Le comptage Flashcards
(22) Pourquoi pense-t-on que le comptage pourrait jouer un rôle important dans le développement numérique ?
C’est en comptant que l’enfant peut faire des liens entre ses représentations non verbales de quantité et la notation culturelle verbale. Ça va lui permettre d’obtenir la cardinalité de n’importe quel ensemble, de manière universelle, il va pouvoir mettre des étiquettes exactes sur les objets du monde. De plus, le comptage et la chaîne numérique sont essentiels pour acquérir les compétences arithmétiques. Le comptage permet de mettre en lien et de combiner les notions d’ordre, d’énumération
(position des éléments dans la séquence) et la référence à une certaine quantité (cardinalité). On va mettre une étiquette à un premier ensemble de un élément. On va prendre cet ensemble, y ajouter un élément et y mettre une nouvelle étiquette, etc… La dernière étiquette obtient ainsi une propriété correspondant à la cardinalité. On utilise les propriétés d’ordinalité pour retrouver la quantité : le successeur de n (ordinalité) correspond à la numérosité n+1 (cardinalité). On n’est donc plus obligé de trouver un ensemble modèle pour retrouver la cardinalité, nous utilisons le comptage pour retrouver la cardinalité à partir de la notion d’ordinalité.
(23) Quels sont les facteurs principaux qui interviennent dans le développement du comptage ?
Trois compétences sont essentielles :
- Compétence conceptuelle : compréhension, connaissance des principes qui définissent et justifient la procédure. « A quoi ça peut servir ».
- Compétence procédurale : Compréhension, connaissance des étapes du déroulement de la procédure. « Comment on fait ».
- Compétence d’utilisation : Compréhension, connaissance des conditions et contextes d’application.
Selon Piaget, les connaissances conceptuelles se développent lentement et ne sont acquises que vers 7/8 ans. Selon Gelman et Gallistel, les enfants possèdent très tôt les principes abstraits du comptage, ce serait les facteurs de performance qui se développeraient.
Selon Gelman et Gallistel, cinq principes abstraits définissent la compétence conceptuelle du dénombrement :
- Correspondance biunivoque : attribuer à chaque élément une seule étiquette
- Ordre stable : la séquence des étiquettes est toujours stable
- Cardinalité : la dernière étiquette donne une propriété de la collection (procédurale)/la dernière étiquette représente la numérosité de la collection (conceptuel)
- Abstraction : l’identité des objets n’est pas pertinente
- Non pertinence de l’ordre : l’ordre de désignation des objets n’est pas pertinent
Comme selon Gelman et Gallistel ces principes sont innés, les difficultés doivent s’expliquer au niveau de la performance. Trois facteurs sont indispensables pour la performance :
- Connaissance de la suite verbale
- Pointage séquentiel (pointer tous les objets de la collection sans en sauter un)
- Coordination entre une tâche verbale et une tâche visuo-spatiale
La connaissance de la chaîne nécessite l’extention progressive de la longueur de la chaine et la maitrise progressive de sa structure (étapes voire cours 8). Le pointage et la structure visuo-spatiales sont sensibles à l’effet plexiglas (l’enfant compte mieux s’il peut toucher les objets que si on met une vitre entre lui et les objets) et à la disposition des éléments (plus facile si les éléments sont en ligne).
Fuson a demandé à des enfants de compter des blocs présentés en ligne et a mis en évidence 2 erreurs principales de comptage au cours du développement :
- Erreur de coordination entre mot et pointage, surtout des omissions (rouge)
- Erreur de coordination entre pointage et objet, surtout des omissions d’objets (jaune)
Les jeunes enfants font beaucoup d’erreurs de pointage puis ça disparait avec le temps.
Jusqu’à 6 ans, une partie important des enfants ne savent pas compter sans erreur et font
surtout des erreurs de coordination pointage/objet (aspect visuo-spatial).
La disposition aléatoire est moins bonne dans tous les cas, sans doute parce qu’elle demande
plus de ressources cognitives (double tâche : énumérer et pointer + surveiller l’ensemble de la
figure).
Les performances s’améliorent entre 3 et 6 ans, montrant que les difficultés sont sans doute
des difficultés de performance (car les connaissances conceptuelles sont peut-être là mais
l’enfant ne veut pas compter car il sait que c’est encore source d’erreur).
