direct, être appelées à régler toutes les matières relevant de l’intérêt supracommunal et bénéficier, en vertu de l’art. 173, Const., d’un pouvoir fiscal propre. Dans l’hypothèse où les provinces seraient supprimées par les régions, elles subsisteraient néanmoins, à l’instar des régions linguistiques, comme des subdivisions territoriales. De même, un gouverneur qui aura la qualité de commissaire du gouvernement sera conservé afin de remplir les missions confiées par l’autorité fédérale ou les communautés.

La deuxième composante de l’Etat est l’existence d’un peuple. Il doit s’agir d’une population d’une proportion suffisante qui réside sur le territoire de l’Etat et qui est la destinataire première des règles édictées par les organes de celui-ci. Toutefois, il est impossible de chiffrer le seuil minimal de population qui permet d’affirmer qu’un Etat existe. Les habitants d’un Etat ont le sentiment d’appartenir à une même entité et la volonté de contribuer à former cette entité. Une population animée de tels sentiments forme une nation. A savoir “un groupe d’hommes qui, quelle que soit leur langue, leur religion, sont animés d’une volonté de vie commune, d’un sentiment patriotique, de la conviction de former un groupe humain, particulier, original”. Dans un Etat plurinational, plusieurs groupes nationaux coexistent. Tel est le cas, par exemple, de la BE, la France ou l’Allemagne, qui ont intégré des populations immigrées en leur accordant la nationalité.

L’élément caractéristique de la nation est la volonté de vivre ensemble sous une même autorité, auquel il convient d’ajouter un sentiment d’appartenance à une collectivité. Il n’y a donc pas forcément coïncidence entre les concepts d’Etat et de nation. Cette dernière est avant tout une notion sociologique qui échappe à toute définition juridique alors qu’il est possible de donner une définition juridique de l’Etat. Cependant, lorsque les concepts d’Etat et de nation coïncident, le droit apparaît comme le ciment de ce sentiment commun d’appartenance.

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Q

Le service public et les lois du service public

A

La troisième composante de l’Etat est l’existence d’un pouvoir, c’est-à-dire, une dissociation dans la population entre un groupe de gouvernants et un groupe de gouvernés. Cette notion est inséparable, dans un régime démocratique, des concepts de ‘puissance publique’ et de ‘service public’. Les gouvernants, incarnant la puissance publique afin de produire des services publics, sont les producteurs des règles de droit, tout en étant soumis à celles-ci. La notion de service public peut être entendue dans un sens fonctionnel ou dans un sens organique.

Dans un sens fonctionnel, elle désigne une activité, une mission, la finalité de l’action des gouvernants. Il s’agit des moyens qui doivent être mis en œuvre afin de réaliser une mission d’intérêt général, et cela indépendamment de l’organe qui l’assume (ex.: la mission de construire des logements sociaux et de les donner en location à des taux inférieurs à ceux du marché, l’organisation des enseignements primaire, secondaire et universitaire, l’exploitation des transports en commun, etc.).

Dans un sens organique, le service public vise non plus seulement une mission, mais un organisme qui l’assume. Celui-ci, dans le cadre d’une décentralisation par service, doit avoir été créé et organisé par les gouvernants afin de réaliser une mission d’intérêt général (ex.: l’Office National de Sécurité Sociale (O.N.S.S.), les TEC, la STIB, les hôpitaux publics). Il s’agit également des entreprises publiques comme la Poste, la S.N.C.B. ou la R.T.B.F.

Trois grandes lois, qui s’analysent comme des principes généraux de droit, régissent l’organisation et le fonctionnement des services publics.

Il s’agit, tout d’abord, de la loi de continuité qui propose le fonctionnement régulier et continu du service public. Ce principe entraîne certaines conséquences:

  • Un gouvernement démissionnaire ne cesse pas totalement ses activités, puisqu’il doit gérer les affaires courantes
  • Lorsque le mandat d’un agent est venu à terme, il est, le plus souvent, tenu d’exercer ses fonctions jusqu’à son remplacement
  • Lors de circonstances exceptionnelles, lorsque les autorités constituées sont incapables d’exercer leurs fonctions, les actes accomplis par des personnes non investies ou irrégulièrement investies, seront considérées comme valables.
  • Un service public ne peut jamais être déclaré en faillite
  • Le droit de grève n’est pas interdit dans la fonction publique, mais dans les services sensibles liés à la sécurité (pompiers, services de police, prisons, hôpitaux publics, etc.), un service de permanence doit être mis en place. Ce droit est, cependant, toujours dénié aux militaires.

