Conférence Flashcards
Le conseil souverain de Nouvelle-France: Le cadre juridique français transposé dans la colonie 1663 à 1760
Quels est l’organisation des pouvoirs?
Jusqu’en 1627, les gouverneurs agissant comme des vice-rois ont les pleins pouvoirs en vertu d’une commission (Jacques Cartier 1535 et Champlain 1608).
Le gouverneur et l’intendant
Quel est le rôle du gouverneur?
Détenant les pleins pouvoirs dans un premier temps, le gouverneur se voit adjoindre un conseil par un édit de 1647, composé du gouverneur de Montréal et du supérieur des jésuites.
Des syndics des habitants sont élus à Montréal, Trois Rivières et Québec pour 3 ans. A partir de 1648, ils votent au conseil. Dès 1677, ils disparaissent.
A partir de 1685, le gouverneur perd son influence au sein du conseil en matière civile.
S’il siège au Conseil souverain mais ne le préside plus, ses fonctions demeurent essentiellement militaires. Il commande les troupes, les implantations de forteresses, les relations avec les autochtones et les colonies voisines.
Il participe, avec l’intendant, à l’octroi de seigneuries.
Quel est le rôle de l’intendant?
Le premier intendant de justice, police et finances fut Jean Talon nommé en 1665.
Il a pleine compétence en matière de police, d’économie et de finance.
À partir de 1685, le Conseil Souverain ne discute plus des questions de réglementation en son absence.
Il est responsable de l’administration de la justice. Il nomme les officiers des juridictions royales et les notaires.
Ses actes sont directement applicables. Il édicte de nombreux règlement en matière de commerce, de salubrité publique, de qualité des marchandises.
Il préside les débats du Conseil souverain à partir des années 1680. Il peut évoquer devant lui toutes affaires (par exemple censitaires seigneurs).
L’intendant peut se saisir des litiges de nature commerciale. Il n’est pas tenu de suivre les règles juridiques en vigueur.
Il peut édicter une ordonnance destinée à régler un litige (ex. testament reçus par des prêtres qui n’occupent pas une cure).
L’organisation du pouvoir judiciaire
Quels sont les rôles des tribunaux de première instance?
À partir de 1664, c’est l’intendant qui organise les tribunaux. Les sulpiciens de Montréal nomment le juge de Mtl. Une juridiction royale (à Trois-Rivières) et la prévôté de Québec sont établies en 1664.
Une juridiction royale remplace en 1693 cette juridiction, mais les seigneurs conservent les droits de moyenne et basse justice. Ex: Justice seigneuriale de Notre Dame des Anges.
Dans quelques seigneuries, il existe une cour seigneuriale composée d’un juge, d’un procureur fiscal et d’un greffier.
La moyenne justice équivaut aux amendes inférieures à 60 sols, permet la nomination des tuteurs, curateurs, de dresser des inventaires après décès.
La basse justice, correspond aux amendes inférieures à 10 sols.
Qu’est ce que la juridiction religieuse?
Il existe une officialité à Québec qui peut connaître des questions de Dîmes, la validité de certains mariages, l’hérésie et la simonie…
En quoi consiste la juridiction d’appel dans le conseil souverain?
Le Conseil souverain est créé en 1663 et il devient le tribunal d’appel.
Il juge «en la forme et manière qui se pratique et se garde dans le ressort de notre Cour de Parlement de Paris».
À l’instar des autres provinces, la Nouvelle-France dispose, à partir de 1663, d’une juridiction supérieure, le Conseil souverain, qui sera dénommé Conseil supérieur en 1703.
Ordonnance de Louis XIV, roi de France et de Navarre, du mois d’avril 1667. Avec le procès verbal contenant les modifications faites par le conseil à la dite ordonnance, dans É.O. I, p. 106-230.
De même que les autres parlements, son devoir était d’enregistrer et de publier les lois du royaume, de légiférer pour les besoins de la colonie et surtout d’entendre les causes criminelles et civiles. Rapidement, l’intendant se réserve la fonction législative, alors que la fonction judiciaire est réservée au Conseil. Ce dernier était formé du gouverneur, de l’évêque, de cinq conseillers et du procureur général
En quoi consiste l’organisation de la Juris Dictio?
