La santé des tout-petits Flashcards
Pourquoi la petite enfance est-elle reconnue comme la phase développementale la plus importante de la vie ?
Les experiences vécues lors de la petite enfance sont considérées, par plusieurs organisations ou chercheurs oeuvrant à la réduction des inégalités sociales de santé, comme un determinant important de la santé à court et long termes. C’est durant cette période que le cerveau se développe le plus rapidement.
Les études d’observation et d’intervention démontrent que les fondements de la santé de l’adulte s’établissent dans la période prénatale et la petite enfance. Une croissance insuffisante ou une carence affective pendant cette période augmentent le risque d’une santé physique déficiente et réduit les capacités physiques, intellectuelles et affectives au cours de la vie adulte.
Un mauvais départ dans la vie et une croissance insuffisante laissent une empreinte biologique durable pendant la phase de développement. C’est au cours des premières années que s’acquiert le capital biologique et humain qui détermine la santé de l’individu pendant toute sa vie.
Des facteurs de risque et de protection affectent la santé des individus tout au long de leur vie.
Par quels mécanismes ce qui se passe durant la grossesse et la petite enfance peut avoir un effet à court et long terme sur la santé ?
1. L’effet latent
Des stresseurs vécus durant des périodes sensibles ou critiques altèrent de manière permanente le cerveau, les organes ou les fonctions métaboliques pour se répercuter plus tard dans la vie adulte. Certaines maladies surviendraient à l’âge adulte à la suite d’une exposition in utero à des toxiques ou des stresseurs particuliers. Par exemple, certaines maladies métaboliques (comme le diabète) et les maladies cardiovasculaires à l’âge adulte peuvent être influencées par le stress et l’alimentation de la mère par exemple.
2. L’effet de trajectoire
En fonction de facteurs initiaux, les choix et les possibilités futures sont modifiés, ce qui impacte le potentiel de bonne santé des individus. Aussi, selon cette perspective, certains événements dans le parcours de vie sont plus cruciaux pour la santé. Par exemple, le fait de fréquenter un centre de la petite enfance en bas âge favorise l’acquisition précoce de la lecture qui, à son tour, facilite la résolution de problème en mathématique… et éventuellement la réussite scolaire globale à l’adolescence. C’est aussi l’effet de trajectoire qui explique que le passage au secondaire ou encore l’entrée au CÉGEP ou à l’université ont des impacts parfois importants sur la santé, notamment la santé mentale.
3. L’effet de cumul
Les facteurs et déterminants de santé s’ajoutent les uns aux autres et ont des impacts cumulés ou synergiques. Par exemple, vivre dans pauvreté et souffrir de négligence parentale s’ajoutent l’un à l’autre pour créer des impacts négatifs sur la réussite scolaire et l’adaptation sociale.
Quels sont les effets de la fréquentation d’un service éducatif de garde de qualité sur le développement des enfants défavorisés ?
Les services de garde éducatifs constituent un environnement d’importance pour le développement de l’enfant. En plus de faciliter l’accès à l’emploi des familles, le principal intérêt des services de garde éducatifs est de contribuer au développement, et ce, particulièrement pour les enfants des familles défavorisées.
Plusieurs études provenant de divers pays (incluant le Québec) montrent qu’une fréquentation d’un service de garde éducatif de qualité par les enfants des milieux défavorisés s’avère bénéfique et permet l’équité dès le départ. Les effets bénéfiques peuvent même perdurer jusqu’à l’âge adulte.
Depuis quand considère-t-on le “Développement sain des enfants/Développement tôt dans la vie” comme un déterminant important de la santé?
C’est assez récent! Il est maintenant considéré en raison des nouvelles connaissances en épigénétique et en développement de l’enfant.
Pourquoi accorde-t-on tant d’importance à la période de la petite enfance comme déterminant de la santé?
Le cerveau se développe tout au long de la vie mais à un rythme très rapide au cours des premières années. Le nourrisson naît avec des milliards de cellules cérébrales qui représentent son potentiel pour le reste de sa vie (pour ses apprentissages, ses comportements et sa santé). Le cerveau du jeune enfant se construit à travers le temps grâce au processus d’élagage. Pour se développer, ces cellules cérébrales doivent établir des liens entre elles. Plus l’environnement est chaleureux et stimulant, plus des connexions positives se forment dans le cerveau et mieux l’enfant se développe dans tous les aspects de sa vie.
Les facteurs de risque qualifiés toxiques comme la pauvreté, la maltraitance, la négligence, la dépression ou la toxicomanie des parents peuvent affecter le cerveau en développement.
Durant la petite enfance, le nombre de connexions synaptiques augmente de façon exponentielle pour ensuite s’optimiser durant l’adoleslence par élagage.
La période critique du développement de plusieurs fonctions cérébrales s’étendrait jusqu’à 8 ans. Pour illustrer ce phénomène, l’image suivante présente les phases dites critiques, c’est à dire de vulnérabilité pour le développement de 8 compétences et habiletés de base.
Quels sont les 5 facteurs de stress reconnus durant la petite enfance?
