Leçon 1 Flashcards

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Q

La souveraineté

A

La notion de souveraineté a été créée au 16e siècle par Jean Bodin en vue d’affirmer l’autorité du Roi de France à l’égard des grands féodaux (identification du détenteur de l’autorité suprême), mais aussi afin d’affirmer l’indépendance de la France à l’égard du Saint-Empire et de la papauté (indépendance de l’Etat).

Cette notion de pouvoir souverain avait été créée aux fins de renforcer la monarchie absolue. Lorsque la Révolution française a mis fin à cette monarchie absolue, le titulaire du pouvoir suprême s’est déplacé vers la nation ou le peuple, voulant dire des représentants de cette nation, ce peuple (car concepts).

La souveraineté populaire, théorisée par Jean-Jacques Rousseau, se fonde sur le principe selon lequel chaque citoyen détient une parcelle de souveraineté, et que la souveraineté de l’Etat n’est que l’addition des fractions individuelles de souveraineté (ex.: si Etat composé de 10 citoyens, souverain est un corps de dix et chaque citoyen a 1/10ème du pouvoir). Cette théorie devrait conduire à des formes de démocratie directe ou, au minimum, à l’instauration du suffrage universel dans la pratique. L’électorat est un droit, pas une obligation et n’est donc pas obligatoire. Le pouvoir est entre les mains de la majorité de l’assemblée parlementaire. Cette théorie ne prend pas en considération la protection particulière qui doit être offerte à la minorité ou à l’opposition, ce qui débouche forcément sur des abus de majorité.

Fin 1830 - début 1831, le Congrès national avait voulu consacrer la théorie de la souveraineté nationale, basée sur la pensée de John Locke et de Montesquieu, avec l’art. 33, al. 1er, inspirée de l’art. 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cependant, la nation n’étant qu’un concept, elle n’est pas en mesure d’exercer concrètement ses pouvoirs, la conséquence est alors l’art. 42, sauf que la pratique a vidé cette disposition de son sens originel vu que les membres votent les lois qu’en fonction de la position de leur parti. Dans la théorie de la souveraineté nationale, la nation, entité abstraite et distincte des individus qui la composent, détient le pouvoir suprême. Incapable d’exercer elle-même ses pouvoirs, elle en délègue l’exercice à diverses autorités. Le suffrage universel n’est pas une nécessité selon cette théorie mais l’électorat est une fonction, et la loi peut en réserver l’exercice à ceux qu’elle juge dignes de s’exprimer au nom de la nation. Le vote peut donc être rendu obligatoire. En outre, comme tous les pouvoirs émanent de la nation, un certain équilibre doit être mis en place afin d’éviter les éventuels excès d’un pouvoir sur un autre. Cet équilibre est réalisé par une séparation des pouvoirs pouvant se freiner et se contrebalancer mutuellement. La souveraineté nationale est génératrice d’abus de minorité car elle autorise une minorité (pouvoirs publics, particulièrement le législateur), censée incarner la nation, à imposer ses vues à la majorité (le peuple). Cependant, les idées de séparation des pouvoirs, de contre-pouvoir et de responsabilité (resp. du gouv. devant le Parlement, des élus devant l’électeur, et de chacun devant les juridictions) vident de son sens le concept de souveraineté. De plus, l’attribution même du pouvoir revêt un caractère précaire et révocable (organisation périodique d’élections) : le peuple ou la nation ne peuvent être que des détenteurs fictifs d’un pouvoir dès lors qu’ils ne peuvent s’exprimer que de façon sporadique.

En outre, l’alinéa 2 de l’art. 33 dément, dans une certaine mesure l’alinéa précédent en érigeant les règles contenues dans la Const. au rang de principes suprêmes auxquels il ne pourrait être dérogé au nom d’une prétendue souveraineté, consacrant la prééminence du concept d’Etat de droit sur celui de souveraineté nationale. L’art. 33 peut s’analyser comme une disposition entre deux époques de la pensée politique

Dans un système moderne, il n’est plus nécessaire de sacraliser le pouvoir et de définir l’entité qui en serait le titulaire perpétuel et suprême. Le concept de pouvoir est certainement nécessaire au fonctionnement des institutions, mais, dans un régime démocratique, il suppose que parallèlement soient mis en oeuvre des mécanismes de contre-pouvoir qui contribuent à le désacraliser.