La deuxième loi du service public est celle du changement ou de la mutabilité. L’autorité publique peut, en effet, modifier le statut, le fonctionnement et l’organisation du service public pour les adapter aux exigences de l’intérêt général. Il en résulte, par ex., que:

  • Les fonctionnaires sont soumis à un statut, mais n’ont aucun droit au maintien de celui-ci. Pour autant que l’intérêt général soit en cause et dans le respect des principes d’égalité et de proportionnalité, l’autorité peut modifier unilatéralement les termes du statut (pension, horaires de travail, etc.). Le CE rappelle “qu’en vertu de la loi du changement, l’autorité, qui fixe unilatéralement le statut des agents, en ce compris, notamment, les conditions de nomination, peut, dans l’intérêt général, modifier pour l’avenir ses règles d’organisation et de fonctionnement; que, sauf, disposition contraire, il n’existe pas de droit acquis au maintien des avantages accordés par un statut”, ce que confirme aussi la Cour de cassation.
  • L’autorité peut, à tout moment, modifier unilatéralement les conditions d’exploitation d’un service public, quitte à indemniser le concessionnaire ou à renoncer à une procédure d’attribution d’un marché public.

Enfin, la troisième loi du service public est la loi d’égalité. A la différence d’une entreprise privée, un service public ne peut moduler ses conditions d’intervention ou la refuser en fonction de la personnalité de son interlocuteur. Cela ne signifie pas pour autant que des différences de traitement ne peuvent pas être établies entre différentes catégories de citoyens, lorsque cette différence est justifiée, comme c’était le cas dans l’arrêt Van Cauter. Le principe d’égalité implique également l’égalité des usagers devant les charges du service public, et notamment l’égalité devant l’impôt consacré par l’art. 172, Const.

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Q

Les privilèges de la puissance publique

A

La mise en œuvre des lois du service public entraîne, dans le chef de l’autorité publique, le bénéfice de privilèges.

Le privilège du préalable contraint les particuliers à se plier aux décisions de l’autorité publique, quitte à remettre en cause, par la suite, leur légalité devant la juridiction compétente. Le CE a, à plusieurs reprises, relevé que le privilège du préalable impose à l’administré de se soumettre à une décision administrative, fût-elle illégale, et cela tant qu’elle n’a pas été suspendue ou annulée par lui-même. On peut citer, à titre d’exemples, l’affaire Taymans et l’affaire du foulard.

On peut déduire de ces arrêts que le CE admet qu’il soit dérogé au privilège du préalable lorsque l’administré doit se soumettre à une décision manifestement illégale de l’administration. Cependant, au moment de prendre cette attitude, celui-ci n’a pas l’assurance que la juridiction qui aura à connaître du litige considérera, comme lui, que l’illégalité en cause est manifeste. C’est donc toujours à ses risques et périls qu’il décidera de ne pas se soumettre à la décision de l’autorité.

Le privilège de l’immunité d’exécution, qui est une conséquence directe de la loi de continuité, interdit de prendre à l’égard d’une autorité publique des mesures d’exécution forcée. Il est donc, en principe, interdit de procéder à une saisie à l’égard des biens de l’autorité publique (art. 1412bis, CJ). En effet, les biens de l’Etat, des régions, des communautés, des pouvoirs locaux, des organismes d’intérêt public et généralement des personnes morales de droit public sont insaisissables. Cependant, les personnes morales de droit public sont appelées à dresser une liste de leurs biens saisissables. A défaut de liste ou si les biens qui y figurent ne suffisent pas à désintéresser les créanciers, ceux-ci peuvent saisir les biens qui ne sont manifestement pas utiles pour l’exercice de leur mission ou pour la continuité du service public. La personne publique peut cependant, dans cette hypothèse, faire encore opposition et offrir aux créanciers d’exercer leurs poursuites sur d’autres biens.

