Cours 7 Troubles de la personnalité Flashcards

1
Q

Lorsqu’on examine les troubles de la personnalité, il peut sembler que certains d’entre eux expliquent le comportement de personnes qu’on connaît, voire de soi-même!

A

Il est vrai que les symptômes des troubles de la personnalité peuvent décrire des traits qui se manifestent parfois, à des degrés divers, chez tout un chacun, mais un véritable trouble de personnalité se définit par la très forte acuité et l’expression inflexible de plusieurs traits. Les personnes souffrant d’un trouble de la personnalité adoptent souvent un comportement rigide et sont incapables de le modifier, peu importe les situations auxquelles elles sont confrontées. Cette rigidité du comportement concorde avec la notion selon laquelle il existe des différences cles entre les individus, notamment quant à la capacité d’être souple dans les interactions sociales. Les personnes avec une personnalité dysfonctionnelle ne parviennent généralement pas à adapter leurs pensées, leurs sentiments et leurs comportements aux liverses circonstances et aux personnes qu’elles rencontrent.

La plus grande partie du champ d’études des troubles de la personnalité est axée Sur une perspective fondée sur les traits (c’est à-dire ce qu’ une personne fait habituellement),
mais il est aussi possible de conceptualiser encore plus utilement un dysfonctionnement de la personnalité en se basant sur une perspective centrée sur les capacités (c’est-à-dire sur ce qu’une personne peut faire ou est capable de faire).

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2
Q

La personnalité que chacun se forge au fil des ans reflète un moyen persistant de relever les défis qui se présentent dans la vie, un certain style de relation avec autrui.

A

Une personne est exagérément dépendante, une autre est provocatrice et agressive, une autre est timide et évite tout contact social et une autre encore se soucie davantage des apparences et de la valorisation de son ego vulnérable que de l’établissement de relations avec autrui. On ne diagnostiquerait aucun trouble de la personnalité chez toutes ces personnes, sauf si leur mode de comportement respectif était durable, envahissant et dysfonctionnel. Par exemple, en entendant des éclats de rire au moment d’entrer dans une pièce bondée, une personne pourrait avoir l’impression qu’elle est l’objet d’une blague et qu’on parle d’elle. De telles préoccupations deviennent des symptômes d’un trouble de la personnalité paranoïaque seulement si elles surgissent fréquemment et avec intensité et qu’elles empêchent l’établissement de relations personnelles étroites.
Le présent chapitre va d’abord décrire la classification des troubles de la personnalité et les difficultés inhérentes à toute classification et à toute évaluation. Il explicitera ensuite les troubles de la personnalité eux-mêmes, la théorie et la recherche concernant leur étiologie ainsi que les thérapies employées pour leur traitement.

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3
Q

La classification des troubles de la personnalité: groupes, catégories et problèmes

A

La notion selon laquelle un trouble peut affecter la personnalité remonte au moins à l’époque d’Hippocrate et de sa théorie des humeurs, dont il a été question au chapitre 1. Des troubles de la personnalité figuraient dans les premières versions du DSM, mais les diagnostics étaient alors très peu fiables. Un clinicien pouvait porter un diagnostic de narcissisme pour un patient flamboyant, tandis qu’un autre pouvait le considérer comme un psychopathe.

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4
Q

La catégorisation des troubles de la personnalité au fil des DSM

A

Comme pour d’autres diagnostics, la publication du DSM-III a marqué le début d’une tendance à l’amélioration de la fiabilité (Coolidge et Segal, 1998). A partir du DSM-II1, les troubles de la personnalité ont été placés sur un axe distinct, l’axe II, pour faire en sorte que les cliniciens soient attentifs à leur éventuelle pré-sence. L’axe Il décrivait de nombreuses catégories de troubles de la personnalité qui s’appliquaient ou non à des personnes affectées par un dysfonctionnement clinique. L’axe est disparu du DSM-5, mais il est désormais généralement reconnu que des troubles plus épisodiques peuvent être assortis d’un trouble de la personnalité de longue durée, tandis que, chez certaines personnes, c’est le trouble de la personnalité qui constitue le principal problème d’adaptation.

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5
Q

Les signes d’un trouble de la personnalité

A

Dans l’ensemble, quels sont les signes indiquant la présence d’un trouble de la personnalité? L’éminent théoricien Theo-dore Millon, décédé en 2014, a apporté plusieurs contributions importantes dans le domaine des troubles de la personnalité.
Millon (1986) a formulé trois critères fondamentaux qui permettent de faire la distinction entre une personnalité normale et une personnalité souffrant d’un trouble.
Un comportement rigide et inflexible, autopunitif et une instabilité structurelle
D’abord, une personnalité affectée d’un trouble se caractérise par un comportement rigide et inflexible. Ainsi, cette personne a de la difficulté à changer son comportement en fonction des situations dans laquelle elle se trouve. Ensuite, elle adopte un comportement autopunitif qui favorise l’instauration de cercles vicieux. En d’autres termes, les comportements et la cognition ne font que perpétuer et exacerber les conditions existantes. Un comportement autopunitif éloigne la personne affectée de ses objectifs, plutôt que de l’aider à les atteindre. Enfin, il y a une «instabilité structurelle». Millon employait cette expression pour désigner la fragilité du soi qui «craque » dans une situation de stress. Ce serait le cas d’un étudiant qui se débrouille raisonnablement bien au début d’une session, mais qui perd sa capacité d’être à la hauteur de la situation en raison de la pression croissante découlant des multiples échéances imparties.

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6
Q

Une incapacité à trouver des solutions adaptées

A

De leur côté, Livesley, Schroeder, Jackson et Jang (1994) considèrent tout trouble de la personnalité comme un échec ou une incapacite a trouver des solutions adaptées aux tâches de la vie.
Livesley (1998) a defini trois types de tâches de la vie et a avance lidée qu’un echec dans lexecution de l’une ou l’autre de ces tâches était suffisante pour établir un diagnostic de trouble de la personnalité. Ces trois tâches sont les suivantes: établir des représentations stables, intégrées et cohérentes de soi et d’autrui;
acquérir la capacité d’instaurer une intimité et des affiliations positives avec autrui et bien s’adapter à la vie en société en adoptant des comportements marqués par la sociabilité et la coopération.

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7
Q

Les valeurs des approches dimensionnelle et catégorielle

A

L’analyse qui suit porte sur la valeur que revêt une approche dimensionnelle des troubles de la personnalite. Initialement, On croyait et on prévoyait que la section du DSM-5 traitant des troubles de la personnalité ferait l’objet d’un changement radical et que l’accent serait désormais mis sur les dimensions plutôt que sur les catégories, mais une réorientation s’est produite à la toute fin du processus de mise à jour. Le résultat, c’est que l’approche par catégories du DSM-IV prévaut toujours dans le DSM-5. Comme le montre l’encadré 13.1, une description du trouble général de la personnalité, qui esquisse les critères dont la présence permet de conclure à l’existence d’un tel trouble, est toujours présente dans le DSM-5. Après quoi, une évaluation plus pointue peut déterminer si une personne présente un trouble de la personnalité spécifique. Cet encadré 13.1 permet de constater qu’un certain chevauchement caractérise les éléments constitutifs d’un trouble de la personnalité qu’ont proposés Millon, d’une part, Livesley et ses collaborateurs, d’autre part.

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8
Q

L’approche dimensionnelle qui devait être retenue n’en a pas pour autant été abandonnée.

A

Elle a en fait été introduite dans la section II du DSM-5 (American Psychiatric Association [APA),
2013), laquelle présente les grandes lignes du modèle qualifié de «modèle alternatif» des troubles de la personnalité. Ce modèle comporte deux critères. Le critère A sert à évaluer les « niveaux de fonctionnement de la personnalité» à l’un des deux thèmes: le soi (identité et autodétermination) et les relations interpersonnelles (empathie et intimité). Quant au critère B, il sert à qualifier une personne selon cinq grandes dimensions de traits: l’affectivité négative, le détachement, l’antagonisme, la désinhibition et le
psychotisme. Pincus, Dowgwillo et Greenberg (2016) ont montré, à partir des cas de trois personnes souffrant d’un narcissisme pathologique modéré ou grave, que le cadre offert par ce modèle alternatif est cliniquement plus utile que les approches diagnostiques antérieures et qu’il rend possible une meilleure représentation des différences entre ces trois personnes. Une autre indication de l’utilité des critères du modèle alternatif a surgi sous la forme d’un rapport montrant que ces traits annoncent une variation unique des niveaux de dysfonctionnement psychosocial chez plus de 600 patients en établissement psychiatrique, compte tenu ega-lement de divers autres critères, dont les types de troubles de la personnalité, d’autres symptômes psychiatriques et d’autres dimensions des traits de personnalité

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9
Q

Questions et problèmes

A

Ily a maintenant plus de 25 ans que d’aucuns préconisent une approche dimensionnelle des troubles de la personnalité.

Alors, pourquoi le modèle catégoriel des troubles de la personnalité figure-t-il dans la section II (Critères diagnostiques et codes) du DSM-5, alors que le modèle dimensionnel ne figure qu’à la section III (Mesures et modèles émergents) ?
Des tests comparant l’approche catégorielle reflétée dans le
DSM-5 et l’approche dimensionnelle apportent pourtant un appui vigoureux à cette dernière. Si des chercheurs canadiens ont établi des faits qui laissent entrevoir que la psychopathie sous-tendant la personnalité antisociale peut représenter une catégorie distincte (Skilling, Harris, Rice et Quinsey, 2002), une analyse a indiqué que même la psychopathie devrait être considérée comme dimensionnelle (Edens, Marcus, Lilienfeld et Poythress, 2006). Dans l’ensemble, une approche dimensionnelle semble concorder davantage avec les données recueillies. John Livesley, de l’Université de la Colombie-Britannique, et ses collaborateurs ont réalisé un travail de recherche qui montre que, lorsque des personnes souffrant d’un trouble de la personnalité dressent un inventaire général de leur personnalité, on constate que leur structure de personnalité ressemble à celle de personnes normales, mais simplement plus prononcée (Clark et collab., 1996; Livesley, Jang et Vernon, 1998). Une recherche similaire effectuée à l’Université Lakehead, à Thunder Bay, en Ontario, a révélé l’existence de différences dimensionnelles quand on veut catégoriser la personnalité normale et la personnalité anor-male: les troubles de la personnalité reflètent des tendances à manifester des réactions extrêmes et rigides à des degrés variables, mais non différentes dans leur nature, par rapport aux réactions de personnes qui ne souffrent pas de troubles de la personnalité (O’Connor, 2002; O’Connor et Dyce, 2001).
Ainsi, on peut considérer les troubles de la personnalité comme les cas extrêmes de caractéristiques présentes chez toutes les personnes.