- la pauvreté,
- la dépression,
- la négligence,
- la maltraitance,
- la toxicomanie des parents
Comment se développe le cerveau durant la petite enfance?
Une étude récente menée sur de jeunes enfants a montré que le volume total du cerveau augmente de 101 % au cours de la première année, puis de 15 % pendant la deuxième année. La croissance importante observée au cours de la première année a été attribuée à la matière grise (149 %) et dans une moindre mesure, à la matière blanche (11 %).
Le volume du cervelet augmente de 240 % pendant la première année, tandis que les hémisphères cérébraux augmentent de 90 %.
De l’âge de 3 ans à l’âge de 30 ans, le volume de la matière blanche augmente alors que celui de la matière grise augmente puis diminue, culminant à un moment caractéristique et particulier à chaque zone du cerveau au cours de l’enfance et de l’adolescence. Simultanément, les connexions des zones du cerveau entre elles augmentent à la fois structurellement et fonctionnellement et l’équilibre entre les fonctions limbiques/sous-corticales et celles du lobe frontal se modifie jusqu’à ce que l’enfant soit devenu un jeune adulte.
Par ailleurs, des études menées au moyen de l’imagerie génomique indiquent que les gènes influent sur la morphologie du cerveau. Un certain nombre d’études menées auprès de jumeaux adultes, enfants et adolescents ont rapporté la forte héritabilité de volumes régionaux de substance grise.
Quelle est l’influence du parcours de vie sur la santé?
La santé est influencée par un ensemble de déterminants dans le temps : ils se situent au niveau de l’individu (génétique et choix de vie), de sa famille, des quartiers, des communautés, des environnements plus larges et des politiques.
Ainsi, tout au long de la vie, différents facteurs individuels, environnementaux et sociaux viennent influencer la santé. L’illustration suivante schématise la notion de trajectoire de vie en lien avec la santé mentale. Elle souligne aussi l’importance de la petite enfance pour favoriser une bonne santé mentale. Elle témoigne aussi de l’importance des transitions de vie.
Il faut donc retenir de ce schéma que la santé se construit et se maintient grâce à un processus complexe, non linéaire dans de nombreuses dimensions et à plusieurs niveaux et phases de la vie. La vie est ainsi constituée de trajectoires multidimensionnelles (famille, emploi, résidence, santé psychologique et santé physiologique). Ces trajectoires sont ponctuées de transitions, c’est-à-dire des périodes où l’état ou le statut change, et d’événements de vie, qui constituent des tournants. Ces événements peuvent faire bifurquer une ou plusieurs trajectoires (p. ex. divorce, échec scolaire…).
Quels sont les trois principaux types d’influence des déterminants sociaux sur la santé?
- L’effet latent (ce qui survient en bas âge a des impacts plus tard durant la vie)
- L’effet de trajectoire (un événement entraîne d’autres événements qui ont à leur tour des impacts négatifs ou positifs sur la santé)
- L’effet de cumul (plusieurs événements ont des effets simultanés sur la santé)
Dans les faits, il est très difficile de distinguer les types d’effets les uns des autres à partir des parcours de vie des individus ou des enfants. Il est probable que les trois types d’effets coexistent les uns avec les autres.
Qu’est-ce que l’effet latent?
Cette exposition à des stresseurs durant des périodes sensibles ou critiques vient altérer de manière permanente le cerveau, les organes ou les fonctions métaboliques.
Selon l’hypothèse de Barkers, les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, les arrêts cardiaques, l’hypertension trouvent leur origine dans la malnutrition fœtale et durant l’enfance.
Voici des exemples d’effet latent:
- Une association inverse modérée entre le poids à la naissance et la mortalité adulte toutes causes confondues;
- Une association inverse forte pour la mortalité cardiovasculaire;
- Chez les hommes, un poids plus élevé à la naissance est associé fortement à un risque plus élevé de mort à la suite d’un cancer.
- Les enfants qui ont grandi dans les familles ayant un faible niveau socioéconomique ont une moins bonne santé physique et dentaire à 26 ans et ce, indépendamment de la santé au début de la vie ou du niveau socioéconomique atteint à l’âge adulte.
Qu’est-ce que l’effet de cumul?
Une exposition qui s’accumule graduellement au cours de la vie. Par exemple, chaque année supplémentaire d’un faible niveau socio-économique entraîne des effets négatifs de manière additive (p. ex. dose/réponse), et ce, peu importe le moment de la vie auquel survient l’adversité.
Qu’est-ce que l’effet de trajectoire?
L’environnement dans lequel se trouvait un individu au début de la vie pourrait tracer sa trajectoire de vie par une série de chaines de probabilités.
Par exemple, l’étude de Feinstein (2003) montrent que les enfants ayant un fort potentiel cognitif à 22 mois mais grandissant dans des conditions de vie défavorables vont être moins performants à 10 ans que leurs pairs ayant un faible potentiel en bas âge mais évoluant dans des milieux socio-économiques aisés.
Quelles sont les statistiques de la pauvreté durant le développement de l’enfant?
