IV-19 Infections à Aspergillus fumigatus Flashcards
Aspergilloses : définition ?
- provoquées par des champignons filamenteux cosmopolites, ubiquitaires (saprophyte et thermotolérant), et pathogènes opportunistes puisqu’ils profitent d’une défaillance naturelle ou iatrogène des systèmes de défense de l’hôte pour l’infecter.
- formes localisées (colonisation ou infections d’évolution souvent chronique), aux atteintes invasives multiviscérales gravissimes.
- manifestations immuno-allergiques.
- Le diagnostic de ces mycoses est difficile et repose sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et radiologiques.
Agent pathogène des aspergilloses ? Physiopathologie ?
- Aspergillus = moisissures à filaments cloisonnés hyalins
- Famille des Aspergillaceae,
- Classe des Ascomycètes.
- Près de 300 espèces composent ce genre, parmi lesquelles Aspergillus fumigatus est l’espèce la plus souvent impliquée en pathologie humaine dans les pays tempérés.
-saprophyte et thermotéolérant => ubiquitaire
- tête aspergillaire : vésicule + phialide + spores (conidies)
- conidiophore = lien entre le filament et la vésicule
Physiopathologie
1) atteinte infectieuse invasive
> à la faveur d’une immunodépression (neutropénie surtout) = maladie opportuniste de pronostic sombre
> infection nosocomiale, parfois
2) colonisation d’une cavité pré-formée
3) manifestations de type immuno-allergiques : aspergillose broncho-pulmonaire allergique, asthme aspergillaire, alvéolite allergique extrinsèque
Pouvoir pathogène des moisissures (dont Aspergillus fumigatus) ?
- la petite taille des spores (2 à 3 mm de diamètre pour A. fumigatus) leur donnant la possibilité d’atteindre les alvéoles pulmonaires,
- la thermotolérance permettant leur développement chez leur hôte à 37°C (jusqu’à 55°C pour A. fumigatus),
- la capacité d’adhérence à la membrane basale (via le collagène, fibrinogène, la laminine, la fibronectine, etc…)
- la capacité d’induire des microlésions et des ulcérations vasculaires par le biais de toxines nécrosantes,
- le tropisme vasculaire (en particulier pour les Aspergillus et les mucorales),
- la production de mycotoxines impliquées dans des processus de sensibilisation responsables de manifestations allergiques.
Facteurs favorisants des aspergilloses ? Moyens de défense contre l’implantation et la dissémination d’A. fumigatus ?
FACTEURS FAVORISANTS
- Ce sont les conditions locales et/ou générales qui contribuent le plus au développement du champignon chez son hôte.
→ des facteurs locaux : perte d’intégrité des épithéliums cutanés ou muqueux, notamment l’altération du tapis muco-ciliaire, cavités préformées, etc…
→ des facteurs généraux : neutropénie et/ou diminution de la capacité de phagocytose des macrophages alvéolaires et des polynucléaires neutrophiles, primitives ou résultant d’immunosuppressions iatrogènes (greffe de moelle osseuse, greffe d’organes solides, immunosuppresseurs, corticoïdes, cytolytiques, antibiotiques, etc…) ou plus rarement, viro-induites.
MOYENS DE DEFENSE
- revêtement cutané, barrière efficace contre les pores et les filaments
- clairance mucocillaire de l’arbre bronchique qui s’oppose à son développement
- réponse inflammatoire de l’hôte qui met en jeu
→ macrophages alvéolaires (spores inhalés)
→ polynucléaires neutrophiles (spores et fiaments)
→ monocytes (filaments)
Réservoirs des moisissures (Aspergillus fulmigans) ?
- omniprésentes dans notre environnement.
- la plupart sont phytopathogènes et se développent en saprophytes dans la terre et sur les plantes ou débris végétaux en voie de putréfaction.
- l’humidité favorise leur survie et leur développement.
=> Elles sont retrouvées dans l’air, sur le sol et les surfaces (verticales ou horizontales), dans l’alimentation et parfois dans l’eau. Elles sont donc également présentes dans l’air ou sur les surfaces à l’hôpital, notamment par remises en suspension en cas de travaux (petits travaux ou gros oeuvres), et véhiculées par les systèmes de ventilation.
Modes de contamination / Aspergilloses ?
