đĄ POLĂMOLOGIE Flashcards
La guerre traditionnelle a-t-elle encore un âbel avenirâ ?
Fins des modĂšles traditionnels avec une :
DESPECIFICATION DE LA GUERRE
CIVILIANISATION DES CONFLITS
Pour Jean-Baptiste JEANGENE VILMER, directeur de lâIRSEM :
âĄïž La frontiĂšre entre la guerre et la paix devient de plus en plus floue. Depuis les guerres de dĂ©colonisation, guerre et paix se trouvent souvent mĂȘlĂ©es, au sein dâune zone grise.
âĄïž Il existe beaucoup de situations oĂč lâon ne peut dire vraiment si lâon est en guerre ou en paix, ce qui fait que lâon aboutit Ă une sorte de « dĂ©-spĂ©cification » de la guerre. Hier, la guerre sâimposait comme un Ă©tat spĂ©cifique, que lâon pouvait aisĂ©ment identifier. Aujourdâhui, ce nâest plus le cas.
âĄïž On observe une « civilianisation » des conflits armĂ©s, ces derniers ne se dĂ©roulant pas sur des champs de bataille mais au coeur des villes. Les civils deviennent Ă la fois acteurs, cibles et victimes de ces affrontements dâun nouveau genre.
âĄïž On constate donc bien une fin des modĂšles traditionnels, un effacement des repĂšres classiques sur lesquels nous avons longtemps fonctionnĂ©. Pour autant, le risque du recours Ă la force pure ne doit pas ĂȘtre Ă©vincĂ© dâun revers de main. Des conflits majeurs entre Etats ne sont plus Ă exclure.
Carl SCHMITT
đ 1888 - 1985 / Juriste et philosophe allemand
đ ThĂ©oricien rigoureux qui pense lâEtat Ă lâĂ©poque moderne.
đ Adepte de lâautoritĂ© et figure de la rĂ©volution Conservatrice.
đ Promoteur et thĂ©oricien de la dictature.
đ SâintĂ©resse Ă la rebellion et Ă lâinsurrection.
đ Il associait Ă©troitement la guerre et la construction de lâEtat.
đ Le fondement de la philosophie de Carl Schmitt :
- lâessence du politique est la discrimination entre lâami et lâennemi.
- DESIGNER LâENNEMI est lâESSENCE DE LA POLITIQUE.
Origine des partisans pour Carl SCHMITT ?
La guerre de guérilla menée par le peuple espagnol contre les forces armées de Napoléon.
1808 -1813
Pour Carl SCHMITT, câest la premiĂšre fois quâon voit un peuple affronter une armĂ©e rĂ©guliĂšre et moderne bien organisĂ©e.
Théorie du partisan
Carl SCHMITT
1962
âș Essai centrĂ© sur le concurrent et lâadversaire du soldat : le partisan.
âș Partisan = combattant ne portant pas lâunifrome et menant des guerres irrĂ©guliĂšres ou subconventionnelles.
Carl SCHMITT : retour en grĂące ?
Depuis les attentats terroristes perpétrés à Paris, la pensée de Carl Schmitt revient sur le devant de la scÚne médiatique.
đ Alain FINKIELKRAUT met ainsi en avant le juriste allemand : « LâEurope sâĂ©tait constituĂ©e sur le rĂȘve de la paix perpĂ©tuelle, ce rĂȘve avait quelque chose dâhelvĂ©tique. Ce rĂȘve se fracasse aujourdâhui sur la rĂ©alitĂ© de lâennemi. Toute la question est de savoir comment nommer lâennemi [âŠ]. Et câest cet ennemi qui, prĂ©cisĂ©ment, malgrĂ© nous, nous fait rentrer dans lâhistoire. Mais je vois une grande difficultĂ© dans la France dâaujourdâhui Ă discerner lâami de lâennemi, ce qui pourtant est lâacte politique fondamental ».
đ La philosophie de Carl Schmitt est puissante en cette pĂ©riode de crise qui rompt « la fin de lâhistoire » comme accomplissement universel dâune dĂ©mocratie libĂ©rale pacifiĂ©e.
đ Pour Schmitt « est souverain qui dĂ©cide de lâĂ©tat dâexception (=> Ă©tat dâurgence) ». Câest-Ă -dire, le pouvoir exĂ©cutif, si ce nâest son plus haut magistrat le PrĂ©sident âet non le peuple.
