La France a-t-elle encore quelque chose à apporter au monde ? Flashcards
André Malraux lors d’une visite à Pékin en 1965
déclare à Mao Zedong, croyant lui faire plaisir, que les Chinois sont « les Français d’Asie », ce qui suscite l’incompréhension de ses hôtes.
Plusieurs modèles français ont beaucoup apporté à l’Europe, voire au monde
(1) La France chrétienne du milieu et de la fin du Moyen Âge : Tôt unifié et bien administré, le royaume des capétiens joue un rôle central lors des croisades. En Orient, les croisés sont appelés les « Francs » par les Arabes.
(2) La France classique : Louis XIV, arbitre de l’Europe, mène une politique impérialiste. Par exemple, des annexions décidées en pleine paix dans les années 1680.
(3) La France des lumières (XVIIIe : siècle français) : Le pays incarne à la fois l’autorité et la liberté : cumulant les prestiges de l’absolutisme et des Lumières. Il y a une nouvelle expansion de la langue française : tous les traités européens sont rédigés en français, même quand la France n’en est pas partie. Lae français s’impose comme la langue de l’esprit, de l’intelligence et de la conversation. Selon une célèbre anecdote, Frédéric II de Prusse n’aurait parlé en allemand qu’à ses chevaux, et peut-être à ses soldats.
(4) La France révolutionnaire : Réinterprétant l’universalisme hérité du catholicisme, les jacobins, puis Napoléon, entreprennent d’exporter en Europe les valeurs et les acquis de la Révolution, à commencer par les droits de l’Homme et l’idée nationale.
- La Chartreuse de Parme, Stendhal : Dans premier temps, les peuples européens accueillent avec faveur les armées françaises, porteuses d’une vaste réorganisation politique et sociale. Stendhal, qui a servi en Italie, s’en fait l’écho dès la première page de son ouvrage en écrivant que le monde appris « qu’après tant de siècles César et Alexandre avaient un successeur ».
- La Marche de Dombrowski, hymne national de la Pologne : présente encore aujourd’hui la particularité de contenir un hommage à Napoléon : « Bonaparte nous a donné l’exemple ».
(5) La France coloniale : A la suite de l’humiliation de la défaite face à la Prusse en 1871, les républicains décident de reprendre l’expansion française outre-mer avec la conquête d’Alger en 1830.
- L’Idée coloniale en France de 1871 à 1962, Raoul Girardet, 1971 : Les promoteurs du colonialisme français se persuadent de travailler pour la grandeur de la France aussi bien que pour le progrès de l’humanité (répandre les Lumières parmi les peuples « primitifs », voire « inférieurs ». Les manifestations d’indépendantismes sont qualifiées de « réactionnaires » et « d’obscurantistes ».
- Débat devant la chambre des députés au Palais-Bourbon, 1885 : Georges Clemenceau s’élève contre Jules Ferry : « La conquête que vous préconisez, c’est l’abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires (…). Ce n’est pas le droit : c’en est la négation. Parler à ce propos de civilisation, c’est joindre à la violence l’hypocrisie ».
La France s’est attiré la sympathie des autres peuples en plaçant au premier rang de ses préoccupations
(1) La culture littéraire : Les grands écrivains jouissent d’un prestige particulier (Voltaire, Rousseau, Chateaubriand, Victor Hugo, Sartre). Exemple de la mort et des funérailles de Victor Hugo : Tandis que l’écrivain agonise dans un hôtel particulier de l’avenue parisienne qui porte déjà son nom, le gouvernement et la présidence de la République envoient chaque jour prendre de ses nouvelles. Seulement 4 jours après son décès, le 26 mai 1885, les députés votent des obsèques nationales par 415 voix c/ 3. Le 1er juin, son cercueil, après avoir été exposé toute une nuit sous l’Arc de triomphe, est transféré jusqu’au Panthéon. Des centaines de milliers de personnes lui offrent un dernier cortège, dont 2 000 délégations venues du monde entier.
(2) L’émancipation du genre humain : Certes, la France n’est pas la 1ère à proclamer les droits de l’homme (EU), mais elle leur a donné une valeur universelle, encourageant leur extension aux autres peuples.
- La France et les pays sous régimes autoritaires : comme en Europe orientale, mais aussi dans le monde hispanique, où l’on qualifie d’Afrancesados (« Francisés ») ceux qui adoptent les idées, les modes ou les coutumes françaises. Encouragement des réformes ou contestations des régimes autoritaires.
- La France et les minorités opprimées : Les communautés juives d’Europe sont longtemps reconnaissantes à la France, celle-ci, refusant toute discrimination fondée sur la religion ou l’origine, a permis leur réintégration dans la vie civique. Avant la création de l’Etat d’Israël, elle peut faire figure de nouvelle terre promise. S’agissant de l’affaire Dreyfus, il convient de noter que rares étaient les armées européennes dans lesquelles un soldat juif pouvait atteindre le grade d’officier.
- La France et les peuples colonisés : Certes la France s’est constituée un vaste empire outre-mer, mais elle a aboli par deux fois l’esclavage (1794 et 1848), surtout elle a proclamé des droits qui ont fini par s’appliquer aux peuples colonisés.