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Q

L’interdiction des partis liberticides - principe

A

Une démocratie qui se respecte est une démocratie qui se protège et qui s’est donc dotée d’un système d’autodéfense comme l’a fait l’Allemagne au moyen de l’art. 21.2 de la loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne ; parce qu’à partir de l’infrastructure démocratique peut naître le totalitarisme (régimes mussolinien et nazi sont nés d’élections organisées librement).

En Italie, la loi électorale de 1923 prévoyait que la liste ayant obtenu min. 25% des votes serait assurée des 2/3 des sièges, le tiers restant étant réparti proportionnellement entre les autres listes. Lors des élections du 6 avril 1924, se tenant dans un climat de violence et d’intimidation, Il Listone, une liste regroupant les candidats du Parti fasciste et des partis alliés (populaires, libéraux et démocrates sociaux) obtient 60,1% des suffrages (cependant, le taux de participation n’était que de 63,8%). Cette liste obtient ainsi les 356 députés prévus par la loi électorale, rejoints par 19 députés, élus sur des listes dissidentes. Parmi ceux-ci, 275 appartiennent au Parti fasciste qui dispose donc de la majorité (254) à lui seul. L’opposition ne compte que 151 sièges répartis de façon proportionnelle. Suite à l’assassinat de l’un des principaux leaders de l’opposition, il est demandé que les assemblées soient dissoutes et que de nouvelles élections soient organisées mais il n’est donné aucune suite à cette revendication et le Parlement vote, en 1925 et en 1926, diverses lois — dites ‘fascistissimes’ — portant notamment atteinte à la liberté de presse et à la liberté d’association, et qui créent les conditions d’instauration de la dictature.

En novembre 1932, en Allemagne, le Parti nazi obtient 33% des voix, ce qui permettra à Hitler d’accéder à la Chancellerie. En mars ‘33, de nouvelles élections sont organisées dans un climat de terreur et de persécution des partis hostiles aux nazis. Le Parti nazi obtient désormais 44% des voix, auxquelles il faut ajouter les 8% obtenus par les nationalistes. Hitler est donc soutenu par une majorité absolue sans que son parti, à lui seul, la détienne. Immédiatement après les élections, le Reichstag vote un acte d’habilitation qui retire au Parlement le vote des lois et des budgets et qui confie, pour une période de quatre ans, ces pouvoirs au gouvernement. Celui-ci peut, en outre, ‘dévier de la Constitution’.

C’est ainsi qu’en 1953, le Tribunal constitutionnel fédéral a interdit le Parti d’extrême droite, S.R.P., et, en 1956, le Parti communiste, K.P.D., ce que la Commission européenne des droits de l’homme va réaffirmer en se basant sur l’art. 17 de la CEDH. D’autres exemples de partis liberticides ayant été justement interdits selon la Cour EDH sont le Refah Partisi, en 2003, et le Staatkundig Gereformeerde Partij, en 2012.

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3
Q

L’article 15ter de la loi du 4 juillet 1989

A

La Constitution belge ignore l’existence des partis politiques. C’est le législateur qui, en 1989, a décidé de se pencher sur la question via l’adoption de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour l’élection de la Chambre des représentants ainsi qu’au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques, intégrant ainsi des mécanismes d’autodéfense démocratiques dans notre ordre juridique interne.

En vertu de l’article 15bis de cette loi, les partis sont tenus, pour pouvoir bénéficier de la dotation publique, d’inscrire, dans leurs statuts ou dans leur programme, une disposition par laquelle ils s’engagent à respecter et à faire respecter par leurs différentes composantes et leurs mandataires élus “au moins” les droits et libertés garantis par la CEDH. Cette disposition n’a eu aucun effet utile, les partis liberticides incluant la disposition comme stipulé mais ne l’appliquant pas dans la pratique.