đ Dans ThĂ©orie du partisan, le juriste prĂ©cise que « lâennemi est notre propre remise en question personnifiĂ©e ». Soudainement lâennemi est ce frĂšre qui se retourne vers moi et mâobsĂšde.
Carl SCHMITT et lâEtat
ThĂ©oricien rigoureux qui pense lâEtat Ă lâĂ©poque moderne.
Il considĂšre que le premier impĂ©ratif de lâEtat est de se dĂ©fendre contre lâennemi.
Cela le conduit Ă prĂ©fĂ©rer le mode dâorganisation autoritaire des dictatures aux dĂ©mocraties libĂ©rales (fragiles et illusoires).
Causes matĂ©rielles de la guerre Ă lâorigine de la pensĂ©e Ă©thique occidentale?
Les causes matĂ©rielles de guerre sâarticulaient autour de quatre catĂ©gories :
- défense,
- reprise dâun bien,
- poursuite dâune crĂ©ance,
- chĂątiment.
Dans les autres cas, il sâagit de latrocinium, qui est un pĂȘchĂ© mortel.
Chevalier / Ingénieur militaire
đĄ Le chevalier se distingue par sa force, sa dextĂ©ritĂ© et son courage.
đšđ»âđŹ LâingĂ©nieur militaire cherche lui Ă dominer lâincertitude de la guerre en faisant appel Ă ses connaissances savantes.
- Il met Ă profit ses compĂ©tences techniques pour Ă©laborer des ruses destinĂ©es Ă tromper lâennemi.
- Câest le âmaitre des stratagĂšmesâ qui conseille et assiste le prince dans lâĂ©laboration des subterfuges les plus ingĂ©nieux.
- Pour mĂ©moire, âengin vaut mieux que forceâ (Rabelais dans Pantagruel).
Dichotomie guerre / paix
Un accident dans lâhistoire
Ecole stratégique asiatique vs occidentale
Asiatique
PrivilĂ©gie la phase qui prĂ©cĂšde le conflit armĂ© afin dâĂȘtre en position de lâemporter dĂšs avant le dĂ©but des opĂ©rations, quitte Ă nâavoir pas Ă les entreprendre.
Occidentale
Se penche en premier lieu sur la conduite des opérations et la recherche de la victoire dans le combat.
Emer de VATTEL
âĄïž Emer de VATTEL est un diplomate suisse, auteur du traitĂ© Le Droit des gens, 1758. Il sâinscrit dans lâhĂ©ritage de Grotius.
âĄïž VATTEL introduit le critĂšre dâhumanitĂ© dans la rĂ©flexion juridique. Câest la prĂ©figuration du droit international humanitaire inventĂ© sous lâimpulsion dâHenri DUNANT et de la Croix Rouge.
âĄïž VATTEL estime que la ruse est la maniĂšre la âplus humaine de faire la guerreâ.
Espaces fluides et espaces solides
Laurent HENNINGER
Concept datant de 2012.
Câest une nouvelle grille de lecture qui pourrait expliquer la domination par le monde anglo-saxon Ă partir du XVIII° siĂšcle jusquâĂ nos jours, qui a rĂ©ussi Ă penser et Ă contrĂŽler les diffĂ©rents espaces fluides que sont les domaines maritimes, bancaire, cyber et spatial.
Faiblesse des Etats et affrontements :
Hobbes vs Locke
Thomas HOBBES
Lâabsence dâun Etat tutĂ©laire favorise les affrontements entre passions humaines individuelles - ambition, aviditĂ© ou ressentiment.
Exemples : en Somalie, au Soudan du Sud, en Centre Afrique, au Nord Mali et dans lâest de la RDC, câest lâabsence dâEtat qui favorise les conflits de nature hobbĂ©sienne.
John LOCKE
En lâabsence dâEtat, il peut quand mĂȘme y avoir une certaine stabilisation. Mais lâEtat permet de protĂ©ger la sociĂ©tĂ© civile.
Exemple : rĂŽle des Eglises en RDC.
Georges DUMEZIL
Historien et anthropologue français du XXe siÚcle
âș Il explique que nos sociĂ©tĂ©s sont organisĂ©es autour du fait guerrier et de trois ordres, qui dĂ©coulent justement de ce fait guerrier.