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10
Q

Les critères du trouble général de la personnalité selon le DSM-5

A

A. Modalité durable de l’expérience vécue et des conduites qui dévie notablement de ce qui est attendu dans la culture de l’individu.
Cette déviation est manifeste dans au moins deux des domaines suivants

  1. La cognition (c.-à-d. la perception et la vision de soi-même, d’autrui et des événements).
  2. L’affectivité (c.-à-d. la diversité, l’intensité, la labilité et l’adéquation de la réponse émotionnelle).
  3. Le fonctionnement interpersonnel.
  4. Le contrôle des impulsions.
  • Ces modalités durables sont rigides et envahissent des situations personnelles et sociales très diverses.
  • Ce mode durable entraine une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, protession nel ou dans d’autres domaines importants.
  • Ce mode est stable et prolongé et ses premières manifestations sont décelables au plus tard à l’adolescence ou au début de l’âge adulte.
  • Ce tableau n’est pas mieux expliqué par les manifestations ou les conséquences d’un autre trouble mental.
  • Ce mode durable n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance (p. ex. une drogue donnant lieu à abus ou un médicament) ou d’une autre affection médicale (p. ex. un traumatisme cranien).
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11
Q

Les dimensions de la personnalité prises en compte dans le modèle dimensionnel

A

Les dimensions de la personnalité prises en considération pour ce modèle dimensionnel ont été fortement influencées par d’autres facteurs généraux figurant dans la littérature à ce sujet. La rubrique Découverte 13.1, à la page suivante, décrit le modèle dimensionnel dominant et les autres modèles. S’il existe une tendance à mettre l’accent sur des modèles multi-traits comme ceux mentionnés dans la rubrique Découverte 13.1, un important débat se poursuit néanmoins à propos des dimensions qu’il faudrait inclure lorsqu’on passe d’une approche catégorielle à une approche dimensionnelle. Parmi celles-ci, le perfectionnisme est un construit de la personnalité qui mérite manifestement de recevoir une plus grande attention quant à son rôle dans le dysfonctionnement de la personnalité. À l’heure actuelle, le DSM-5 considère seulement le perfectionnisme comme un symptôme d’un trouble de la personnalité obsessionnelle-compulsive (TPOC), mais les perfectionnistes extrêmes présentent parfois une forme de dépendance au travail et une difficulté à s’arrêter de travailler qui peut être une source de grande détresse pour eux ou leurs proches, mais qui ne correspond pas bien à la description du TPOC. Selon, Ayearst, Flett et Hewitt (2012), il importe de prendre en considération le perfectionnisme multidimensionnel pour plusieurs raisons. Parmi leurs arguments, ils avancent notamment le fait qu’il s’agit d’un style de personnalité relativement unique et que ce trait rend compte d’une variation significative du dysfonctionnement de la personna-lité, au-delà de la variation qu’expliquent les autres dimensions des traits de la personnalité présentes dans les modèles multitraits. Par ailleurs, la recherche en matière de traitement va dans le même sens d’une considération conséquente du perfectionnisme puisqu’il est assez persistant et invétéré, et que des interventions s’appuyant sur la thérapie comportementale dialectique atténuent généralement le perfectionnisme problématique, mais sans l’éliminer (Handley, Egan, Kane et Rees, 2015). La nécessité d’une approche complexe se reflète dans une approche psychodynamique interpersonnelle qui interprète le perfectionnisme comme le reflet d’expériences interpersonnelles et de besoins interpersonnels non satisfaits (Hewitt, Flett et Mikail, 2017 ; Hewitt et collab., 2015).
Comme nous l’avons vu précédemment, l’axe Il et les autres axes ne figurent pas dans le DSM-5. Les divers troubles de la personnalité sont plutôt énumérés dans la section des troubles et le nouveau modèle alternatif a été placé dans la section III du DSM-5, où sont décrites des propositions méritant de recevoir une attention plus soutenue.
Malgré ce recul pour les partisans du modèle dimension-nel, une étude menée auprès de 337 clients qui ont reçu, de la part de cliniciens qui les connaissaient bien, un diagnostic en vertu du système dimensionnel ou du système catégoriel a abouti à la conclusion qu’il y avait une étroite correspondance entre les deux approches diagnostiques (Morey et Skodol,
2013). Ces chercheurs chevronnés ont mis l’accent sur la définition de règles de décision qui serviraient de seuils diagnostiques permettant au clinicien de recourir à des données dimensionnelles pour prendre des décisions catégorielles. Après l’établissement de ces seuils diagnostiques, le nouveau modèle diagnostique a été appliqué avec succès à bon nombre des troubles de la personnalité spécifiques.

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12
Q

Les faiblesses de l’approche catégorielle

A

La faible stabilité des diagnostics d’un trouble de la personnalité est un problème qui afflige l’approche catégorielle. Étant donné que les troubles de la personnalité sont présumés être plus stables dans le temps que certains troubles épisodiques (comme la dépression), la fiabilité de test-retest - soit la question de savoir si des patients reçoivent le même diagnostic lorsqu’ils font l’objet de deux évaluations séparées par un certain intervalle de temps - constitue également un important facteur de leur évaluation. Durbin et Klein (2006) ont évalué la stabilité des troubles de la personnalité chez des patients souffrant d’un trouble de l’humeur. Ils ont constaté que la stabilité sur 10 ans des diagnostics catégoriels était « relativement faible » (p. 82). Les coefficients de stabilité étaient plus élevés lorsqu’on avait adopté une approche dimensionnelle des troubles de la personnalité et que les intervalles de temps étaient plus courts. En concordance avec la stabilité plus prononcée des troubles antisociaux, les troubles du groupe B (voir la section 13.4) présentaient la plus grande stabilité dans
le temps.
Plus récemment, Morey et Hopwood (2013) ont réexaminé cette question et relevé maints facteurs qui influencent sur l’évaluation de la stabilité, y compris les types de construits mesurés et l’incidence de la technique d’échantillonnage des Participants choisie. Ils ont conclu que, à l’heure actuelle, il est presque impossible d’obtenir une réponse claire et unique à la question suivante: «Quel est le degré de stabilité des troubles de la personnalité? » Quoi qu’il en soit, on estime tout de même que les troubles de la personnalité font partie des troubles les plus persistants observés.

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13
Q

De la difficulté d’évaluer un seul et unique trouble de la personnalité

A

L’étude des troubles de la personnalité se heurte à un autre problème irritant: il est souvent difficile de diagnostiquer un seul et unique trouble de la personnalité, car un grand nombre de personnes présentant un trouble de la personnalité manifestent un large éventail de traits, ce qui rend possibles plusieurs diagnostics différents (Marshall et Serin, 1997). Dans le cas décrit au début du chapitre, le comportement de Marie correspond aux critères du diagnostic non seulement du trouble de la personnalité limite (bor-derline), mais aussi du trouble de la personnalité paranoïaque, en plus d’être très près de correspondre aussi aux critères du trouble de la personnalité histrionique. Une étude a révélé que, chez un groupe de patients souffrant d’un trouble de la personnalité limite (borderline), 55% satisfaisaient aussi aux critères de diagnostic du trouble de la personnalité schizotypique, 47%, aux critères de diagnostic du trouble de la personnalité antisociale, et 57%, aux critères de diagnostic du trouble de la personnalité histrionique (Widiger, Frances et Trull, 1987). Ces données sont particulièrement décourageantes et elles ont différentes conséquences sur les tentatives d’interprétation des résultats des travaux de recherche axés sur la comparaison entre des patients souffrant d’un trouble de la personnalité spécifique et un groupe témoin quelconque. Si, par exemple, on constate que des personnes avec un trouble de la personnalité limite (borderline) sont différentes des personnes ne présentant aucun trouble, les conclusions qu’on en a tirées valent-elles spécifiquement pour le trouble de la personnalité limite (borderline) ou généralement pour les troubles de la personnalité dans leur ensemble?
Enfin, il semble encore que certains problèmes demeurent entiers lorsqu’on examine les critères relatifs aux troubles de la personnalité dans l’optique de leur utilité clinique. De récentes communications de la part de cliniciens semblent indiquer la nécessité d’élargir la description d’au moins quatre troubles de la personnalité: les troubles de la personnalité évitante, nar-
cissique, obsessionnelle-compulsive et schizoïde (Crego, Sleep et Widiger, 2016). Il s’agit là de communications importantes, compte tenu de l’objectif consistant à maximiser l’utilisation clinique du DSM-5.

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14
Q

Les troubles de la
personnalité: le groupe étrange/excentrique

A

Le groupe étrange/excentrique englobe trois diagnos-tics: troubles de la personnalité paranoïaque, la personnalité schizoïde et la personnalité schizotypique. Les symptômes de ces troubles sont quelque peu semblables à ceux de la schizo-phrénie, notamment en ce qui concerne les symptômes moins aigus de ses phases prodromale et résiduelle.