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La séparation des pouvoirs

A

L’exercice efficace de la puissance publique exige que les fonctions de l’Etat soient réparties entre divers acteurs, autorités ou pouvoirs, tel est le concept de la séparation des pouvoirs.

Ce principe se fonde sur l’idée qu’il faut empêcher un seul organe, ou un seul groupe d’organes, de cumuler l’ensemble des compétences de la puissance publique, comme c’était souvent le cas à l’époque des monarchies absolues. Avec l’accroissement et la multiplication des tâches de l’Etat, la répartition des missions entre plusieurs acteurs devient techniquement indispensable. Cette diversification des tâches n’implique pas forcément que les pouvoirs soient séparés, car une même autorité peut contrôler en fait le fonctionnement de plusieurs institutions. La Chine et la Corée du Nord, aujourd’hui, en sont des exemples. Au-delà de cette nécessité technique, la spécialisation du pouvoir est une règle d’organisation de l’Etat favorisant le respect des droits et des libertés des gouvernés.

Selon Montesquieu, il est indispensable que les trois pouvoirs retrouvés dans chaque Etat — les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire — soient confiés à des organes différents. Il démontre que le cumul de deux, voire tous, pouvoirs, débouche inévitablement sur le despotisme : la dictature/tyrannie. La fragmentation du pouvoir permet, au contraire, d’organiser, entre les différentes branches de la puissance publique, un équilibre qui sauvegarde la liberté individuelle.

La séparation des pouvoirs n’est pas formellement consacrée par la Constitution. En revanche, selon le procureur gén. près la Cour de cassation, Jean-François Leclercq, il peut être déduit un principe général du droit de la séparation des pouvoirs des art. 33 à 41, et plus généralement, de l’ensemble de la Constitution.

La séparation des pouvoirs peut être conçue de manière étanche ou de manière poreuse. Ainsi, dans les régimes parlementaires, l’équilibre des pouvoirs s’est progressivement substitué à la séparation stricte des pouvoirs. En effet, la séparation n’est plus conçue comme un cloisonnement étanche des différentes activités de l’Etat. Il existe bien une spécialisation des fonctions, mais certains chevauchements sont organisés en vue d’assurer entre les différents pouvoirs une collaboration nécessaire au bon fonctionnement de la puissance publique. Les art. 36, 37 et 40, al. 2, Const. révèlent que le Roi intervient, d’une manière ou d’une autre, au sein de chacun des trois grands pouvoirs fédéraux. On débouche ainsi sur un système de freins et contrepoids. Il en va tout particulièrement ainsi de la responsabilité des gouvernements devant les parlements.

Le pouvoir judiciaire est, en BE, de loin le pouvoir le plus indépendant. Cependant, il existe plusieurs nuances, comme l’art. 84, Const., par exemple. Par ailleurs, l’art. 151 de la Constitution, après avoir affirmé l’indépendance des juges et du MP, indique que le ministre de la Justice dispose du droit d’ordonner des injonctions positives au MP. La même disposition confie au Conseil supérieur de la Justice diverses missions, et notamment celle de recevoir et d’assurer le suivi des plaintes relatives au fonctionnement de l’ordre judiciaire, et celle d’engager des enquêtes sur le fonctionnement de l’ordre judiciaire. L’art. 153 permet au gouvernement de se faire entendre au cours des débats judiciaires par l’intermédiaire du MP. Le pouvoir exécutif peut, en vertu de l’art. 110, remettre ou réduire les peines prononcées par les juges et réfréner ainsi la sévérité excessive du pouvoir judiciaire à l’égard des délinquants. Enfin, les commissions d’enquête parlementaires peuvent contraindre des magistrats à témoigner devant elles et enquêter, en vertu de l’art. 56, sur les dysfonctionnements du pouvoir judiciaire.