Le législateur a alors, en 1999, ajouté un article 15ter. Cette fois, l’objectif est plus ambitieux. Cette disposition, modifiée en 2005, permet de supprimer ou de réduire la dotation publique accordée à un parti qui, par son propre fait, par celui de ses listes, de ses candidats ou de ses mandataires, “montre de manière manifeste et à travers plusieurs indices concordants son hostilité envers les droits et libertés garantis par la CEDH”.

Cet article 15ter est à la base de deux arrêts importants. L’arrêt 15ter de la CC, réduisant l’interprétation qu’on peut faire de cette disposition à une interprétation stricte et l’arrêt De Coene du CE, vidant presque entièrement l’article 15ter de sa substance la rendant impossible à mettre en œuvre, dénuant ainsi le mécanisme d’autodéfense démocratique de tout effet utile.

Par ailleurs, le financement des partis politiques se réalise également par des moyens mis à disposition par les parlements aux groupes politiques (parlementaires siégeant dans une même assemblée) qui les composent. Cependant, des dispositions des règlements du Parlement bruxellois, wallon et de la Communauté française prévoient qu’un “groupe politique ne peut être reconnu ou conserver le bénéfice de la reconnaissance si un de ses membres a été condamné par une décision coulée en force de chose jugée sur la base de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie ou de la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale. Toutefois, le groupe politique conserve le bénéfice de la reconnaissance si dans le mois de la décision visée au 1er alinéa, il communique au président du Conseil la radiation du membre condamné”. Il est également précisé que la “reconnaissance est retirée, pour une ou plusieurs sessions, par le bureau élargi à un groupe politique lorsque le parti politique, dont le sigle a été déposé pour la constitution de la liste électorale dont est issu le groupe, a été condamné sur la base de l’art. 15ter de la loi du 4 juillet 1989”.

L’article 8 du règlement du Parlement flamand a une portée identique. En 2004, des associations satellites du Vlaams Blok sont condamnées sur la base de la loi du 30 juillet 1981. Dans la crainte de perdre sa dotation, ce parti change de dénomination en Vlaams Belang. Le Parlement pouvait donc, sur la base de l’art. 8 de son règlement, soit estimer que ce parti était la continuation du Vlaams Blok et priver son groupe politique de sa dotation, soit considérer qu’il s’agissait d’une nouvelle formation, laquelle ne s’étant pas présentée aux dernières élections, n’avait pas vocation à bénéficier de pareil financement, mais, suite à la progression électorale du parti, le Parlement flamand refuse de s’engager dans l’une de ces deux voies, et, dans une incohérence juridique, s’abstient de priver le Vlaams Belang de sa dotation.

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4
Q

Le délit de presse à caractère raciste ou xénophobe

A

En 1999, le constituant à modifié l’art. 150 de la Constitution afin de déléguer les délits de presse à caractère raciste ou xénophobe au tribunal correctionnel, au lieu de la cour d’assises car les délits de presse n’étaient jamais poursuivis dans la pratique. Cette modification visait particulièrement le fait de sanctionner la propagande des partis d’extrême droite. Cependant, les partis liberticides peuvent mettre à mal la démocratie sans pour autant développer une idéologie raciste ou xénophobe. Grâce à cette modification constitutionnelle, des poursuites sont engagées, début des années 2000, à l’initiative du Centre pour l’égalité des chances (devenu Unia) et de la Ligue des droits de l’homme, contre trois ASBL dont l’objet social est de participer au fonctionnement du Vlaams blok.

