Troubles des conduites alimentaires Flashcards
Troubles des conduites alimentaires : généralités ?
Alimentation : fonction instinctuelle des mammifères, indispensable à la survie
- Conduite alimentaire : versant comportemental des mécanismes de régulation énergétique et nutritionnel, sous l’influence de facteurs physiologiques, psychologiques, comportementaux et environnementaux
- Trouble du comportement alimentaire (TCA) = perturbation significative et durable de la prise alimentaire
Etiopathogénie :
- Facteur de vulnérabilité : terrain génétique/biologique préexistant
- Facteur déclenchant : régime alimentaire strict, événement de vie, puberté, oestrogènes…
- Facteur d’entretien : déséquilibre biologique induit par le trouble, bénéfices relationnel et psychologique
Anorexie mentale : généralités ?
- Prévalence = 0,6%, débute dans 85% des cas entre 15 et 25 ans (âge en diminution) avec 2 pics à 12-13 ans et à 18-20 ans
- Prédominance féminine (8/1), plus fréquent chez les caucasiennes, à niveau socio-économique moyen/aisé
- Mortalité élevée= 4 à 10% avec un risque de 1%/an, trouble psychiatrique le plus à risque de suicide
- Début surtout chez les adolescents, souvent au moment de l’apparition des transformations corporelles de la puberté
- Mode d’entrée possible sous forme d’un régime restrictif (du fait d’un léger surpoids pré-morbide)
- Groupe à risque : sportif, mannequin, danseur…
2 types :
- Type restrictif : restriction alimentaire ± hyperactivité physique au cours des trois derniers mois => évolue souvent vers une forme purgative
- Type purgatif : crises de boulimie et/ou vomissement provoqués ou comportement purgatif au cours des 3 derniers mois
Anorexie mentale : perte de poids ?
- Plus ou moins rapide, banalisée par la patiente
- Associée à un sentiment de réassurance initiale, une impression d’absence de fatigue, d’euphorie
- Stratégies palliatives à la prise de poids : exposition au froid augmentation de l’exercice physique
Conséquences
- Effacement des aspects sexués du corps
- Troubles trophiques : altération des phanères (peau sèche, ongles cassants, chute de cheveux), hypertrichose, lanugo, acrocyanose, oedèmes carentiels
- Hypométabolisme : hypotension, bradycardie, hypothermie
Anorexie mentale : restrictions ?
= De survenue progressive : quantitative (calories) et qualitatives (aliments gras et sucrés)
- Restriction sélective : évitement initialement des aliments caloriques (gâteaux, pâtisseries, beurre,
crème…), puis sur les viandes, les féculents, aboutissant à des règles inflexibles
- Anomalies du comportement alimentaire : tris alimentaire, réduction de la taille des bouchées,
manipulation et découpage de la nourriture, lenteur excessive des repas, rituels alimentaires
- Pesée et vérification de leur silhouette dans un miroir plusieurs fois par jour
Anorexie mentale : autres stratégies de contrôle du poids ?
- Hyperactivité physique, exposition accrue au froid (n’est pas une conduite purgative)
- Vomissements provoqués : plus fréquent, pratiquement spontanés après quelques mois
- Prise de laxatifs (fréquent) : troubles digestifs, risque d’hypokaliémie
- Prise de diurétique : risque de troubles ioniques et d’insuffisance rénale fonctionnelle
- Autres médicaments : coupe-faim, hormone thyroïdiennes, dérivés d’amphétamines…
- Potomanie = consommation excessive, souvent compulsive, de liquide non calorique : objectif de
purification et de remplissage, risque d’hyponatrémie, convulsions, coma
Anorexie mentale : distorsions cognitives ?
- Absence de conscience du trouble (insight), déni
- Perturbation de l’image du corps : se ressent trop gros malgré un poids en dessous de la normale
- Envahissement et préoccupations excessives autour du poids et de l’alimentation
- Croyances erronées sur le fonctionnement digestif et les aliments
- Evitement alimentaire induit par des distorsions cognitives (aliments contaminants, nocifs…)
- Anomalies neuropsychologiques des fonctions exécutives : altération de la flexibilité cognitive
Anorexie mentale : aménorrhée ?
= Primaire ou secondaire, par pan-hypopituitarisme d’origine hypothalamique, avec infertilité associée
- Parfois absente au début du trouble : facteur de gravité si présent
- Possiblement masquée par un traitement oestroprogestatif
- Souvent vécue comme sans importance par la patiente
Anorexie mentale : traits associés ?
- Trait obsessionnel fréquent : perfectionnisme, ascétisme, inflexibilité, recherche de contrôle
- Difficultés dans la gestion des émotions
- Trouble de l’estime de soi
- Dépendance importante au milieu familial, avec réaménagement de la dynamique familiale afin de
rendre possible le maintien du trouble alimentaire - Surinvestissement intellectuel, au détriment des champs relationnels et affectifs
- Altération de la sexualité : désinvestissement sexuel, plus rarement hyperactivité sexuelle
Anorexie mentale : retentissement médical ?