âș Cet ordre tripartite aurait pris fin avec les Etats GĂ©nĂ©raux de 1789.
âș Le tiers Ă©tat devient dĂ©sormais celui qui prĂ©tend exercer le pouvoir dâoĂč le glissement suivant : câest la Nation entiĂšre qui devient une Nation en armes. Il y a une militarisation de la sociĂ©tĂ© qui fait que lâarmĂ©e est la Nation et que la Nation est lâarmĂ©e.
Guerre
Le conflit extérieur des nations prend la forme de guerre.
âș La guerre semblerait ĂȘtre un ensemble de phĂ©nomĂšnes inhumains, de dĂ©chainement de violence et de retour Ă des attitudes animales, contraires Ă lâhumanitĂ©, Ă la socialisation de lâhomme. Pour FREUD : la guerre est inĂ©vitable car lâhomme failli Ă son humanitĂ©.
âș Or, la guerre est dâune autre nature que lâagressivitĂ© : elle est une violence organisĂ©e collectivement pour Georges BATAILLE (LâĂ©rotisme, 1957). Elle a un caractĂšre social et obĂ©it Ă des rĂšgles.
âș La guerre serait le propre de lâhomme. Elle nâest pas un reliquat de lâanimalitĂ©, mais bien un projet humain dans son inhumanitĂ© mĂȘme. La guerre existe parce quâil y a des sociĂ©tĂ©s humaines qui ne sont pas des hordes animales et qui la sacralisent.
âș SacralisĂ©e, justifiĂ©e, lĂ©gitimĂ©e, la guerre apparait comme une violence pourvue dâun sens profond pour lâhumanitĂ©.
La guerre est donc une affaire sociale, humaine et nullement une barbarie sans but qui marquerait le retour de lâĂ©tat de nature et de lâinstinct.
La guerre est dans les gÚnes de notre modernité politique : cette vision est-elle universelle ?
đĄ La violence est la chose du monde la mieux partagĂ©e. Elle est consubstantielle Ă la marche du monde.
đĄ CONTRE :
- Sa réalisation, sous forme de guerre interétatique, est conforme au modÚle européen.
- La tradition âwestphalienneâ de la guerre pose de multiples problĂšmes car il existe de nombreuses conflictualitĂ©s.
Guerre : pensĂ©e dâAlain
Mars ou de la guerre jugée, 1921
âș ALAIN dĂ©nonce les guerres.
âș Il considĂšre dâailleurs que seules les nations civilisĂ©es sont capables de crĂ©er des guerres immenses et atroces comme la WW1.
âș Pour lui, la guerre est plus une exaspĂ©ration des sentiments les plus nobles de lâhomme tels le courage, le refus de la peur, lâamour de la patrie, quâun dĂ©chainement de bestialitĂ© ou de barbarie. Le soldat nâest pas un assassin ni un voleur !!!
âș Son enseignement de la guerre : les sentiments nobles y sont prĂ©cisĂ©ment trahis et manipulĂ©s, cela dâautant plus que les guerres sont modernes et mĂ©caniques, laissant peu de place Ă lâhĂ©roĂźsme qui perd toute signification.
âș Pour Alain, âLa guerre est lâexpression de lâhumanitĂ© qui se retourne contre elle-mĂȘme, une sorte dâauto-destruction de soi au nom des sentiments les plus Ă©levĂ©sâ.
Guerre : pensée de Clausewitz
La guerre est un phĂ©nomĂšne de violence pure portĂ©e aux extrĂȘmes.
âș Ce qui distingue la guerre, câest quâelle est la violence non pas entre les hommes mais entre des groupes, des sociĂ©tĂ©s, et Ă lâĂ©poque moderne entre des Etats.
âș âChaque Etat ne peut avoir comme ennemis que dâautres Etats, et non pas des hommes âŠâ
âș Les hommes ne sont entrainĂ©s dans la guerre quâaccidentellement : la guerre est une violence qui dĂ©rive de lâappartenance Ă un corps politique, câest-Ă -dire de lâappartenance Ă la nation. Et la nation a pour effet de rendre le corps politique totalement solidaire.
âș DâoĂč lâimportance de la formule âla guerre est la continuation des relations politiques avec dâautres moyensâ. Câest toujours Ă la politique de mesurer la violence, lâintensitĂ©, le caractĂšre et la forme que la guerre prend Ă lâaune des fins quâelle poursuit.