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15
Q

Le trouble de la personnalité paranoïaque

A

La personne avant un trouble de la personnalité paranoïaque
(TPP) est soupçonneuse envers autrui. Elle s’attend à être maltraitée ou exploitée par d’autres, si bien qu’elle a une attitude très réservée et elle est toujours à l’affût d’éventuels signes de tromperie et d’abus. Elle est réticente à se confier aux autres et tend à les blâmer même lorsque c’est elle qui a tort.
Elle peut être extrêmement ialouse et remettre en question sans la moindre justification la fidélité de son conjoint ou de son amant.
Elle nourrit également des doutes injustifiés au sujet de la fiabilité ou de la loyauté d’autrui. Elle peut voir des messages négatifs ou menaçants cachés dans certains événements (p. ex., elle peut croire que le chien d’un voisin jappe délibérément à l’aube pour la déranger). Ce diagnostic est différent de celui de la schizophrénie de type paranoide, parce que des symptômes tels que des hallucinations ne sont pas présents et que la vie sociale et professionnelle est moins altérée. Il diffère aussi de celui du trouble délirant, en raison de l’absence de délires caractérisés.
Le TPP apparaît le plus souvent chez les hommes et s’accompagne le plus fréquemment d’un trouble de la personnalité schizotypique, limite (borderline) ou évitante (Morey,
1988). Les données recueillies semblent indiquer qu’il s’agit là d’un des troubles de la personnalité les plus couramment diagnostiqués dans des échantillons issus de la commu-nauté. La meilleure représentation du trouble de la personnalité paranoïaque consiste à le voir comme un état constant plutôt que comme une catégorie discrète

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16
Q

Le trouble de la personnalité schizoïde

A

La personne souffrant d’un trouble de la personnalité schizoïde ne semble pas désirer ou apprécier des relations sociales et n’a habituellement aucun ami intime. Elle donne l’impression d’être terne, insipide et distante et n’éprouve aucun sentiment chaleureux et tendre pour autrui. Elle manifeste rarement des émotions vives, n’a aucune vie sexuelle et déploie peu d’activités plaisantes. Indifférente aux louanges et aux critiques, elle est une solitaire dont l’attention est centrée sur ses propres intérêts. Le trouble de la personnalité schizoïde a une prévalence inférieure à 1% et il est légèrement moins répandu chez les femmes que chez les hommes (Weissman, 1993).
La comorbidité la plus marquée est celle des troubles de la personnalité schizotypique, évitante et paranoïaque, sans doute en raison de la similarité des critères de diagnostic pour les quatre catégories. Les critéres de diagnostic du trouble de la personnalité schizoide sont également semblables à cer. tains symptômes des phases prodromique et résiduelle de la schizophrénie.

17
Q

Le trouble de la personnalité schizotypique

A

La notion de personnalité schizotypique est issue d’études danoises menées auprès d’enfants adoptés par des parents schizophrènes (Kety et collab., 1968). Certains de ces enfants sont devenus tout à fait schizophrènes à l’âge adulte, mais une plus grande proportion d’entre eux ont manifesté ce qui a semblé être une forme atténuée de schizophrénie. Les critères de diagnostic du trouble de la personnalité schizotypique ont été établis par Spitzer, Endicott et Gibbon (1979) afin de décrire ces personnes.
La personne présentant un trouble de la personnalité schizotypique éprouve généralement les mêmes difficultés interpersonnelles que celles de la personnalité schizoïde, ainsi qu’une anxiété sociale excessive qui ne s’apaise pas en dépit des contacts établis avec autrui. Plusieurs autres symptômes plus excentriques, identiques à ceux qui caractérisent les phases prodromique et résiduelle de la schizophrénie, accompagnent également le trouble de la personnalité schizotypique.
Les limitations et les restrictions cognitives observées dans la schizophrénie se manifestent aussi dans le trouble de la personnalité schizotypique (McClure, Barch, Flory, Harvey et Siever, 2008). La personne souffrant d’un tel trouble peut aussi entretenir des croyances étranges ou une pensée magique (comme des superstitions ou la conviction qu’elle a le don de clairvoyance et de télépathie) de même que des illusions récur. rentes (elle sent la présence d’une force ou d’une personne qui est en fait absente). Dans ses propos, elle emploie parfois des mots inhabituels ou nébuleux: « Je ne suis pas une personne très parlable». Son comportement et son apparence peuvent aussi être excentriques, comme le fait de soliloquer, par exemple. Elle rumine aussi couramment des idées de référence (la croyance que des événements ont une signification particulière et inhabituelle pour elle), des sentiments suspicieux et un mode de pensée persécutoire. L’affect semble être restreint et terne (affect plat). Widiger et ses collaborateurs (1987) ont constaté que le mode de pensée persécutrice, les idées de référence et les illusions constituaient les symptômes les plus fiables pour établir le diagnostic de ce trouble. Sa prévalence est d’environ 3% et il affecte un peu plus fréquemment les hommes que les femmes (Zimmerman et Coryell, 1989).
La comorbidité avec d’autres troubles de la personnalité complique sérieusement le diagnostic du trouble de la personnalité schizotypique. Morey (1988) a observé que 33% des personnes ayant reçu un diagnostic de personnalité schizoty pique satisfaisaient également aux critères de diagnostic du trouble de la personnalité limite (borderline), tandis que 59% satisfaisaient aussi aux critères du trouble de la personnalite évitante et du trouble de la personnalité paranoïaque. Les données épidémiologiques semblent indiquer que la comorbidité est plus prononcée pour le trouble de la personnalité schi-zotypique que pour tout autre trouble de la personnalité; de plus, le degré de comorbidité avec le trouble de la personnalité limite (borderline) et le trouble de la personnalité narcissique demeure très élevé (Pulay et collab., 2009). Il est certain que ces données en matière de comorbidité sont insatisfaisantes si on veut considérer le trouble de la personnalité schizotypique comme une entité diagnostique distincte.

18
Q

Les troubles de la
personnalité: le groupe dramatique/erratique

A

Les diagnostics concernant le groupe dramatique/erratique, nommé le groupe B - les troubles de la personnalité limite (bor-derline), histrionique, narcissique ou antisociale - s’appliquent à des personnes présentant une vaste gamme de symptômes, tels qu’un comportement variable, une estime de soi surdimen-sionnée, des manifestations émotives exagérées et un comportement antisocial.
Le trouble de la personnalité limite (borderline)
[Elle] est arrivée à l’Institute of Living le 9 mars 1961, à l’âge de 17 ans, et est rapidement devenue la seule occupante de la chambre d’isolement dans la section dénommée Thompson Two, qui regroupe les patients les plus gravement atteints. Le personnel ne voyait aucune solution de rechange: la fille s’automutilait régulièrement, se brûlait le poignet avec des cigarettes, se tailladait les bras, les jambes, l’abdomen avec n’importe quel objet pointu qu’elle trouvait.
La chambre d’isolement, une petite cellule munie d’un lit, d’une chaise et d’une minuscule fenêtre gril-lagée, était dénuée de tout objet de ce genre. Mais son envie irrépressible de mourir n’a fait que s’accentuer.
Elle a alors fait la seule chose sensée à ses yeux à ce moment-là: se frapper la tête sur les murs, puis sur le plancher. Avec force.
“Pendant ces épisodes, j’avais toujours l’impression que quelqu’un d’autre agissait ainsi; je me disais: Je sais ce qui s’en vient, je n’ai plus aucun contrôle sur moi, quelqu’un doit m’aider: es-tu là, Dieu?”, disait-elle. “Je me sentais complètement vide, comme le Bücheron en fer blanc [du Magicien d’Oz); c’était impossible de communiquer ce qui se passait, de le comprendre.” (…)
[(…) Les médecins ont établi un diagnostic de schizo-phrénie, prescrit de la Thorazine, du Librium et d’autres médicaments puissants, ainsi que des séances d’analyse freudienne, et administré des électrochocs, soit 14 électrochocs la première fois et 16 la deuxième, selon son dossier médical, mais en vain. Peu après, la patiente était de retour en isolement dans la section verrouillée.
(Carey, 2011, p. Al. Traduction libre)
La citation ci-dessus offre une autre illustration d’un cas de trouble de la personnalité limite (borderline) (TPL), dénomination adoptée en 1980 en tant que diagnostic officiel du
DSM. Les traits essentiels de ce trouble sont l’impulsivité et l’instabilité des relations avec autrui, de l’humeur et de
l’image de soi (Blais, Hilsenroth et Castlebury, 1997; Links, Heslegrave et van Reekum, 1998). Par exemple, les attitudes et les sentiments envers autrui peuvent varier fortement et inexplicablement sur de courtes périodes de temps. Les états émotifs sont erratiques et peuvent se renverser abruptement, passant notamment de l’idéalisation passionnée à la colère méprisante. Les personnes souffrant d’un TPL sont ergo-teuses, irritables, sarcastiques, susceptibles et très difficiles à côtoyer. Des données longitudinales semblent indiquer également une très grande instabilité des traits de personnalité chez les personnes souffrant d’un TPL et qui ont fait l’obiet d’une évaluation étalée sur une période de six ans (Hopwood et collab., 2009).
L’instabilité des relations avec autrui se reflète dans les réseaux sociaux des personnes atteintes d’un TPL. Un portrait révélateur de leur univers social a émergé d’une étude effectuée par Lazarus et Cheavens (sous presse), qui ont examiné les réseaux sociaux de femmes ayant un TPL et ceux des participants (sans trouble de la personnalité) du groupe témoin. Les femmes avec un TPL avaient un réseau social nettement moins étendu et plus variable et leurs relations intimes étaient moins stables. De plus, leur réseau respectif leur apportait moins de satisfaction et de soutien et il était la source de plus nombreux conflits et critiques à l’égard de leur partenaire. Mais le fait le plus notable, c’est que ces femmes ont indiqué qu’un plus grand nombre de leurs relations avaient connu un changement important ou qu’elles avaient été marquées par une rupture au cours du mois précédent. De toute évidence, les faits ont révélé la présence d’un stress interpersonnel plus aigu chez les femmes aux prises avec un TPL.
Les personnes atteintes d’un TPL adoptent des comporte. ments impulsifs et imprévisibles, comme le jeu, les dépenses de consommation inconsidérées, une activité sexuelle débridée et des épisodes de boulimie, qui risquent de leur être nuisibles.
Une telle impulsivité n’est pas l’apanage des personnalités limites (borderline); des chercheurs de Montréal ont avancé lidée que l’impulsivité est un trait sous-tendant les quatre troublesfaisant partie du groupe dramatique/erratique Looper et Paris, 2000).
Le cas décrit ici ilustre clairement ce qui peut se pro. duire, car il arrive souvent que les personnes souffrant d’un TPL n’aient pas acquis un sens de soi clair et cohérent et soient inconstantes en matière de valeurs, de loyauté ou de choix de carrière. Elles ne supportent pas d’être seules, craignent d’être abandonnées et exigent l’attention d’autrui. Sujettes à des sentiments chroniques de dépression et de vacuité, elles font souvent des tentatives de suicide et recourent à divers types de comportements d’automutilation, comme on l’a vu précédem-ment. L’automutilation était aussi manifeste dans le cas bien connu de Susanna Kaysen, qui a documenté, dans le livre intitulé Girl Interrupted (et dans le film qui en a été tiré), le trouble de la personnalité limite (borderline) qu’elle a vécu. Kaysen se frappait les poignets à répétition et éprouvait des sentiments chroniques de dépression et de vide intérieur.
Des travaux de recherche effectués au Canada et ailleurs révèlent qu’une personne sur dix avec un TPI finit par se suici der (Paris, 2002). Selon Joël Paris, un psychiatre montréalais, contrairement aux tendances habituelles, la plupart des per sonnes qui souffrent d’un TPL et qui se tuent sont des femmes, et la plus grande partie de ces suicides font suite à de multiples autres tentatives en ce sens. Des données de suivi semblent indiquer que les femmes qui se sont suicidées manifestaient une plus forte impulsivité et davantage de comportements vio lents ou agressifs associés aux troubles du groupe B

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Des cliniciens et des chercheurs utilisent l’expression «per. sonnalité limite » depuis un certain temps, mais ils lui ont conféré maintes significations.