(24) Que penser de l’affirmation de Rochel Gelman que la compétence de comptage est innée ? Discutez les
données empiriques pertinentes.
Geldman et Meck ont voulu vérifier si la correspondance terme à terme et les notions
d’ordinalité et de cardinalité étaient présentes dès 3 ans.
Expérience 1, correspondance objet-pointage : Une marionnette de lion compte des cubes,
l’enfant doit dire s’il a fait une erreur ou pas.
Trois types d’essais : comptage correct, violation du principe de correspondance (élément
sauté ou compté deux fois) et pseudo-erreurs (pointage dans un ordre non séquentiel mais
comptage correct).
Les enfants sont capables dès 3 ans de distinguer les comportements qui respectent le principe
de correspondance et ceux qui ne le respectent pas, la correspondance terme à terme
objet/pointage est donc acquise à 3 ans.
Expérience 2, principe d’ordre stable : Le lion compte. Il y a deux essais avec un ordre
correct, un avec une inversion (124356), un avec une séquence aléatoire (21534) et un avec
une omission (12356).
Les enfants de 3 ans ne détectent pas toujours tout à fait les erreurs, même si ça reste audessus
du niveau du hasard. Ils savent quelque chose sur le principe d’ordre stable même s’ils
ne savent pas précisément quoi.
Expérience 3, principe de cardinalité : Le lion compte, par exemple jusqu’à 7. Puis
l’expérimentateur lui demande combien il y a de cubes. Deux essais corrects, un essai n+1 (il
dit 8), un essai plus petit (il dit 3), un essai sur les caractéristiques (il dit bleu).
Conclusion ; les enfants de 3 et 4 ans savent ce qu’il faut faire pour compter correctement
mais leurs performances restent affectées par la magnitude et les conditions (effet plexiglass).
Ils ont donc les compétences conceptuelles mais pas encore la procédure.
Il y a cependant plusieurs critiques : le niveau élevé peut être lié au statut socio-économique,
la méthode n’est pas parfaite (si l’enfant répond avant la fin on recommence) et d’autres
études ont montré des résultats moins élevés.
Mais les enfants n’ont pas nécessairement le principe conceptuel de cardinalité. Si on leur
demande de compter jusque 4 (procédural), ils le font. Mais si on leur demande ensuite
combien il y a, ils recommencent à compte, ils ne tiennent pas compte du premier comptage,
ne comprennent pas ce que la dernière étiquette représente (connaissance conceptuelle pas
parfaite).
Pour voir si les enfants connaissent les principes conceptuels ou uniquement la procédure lors du comptage, Briars et Siegler ont repris l’expérience de Gelman mais en distinguant les traits critiques (correspondance mot/objet, pointer une fois chaque élément et y associer la bonne étiquette) et les traits optionnels (l’ordre du pointage, le fait de commencer à gauche ou à droite, …). Dans les 4 premières situations, le lion omet un mot (correspondance terme à terme, mot/pointage), saute un mot (pointage), donne un mot en plus (correspondance) ou compte 2 fois (correspondance). Ce sont des traits critiques qui violent les principes abstraits de comptage. Dans les 5 suivants, il commence à droite, compte en sautant des objets, commence au milieu, pointe 2 fois un même objet en ne comptant qu’une seule fois. Ce sont des traits optionnels, les principes conceptuels sont respectés mais ça viole la façon habituelle de procéder.
Le rejet des vrais erreurs (conceptuelles) augmente entre 3 et 5 ans, mais les enfants rejettent également les erreurs procédurales. Les erreurs conceptuelles sont détectées dès 3 ans mais beaucoup moins que dans les études précédentes, il y a donc une évolution dans la connaissance conceptuelle. Les enfants de 4 ans rejettent plus les erreurs procédurales que les enfants de 3 ans, ils trouvent ça incorrect de ne pas commencer par celui tout à gauche. Pourtant le comptage est correct, les enfants appliquent donc une procédure sans réellement comprendre les principes conceptuels. Cependant, ce type de comportement diminue entre 4 et 5 ans, suggérant un développement des connaissances conceptuelles. Les erreurs avec le double pointage sont en revanche plus souvent rejetées par les plus âgés.
Ceci suggère qu’il y a plus de développement que ce que laissaient entendre les études précédentes car les enfants continuent de rejeter des comptages qui sont conceptuellement corrects mais atypiques dans leur mise en oeuvre.