Les formes en -ING Flashcards
La question large porte sur une notion ou une forme linguistique dont le candidat est invité à analyser la délimitation, la valeur et
les réalisations en discours en s’appuyant sur les occurrences présentes dans l’ensemble de l’extrait proposé.
Délimitation du phénomène, description de l’opérateur et catégorisation générale des formes en -ing
Par « formes en -ing », on entendra ici les formes qui comportent l’opérateur -ING. Sur le plan de l’analyse linguistique, des mots
morphologiquement simples (c’est-à-dire ni dérivés ni conjugués) tels que ring (l. 44) et anything (ll. 48, 63), dérivé de thing,
n’offrent qu’un intérêt limité, étant seulement des mots terminés par la graphie <ing>. Morning (l. 5) et evening (l. 14 et l. 35) sont
étymologiquement des noms dérivés dans lesquels on retrouve le morphème -ing ou ses précurseurs, mais ils seront exclus
également car les verbes desquels ils dérivent originellement sont devenus opaques. Seul le morphème -ing adjoint à des verbes
transparents offre un véritable intérêt pour qui souhaite analyser les opérations et processus linguistiques qui lui sont liés16. C’est
donc à lui que cette analyse sera consacrée.
Le morphème -ing (parfois représenté en majuscules : -ING) est une forme non autonome, un morphème lié17, qui se manifeste
sous la forme d’une terminaison. Il s’adjoint, en position finale, à une base (un verbe) pour marquer certaines informations d’ordre grammatical ou afin de former certains types de mots. En grammaire traditionnelle, on considère que -ing peut être 1) une
désinence (ou flexion18), ou 2) un suffixe de dérivation. Une désinence sert à marquer le genre, le nombre ou le cas des noms ou
encore le temps, le nombre et la personne des verbes. Les suffixes de dérivation permettent de former, à partir de certains mots,
des unités nouvelles appartenant à une catégorie grammaticale différente.
En tant que désinence, -ing s’adjoint à un verbe pour former le gérondif et le participe présent. En tant que suffixe de dérivation, il
s’adjoint à un verbe pour former un mot appartenant à une autre catégorie lexicale (en l’occurrence un nom ou un adjectif)19. La
portée de -ing diffère selon les cas : il porte sur le mot pour les noms et adjectifs déverbaux, sur l’ensemble du prédicat pour le
gérondif et le participe.</ing>
Problématisation et plan
On note que : 1) les formes en -ing peuvent être de nature nominale, adjectivale ou verbale ; 2) le « point de départ » de la
formation de ces mots est toujours le verbe, que l’on ait affaire à des gérondifs, des participes (domaine verbal), des noms ou des
adjectifs. La frontière entre les catégories est parfois floue. Selon le degré de lexicalisation des occurrences ou les spécificités de
leur fonctionnement, il est parfois difficile de déterminer à quel type de forme il s’agit.
Après avoir répertorié les occurrences présentes dans ce passage, nous proposons de les regrouper dans les trois grands
domaines identifiés plus haut : le domaine nominal, le domaine adjectival et le domaine verbal20. Nous fondant sur l’observation
systématique des formes ainsi classées, nous examinerons les spécificités syntaxiques et sémantiques de leur fonctionnement en
contexte et les processus linguistiques qui leurs sont liés. Nous tenterons d’identifier une valeur invariante de -ing, que celle-ci soit sémantique ou identifiable à un degré d’abstraction plus élevé.
I. Le domaine nominal
- Le substantif lexicalisé (/le nom déverbal)
- Le nom verbal
Le substantif lexicalisé (/le nom déverbal)
un nom déverbal ou nom déverbatif est un substantif (nom commun) dérivé d’un verbe en retirant le suffixe verbal de l’infinitif (en le suffixe ajoutant -ING)
Le procédé à la base de la formation de ces mots est la dérivation par suffixation. En tant que suffixe nominal déverbal, -ing permet
de créer des noms déverbaux (C’est vrai aussi d’autres suffixes dérivationnels comme -ation (assassinate =>assassination) ou -er (bake => baker), même si les opérations mises en œuvre dans la formation de ces substantifs sont loin d’être aussi complexes que celles dont -ing est la trace.)