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Initialement, l’expression sous-entendait que la personne concernée se situait à la limite entre la névrose et la schizophrénie. Ce n’est toutefois pas cette notion de per. sonnalité limite (borderline) que soutient le DSM. La conceptualisation actuelle découle de deux sources principales. D’abord, Gunderson, Kolb et Austin (1981) ont proposé un ensemble de critères diagnostiques spécifiques assez semblables à ceux qui ont été consignés dans le DSM-III. Ensuite, Spitzer et ses collaborateurs (1979) ont procédé à une étude des membres de la famille de personnes atteintes de schizophrénie, qui a révélé, comme on l’a vu précédemment, que certains de ces membres présentaient un trouble de la personnalité schizotypique. Mais ils ont également observé la présence d’un autre syndrome chez ces membres, dont les caractéristiques ont fini par définir ce qu’est un TPL.
Le TPL survient habituellement au début de l’âge adulte.
Les estimations initiales laissaient entrevoir une prévalence de 1 à 2% (Swartz et collab., 1990), mais une évaluation plus récente effectuée auprès de 35 000 adultes américains a donné une prévalence nettement plus élevée, soit 5,9% (Zanarini et collab., 2011). Les personnes souffrant d’un TPL sont plus sus* ceptibles d’être des femmes (Swartz et collab., 1990), d’éprou ver un trouble de l’humeur (Zanarini et collab., 1998) et leurs parents risquent davantage que la movenne des individus d’être aux prises avec un trouble de l’humeur et d’autres formes de
psychopatholagie (Shachnow et collab, 1997; Tul, 2004). 0n observe aussi une comorbidité avec la toxicomanie, le trouble stress post-traumatique, les troubles alimentaires et les troubles de la personnalite faisant partie du groupe étrange/excentrique
(Skodol, Oldham et Gallaher, 1999; Zanarini et collab., 1998).
On a très longtemps présumé qu’un pronostic de TPL n’était pas favorable, mais après avoir passé en revue les faits établis, Paris (2009b) est arrivé à la conclusion que la plupart des personnes ayant un TPL finissent par se rétablir. Les résultats d’une étude étalée sur 27 ans et réalisée à Montréal ont montré que la plus grande partie des sujets ont vu leur état s’améliorer graduellement, de sorte que seulement 7,8% d’entre eux présentaient les symptômes du TPL à la fin de l’étude (Paris et Zweig-Frank, 2001; Zweig-Frank et Paris, 2002). Par contre, le taux de mortalité de l’ensemble de l’échantillon étudié était sensiblement plus élevé que les moyennes canadiennes, car de nombreuses personnes atteintes d’un TPL sont décédées pré-
maturément. La McLean Study of Adult Development, par Zanarini et ses collaborateurs (2005), est une étude longitudinale qui a débouché sur un pronostic à long terme plus positif, avec des taux de rémission du TPL beaucoup plus élevés (74%) que ce qu’on croyait possible. Une étude subséquente realisée auprès de personnes aux prises avec le TPL pendant plus de 10 ans a de nouveau révélé de forts taux de rémission (85 %) et de faibles taux de rechute (seulement 12%), mais des problèmes aigus et persistants dans la vie sociale (Gunderson, Stout et collab.,
2011). Cette conclusion est partagée par Zanarini et ses collaborateurs (2005). Les chercheurs tournent maintenant leur attention vers des facteurs permettant de prévoir quelles personnes vont se rétablir et lesquelles ne se rétabliront pas. Une impressionnante étude étalée sur 16 ans a montré que trois personnes sur cinq souffrant d’un TPL ont connu au moins une période de rétablissement d’une durée de deux ans. Parmi les facteurs uniques de prévision d’un rétablissement, on note l’absence d’hospitalisation antérieure en établissement psychiatrique, un QI plus élevé, de bons antécédents de travail et une combinaison de certains traits de personnalité (plus forte extraversion, plus grande amabilité et absence d’un trouble de la personnalité associé au groupe anxieux) (Zanarini et collab., 2014).
*Même lorsque le traitement suivi est bénéfique, l’état intérieur général demeure souvent plutôt insatisfaisant (Davidson et collab., 2006). En outre, il semble aussi y avoir une vulnérabilité durable à subir des événements négatifs dans la vie; une étude réalisée auprès de personnes d’âge moyen qui avaient antérieurement reçu un diagnostic de TPL a montré qu’elles ont plus fréquemment vécu des événements négatifs dans la vie, tant selon ce qu’elles ont rapporté elles-mêmes que selon l’évaluation faite par les intervieweurs

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Le trouble de la personnalité histrionique

A

Le cas de Suzanne présenté dans l’Étude de cas 13.2 offre un exemple du trouble de la personnalité histrionique (TPH).
Le diagnostic de personnalité histrionique, autrefois dénommée « personnalité hystérique », s’applique à des personnes qui adoptent une attitude exagérément dramatique et cherchent toujours à attirer l’attention. Elles mettent souvent en valeur leur apparence physique, avec des vêtements, un maquillage ou une couleur de cheveux inhabituels, afin d’attirer l’attention sur elles. Bien qu’elles affichent leurs émotions avec extravagance, on estime que ces personnes sont émotivement superficielles.
Elles sont centrées sur elles-mêmes, se soucient exagérément de leurs capacités de séduction et se sentent mal lorsqu’elles ne sont pas au centre de l’attention. Elles manient parfois la séduction et la provocation sexuelle de façon inappropriée et sont faciles à influencer. Leurs propos sont souvent légers et imprécis.
Par exemple, elles vont émettre une opinion forte, mais sans être capables d’apporter le moindre argument solide pour l’appuyer.
Ce diagnostic a une prévalence de 2 à 3 % et il est plus courant chez les femmes que chez les hommes (Corbitt et Widiger,
1995). La prévalence du TPH est plus forte chez les personnes séparées ou divorcées et on l’associe à des taux élevés de dépression et de mauvaise santé physique (Nestadt et collab.,1990). La comorbidité avec le TPL est prononcée.

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Q

Le trouble de la personnalité narcissique

A

La personne présentant un trouble de la personnalité narcissique (TPN), comme Malcolm dans l’Étude de cas 13.3, entretient une image grandiose de son propre caractère unique et de ses talents. Elle nourrit des fantaisies de grand succès. C’est un euphémisme de dire qu’elle est centrée sur elle-même. Elle recherche presque constamment l’attention et l’admiration excessive d’autrui et croit que seuls les membres d’une élite peuvent la comprendre. Ses relations interpersonnelles sont perturbées par son manque d’empathie, par des sentiments d’envie et d’arrogance et par sa tendance à se servir d’autrui à son propre avantage. Ses relations sont aussi problématiques à cause de son sentiment d’avoir des droits: elle s’attend à ce que les autres lui accordent des faveurs spéciales sans espérer la moindre réciprocité de sa part. Des études empiriques ont confirmé que la plupart de ces traits, à l’exception du manque d’empathie et des réactions extrêmes à la critique, relèvent du
TPN (Ronningstam et Gunderson, 1990). Le TPN a une prévalence inférieure à 1% et s’accompagne le plus souvent du trouble de la personnalité limite (borderline) (Morey, 1988).
Au cours des dernières années, de grands progrès ont été accomplis dans la compréhension de la nature du narcissisme.
Aaron Pincus et ses collaborateurs ont affirmé que, pendant de nombreuses années, la recherche à ce sujet a dépeint une image du narcissisme beaucoup trop favorable, parce qu’elle reposait sur une mesure d’autoévaluation qui ne reflétait pas l’inadaptation des narcissiques pathologiques. Pincus et ses collaborateurs (2009) ont réagi en mettant au point l’Inventaire du narcissisme pathologique (Pathological Narcissism Inven-tory, PNI). Le PNI est une échelle d’autoévaluation qui prend en compte sept composantes du narcissisme pathologique.
Quatre facteurs concernent la grandiosité narcissique (rage de droit, exploitation, fantaisies grandioses et revendication pour soi) et les trois autres sont axés sur la vulnérabilité narcissique (estime de soi contingente, dissimulation du moi et dévalori-sation). Ces facteurs se combinent en deux facteurs d’ordre supérieur qui reflètent la grandiosité et la vulnérabilité et on les observe tant chez les femmes que chez les hommes (Wright,
Lukowitsky, Pincus et Conroy, 2010).
Paulhus et Williams (2002) ont également brossé un portrait moins positif du narcissisme. Leur travail a fait apparaître un ensemble de traits ayant reçu le nom de triade sombre.
Ce terme désigne la combinaison formée par le narcissisme, la psychopathie et le machiavélisme. La personne narcissique présente généralement les autres traits de la triade. Nous décrirons un peu loin la notion de psychopathie et ses liens avec les tendances antisociales. Le machiavélisme est un style de personnalité se caractérisant par une propension importante à se servir d’autrui à son propre avantage lorsque l’occasion se présente, parce que les personnes machiavéliques croient essentiellement que chacun défend toujours ses intérêts uni-quement. À la triade sombre initiale s’est ajoutée récemment la dimension du sadisme, de sorte qu’elle porte désormais le nom de tétrade sombre (Buckels, Jones et Paulhus, 2013). Le sadisme est une tendance à prendre plaisir à la cruauté dans la vie quotidienne. Nous verrons au chapitre 14 que certaines personnes vont jusqu’à pratiquer des formes extrêmes de sadisme sexuel.
Un fait important a émerge de ces travaux de recherche récents: lorsqu’on étudie les dimensions de la personnalité dans une recherche axée sur des variables de personnalité, il arrive souvent qu’on perde de vue une approche centrée sur la personne et qu’on oublie le fait que plusieurs dimensions corrélées reflétant un dysfonctionnement de la personnalité peuvent coexister chez une même personne. Cette conclusion découle d’une analyse récente de la notion de « perfectionnisme sombre», un trait observé chez des personnes qui sont non seulement perfectionnistes, mais aussi narcissiques et machiavéliques.

