Parole et pensée Flashcards

1
Q

Le rire, Henri Bergson

A

Il semble que la parole ne permette pas de tout dire. Sa capacité à décrire le réel serait en effet limitée : le mot ne se superpose pas à la chose, matérielle ou spirituelle, il est au contraire entre eux un abîme, une béance qui rend l’être irréductible au dire. Dans cette perspective, l’acte de parler serait purement extérieur à l’essence de la réalité, dont il n’offrirait qu’une représentation infidèle et dégradée. Cette non-correspondance de la parole à la pensée trouve son explication dans la faculté du langage. Pour Bergson dans Le rire, le langage est out simplement incapable d’exprimer fidèlement les sentiments de l’individu et la réalité authentique des choses, parce que les mots ne décrivent que l’aspect extérieur de toute chose, y compris de l’intériorité du sujet. Telle est l’incapacité dont témoigne le rire et plus précisément le jeu de mots. « Tandis que, écrit le philosophe, la comparaison qui instruit et l’image qui frappe nous paraissent manifester l’accord intime du langage et de la nature, envisagés comme deux formes parallèles de la vie, le jeu de mots nous fait plutôt penser à un laisser-aller du langage qui oublierait un instant sa destination véritable et prétendrait maintenant régler les choses sur lui, au lieu de se régler sur elles. » Ainsi la capacité de la parole à faire rire montrerait qu’elle ne peut pas tout dire.

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2
Q

Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, Rousseau

A

La parole semble être le support de l’abstraction. Alors que le concret se donne à saisir simplement dans la perception du monde matériel, l’abstrait ne pourrait lui s’exprimer que par l’intermédiaire du langage, à l’oral ou à l’écrit. Par exemple, un triangle imaginé est un triangle spécifique avec des caractéristiques précises, mais la définition générale du triangle – c’est à dire l’idée de triangle - est dépendante de la parole. Acquis à cette thèse, Rousseau affirme que l’impossibilité de concevoir les idées abstraites autrement que par le discours implique qu’il faut d’abord parler pour avoir des idées générales. Imaginant le processus d’acquisition de la parole, il faut l’hypothèse que les hommes usèrent d’abord du cri (« de la nature ») dans des situations d’urgence. Ce n’est qu’à partir du moment où ils s’assemblèrent qu’ils éprouvèrent le besoin de raffiner leur communication : « ils cherchèrent des signes plus nombreux et un langage plus étendu : ils multiplièrent les inflexions de la voix, et y joignirent les gestes, qui, par leur nature, sont plus expressifs, et dont le sens dépend moins d’une détermination antérieur ». Si les premiers mots avaient une signification bien trop étendue, postule le philosophe, le langage gagne progressivement en précision et en subtilité, au fur et à mesure que la curiosité humaine faisait augmenter les connaissances. La sophistication de la parole aurait donc permis de développer la pensée.

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3
Q

Encyclopédie des sciences philosophiques. Philosophie de l’esprit, Hegel

A

La parole peut être conçue comme le support de la pensée. Dans cette perspective, celle-ci n’existerait véritablement qu’en ayant une forme objective, c’est à dire lorsqu’une certaine extériorité manifeste ce qui est purement intérieur. Or, le mot constitue cette extériorité. Dès lors, il ne serait pas possible de croire que les pensées supérieures ou transcendantes auraient la caractéristiques de ne pouvoir s’exprimer par la parole. C’est pourquoi Hegel affirme que c’est une erreur d’accorder trop d’importance à l’ineffable (ce qui ne peut pas être exprimé), car il correspond en fait à la pensée obscure, en fermentation ; à la vérité c’est « le mot qui donne a la pensée son existence la plus haute et la plus vraie ». Pour le philosophe, en réalité, il n’est pas de pensée sans langage : l’intuition et l’ineffable doivent s’incliner devant la pensée conceptuelle claire qui s’exprime dans le langage. L’intuition, écrit-il, est une « nuit où toutes les vaches sont noires ». l’individu n’a donc de véritables pensées que lorsqu’il les exprime par le langage et la parole, car il n’est pas de pensée antérieure au langage réfléchi. « C’est le son articulé, le mot qui nous offre une existence où l’externe et l’interne sont pendant un moment unis. Par conséquent, vouloir penser sans les mots est une entreprise insensée. » La parole s’impose donc comme la condition de la pensée et de la culture.