La France subie un affaissement démographique
Or, la démographie est bien souvent la condition de la puissance permettant de soutenir et d’exporter un modèle national. Dans son ouvrage Six Livres de la République (1577) Jean Bodin soutenait qu’ : « Il n’y a de richesse, ni force que d’hommes ». Jusqu’en 1795, la France demeure le pays le plus peuplé d’Europe. Ce dynamisme démographique permet à la France d’affronter à plusieurs reprises la coalition des autres peuples européens (ex sous François 1er, Louis XIV), et explique en partie les victoires de la Révolution et de l’Empire.
Cependant, la France est le premier pays du monde à s’engager dans la « transition démographique » dès 1800
Sous la IIIème République, elle apparaît comme le pays de l’enfant rare. Les contemporains en sont bien conscients, même s’ils divergent sur les causes du phénomène : les uns incriminent les effets délétères du code civil, l’égalitarisme des successions incitant les masses rurales à restreindre les naissances pour éviter le morcellement des terres, d’autres dénoncent la trop longue durée du service militaire (2, puis 3 ans). Entre 1890 et 1914 : les décès sont plus nombreux que les naissances, alors que la population en Allemagne s’accroît de 500 000 habitants par an. Pendant des décennies, la population française stagne autour de 40 millions d’habitants. En 1945, le général de Gaulle invite les Françaises à donner à leur pays « 12 millions de beaux bébés », et ce vœu est presque entièrement exaucé.
Hégémonie ou déclin de la France, La Fabrication d’un mythe national, Lucian Boia, 2009
Pour lui, la France est une puissance en déclin depuis 1815. C’est la défaite de Waterloo qui marque le début du déclin pour la France, dont la puissance s’effrite par la suite. Il identifie trois graves « occasions manquées » pour notre pays.
(1) Le pays, tourné vers le continent, n’a pas consenti aux investissements nécessaires outre-mer. Par exemple, Louis XV accepte d’abandonner le Canada français en 1763, lors de la signature du traité de Paris. En 1803, Napoléon vend la Louisiane pour financer son sacre.
(2) La France, trop occupée à faire la Révolution, a pris du retard dans la révolution industrielle. En 1810, notre pays compte 200 machines à vapeur, alors que le Royaume-Uni en a 5 000, malgré que leur richesse soit pratiquement égales. En 1913, l’économie française ne représente plus que 65% de celle du Royaume-Uni.
(3) Malgré des efforts considérables, la France n’a pas su annexer la rive gauche du Rhin. Les dernières tentatives en ce sens, au lendemain de chacune des deux guerres mondiales, se sont soldés par des échecs.
Au XXe siècle, le mouvement de déclin semble s’accélérer
Saignée à blanc par la Grande guerre, la France s’effondre en 1940. Son armée, présentée comme la première du monde, est vaincue en quelques semaines comme l’écrit Marc Bloch dans l’étranger défaite. La défaite militaire est aggravée par l’exode des populations, qui se jettent de façon irréfléchie sur les routes, le collapsus des valeurs républicaines incarné par le régime de Vichy. L’audace et la détermination du général de gaulle, puis les sacrifices de la Résistance intérieure et extérieure, retiennent le pays au bord de l’abîme. Depuis lors, en dépit d’une politique d’indépendance et de grandeur orchestrée avec succès dans les années 1960 par le général de Gaulle, et de l’engagement dans le projet européen, la France apparaît comme « une puissance moyenne d’influence mondiale » (Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères). Toutefois, la France continue à jouer un rôle bien supérieur à son poids démographique, économique et militaire réel : Elle « voyage en première classe avec un billet de seconde ».
Il y a un net recul de la langue et de la culture française
D’une part, s’agissant de la langue française, la première guerre mondiale porte un 1er coup à l’usage du français. En 1919, Clemenceau accepte que le traité de Versailles soit rédigé en deux langues, français et anglais, même si la version français seule fait foi en cas de contestation. Dans l’entre-deux-guerres, l’anglais s’impose comme langue diplomatique et scientifique mondiale. Aujourd’hui, si l’organisation internationale de la francophonie joue un rôle diplomatique important, il n’y a que 300 millions de locuteurs répartis sur 5 continents. Des foyers de francophonie très actifs (Viêt Nam, Roumanie) se sont éteins. En Europe, obligatoire dans l’enseignement secondaire jusqu’à la SGM, c’est désormais l’anglais qui s’impose. La langue de Shakespeare ou de Margaret Thatcher domine le fonctionnement quotidien de l’UE. La langue est attaquée de l’intérieur par la profusion des anglicismes, signe d’une perte d’identité.
D’autre part, s’agissant de la culture française, la recherche française, qui se fait désormais exclusivement en anglais, est concurrencée par les laboratoires asiatiques. Le système de l’enseignement supérieur délabré et de plus en plus coûteux peine à attirer. New York a succédé à Paris comme capitale des arts en 1945. Si les auteurs classiques se maintiennent (Jules Verne est au deuxième rang des auteurs les plus traduits dans le monde, après Agatha Christie), la littérature française est de moins en moins traduite.