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Le trouble de la personnalité antisociale et la psychopathie

A

Dans l’usage courant, l’expression « trouble de la personnalité antisociale » et le terme « psychopathie » (parfois remplacé par «sociopathie ») sont souvent employés comme des synonymes, bien qu’il y ait de grandes différences entre leurs significations.
Le comportement antisocial est une importante composante des deux notions.
Les caractéristiques du trouble de la personnalité antisociale
Telle que définie dans le DSM-5, la notion de trouble de la personnalité antisociale (TPA) regroupe deux composantes fondamentales.
1. Un trouble des conduites (voir le chapitre 15) se caractérise par une apparition avant l’âge de 15 ans, et par différents symptômes, notamment l’absenteisme scolaire, la fugue, les mensonges fréquents, le vol, l’incendie criminel et la destruction délibérée de biens. Plus de 60% des enfants ayant un trouble des conduites acquièrent par la suite un TPA (Myers, Stewart et Brown, 1998).
2. Ce type de comportement antisocial se poursuit à l’âge adulte.

Ainsi, le diagnostic s’appuie non seulement sur certains types de comportements antisociaux, mais aussi sur des comportements apparus durant l’enfance. Parmi les autres symptômes furent le refus de se conformer aux normes sociales, la trom-perie, l’impulsivite, lirritabilité et le mépris pour sa propre sécurité et celle d’autrui. L’adulte ayant un TA affiche un comportement irresponsable et antisocial: il ne travaille qu’épiso-diauement, enfreint des lois; il est irritable et agressif; il ne paie pas ses dettes et fait preuve de témérité. Bien que pleinement conscient de ses mensonges et de ses méfaits, il ne se soucie souvent aucunement de la vérité et n’éprouve pas de remords après ses méfaits.
On estime que de 1 à 4% de la population présente un TPA (Werner, Few et Bucholz, 2015); cette variabilité des estimations est un reflet des différentes méthodes utilisées pour en déterminer la prévalence. Une étude communautaire réalisée à Edmonton a déterminé qu’environ 3% des individus satisfaisaient aux critères du TPA énoncés dans le DSM (Swanson, Bland et Newman, 1994). Le taux est nettement plus élevé chez les jeunes adultes que chez les acultes plus âgés et chez les personnes défavorisées sur le Plan socio-économique. Le TPA est associé à une comor-bidité avec divers autres troubles, notamment la depen; dance aux substances. Swanson et ses collaborateurs (1994) Ont constaté que plus de 90% des personnes présentant un TPA avaient reçu au moins un autre diagnostic psychiatrique à vie. La prévalence du TPA est trois fois plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Les femmes souffrant d’un TPA sont plus susceptibles d’avoir des antécédents de negligence affective, d’abus sexuel et de victimisation. De plus, elles ont des comportements antisociaux moins vio lents, bénéficient d’un appui social moindre et ont une qualité de vie plus fortement altérée (Alegria et collab., 2013).
Le TPA est devenu une question d’actualité au Canada depuis la publication, en avril 2013, des résultats de l’enquête menée sur la mort d’Ashley Smith, cette jeune femme qui s’est étranglée elle-même en 2007 dans sa cellule d’un centre de détention psychiatrique ontarien, sans que le personnel n’intervienne jamais. Ce cas revêt de nombreux aspects troublants, mais il sera question ici du témoi-
gnage du D’ Olajide Adelugba. Adelugba était le directeur des services cliniques du Centre psychiatrique régional de Saskatoon en décembre 2006, où l’adolescente avait été hébergée auparavant. Ce centre est le seul établissement psychiatrique au Canada dirigé par le Service correctionnel du Canada et qui accueille des détenues. Adelugba a décrit
Ashley Smith comme un « cas classique » de TPA, car elle présentait tous les symptômes de ce trouble (Perkel, 2013). Ses comportements problématiques comprenaient des antécédents d’entrées non autorisées dans un lieu et de voies de fait répétées, y compris de multiples voies de fait contre le personnel. Mais elle présentait aussi de profonds traits limites reflétant un grand besoin d’attention, ainsi que des comportements d’automutilation.
Les caractéristiques de la psychopathie
Voici un cas de psychopathie qu’a rapporté Robert Hare
(1970), professeur à l’Université de la Colombie-Britannique, considéré comme le plus grand spécialiste mondial de la psychopathie.
Donald S., âgé de 30 ans, vient de purger une peine de trois ans de prison pour fraude, bigamie, escroqueries et évasion de prison. Les circonstances dans lesquelles ces délits ont été commis sont intéressantes et concordent avec son comportement antérieur. À moins d’un mois de la fin de sa peine précédente de 18 mois de prison pour fraude, il a fait semblant d’être malade et s’est évadé de l’hôpital de la prison. Durant les 10 mois de liberté sub-séquents, il s’est lancé dans diverses activités illégales; celle à l’issue de laquelle il a été repris représente bien son modus operandi. Il s’est fait passer pour le « dirigeant régional» d’une fondation philanthropique internationale et est ainsi parvenu à rallier le soutien de plusieurs organisations religieuses lors d’une campagne de finan-cement. La campagne s’est amorcée lentement et, dans le but de stimuler la générosité du public, il a réussi à obtenir une entrevue à une station de télévision locale.
Il a laissé aux téléspectateurs une impression tellement forte que les dons ont commencé à se multiplier.
Toutefois, malheureusement pour Donald, l’entrevue a aussi été diffusée par un réseau d’information national.
Il a alors été reconnu et rapidement arrêté. Au cours du procès qui a suivi, il est devenu clair que, à ses yeux, ses activités n’avaient absolument rien de répréhensible. Il affirmait, par exemple, que son appel passionné pour des dons «a activé la pompe», c’est-à-dire qu’il a incité des personnes à faire des dons à d’autres organisations de bienfaisance et pas seulement à celle qu’il prétendait représenter. En même temps, il a indiqué que la plupart des dons de charité proviennent d’individus qui éprouvent un sentiment de culpabilité quelconque et qui méritent donc d’être floués. Sa capacité de rationalisa tion de son comportement et son absence d’autocritique étaient également visibles dans ses tentatives d’obtenir des fonds de la part des personnes mêmes qu’il avait trompées. Il faut peut-être voir un hommage à sa capacité de persuasion dans le fait qu’un certain nombre de personnes se sont portées à sa défense. Pendant ses trois années de détention, Donald s’est longuement efforcé de repérer des failles juridiques et a adressé de nombreuses lettres aux autorités, y compris à des avocats locaux, au premier ministre du Canada et à un représentant canadien à l’ONU. Chaque fois, il les dénonçait parce qu’ils représentaient l’autorité et l’injustice à l’origine de sa situation fâcheuse. En même temps, il leur demandait d’intervenir en sa faveur et au nom de la justice qu’ils prétendaient représenter.
Pendant sa détention, il a participé comme sujet à une partie des travaux de recherche de l’auteur du pré sent ouvrage. Après sa sortie de prison, il a présenté une demande d’admission à l’université et, à titre de référence, il a dit au registraire qu’il avait été l’un des collègues de recherche de l’auteur! Quelques mois plus tard, il a envoyé à ce dernier une missive dans laquelle il lui demandait une lettre de recommandation pour l’aider à postuler un emploi.
(Hare, 1970, p. 1-2, Psychopathy: Theory and Research,
par Robert Hare, © 1970. Traduction libre)
L’histoire de Donald illustre la tendance profonde du véritable psychopathe à mentir compulsivement et à agir sans le moindre souci ou égard pour les conventions sociales ou le bien-être d’autrui. C’est pourquoi ses problèmes judiciaires sont assez fréquents.
La notion de psychopathie est étroitement liée aux écrits d’Hervey Cleckley et notamment à son ouvrage classique intitule The Mask of Sanity (1976). A partir de son expérience cli.
nique, Cleckley a défini un ensemble de critères permettant de reconnaitre la présence de ce trouble. Contrairement aux cri. tères du DSM relatifs au trouble de la personnalité antisociale, les critères de la psychopathie établis par Cleckley renvoient moins au comportement antisocial lui-même qu’aux pensées et aux sentiments de la personne psychopathe. Un des traits essentiels de la psychopathie est la pauvreté des émotions; tant que Postives que négatives. Un psychopathe n’éprouve aucun sentiment de honte, et même ses sentiments apparemment positifs pour autrui ne sont que comédie. Il est charmant ensurface, manipule les autres pour son propre bénéfice et les exploite en employant au besoin des moyens violents et agressifs (Porter et Woodworth, 2006). L’absence d’anxieté chez un psychopathe peut l’empêcher de tirer des leçons de ses erreurs et l’absence d’émotions positives l’amène à adopter un comportement irresponsable et souvent cruel envers autrui. La description de Cleckley comporte un autre élément clé: le comportement antisocial du psychopathe est impulsif, que ce soit en vue d’un gain financier ou pour le simple plaisir de la chose.
La plupart des chercheurs diagnostiquent la psychopathie à l’aide de la liste de critères bien connue, l’Échelle de psycho-
pathie révisée (Psychopathy Checklist-Revised, PCL-R), mise au point par Robert Hare (1991).

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Les controverses entourant le diagnostic du trouble de la personnalité antisociale et de la psychopathie

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Les deux diagnostics - TPA et psychopathie - sont liés, mais cer tainement pas identiques (Werner et collab., 2015). Une étudea revelé queseulement20 % des personnes avec un TPAobtenaient
un resultat élevé à la PCL-R de Hare (Rutherford, Cacciola et Alterman, 1999). Harpur and Hare (1994) a observé que presque tous les psychopathes reçoivent un diagnostic de TPA, mais beaucoup de personnes avec un tel diagnostic ne satisfont pas aux criteres de psychopathie selon la PCL-R. La question de savoir quel diagnostic il est préférable de poser a soulevé la controverse.

Hare, Hart et Harpur (1991) ont critiqué le diagnostic de TPA tel qu’il est défini dans le DSM, parce qu’il doit reposer sur l’établissement de rapports précis d’événements survenus de nombreuses années auparavant par des personnes qui mentent constamment (le critère « apparition durant l’enfance»). Bon nombre de chercheurs estiment qu’un diagnostic du DSM ne doit pas être synonyme de criminalité. Néanmoins, de 75 à 80% des criminels condamnés satisfont aux critères du TPA, alors que 15 à 25 % seulement satisfont aux critères de la psychopathie (Hart et Hare, 1989). De plus, l’absence de remords, un trait marquant de la psychopathie, n’est que l’un des sept critères de diagnostic de personnalité antisociale selon le DSM, et il suffit que trois de ces critères soient présents pour qu’on puisse formuler ce diagnostic. Par conséquent, il est tout à fait possible que la personne qui a reçu un diagnostic de TPA selon le DSM ne se caractérise pas par l’absence de remords, alors que ce trait est au cœur de la psychopathie.