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5
Q

Les tribunes électorales

A

Le CE a, dans un arrêt Bastien du 13 décembre 1999, donné raison à la R.T.B.F. qui a refusé d’offrir une tribune électorale à un parti d’extrême droite, le Front nouveau de Belgique. Le CE a également précisé dans cet arrêt qu’une institution de service public peut refuser de diffuser une tribune électorale d’une formation qui ne respecterait pas les principes et les règles de la démocratie, et cela même lorsqu’elle ne comporte que des propos anodins. Il fonde notamment sa décision sur la loi du 16 juillet 1973 garantissant la protection des tendances idéologiques et philosophiques qui impose à un organisme comme la R.T.B.F. “d’associer à la politique culturelle toutes les tendances idéologiques” pour autant qu’elles “acceptent les principes et les règles de la démocratie et s’y conforment”.

Le CE a démontré un raisonnement identique, en 2007, dans l’affaire Robert.

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6
Q

La souveraineté internationale

A

L’introduction, en 1970, de l’art. 34 dans la Constitution ne s’analyse pas réellement comme une révision implicite des articles 33 et 42. L’art. 33, a-t-on affirmé lors des travaux préparatoires, “reste le fondement de notre droit constitutionnel”. L’art. 34 prévoit l’attribution à des institutions de droit international public de l’exercice de pouvoirs déterminés, et non des pouvoirs eux-mêmes. Il ne s’agit donc ni d’une cession ni d’un abandon de souveraineté.

Cependant, confier à des institutions de droit international le soin d’exercer certains pouvoirs combinés avec la primauté du droit international ayant des des effets directs dans notre ordre juridique interne, trahit, en réalité, une cession de souveraineté. Celle-ci n’est, néanmoins, pas irrévocable, puisque, d’une part, le constituant est, en théorie du moins, libre d’abroger l’art. 34 et que, d’autre part, lorsqu’une institution internationale à laquelle l’exercice de certains pouvoirs a été attribué cesse d’exister, l’Etat belge reprend l’exercice des pouvoirs qui lui avaient été confiés.

L’attribution de ces pouvoirs peut se faire soit par un traité — lequel doit être approuvé selon les cas par les assemblées législatives compétentes dans le domaine couvert par cet acte —, soit par une loi. Enfin, les pouvoirs doivent être exercés par des institutions de droit international public. Lors des travaux préparatoires, il a été précisé que sont notamment visés les transferts de pouvoirs de l’ordre de ceux qui sont consacrés par les Traités créant les Communautés européennes. Il a été précisé, en effet, que l’expression ‘droit international public’ vise les institutions supranationales européennes existantes et les éventuelles institutions politiques européennes à venir.

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7
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CEDH, arrêt du 13 février 2003, Refah Partisi

A

La CC turque avait prononcé la dissolution du Parti de la Prospérité (parti islamiste Refah Partisi) parce qu’il était devenu “un centre d’activités contraire au principe de laïcité”. Devant la Cour EDH, ce parti invoque notamment la violation des art. 9 à 11 de la CEDH, consacrant la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté d’expression, ainsi que la liberté de réunion et d’association. Ce dernier article appelle une interprétation stricte lorsque des exceptions sont appliquées à un parti politique.

La Cour affirme l’existence d’une relation étroite entre la démocratie et la Convention, et rappelle le rôle primordial que jouent les partis politiques dans un régime démocratique. Les libertés garanties par la Convention ne sauraient priver les autorités d’un Etat du droit de protéger ses institutions lorsque celles-ci sont mises en danger par les activités d’une association. La Cour estime qu’un parti politique peut promouvoir un changement de la législation ou des structures légales ou constitutionnelles de l’Etat à deux conditions: 1) les moyens utilisés à cet effet doivent être légaux et démocratiques et 2) le changement proposé doit lui-même être compatible avec les principes démocratiques fondamentaux. Il en découle qu’un parti dont les responsables incitent à recourir à la violence, ou proposent un projet politique qui ne respecte pas la démocratie ou qui vise la destruction de celle-ci ainsi que la méconnaissance des droits et libertés qu’elle reconnaît, ne peut se prévaloir de la protection de la CEDH contre les sanctions infligées pour ces motifs.

