Fiches - Stirn Aguila - Ch 06 - Le système normatif Flashcards
La conception positiviste du droit
I. Pour Hans Kelsen (Théorie pure du droit, 1934), la force obligatoire d’une norme réside dans sa validité, qui résulte de sa conformité aux normes supérieures et, particulièrement, à celles qui régissent les procédures d’édiction des normes.
II. Pour répondre à la question du fondement de la validité de la Constitution, Kelsen, présuppose l’existence d’une « norme fondamentale » ou Grundnorm, qui constitue la source ultime de la validité de toutes les normes. Elle est hypothétique.
III. Le droit est toujours l’expression d’une volonté.
La conception naturaliste du droit
I. Le droit trouve son fondement dans la Nature, la Raison, ou plus généralement, dans des valeurs morales et éthiques.
II. Les jusnaturalistes considère que le législateur n’a pas de pouvoir discrétionnaire. Il doit se fonder sur des règles extérieures qui lui sont supérieures.
Ce qui fonde la légitimité de la loi
« Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi ; mais elle doit être loi parce qu’elle est juste. »
Montesquieu, Cahiers (posthume)
La finalité de la loi
« Le législateur exerce moins une autorité qu’un sacerdoce. Il ne doit point perdre de vue que les lois sont faites pour les hommes, et non les hommes pour les lois. »
Portalis, Discours préliminaire sur le projet de code civil, an IX
La conception sociologique du droit
Le fondement de la normativité se trouve in fine dans un fait ou une pratique sociale.
« ce qui fait la règle de droit, n’est pas la décision du législateur positif, c’est la conscience que cette règle doit recevoir des gouvernants une sanction positive et organisée »
Duguit, Traité de droit constitutionnel, 1921
Le rôle du juge dans le silence de la loi
Selon Ronald Dworkin (Prendre les droits au sérieux, 1995) :
Le juge, en cas de silence des textes, ne doit pas céder à l’arbitraire mais a le devoir de se référer aux principes philosophiques et politiques qui sous-tendent la société.
Les règles non écrites du droit
I. La coutume résulte de la réunion de deux éléments :
- un élément matériel : un usage constant ;
- un élément psychologique : la croyance que cet usage traduit l’existence d’une règle obligatoire.
II. Les principes généraux du droit relèvent de l’ordre des valeurs :
Ils traduisent les conceptions fondamentales qui sous-tendent un système juridique.
La conception civiliste du droit
I. Les sources du système civiliste sont essentiellement écrites.
II. Ce système civiliste repose sur un mode de raisonnement déductif, le syllogisme*, qui contient trois propositions - deux prémisses et une conclusion :
1° Une majeure : la loi détermine au préalable les catégories juridiques ;
2° Une mineure : les faits de l’espèce ;
3° Une conclusion : le juge a pour seule mission de vérifier si les faits particuliers d’une affaire entrent dans les prévisions du législateur.
* <strong>Aristote</strong> en est l’auteur, dans <strong><em>Les Premiers analytiques</em></strong>.
Conception la plus restrictive du rôle du juge
Le juge doit être « la bouche de la loi ».
(Montesquieu, De l’Esprit des lois, 1748)
La Common law
I. Elle s’est implantée dans les pays liés à la colonisation britannique et au Commonwealth : Royaume-Uni, États-Unis, Inde, Australie.
II. Le droit y est d’abord lié à l’action en justice.
III. Le raisonnement est inductif :
1° La règle juridique se déduit de l’ensemble de jugements convergents, qui font jurisprudence ;
2° En vertu de la règle du précédent, le juge est lié par les décisions précédentes ;
3° Il cherche dans quelle mesure l’affaire qui lui est soumise se distingue des précédents invoqués : c’est le distinguishing.
Conception la plus large du rôle du juge
Selon Blackstone (Commentaries on the laws of England, 1765) :
Les juges sont des « oracles vivants ».
Articulation des rôles du législateur et du juge
« l’office de la loi est de fixer**, par de grandes vues, **les maximes générales du droit »,
tandis que « la science du magistrat est** de mettre ces principes en action, de les ramifier, **de les étendre, par une application sage et raisonnée, aux hypothèses privées ».
(Portalis, Discours préliminaire sur le projet de code civil , 1801)
Théorie de la loi écran
⚖️ CE, 1936, Arrighi
Le juge administratif refuse de censurer un acte administratif pris sur le fondement d’une loi contraire à la Constitution.
La loi « n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution ».
⚖️ CC, n° 85-197 DC, Évolution de la Nouvelle-Calédonie
Les sujets du droit international
I. Au XIXe siècle, la place des traités internationaux était relativement marginale. En outre, ce droit étant fait par les États et pour les États, les individus n’en étaient pas sujets.