Guerre : pensée de FREUD
La guerre est inĂ©vitable et montre que lâhomme failli Ă son humanitĂ©.
âș La guerre est un ensemble de phĂ©nomĂšnes inhumains, de dĂ©chainement de violence et de retour Ă des attitudes animales, contraires Ă lâhumanitĂ©, Ă la socialisation de lâhomme.
âș Elle est le dĂ©foulement de pulsions que la civilisation rĂ©prime Ă lâordinaire et qui nous ramĂšnent aux tĂ©nĂšbres de lâinstinct.
âș La guerre est pour lui INEVITABLE parce quâelle engage cet instinct destructeur quâil repĂšre en tout homme.
Guerre : pensée de Georges BATAILLE
La guerre est dâune autre nature que lâagressivitĂ© :
elle est une violence organisée collectivement.
LâĂ©rotisme, 1957
ââș La guerre nâest pas nâimporte quâelle violence : ce nâest pas la dĂ©linquance.
ââș La guerre se dĂ©finit comme la transgression permise par la sociĂ©tĂ© de lâinterdit, et dâabord de lâinterdit de meurtre.
ââș Paradoxe sociĂ©tal : lâinterdit de lâagression intĂ©rieure est compensĂ© par la violence externe. Alors que toute sociĂ©tĂ© se fonde sur la limitation et lâinterdiction de la violence interne entre ses membres, elle encourage et magnifie la guerre, cĂ d la violence externe lors des conflits avec dâautres groupes humains.
ââș La guerre est une violence organisĂ©e. Elle a un caractĂšre social et rĂ©pond Ă des rĂšgles.
La guerre est-elle une science ?
La guerre nâest une science que lorsque les deux protagonistes respectent les mĂȘmes mĂ©canismes.
La guerre est-elle un accélérateur de technologie et de progrÚs ?
Oui.
- Le centenaire de la Grande Guerre en est une illustration : lâindustrialisation terrifique du champ de bataille, mais aussi lâaccĂ©lĂ©ration de la mĂ©canisation, le dĂ©veloppement de lâaviation, lâessor de la radio et la mĂ©decine du urgence ont permis de sauver des milliers de combattants malgrĂ© leurs blessures.
âGuerre justeâ
A la fois une idée,
une doctrine
et une interrogation philosophique
aussi ancienne que la guerre elle-mĂȘme.
âŠ
âș Elle fĂ»t lâĂ©tendard des politiques dâhier et dâaujourdâhui pour justifier conflits et campagnes, au nom dâune juste cause.
âș Nous nâavons pas le monopole de la guerre juste, les Russes lâont utilisĂ© en Syrie pour soutenir Bachar al-Assad contre le camp « des terroristes ».
âș Toute reÌflexion sur la guerre juste combine ainsi trois eÌleÌments aÌ la fois distincts et eÌtroitement lieÌs :
- la guerre comme expeÌrience et moyen du politique ;
- la justice comme ressort essentiel de la vie de la citeÌ ;
- lâeÌternel deÌbat philosophique sur la moraliteÌ de la guerre.
âș Les limites de la guerre juste :
- câest une vision partiale et subjective : toute guerre est considĂ©rĂ©e comme juste par celui qui lâengage ;
CritĂšres pour conduire une âguerre justeâ
âș LâautoritĂ© doit ĂȘtre lĂ©gitime :
La guerre nâest pas une affaire privĂ©e et seul le dĂ©tenteur de lâautoritĂ© publique a le droit dâentrer en guerre ;
âș La cause doit ĂȘtre juste (lĂ©gitime dĂ©fense) :
- Mieux vaudrait privilégier le terme « justifiée » ou « légitime ».
- Les dommages infligĂ©s par lâagresseur Ă la Nation doivent ĂȘtre graves et durables ;
âș Lâintention doit ĂȘtre droite :
- promouvoir la paix et la sécurité,
- critĂšre qui nâest souvent vĂ©rifiable quâa posteriori ;
âș La force doit ĂȘtre le dernier recours :
La guerre Ă©tant un mal, on ne doit y recourir que lorsquâil nây a pas dâautre solution ou que tous les autres moyens ont Ă©chouĂ© ;
âș Une espĂ©rance raisonnable de succĂšs doit ĂȘtre envisagĂ©e :
Lâusage de la force est de nature Ă amĂ©liorer la situation et non pas Ă entraĂźner des maux pires ;
âș La proportionnalitĂ© des moyens utilisĂ©s doit limiter leur emploi au strict nĂ©cessaire ;
âș La discrimination entre combattants et non-combattants doit ĂȘtre observĂ©e.