- Ostéoporose : carence en vitamine D et hypercatabolisme osseux par carence oestrogénique
- Amyotrophie
- Œdèmes carentiels (10%) : surtout dans les formes boulimiques
- Troubles hydro-électrolytiques : hyponatrémie, hypokaliémie, hypocalcémie
- Insuffisance rénale fonctionnelle
- Hypoglycémie, avec malaise et perte de connaissance
- Anémie carentielle (fer, B9, B12) dans 15% des cas
- Thrombopénie, leucopénie et lymphopénie : risque infectieux majoré
- Atteintes cardiovasculaires : trouble du rythme (arythmie, bradycardie extrême), hypotension
- Troubles digestifs : brûlures oesophagiennes, retard à la vidange gastrique, hypertrophie des glandes salivaires, érosions dentaires (surtout si vomissements), constipation, cytolyse hépatique
Anorexie mentale : diagnostic ?
- Dépistage par le questionnaire Scoff-F = ≥ 2 réponses positives : vous faites vous vomir ? vous inquiétez vous d’avoir perdu le contrôle de ce que vous mangez ? avez-vous récemment perdu plus de 6 kg en 3 mois ? pensez-vous que vous êtes grosses alors que les autres vous trouvent mince ? diriez-vous que la nourriture domine votre vie ?
- Echelle d’évaluation : EAT (Eating Attitude Test), EDE (Eating Disorder Examination), EDI (Eating Disorder Inventory)
Critères DSM-V
A – Restriction alimentaire (sans critère de poids) ± amaigrissement
B – Peur intense de prendre du poids, malgré une insuffisance pondérale
C – Dysmorphophobie : altération de la perception du poids ou de la forme du corps
D – Déni de la maigreur et de la gravité des troubles, influence excessive du poids/de la forme sur l’estime
=> L’aménorrhée n’est plus un critère diagnostique d’anorexie mentale
Anorexie mentale : forme spécifique ?
Chez l’homme
= Plus rare (10%), incidence en augmentation, de mauvais pronostic
- Tableau clinique identique, à l’exception d’une recherche d’un corps plus musclé et sans graisse (et non uniquement maigre), aménorrhée remplacée par des troubles de l’érection
- Trouble de la personnalité, trouble de l’identité sexuelle et parfois éléments psychotiques
Forme pré-pubère
- Prédominance du refus alimentaire et d’une hyperactivité comportementale
- Risque de retard staturo-pondéral et d’aménorrhée primaire
Forme atypique
- Comportement de contrôle du poids, sans forcément de perte importante : généralement dans certaines professions où le poids ou l’apparence sont des critères déterminants (danseur, mannequin, jockey…)
Anorexie mentale : diagnostic différentiel ?
Trouble organique
- Tumeur cérébrale : tumeur du tronc cérébral, craniopharyngiome
- Hémopathie : leucémie
- Maladie digestive : maladie de Crohn, achalasie, maladie coeliaque
- Endocrinien : hyperthyroïdie, diabète, pan-hypopituitarisme, insuffisance surrénale
Trouble psychiatrique
- Trouble obsessionnel-compulsif
- Trouble psychotique chronique : idée délirante d’empoisonnement, forme hébéphrène…
- Phobie alimentaire
- Trouble dépressif caractérisé majeur
- Trouble de la personnalité : surtout état-limite, évitant ou obsessionnelle
Anorexie mentale : comorbidité ?
- Trouble dépressif caractérisé dans 70% des cas, plus rarement trouble bipolaire
- Trouble obsessionnel-compulsif (surtout rangement, vérification et lavage)
- Phobie sociale
- Trouble anxieux généralisé
- Trouble de conduite et comportements d’automutilation (scarification, brûlure), essentiellement dans le cadre d’une personnalité borderline
- Addiction : surtout au psychotrope ou psychostimulant
Anorexie mentale : évolution ?
- Evolution spontanée : mortalité par suicide ou cachexie, chronicisation du trouble, parfois rémission spontanée (souvent dans les formes adolescentes de début précoce)
- Evolution chronique (20-30%) : fluctuations pondérales, succession d’épisodes anorexies, avec ou sans épisodes boulimiques, et passage d’une forme restrictive à une forme purgative
- Mortalité = 10% dans les 10 ans après le 1er épisode : déséquilibre métabolique, trouble cardiaque, infection, suicide
Sous traitement :
- Evolution favorable (rémission partielle ou totale) dans 50% des cas
- Passage à la chronicité : 30% des cas à 5 ans, 20% au delà de 10 ans
- Rechute fréquente : 40% dans l’année suivant une hospitalisation
Facteur de mauvais pronostic
- Forme à début tardif ou extrêmement précoce
- Perte de poids importante/poids initial très faible
- Sexe masculin
- Délai de prise en charge important
- Déni de la maladie, surtout si persistant > 4 ans
- Comorbidités psychiatriques
- Vomissements associés
- Mauvaise qualité de vie relationnelle et sociofamiliale
Anorexie mentale : principe de prise en charge ?