II. Avec le phénomène d’inflation normative auquel le droit international n’échappe pas, et l’extension du contenu des conventions internationales aux individus et aux acteurs non étatiques, comme le souligne René Cassin (« L’homme, sujet de droit international et la protection des droits de l’homme », 1950) :
Au sortir de la seconde guerre mondiale, l’homme lui-même est devenu sujet du droit international à côté des États et des organisations internationales.
Evolution de la place de la loi en France
I. Initialement, la conception du droit est légicentriste :
1° Selon l’art. 6 DDHC (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789) : la loi est « l’expression de la volonté générale » ;
2° ⚖️ CE, 1936, Arrighi : le juge administratif refuse de censurer un acte administratif pris sur le fondement d’une loi contraire à la Constitution (théorie de la loi écran).
II. Aujourd’hui, la loi doit respecter des obligations constitutionnelles et conventionnelles qui priment la hiérarchie des normes internes :
1° ⚖️ CC, n° 85-197 DC, Évolution de la Nouvelle-Calédonie : la loi « n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution » ;
2° Dans son rapport avec le droit de l’Union européenne, elle tend à servir de simple relai pour la transposition de ce dernier.
Le recours aux ordonnances
I. Renversement de la « doctrine d’usage » de l’art. 38 C :
1° Les ordonnances sont des actes pris par le pouvoir exécutif dans le domaine législatif et acquérant force de loi après leur ratification par le Parlement ;
2° Initialement conçu pour être exceptionnel, le recours aux ordonnances va croissant dans les années 2000. En 2002, 12 ordonnances étaient adoptées. En 2020, 125 : si le contexte était exceptionnel, ce nombre ne trahit pas la dynamique dans laquelle il s’inscrit → Il semble désormais être devenu un mode normal d’édiction des normes.
II. ⚠️Cette banalisation de l’usage des ordonnances présente des risques :
- Un déséquilibre institutionnel marqué par le dessaisissement du Parlement ;
- Des malfaçons favorisées par le recours à cette procédure d’urgence.
Réflexions sur l’inflation normative à la Renaissance
« Nous avons en France plus de lois que le reste du monde et plus qu’il n’en faudrait à régler les mondes d’Épicure ».
Montaigne, Les Essais, 1558
Réflexion sur l’inflation normative au siècle des Lumières
« Comme les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires, celles qu’on peut éluder affaiblissent la législation. »
Montesquieu, De l’Esprit des lois, 1748
Jugement moderne sur l’inflation normative
« Quand la loi bavarde, le citoyen ne l’écoute plus que d’une oreille distraite ».
Conseil d’État, rapport public, De la sécurité juridique, 1991
Chiffres sur l’inflation normative
En 1991, on comptait 7 500 lois et 80 000 décrets applicables.
En 2006, on dénombrait 10 500 lois et 120 000 décrets.
(Conseil d’État, Rapport public, Sécurité juridique et complexité du droit, 2006)
Exemple de malfaçon législative
Dans la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit :
- le législateur a supprimé par mégarde la peine de dissolution des personnes morales coupables d’escroquerie ;
- alors que se tenait dans le même temps le procès de la Scientologie, et que le procureur en avait requis la dissolution.
L’extension de l’intervention de la loi
Les incursions de la loi dans le domaine réglementaire sont de plus en plus nombreuses, alors que le pouvoir exécutif semble avoir renoncé à user de l’irrecevabilité autorisée par l’art. 41 C, dont la dernière utilisation remonte à 1979.
« La loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative ».
Censure de dispositions sans portées normatives, par exemple la disposition qui déclarait que : « L’objectif de l’école est la réussite de tous les élèves. »
⚖️ CC, n° 2005-512 DC, Loi sur l’avenir de l’école
« une disposition législative ayant pour objet de “reconnaître” un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s’attache à la loi ».
⚖️ CC, n° 2012-647 DC, Génocides reconnus par la loi
Le Conseil constitutionnel reconnaît la conformité à la Constitution de la « loi Gayssot » du 13 juillet 1990, qui réprime la contestation des crimes reconnus par le tribunal de Nuremberg.
⚖️ CC, n° 2015-512 QPC, 2016, M. Vincent R.
⚖️ CC, n° 2015-512 QPC, 2016, M. Vincent R.
Le Conseil constitutionnel reconnaît la conformité à la Constitution de la « loi Gayssot » du 13 juillet 1990, qui réprime la contestation des crimes reconnus par le tribunal de Nuremberg.