L’art. 159 témoigne également de la manière dont un pouvoir peut en arrêter un autre. Les juges doivent, en effet, refuser d’appliquer les actes des pouvoirs exécutifs qui seraient entachés d’illégalité. La création, en 1946, du CE part de la même logique, le CE pouvant annuler les actes et règlements des autorités administratives et d’autres autorités, y compris ceux qui sont pris par le Roi ou par les gouvernements régionaux et communautaires. Il en va de même pour la CC à l’égard de l’œuvre du législateur. Et dans le même esprit, la jurisprudence a permis aux tribunaux de refuser d’appliquer une norme législative contraire au droit international ayant des effets directs en droit interne.

Les idées de Montesquieu datant du 18e siècle, certaines d’entre elles ne sont plus tellement actuelles au fonctionnement des Etats modernes. L’accroissement des tâches de l’Etat et la diversification de ses organes font qu’ils n’est plus possible de ne considérer, dans l’organisation politique, que trois blocs d’organes, ni de ne trouver de garantie efficace contre les excès d’un pouvoir que dans l’intervention de l’un des deux autres.

En outre, certaines institutions ne peuvent se situer dans le cadre des trois pouvoirs traditionnels. Ainsi, on a longtemps considéré le CE comme un rouage de l’Exécutif. Or la Const. révèle non seulement qu’il s’agit d’une juridiction au même titre que les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire ou la CC, mais encore qu’il est indépendant du pouvoir exécutif, qu’il soit fédéral, régional ou communautaire. De même, la CC échappe également aux classifications traditionnelles. Il s’agit d’une juridiction suprême, compétente pour assurer le respect de règles prises au titre de l’Etat global. Enfin, le Conseil supérieur de la justice ne fait partie ni du pouvoir exécutif, ni du pouvoir judiciaire sur l’action duquel il doit notamment exercer un contrôle externe.

On pourrait dès lors, dans l’état actuel de notre Etat, évoquer le pouvoir des partis politiques, des mutualités qui participent à la gestion du secteur des soins de santé, ou encore, des syndicats qui, avec les représentants du patronat, cogèrent en BE la sécurité sociale. Il serait ensuite possible d’expliquer, en marge du texte constitutionnel, le fonctionnement de la démocratie sur la base de trois pouvoirs que seraient le pouvoir politique, le pouvoir juridictionnel et le pouvoir des médias.

Dans une vision rafraîchie de la séparation des pouvoirs, on ne peut plus opposer les pouvoirs législatif et exécutif. Le Parlement ne contrôle plus le gouvernement, comme c’était le cas à un stade antérieur de l’évolution du régime parlementaire. Le gouvernement et sa majorité parlementaire constituent ensemble le pouvoir politique, lequel est soumis à trois types de contrôle politique:

  • un contrôle de l’opposition s’exprimant au Parlement et dans les médias;
  • un contrôle des médias s’exprimant dans l’audiovisuel, la presse écrite, les réseaux sociaux ou Internet; et,
  • un contrôle externe des partis de la majorité sur la politique du gouvernement.

Si l’un d’entre eux retire sa confiance au gouvernement et si celui-ci perd sa cohésion interne, il sera contraint à la démission.

Le pouvoir politique, qu’il traduise son action dans des actes exécutifs ou législatifs, est également contrôlé par un pouvoir juridictionnel constitué, outre de juridictions internationales, par les juridictions judiciaires, administratives, ainsi que par le CE et la CC.

Le pouvoir des médias et le pouvoir juridictionnels n’échappent pas non plus à tout contrôle. En effet, les juridictions peuvent être appelées à sanctionner ou à engager la responsabilité des médias. De même, les juridictions elles-mêmes sont non seulement contrôlées par des juridictions supérieures, éventuellement internationales, mais peuvent également faire l’objet d’un contrôle par les médias ou, dans des cas d’exception, par les parlements, à l’intervention de commissions d’enquête. Cependant, il est un fait que le pouvoir le plus contrôlé est bien le pouvoir politique et le moins contrôlé est le pouvoir juridictionnel.

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Q

Le régime présidentiel

A

La caractéristique essentielle du régime présidentiel n’est pas le fait qu’un président soit élu au suffrage universel, mais tient plutôt dans le fait que les ministres ne sont pas responsables devant le Parlement. Ils ne sont responsables que devant le président et ne dépendent que de lui, instaurant une hiérarchie. De même, dans ce système fondé sur une stricte séparation des pouvoirs, le président ne dispose pas du pouvoir de dissoudre les chambres.