Si le gouverneur garda le titre de président de l’assemblée, c’est l’intendant qui présida de facto le Conseil. En son sein, aucune proposition n’était soumise et on n’enregistrait pas les votes, la décision étant alors celle de celui qui présidait, agissant sur l’avis des autres membres.
À partir de 1675, les membres du Conseil ne sont plus nommés par le gouverneur, mais obtiennent une commission royale, sur recommandation de l’intendant et leur nombre est porté à sept, le quorum étant difficile à atteindre (trois juges pour le civil, cinq pour le criminel).
Si son activité est essentiellement judiciaire, les conseillers sont également enjoints de seconder l’action des administrateurs, rôle traditionnel des juges des provinces ultramarines. Le personnel administratif et de justice est toutefois peu nombreux
Le projet de règlement rédigé parTracy et Talon «pour la justice et la distribution des terres du Canada» en janvier 1667 illustre la dynamique qu’ils entendent impulser au sein du Conseil. Talon demande que les attributions et les jours de réunion de ce Conseil soient clairement spécifiés.
Il souhaite également «qu’on administre au Canada une forme de justice distributive, brève et gratuite, (et) qu’il soit établi des juges dans divers quartiers ou juridictions ayant pouvoir de juger en première instance de toute matière civile jusqu’à la concurrence de la somme de dix livres» (règlement fait parTracy et Talon pour la justice et la distribution des terres du Canada, 24 janvier 1667, MG1-C11A, bobine no. C-2375, vol. 2, fol. 547-568). PAS MIS EN OEUVRE
Selon Talon, il est souhaitable qu’il ne puisse être alors porté appel que devant trois autres juges parmi les quatre juges qui seraient établis à Québec (Id., fol. 549).
S’interrogeant sur leurs salaires et vacations, il oriente plutôt cette rémunération vers un salaire honorifique que vers une rétribution conséquente. Concernant la procédure à suivre, il promeut la médiation, puisqu’il souhaite, qu’avant de se pourvoir en justice à Québec, soit tentée «la voie de la composition à l’amiable» afin de régler les petits litiges.
Il s’interroge à cette occasion sur les droits des parties et les peines à infliger aux coupables. Il propose au roi une ordonnance permettant d’obliger ceux qui ont des terres à déclarer ce qu’ils possèdent, celle-ci donnant les conditions et clauses portées par leurs titres. Cela permettrait de vérifier si ces contrats ne causent aucun préjudice aux droits de la couronne, et ensuite de connaître l’étendue des terres concédées et des terres mises en valeur au Canada et celles qui reste à distribuer dans les lieux «commodément situé[s]» (Id., fol. 550-559).
Le Conseil supérieur fut dépouillé de ses vastes compétences administratives au profit de l’intendant, alors que l’autonomie des trois tribunaux royaux de première instance s’avéra quasi-inexistante. Le Conseil souverain de la Nouvelle-France est ainsi une institution sous l’influence prépondérante de l’intendant. L’intendant Dupuy témoigne ainsi du rôle qu’il a joué au sein du Conseil Souverain:
«Je n’ai eu, ainsi que chacun de ceux qui le composent, que ma voix dans les arrêts, c’est peut-être la première fois qu’on a imputé au président les jugements d’une compagnie entière. […] Si j’ai joint des principes et des maximes aux arrêts qui ont été rendus, je l’ai fait pour l’acquis de mon devoir puisque, dans une colonie aussi formée et d’un peuple aussi nombreux que l’est celui du Canada, auquel il est nécessaire tous les jours de rendre la justice et où il est question de juger les points de droit et de coutume les plus difficiles, on n’y envoie un intendant de justice que pour aider ceux qui ne sont pas moins en état de juger sur chaque espèce qui se présente au tribunal lorsque quelqu’un leur met devant les yeux, avec fidélité et avec exactitude les principes et les maximes de chaque matière qui se présente à juger» («Mémoire de l’intendant Dupuy au ministre, 1729», p. 103).
En quoi consiste l’enseignement des conseils souverains?
Il n’existe pas d’université ou d’école de droit dans la colonie et la profession d’avocat n’est pas reconnue devant les juridictions, même si des procureurs, notaires ou praticiens défendent la population au sein du prétoire. Malgré ses efforts pour assainir l’appareil gouvernemental transplanté en Nouvelle-France, Colbert n’est pas parvenu à échapper à l’enchevêtrement des pouvoirs, caractéristique structurelle de l’État monarchique français.