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Q

Des travaux de recherche approfondis ont révélé des facteurs et des processus qui permettent de distinguer le TPA de la psychopathie.

A

Par exemple, on a observé de nettes différences en matière de réactivité défensive (évaluée à partir de réactions de sursaut), ce qui semble indiquer que la psychopathie se distingue par une faible disposition à la peur (Vaidyanathan, Hall, Patrick et Bernat, 2011). Nous décrivons ci-après ce déficit propre à la psychopathie. D’autres travaux ont montré que des facteurs servant presumément à distinguer le TPA de la psychopathie étaient en fait inopérants. Ainsi, Cleckley (1976) a avancé ridée qu’un psychopathe est relativement peu susceptible de commettre des actes suicidaires, tandis qu’un grand nombre de faits avérés laissent croire qu’une personne souffrant d’un TPA peut avoir des penchants suicidaires. Cependant, une étude menée auprès de détenus masculins a établi une association entre le TPA et des traits de psychopathie et des antécédents de tentatives de suicide (Verona, Patrick et Joiner, 2001). De même, on croyait auparavant qu’il y avait un lien entre le TPA et des déficits de contrôle cognitif, mais des personnes psychopathes présentaient pourtant un fort contrôle cognitif. Encore une fois, des données récentes indiquent néanmoins que le TPA et la psychopathie sont tous deux associés à des déficits de contrôle cognitif (Zeier, Baskin-Sommers, Racer et Newman,
2012). Ainsi, certains facteurs sont communs aux deux troubles, mais il est clair que d’autres facteurs permettent de distinguer le TPA de la psychopathie.
Hare (1996) a décrit les différences entre le TPA et la psychopathie alors qu’il analysait des cas de personnes qui avaient tué des policiers. Il a affirmé qu’un rapport du FBI datant de 1992 signalait à tort la présence d’un TPA chez ces meurtriers, alors que, en fait, il s’agissait manifestement de psychopathes. Hare a ajouté que « ces meurtriers n’étaient pas Simplement des individus dont le comportement constamment antisocial correspondait aux critères du TPA selon le DSM-IV; c’étaient des psychopathes, c’est-à-dire des prédateurs sans remords qui recourent au charme, à l’intimidation et, au besoin, à la violence impulsive et sans pitié pour parvenir à leurs fins » (Hare, 1996, p. 39. Traduction libre). Mal-heureusement, ces dernières années, le Canada a eu sa part sindividus ignobles de cette sorte, dont Clifford Olson, Paul Pernardo et Karla Homolka, qui ont tué des enfants ou de jeunes femmes.
En ce qui concerne la recherche dans ce domaine, il faut garder à l’esprit le fait qu’elle a porté sur des individus qui ont recu différents diagnostics - certains avaient une personnalité antisociale, d’autres étaient psychopathes - ce qui rend quelque peu difficile l’intégration de tous ces résultats.

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La théorie et la recherche sur l’étiologie du trouble de la personnalité antisociale et de la psychopathie

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Nous abordons maintenant la question de la théorie et de la recherche sur l’étiologie du trouble de la personnalité antisociale et de la psychopathie. Nous examinerons d’abord la ques-ton des facteurs génétiques et des facteurs psychologiques actis dans la famille sur le plan des émotions. Après quoi, nous nous pencherons sur la modulation de réponse et impulsivites quinous permetira diexpliciter les liens unissant plusieurs des domaines de etra r ex concernes. Il est à noter, cependane, .le la plupart des travaux de recherche ont porté sur des
Inclvidus psycho pathras aura condamnés pour leurs actes cri hinels. Par conséquent, la littérature existante ne permet pas de procéder à une généralisation englobant le comportement de psychopathes qui n’ont jamais été arrêtés ou qui ne commettent pas d’acte criminel.

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Les origines infantiles de la psychopathie

A

On estime que les racines de la psychopathie, comme celles du trouble de la personnalité antisociale, remontent à l’enfance et à l’adolescence, mais la psychopathie est moins suscep. tible de se refléter dans des comportements antisociaux manifestes (Hare et Neumann, 2009). Les travaux de recherche étendus qui examinent cette hypothèse ont été facilités par la recherche menée au sujet de la PCL-R, dont l’utilisation pour des adolescents s’est avérée fructueuse. Une étude réalisée auprès de psychopathes québécois âgés de 14 à 18 ans s’est appuyée sur la PCL-R pour distinguer les psychopathes des non-psychopathes et elle a confirmé le lien entre des résultats de PCL-R élevés et l’absence d’inhibition comportementale (Roussy et Toupin, 2000). Une autre version, la Hare Psycho-pathy Checklist - Youth Version (Échelle de psychopathie révisée - version adolescente) ou PCL-YV, mise au point pour les jeunes âgés de 12 à 18 ans et les enfants, se fonde sur des évaluations faites par des sources d’information à des fins diagnostiques (Forth, 2005; Forth, Kosson et Hare, 2003).
Lynam (1997) s’en est servi pour montrer que les enfants psychopathes sont semblables aux adultes psychopathes: impulsifs et fortement délinquants. D’autres travaux de recherche étalés sur une période de six mois montrent que les degrés de psychopathie se caractérisent par une stabilité moyenne à prononcée et que ce sont les facteurs interpersonnels et comportementaux qui présentent la plus grande stabilité (Lee, Klaver, Hart, Moretti et Douglas,

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Alors que la fiabilité et la validité de la PCL-YV semblent adéquates, Hare et Neumann (2009) ont souligné que son utilisation dans le système de justice pénale suscite diverses préoccupations, dans la mesure où elle favorise une tendance à étiqueter un enfant ou un adolescent comme un «psychopathe ».
Les faits avérés s’accumulent en ce qui a trait à la nature de la psychopathie chez les enfants et les jeunes. L’ensemble des travaux de recherche effectués a révélé ce qui suit:

A
  • Les traits de la personnalité psychopathe chez l’adolescent qui relèvent de facteurs génétiques constituent de solides éléments laissant présager un comportement antisocial à l’âge adulte (Forsman et collab., 2010).
  • Comparativement aux hommes fortement psychopathes, les jeunes délinquantes sont plus susceptibles d’avoir des antécédents d’hospitalisation en établissement psychia trique lorsqu’elles sont fortement psychopathes
  • La réactivité du cortex préfrontal chez les enfants ayant des traits psychopathes est anormale
  • Des tests relatifs au volume régional de matière grise effectués auprès d’adolescents masculins incarcérés ont révélé un lien entre la psychopathie et une baisse du volume de matière grise dans des régions paralimbiques diffuses. Les chercheurs en ont conclu que la psychopathie chez les jeunes devrait être considérée comme un trouble du neurodéveloppement (Ermer et collab., 2013).
  • Les jeunes Canadiens présentant un fort degré préexistant de psychopathie sont plus susceptibles de se joindre à des gangs de jeunes s’ils ont été élevés dans un milieu marqué par l’instabilité résidentielle, c’est-à-dire dans un quartier où les déménagements sont fréquents
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Le rôle de la famille

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Puisque les comportements psychopathes sont généralement contraires aux normes sociales, de nombreux chercheurs ont mis l’accent sur le principal agent de socialisation, soit la famille, dans leurs efforts visant à expliquer de tels comportements. McCord et McCord (1964) ont conclu, après leur examen de la littérature sur le sujet, que le manque d’affection et un vif rejet parental constituaient les causes fondamentales des comportements psychopathes.
D’autres études ont établi des liens entre de tels comportements et des sévices de la part des parents, des incohérences dans les punitions imposées à leurs enfants et le fait de ne pas leur inculquer le sens des responsabilités envers autrui (Hunsley, Greenberg et Schlinder, 1999). En outre, le père d’un psychopathe a généralement un comportement antisocial.
Les données d’autoévaluation relatives à l’éducation des jeunes enfants doivent être interprétées avec prudence, car elles sont rassemblées au moyen de rapports rétrospectifs, c’est-à-dire des réminiscences individuelles d’événements passés. L’information ainsi obtenue ne peut être acceptée telle quelle. Lorsqu’on demande à des individus de se remémorer des événements lointains dans la vie d’une personne maintenant psychopathe, le fait qu’ils connaissent l’état de cette personne à l’âge adulte peut très bien influer sur leurs souvenirs ou sur leur description de ces événements lointains.
Ils peuvent être plus susceptibles de se rappeler certains incidents de déviance et d’oublier des événements plus normaux.

Il est également risqué de se fier aux rapports rétrospectifs de psychopathes, car la propension à mentir est un des principaux traits de ce trouble.
Si on veut choisir le candidat le plus susceptible de recevoir un diagnostic ultérieur de psychopathie parmi des enfants fréquentant une clinique de consultation, le meilleur choix se porterait sur un garçon qui a déjà commis un vol ou une agression et qui a manifesté divers comportements antisociaux en maintes occasions, dont au moins un pourrait l’amener à comparaître devant un tribunal de la jeunesse et dont la plupart ont eu lieu dans le cadre de ses rapports avec des étrangers et des organisations ainsi qu’avec ses enseignants et ses parents.
[…] Plus de la moitié des garçons venus à la clinique et présentant ces caractéristiques ont reçu ultérieurement un diagnostic de personnalité antisociale. Ces garçons avaient des antécédents d’absentéisme scolaire, de vol, de retour tardif à la maison et de refus d’obéir à leurs parents. Ils mentaient sans le moindre motif et ne montraient aucun sentiment de culpabilité à propos de leur comportement. Ils étaient généralement irresponsables lorsqu’il s’agissait pour eux d’être là où ils devaient être ou de bien gérer une somme d’argent.

En plus de ces caractéristiques, plusieurs aspects de la vie familiale se sont révélés être lourds de conséquences. Autant une discipline incohérente que l’absence totale de discipline, à l’égal du comportement antisocial du père, laissaient présager un comportement psychopathe à l’âge adulte.