Aux Etats-Unis, le président et le Congrès disposent, cependant, l’un à l’égard de l’autre, de moyens d’action. Le président peut opposer son véto à une loi qui, pour entrer en vigueur, doit alors être votée à la majorité des deux tiers dans chaque chambre. Le Congrès crée, notamment, des commissions d’enquête dont le rôle peut être prédominant, par ex., pour se pencher sur les causes des attentats du 9/11 (11 septembre 2001). Le Sénat, quant à lui, dispose du pouvoir d’approuver certaines nominations présidentielles, notamment celles des juges à la Cour suprême et des membres du cabinet. Il lui appartient, par ex., de confirmer la nomination du directeur de la CIA. Le Congrès peut aussi mettre en œuvre la procédure d’impeachment qui ne vise pas réellement à engager la resp. politique du président, mais plutôt sa resp. pénale. Cette procédure politico-pénale a été engagée à quatre reprises dans l’histoire des Etats-Unis.

En 1868, le Président Andrew JOHNSON est acquitté à une voix près. La procédure est alors engagée pour des motifs strictement politiques, le Président étant en conflit ouvert avec le Congrès pour avoir révoqué un ministre qui lui avait été imposé par le Congrès. En 1972, Richard NIXON, impliqué dans l’affaire du Watergate, démissionne avant que la Chambre ne vote les articles de mise en accusation (articles d’impeachment), adoptés déjà par la commission judiciaire au sein de cette même assemblée. En 1998-1999, le Président Bill CLINTON fait également l’objet d’une procédure d’impeachment. Il lui est reproché de s’être rendu coupable d’obstruction à la justice, de parjure et de subornation de témoins dans le cadre d’une affaire relative à une relation extra-conjugale entretenue avec une stagiaire de la Maison Blanche, Monica LEWINSKY. Après avoir entendu les arguments respectifs du procureur indépendant Kenneth STARR et des défenseurs du Président, la commission judiciaire de la Chambre adopte quatre articles de mise en accusation. La Chambre, dont les membres sont majoritairement républicains, renvoie le Président démocrate devant le
Sénat pour deux articles de mise en accusation, à savoir le parjure et les manœuvres d’obstruction à la justice. Lors du procès devant le Sénat, la majorité requise des deux tiers pour destituer le Président n’est pas atteinte. Il s’agit évidemment d’une issue heureuse à la suite d’une procédure qui, dans la culture juridique européenne, aurait été inconcevable. En effet, le droit au respect de la vie privée, consacré notamment par la Convention européenne des droits de l’homme, n’aurait pas permis d’interroger un responsable public sur sa vie sexuelle et partant il n’aurait jamais été mis en position de commettre les infractions dont le Président des États-Unis a été soupçonné. De surcroît, l’affaire Clinton a permis de démontrer le danger de cette procédure qui mélange des données politiques et pénales. En effet, les républicains, hostiles au Président, ne se sont pas comportés comme des juges impartiaux et indépendants, mais comme des acteurs politiques animés exclusivement par la volonté de le renverser. En 2019, Donald TRUMP est le quatrième président des États-Unis à faire l’objet de cette procédure. Il est mis en accusation par la Chambre des représentants
pour abus de pouvoir et entrave à la bonne marche du Congrès. Il est accusé d’avoir abusé de son pouvoir en faisant pression sur le président ukrainien pour qu’il ouvre une enquête judiciaire sur le fils de Joe BIDEN, qui deviendra son adversaire à l’élection présidentielle de 2020, et est accusé d’avoir entravé le travail de la commission d’enquête parlementaire, notamment en refusant de transmettre des documents et en empêchant ses collaborateurs d’être entendus par les députés. Le Sénat, cependant, majoritairement républicain, acquitte le Président.