Ainsi les agents coloniaux, surtout à la fin du xvii e siècle, «gaspillent beaucoup d’énergie à se définir les uns par rapport aux autres» (Louise Dechêne, Habitants et marchands, p. 372).
Pour la seule ville de Montréal, les normes de police émanent de six organes différents, soit le juge de la juridiction, le Conseil souverain, l’intendant (ou son subdélégué), le gouverneur particulier, le major de la ville et enfin le gouverneur-général.
L’interdiction de reconnaître les procureurs ou avocats est permanente dans les instructions aux administrateurs. Le recours à l’avocat, qui est la règle devant les juridictions métropolitaines en vertu de l’ordonnance civile, est donc rejeté devant les juridictions de la colonie.
Quels sont les rôles de avocats et des procureurs par rapport au conseil souverain?
Le souhait du roi est de permettre aux parties de se représenter elles-mêmes, tout praticien du droit pouvant néanmoins, à l’occasion, servir de procureur, ce dont les notaires et les huissiers ne se privèrent pas.
La volonté royale est donc davantage d’éviter la création d’un corps d’avocat, d’un barreau canadien constitué, plutôt que de priver les parties de Nouvelle-France de défenseurs. Les difficultés à organiser les rapports de pouvoir entre gouverneur et intendant - sans négliger l’influence de l’évêque - témoignent des problèmes posés par le choix original fait dans la colonie.
Toutefois, à partir du début du xviiie siècle, l’administration est en place et devient capable de gérer un territoire de plus en plus vaste, comme le développement de Détroit le montre.
Pratique juridique limité dans la colonie
L’action du Conseil Souverain au regard des sources du droit
Quels sont les sources du droit colonial?
Ce sont les ordonnances royales (surtout procédure et droit public), la Coutume de Paris (organiser les biens, succession, …), la doctrine et la jurisprudence, le droit romain en matière d’obligations et de manière supplétive, les canons de l’Église en matière religieuse
En quoi consiste les ordonnances royales?
Selon les termes de l’édit de création, le Conseil Souverain doit juger selon les lois et ordonnances du royaume. Les lois existant en France en 1663 s’appliquent donc de plein droit.
Certains édits du Conseil d’Etat sont, à partir de cette date, établis à la destination unique du Canada et des colonies. Il est alors précisé explicitement par le roi que le conseil souverain doit enregistrer ces textes.
(Après 1663, ne devrait s’appliquer les ordonnances et les dits qui sont soit enregistrer par le conseil souverain ou lesdits qui sont directement adressé à la colonie)
Contrairement à l’Ordonnance du commerce de 1673, l’Ordonnance sur la procédure civile de 1667 a bien fait l’objet d’un enregistrement à travers les modifications approuvées par Louis XIV en 1678 par le Conseil souverain de Québec.
On constate toutefois que les grandes ordonnances royales ont continuellement été appliquées en Nouvelle-France sans faire l’objet d’un enregistrement préalable systématique.
Dans ces conditions, bien que non enregistré, le «code marchand» de 1673 aurait naturellement trouvé aussi à s’appliquer. Collet écrit en 1712:
«Mon premier soin a été, suivant vos ordres Monseigneur, de m’instruire du règlement du roi pour cette colonie. Je prévois que, dans la suite, il sera nécessaire de faire encore quelques explications sur des articles de différentes ordonnances de Sa Majesté, qui ne peuvent pas être entièrement exécutées dans cette colonie, j’en ferai des mémoires raisonnés que j’aurai l’honneur d’envoyer à votre Grandeur»
Souhaitant réformer cette situation dérogatoire au droit commun et à la lettre de l’ordonnance civile, Collet propose au ministre de procéder aux enregistrements devant le Conseil supérieur à la requête du procureur général du roi, après lecture et publication à l’audience du Conseil.
Il déplore également, dans le même mémoire, l’application locale de l’ordonnance de la Marine d’août 1681.
En règle générale, les édits et ordonnances français ne sont pas enregistrés et transcrits dans les registres.
Exception à cette règle, l’ordonnance sur la procédure civile de 1667.
Un procès-verbal de 1678 contient des remontrances à son sujet, une adaptation aux conditions du pays, extension de divers délais sont préconisés. Le roi accepte les suggestions du Conseil.