Deux importantes remarques s’imposent toutefois à propos de cette recherche: d’abord, les pratiques disciplinaires sévères ou incohérentes des parents pourraient résulter de réactions déclenchées par les efforts qu’ils ont déployés pour élever un enfant présentant un comportement antisocial; ensuite, nombreux sont les individus issus d’un milieu social perturbé qui ne deviennent pas psychopathes. Ce dernier fait a toute son importance. Un adulte peut très bien n’éprouver aucun problème quelconque en dépit d’une enfance difficile. Ainsi, bien que l’expérience familiale vécue représente probablement un facteur significatif dans l’apparition du comportement psycho-pathe, ce n’est pas le seul. Il doit aussi y avoir une diathèse.

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Les corrélats génétiques du trouble de la personnalité antisociale

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Des travaux de recherche laissent penser que la criminalité et le trouble de la personnalité antisociale comportent des composantes héritables. Des études portant sur des jumeaux et sur des enfants adoptés, y compris sur des jumeaux éleves séparément, indiquent que des facteurs génétiques jouent un rôle important dans la probabilité qu’une personne commette un acte criminel (Gottesman et Goldsmith, 1994; Grove et collab., 1990). Dans le cas du TPA, des études effectuées sur des jumeaux révèlent une concordance plus forte chez les vrais jumeaux que chez les faux jumeaux (Lyons et collab., 1995).
De plus, des études portant sur des enfants adoptés montrent une prévalence supérieure à la normale des comportements antisociaux chez les enfants adoptés de parents biologiques souffrant d’un TPA et qui sont toxicomanes (Cadoret et collab., 1995b; Ge et collab., 1996).
Les études à propos du TPA effectuées sur des jumeaux et sur des enfants adoptés ont établi que le milieu joue un rôle significatif dans l’apparition du trouble. Dans le cas de l’étude de Cadoret et de ses collaborateurs (1995) évoquée précé-demment, on a établi une association entre un environnement défavorable dans le foyer adoptif (p. ex., des problèmes conjugaux ou une toxicomanie) et l’apparition du trouble de la personnalité antisociale, que les parents adoptifs aient été atteints ou non de ce trouble. En outre, un degré élevé de conflit et de négativité et un degré peu élevé d’affection parentale laissaient présager un comportement antisocial, selon une étude sur des jumeaux qu’ont effectuée Reiss et ses collaborateurs (1995).
Des travaux plus récents sur le rôle des facteurs génétiques dans le TPA ont indiqué que le TPA et le TPL ont des facteurs génétiques communs et que des facteurs environnementaux non partagés se chevauchent considérablement dans le cas de ces deux troubles, notamment en ce qui concerne les tendances antisociales d’extériorisation. Toutefois, le TPL se distingue du TPA par le rôle des facteurs génétiques dans la présentation de tendances affectives-interpersonnelles

Des travaux de recherche sur l’adoption ont également révélé que certains traits des familles adoptives liés au comportement antisocial de leurs enfants semblent provenir des réactions déclenchées par la présence d’un enfant « difficile »
(Ge et collab., 1996). Autrement dit, le comportement antisocial d’origine partiellement génétique de l’enfant entraîne des modifications de son milieu familial qui se traduisent par l’instauration d’une discipline sévère, qui, à son tour, exacerbe les tendances antisociales de l’enfant.
Une méta-analyse de 51 études portant sur des jumeaux et sur des enfants adoptés réalisée par Rhee et Waldman (2002) font ressortir des conclusions claires quant à la contribution relative de divers facteurs. La variation du comportement antisocial y a été attribuée à des influences génétiques additives (32%), à des influences génétiques non additives (9%), à des influences du milieu non partagées (43 %) et à des influences du milieu partagées (16%). On voit ainsi que tant des facteurs génétiques que des facteurs du milieu jouent un rôle déterminant.
Comme on l’a vu au chapitre 2, des travaux de Caspi et ses collaborateurs (2002) ont montré dans quelle mesure l’exposition à de mauvais traitements se combine à une vulnérabilité génétique pour accroître la probabilité d’un comportement antisocial. La méta-analyse plus récente de Byrd et Manuck (2014) a confirmé que des conditions adverses précoces interagissent avec le génotype MAOA (monoamine oxydase A) pour élever la probabilité de comportements et de phénomènes antisociaux chez les hommes; cepen dant, cette interaction n’a pas été établie aussi clairement chez les femmes, mais les mauvais traitements eux-mêmes ont quelque peu contribué à l’apparition de tendances antisociales.
Les émotions et la psychopathie Dans sa définition du syndrome psychopathe, Cleckley a souligné l’incapacité des psychopathes à tirer parti de l’expérience vécue ou même d’une punition; ils semblent complètement incapables d’éviter les conséquences négatives d’un comportement antisocial.
Beaucoup enfreignent les lois à répétition malgré leurs séjours en prison. Ils semblent ne pas ressentir l’anxiété ou éprouver les remords de conscience qui empêchent la plupart des citoyens d’enfreindre les lois, de mentir ou de s’en prendre à autrui, tout comme ils ont de la difficulté à réfréner leurs im-pulsions. Selon la théorie de l’apprentissage, le psychopathe ne s’est pas socialisé sainement parce qu’il est insensible aux punitions qu’entraîne son comportement antisocial. Par conséquent, il n’éprouve pas de réponses de peur conditionnées lorsqu’il se trouve dans une situation où cette réponse inhibe habituellement un tel comportement.
Dans une étude classique fondée sur les observations cliniques de Cleckley, Lykken (1957) a voulu vérifier la théorie voulant que le psychopathe ait peu d’inhibitions qui l’empêchent de commettre des actes antisociaux parce qu’il ressent très peu d’anxiété. Lykken a effectué plusieurs tests visant à déterminer si des psychopathes éprouvent réellement une très faible anxiété. Un des tests les plus importants a porté sur l’apprentissage par évitement, qui serait favorisé par l’anxiété. Pour ce faire, Lykken a étudié la capacité de psychopathes et des membres d’un groupe témoin à éviter une décharge électrique. Il a constaté que les psychopathes cherchaient moins que le groupe témoin à éviter les décharges électriques, ce qui semble confirmer que les psychopathes ressentent peu l’anxiété.

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Des études portant sur le système nerveux autonome indiquent également que les psychopathes manifestent des réactions moins anxieuses à des stimuli de peur.

A

On a constaté que chez les psychopathes, le degré de conduction cutanée au repos est inférieur à la normale et que cette conduction est moins prononcée lorsqu’ils sont confrontés à des stimuli intenses ou aversifs ou encore quand ils anticipent un stimulus aversif (Harpur et Hare, 1990). Par contre, la situation qui émerge de l’examen du rythme cardiaque est quelque peu différente. Le rythme cardiaque des psychopathes est nor. mal au repos et le demeure en présence de stimuli neutres, mais, dans des situations où ils anticipent un stimulus stres-sant, il est plus rapide que celui de personnes normales qui anticipent un stress.

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De telles réactions physiologiques indiquent qu’on ne peut pas considérer un psychopathe simplement comme une personne sous-stimulée

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De telles réactions physiologiques indiquent qu’on ne peut pas considérer un psychopathe simplement comme une personne sous-stimulée, car son rythme cardiaque s’élève en anticipation d’un agent de stress. Hare (1978) a mis l’accent sur le mode des réactions psychophysiologiques des psychopathes en appuyant partiellement sa théorie sur les travaux de Lacey (1967). En fait, l’élévation du rythme cardiaque indiquerait qu’une personne atténue un apport sensoriel ou qu’elle ne s’en préoccupe pas. Par conséquent, l’accélération du rythme cardiaque d’un psychopathe qui anticipe un stimulus aversif signifie qu’il ne se préoccupe pas de ce stimulus. La conduction cutanée à l’égard d’un stimulus aversif est moins forte parce que le psychopathe parvient à ignorer ce stimulus. De fait, des données expérimentales récentes ont confirmé qu’un mécanisme attentionnel semble bien rendre compte de l’atténuation de la réponse de peur, c’est-à-dire que l’absence apparente de peur reflète une attention réduite aux stimuli à caractère menaçant
(Dvorak-Bertscha, Curtin, Rubinstein et Newman, 2009).
En général, s’il existe une association positive entre des tendances agressives et la réactivité électrodermale, le psychopathe présente de faibles activités et réactivités électrodermales. Cette distinction a été établie dans le cadre de nombreuses études (Lorber, 2004).
Les travaux de recherche évoqués jusqu’à maintenant s’appuyaient sur l’hypothèse selon laquelle une punition ne suscite pas d’émotions fortes chez un psychopathe et n’inhibe donc pas le comportement antisocial. Mais certains chercheurs ne croient pas que la punition représente l’agent de socialisation crucial. Ils estiment plutôt que l’empathie - le fait d’être au diapason des réactions émotives d’autrui - est un facteur plus important. Par exemple, le fait d’éprouver de l’empathie devant la détresse d’une personne à laquelle est infligé un traitement sans pitié est susceptible d’inhiber un tel compor-tement. On pourrait donc penser que certains traits de la psychopathie pourraient découler d’une absence d’empathie.
Pour vérifier cette hypothèse, on a mesuré la conduction cutanée d’hommes psychopathes et d’hommes non psychopathes pendant qu’ils regardaient des diapositives au contenu varié. On s’est servi de trois types de diapositives à cette fin selon qu’elles avaient un caractère menaçant (p. ex., une arme à feu, un requin), un caractère neutre (p. ex., un livre) ou un caractère de détresse (p. ex., une personne en larmes). Les deux groupes n’ont montré aucune différence quant aux réactions à l’égard des deux premiers types de diapositives, mais on a constaté que les psychopathes réagissaient moins fortement que les autres aux diapositives montrant des situations de détresse (Blair et collab., 1997). Ainsi, les psychopathes ont effectivement semblé manifester moins d’empathie suscitée par la détresse d’autrui (voir la figure 13.2).

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La modulation de réponse, l’impulsivité et la psychopathie

A

La recherche ne cesse de relever l’impulsivité du psychopathe et ses origines physiologiques. Une étude réalisée en Colombie-Britannique s’est servie du PCL-R pour identifier des criminels psychopathes. Des tests subséquents effectués au moyen de l’imagerie par résonance magné. tique fonctionnelle (IRMF) ont montré que, comparativement à des criminels non psychopathes et à des membres du groupe témoin, les criminels psychopathes se caracterisaient par une moindre activité liée à l’affect dans la formation amygdale/hip pocampe. Ces observations semblent indiquer que l’hypoémo-tivité des psychopathes reflète des déficiences du système
limbique (Kiehl et collab., 2001).
D’autres chercheurs ont aussi passé en revue 17 études fai sant appel à la neuro-imagerie concernant des personnes qui présentaient des antécédents d’actes violents impulsifs (Bufkin et Luttrell, 2005). On a pu déduire de ces études que les actes impulsifs antisociaux sont associés à une réduction de l’activité préfrontale et à une augmentation de l’activité sous-corticale dans le cerveau. Ce dysfonctionnement proviendrait de l’amys dale, une structure sous-corticale spécifique qui joue un rôle dans la régulation des émotions, et les faits avérés sont de plus en plus nombreux à étayer le rôle d’une défaillance amys dalaire dans la psychopathie.