- par inhalation de spores, d’où l’atteinte préférentielle des poumons et des voies aériennes supérieures comme les bronches ou les sinus.
- contamination directe par dépôt de spores sur des plaies ou brûlures cutanées, ou un site opératoire, peut aboutir à des infections locales à risque de dissémination en fonction du contexte clinique.
- Des infections localisées, post-traumatiques ou non, peuvent également résulter d’une contamination directe et atteindre par exemple, la peau, le conduit auditif externe (otomycose) ou la cornée (kératite).
- plus rarement, la contamination est d’origine digestive.
Diagnostic clinique des aspergilloses?
-aspergillome
=> résulte de la colonisation d’une cavité préformée (le plus souvent secondaire à une tuberculose ou une sarcoïdose) communiquant avec les bronches et ayant perdu ses défenses phagocytaires.
=> Ainsi, une boule fongique, ou truffe aspergillaire, envahit toute la cavité en laissant un espace clair au niveau du sommet (signe radiologique du « grelot »)
A. fumigatus est l’espèce la plus souvent incriminée.
=> Toux, expectoration, fièvre résistant aux antibiotiques, asthénie et amaigrissement sont observés.
=> La sécrétion d’une toxine nécrosante est responsable d’hémoptysies récidivantes dans près de 60% des cas, complications pouvant menacer le pronostic vital.
Parfois, l’évolution peut être spontanément résolutive (7 à 10% des cas) ou stabilisée sans complication (25% des cas).
Autres formes localisées d’aspergillose (à part pulmonaire)
- sinusien, à l’origine d’un aspergillome sinusien, le plus souvent unilatéral et maxillaire.
Ce tableau de sinusite chronique est fréquemment d’origine dentaire (pâte dentaire, extraction). Rarement, il peut évoluer en aspergillose invasive, notamment loco-régionale (sinus para-nasaux, orbites, cerveau) chez le patient neutropénique ou sous corticothérapie. - bronchique, à l’origine de troubles ventilatoires
- pleural, à l’origine d’une pleurésie purulente : soit endogène, par contiguité à point de départ pulmonaire ; soit exogène, secondaire à un drainage ou à un acte chirurgical.
Nécrose parenchymateuse locale : conditions favorisantes ? diagnostic ? pronostic?
Sur terrains particuliers, la surinfection broncho-pulmonaire chronique peut évoluer progressivement vers une nécrose parenchymateuse locale, d’où le terme d’aspergillose chronique nécrosante, ou aspergillose semi-invasive.
Les conditions favorisantes sont :
- les perturbations graves du pouvoir d’épuration broncho-pulmonaire chez les patients présentant une broncho-pneumopathie chronique obstructive, un asthme, une mucoviscidose.
- une immunosuppression partielle mais chronique, soit du fait de la maladie sous-jacente (éthylisme, diabète, maladies de système, dénutrition …), soit liée à un traitement immunosuppresseur au long cours.
Le diagnostic associe des
> signes cliniques locaux (toux, dyspnée, douleur thoracique, hémoptysie) et généraux (fièvre, altération de l’état général),
> des signes radiologiques,
> et des arguments biologiques (mycologie et sérologie anticorps positives).
Le pronostic peut être péjoratif en fonction du terrain, mais l’évolution est chronique (sur plusieurs mois) et généralement sans invasion vasculaire ni dissémination à distance, contrairement à l’aspergillose invasive.
L’aspergillose pulmonaire invasive (API)
- définition ?
- population à risque ?
- principe diagnostiques ?
- évolution ?
- prévention ?
- maladie la plus grave liée aux Aspergillus
- très mauvais pronostic
- touche des patients sévèrement immunodéprimés : le facteur favorisant majeur est la neutropénie profonde et prolongée, mais d’autres immunosuppressions profondes thérapeutiques (notamment une corticothérapie prolongée à forte dose) ou viro-induite (infection par le VIH), peuvent également favoriser une API.
- plusieurs catégories de patients sont considérées à haut risque :
> les patients atteints d’hémopathie maligne,
> les transplantés de moelle et d’organes solides
> les sidéens (VIH+, stade SIDA) en phase terminale
> mais aussi les patients sous corticothérapie et/ou chimiothérapie prolongées,
> encore les grands brûlés
> patients atteints de déficit immunitaire congénital
Principes diagnostiques.