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4
Q

Le langage indirect et les voix du silence, Maurice Merleau-Ponty

A

Il semble qu’un lien intime unisse la parole à la pensée. Il serait par exemple excessivement simpliste dans cette perspective, de considérer celle-là comme la médium de celle-ci. La nature de leur lien demeure toutefois problématique, car il est expliqué par deux conceptions apparemment incompatibles. Pour le réalisme d’une part, le langage se résout dans sa fonction indicative : il dit les choses. Pour l’idéalisme, d’autre part, sa fonction est essentiellement expressive, c’est à dire qu’il véhicule la pensée. C’est pour penser le langage autrement que selon cette alternative que Merleau-Ponty propose une interprétation ontologique de la parole. Ainsi montre-t-il dans le langage indirect et les voix du silence que la parole et la pensée sont à la fois sujet et objet, en vertu de quoi le dualisme qui semble les opposer est illusoire : le langage n’est pas un simple outil pour traduire la pensée, car la pensée forge la parole autant que la parole forge la pensée. Pour le philosophe, la langue est une structure dans laquelle les éléments n’ont pas de réalité que les uns par rapport aux autres. Dès lors, si l’opacité du langage est indépassable, le sens se trouve dans la différence entre les mots, car le langage est une pensée en construction. Il semble donc que l’être de la parole chevauche l’être de la pensée, et réciproquement.

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5
Q

Linguistique et anthropologie, Benjamin L Whorf

A

La parole exprime peut-être le paradigme propre à la langue. En effet, les réprésentations mentales d’un individu ne semblent pas parfaitement indépendantes de celle-ci Dans cette perspective, parler français, anglais, chinois ou risse ne serait pas seulement communiquer d’une façon particulière, mais aussi concevoir le monde à partir de catégories linguistiques spécifiques. L’être humain ne serait pas libre de conceptualiser le réel hors de sa langue ; ce processus serait au contraire conditionné par celle-ci, organisatrice de l’esprit dans la perception du monde. Benjamin L/ Whorf donne à l’appui de cete thèse l’exemple de ce qu’il appelle la « langue esquimau » (qui regroupe en réalité une famille de langues), laquelle disposerait de trois mots pour désigner la neige, là où l’anglais n’en aurait qu’un seul de telle que « pour un esquimau, ce terme générique (snow) serait pratiquement impensable. » (Linguistique et anthropologie) ; Spécialiste des pictogrammes hopis, l’anthropologue américain a comparé l’expression du temps en hopi et en anglais standard. Il en ressort que les langues seraient, de manière plus générale, porteuses, dans leur lexique comme dans leur syntaxe, de modèles mentaux culturellement variables. Ces modèles mentaux formeraient une vision du monde propre à la culture associée à une langue. Ainsi les langues – et donc les paroles ) possédant différentes logiques, elles impliqueraient des paradigmes d’interprétation de la réalité différents.

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6
Q

Psychopathologie de la vie quotidienne, Sigmund Freud

A

La parole possède la capacité de trahir la pensée. Dans certains situations en effet, il arrive qu’elle ne soit pas conforme à l’intention du locuteur. De manière plus spécifique, de surcroît elle peut même correspondre à une pensée que celui-ci ne souhaite pas exprimer. Le psychanalyste W. Stekel raconte par exemple comment, exaspéré par l’atmosphère délétère d’une assemblée générale orageuse, il dit (en allemand) « Combattons le quatrième point de l’ordre du jour » au lieu de « Abordons le quatrième point de l’ordre du jour » parce qu’il remplaça le mot schreiten (« abordons ») par streiten (« combattons »). Terme inventé par Freud (Psychopathologie de la vie quotidienne), le lapsus du latin (labare, « trébucher, glisser ») désigne une erreur verbale ou écrite, voire mémorielle, apparaissant comme une manifestation inconsciente, commise en moyenne, selon les estimations des linguistes, tous les 600 à 900 mots. Autrefois expliqué par un mécanisme de contamination des sons entre eux, le lapsus a ensuite été identifié à partir du XIXème siècle comme un phénomène de trahison de la pensée. Le sentiment de malaise souvent consécutif au lapsus a ensuite été identifié à partir du XIXème siècle comme un phénomène de trahison de la pensée. Le sentiment de malaise souvent consécutif au lapsus témoignerait d’une manifestation de l’inconscient en dépit des barrières du censeur internet qu’est le Surmoi. Ce sont donc des pensées par la conscience, qui sont libérées par les lapsus. Dès lors, la parole est davantage qu’un mode de communication, elle est révélatrice de l’inconscient de la l’individu.

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