Quant à l’impulsivité, elle s’affiche lorsqu’un psychopathe exécute des tâches conçues pour vérifier sa capacité à modi fier ses réactions au succès ou à l’échec (Patterson et Newman,
1993). Dans une étude, on avait demandé aux participants de jouer aux cartes à l’ordinateur (Newman, Patterson et Kosson,
1987). Il est apparu que les psychopathes continuaient à jouer beaucoup plus longtemps que les non-psychopathes et qu’ils semblaient ne pas tenir compte des nombreux signaux indiquant qu’ils ne recevraient probablement pas de récompense et qu’ils feraient mieux d’arrêter de jouer. Une telle insensibilité à l’information contextuelle semble être un trait général de la psy-chopathie; on l’observe même dans des situations qui ne comportent aucune menace de punition (Newman, Schmitt et Voss,
1997). Cette insensibilité au contexte pourrait bien être liée à l’insensibilité que les psychopathes manifestent à l’égard d’autrui.

Ainsi, le psychopathe ne réagit pas comme le font la plupart des individus. Plus particulièrement, il éprouve peu d’anxiété. de sorte que celle-ci n’a aucun effet dissuasif sur son comportement antisocial. Cependant, le traitement cruel qu’il inflige à sa victime peut également découler de son manque d’empathie.
Puisque le psychopathe fait preuve d’une déficience d’utilisation de l’information contextuelle et de planification, il se comporte avec impulsivité. Ce sont là des raisons qui pourraient expliquer le comportement inapproprié et exempt de regret du psychopathe.

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Le trouble de la personnalité évitante

A

Le diagnostic de trouble de la personnalité évitante (TPE) s’applique aux personnes telles que Jared, dont il est question dans l’Etude de cas 13.4, qui sont fortement sensibles à la possibilité de faire l’objet d’une critique, d’un rejet ou d’une désapprobation et qui sont réticentes à établir des liens avec autrui, à moins d’être certaines qu’elles vont être aimées. Elles évitent d’occuper un emploi qui nécessiterait beaucoup de contacts interpersonnels. Elles se font discrètes dans des situations sociales en raison de leur crainte extrême de dire des stupidités ou d’être gênées après avoir rougi ou montré d’autres signes d’anxiété. Elles se croient incompétentes et inférieures à autrui et sont réticentes à courir des risques ou à essayer de nouvelles activités. Il est largement reconnu que parmi les troubles de la personnalité, le TPE est celui qui cause la plus grande altération de la qualité de vie et qui a la plus forte pré-valence, car on le diagnostique chez près de 2% de la popu-
lation, dans son ensemble (Weinbrecht, Schulze, Boettcher et Renneberg, 2016). Par ailleurs, Weinbrecht et ses collaborateurs (2016) estiment que le diagnostic du TPE est négligé en recherche clinique, car le TPE a fait l’objet d’un moins grand nombre de travaux de recherche, comparativement aux autres troubles de la personnalité (p. ex., le trouble de la personnalité limite [borderline]) et aux des états connexes (p. ex., le trouble d’anxiété sociale).
De nombreux spécialistes soulignent que les personnes avec un TPE ont tendance à éviter les situations sociales, mais cette conclusion a été reformulée par Taylor, Laposa et Alden (2004), qui ont constaté que ces personnes adoptent aussi d’autres formes d’évitement et présentent une tendance générale à l’évitement. Quoi qu’il en soit, le TPE et les phobies sociales généralisées présentent une comorbidité impor-tante: des chercheurs canadiens ont récemment montré que 40% des personnes souffrant d’un TPE sont également aux prises avec une phobie sociale généralisée (Cox, Pagura, Stein et Sareen, 2009) et que la présence d’un TPE laisse présager une plus grande persistance des phobies sociales, compte tenu des ajustements apportés à la lumière des facteurs socio-démographiques (Cox et collab., 2011). Il s’agit peut-être là d’une conséquence du fait que la qualité de vie des personnes atteintes des deux troubles était nettement inférieure à celle des autres.

Le TPE et le trouble de la personnalité dépendante pre-sentent une comorbidité élevée (Alden, et collab., 2002).
Nous décrirons le trouble de la personnalité dépendante dans la prochaine section. Selon Alden et ses collaborateurs
(2002), le fait que la personne évitante éprouve beaucoup de difficulté à approcher autrui et à amorcer des relations sociales constitue le seul symptôme qui distingue clairement le TPE et le trouble de la personnalité dépendante. En outre, le TPE présente une comorbidité avec la dépression et la phobie sociale généralisée (Alpert et collab., 1997). La comorbidité avec la phobie sociale généralisée est sans doute attribuable à la similarité des critères de diagnostic de ces deux troubles; le TPE est peut-être une variation plus grave de la phobie sociale
généralisée (Hofmann, Newman, Ehlerr et Roth, 1995).
Tant le TPE que la phobie sociale généralisée se manifestent dans un syndrome dénommé taiinkyoufu qu’on peut observer au Japon (taijin signifie « interpersonnel » et kyoufu signifie « crainte »). À l’instar des personnes souffrant d’un TPE ou d’une phobie sociale généralisée, celles qui sont atteintes d’un taijinkyoufu sont exagérément sensibles et évitent les contacts interpersonnels. Mais ce qu’elles craignent diffère quelque peu des peurs habituelles de celles qui reçoivent l’un des diagnostics définis dans le DSM. En effet, ces personnes ont tendance à avoir honte de leur apparence aux yeux d’autrui et craignent, par exemple, d’être laides ou de dégager des odeurs corporelles

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Le trouble de la personnalité dépendante

A

Le trait fondamental du trouble de la personnalité dépendante (TPD) est le manque de confiance en soi et l’absence d’un sentiment d’autonomie. La personne souffrant d’un TPD se percoit elle-même comme faible et considère les autres personnes comme fortes. Elle éprouve également l’intense besoin qu’on s’occupe d’elle, si bien qu’elle est mal à l’aise lorsqu’elle se retrouve seule. Elle est parfois en proie à la crainte d’être laissée à elle-même et de devoir ainsi prendre soin d’elle. Elle fait passer ses propres besoins au second plan pour être certaine de ne pas briser une relation de protection. À la fin d’une relation intime, elle s’emploie rapidement à en établir une autre pour remplacer la précédente.
Les critères de diagnostic actuels du TPD comprennent certains traits qui ne sont pas bien étayés par les travaux de recherche en la matière. Ils dépeignent la personne avec un TPD comme très passive: elle a de la difficulté à amorcer des projets ou à pratiquer des activités de sa propre initia-tive; elle est egalement incapable d’exprimer son désac cord avec d’autres personnes ou elle laisse à autrui le soin de prendre les décisions. La personne dépendante fait tout ce qui est nécessaire pour préserver une relation intime, y compris adopter une attitude très déférente et passive, mais aussi parfois agir activement pour préserver une relation.

Chen, Nettles et Chen (2009) ont tenu toutefois à nuancer certains propos concernant TPD. Pour eux, le TPD pourrait relever de la catégorie diagnostique la plus étroitement liée à la culture et s’enracinerait dans l’individualisme propre à l’Amérique du Nord. Un trop grand besoin d’entretenir des liens avec autrui peut représenter une inadaptation en Amérique du Nord, mais l’établissement de tels liens est sain et valorisé dans des cultures collectivistes qu’on retrouve en Extrême-Orient.

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Le trouble de la personnalité obsessionnelle-compulsive

A

Une personne qui souffre du trouble de la personnalité obses sionnelle-compulsive (TPOC) se caractérise par son perfectionnisme et par sa préoccupation pour les détails, les règles, les horaires, etc. La personne souffrant de ce trouble accorde tellement d’attention aux détails qu’elle éprouve des difficultés à terminer les projets entrepris. Elle donne la priorité au travail plutôt qu’au plaisir et a enormement de difficulté à prendre une décision (par crainte de se tromper) et à planifier son emploi du temps (par crainte de se concentrer sur la mauvaise question). Ses relations interpersonnelles sont souvent mauvaises parce qu’elle est têtue et exige que tout soit fait comme elle l’entend. Elle est généralement sérieuse, rigide, guindée et inflexible, notamment à propos des questions morales. Elle est incapable de se débarasser d’objets usés et inutiles, même ceux qui n’ont aucune valeur sentimentale à ses yeux. Une attention dysfonctionnelle envers le travail et la productivité s’observe plus souvent chez les hommes que chez les femmes atteintes ce trouble.
Le TPOC est assez différent du trouble obsessionnel-compulsif (TOC), car il ne comporte pas les obsessions et les compulsions qui définissent ce dernier. Bien que la présence des mots «obsessionnel-compulsif» dans le nom des deux troubles laisse croire que ceux-ci sont liés, ces liens ne sont pas vraiment très prononcés. Si le TPOC s’observe plus fréquemment chez les personnes ayant un TOC que chez celles atteintes d’un trouble panique ou d’une dépression, il est présent dans moins de 20% des cas de TOC. Le TOC et le TPOC sont manifestement distincts l’un de l’autre (Mancebo, Eisen, Grant et Rasmussen, 2005). La prévalence du trouble de la personnalité obsessive-compulsive est de 1 à 2% et ce trouble s’accompagne souvent d’anorexie ou de dépression (Fineberg et collab., 2015).
Les données disponibles brossent un portrait incohérent du TPOC: la fiabilité test-retest en matière de stabilité est faible et près de la moitié des personnes ayant un TPOC ne satisfont plus aux critères de diagnostic un an plus tard. Dans leur description de cette situation, Diedrich et Voderholzer
(2015) ont aussi présenté des faits probants évoquant une stabilité significative et ils ont attribué cette ambiguïté au fait que certains symptômes du TOC sont assez stables (comme la rigidité et le perfectionnisme), tandis que d’autres ressemblent moins à des traits (comme les comportements moraux) et sont plus susceptibles de fluctuer dans le temps.