Les substantifs lexicalisés sont officiellement répertoriés en tant qu’unités lexicales (c’est-à-dire
qu’on les trouve dans les dictionnaires).
On trouve dans le passage les deux occurrences suivantes :
(1) the visitors began to filter through with their offerings (l. 11)
(2) the half-masked smile of understanding (l. 30)
En (1), offerings a un fonctionnement dénombrable (discret). On pourrait le qualifier par un adjectif (their kind offerings), et il porte la marque du pluriel, ce qui témoigne d’un très haut degré de nominalité.
Il pourrait d’ailleurs être remplacé par gifts. Ce nom
témoigne de la réification d’une activité ;
en termes plus simples, il ne désigne plus l’activité d’offrir ou de comprendre, mais se
réfère à des objets, au produit de l’activité.
En (2), le substantif understanding fonctionne de manière indénombrable. Il est ici complément de préposition dans un syntagme prépositionnel lui-même complément du nom smile. Déterminé par l’article Ø, il pourrait être modifié par un adjectif (the halfmasked smile of Ø implicit understanding). Il renvoie à une activité, même si celle-ci est mentale. Si l’activité exprimée par le verbe
sous-jacent peut être indirectement rattachée à Christine Greenaway par le biais de
her smile,
l’article Ø montre que l’on a ici un renvoi à la notion : aucune occurrence précise de understanding n’est ancrée dans la situation, et la référence est purement
qualitative. L’action de comprendre, à laquelle renvoie le verbe sous-jacent understand est à nouveau réifiée par la substantivation.
Dans le cas de offerings, ce processus était poussé très loin puisque de l’activité on avait glissé vers les objets de celle-ci. Avec understanding, c’est l’activité désignée par le verbe originel qui fait elle-même l’objet de cette réification.
2) Le nom verbal
Dans le cas des substantifs lexicalisés, -ing est la trace d’un travail déjà réalisé en amont de l’énonciation. L’énonciateur se
contente d’employer des noms déjà présents dans une réserve de lexique existant. Par contraste, le nom verbal est la marque d’un travail « actif » de l’énonciateur au moment même de l’énonciation. Les noms verbaux sont donc, en principe, non lexicalisés. Une
occurrence de notre corpus nous amène cependant à relativiser le caractère catégorique de cette distinction :
(3) the evening’s ordering (l. 35)
Ordering pourrait être qualifié par un adjectif (the evening’s particular ordering). Comme les substantifs précédemment examinés, cette forme dérive d’un verbe (order) et renvoie à une activité. Elle est ici déterminée par un génitif. On pourrait paraphraser ce
segment par the ordering of the evening
À l’instar de understanding et offering, ordering est répertorié en tant que substantif dans certains dictionnaires
. Toutefois, le
degré de réification et d’autonomie du procès exprimé par le verbe sous-jacent apparaît ici moindre que dans understanding, qui
désigne une notion, et offerings, qui renvoie à des objets. On est plus proche d’un événement, c’est-à-dire un procès ancré dans
une situation donnée (ici, une action). C’est pourquoi on suggère de l’analyser comme un nom verbal
, ou nominalisation
d’action. Ceci illustre la porosité observée à la frontière des catégories.
the ordering of the evening vs the evening’s orderings
La construction du syntagme nominal dont elle est le noyau est assez similaire, en surface, à celle de their offerings, où le déterminant est
possessif (cas génitif). Ici, en revanche, on peut parler de procès repéré par rapport à son complément. L’orientation de ce procès est en effet
passive et non pas active (there was a hiatus in the way the evening was ordered). Bien que la validation d’une RP soit présupposée, le sujet du
prédicat sous-jacent n’apparaît pas dans l’énoncé car il ne correspond à aucune réalité extralinguistique (??[Someone] ordered the evening). Avec
des termes différents, la même syntaxe de surface pourrait pourtant permettre d’obtenir un sens actif (Morse’s ordering of the evening was
appreciated by the guests), mais il n’existe ici aucune ambiguïté en raison du sens de l’énoncé initial (celui-ci ne peut pas signifier The evening
ordered something).
nom verbal vs gérondif
Dans le domaine nominal, -ING permet d’opérer :
- la réification des verbes auxquels il est adjoint, et par là-même leur nominalisation. Ce processus peut être plus ou moins avancé.
