Média et démocratie Flashcards
L’histoire montre que les médias existaient avant l’apparition de l’écriture
Il reste quelque chose de ces procédés archaïques lors de l’élection des papes (fumée blanche annonce au monde la désignation du nouveau pontife). Ces systèmes avaient l’inconvénient d’être binaires : blanc ou noir. Pour transmettre des informations plus complexes, des coureurs étaient utilisés. L’arrivée de l’écriture changea la donne, d’autant qu’elle fut contemporaine de la domestication d’animaux permettant d’accroître la vitesse de circulation des nouvelles. Avec l’invention de l’imprimerie par Johannes Gutenberg – en Occident car les Chinois la connaissaient déjà – il devint possible de diffuser les nouvelles auprès d’un public de masse. Le premier livre imprimé (et longtemps le seul rentable) fut une bible. Il fallut toutefois du temps pour diffuser cette nouvelle invention et pour l’appliquer à la circulation de l’information.
L’ « âge d’or de la presse écrite » au XIXe siècle
Cependant, la presse resta relativement confidentielle jusqu’au XIXe siècle. L’alphabétisation qui créait un public nouveau, le développement des transports et communications, qui facilitait la diffusion des nouvelles, et l’invention de nouveaux modèles économiques permirent alors un « âge d’or de la presse écrite ».
Lettre de Napoléon Bonaparte à Fouché, ministre de l’Intérieur, 1804
« Réprimez un peu les journaux, faites-y mettre de bons articles (…) Le temps de la Révolution est fini et qu’il n’y a plus en France qu’un seul parti. Je ne souffrirai jamais que les journaux ne disent ni fassent rien contre mes intérêts ». Le principal journal, Le Moniteur universel, épousait étroitement la pensée gouvernementale, quitte à s’adapter au plus vite aux changements de régime, si fréquents. En témoigne le traitement de l’actualité politique en mars 1815, entre le moment où Napoléon s’évada de l’île d’Elbe et celui où il arriva à Paris. Le 1er jour, il titra « L’anthropophage est sorti de son repaire » ; au 6ème jour « L’usurpateur a été vu à 60 lieues de la capitale » ; au 10ème jour « Sa Majesté Impériale a fait hier son entrée au château des Tuileries, acclamée par tous sujets ». C’est ce qui s’appelle savoir s’adapter au changement.
Psychologie des foules, médecin Gustave Le Bon, 1895 / Le Viol des foules par la propagande politique, Serge Tchakhotine, 1939
Dans ce dernier ouvrage, l’auteur explique qu’il est possible de conditionner les masses par le slogan et par l’image. Sa théorie repose sur des systèmes d’association. Les individus sont mus par 4 pulsions fondamentales : combative, alimentaire, sexuelle, parentale, d’où découlent toutes les réactions humaines. La propagande consiste alors à créer un équivalent du réflexe conditionné à travers des symboles. Au bout d’un certain temps, ce n’est plus l’objet réel qui est désiré, mais l’objet imaginaire qui lui est subsisté.
La propagande nazie dirigée avec efficacité par Joseph Goebbels
il cherchait davantage à imprégner l’opinion publique en créant un climat et en politisant toutes les émissions. D’où l’importance accordée au cinéma : Le Juif Süss de Veit Harlan, 1940, film antisémite et misogyne, fut diffusé dans toute l’Europe et rencontra un grand succès.
Aeropagitia, ou Discours en faveur de la liberté de l’imprimerie sans autorisation, John Milton, 1644
Selon lui, pour être acceptable, la censure doit être pratiquée par des hommes infaillibles. Or, comme personne n’est capable de discerner le bien et le mal d’un premier coup d’œil, mieux vaut s’abstenir, plutôt que de prendre le risque de se tromper et d’étouffer le génie.
De la Démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville, 1835
(1) Il avait parfaitement saisi le lien entre démocratie et liberté de la presse. Certes, il était conscient des inconvénients qu’une telle liberté pouvait susciter (ex : diffamation, fausses nouvelles), mais il les jugeait inévitables, et de peu d’importance face à ses avantages.