Que reste-t-il de la culture française ?, Donald Morrison, 2008
explique que si la culture française demeure vivace, elle ne rayonne plus à l’étranger. La faute incomberait à un Etat trop protectionniste, qui dissuade les créateurs de se confronter à leurs rivaux étrangers, ainsi qu’aux réformes successives de l’école qui ont abaissé le niveau. Il insiste sur le déclin de la photographie qui est pourtant une invention nationale. Seules échappent au déclin : la mode, cuisine, architecture, musique techno (Daft Punk, Air et Justice, DJ Laurent Garnier et David Guetta). Certains commentateurs français (Marc Fumaroli) ont reproché à Morrison de confondre haute et basse culture. En réalité, la France aurait perdu le combat de la culture de masse.
Les laudaroes temporis acti
ceux qui font l’éloge du passé, qui se font une spécialité de regretter le temps d’avant. Expression forgée au 1er siècle avant notre ère par le poète latin Horace.
Le sentiment de déclin qui affecte la France est commun aux autres pays d’Europe, voire d’Amérique
RU est travaillé par la nostalgie de son empire disparu. L’Allemagne s’inquiète de son évolution démographique. Donald Trump s’est fait élire en promettant de rendre sa grandeur aux Etats-Unis. L’Occident tout entier recule alors que la Chine et l’Inde sont en plein essor. Les difficultés de la France doivent être replacées dans un cadre européen, d’autant que certaines d’entre elle s’expliquent par un mauvais pilotage économique de la zone euro ou par les insuffisances de l’UE.
La France donne parfois l’impression de réussir moins bien que d’autres pays comparables
à commencer par l’Allemagne. Désindustrialisation rampante, accroissement de la dette (120% du PIB après crise du covid), recul de ses parts du marché, 85 milliards d’euros de déficit commercial en 2021.
Aujourd’hui, il n’existe pas de consensus sur le programme de réformes à mettre en œuvre en France
Si un courant puissant appelle à la poursuite et à l’intensification des réformes d’inspiration libérale (ex : revoir à la baisse les prestations de l’Etat providence), d’autres économistes dénoncent les effets ravageurs d’un tel programme sur la cohésion de la société. Deux points semblent recueillir un large assentiment : 1) L’Etat restera au cœur de la vie nationale, il paraît difficile de priver les français de cette figure rassurante et ordonnatrice. 2) Le redressement passera par un souci accru de l’avenir et de la transmission aux générations futures.
La France peut puiser dans sa tradition une certaine capacité de rebond
Le 19 mai 1958, lors d’une conférence de presse au Palais d’Orsay, le général de Gaulle déclare : « Vieille France, accablée d’Histoire, meurtrie de guerres et de révolutions, allant et venant sans relâche de la grandeur du déclin, mais redressée, de siècle en siècle, par le génie du renouveau ». Deux idées sont exprimées. D’une part, l’histoire de France témoigne que notre pays possède une résilience insoupçonnée. En effet, la France s’est plusieurs fois relevée de l’abîme, par exemple en 1871, 18918 et 1945. D’autre part, l’histoire de France témoigne qu’après une longue résistance, les changements nécessaires se font vite. Les corporatismes de l’Ancien régime, après avoir empoisonné la vie du pays pendant des décennies, furent balayés lors de la nuit du 4 août 1789. Par la suite, l’histoire constitutionnelle française a connu 14 constitutions.
La France possède encore de nombreux atouts
D’un point de vue interne, sans dresser une liste à la Prévert, la France possède une qualité de vie enviable, une population bien formée avec des élites qualifiées. De surcroît, elle dispose d’un riche patrimoine culturel et naturel, notamment d’un vaste domaine territorial et maritime. D’un point de vue externe, il est indéniable que la France dispose d’un réseau diplomatique et culturel étendu, qu’elle a un rôle moteur au sein de l’UE. Elle a également un siège permanent au conseil de sécurité des nations unies, et possède l’arme nucléaire. Surtout, la France demeure une terre d’élection pour la conversation et le débat d’idées. Comme le souligne Emil Cioran, dans De la France (1941) : « Lorsque l’Europe sera drapée d’ombre, la France demeurera son tombeau le plus vivant ».
La France peut porter une voix originale dans des domaines essentiels pour le monde contemporain
1) La défense du droit international : La France s’est convertie au multiculturalisme (Ex : Intervention des EU en Irak en 2003). 2) La protection de l’environnement : La France plaide depuis longtemps pour la création d’une organisation mondiale de l’environnement. Discours de Johannesburg, 2 septembre 2002, Chirac : « notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». 3) L’aide au développement des pays les plus pauvres : La « taxe Chirac » instituée en 2006, texte de solidarité sur les billets d’avion a constitué en son temps une initiative marquante. 2020, le gouvernement reprend l’idée. Rebaptisée « écocontribution », les billets d’avion seront maintenant taxés de 1,50 à 18 euros au départ de la France. 4) La défense de la diversité culturelle et linguistique (appauvrissement culturel du à la mondialisation) : mise en place d’un dispositif de soutien public au cinéma que l’on nomme l’exception culturelle française.