- La plus précoce possible : prévention de l’évolution vers une forme chronique et des complications médicales
- Multidisciplinaire, ininterrompu et prolongée ≥ 1 an après rémission minimum
- Objectifs pondéraux, nutritionnels et psychothérapeutiques fixés individuellement : souvent contractualisée
- Durée moyenne d’un programme de soin = 3 à 4 mois
Anorexie mentale : bilan ?
- Antécédents médicaux psychiatriques et non psychiatriques
- Histoire pondérale, % de perte de poids et cinétique de la perte de poids (poids maximal et minimal atteint)
- Evaluation des restrictions et autres comportements associés, et des comorbidités
- Evaluation de l’environnement social et familial
- Poids, taille, IMC, courbe de croissance chez l’enfant et l’adolescent
- Evaluation du stade pubertaire de Tanner, recherche d’une aménorrhée (fille) ou d’une impuissance (garçon)
- Examen général : FC, TA, température, signes de déshydratation, état cutané et des phanères, oedèmes,
acrosyndrome, recherche de complications musculaires, neurologiques et endocriniennes, examen psychiatrique - Bilan standard : NFS, ionogramme complet, urée, créatinine, clairance de la créatinine, CRP
- Bilan métabolique : calcémie, phosphorémie, 25-OH-vitamine D
- Bilan hépatique : ALAT, ASAT, PAL, TP
- Bilan nutritionnel : albumine, préalbumine
- TSH seulement si doute sur une hyperthyroïdie
- ECG : recherche de trouble du rythme, signe d’hypokaliémie, QT long
- Ostéodensitométrie si > 6 mois d’aménorrhée, puis tous les 2 ans si anormale ou aménorrhée persistante
- Impédancemétrie (% de masse grasse)
- Imagerie cérébrale à discuter selon le contexte
Anorexie mentale : critères d’hospitalisation chez l’adulte ?
=> Hospitalisation libre ou sous contrainte
Gravité clinique
- Perte de poids ≥ 20% en 3 mois ou IMC < 14
=> Hospitalisation en USI si IMC < 12
- Malaises, chutes ou perte de connaissance
- Vomissements incoercibles
- Echec de la renutrition ambulatoire
- Restriction extrême (refus de manger ou boire)
- Amyotrophie importante avec hypotonie axiale
- Déshydratation
- Hypothermie < 35°C ou hypotension < 90/60
- Bradycardie < 40/min ou tachycardie de repos > 60/min si IMC < 13
Gravité paraclinique
- Anomalie ECG
- Hypoglycémie symptomatique < 0,6 g/L ou asymptomatique < 0,3 g/L
- ASAT ou ALAT > 10N
- Hypokaliémie < 3
- Hyponatrémie < 125 ou hypernatrémie > 150
- Hypophosphorémie < 0,5
- Hypomagnésémie
- Insuffisance rénale < 40 mL/min
- Leucopénie < 1 G/L ou neutrophile < 0,5 G/L
Psy
- Risque suicidaire, automutilations répétées
- Comorbidité psychiatrique sévère
- Idéations obsédantes intrusives, incapacité à contrôler les obsessions
- Incapacité à contrôler les comportements compensatoires
- Nécessité d’une renutrition par SNG
Social
- Echec de prise en charge ambulatoire
- Patient peu coopérant, motivation insuffisance, soins ambulatoires difficiles
- Entourage indisponible : problèmes familiaux, ø famille, épuisement familial
- Stress environnemental (critiques, isolement)
Anorexie mentale : critères d’hospitalisation chez l’enfant ou l’adolescent ?
=> Hospitalisation libre ou sous contrainte (accord parental ou ASPDT), voire OPP si refus des parents et risque vital
- Perte de poids ≥ 2 kg/semaine
- IMC < 13,2 à 15-16 ans ou < 12,7 à 13-14 ans
- Ralentissement idéique et verbal, confusion
- Syndrome occlusif
- Hypothermie < 35,5°C ou hyperthermie
- Hypotension < 80/50 ou hypotension orthostatique
- Hypoglycémie < 0,6 symptomatique ou non, ou acétonurie à la BU
- ASAT ou ALAT > 4N
- Créatinine > 100
- Thrombopénie < 6O
Anorexie mentale : 1ère mesures aux urgences ?
- Repos au lit, réchauffement si nécessaire
- Eviter toute perfusion, ou si besoin NaCl 0,9% sur VVP (sans sucre), VVC à éviter
- Proposer une alimentation normale, limiter les apports hydriques à 1L/jour
- Nutrition entérale si nécessaire, sans décision précipitée
- Supplémentation systématique en phosphate
Anorexie mentale : aspect psycho-thérapeutique ?
But : favoriser l’adhésion aux soins, accepter la renutrition, corriger les distorsions cognitives et
attitudes dysfonctionnelles, renforcer l’estime de soi, améliorer les relations interpersonnelles
- Thérapie cognitivo-comportementale principalement : efficacité prouvée
- Psychothérapie de soutien systématique
- Thérapie familial surtout chez l’enfant/adolescent
- Autre : entretien motivationnel, thérapie systémique, thérapie psychanalytique…
=> Maintenue au moins 1 an après amélioration clinique significative