- doit être évoqué chez tout patient immunodéprimé devant un tableau infectieux sévère résistant depuis plus de 4 jours à une antibiothérapie à large spectre.
- scanner thoracique et par la recherche d’Aspergillus, en particulier dans le liquide de lavage bronchiolo-alvéolaire (LBA) ou dans des prélèvements plus invasifs.
- L’invasion vasculaire et la dissémination seront évoquées devant une antigénémie aspergillaire positive (technique ELISA) ou bien en cas de détection d’Aspergillus dans le sang par biologie moléculaire.
=> En dépit des avancées technologiques, l’API reste un diagnostic difficile et communément classé comme possible, probable ou certain, en fonction des arguments disponibles.
Evolution.
- évolution rapidement péjorative, du fait de l’envahissement local avec nécrose, mais aussi de l’invasion des capillaires permettant une diffusion hématogène de l’infection.
- évolution gravissime (mortalité entre 70 et 90% des cas)
- seuls le diagnostic précoce et la prise en charge thérapeutique adaptée permettent d’améliorer le pronostic
- Le bilan d’extension doit faire rechercher des localisations cérébrales, sinusiennes, hépatiques, rénales, cardiaques, et cutanées.
Prévention.
- Cette infection peut être d’origine nosocomiale et impose des mesures de prévention, notamment un traitement de l’air que respire le patient et un isolement protecteur.
Aspergilloses immuno-allergiques
Le champignon filamenteux se comporte ici comme tout autre allergène et peut entraîner quatre tableaux principaux.
1) L’aspergillose broncho-pulmonaire allergique (ABPA ou maladie de Hinson).
- sur un terrain propice (asthme, atopie, ou mucoviscidose par exemple)
- réponse immunitaire locale à une colonisation trachéo-bronchique aspergillaire chronique.
- Le diagnostic repose sur l’association
> dyspnée fébrile avec infiltrats pulmonaires
> signes biologiques de réaction d’hypersensibilité immédiate (hyperéosinophilie sanguine, augmentation des IgE totales) et semi-retardée (synthèse d’anticorps précipitants anti-aspergillaires, augmentation des titres des anticorps réaginiques spécifiques IgE, IgA et IgG).
2) L’asthme réaginique aspergillaire.
=> asthme (sans infection pulmonaire) qui survient et s’aggrave dans des conditions de forte exposition aux spores aspergillaires.
=> hyperéosinophilie sanguine et d’une augmentation des IgE spécifiques anti-aspergillaires,
=> sans précipitines
3) L’alvéolite allergique extrinsèque.
- alvéolite lymphocytaire provoquée par l’inhalation massive et répétée de spores fongiques chez des sujets NON ATOPIQUES. - risques professionnels (manipulation de grain ou de foin moisi), et l’affection dite « poumon de fermier » en est l’exemple type.
=> épisodes de toux, dyspnée, fièvre, et râles crépitants pulmonaires à chaque exposition à l’allergène.
- La répétition des accès peut conduire à la chronicité avec un tableau d’insuffisance respiratoire chronique par fibrose interstitielle, ou à la bronchite chronique.
=> La détection de précipitines en l’absence de tout terrain atopique contribue au diagnostic.
4) La sinusite fongique allergique.
- chez des sujets jeunes
=> associe sinusite persistante, obstruction nasale, polype nasal
=> hyperéosinophilie sanguine. Les champignons les plus souvent en cause sont du genre Aspergillus, mais d’autres moisissures peuvent également être en cause.
Les aspergilloses extra-respiratoires : formes superficielles ?
Les otomycoses.
- Fréquemment due à A. niger
- l’aspergillose du conduit auditif externe : favorisée par des lésions pré-existantes (eczéma, otorrhée chronique, malformation anatomique) et par l’usage des corticoïdes locaux.
Les aspergilloses oculaires.
- Le plus souvent primaires post-traumatiques (projectiles inertes ou végétaux souillés par des Aspergillus), il s’agit principalement de kératite ou de choriorétinite.
- Rarement, l’atteinte oculaire peut être liée à une extension loco-régionale d’une aspergillose nasosinusienne.
Les aspergilloses cutanées.
- Il s’agit principalement d’infections multiples chez les grands brûlés présentant des zones dermo-épidermiques nécrosées.
- La peau peut également être le siège de métastases septiques au cours de l’aspergillose invasive.
L’onyxis aspergillaire.