Le régime présidentiel ne se caractérise pourtant pas par une étanchéité complète entre les pouvoirs. Si le Congrès a laissé échapper un certain nombre des prérogatives qui lui étaient attribuées par la Const., il ne se prive pas de ralentir, de modifier, voire de rejeter les projets de l’exécutif. On constate, en fait, une inversion du système tel qu’il était prévu par la Constitution. La plupart des lois importantes sont proposées par le président, et non par le Congrès, mais celui-ci exerce une sorte de veto implicite en évitant de se prononcer ou en rejetant les projets qui sont proposés par le président. En réalité, le Congrès peut bloquer impunément la politique du président, lequel doit souvent faire des contorsions pour amadouer ses membres, parfois un par un, pour atteindre ses objectifs.

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6
Q

Le régime parlementaire

A

Le régime parlementaire est né et s’est développé empiriquement àpd modèle du régime représentatif anglais. Les grandes étapes ont été les suivantes:

  • Dès 1215, la Magna Carta imposée à Jean sans Terre prévoit qu’aucune aide financière ne peut être accordée au Roi sans le consentement de la curia major, conseil royal composé des vassaux directs du Souverain.
  • A la fin du XIIIe siècle, les délégués des villes sont appelés à participer à cette assemblée qui prend le nom de Model Parliament.
  • Dans le courant du XIVe siècle, cette assemblée se divise. Une assemblée réunit les chevaliers représentant les comtés et les bourgeois des villes. Une autre assemblée réunit les barons et les ecclésiastiques. Il s’agit du prélude de la division du Parlement en Chambre des communes et Chambre des lords. Les pouvoirs du Parlement résident essentiellement dans le consentement qu’il donne à l’impôt.
  • Le XVIIe siècle est une période de conflits entre le Parlement et le Roi et de grande instabilité qui débouche sur la Révolution de 1688 et
    l’avènement de la dynastie des Hannovre, choisie par le Parlement. Le Roi, écrit Philippe LAUVAUX, « a perdu la qualité de source du pouvoir, devenant le premier représentant de la Couronne au Parlement, et c’est le principe de la représentativité qui s‘en trouve consacré ». À cette
    époque, les ministres restent subordonnés au Roi et ne sont pas responsables devant le Parlement.
  • Il faut attendre 1729 pour que le Premier ministre Robert WALPOLE s’assure de bénéficier tout à la fois de la confiance du Roi et du Parlement.
  • En 1742, soupçonné de corruption, WALPOLE fait l’objet d’une procédure d’impeachment mise en œuvre à son égard par le Parlement76. Anticipant son issue, il abandonne ses fonctions. La responsabilité politique du Premier ministre devant le Parlement existe donc alors à l’état embryonnaire.
  • Il faut, cependant, attendre 1782 pour qu’un Premier ministre, Lord NORTH, qui n’a fait qu’exécuter les ordres du Roi démissionne avec son gouvernement tout entier parce que le Parlement conteste la politique ainsi adoptée. Par cette démission collective, poursuit, Philippe LAUVAUX, «sont sanctionnés les principes naissants de responsabilité et de solidarité du ministère, qui sont les principes fondamentaux du parlementarisme».
  • Dès avant le milieu du XIXe siècle, le régime parlementaire a trouvé sa traduction définitive dans des textes constitutionnels durables. Le plus souvent - et tel fut le cas en Belgique - le parlementarisme a précédé la démocratie. Il recouvre, dès lors, des régimes assez différents, notamment en ce que leur fonctionnement est ou non déterminé par le principe démocratique. La théorie constitutionnelle exprime cette diversité de conceptions.

Le régime parlementaire s’est présenté, au cours des époques et de l’évolution des idées politiques, sous deux formes distinctes : le système classique ou dualiste et le système moniste.

La théorie classique - ou dualiste - se fonde sur le principe de l’égalité et de la collaboration des pouvoirs. La responsabilité gouvernementale et la dissolution sont les armes équivalentes qui permettent le maintien de l’égalité. Par la dissolution, le chef de l’État tranche les conflits entre le gouvernement et l’assemblée en tant qu’organe de l’Exécutif, mais en dehors de l’assemblée. Cette théorie est dite dualiste car elle se fonde sur une division du pouvoir exécutif en deux organes : le chef de l’État et le gouvernement. À tout moment, le gouvernement doit être investi de la confiance du chef de l’État, d’une part, et du Parlement, d’autre part. La caractéristique essentielle du système classique tient dans le rôle prédominant réservé au chef de l’État. Celui-ci dispose du droit de dissoudre l’assemblée et de mettre fin au mandat des ministres si ceux-ci perdent sa confiance. Il est donc érigé en arbitre suprême dans les relations qui se nouent entre le Parlement et le gouvernement. Par contre, malgré le réel pouvoir qui est le sien, aucun contrôle direct ne peut être exercé à son égard. Tout au plus, l’assemblée peut-elle engager la responsabilité de ses ministres.

