Module 6 Flashcards
Qu’est-ce que les générations dites enchevêtrées?
les générations dites enchevêtrées renvoient aux différents groupes d’âge qui vivent et se côtoient à un moment ou l’autre à l’intérieur d’une période de temps déterminée et circonscrite. Par exemple les grands-parents, parents, enfants, petits-enfants, ou encore plus généralement les tranches ou regroupements d’âge jugés significatifs qui coexistent du moins pendant un moment. On peut également
envisager en ce sens différents groupes de personnes appartenant à diverses cohortes considérées comme étant sociologiquement distinctes de façons significatives. Pensons ici aux catégories bien connues distinguant entre les générations des Boomers, X, Y, Z et Alpha, dont l’existence se recoupe (du moins
partiellement) au temps présent.
Qu’est-ce que les générations dites non- enchevêtrées?
Les générations dites non enchevêtrées réfèrent plutôt à des ensembles d’individus (des générations) qui vivent (ont vécu ou vivront) en des périodes de temps différentes et entièrement séparées. On parle par conséquent à cette enseigne de la génération actuelle, que l’on distingue de celle qui a vécu par
exemple il y a 100 ou 1000 ans, ou encore de celle qui vivra dans 100 ou 1000 ans.
Quelle est la première raison qui explique que nous avons soudainement un intérêt récent croissant au sujet de la justice intergénérationnelle?
force est d’admettre que plus que jamais auparavant, nous disposons de moyens (avec la technoscience notamment) de produire des impacts majeurs à très long terme, qui toucheront des personnes futures très éloignées de nous dans le temps. Qu’il suffise ici de penser à la production de déchets nucléaires et chimiques ainsi qu’à nos comportements relatifs à l’usage des énergies fossiles, qui peuvent engendrer une série de répercussions dramatiques à terme.
Quelle est la deuxième raison qui explique que nous avons soudainement un intérêt récent croissant au sujet de la justice intergénérationnelle?
il faut bien reconnaître que l’on dispose aujourd’hui de moyens d’anticipation (ordinateurs, modèles de simulation prospectifs) tout à fait inédits, qui nous fournissent des informations permettant de prévoir mieux que jamais jusque-là les effets projetés de
nos actions et comportements dans un futur même lointain. On ne peut dorénavant plus ignorer (ou faire semblant d’ignorer) les conséquences différées de nos décisions et actions présentes, avec toutes les nouvelles responsabilités qui nous incombent de ce fait.
Quelle est la troisième raison qui explique que nous avons soudainement un intérêt récent croissant au sujet de la justice intergénérationnelle?
il ne fait pas de doute que l’acuité sans précédent de la prise de conscience des contraintes et limites écologiques auxquelles nous sommes confrontées a constitué un terreau fertile en vue d’alimenter ce type de préoccupations intergénérationnelles. Les nouvelles perspectives de soutenabilité à travers le temps qui ont de la sorte été ouvertes, entre autres, par la réflexion entourant le développement durable, ont assurément contribué à accentuer cette
nécessaire prise en compte de l’impact de nos comportements environnementaux sur l’héritage que nous (génération actuelle) léguerons aux personnes futures.
Quelle est la quatrième raison qui explique que nous avons soudainement un intérêt récent croissant au sujet de la justice intergénérationnelle?
eux philosophes et auteurs influents, soit l’Américain John Rawls (1921-2002) et l’Allemand Hans Jonas (1905-1993), ont porté à l’avant-scène, au cours des décennies 1960-70, la problématique de nos
obligations envers les personnes qui nous succéderont à un moment ou l’autre au sein du continuum temporel. Contentons-nous toutefois, pour les fins qui nous occupent en ces pages, d’esquisser quelques points de repères généraux, tout en demeurant évidemment conscients, ce faisant, de simplifier certainement beaucoup des pensées riches et complexes.
Que soulève John Rawls dans son célèbre ouvrage Theory of Justice
John Rawls soutient que la situation temporelle des
individus, bref leur appartenance à une génération plutôt qu’à une autre, relève fondamentalement des hasards de la vie ou de la loterie de l’existence et, par
conséquent, ne saurait aucunement justifier ou légitimer le fait qu’une génération particulière tire des avantages de sa situation temporelle antérieure au détriment des générations à venir.
Sans détailler, nous retiendrons pour les fins qui nous occupent que, selon la perspective rawlsienne, la place temporelle occupée par une personne est en fait essentiellement tributaire de circonstances moralement arbitraires, tout comme c’est le cas d’ailleurs pour une gamme d’autres facteurs qui déterminent des éléments aussi cruciaux de l’existence humaine que sont le capital de santé à la
naissance ou encore le statut socio-économique d’un individu se retrouvant par exemple dans un milieu plus ou moins défavorisé.
Que soulève Hans Jonas dans son ouvrage intitulé Le principe responsabilité?
Jonas y soutient que nos sociétés insistent trop sur le langage contractualiste (bref du contrat qui est par
exemple la perspective rawlsienne) des droits et pas suffisamment sur les devoirs qui nous viennent plus globalement et inconditionnellement de notre responsabilité morale en tant que membre de l’humanité. Selon Jonas, il faut dépasser cette
logique réductrice et purement juridique qui limite la portée des engagements à ceux contractés mutuellement par des personnes qui coexistent au sein d’une génération enchevêtrée, pour laisser place à un nouveau paradigme permettant d’établir une responsabilité morale plus ambitieuse qui puisse transcender le cadre restrictif des frontières temporelles et lier, ce faisant, les membres de générations non enchevêtrées.
Quelle est l’objection sur l’incertitude quant aux besoins des générations futures?