(2) Par ailleurs, pour lui, les médias permettent de relier l’individu à la communauté qui le dépasse. Ils sont un contrepoids à l’individualisme démocratique, car ils permettent l’avènement d’un monde commun et rendent possible l’action collective.
(3) Enfin, il souligne le lien qui unit les journaux et les partis politiques en démocratie. La presse d’opinion est peut-être la partie la plus précieuse de la presse, celle qu’il faut chérir et protéger avec le plus grand soin. Certes, ces périodiques sont orientés, mais on connaît à l’avance leur ligne politique et ils participent utilement au débat.
(4) Les médias assurent la protection de l’individu et protection contre la tyrannie de la majorité.
L’Aurore, Émile Zola, 1898
L’histoire montre de nombreux cas dans lesquels l’intervention des médias s’est révélée décisive. Sous forme de lettre ouverte au président de la République, il relança l’affaire Dreyfus au moment où celle-ci semblait s’éteindre. Cet article symbolise le pouvoir de la presse mis au service d’une cause juste et généreuse, à savoir la défense d’un innocent.
Internet semble intrinsèquement lié à la démocratie
égal accès des sites aux internautes. 1) renouvelle le militantisme politique (émergence de journalistes citoyens). 2) permet un plus grand pluralisme et facilite le droit de réponse. 3) outil idéal pour une démocratie participative d’un nouveau genre (ressusciterait l’agora athénienne ?).
La critique de l’opinion chez Platon
Pour lui, l’opinion (doxa) est inférieure à la science (epistémè), car elle porte sur les seules apparences sensibles et se révèle parfaitement instable. L’opinion est instable et ne repose pas sur la raison, mais sur l’émotion. Si on la suit, on se condamne à une agitation perpétuelle. La République, le « mythe de la caverne » contient une critique de l’opinion : Les prisonniers ne pouvant se retourner, les « montreurs de marionnettes » leur font croire aisément que les ombres dont ils jouent – et qui se reflètent sur l’écran constitué par la paroi de la caverne – sont les seules réalités consistantes. C’est seulement lorsqu’ils sont libérés qu’ils découvrent la manipulation et peuvent poursuivre leur ascension, puis quitter la caverne pour le monde des idées. Dans ce passage, Platon visait les sophistes et hommes politiques de son temps, mais nous pouvons songer quant à nous aux hommes de médias et autres « manipulateurs de symboles » (ils reflètent l’opinion, mais peuvent aussi la créer).
Cas de « lynchages médiatiques » :
L’histoire montre de nombreux cas de « lynchages médiatiques », comme ceux qui ont eu une part de responsabilité dans le suicide de l’ancien premier ministre Pierre Bérégovoy en 1993. Mitterrand dénonça alors « ceux qui avaient jeté aux chiens l’honneur d’un homme ».
Les médias pourraient faire l’opinion
par les sondages, choix des sujets, images qu’ils diffusent. Ex : « l’affaire Paul voise », du nom du retraité apparemment sans histoire agressé dans sa maison d’Orléans en 2002. Les journaux télévisés lui accordèrent une grande attention : son visage tuméfié et ses pleurs firent l’ouverture du journal de 20h de TF1. Quelques jours plus tard, le candidat au front national était qualifié pour le second tour de l’élection présidentielle. L’ensemble de la campagne avait été dominé par le thème de l’insécurité.
Les médias pourraient influencer ce que les Américains appellent l’agenda setting :
c’est-à-dire la hiérarchie des priorités publiques. Ce qui n’est pas montré n’existe pas ! Ex : La médiatisation de l’entreprise de nettoyage ethnique menée par les Serbes au Kosovo en 1999 a poussé les Occidentaux à intervenir militairement.
Les médias auraient tendance à transformer la vie politique en un spectacle toujours recommencé
(1) Les médias ont tendance à inviter sur leurs plateaux les politiques qui « passent bien » à l’antenne.