La doctrine moniste se définit à partir d’un seul critère, à savoir la responsabilité du gouvernement devant le Parlement. Si elle rejette la dualité des pouvoirs, elle admet, néanmoins, la nécessité d’un dualisme des fonctions. Si le pouvoir exécutif doit être considéré comme un ensemble unique, il est nécessaire de maintenir le dualisme des fonctions dévolues respectivement au chef de l’État et au gouvernement. L’élaboration de la théorie moniste du régime parlementaire a coïncidé avec l’effacement progressif du parlementarisme dualiste. Les régimes parlementaires dualistes, en effet, se sont réduits en un équilibre entre la majorité parlementaire et le gouvernement qui en procède. Tel fut le cas en Angleterre depuis 1834 et en France depuis 1877. Ce phénomène s’est accentué avec l’instauration, dans de nombreux États, du suffrage universel, ce qui a accru la légitimité du Parlement et du gouvernement qui s’appuie sur une majorité au sein de celui-ci. Une telle évolution déboucha sur une diminution sensible des pouvoirs du chef de l’État qui, le plus souvent, n’était investi d’aucune légitimité démocratique.

Les deux théories ne sont pas inconciliables. Elles expriment, chacune, un moment de l’évolution du régime parlementaire. Aujourd’hui, cependant, le seul critère qui peut être valablement retenu est bien l’existence d’une responsabilité du gouvernement devant le Parlement.

Le choix d’un critère unique, implique l’existence d’une grande diversité de régimes parlementaires. Tel est par exemple le cas du système institutionnel français qui, contrairement à ce qu’a pu soutenir Maurice DUVERGER78, n’est pas un régime semi présidentiel - en raison de l’élection du Président au suffrage universel - mais bien, puisque le gouvernement est responsable devant l’assemblée, une variété de régime parlementaire. Tel est également le cas dans des États comme la Finlande, le Portugal, l’Islande, l’Autriche ou l’Irlande où l’élection directe du Président par les citoyens ne remet pas en cause le caractère parlementaire du régime. Dans de tels systèmes, le pouvoir et l’autorité du chef de l’État sont accrus - avec une intensité qui varie selon les États - puisque, à l’inverse de la situation prévalant dans les systèmes monarchiques, il bénéficie d’une légitimité démocratique.

À côté des régimes parlementaires traditionnels, il existe des systèmes fondés sur le parlementarisme rationalisé. Ils se caractérisent par la volonté d’assurer une plus grande stabilité de l’Exécutif en rendant plus difficile la mise en œuvre de sa responsabilité devant le Parlement. L’article 67 de la loi
fondamentale allemande - qui constitue la première expression de ce système - consacre l’existence de la motion de méfiance constructive : le Bundestag ne peut manifester sa méfiance à l’égard du chancelier qu’en élisant son successeur à la majorité de ses membres et en invitant le Président à relever le chancelier de ses fonctions. Le Président doit se conformer à cette décision et nommer le chancelier élu.

Aujourd’hui, malgré des façades dualistes, la plupart des régimes parlementaires sont monistes. Il est remarquable que les constitutions japonaise (1946), italienne (1947) et allemande (1948) n’accordent au chef de l’État, qui n’est pas élus directement par le peuple, que des attributions formelles.

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7
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CE n°117.851 du 1 avril 2003, Van Cauter - trib. électorale BUB

A

Le CE a été saisi d’un recours mis en œuvre par le président du parti B.U.B (Belgische Unie - Union belge) contre la décision de la R.T.B.F. de ne pas accorder à son parti, pendant la campagne électorale, un temps d’antenne égal ou quasiment égal à celui consenti aux grands partis. Ce recours se fondait notamment sur le principe d’égal accès aux médias publics.