De ce point de vue, il serait injustifié d’imposer de lourds sacrifices aux générations actuelles au nom d’un futur plus ou moins lointain dont il est difficile de prévoir l’évolution exacte en ce qui regarde les préférences et valeurs des individus qui y vivront, les moyens technologiques qui seront disponibles pour faire face aux problèmes rencontrés, etc. Par exemple, peut-être que le progrès technoscientifique
offrira une solution aux diverses pollutions, aux radiations nucléaires, etc., rendant ainsi inutiles voire injustes pour la présente génération les contraintes et sacrifices qu’elle s’impose par égard à l’endroit des gens du futur.
Quelle est la réponse à l’objection sur l’incertitude quant aux besoins des générations futures?
le point de vue inverse fait valoir l’idée que s’il y a assurément des incertitudes eu égard des choix de vie précis qui seront privilégiés par les individus du futur (surtout lointain), il n’y a cependant certainement pas un même degré d’incertitude sur tous les sujets, en particulier concernant la plupart des besoins qui sont fondamentaux pour l’être humain. En ce sens, il n’y aurait donc pas véritablement d’incertitude à savoir si les gens d’un futur, même très éloigné, souhaiteront légitimement par exemple de disposer d’air et d’eau non pollués, d’être épargnés des effets d’un réchauffement dramatique du climat ou de l’enfouissement non sécuritaire de substances dangereuses à long terme, d’hériter d’un état des finances publiques qui ne compromettre pas leurs
chances ou possibilités de poursuivre avec succès leurs projets de vie, etc. Dans cette perspective, miser sans discernement sur de potentielles percées
Quelle est l’objection sur le manque de réciprocité intergénérationnelle?
Cet argument se fonde sur l’idée qu’il n’existe pas de véritable communauté morale entre les générations non enchevêtrées, à tout le moins en un sens suffisamment fort impliquant la possibilité d’engagements mutuellement consentis entre partenaires sociaux évoluant au sein d’un réseau de droits auxquels correspondent des devoirs réciproques. Bref, les générations futures (surtout celles non enchevêtrées avec la nôtre pour ce qui nous intéresse ici) ne peuvent ou ne pourront de toute façon jamais rien faire en retour pour nous. Cet argument invoquant le manque de réciprocité intergénérationnelle soulève ainsi des enjeux philosophiques que d’aucuns estiment cruciaux au regard des limites de rayonnement de la justice sociale. Cela s’inscrit en particulier dans la logique de la longue tradition du contrat juridique, donc celle des engagements mutuels. Bref, cette idée de la priorité des contrats, et partant des normes juridiques établissant et délimitant ici et maintenant les termes d’un réseau commun de droits et devoirs entre individus, demeure assurément tenace et bien ancrée dans bien des esprits.
Quelle est la réponse à l’objection sur le manque de réciprocité intergénérationnelle?
un lien engageant notre responsabilité intergénérationnelle existe bel et bien, dans la mesure où les humains forment une vaste communauté morale se déployant progressivement à travers le
continuum temporel. Suivant cette ligne argumentative, nous partageons en tant que
membres de l’humanité des traits communs généraux fondamentaux tels que la vulnérabilité physique et psychique, la capacité de souffrance physique et mentale, la volonté constante de subvenir à certains besoins de base en disposant d’un seuil minimal de moyens et ressources requis à cette fin, etc. Et ce destin partagé suffirait alors d’emblée et amplement, même en l’absence d’une réciprocité physique à
strictement dire, à la reconnaissance d’une authentique communauté morale impliquant des obligations fermes
Quelle est l’idée de Joseph Des Jardins?
Des Jardins propose pour ce faire une distinction
plutôt ingénieuse entre, d’une part, une conception traditionnelle du droit considéré comme un « attribut » d’une personne bien incarnée et pouvant de ce fait le revendiquer directement et, d’autre part, une conception renouvelée et élargie du droit envisagé cette fois davantage comme une « fonction », c’est-à-dire d’un droit qui prend force d’ores et déjà en aval avec pour fonction de créer et d’activer d’emblée
l’obligation, pour celui ou celle qui agit (en amont), de tenir compte des conséquences de son action sur autrui, peu importe qu’il s’agisse de contemporains
ou encore de personnes qui subiront ces conséquences plus tard.
Selon Joseph Des Jardins, comment les générations futures peuvent-elles avoir déjà des droits avant même d’exister?
Les droits ont pour but de limiter le comportement des autres. Mes droits limitent votre comportement en vous imposant certaines obligations. Les droits limitent le comportement en vue de protéger certains intérêts importants de celui qui en est détenteur. De
plus, il devrait y avoir des moyens reconnus socialement pour assurer le respect de mes droits. Ainsi, l’existence des droits dépend de ce que
la communauté morale reconnaît comme étant les intérêts fondamentaux à être protégés. Nous pourrions dire que les générations futures ont des droits dans la mesure ou nous reconnaissons et
acceptons les limites imposées à notre propre comportement pour assurer la protection de leurs intérêts.
Quelle est l’objection quant au taux de dévaluation en fonction de l’éloignement temporel?
Il s’agit ici du principe stipulant que s’il convient effectivement se préoccuper du futur, il n’est que normal que ces considérations pèsent moins
lourdement sur nos décisions et nos actions que celles envers nos contemporains ou nos proches descendants. Cette règle, selon ses partisans, devrait notamment nous guider dans nos choix énergétiques, en avalisant le principe selon lequel des ressources exploitées maintenant, outre l’avantage d’engendrer des bénéfices immédiats, porteront des intérêts à terme, tout comme le dollar investi aujourd’hui
vaudra bien davantage dans dix ans que le même dollar non investi jusque-là.