L'administration face à la faute et au risque Flashcards
[Accroche] Qu’a fait le Conseil d’Etat dans CE, 2018, Tamazount ? Quelle est la dimension symbolique de cette décision ? Quelle tendance jurisprudentielle confirme-t-il ainsi ?
- Il a reconnu la faute de l’Etat dans les conditions d’accueil réservées aux harkis dans les camps
- L’apaisement des mémoires
- Tendance récente relative aux obligations positives mises à la charge des autorités titulaires du pouvoir de police générale, garantes du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité humaine, de veiller à ce que le droit de toute personne à ne pas être soumise à des traitements inhumains ou dégradants soit garanti (CE, 2015, Min. de l’intérieur).
[Accroche] Quelle est la conséquence de la décision CE, 2018, Consorts Chennouf ? De quelle tendance jurisprudentielle est-ce révélateur ?
- Seule une faute lourde peut engager la responsabilité de l’Etat à l’égard des victimes d’actes terroristes, en raison de carences des services de renseignement dans la surveillance d’un individu
- La démonstration d’une faute lourde pour engager la responsabilité d’une puissance publique tend à être exigée dans des domaines de moins en moins nombreux, y compris en matière de police administrative
[définition] Quel est le but d’un système de responsabilité ?
Tout système de responsabilité vise à réparer le préjudice causé à une personne, à sanctionner celui qui l’a causé et, par la vertu d’exemplarité de cette punition, à guider le comportement futur des acteurs.
Comment définir la faute ?
- « Un manquement à une obligation préexistante » (M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil)
- Un comportement irrégulier par rapport aux normes en vigueur, que celui-ci soit intentionnel ou non
Comment définir l’administration au sens large ?
Un ensemble de personnes physiques ou morales effectuant une mission d’intérêt général.
Depuis quel arrêt la responsabilité des pouvoirs publics est-elle reconnue ? Comment est-elle caractérisée ?
- TC, 1873, Blanco.
- La responsabilité de l’Etat, en raison de sa mission d’IG, ne peut être « ni générale, ni absolue » et a « ses règles spéciales qui varient selon les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’Etat et les droits privés ».
De quelle évolution du droit public est symptomatique la possibilité de l’engagement de la responsabilité de pouvoirs publics en l’absence de faute, soit extension du champ des préjudices indemnisables ?
Elle suit un mouvement de « pulvérisation du droit objectif en droits subjectifs » (Carbonnier, Droit et passion du droit sous la Vème République).
Pourquoi l’extension du champ des préjudices indemnisables imputables à l’administration est un problème ?
- Elle ne favorise pas la prise de risque,
- L’action publique innovante,
- Peut justifier des comportements démobilisateurs
- L’absence de lien entre la responsabilité de l’administration et l’indemnisation, décrite comme un phénomène de « socialisation du risque » (CE, rapport public de 2005, Responsabilité et socialisation du risque), peut également entraîner des sujétions excessives pour les acteurs publics
Plan du cours
I. Si la notion de faute est apparue initialement comme inadaptée aux missions de l’administration, la responsabilité de celle-ci s’est élargie jusqu’à constituer aujourd’hui un régime exigeant
A. Initialement restreinte en raison de sa mission de réalisation de l’IG, la responsabilité de l’administration s’est étendue à de nouvelles PPu et à de nouveaux domaines de l’action publique, sous l’action du JA
1. La notion de faute n’est initialement pas parue adaptée à la mission spécifique qui incombe à l’administration, justifiant la préservation d’une relative irresponsabilité des pouvoirs publics
2. Le JA a progressivement élargi le champ des PPu publiques susceptibles de commettre une faute, les domaines de l’action publique concernés ainsi que les conditions d’indemnisation des requérants
B. Aujourd’hui, l’élargissement de la couverture des risques et l’extension de la responsabilité de l’administration se traduisent par un régime particulièrement exigeant pour les pouvoirs publics
1. La tendance générale est à l’extension de la couverture des risques, notamment par des mesures de prévention
2. La réparation des préjudices subis par les victimes d’un risque réalisé peut se faire au titre de la responsabilité de l’administration ou par le recours à des mécanismes mêlant responsabilité et solidarité (« socialisation du risque »)
II. Afin de ne pas paralyser l’action administrative et de préserver le lien entre comportement fautif et engagement de la responsabilité, un nouvel équilibre doit être recherché
A. Le régime toujours plus exigeant de responsabilité de l’administration menace sa capacité d’action et conduit à une dilution préjudiciable de la notion de faute
1. L’extension du champ de la faute administrative s’accompagne d’un risque de paralysie de l’action publique
2. Le lien parfois très lointain entre la faute de l’administration et l’engagement de sa responsabilité fait de l’Etat un « assureur multirisque » et menace l’efficacité de son action
B. Un équilibre doit être recherché entre sanction de la faute et innovation de l’action publique, ce qui invite au renforcement de mécanismes préventifs et au maintien d’une responsabilité « ni générale ni absolue »
1. Afin de limiter l’engagement de la responsabilité de l’Etat, des mécanismes préventifs peuvent restreindre en amont les comportements fautifs, tandis que la « socialisation du risque » doit être encadrée
2. En revanche, malgré l’extension du champ de la responsabilité administrative, celle-ci ne saurait devenir générale ou absolue
Pourquoi la notion de faute n’est initialement pas parue adaptée à la mission spécifique qui incombe à l’administration (justifiant la préservation d’une relative irresponsabilité des pouvoirs publics) ?