Guerre juste chez les Chinois.
đ Jean-Baptiste JeangeÌne Vilmer lâĂ©voque dans son article Lâintervention humanitaire armeÌe en Chine antique, Revue des deux mondes, 2006.
âș Il explique quâen Chine antique, le but de lâarmeÌe nâĂ©tait pas de conqueÌrir mais de proteÌger lâinnocent.
âș Il cite Xun ZI : « LâarmeÌe, dans ces conditions, est donc faite pour enrayer la violence et eÌviter les nuisances et non pour batailler et conqueÌrir ».
âș Si attaquer un EÌtat est le seul moyen de sauver sa population, si faire la guerre permet dâarreÌter la guerre, si tuer des hommes permet dâen sauver davantage, alors tout cela doit eÌtre permis.
Exemples :
đ Le Chou King contient de nombreux reÌcits dâintervention dâun prince contre un autre.
âș Pour chacune dâentre elle, lâintervenant adresse aÌ ses troupes un discours : une harangue.
âș Les harangues ont toujours la meÌme structure ternaire :
- Voici les horreurs dont se rend coupable chaque jour tel tyran (eÌnumeÌration des fautes commises).
- Par la volonteÌ du ciel, jâai le devoir dâintervenir (on insiste sur le fait que lâintervention nâest que lâexeÌcution de la volonteÌ ceÌleste).
- Et vous avez le devoir de mâaider (ceux qui se battront courageusement seront reÌcompenseÌs, tandis que ceux qui refuseront de se battre seront mis aÌ mort).
âș Nous avons donc ici, en 1752 et en 1121 av. JC, deux cas exemplaires dâintervention humanitaire armeÌe, qui sont dâailleurs relativement similaires : six sieÌcles apreÌs lui, Ou Wa se reÌclame explicitement de lâexemple de Tâang.
âș La leÌgitimiteÌ de lâintervention nâest pas questionneÌe dans la mesure ouÌ elle est ordonneÌe par le ciel lui-meÌme.â
âș Câest un eÌleÌment capital de la rheÌtorique interventionniste, qui consiste aÌ deÌshumaniser autant que possible la deÌcision dâintervenir, pour eÌviter toute discussion : lâintervenant ne parle pas en son nom mais en celui du ciel. Ce nâest pas la deÌcision discutable (car humaine) dâun prince contre un autre mais celle, indiscutable, du ciel.
đ Le chapitre XV du Huainan zi est un traiteÌ de strateÌgie militaire qui, avant de deÌcrire les techniques relatives aÌ lâutilisation des armes, sâoccupe de justifier lâusage de la force et dâen fixer les limites.
âș ConformeÌment aÌ la tradition philosophique chinoise antique, la guerre offensive et agressive est fortement condamneÌe, et seule la guerre deÌfensive est permise.
âș Lâusage de la force est un dernier recours : « ce nâest quâen dernier ressort quâon fait usage des armes et des cuirasses ».
âș Le seul usage de la force autoriseÌ par le Huainan zi est destineÌ aÌ faire cesser les violences sur la population dans des EÌtats eÌtrangers. La seule raison dâeÌtre de lâarmeÌe est dâintervenir pour des motifs humanitaires. De ce point de vue, la seule guerre permise est lâintervention humanitaire.
La guerre juste dans la pensée chrétienne.
- La rĂ©flexion sur les limites Ă lâutilisation des capacitĂ©s militaires est particuliĂšrement intĂ©ressante dans la pensĂ©e chrĂ©tienne : il faut justifier la violence et lâassassinat (le pĂȘchĂ© le plus grave dans lâabsolu) quand le message du Christ est essentiellement contraire Ă la violence dans toutes ses formes.
- Dans lâĂ©thique chrĂ©tienne, la violence est condamnĂ©e ainsi que la guerre: la paix est un acte de vertu et la guerre est un pĂ©chĂ©.
- Les trois grands penseurs sont :
- âSaint Ambroise (Ă©vĂȘque de Milan et disciple de CicĂ©ron) ;
- Saint Augustin ;
- Saint Thomas dâAquin.