- Les moisissures sont rarement responsables d’onychomycoses comparativement aux dermatophytes ou aux levures.
- Le diagnostic ne sera affirmé que sur la présence répétée (au moins 3 fois) d’Aspergillus, à l’examen direct et en culture pure à tous les points d’ensemencement. L’atteinte est essentiellement sous-unguéale distale (95%) ou représentée par des leuconychies superficielles.
Les aspergilloses extra-respiratoires : formes profondes ?
Elles peuvent être soit localisées, soit disséminées, d’origine exogène (post-chirurgicale surtout) ou endogène, après diffusion hématogène au cours d’une API.
Les différentes atteintes peuvent être cérébrales, sinusiennes, hépatiques, péritonéales, rénales, cardiaques (endocardites), osseuses et cutanées.
L’aspergillose disséminée du sujet neutropénique est gravissime
Mise en évidence du champignon ?
> > directe du champignon
1) examen direct : filaments mycéliens de “type aspergillaire”: 2 à 4 micromètres de diamètre, apparaissent hyalins, cloisonnés, et parfois ramifiés
2) culture sur milieu spécifique
Aspergillus pousse en 3 à 5 jours à 37°C. L’aspect macroscopique est ras à poudreux, velouté parfois cotonneux, et de couleur variée en fonction de l’espèce
ou par biologie moléculaire : PCR en temps réel
> > indirecte du champignon
- mise en évidence des Ac circulants (patient non neutropénique)
=> réponse humorale
=> immunoélectrophorèse (IEP), double-diffusion (méthode d’Ouchterlony) ou par électrosynérèse (ES)
+ recherche des IgE spécifiques : aspergillose immuno-allergique
- mise en évidence des Ag circulants : diagnostic de l’aspergillose invasive patient neutropénique)
=> ELISA pour détecter le galactomannane présent dans la paroi d’Aspergillus fumigatus,
Traitements de l’aspergillose ?
Amphotéricine B et formulations lipidiques
> En se fixant à l’ergostérol de la membrane cellulaire fongique, l’AmB crée des pores membranaires à l’origine de la lyse du champignon.
> Son spectre d’activité est étendu, depuis les levures jusqu’aux moisissures à de rares exceptions près.
> néphrotoxicité: possible d’utiliser une formulation lipidique d’AmB (AmBisome°, 3 mg/kg/j en IV, ou Abelcet°, 5 mg/kg/j en IV), au moins aussi efficace, mieux tolérée, mais beaucoup plus onéreuse.
Voriconazole (VFEND°)
> C’est un dérivé triazolé qui a fait la preuve de sa supériorité par rapport à l’amphotéricine B dans le traitement de première intention de l’aspergillose invasive. > Il est fongicide vis-à-vis d’A. fumigatus.
> Le voriconazole diffuse dans le tissu cérébral et en fait une molécule de choix en cas d’aspergillose cérébrale.
> Son activité contre les moisissures serait limité aux Aspergillus, Fusarium et certaines espèces de Scedosporium. Une formulation orale permet un relais au traitement intra-veineux
L’itraconazole (Sporanox°)
> dérivé triazolé administrable par voie orale (400 à 600 mg/j)
> principalement réservé aux infections non invasives. Au cours de l’AI, l’intérêt d’une formulation intra-veineuse en première intention est en cours, et son utilisation en relais per os a beaucoup diminuée depuis l’existence du voriconazole per os.
> > ATTENTION : Les dérivés azolés sont des inhibiteurs du cytochrome P450. En conséquence, de nombreuses interactions médicamenteuses sont possibles.
L’acétate de caspofungine (Cancidas°)
> premier représentant d’une nouvelle classe d’antifongiques ayant comme cible la paroi fongique des Candida et des Aspergillus.
> fongistatique vis-à-vis d’A. fumigatus est indiquée dans le traitement de seconde intention des aspergilloses invasives réfractaires.
> Son spectre d’activité envers les autres moisissures est peu connu.
> Son administration est intra-veineuse
> Le profil de tolérance de cette molécule est particulièrement satisfaisant.
> L’acétate de caspofungine inhibe la synthèse du bêta (1,3)-D-glucane, un constituant essentiel de la paroi cellulaire de nombreux champignons filamenteux et levures. Le bêta (1,3)-D-glucane n’est pas présent dans les cellules de mammifères.