Près de 12 % des enfants canadiens vivent sous le seuil du faible revenu selon les statistiques fédérales de 2005. Cela représente 788 000 enfants. Les faibles revenus sont particulièrement prévalents chez les familles monoparentales dirigées par une femme. Selon les statistiques de 2005, 33,4% des personnes appartenant à cette catégorie vivent sous le seuil du faible revenu.
Les chercheurs s’entendent sur le fait que la pauvreté aggrave le stress des familles et peut avoir des répercussions négatives sur le développement des enfants. Les risques de problèmes pour les enfants et la probabilité de mauvaises conditions de vie sont remarquablement plus élevés pour les enfants qui vivent dans une famille dont le revenu annuel est inférieur à 30 000 $.
Quels peuvent être les effets de la pauvreté sur le développement de l’enfant?
Étant donné que les revenus familiaux peuvent changer avec le temps, les chercheurs reconnaissent deux types de faibles revenus, le type transitoire et le type constant. Les faibles revenus constants, ou simplement la pauvreté à long terme, sont plus nuisibles que la pauvreté à court terme. La pauvreté est aussi plus nuisible pendant la prime enfance que plus tard au cours de l’enfance.
Les chercheurs associent systématiquement le faible revenu familial à un faible QI chez l’enfant et à l’échec scolaire en début de scolarisation. Il est aussi lié à plusieurs problèmes pendant l’enfance, y compris l’attachement précaire, l’humeur négative et l’inattention, ainsi que d’autres problèmes comportementaux.
Plusieurs facteurs associés à la pauvreté peuvent exercer une influence négative sur le développement social et affectif de l’enfant :
- le manque de soutien de la part de la communauté,
- la monoparentalité,
- le faible niveau d’études des parents,
- la dépression maternelle,
- la nutrition,
- le faible poids à la naissance
- la mauvaise santé du nourrisson, etc.
En réalité, quand les chercheurs tiennent compte de ces facteurs associés, le faible revenu familial en soi semble avoir peu de répercussions sur le développement social et comportemental précoce.
Que peut-on faire pour diminuer l’impact de la pauvreté sur le développement des enfants?
Ainsi, bien que l’amélioration du statut économique des familles favorise de meilleurs résultats en ce qui a trait au développement cognitif de l’enfant et à sa réussite scolaire, les services directs et les interventions thérapeutiques constituent un choix plus prometteur pour améliorer le développement psychosocial des enfants et diminuer leurs problèmes de comportement.
La solution semble être l’intervention précoce. Les visites à domicile sont une façon d’offrir divers services aux familles à faibles revenus. De nouvelles données probantes indiquent que l’impact des programmes multidimensionnels de visites à domicile de grande qualité dure plus longtemps après la fin de l’intervention que celui des autres programmes. Les familles adoptent une trajectoire de vie différente, elles dépendent moins de l’aide publique, les grossesses sont moins rapprochées, et on constate une amélioration de la santé et du bien-être des enfants. Les visites à domicile, surtout lorsqu’elles sont combinées aux soins offerts dans des centres, réussissent à diminuer les problèmes de comportement des enfants.
Les deux programmes remarquables offerts dans ces centres et qui ont eu des répercussions à long terme sur le comportement des enfants sont le Perry Preschool et Head Start. Davantage de recherches sont nécessaires pour déterminer les composantes essentielles des programmes qui ont les meilleures répercussions à long terme. Dans le même ordre d’idées, il faut plus de recherches pour évaluer pourquoi les programmes ont un impact à long terme, à savoir si cet impact est dû à de meilleurs soins, à davantage de ressources économiques et personnelles pour la mère, améliore le fonctionnement familial, ou à toutes les raisons mentionnées ci-dessus.
Les autres services et politiques susceptibles d’avoir des répercussions positives sur l’environnement et le développement de l’enfant sont les programmes de suppléments alimentaires pour les femmes enceintes et les programmes de subventions au logement. Malgré ces résultats de recherche prometteurs, les services d’intervention ne sont pas toujours disponibles dans la pratique. Par exemple, au Canada, ils ne sont pas aussi disponibles en région rurale que dans les villes ou dans le nord que dans le sud du pays. D’après les chercheurs, il est important d’améliorer la compréhension que les parents ou les donneurs de soins ont du développement normal et problématique, la perception du service ou leurs croyances et leurs attentes envers les services sociaux, pour s’assurer que les familles qui ont besoin de services vont chercher à les obtenir. Ils suggèrent aussi de réduire les obstacles à l’accessibilité des services en offrant des services de garde, de l’aide en matière de frais de transport, des horaires et des lieux variés, des programmes à faible coût ou gratuits, et de s’efforcer de s’adapter au niveau d’alphabétisation, à la langue et aux différences culturelles des personnes desservies.
Les chercheurs demandent davantage de financement pour les interventions qui aideraient les enfants à faible revenu dont le développement peut être compromis par des facteurs de risques familiaux ou environnementaux. De plus, ils demandent davantage d’évaluation des services d’intervention, surtout parce qu’ils sont offerts dans des milieux réels qui sont loin d’être idéaux. Les évaluations de programmes devraient être axées sur la théorie, utiliser des méthodes rigoureuses et porter sur les résultats affectifs, sociaux et comportementaux des enfants.