- Si lâon revient aux siĂšcles prĂ©cĂ©dents, la guerre juste fĂ»t utilisĂ©e par lâĂglise et les souverains pour justifier les croisades ou les expĂ©ditions coloniales. La juste cause Ă©tant divine dans le premier cas.
La guerre juste chez les Grecs
âș Platon dĂ©jĂ appelait les Grecs Ă la modĂ©ration dans leurs luttes entre citĂ©s tandis que, pour ce qui concerne les Barbares, ennemis par nature des Grecs, la guerre menĂ©e contre eux Ă©tait naturelle et nâappelait aucune modĂ©ration particuliĂšre.
âș En effet, il Ă©tait important de distinguer si lâennemi Ă©tait «comme nous» ou sâil Ă©tait «diffĂ©rent de nous» car les limites Ă lâutilisation de la violence sâappliquaient seulement au premier cas.
Guerre juste chez les Hindous
Est évoquée dans le Mahabharata hindou.
Un poĂšme de 81 936 strophes rĂ©parti en 18 livres racontant une guerre qui se serait dĂ©roulĂ©e 2 000 ans avant JĂ©sus. Dedans il est, entre autres, question de lâimportance de la juste cause pour dĂ©clencher une guerre.
La guerre juste chez les Romains
âș Pour les Romains, la guerre Ă©tait juste seulement si elle Ă©tait prĂ©cĂ©dĂ©e dâune «dĂ©claration de guerre» qui suivait un certain processus juridique.
âș Le latrocinium (ou service militaire au sens premier / ne pas confondre avec le sens second = agression illĂ©gale ou acte de brigandage, de piraterie) justifiait lâextermination de lâadversaire, considĂ©rant quâil Ă©tait en tort sâil nâavait pas suivi la procĂ©dure juridique de dĂ©claration de guerre.
Définir la guerre réglée.
âOn ne parle pas de guerre rĂ©guliĂšre, mais de guerre rĂ©glĂ©e : câest-Ă -dire que la guerre doit ĂȘtre gouvernĂ©e par des lois juridiques (jus ad bellum - droit Ă la guerre / jus in bellum - droit dans la guerre) et des lois stratĂ©giques (soit les principes dĂ©terministes tirĂ©s de la science militaire dont lâobservance conduit ou non Ă la victoire).
On parle de guerre irrĂ©guliĂšre dĂšs lors que la guerre nâobserve pas lâune de ces lois.
Les différentes formes de guerres irréguliÚres ?
La guerre sera irrĂ©guliĂšre lorsquâelle sera menĂ©e par des combattants sans statut nâappartenant pas Ă lâarmĂ©e rĂ©guliĂšre, câest-Ă -dire mise sur pied et entretenue par un pouvoir souverain.
Sur le plan stratĂ©gique, la guerre irrĂ©guliĂšre sâoppose Ă ce que lâon a appelĂ© depuis le XVIIIe siĂšcle la grande guerre et qui correspond aujourdâhui Ă la stratĂ©gie conventionnelle.
FORMES TERRITORIALES :
- AntiquitĂ© occidentale : guerre expĂ©ditionnaire (la furtiva expeditio de Tite Live pour dĂ©signer les raids en territoire ennemi au-delĂ du limes), guerre dâembuscades (insidiae pour dĂ©signer la guerre de harcĂšlement menĂ©e par les ennemis de Rome) et la guerre sauvage (soulĂšvements dâesclaves ou de mercenaires Ă Carthage).
- Chine ancienne : guerre errante (autonomie du gĂ©nĂ©ral pour mener les opĂ©rations Ă sa guise sur les arriĂšres de lâennemi).
- Europe moderne : petite guerre, guerre de milices, guerre de course
- Révolution française : guérilla (mot espagnol pour désigner la petite guerre), chouannerie.
- Empire français : guerre nationale.
- XIXe siĂšcle : guerre insurectionnelle.
FORMES NON TERRITORIALES :
âIntervention humanitaireâ chez les Chinois.
Les confuceÌens approuveraient lâusage de la force dâun EÌtat contre un autre EÌtat pour la protection des droits de lâhomme dans cet autre EÌtat.