Ensuite, les statuts et le programme d’un parti ne peuvent être le seul critère pris en compte afin de déterminer ses intentions et objectifs. En effet, les buts d’un parti ne sont pas forcément dévoilés dans des textes officiels avant d’accéder au pouvoir. Il faut dès lors comparer le contenu du programme avec les actes et prises de positions des membres et dirigeants du parti en cause.

En l’espèce, la Cour EDH a admit le bien fondé de la position prise par la CC turque au motif que les actes et discours des membres et dirigeants du Refah Partisi invoqués dans son arrêt étaient imputables à l’ensemble du parti et révélaient un projet à long terme visant à instaurer un régime fondé sur la charia dans le cadre d’un système multijuridique et que ce parti n’excluait pas le recours à la force afin de réaliser son projet et de maintenir en place le système qu’il prévoyait.

L’interdiction du Refah Partisi n’a cependant pas empêché les islamistes de prendre, par la suite, le pouvoir démocratiquement en Turquie.

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Q

CEDH, arrêt du 10 juillet 2012, SGP

A

Dans l’arrêt Staatkundig Gereformeerde Partij c. Pays-Bas, la Cour développe une argumentation similaire à celle de l’arrêt Refah Partisi. Le parti SGP protestant orthodoxe estime que la femme a, lors de la Création, reçu une place et une vocation différentes de celles de l’homme. Son programme prévoit que la femme est subordonnée à l’homme et que le droit d’être élu n’est pas compatible avec la vocation de celle-ci et refuse donc de laisser les femmes se présenter sur les listes électorales. La Cour suprême des Pays-Bas, le Hoge Raad, juge inacceptable cette pratique et enjoint l’Etat à prendre des mesures effectives contraignant le parti à autoriser les femmes à exercer leur droit.

La Cour EDH, saisie par ce parti, déclare sa requête irrecevable. Elle indique que “la démocratie est l’unique modèle politique envisagé par la CEDH et le seul qui soit compatible avec elle”, que “la progression vers l’égalité des sexes au sein des Etats membres empêche l’Etat de souscrire à l’idée que l’homme joue un rôle primordial et la femme un rôle secondaire” et que “le fait qu’aucune femme n’ait exprimé le souhait d’être candidate pour le parti requérant n’est pas un élément déterminant. Il n’est guère important de savoir si le refus de reconnaître un droit politique fondamental sur le seul fondement du sexe se trouve expressément affirmé dans le règlement du parti requérant ou dans un quelconque autre document interne de celui-ci, dès lors que cette idée a été embrassée publiquement et suivie dans la pratique.” La position du parti est “inacceptable, quelle que soit la conviction religieuse profonde sur laquelle elle repose”, selon la Cour.

Le droit néerlandais ne comprenant aucune disposition permettant l’interdiction des partis liberticides ni de mesures de discrimination positive afin de promouvoir la présence des deux genres dans la vie publique, les effets de cette décision ont revêtu un caractère secondaire.

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9
Q

CC 10/2001 du 7 février 2001, 15ter

A

L’article 15ter, dans sa formulation de 1999, a fait l’objet d’un recours en annulation de la part du Vlaams Blok devant la CC. Dans un arrêt du 7 février 2001, elle rejette celui-ci tout en assortissant sa décision de différentes réserves.

Tout d’abord, elle estime que cette disposition doit s’interpréter strictement. Elle considère que le terme ‘hostilité’ est peu précis. Il convient, dès lors, compte tenu de l’objectif du législateur — à savoir défendre la démocratie et ne pas permettre que des libertés politiques soient utilisées afin de la détruire —, de l’interpréter comme la manifestation d’une “incitation à violer une norme juridique en vigueur”, et notamment “une incitation à commettre des violences et à s’opposer à ces règles”. La Cour admet qu’il est possible pour un parti d’émettre “des critiques sur les présupposés philosophiques ou idéologiques” de la CEDH et ses protocoles additionnels, et en déduit que la sanction ne pourra être prise que dans le cas d’une hostilité manifestée à l’égard d’un “principe essentiel au caractère démocratique du régime” politique. Elle souligne expressément que la condamnation du racisme et de la xénophobie constitue incontestablement l’un de ces principes fondamentaux. La réserve émise par la Cour revient, dès lors, à limiter le champ d’application de l’art. 15ter aux incitations à violer les principes essentiels d’un régime démocratique, en ce compris les principes d’égalité et de non-discrimination.