(2) Pour maintenir l’attention, les médias ont besoin d’évènements, de rebondissements, de chutes, de retours en grâce spectaculaires. Le développement des chaînes d’information en continu donne à des évènements une importance qu’ils n’ont pas toujours et démultiplie les peurs de toute nature.
(3) Pour satisfaire les médias et répondre à la terrible pression qu’ils exercent, les politiques cherchent à les alimenter constamment en « séquences » médiatiques, c’est-à-dire à les instrumentaliser. D’où l’essor des spin doctors, des spécialistes du « marketing politique » dont l’objectif est de fournir des histoires préfabriquées et pleines de sens aux médias pour vendre les hommes politiques.
(4) Les médias sont des entreprises économiques comme les autres, mêlant information et divertissement, au détriment de la première. Quand ils traitent de la culture, ils risquent de noyer cette dernière dans le spectacle.
L’Emprise, Régis Debray, 2000
Il soutient que les journalistes ont remplacé les intellectuels dans le débat public. Pour lui, ils seraient l’équivalent de ce qu’étaient le clergé dans la société d’ordres de l’Ancien Régime. Il distingue un « bas clergé (pigiste et presse régionale) et un « haut clergé (riche, puissant, parisien). Le problème n’est pas, selon lui, le clergé mais le cléricalisme, c’est-à-dire le corporatisme qui caractérise cette profession et qui la rendrait presque intouchable. Lorsqu’ils sont attaqués pour leurs erreurs, les journalistes n’ont en général qu’à se réfugier dans la sacro-sainte liberté d’expression.
Les Nouveaux Chiens de garde, Serge Halimi, 1997
Ce livre est une charge virulente contre le « journalisme de révérence ». Sa thèse est que les médias ne sont pas un contre-pouvoir, car ils reproduisent la pensée dominante, soit à cause des contraintes qui s’exercent sur eux (patrons, mal payés, manque de temps pour enquêter), soit, pour les journalistes les plus importants, parce qu’ils sont en connivence avec le pouvoir politique et économique. Il dénonce la place démesurée accordée au traitement des faits divers, notamment dans les journaux télévisés.
Ex : Ce sont les reproches adressés à l’industriel Vincent Bolloré, propriétaire du groupe Canal+.
La Télévision : un danger pour la démocratie, Karl Popper, 1995
La télévision pourrait être un formidable outil d’éducation, mais il est peu probable qu’elle le devienne un jour car la tâche est particulièrement ardue. Il plus difficile de trouver des personnes capables de produire chaque jour 20h d’émissions de valeur que des personnes capables de produire chaque jour 20h d’émissions médiocres et peut-être 1 ou 2 de qualités. Pour contrer ses effets indésirables, il propose la mise en place d’un ordre professionnel, comme les médecins. L’accès aux professions des médias serait conditionné à la possession d’une licence, qui pourrait être retirée. Il avertissait que la télévision tuera la démocratie.
Sur la Télévision, Pierre Bourdieu, 1996
Il montre que les médias sont soumis à la loi du marché et participe à une dépolitisation des masses. Si la télévision parle de choses futiles, c’est en réalité parce que celles-ci sont très importantes : du point de vue économique, elles font vendre, du point de vue politique, elles permettent que l’on ne parle pas d’autre chose. Selon lui, la télévision fait courir un danger très grand aux différentes sphères de la production culturelle (art, littérature, droit, philosophie, science), à la vie politique et à la démocratie. Il propose une mise sous tutelle publique de la télévision et que les programmes soient validés par le Conseil national des universités, ce qui serait beaucoup…
Il ne faut pas surestimer l’emprise des médias sur l’esprit des citoyens
Ils se heurtent à des résistances nombreuses et imprévisibles. Il existe sans doute parmi les journalistes un fort esprit de corps, mais certainement pas un esprit de soumission. Par rapport au passé, les médias ont gagné en moralité. A l’époque de l’âge d’or, la presse était plus corrompue qu’aujourd’hui. D’ailleurs, il ne faut pas croire le public innocent, les gens veulent entendre certains discours.