đLâun des passages du Mencius qui aborde le probleÌme de lâintervention humanitaire est ce que lâon pourrait appeler lâeÌpisode de Qi et Yan. Qi et Yan sont deux grands royaumes voisins. Yan est sous le joug dâun tyran. Le roi de Qi attaque Yan pour punir le tyran qui opprime son peuple. Pour autant, il ne sâagit pas explicitement dâintervenir pour venir en aide au peuple. Punir le tyran oppresseur et sauver la population oppresseÌe, ce nâest pas la meÌme chose, car on peut vaincre et destituer un tyran sans pour autant aider le peuple. Qi attaque et vainc Yan en cinquante jours. Le roi de Qi se demande alors sâil doit annexer le royaume vaincu. Le philosophe Mencius reÌpond : « Annexez, si le peuple de Yan sâen reÌjouissait, quand vous le feriez. (âŠ) Si lâannexion deÌplaiÌt au peuple de Yan, ne vous en emparez point ». Qi deÌcide dâannexer Yan.
âĄïž Si lâhumanitaire est bien conduit, sâil ne vise que les tyrans et soulage le peuple, il peut permettre lâheÌgeÌmonie. Autrement dit, lorsque vous intervenez pour libeÌrer un peuple du joug tyrannique, et que cette intervention vous permet de renforcer votre domination reÌgionale, vous avez un inteÌreÌt tout personnel et eÌgoiÌste aÌ bien vous comporter avec cette population, ou au moins aÌ ne pas faire pire que le mal que vous preÌtendez avoir oÌteÌ. Car sans quoi, si le peuple soumis appelle aÌ nouveau aÌ lâaide, vous pourriez aÌ votre tour devenir la cible des appeÌtits humanitaro-heÌgeÌmoniques dâun royaume voisin et concurrent.
âĄïž Cette manieÌre de gouverner, quâAndreÌ Levy traduit par « politique humanitaire », « gouvernement des anciens » (ou « Kingly governement » dans les traductions anglaises), est lâune des manifestations du gouvernement ideÌal, souvent rendu en anglais par lâexpression « benevolent governement », et qui caracteÌrise plus preÌciseÌment la relation qui lie les parents aÌ lâenfant. Il sâagit donc dâun ideÌal paternaliste : le dirigeant est le peÌre du peuple et, pour reprendre une expression courante en droit français, il doit gouverner « en bon peÌre de famille ».
âĄïž Qi annexe Yan et son roi se comporte Ă son tour en tyran. Mencius lui conseille de stopper et de se retirer de Yan aprĂšs y avoir installĂ© un dirigeant en consultation avec la population locale. Ce dernier conseil est encore aujourdâhui lâune des conditions de la reÌussite dâune intervention humanitaire : lâEÌtat intervenant, sitoÌt lâEÌtat cible seÌcuriseÌ, doit se retirer au plus vite et ne pas faire durer lâoccupation.
La Grande Illusion
The Great Illusion
Livre de Norman ANGELL paru en 1910.
âș Cet essai dĂ©fend la thĂšse selon laquelle une guerre ne peut plus Ă©clater grĂące au poids du crĂ©dit prĂ©sent partout dans le monde ou que, si elle Ă©clate, elle serait courte.
âș Cela contribua au fait que la population europĂ©enne nâĂ©tait pas prĂȘte Ă la guerre.
âș Traduit simultanĂ©ment dans de trĂšs nombreux pays, cette analyse de Norman Angell est contredite par le dĂ©clenchement de la PremiĂšre Guerre mondiale.
âș Cependant en 1933, Angell fait paraĂźtre une nouvelle version de son livre qui lui vaut le prix Nobel de la paix la mĂȘme annĂ©e. Il y modifie son analyse dâavant-guerre : selon lui, une nation ne gagne pas Ă dĂ©clarer la guerre pour des raisons Ă©conomiques.
La guerre fait-elle toujours sens ?
Peut-elle devenir obsolĂšte ?
La guerre, mĂȘme victorieuse, fait de moins en moins sens.
âș Ces derniĂšres annĂ©es, la Russie :
- a fait la conquĂȘte de la CrimĂ©e,
- est intervenue au Donbass,
- est victorieuse en Syrie
- et a mené un cyberconflit en Estonie.
Que de réussites militaires !