Une deuxième réserve émise par la Cour est liée à l’immunité parlementaire. La Cour estime, en effet, qu’une opinion ou un vote émis dans l’exercice d’un mandat parlementaire ne peut donner lieu à l’application de la procédure prévue par l’art. 15ter, et ce en raison de l’immunité parlementaire garantie par l’art. 58 de la Constitution. Elle développe ainsi une conception extensive de cette disposition, empêchant la sanction du groupe politique auquel le parlementaire ayant tenu des propos liberticides appartient.

Enfin, la Cour émet une troisième résèrve. Le parti qui a clairement et publiquement désavoué le membre qui aurait manifesté son hostilité à l’égard des principes démocratiques ne peut être sanctionné. Dès lors, il est fréquent que, pour la forme, une formation politique liberticide se désolidarise des propos tenus par l’un de ses membres, mais ne prenne aucune sanction à son égard et l’autorise même parfois à figurer sur ses listes électorales lors des élections suivantes.

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10
Q

CE n°213.879 du 15 juin 2011, De Coene

A

Se fondant sur l’art. 15ter, des parlementaires engagent une procédure visant à priver le Vlaams Belang de sa dotation. Ils invoquent, à l’appui de leur requête, de très nombreux faits dont ils déduisent l’hostilité de ce parti envers les droits et libertés. Le Conseil d’Etat considère que le recours est tardif et se contente alors d’examiner un seul fait, à savoir des propos xénophobes tenus par des leaders du Vlaams Belang lors d’un meeting pour la sécurité de 2006. Le CE constate que “les propos critiqués sont acerbes et polémiques et ne témoignent assurément pas d’un sens aigu de la délicatesse et de la nuance. En ce sens, ils sont susceptibles de nourrir une animosité entre certaines fractions de la société et, à terme, de contribuer à une polarisation et à un climat d’intolérance”. Cependant, ce simple constat ne suffit pas à sanctionner le parti.

Le CE déduit de la jurisprudence de la CC que l’hostilité aux droits et libertés doit impliquer une incitation à violer une norme juridique en vigueur. Il estime que la notion d’incitation signifie “encourager, stimuler, pousser à”, ce qui implique “donner une forte impulsion ou un stimulus psychologique qui contribue aux effets dommageables actuels, directs ou qui à tout le moins les rend très probables”. Il ajoute que “la question de savoir si les opinions incitent indéniablement à violer un principe comme il est énoncé ci-dessus, doit être appréciée en fonction de leur contenu et de leur contexte. Elles doivent en outre faire apparaître qu’un élément moral spécifique est en cause. Être hostile implique l’existence de sentiments forts et de pensées de rejet et de haine, de malveillance”. Or, au “regard de tous les éléments de l’affaire, il n’y a pas de majorité au CE pour considérer que les propos ‘incitent’ clairement et délibérément à violer un des principes essentiels de la démocratie que les requérants invoquent”.

Le CE reconnaît avoir été divisé, les magistrats francophones étant enclins à sanctionner le Vlaams Belang, tandis que les néerlandophones avaient tendance à ne pas diaboliser le parti. En outre, la tenue de propos xénophobes crée un climat qui conduit à banaliser le racisme et à favoriser sa prolifération. Or cette banalisation s’analyse comme une incitation sinon à partager ces opinions, du moins à ne pas les trouver à ce point intolérables. En ne prononçant aucune sanction, le CE, peut-être inconsciemment, contribue à faire proliférer des opinions gravement attentatoires aux droits et libertés.

Enfin, l’arrêt Coene et crts est un message adressé aux parlementaires. Ils sont invités à faire preuve d’une grande circonspection avant d’engager une procédure fondée sur l’art. 15ter, voire à y renoncer définitivement.