Il faut renoncer au rêve d’une nouvelle démocratie directe sur les forums numériques
Le rôle joué par les réseaux sociaux dans la radicalisation de nos démocraties, dans l’essor des populismes et dans le développement des théories du complot a fréquemment été souligné. Certes, ils sont excellents pour s’exprimer, mobiliser, sensibiliser, alerter. Cependant, ils donnent lieu à des débats violents s’appuyant rarement sur une argumentation rationnelle. Les partis, grandes entreprises ou États peuvent les manipuler. La Chine paie des dizaines de milliers de commentateurs, les « internautes à cinq centimes », pour noyauter les forums. Il n’est pas impossible que les totalitarismes du futur retournent à leur profit les réseaux sociaux.
Rien ne remplacera la vigilance et l’exercice de la raison critique
Du côté des journalistes, une stricte déontologie est nécessaire, ils doivent oser aller à l’encontre des opinions supposées de leurs lecteurs et conserver l’indépendance statutaire et intellectuelle nécessaire pour mener des enquêtes libres et audacieuses. Par ailleurs, face à la prolifération d’informations, la presse écrite a une nouvelle mission. On achète plus le journal pour savoir, mais pour comprendre un monde devenu obscur à force de savoir. Du côté du public, il faut apprendre à vivre avec les médias qui ne disparaîtront pas de sitôt. Il est donc nécessaire de faire preuve de scepticisme et de diversifier ses sources afin de prendre du recul.
Albert Londres
surnommé le « prince des reporters ». D’abord journaliste parlementaire puis correspondant de guerre, il multiplia les reportages engagés. Il dénonça avec courage le sort réservé aux exclus (bagnards, malades mentaux, peuples colonisés). En 1932, il meurt au large du Yémen actuel, dans l’incendie, peut être criminel, du paquebot censé le ramener de Chine. Dès 1933 est créé le prix Albert-Londres qui récompense le meilleur reporter de l’année.
Média
vient de l’anglais mass média (1960) s’est imposé en français au début des années 1980. Moyen technique permettant la transmission d’un message ou la diffusion d’une information.
Propagande
vient du latin médiéval propaganda, ce qui doit être propagé. Il a acquis un sens péjoratif par le bourrage de crâne opéré par les États durant les guerres du XXe siècle.
L’expression
« quatrième pouvoir »
aurait été utilisé pour la première fois par Edmund Burke. Il aurait pointé du doigt la tribune réservée aux journalistes au Parlement en s’écriant « You’re the Fourth Estate »
L’expression
« cinquième pouvoir »
désignerait internet.
« Marathon »
En 490 av. J-C, le stratège Miltiade envoya Philippidès annoncer aux Athéniens la victoire remportée sur les Perses à Marathon. Il parcouru 42 km et mourut d’épuisement à l’arrivée
1915
5 000 personnes contrôlent la presse.
1916
Le gouvernement créa la Maison de la presse chargée d’éditer des ouvrages favorables aux alliés. / En réaction est créé Le Canard enchaîné, qui lance une consultation pour l’« élection du grand chef de la tribu des bourreurs de crâne ». Le vainqueur est Gustave Hervé, battant d’une courte tête l’écrivain nationaliste Maurice Barrès. En 1921, ce dernier sera condamné, par un tribunal fictif, pour « crime contre la sûreté de l’esprit ».
1981
Fin du monopole public sur la radio.
1985
Fin du monopole public sur la télévision.
1787
Etats-Unis : 1er amendement à la Constitution américaine de 1787
1798 - 1791
Article 11 DDHC 1789
Publicité des débats parlementaires comme principe constitutionnel dès 1791.
1881
Loi du 29 juillet 1881 : consécration. Ce texte est alors le plus libéral du monde et sera durcit par la suite. Les délits de presse y sont précisés de façon étroite. C’est le gérant du journal qui est responsable et le délit relève de la cour d’assises, donc du jury populaire.