A l’extrémité de ce que l’on pourrait désigner comme un
continuum de nominalisation, on trouve des occurrences autonomes de substantifs qui désignent des notions ou des objets.
Un peu en retrait sur ce gradient, on trouve des formes apparentées au nom verbal. On aurait envie de poursuivre avec within a
second of his going (l. 56), qui se situe vraisemblablement plus loin encore en direction du pôle verbal. Mais cette occurrence sera analysée ultérieurement, dans la section consacrée au gérondif.
Le domaine adjectival
En tant que suffixe de dérivation adjectivale, -ing permet de former des adjectifs déverbaux et des adjectifs verbaux. C’est le cas
dans les segments suivants :
(4) a wilting collection of white chrysanthemums (l. 14)
(5) a sombre-looking woman of late-middle age (l. 15)
(6) Mrs G. dragged her long-suffering feet away from Ward 7C (l. 27)
(7) this hiatus in the evening’s ordering was getting… infuriating (l. 35)
(8) a malfunctioning stop-cock (l. 43)
l’adjectif lexicalisé
infuriating
adjectif en position épithète ou en position attribut
adjectif en position épithète (this infuriating hiatus) ou en position attribut (this hiatus was infurating)
Adjectifs épithètes dérivés des verbes
reconstruire une relation prédicative associant une propriété au no, sur lequel ils portent
Les segments (4) et (8) peuvent être analysés ensemble. Les adjectifs épithètes wilting et malfunctioning sont respectivement
dérivés des verbes wilt et malfunction. On pourrait reconstruire une relation prédicative sous-jacente en associant une propriété au
nom sur lequel ils portent au moyen d’une proposition relative : (4) flowers that wilt ; (8) a stop-cock that malfunctions. Dans les
deux cas, les propriétés exprimées sont d’emblée considérées comme acquises du fait de la position épithète des adjectifs. Une
différence existe cependant entre ces occurrences et (7) : wilting et malfunctioning ne sont pas des formes lexicalisées, et les
notions auxquelles elles renvoient sont moins stabilisées que si elles faisaient partie de l’inventaire lexical. S’il semble plus ou
moins possible de remplacer ces formes par des adjectifs (a scabby collection of chrysanthemums ; a nonfunctional stop-cock) on
ne pourrait pas les intensifier par very (*a very wilting collection of chrysanthemums ; a very malfunctioning stop-cock)
27 ou les placer en position d’attribut (these chrysanthemums look wilting ; *that stop-cock was getting malfunctioning). Sur le plan sémantique, ces formes évoquent davantage des opérations effectuées en discours sur des éléments verbaux pour se référer à
des procès ancrés dans une situation donnée. Sur un axe dont les pôles extrêmes seraient le verbe et l’adjectif, ces adjectifs
participiaux se situent plus près du verbe que infuriating dans (7). Dans le cas présent, on se trouve quelque part entre l’adjectif
prototypique et le participe présent. Il s’agit d’adjectifs verbaux, ou participes présents employés comme adjectifs.
l’adjectif composé
sombre-looking
Est-ce que
a sombre-looking woman of late-middle age
se trouve en position épithète ou est-ce que ce terme est un attribut du sujet?
l’adjectif composé
sombre-looking
apparaît en position épithète.
-ING y est adjoint à un verbe copulatif juxtaposé à droite d’un adjectif attribut.
La propriété qu’il exprime pourrait en effet être rendue au moyen de la proposition a woman that looks
sombre, dans lequel look serait copule et sombre attribut. La forme est non lexicalisée (merci les tests syntaxiques).
adjectif participial
adjectif verbal, participe présent employé comme adjectif