- La loi, puisqu’elle est l’ « expression de la volonté générale » (art. 6 DDHC), ne peut mal faire. Le législateur en peut donc commettre de faute.
- Par conséquent : un acte administratif se bornant à tirer les conséquences de la loi ne saurait être écarté par le JA, même en cas de contrariété à la C°, en raison de la primauté du législateur (CE, 1936, Arrighi).
- CE, 1855, Rothschild : comme le législateur, l’administration est un instrument de réalisation de l’IG, elle ne peut voir sa responsabilité engagée
- TC, 1873, Blanco : la responsabilité de l’Etat n’a pu se reconnaitre que par l’application d’un régime distinct du droit civil.
Quand et avec quel arrêt la possibilité de mettre en cause la responsabilité de la puissance publique s’est étendue aux CT ?
TC, 1908, Feutry
Quand et avec quel arrêt la possibilité de mettre en cause la responsabilité de la puissance publique s’est étendue aux personnes privées chargées d’un service public ?
CE, 1983, SA Bureau Véritas
Quand et avec quel arrêt la possibilité de mettre en cause la responsabilité de la puissance publique s’est étendue à la justice administrative ?
- (CE, Ass, 1978, Darmont).
- Le CE a ainsi rompu avec le principe d’irresponsabilité absolue applicable aux actes non détachables de la fonction juridictionnelle en admettant qu’une faute lourde commise dans l’exercice de cette fonction ouvre droit à indemnité
Qui est déclaré responsable des fautes commises par des juridictions ? Pourquoi ? Selon quelle décision du Conseil d’Etat ?
- L’Etat
- Car « la justice est rendue de façon indivisible au nom de l’Etat »
- CE, 2004, Mme Popin
De quoi la faute de l’administration peut-elle être la conséquence?
- De toute illégalité (CE, 1973, Ville de Paris c/ Driancourt).
- Faits matériels
- Fonctionnement d’un service
- Méconnaissance des clauses réglementaires des contrats administratifs (dans le cadre d’une REP : CE, 2018, Communauté d’agglomération Val d’Europe)
Donner des exemples de l’élargissement des domaines de l’action publiques dans lesquels il est possible d’engager la responsabilité de l’Etat.
- fonctions régaliennes pour les actions matérielles de police (CE, 1905, Tomaso Grecco)
- dégâts résultant des crimes et délits commis par des attroupements ou rassemblements (loi de 1983)
- même si ces crimes et délits auraient été prémédités (CE, 2018, Cne de Saint Lô). Ce régime de responsabilité n’impose pas d’établir l’existence d’une faute.
Quelle est la conséquence de la décision TC, 1873, Pelletier sur l’établissement de la responsabilité ?
Cette décision distingue entre :
- la faute personnelle pouvant être poursuivie devant le JJ – qui révèle « l’homme avec ses passions, ses faiblesses, ses imprudences » (CG Laferrière sous TC, 1877, Laumonnier Carriol)
- et la faute de service – commise par l’agent dans l’exercice de ses fonctions.
La qualification de faute personnelle fait l’objet d’une interprétation autonome par les juges.
Quelle est la conséquence de la décision CE, 1935, Action française ?
Une voie de fait ne conduit pas nécessairement à la qualification de faute personnelle si l’agent pensait agir dans l’intérêt du service.
Quelle est la conséquence de la décision TC, 1935, Thépaz ?
Une infraction pénale ne conduit pas nécessairement à la qualification de faute personnelle.
Quelle est la conséquence de la décision CE, 1949, Dlle Mimeur ?
En cas de faute personnelle n’étant pas dépourvue de tout lien avec le service, la responsabilité de l’administration peut être engagée.