âș La Chine, elle, a menĂ© zĂ©ro guerre depuis vingt ans. Mais elle a connu ce qui est sans doute le plus grand miracle Ă©conomique de lâHistoire, tandis que la Russie nâa rien gagnĂ© de ses conquĂȘtes.
âș Sur la longue durĂ©e, il semble y avoir une rĂ©duction de la conflictualitĂ©.
- La guerre interétatique est de plus en plus rare et entre les grandes puissances encore plus !
- La guerre serait de moins en moins considĂ©rĂ©e comme un mode ânormalâ de rĂšglement des diffĂ©rends ou dâexpression de la volontĂ© politique.
- LâĂ©volution dĂ©mographique Ă©tant fortement prĂ©dictive de la propension dâun Etat Ă connaĂźtre la violence, il se pourrait que la conflictualitĂ© mondiale diminue progressivement dans les annĂ©es Ă venir.
- Latrocinium* ?
- Iustum bellum* ?
- Bellum justum* ?
- Liberium jus ad bellum* ?
âș Le latrocinium est la guerre sans juste cause, lâacte dâagression malveillant ou la piraterie. Câest une guerre qui nâest pas prĂ©cĂ©dĂ©e dâune dĂ©claration officielle de guerre au sens du droit romain.
âș Le iustum bellum est la guerre justifiĂ© par la morale car son objectif est la paix et la justice.
âș Le bellum justum est liĂ© au rĂ©tablissement dâun ordre supĂ©rieur dans un cadre juridique. Cette Ă©poque du bellum justum est rĂ©volue.
âș Le ius durante bello, ou droit pendant la guerre : au cĆur des prĂ©occupations juridiques se trouvent les droits et devoirs rĂ©gissant les hostilitĂ©s en tant que fait.
- Le Liberium jus ad bellum est lâĂ©poque oĂč les Ătats mĂšnent indĂ©pendamment leur politique, tant intĂ©rieure quâextĂ©rieure du fait de leur souverainetĂ©. Câest la libertĂ© du droit de faire la guerre, juste ou non.â
Loi tendantielle à la réduction de la force employée
Raymon ARON
Paix et guerre entre les nations (1962)
âAffreuxâ
Renvoie aux mercenaires des conflits post-décolonisation en Afrique, et notamment à la guerre du Katanga au Congo-Kinshasa entre 1960 et 1963.
Mercenariat - Vers une privatisation de la guerre
Quels chiffres ?
Avant 2000 :
âș AprĂšs le pic lors de la guerre du Vietnam (1 contractor pour 5 combattants), le ratio Ă©tait redevenu faible (1 pour 55 dans la guerre du Golfe).
âș Il repart trĂšs fortement Ă la hausse lors du dĂ©ploiement dans lâex-Yougoslavie (1 contractor pour 1 combattant).
âș Cette externalisation sâĂ©tend Ă tous les domaines de la logistique (Dyncorps par exemple) au conseil militaire (la sociĂ©tĂ© MPRI conseille et forme lâĂ©tat-major croate pour la mise en Ćuvre de la reconquĂȘte de la Krajina aux dĂ©pens des Serbes en 1995 par exemple).
âș Dans les annĂ©es 1990, la sociĂ©tĂ© sud-africaine Executive Outcomes mĂšne des opĂ©rations offensives. Alors que la communautĂ© internationale ne parvient pas Ă mettre fin Ă la guerre civile en Sierra Leone, Executive Outcomes se met au service du gouvernement et son offensive militaire permet de reprendre le contrĂŽle des rĂ©gions diamantifĂšres face aux rebelles du Front rĂ©volutionnaire uni (RUF) soutenus par le LibĂ©rien Charles Taylor.
AprĂšs 2000 :
âș La dĂ©cennie 2000 est marquĂ©e par lâapogĂ©e de ce poids des « nouveaux mercenaires » en zone de guerre.
âș La prĂ©sence de contractors de Blackwater dans la bataille de Falloujah en Irak en 2004, leurs bavures (place Nisour Ă Bagdad en 2006) ou encore leur participation supposĂ©e Ă la traque de Ben Laden au dĂ©but de lâintervention en Afghanistan les placent dans le « cĆur de mĂ©tier » militaire.
âș Ils sont dĂ©sormais plus nombreux que les soldats occidentaux sous uniforme :
- 1,5 contractor pour 1 combattant en Irak
- 1,4 pour 1 en Afghanistan en 2013.