En 1707, le Conseil adopte par exemple un règlement modifiant l’ordonnance de 1667.
En 1746 et 1747, Louis XV défend même au Conseil supérieur de Québec de procéder à l’enregistrement d’ordonnances sans avoir d’instructions expresses à cet effet.
En principe donc, les ordonnances royales continentales ne peuvent être évoquées devant le conseil puisqu’elles ne sont pas enregistrées.
En pratique pourtant, la législation royale a été régulièrement appliquée en Nouvelle-France.
À la lecture de ce mémoire, une pratique locale s’affirme autour de l’obligation d’enregistrement des ordonnances par le Conseil. Collet est conscient des problèmes posés par la pratique du Conseil, qui n’enregistre qu’une partie des textes et n’assurant qu’une publicité très parcellaire des instruments normatifs:
«J’ai remarqué que, jusqu’à présent, les édits, déclarations ou arrêts du Conseil d’État du roi n’ont point été enregistrés suivant la déclaration du 24 février 1673, à la requête du procureur général du roi, et que l’enregistrement en a seulement été fait (sans lecture ni publication à l’audience) au greffe du conseil supérieur de ce pays, et que cet enregistrement n’a point été fait dans les juridictions de la prévôté et amirauté de Québec, ni dans celle de Montréal ou Ville-Marie et des Trois-Rivières, quoique cette formalité soit nécessaire et prescrite par l’article 4e du titre 1er de l’ordonnance du mois d’avril 1667, afin que les édits, déclarations et arrêts du Conseil d’État du Roi soient gardés et observés dans cette juridiction» (Ibid., fol. 190v-191).
Quel est l’application de la coutume de Paris?
Dans les premiers temps de la colonie, il existe un certain flottement juridique. Les trois concessions de seigneurie ne faisaient référence à aucune coutume particulière.
La Compagnie des Cents associés (1627-1663) concède des fiefs à son tour sans préciser le droit applicable. En 1647, elle déclare pourtant vouloir suivre la Coutume de Paris.
Sous ce régime, les concessions octroyées aux censitaires font références à la Coutume de Paris pour les lods et ventes, saisines et amendes.
Les seigneurs de Beaupré ont recours par contre à la Coutume de Normandie dans une clause prévoyant le retrait seigneurial.
Après 1655, la Compagnie des Cents Associés renvoie plutôt à la coutume du Vexin français.
La raison en est que cette coutume prévoit le paiement systématique d’un droit de relief (fiscal) en cas de mutation de fief.
En 1664, par l’art. 33 de l’établissement de la Compagnie des Indes Occidentales de 1664, les juges de la colonie doivent appliquer la Coutume de la prévôté et vicomté de Paris.
Certains articles de la Coutume ne s’appliquent pourtant pas à la Nouvelle France. Il s’agit essentiellement du Titre 12, concernant la garde Noble et Bourgeoise et des articles relatifs à des particularismes de la région parisienne ou à des délais.
En quoi consiste la doctrine et la jurisprudence française?
La doctrine française permet aux magistrats d’étayer leur argumentation, en l’absence quasi complète d’une doctrine québécoise, (Ferrières, Domat et Pothier).
Seul François Joseph Cugnet (Traité abrégé des anciennes lois, coutumes et usage de la colonie du Canada, aujourd’hui province du Québec 1775) et L. G. Verrier ont tenté d’enseigner le droit tel qu’appliqué dans la Nouvelle-France.
L’absence d’enseignement, de faculté de droit renforce l’influence française sur la doctrine et la jurisprudence.
La jurisprudence suivie par le Conseil Souverain est celle du Parlement de Paris.
Source secondaire du droit
Pas de doctrine locale de la Nouvelle-France
En quoi consiste la réglementation locale?
Elle consiste essentiellement dans les actes de l’intendant. Sa législation locale est particulièrement importante en matière de police, il règlemente l’activité des coureurs des bois, encadre la traite, l’organisation urbaine et intervient en matière commerciale et fiscale. Le Conseil souverain peut également intervenir afin d’organiser le fonctionnement de la justice.
Ordonnance des intendants
Quel est l’application normative à la Nouvelle-France?
Le Conseil souverain va adapter sit volontairement ou en acceptant des pratiques différentes pour faciliter la vie en colonie.