⚖️ CC, n° 2005-512 DC, Loi sur l’avenir de l’école
« La loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative ».
Censure de dispositions sans portées normatives, par exemple la disposition qui déclarait que : « L’objectif de l’école est la réussite de tous les élèves. »
⚖️ CC, n° 2012-647 DC, Génocides reconnus par la loi
« une disposition législative ayant pour objet de “reconnaître” un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s’attache à la loi ».
Origine du concept de neutron législatif
Expression de Jean Foyer (1982) pour désigner des lois sans portée normative…
…alors que selon la définition de Portalis (Discours préliminaire sur le projet de code civil, 1801) : « La loi permet ou elle défend, elle ordonne, elle établit, elle punit ou elle récompense »
Exemples de neutrons législatifs
I. Une loi sans disposition normative, comme la loi du 23 avril 2005 sur l’avenir de l’école, dont les dispositions suivantes ont été censurées par le Conseil constitutionnel : « L’objectif de l’école est la réussite de tous les élèves. »
⚖️ CC, n° 2005-512 DC, Loi sur l’avenir de l’école :
« La loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative ».
II. Une loi mémorielle, comme la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 :
⚖️ CC, n° 2012-647 DC, Génocides reconnus par la loi
« une disposition législative ayant pour objet de “reconnaître” un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s’attache à la loi ».
III. ⚠️ Mais ⚖️ CC, n° 2015-512 QPC, 2016, M. Vincent R.
Le Conseil constitutionnel reconnaît la conformité à la Constitution de la « loi Gayssot » du 13 juillet 1990, qui réprime la contestation des crimes reconnus par le tribunal de Nuremberg.
Possibilité offerte au Parlement de s’exprimer
I. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a introduit un art. 34-1 C, qui permet au Parlement de s’exprimer politiquement :
« Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique. » (al. 1er)
II. Le même article précise cependant que :
« Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard. » (al. 2)
Possibilités constitutionnelles de recourir à l’expérimentation
I. Selon le quatrième alinéa de l’art. 72 C, introduit par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République :
« Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences. »
II. Selon l’art. 37-1 C, introduit par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République :
« La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. »
Analyse des expérimentations
Selon l’étude du Conseil d’État de 2019, intitulée : « Les expérimentations : comment innover dans la conduite des politiques publiques ? » :
1° 269 expérimentations ont été menées par l’État, les collectivités territoriales et leurs opérateurs, depuis 2003 ;
2°⚠️ Le Conseil d’État relève des carences méthodologiques :
- définition d’objectifs contradictoires ;
- faible association des acteurs publics concernés ;
- généralisation de la mesure expérimentée avant son évaluation (par exemple, le RSA dès 2009 au lieu de fin 2010) ;
3° Publication en annexe d’un guide de bonnes pratiques de l’expérimentation.
Le préfet a le droit de déroger aux « normes arrêtées par l’administration de l’État pour prendre des décisions non réglementaires relevant de sa compétence ».
Décret du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet
Les matières concernées par le droit de dérogation du préfet
Selon le décret du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet, cette prérogative concerne les matières suivantes :
1° Subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales ;
2° Aménagement du territoire et politique de la ville ;
3° Environnement, agriculture et forêts ;
4° Construction, logement et urbanisme ;
5° Emploi et activité économique ;
6° Protection et mise en valeur du patrimoine culturel ;
7° Activités sportives, socio-éducatives et associatives.
Les conditions du droit de dérogation du préfet
Le décret du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet pose à la dérogation les conditions cumulatives suivantes :
1° Etre justifiée par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales ;
2° Avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques ;
3° Être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;
4° Ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.
Le Conseil d’État a rejeté le recours d’une association contre le décret du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet, précisant qu’il ne pouvait conduire :
- à déroger à la loi, n’ayant pas cet objet :
- ou encore à porter atteinte au principe d’égalité, puisqu’il devait être justifié par des circonstances locales.
⚖️ CE, 21 mars 2022, Association Les amis de la Terre France et a.
Il est reconnu la recevabilité des recours dirigés contre des actes de droit souple, dans la mesure où ceux-ci « sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent ».
⚖️ CE, 2016, Société Fairvesta international et SNC numericable
I. Le Conseil admet la possibilité de recours auprès du juge de l’excès de pouvoir contre :
- des « documents de portée générale » émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non ;
- tels que des circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif.
II. ⚠️ Toutefois, un tel recours n’est possible que si ces textes sont susceptibles d’avoir des « effets notables sur les droits ou situations » des tiers.
⚖️ CE, 12 juin 2020, GISTI