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11
Q

Cass., 18 novembre 2003, Vlaams Blok

A

Dans un jugement du 29 juin 2001 et dans un arrêt du 26 février 2003, le TPI de Bruxelles et la Cour d’appel de Bruxelles se déclarent successivement incompétents pour connaître des poursuites initiées par le Centre pour l’égalité des chances et la Ligue des droits de l’homme. Le premier juge estime que prôner la discrimination ou la ségrégation de façon aussi manifeste et répétée est un délit qui va à l’encontre de la conception actuelle de la démocratie et porte ainsi atteinte aux institutions politiques du pays. Il ajoute que la perpétration de ce délit est une atteinte à l’ordre interne de l’Etat et a pour objectif de faire évoluer ou de changer l’ordre politique établi. Il en déduit qu’il s’agit là d’un délit politique qui, en vertu de l’art. 150 de la Constitution, relève de la compétence exclusive de la cour d’assises. La Cour d’appel, à son tour, considère que “le fait reproché constitue un délit politique parce qu’il consiste dans la commission de l’infraction dans l’intention […] de faire exister et perdurer un parti politique, en l’espèce le Vlaams Blok, et d’accorder à ce parti une aide substantielle”.

Cependant, dans un arrêt du 18 novembre 2003, la Cour de cassation rappelle que deux conditions doivent être réunies pour qu’un délit soit qualifié de politique :

Il faut, premièrement, pour qu’une infraction de droit commun — en l’occurrence, une violation de l’art. 3 de la loi du 30 juillet 1981 — soit considérée comme politique, que l’auteur de celle-ci ait entendu agir avec l’intention de porter atteinte à l’ordre politique.

Il faut, ensuite, que les faits aient été commis dans des circonstances telles qu’ils sont de nature à avoir l’effet recherché, soit porter directement atteinte aux institutions politiques.

La Cour estime que le simple fait que le parti politique ne puisse exister que par la perpétration du délit ne suffit pas à conférer à celui-ci la qualification de politique.

A la suite de cet arrêt, l’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Gand qui va sévèrement condamner les trois associations satellites du Vlaams Blok pour violation de l’art. 3 de la loi du 30 juillet 1981. La Cour de cassation rejette, le 9 novembre 2004, le pourvoi formé contre cet arrêt, au motif que les partis politiques ne peuvent pas plus que quiconque se rendre coupables de discriminations raciales.

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12
Q

CE n°171.094 du 11 mai 2007, Robert

A

Dans cet arrêt, relatif au Front nouveau de Belgique, le CE considère qu’en décidant de ne pas diffuser les tribunes ou débats électoraux d’une liste ou d’un candidat émanant d’un parti, ou d’une association quelconque, ne respectant pas les principes démocratiques, le dispositif électoral de la R.T.B.F. ne viole ni l’art. 10 de la CEDH, ni l’art. 19 de la Constitution, lesquels consacrent la liberté d’expression et d’association.

Le CE va plus loin encore en affirmant que, même si la R.T.B.F. était tenue, en vertu d’une décision judiciaire, de diffuser une tribune électorale d’un tel parti, elle pourrait néanmoins refuser de diffuser les tribunes dont le contenu serait contraire aux principes de la démocratie. D’ailleurs, en vue d’appliquer le décret du 14 juillet 1997 interdisant à la R.T.B.F. de “produire ou diffuser des émissions contraires aux lois ou à l’intérêt général, portant atteinte au respect de la dignité humaine, et notamment contenant des incitations à la discrimination, à la haine ou à la violence, en particulier pour des raisons de race, de sexe ou de nationalité ou tendant à la négation, la minimisation, la justification, l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale ou toute autre forme de génocide”, la R.T.B.F. est fondée à exiger que le parti souhaitant accéder à la tribune électorale lui fournisse notamment son programme complet, ainsi que la liste de ses candidats et de ses dirigeants nationaux et régionaux, selon le CE.

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