Le CE rappelle tout d’abord les principes fondateurs en matière d’égalité: “les règles constitutionnelles de l’égalité et de la non-discrimination n’excluent pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée; que l’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; que le principe d’égalité est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé”.

Appliquant ce principe au cas d’espèce, le CE rejette le recours en relevant que “compte tenu de la rareté du temps d’antenne, des exigences de lisibilité des débats diffusés à la radio et à la télévision et de la pléthore de listes qui présentent des candidats à chaque élection, la partie adverse a légitimement pu établir des critères de différenciation fondés sur l’importance relative des différents partis qui avaient obtenu une représentation parlementaire lors des élections précédentes et les autres partis”. Il ajoute que “cette distinction repose sur un critère objectif; qu’en raison du caractère généralement modeste des déplacements de voix observés d’une élection à l’autre, qui emporte comme conséquence qu’il est vraisemblable que les partis représentés au Parlement continueront à attirer les voix d’un nombre important d’électeurs, et donc que les émissions électorales où ces partis sont présents soient plus suivies que celles où n’apparaîtraient que des représentants de partis non encore représentés, dont il est vraisemblable qu’ils attireront un nombre de voix plus modeste, et dont l’apparition dans les émissions électorales suscite un intérêt moindre, les mesures contenues dans le ‘dispositif électoral’ de la partie adverse apparaissent proportionnées à leur objectif”.

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CE n°93.468 du 21 février 2001, Taymans

A

Dans l’affaire Taymans, le requérant, agent à l’Institut belge des services postaux et des Télécommunications (I.B.P.T.), a obtenu un congé pour mission qui lui permet de travailler au sein de la Représentation permanente de la Belgique auprès de l’Union européenne. Il se voit refuser une prolongation de ce congé. L’intéressé, considérant que cette décision est illégale, en poursuit l’annulation devant le CE et ne réintègre pas ses fonctions au sein de l’I.B.P.T. à la date prévue. Il est alors licencié, et ce, sans préavis.

Le CE donne raison à l’I.B.P.T. au motif “qu’en vertu du privilège du préalable, le requérant avait à s’incliner devant ladite décision, fût-elle illégale et que la seule conviction que celle-ci n’était pas justifiée ne le dispensait pas de s’y plier”.

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CE n°215.538 du 4 octobre 2011, XXXX (affaire foulard)

A

Une enseignante musulmane exerçant ses fonctions dans une école de la Ville de Charleroi refuse d’ôter son voile pour dispenser un cours de mathématiques. En ce faisant, elle méconnaît un règlement d’ordre intérieur de la Ville qui interdit aux enseignants le port de signes religieux dans l’exercice de leurs fonctions. L’intéressée, invoquant une violation de la liberté religieuse, attaque ce règlement devant le CE et justifie ainsi sa décision de ne plus dispenser son enseignement. Elle est alors licenciée par la Ville de Charleroi, en raison de la méconnaissance du privilège du préalable, résultant de son refus de se conformer à l’ordre de dispenser son enseignement non voilée.

Le CE rejette la demande en suspension introduite par ses soins contre la décision de la licencier. Il estime que la “décision attaquée est fondée sur un motif suffisant à lui seul à fonder son adoption”, à savoir la violation du privilège du préalable. Le CE précise que “selon ce motif, la partie adverse a entendu sanctionner la requérante en raison de son refus de respecter l’ordre qui lui était adressé d’enseigner sans porter de signes ostentatoires attestant ses convictions religieuses. Ce motif justifie valablement la décision entreprise. Un enseignant a en effet l’obligation d’obéir aux ordres qui lui sont adressés par l’autorité hiérarchique, sauf lorsqu’ils sont manifestement illégaux. En l’espèce, le règlement prescrivant le devoir méconnu par la requérante n’est pas entaché de manière manifeste par les illégalités qu’elle dénonce dans les deux moyens. En effet, les violations des normes alléguées par la requérante n’apparaissent nullement évidentes”.

L’enseignante est d’autant moins fondée à invoquer l’irrégularité du règlement lui interdisant le port du voile que le CE, réuni en assemblée générale, a rejeté la demande en suspension qu’elle avait dirigé contre celui-ci.

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